
Louise-Emmanuelle de Tarente
Le 23 juillet 1763
Louise-Emmanuelle de Châtillon naît à Paris.
Elle est la fille de Louis Gaucher duc de Châtillon (dernier duc de ce nom) et d’Adrienne-Amélie-Félicité de la Baume le Blanc de La Vallière, petite nièce de la célèbre carmélite Louise de la Miséricorde, dont l’austère pénitence a presque fait oublier les faiblesses de la duchesse de La Vallière.
Veuve àç vingt-deux ans, madame de Châtillon se consacre toute entière à l’éducation de ses deux filles. Leur grand-mère, la belle duchesse de La Vallière, la seconde dans cette charge.

Louise-Emmanuelle de Châtillon
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste (1754-1793) épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793).

Marie-Antoinette par Ducreux

Le mariage vu par Sofia Coppola (2006)
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
Le 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.


Le 20 juillet 1781
Louise-Emmanuelle de Châtillon épouse Charles-Bretagne-Marie-Joseph prince de Tarente, plus tard duc de la Trémoille, pair de France. Elle a dix-huit ans, lui n’en a que dix-sept.

Les rois de France et les ducs de Bourgogne donnent aux ducs de la Trémoille le titre de cousin, mérité par d’éclatants services. Au XVIe siècle, cette puissante famille a revendiqué des droits incontestables à la couronne de Naples par le fait du mariage d’un prince de Talmont, en 1521, avec une petite-fille de Frédéric V d’Aragon, Roi de Naples. C’est pourquoi le fils prenait le titre de prince de Tarente qui était dans ces temps-là celui du prince royal de Naples.
Leur fille unique mourra en bas âge.
Le 22 juillet 1781
La nouvelle princesse de Tarente est présentée au Roi et prend le tabouret.
Peu à peu, la Reine l’introduit dans Son intimité.
En mai 1785
Madame de Tarente est nommée dame du palais de la Reine Marie-Antoinette qui «l’aimait et estimait infiniment» (Madame Campan. Mémoires, Paris, Mercure de France, 1998, p.332).

Marie-Antoinette par Kucharski
La Reine lui donne un chien en signe de Son affection.
« Un jour qu’Elle était dans sa chambre à coucher avec une personne qui parlait et s’affligeait avec Elle de tout ce qui se disait sur le Roi et évitait soigneusement de lui parler d’Elle: « Vous ne dites rien de moi, » reprit la Reine; croyez-vous que j’ignore ce qui se dit? » Et, s’approchant de la fenêtre avec beaucoup de calme, Elle montra le côté de Saint-Cyr: « Voilà mon chemin » dit-Elle.»
Mémoires de la princesse de Tarente
Elle devait faire référence à un exil au Couvent, non?
La princesse de Tarente est une femme au caractère bien trempé, à qui il aurait fallu passer sur le corps pour s’attaquer à la Reine.

Marie-Antoinette par Kucharski
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à Versailles.

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le duc de Normandie devient Dauphin.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Tableau de Jacques-Louis David
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.


La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.

Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

En quittant Versailles, avec de nombreux souvenirs de sa royale amitié, Marie-Antoinette donne à Sa fidèle dame du palais, Son griffon favori. Madame de Tarente est représentée dans un tableau de la galerie de Bonnelles, grave et sérieuse, caressant le gentil animal, symbole de l’amitié toujours dévouée et désintéressée. Ce petit chien, de race écossaise à longs poils noirs avec des yeux brillants et saillants et de longues oreilles.
En juin 1791

La semaine précédant le départ pour Montmédy, la Reine, secondée par Madame de Tourzel, fait tout pour que la princesse rejoigne son mari à Nice, mais celle-ci résiste de nombreux jours avant d’accepter la mort dans l’âme de passer une semaine à la campagne près de Paris. Mais dès le retour de la Famille Royale, la duchesse de Duras, la marquise de La Roche-Aymon et elle se précipitent auprès d’Elle.

Marie-Antoinette par Kucharski
Le 20 juin 1792

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine,
elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
Le Roi refuse.
A cette époque, la princesse de Tarente, ne voulant pas quitter la Reine, demande à madame de Tourzel la permission d’occuper une chambre de son appartement. C’est alors que naît entre Pauline de Tourzel et la princesse une amitié qui durera longtemps.
Le 10 août 1792
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.

Traversant le jardin des Tuileries, Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge grillagée du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logotachygraphe) , où ils restent toute la journée.

Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».

La position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du Roi est alors exécutée et l’on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le Roi sacrifie les Suisses en leur ordonnant de rendre les armes en plein combat.

Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 300 sont tués au combat ou massacrés en tentant de se rendre aux attaquants après avoir reçu l’ordre du Roi de rendre les armes en plein combat.


Le Roi est suspendu de ses fonctions.
Malgré la Révolution française, la princesse de Tarente refuse de quitter la famille royale et devient témoin de la prise des Tuileries.
La princesse de Tarente est mentionnée dans les mémoires de Madame de Tourzel comme une des dames restant jusqu’au bout auprès de la Reine aux Tuileries. C’est elle qui emmène Pauline hors du palais, manquant de peu d’être massacrées. partant avec d’autres dames dont Ernestine Lambriquet, elles ont la chance de rencontrer un «patriote» qui les aident à sortir par derrière le château, côté Louvre.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles. Quatre pièces du couvent leur avaient été assignées pendant trois jours.


La princesse de Tarente est arrêtée quelques jours plus tard et incarcérée dans la prison de l’Abbaye après avoir refusé de déposer contre la Reine.

La Tour du Temple

Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) à la prison de la Force.
Massacre de la princesse de Lamballe
La tête de la princesse , fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Lors des massacres de septembre 1792
Louise-Emmanuelle réussit à cacher son identité et recouvre la liberté.
« La princesse de Tarente se sauva à force d’héroïsme. Traduite devant les juges-bourreaux du 2 septembre, après avoir attendu son tour pendant quarante heures, sans fermer l’œil, au milieu des cris des victimes qu’on immolait, et des angoisses de celles qui allaient être massacrées, elle retrouva toute son énergie, lorsqu’elle vit que les interrogatoires qu’on lui faisait tendaient à obtenir d’elle des déclarations qui inculpassent la Reine. Elle réfuta si victorieusement toutes les calomnies sur lesquelles elle était interrogée, que l’opinion de tout auditoire, hautement prononcé, força ses juges à la déclarer innocente. »
L’ Histoire de la Révolution de France de Bertrand de Moleville, parue en 1801-1803
Elle émigre en Angleterre et vit à Londres sur la pension payée par la sœur de Marie-Antoinette, Marie-Caroline de Naples.

Elle y écrit ses Souvenirs où elle retrace les premières années de la Révolution et sa détention. Par leur style sobre et laconique ils se rapprochent du genre de la chronique. La fidélité parfaite de l’auteure à la Reine en est le sujet principal.
Le 21 janvier 1793

Louis XVI est exécuté place de la Révolution.

Ce pastel qui appartenait autrefois à la princesse de Tarente fut exécuté par Kucharski au Temple peu après l’exécution du roi. Selon Marguerite Jallut, il s’agit du portrait original, exécuté par le peintre, de la reine en gramailles dont tous les exemplaires successifs auraient ensuite été tirés. Le pastel, disparu pendant la deuxième guerre mondiale, était accompagné de deux inscriptions, l’une presque annulée, l’autre une transcription de la première :
« Ce portrait de Marie-Antoinette, reine de France, fut peint par ′′ Koharski ′′ qui, se trouvant en service comme garde nationale au Temple après la mort de Louis XVI, il a pu voir la reine à chaque fois. Elle avait déjà peint cette princesse en 1780. Elle a tracé ce dessin et jusqu’au dernier détail de ses robes de deuil.»
Le 16 octobre 1793
Marie-Antoinette est guillotinée.

Louise de Tarente à son amie Charlotte Atkyns (qui a tenté de sauver, en vain, la Reine de l’échafaud) :
« J’ai commencée ma journée aux pieds des autels, couverte et environnée de deuil, ma seule mon unique pensée à été Elle; tous mes vœux, toutes mes prières les plus ferventes, Elle en a été l’objet, et j’ai demandé au ciel un bonheur dont je ne peux plus être témoin, c’est dans cette disposition triste que j’ai reçue en rentrant votre touchante lettre […] j’accepte avec transport l’offre d’une amitié qui m’attache à l’amie de celle que j’ai aimée plus que tout au monde et à laquelle je resterai également intéressée malgré le temps qui détruit tout.
Votre lettre ma chère, ma tendre amie est sur mon cœur, sur un cœur tout à vous, qui est lié au votre par des liens qui ne sont plus en notre pouvoir, mais qu’une connaissance plus ancienne resserrera et rendra aussi long que notre vie, j’ai lue en tremblant un des articles de votre lettre, celui où vous dites, qu’elle me regardait comme à Elle, c’est à genoux que je vous remercie du bonheur que vous m’avez donné, mais, hélas… je ne puis en jouir.»

Le 8 juin 1795

L’annonce de la mort en prison du fils du défunt Roi Louis XVI âgé de dix ans, Louis XVII pour les royalistes, permet au comte de Provence de devenir le dépositaire légitime de la couronne de France et de se proclamer Roi sous le nom de Louis XVIII. Pour ses partisans, il est le légitime Roi de France.

Le comte de Provence par Adélaïde Labille-Guiard
Le 19 décembre 1795
Marie-Thérèse, l’Orpheline du Temple, quitte sa prison escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle, où elle est remise aux envoyés de l’Empereur François II.

La princesse de Tarente
En mars 1797
La princesse de Tarente est invitée en Russie par l’Empereur Paul Ier et sa femme Marie Fedorovna qui ont fait sa connaissance lors de leurs voyage en France en 1782.

En juillet 1797
Elle arrive à Saint-Pétersbourg en compagnie de son beau-frère le duc de Crussol. Elle est nommée dame d’honneur de l’impératrice russe mais tombe bientôt en défaveur auprès de Paul Ier, d’humeur très changeante. Cependant elle continue à prendre part à la vie de la cour comme dame d’honneur. Elle est accueillie dans la famille de la comtesse Varvara Golovina à laquelle sont adressées ses nombreuses lettres écrites lors de leurs séparations provisoires. Elle apporte en Russie le manuscrit des Souvenirs qui est lu par la comtesse Golovina, les membres de sa famille et son entourage.
Voici la lettre du 14 août 1797 que la princesse adresse à son amie Charlotte Atkins, avec laquelle elle partageait sa dévotion pour Marie-Antoinette:
« I am received and treated with consideration by many people here (elle était à Richmond), they take pleasure in showing their admiration for my conduct. My conduct! Ah! When fate brought one in contact with Her, was it possible to help adoring her? What merit was there in being faithful to Her, when one could not possibly have been anything else?»
« It was She brought us together Charlotte, my love for you shall be my last and dearest devotion, I promise you.»
Lettre du 15 Octobre 1797
« For who can understand all that we feel about her…no-one, no-one! Its’ better to say nothing and I have said nothing. …I came home to bed and to thoughts of Her and you….my heart aches so deeply and feels so heavy that I feel as if I were carrying a load and I can’t think clearly. I can’t think of anything but her. »
à savoir :
« Pour qui peut comprendre tout ce que nous ressentons pour elle…personne,personne,c’est mieux de ne rien dire et je n’ai rien dit… Je suis venu me coucher et penser à elle et à vous… mon cœur me fait tellement mal et me semble si lourd que j’ai l’impression de porter une charge et que je ne peux pas penser clairement, je ne peux penser qu’à elle.»
Durant l’été 1798
Madame Vigée Le Brun (1755-1842) séjourne dans une datcha (résidence secondaire à la campagne) proche de celle de la comtesse Golovina, où logent la princesse de Tarente et la comtesse Tolstaïa.
Le 9 juin 1799
La fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse , épouse son cousin, Louis-Antoine, duc d’Angoulême (1775-1844), fils du comte d’Artois, en présence du comte de Provence et de son épouse. La cérémonie est célébrée par l’évêque de Metz, grand aumônier de France.

Louis-Antoine d’Artois, duc d’Angoulême, Dauphin de France

Marie-Thérèse et Louis-Antoine d’Angoulême
Le 9 novembre 1799
Napoléon Bonaparte (1769-1821) dirige la France par son coup d’Etat.
Du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804
Bonaparte est Premier consul.

Pendant l’automne 1801
Madame de Tarente part en France et vit chez sa mère à Paris et à Wideville (à une trentaine de kilomètres de Paris). Elle ne veut plus renouer avec son mari. Elle n’est pas rayée de la liste des émigrés et ne le sera jamais. Trois ans plus tard, elle repartira en émigration définitive car jamais elle ne se fera aux mœurs nouvelles de la France consulaire.
En 1804
Madame de Tarente rentre en Russie avec la famille des Golovine venue à Paris en 1802. Là-bas, elle continue à vivre avec eux et rencontre dans leur maison plusieurs émigrés français parmi lesquels le fervent royaliste et catholique chevalier J.-D. Bassinet d’Augard et le jésuite, le Père Rozaven. Le comte Joseph de Maistre figure aussi dans le salon de Golovina. On attribue à ce cercle catholique un rôle important dans la conversion au catholicisme de la comtesse Golovina, de ses deux filles et de quelques autres dames russes (y compris la célèbre Sophia Svetchina).
En France
Du 18 mai 1804 au 11 avril 1814
Napoléon Ier règne sur la France en tant qu’Empereur.
Le 2 décembre 1804

Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris.
Madame de Tarente maintient des relations avec la fille de Marie-Antoinette, la duchesse d’Angoulême, et après la chute de Napoléon, s’apprête à la rejoindre. Mais peu de temps après l’entrée des troupes alliées à Paris, la princesse, gravement malade, meurt dans la maison de campagne des Golovine aux environs de Saint-Pétersbourg.
Elle était fort estimée par l’épouse d’Alexandre Ier, l’impératrice Elisabeth Alexeïevna et plusieurs Russes, surtout des femmes de la haute société qui l’appelaient après sa mort «la bienheureuse». Jacques Delille chante sa conduite héroïque lors de la Révolution dans son poème Le Malheur et la Pitié (première édition, sous le titre La Pitié, 1803):
«Quels prodiges de foi, de constance et d’amour!
Tarente, que te veut cet assassin farouche?
A trahir ton amie, il veut forcer ta bouche.
En vain s’offre à tes yeux le sanglant échafaud;
Ta reine, dans les fers, te parle encor plus haut.
Chaque âge, chaque peuple ont eu leur héroïne;
Thèbes eut une Antigone, et Rome une Epponine (…)»
Madame Golovina parle d’elle dans ses Souvenirs écrits entre 1813 et 1817 et publiés en 1899.

Le 6 avril 1814
Vaincu par les alliances étrangères, Napoléon abdique.
Louis-Stanislas, comte de Provence, est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII le Désiré.


Le 4 juillet 1814
La princesse de Tarente meurt à Saint-Pétersbourg, en protestant qu’elle n’a point besoin de pardonner à ses persécuteurs, parce qu’elle ne les a jamais haïs.