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La toilette de représentation

Marie-Antoinette par Heinrich Lossow

La toilette de représentation, c’est-à-dire publique, commence à midi. Pour en comprendre le déroulement, il nous faut en premier lieu nous attarder sur les meubles et ustensiles employés à cet usage, légèrement différents de ceux découverts lors de la toilette privée.

 

Le meuble de toilette et le nécessaire

Les Garçons de la Garde-Robe transportent le meuble de toilette, vraisemblablement du cabinet des bains du premier étage jusqu’au milieu de la Chambre.

Il s’agit, d’après Madame Campan (1752-1822), du plus beau meuble chez chacune des princesses de la famille royale. Cela montre à quel point la Toilette tenait une importance considérable dans la vie de représentation des princesses et en particulier chez la Reine.


Image de Royal Affair (2012) de Nikolaj Arcel

Ce meuble n’a pas survécu à la Révolution. Comme d’ailleurs la plupart de ceux des autres résidences royales, hormis quelques rares rescapés moins luxueux, dits de campagne.


Les Liaisons Dangereuses (1989) de Stephen Frears

Apparemment d’après Madame Campan, celui de Versailles est le plus beau meuble que Marie-Antoinette a… Elle en possède deux de vermeil, un petit pour son cabinet de toilette, que nous avons découvert lors de sa toilette privée et vraisemblablement réutilisé pour les petites retouches de la journée et un grand pour sa Toilette publique (Pierre Verlet).

Pierre Verlet a étudié cette toilette de vermeil, chef-d’œuvre de Thomas Germain, commandée pour la Dauphine Marie-Thérèse d’Espagne, utilisée ensuite pour Marie-Josèphe de Saxe et passée par la suite à sa belle-fille Marie-Antoinette.
Elle dispose également de nombreux et élégants nécessaires, comme celui offert à la Comtesse du Nord.

https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/le-petit-jour-chez-la-reine/

Celui utilisé pour sa grande chambre de Versailles, également étudié par Pierre Verlet était composé de plus d’une cinquantaine de pièces : un grand miroir et un petit miroir pour la coiffure ; quatre « carrés de toilette » grands et moyens, servants de coffrets plats pour ranger les ustensiles ; les brosses, les étuis etc ; une aiguière et sa jatte pour les ablutions ; deux boîtes à mouches ; deux ferrières ou flacons pour l’eau de toilette ; une nef pour les racines et l’opiat des dents ; un pot de pâte pour l’onguent du visage ; deux gantières ou « salve » pour présenter les objets à la Reine ; deux gobelets couverts ; deux soucoupes à pied ; une tasse couverte ; quatre flambeaux, ; un bougeoir à deux bobèches ; un porte-mouchette pour le luminaire de la table ; plusieurs petits outils comme une vergette ; deux brosses à peigner ; deux plombs ; une sonnette ; un crachoir ; une aiguille de tète ou pelote à épingles ; un couteau en or.

Gluck - Christoph Willibald von Gluck Ma_yo_10
La Reine à sa toilette. Frontispice du recueil du coiffeur Depain (1780)

Aujourd’hui, exposés au Louvre et au musée de Grasse, nous disposons encore de deux nécessaires de toilette commandés par Marie-Antoinette, mais de voyage donc moins riches, qu’elle pense utiliser lors de son départ de Paris en juin 1791. Le deuxième, exacte copie, fut conçu en cadeau pour sa sœur Marie-Christine, gouvernante des Pays-Bas autrichiens, dans l’intention de réduire les soupçons d’une fuite (Mémoires de madame Campan).

Le nécessaire de voyage de Marie-Antoinette, par Jean-Pierre Charpenat (orfèvre), François Joubert (orfèvre), Lethien (coutelier), Jean-Philippe Palma (ébéniste) Musée du Louvre

Les Grandes Entrées

Comme le dit, elle-même, Marie-Antoinette :

A midi, on appelle la chambre et là tout le monde peut entrer, ce qui n’est point des communes gens

Marie-Antoinette, lettre à sa mère du 12 juillet 1770
thebrassglass:
“A 14-piece toilet service set, England, ca. 1750.
”
Service de toilette anglais de la moitié du XVIIIe siècle

Les plus grandes dames de la Cour

A midi arrivent les plus grandes dames de la Cour, à savoir la Surintendante de la Maison de la Reine, sa Dame d’Honneur, sa Dame d’Atours, déjà présentes lors des Petites Entrées.
Peut également entrer désormais la Gouvernante des Enfants de France : la comtesse de Marsan jusqu’en 1775 ; la princesse de Guéménée jusqu’en 1782 ; la duchesse de Polignac jusqu’en 1789 ; pour finir par la marquise de Tourzel jusqu’en 1792.

La princesse de Guéménée et Madame Royale
La duchesse de Polignac par madame Vigée Le brun

Ces dames entrent les premières et ayant droit au « tabouret » s’asseyent sur des pliants préparés par les Valets de la Chambre.

La chambre de la Reine
Pliants de la Chambre de la Reine

La Toilette peut commencer à l’arrivée de la Surintendante. En cas d’absence, c’est la Dame d’Honneur qui préside, remplacée si besoin par la Dame d’Atours et le cas échéant, par la plus âgée des Dames du Palais. Dès leur entrée qui sonne le début du cérémonial de la Toilette, on procède à la coiffure de la Reine. Celle-ci est déjà coiffée durant son temps de toilette privée, auprès de l’un de ses coiffeurs mais la Dame d’Honneur, assistée de la Première Femme, tient symboliquement le peigne devant le public. Les deux Femmes de Chambre qui terminent leur service et bientôt relayées par deux autres arrangent quelques boucles ou rajoutent quelques petits colifichets.

Les Dames du Palais

Les Dames du Palais, au nombre de douze se relayent par équipe de quatre par semaine. Elles ne sont pas tenues à assister aux Petites Entrées depuis la réforme souhaitée par Marie-Antoinette qui reçoit à ce moment ses fournisseurs préférés et n’entrent qu’à l’arrivée des dames précédemment nommées, patientant dans le Grand Cabinet (Salon des Nobles). Elles l’accompagnent ensuite à la messe. Elles servent de société à la Reine tout le reste de la journée.

Liste des dames du palais de Marie-Antoinette :

1774

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse de Tavannes

Mme la princesse de Chimay

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Duras

Mme la marquise de Mailly

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la duchesse de Luxembourg

La duchesse de Duras


La comtesse de Tavannes, puis duchesse de Saulx-Tavannes

1775

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la comtesse de Gramont

Mme la marquise de Tonnerre

Mme la princesse de Chimay

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Durfort

Mme la marquise de Mailly

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la comtesse de Tavannes

Marie-Antoinette par Heinrich Lossow

1776-1777-1778

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse de Tavannes

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Duras

Mme la marquise de Tonnerre

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

1779-1780

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse de Tavannes

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Duras

Mme la marquise de Tonnerre

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la duchesse de Choiseul

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

Mme la princesse d’Hénin

1781

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la duchesse de Duras

Mme la duchesse de Choiseul

Mme la comtesse de Talleyrand

Mme la marquise de Tonnerre

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

Mme la princesse d’Henin

Mme la comtesse de Dillon

1782-1783

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse de Tavannes

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Chaulnes

Mme la duchesse de Duras

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

Mme la princesse d’Henin

Mme la comtesse de Dillon

Mme la princesse de Berghes

Mme la duchesse de Fitz-James


La duchesse de Fitz-James

1784

Mme la comtesse de Gramont

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse de Tavannes

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Duras

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

Mme la princesse d’Henin

Mme la princesse de Bergues

Mme la duchesse de Fitz-James

Mme la comtesse de Polastron


La comtesse de Polastron

1785

Même liste que 1784

Mme la comtesse de Juigné, surnuméraire


La comtesse de Juigné

1786-1787-1788

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse de Gramont

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Duras

Mme la duchesse de Beauvillier

Mme la vicomtesse de Choiseul

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de la Roche-Aymon

Mme la princesse d’Henin

Mme la princesse de Berghes

Mme la duchesse de Fitz-James

Mme la comtesse de Polastron

Mme la comtesse de Juigné, surnuméraire

Mme la vicomtesse de Castellane

Mme la comtesse de Tavannes

1789

Mme la marquise de Talleyrand

Mme la comtesse d’Adhémar

Mme la duchesse de Duras

Mme la duchesse de Luxembourg

Mme la duchesse de Luynes

Mme la marquise de La Roche-Aymon

Mme la princesse d’Henin

Mme la princesse de Bergues

Mme la duchesse de Fitz-James

Mme la comtesse de Polastron

Mme la comtesse de Juigné, surnuméraire

Mme la vicomtesse de Castellane

Mme la princesse de Tarente

Mme la comtesse Eugénie de Gramont

Mme la comtesse de Maillé

Mme la duchesse de Saulx-Tavannes


La princesse de Tarente

La comtesse de Maillé

Une fois admises dans la Chambre, les dames se placent à droite et à gauche sur deux ou trois rangs en laissant libre le milieu de la chambre et la porte d’entrée. Il y a un nombre égal de duchesses (qui ont donc droit au tabouret) et de femmes titrées, parfois d’extraction plus anciennes.

Après la coiffure, la Reine procède à une sommaire toilette de propreté – qui n’est qu’un simulacre d’Étiquette : on lui lave les mains, on la poudre devant tout le monde. Elle achève cette toilette entourée de ses femmes, toutes en grand habit.


Les Liaisons Dangereuses (1989)

A ce moment peuvent entrer les membres de la famille royale et les princes et princesses du sang. Ils n’arrivent pas tous au même moment et entrent au fur et à mesure, selon leur propre lever et toilette, également publiques.

Les princesses de la famille royale et du sang

La comtesse de Provence:

Marie-Joséphine de Provence

La comtesse d’Artois:

Marie-Thérèse d’Artois

La duchesse de Chartres puis d’Orléans:

Marie-Adélaïde d’Orléans
par Elisabeth Vigée le Brun

La duchesse de Bourbon:

Louise-Marie-Thérèse Bathilde d’Orléans, duchesse de Bourbon (1750-1822) par Carmontelle

La princesse de Conti, grand-mère et petite-belle-fille (anciennement comtesse de La Marche):



A ma connaissance, les filles non mariées, donc Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, ainsi que les belles-sœurs de Marie-Antoinette Mesdames Clotilde et Élisabeth n’ont pas droit aux Grandes Entrées. Sans oublier les princesses du sang, Mademoiselle d’Orléans et mademoiselle de Condé.

Il me semble également qu’elles n’assistent pas aux couches des Reine et princesses.

Les princes de la famille royale, les princes du sang et légitimés

Le comte de Provence :

Le comte de Provence

Le comte d’Artois :

Le comte d’Artois

Le duc d’Angoulême :

Le duc d’Angoulême

Le duc de Berry :

Charles-Ferdinand, duc de Berry, par Joseph Boze, 1783

Le duc d’Orléans :

Le duc d’Orléans

Le duc de Chartres puis d’Orléans :

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Le duc de Chartres puis d’Orléans

Le duc de Valois puis duc de Chartres :

Le duc de Valois puis duc de Chartres

Le duc de Montpensier :

Le duc de Montpensier

Le comte de Beaujolais :

Le comte de Beaujolais

Le prince de Condé :

Le prince de Condé

Le duc de Bourbon :

Le duc de Bourbon

Le duc d’Enghien :

Le duc d’Enghien

Le prince de Conti :

Le prince de Conti

Le comte de La Marche puis de Conti:

Le comte de La Marche puis de Conti

Le comte d’Eu:

Le comte d’Eu

Le duc de Penthièvre:

Le duc de Penthièvre

Marie-Antoinette n’entretient pas de très bonnes relations quant à plusieurs d’entre eux. Si ses rapports avec ses belles-sœurs et le comte de Provence sont assez tendus, une véritable vie familiale existe néanmoins au sein de la famille royale. Chacun se reçoit régulièrement à dîner ou à souper. Ses beaux-frères se font un point d’honneur d’assister le plus souvent possible à la coiffure de la Reine.

Il n’en va pas du tout de même avec les princes du sang. Hormis à quelques rares grandes occasions d’Étiquette, peu doivent faire l’effort de se rendre à la Toilette de la Reine. L’antipathie est réciproque.

Finissons par dire qu’outre certains sont trop jeunes avant 1789 et n’ont donc pas pu beaucoup, voire pas du tout, assister à ces Toilettes publiques (les ducs d’Angoulême et de Berry, les ducs de Valois puis Chartres, Montpensier et Beaujolais et le duc d’Enghien),  au moins deux d’entre eux étaient de véritables vieillards à l’avènement de Louis XVI et meurent en 1775 (la première princesse de Conti et le comte d’Eu).

L’Huissier de la Chambre (MM. Bichard de Chanflay, Champion, ordinaires ; Thierry des Courbon, du Moustier en survivance 1 ; Aubert, de Georges 2 ; Champion, Le Prince, Grenier 3 ; Campan fils, Diet 4) se tient à la porte et filtre toutes les entrées.

Il ouvre les deux battants uniquement pour les membres de la famille royale et annonce leur nom à haute voix.

Entrent également au moment de la coiffure, les capitaines des gardes et les autres grandes charges de cour.

Les capitaines des gardes (liste de 1789)

Le capitaine des Cent-Suisses : le duc de Brissac

Le duc de Brissac

Le capitaine des gardes du corps du Roi, compagnie écossaise, quartier de janvier : le duc d’Ayen

Le duc d’Ayen

Le capitaine des gardes du corps, première compagnie française, quartier d’avril : le prince de Poix

Le prince de Poix

Le capitaine des gardes du corps, deuxième compagnie française, quartier de juillet : le duc de Villeroy, le duc de Guiche en survivance.

Le capitaine des gardes du corps, troisième compagnie française, quartier d’octobre : le prince de Luxembourg, le comte de Luxembourg en survivance.

Les grandes charges de la Cour

Nous ne détaillerons pas ici tous les titulaires de ces charges, car cela est superflu pour ce sujet.

Indiquons seulement les titres.

Le Grand Aumônier de la Couronne

Le Premier Aumônier du Roi

Le Premier Aumônier de la Reine

Le Grand Maître de France

Le Grand Aumônier de France

Le premier Aumônier de France

Le grand Chambellan de France

Les premiers Gentilshommes de la Chambre du Roi

Le Grand Maître de la Garde-Robe du Roi

Le Grand Écuyer de France

Le Premier Écuyer de France

Le Premier Maître d’Hôtel du Roi

Le Grand Échanson de France

Le Grand Panetier de France

Le Grand Tranchant de France

Le Grand Veneur de France

Le Grand Louvetier de France

Le Grand Fauconnier de France

Le Grand Maitre des Cérémonies de France

Le Grand Maréchal des Logis de France

Et toutes les grandes charges de la Maison de la Reine, en plus de sa Chambre : Chapelle, Garde-Robe, Bouche, Cabinet, Conseil.

Sans oublier les ministres et secrétaires d’État.

Il va de soi que tous n’assistent pas à la Toilette tous les jours. Notre propos est d’indiquer ceux susceptibles d’être présents. Certains se font un honneur d’y être présents le plus souvent possible, d’autres au gré des circonstances (journées de cérémonies, sollicitations particulières auprès de la Reine…).

Marie-Antoinette les reçoit ainsi :

« La reine saluait de la tête, ou par une inclination du corps, on en s’appuyant sur sa toilette, pour indiquer le mouvement de se lever : cette dernière manière de saluer était pour les princes du sang. Les frères du roi venaient aussi assez habituellement faire leur cour à Sa Majesté pendant qu’on la coiffait.»

Madame Campan, Éclaircissements historiques

Ces personnes peuvent lui remettre un placet. Marie-Antoinette les fait passer par sa Dame d’Honneur, sa Première Femme, son lecteur ou son secrétaire des commandements.

« Le secrétaire particulier des secrétaires des commandements prenait tous les dimanches, sur la commode de la chambre de la reine, la totalité des placets qui lui avaient été présentés pendant le cours de la semaine. Il en faisait un relevé, et ils étaient envoyés par le secrétaire des commandements aux différents ministères. Il en résultait ordinairement fort peu de chose pour les solliciteurs, à moins qu’il ne se trouvât parmi ces mémoires des réclamations de toute justice ; mais au moins on était sûr que les certificats originaux, les titres de famille, que l’on a souvent l’imprudence de joindre aux mémoires ou pétitions, étaient fidèlement renvoyés. La reine emportait dans son cabinet particulier tous les mémoires qu’elle avait le projet d’apostiller ou de remettre elle-même aux ministres.»

Marie-Antoinette termine donc sa coiffure, par un simulacre d’Étiquette se lave les mains et fait mine de mettre son rouge, ce qui était fait depuis longtemps. C’est alors que l’Habillement peut enfin se faire.

L’Habillement de la Reine

Par bienséance, les hommes sortent :

« Je mets mon rouge et lave mes mains devant tout le monde, ensuite les hommes sortent et les dames restent et je m’habille devant elle.»

Marie-Antoinette, lettre à sa mère du 12 juillet 1770

C’est ici que nous pouvons enfin placer le célèbre extrait de madame Campan, ou l’interprétation qu’en fait Sofia Coppola, vus en introduction de notre étude.

« L’habillement de la princesse était un chef-d’œuvre d’Étiquette ; tout y était réglé. La dame d’honneur et la dame d’atours, toutes deux si elles s’y trouvaient ensemble, aidées de la première femme de chambre et de deux femmes ordinaires, faisaient le service principal ; mais il y avait entre elles des distinctions. La dame d’atours passait le jupon, présentait la robe. La dame d’honneur versait l’eau pour laver les mains et passait la chemise. Lorsqu’une princesse de la famille royale se trouvait à l’habillement, la dame d’honneur lui cédait cette dernière fonction, mais ne la cédait pas directement aux princesses du sang ; dans ce cas, la dame d’honneur remettait la chemise à la première femme qui la présentait à la princesse du sang. Chacune de ces dames observait scrupuleusement ces usages comme tenant à des droits. Un jour d’hiver, il arriva que la reine, déjà toute déshabillée, était au moment de passer sa chemise, je la tenais toute dépliée ; la dame d’honneur entre, se hâte d’ôter ses gants et prend la chemise. On gratte à la porte, on ouvre :  c’est madame la duchesse d’Orléans ; ses gants sont ôtés, elle s’avance pour prendre la chemise, mais la dame d’honneur ne doit pas la lui présenter ; elle me la rend, je la donne à la princesse ; on gratte de nouveau : c’est Madame, comtesse de Provence ; la duchesse lui présente la chemise. La reine tenait ses bras croisés sur sa poitrine et paraissait avoir froid. Madame voit son attitude pénible, se contente de jeter son mouchoir, garde ses gants et, en passant la chemise, décoiffe la reine, qui se met à rire pour déguiser son impatience, mais après avoir dit plusieurs fois entre ses dents : « C’est odieux !  Quelle importunité ! » ».

Comme nous l’avons constaté, la Reine à ce moment n’est ni à peine réveillée, ni nue ou même en légère chemise, bas et jupon. Il est déjà midi bien avancé.

artschoolglasses:
“ Stays, 1780-90
Victoria and Albert Museum, London
”

Les princesses de la famille royale ou du sang qui participent à l’Habillement de la Reine ont vécu peu ou prou le même cérémonial depuis leur lever. La Reine doit revêtir les jours de cérémonie une troisième chemise de jour, un corps plus orné que celui du matin, et le «Grand Habit», c’est à dire une robe de Cour particulièrement somptueuse, d’étoffe précieuse, de plusieurs pièces ajustées sur sa personne avec des rubans ou des épingles.


Image des Les Liaisons Dangereuses (1989)

Les dames sont donc assistées de la Femme de la Garde-Robe des Atours qui ajustent les divers éléments.


Image des Les Liaisons Dangereuses (1989)

D’abord un grand corps lacé par devant, une paire de manchettes de dentelles piquées sur celles du corps, une immense jupe posé sur un grand panier de plus de cinq mètres de tour et un bas de robe formant une queue que l’on agrafe à la taille, sans oublier les gants de peau et les souliers assortis.

Les étoffes utilisées dans la confection des grands habits sont d’une très grande richesse. On distingue les grands habits de cérémonie, de ceux à utilisation courante, moins ornés. Les premiers, obligatoirement de brocart d’or ou d’argent, de soie brodée à fond colombin, de soie blanche ou noire relevée de broderies d’or ou d’argent, de velours semé de pierreries, sont utilisés seulement pour les très grandes cérémonies officielles et les fêtes religieuses.


Image des Les Liaisons Dangereuses (1989)

Les autres moins ornés – confectionnés souvent par l’atelier de  Mademoiselle Bertin – sont faits de taffetas violet, chiné or, chiné blanc. Ils sont d’un usage courant et journalier.


Image de Royal Affair (2012)

Rappelons que le grand habit qui est un véritable harnachement pesant entre vingt et quarante kilogrammes selon les tissus et pierreries employés, nécessite l’aide du « porte-manteau » pour soutenir la longueur de la queue, de pages et d’écuyers de main pour se mouvoir sans tomber à la renverse.


Image des Liaisons Dangereuses

On comprend aisément ce pour quoi la Reine, les princesses et les dames de la Cour se déshabillent rapidement, la représentation terminée, pour soulager leurs corps de ce poids énorme.

On verra ainsi la Reine, se débarrasser du panier dès 1778, elle adoptera ensuite le « petit » panier pour les cérémonies et après 1785 utilisera la  robe à la française comme grand habit de Cour, plus simple et surtout moins encombrant.
(Fastes de Cour et Cérémonies royales, Le costume de cour en Europe, 1650-1800).

La robe est passée par le bas afin d’éviter d’abîmer la coiffure, particulièrement haute et sophistiquée en début de règne.
Une fois habillée, les portes sont de nouveau ouvertes pour les hommes.
Marie-Antoinette doit encore s’acquitter d’une nouvelle cérémonie avant de partir pour la messe.

 

Les présentations

A la fin de la Toilette, se déroulent différentes présentations (à l’exception de celles des dames nouvellement arrivées à la Cour). La Reine se place debout au centre de Sa chambre, entourée de sa Dame d’Honneur, sa Dame d’Atours, des quatre Dames du Palais de semaine, de son Chevalier d’Honneur (le comte de Saulx-Tavannes, père et fils), son Premier Écuyer (le comte de Tessé, le duc de Polignac en survivance), son personnel ecclésiastique (que nous détailleront dans un autre article), les princesses de la famille royale, tous prêts à l’accompagner pour la messe en traversant la Grande Galerie y rejoindre le Roi puis le Grand Appartement, jusqu’au vestibule de la tribune de la famille royale.

Les pages ne sont pas loin, prêts à aider la Reine, les princesses et les dames, toutes engoncées dans leur grand habit, trop lourd. La Reine dispose également d’un porte-manteau, qui lui tient la traîne (Monsieur de Montmirel puis Monsieur Bluget d’Harmeville).

C’est durant ce moment avant de sortir que la Reine accueille ceux qui lui sont présentés.

La signature des contrats

Son secrétaire des commandements présente la plume à la Reine qui signe divers contrats notamment les mariages concernant les membres de sa Maison ou de grandes familles de la Cour.

 

Les présentations de congé des colonels

Les colonels ont obligation de se présenter à la Reine afin de prendre congé avant de rejoindre leurs régiments.

Les ambassadeurs

Les ambassadeurs sont introduits chez la Reine, tous les mardis matin, accompagnés de l’Introducteur des Ambassadeurs de service, Monsieur de La Live de La Briche, et de M. de Séqueville, secrétaire des ambassadeurs. L’Introducteur vient ordinairement, à la Toilette de la Reine, la prévenir des présentations d’étrangers qui auront lieu.

L’Huissier de la Chambre :

« quittait son poste pour venir nommer, à la dame d’honneur, les personnes que l’on présentait ou qui venaient prendre congé : cette dame les nommait, en second, à la reine, au moment où ils saluaient ; si elle était absente, ainsi que la dame d’atours, la première femme prenait sa place, et remplissait les mêmes fonctions »

Madame Campan, Éclaircissements historiques

A midi et demi selon Marie-Antoinette jeune Dauphine, mais vraisemblablement plus tard une fois Reine lorsque l’on voit point par point tout ce qui l’attend depuis midi, le cortège pour la messe peut enfin se mettre en route.

La Toilette de la Reine est désormais terminée. La messe et les autres temps forts de sa journée feront l’objet de nouveaux articles.

La famille royale se rendant à la messe dans Jefferson à Paris de James Ivory (1995)

Le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette se rendent à la messe.

« Les femmes se rendent, quelques minutes avant midi, dans le salon qui précède la chambre de la Reine. On ne s’assoie pas, à l’exception des dames âgées, fort respectées alors, et des jeunes femmes soupçonnées d’être grosses. Il y a toujours au moins quarante personnes et souvent beaucoup plus. Quelquefois nous sommes très pressées les unes contre les autres, à cause de ces grands paniers qui tiennent beaucoup de place. Ordinairement, Madame la princesse de Lamballe, surintendante de la Maison, arrive et entre immédiatement dans la chambre à coucher où la Reine fait sa toilette. Le plus souvent, elle arrive avant que Sa Majesté la commence…. Au bout de quelques minutes, un huissier s’avance à la porte de la chambre et appelle à haute voix : « Le service ! » Alors les dames du palais de semaine, au nombre de quatre, celles venues pour faire leur cour dans l’intervalle de leurs semaines, ce qui est de coutume constante, et les jeunes dames appelées à faire plus tard partie du service du palais, comme la comtesse de Maillé, née Fitz-James, la comtesse Mathieu de Montmorency et moi, entrent également. Aussitôt que la Reine nous a dit bonjour à toutes individuellement avec beaucoup de grâce et de bienveillance, on ouvre la porte, et tout le monde est introduit. On se range à droite et à gauche de l’appartement, de manière que la porte reste libre et qu’il n’y ait personne dans le milieu de la chambre. Bien des fois, quand il y a beaucoup de dames, on est sur deux ou trois rangs. Mais les premières arrivées se retirent adroitement vers la porte du salon de jeu [Salon de la Paix], par où la Reine doit passer pour aller à la messe. Dans ce salon sont admis souvent quelques hommes privilégiés, déjà reçus en audience particulière auparavant ou qui présentent des étrangers. .. L’audience du dimanche matin se prolonge jusqu’à midi quarante minutes. La porte s’ouvre alors et l’huissier annonce : « Le Roi ! ». La Reine, toujours vêtue d’un habit de cour, s’avance vers lui avec un air charmant, bienveillant et respectueux. Le Roi fait des signes de tête à droite et à gauche, parle à quelques femmes qu’il connaît, mais jamais aux jeunes…. A une heure moins un quart, on se met en mouvement pour aller à la messe. Le Premier gentilhomme de la Chambre d’année, le capitaine des gardes de quartier et plusieurs autres officiers des gardes prennent les devants, le capitaine des gardes le plus près du Roi. Puis viennent le Roi et la Reine marchant l’un à côté de l’autre, et assez lentement pour dire un mot en passant aux nombreux courtisans qui font la haie tout le long de la Galerie. Souvent la Reine parle à des étrangères qui lui ont été présentées en particulier, à des artistes, à des gens de lettres. Un signe de tête ou un sourire gracieux est compté et ménagé avec discernement. Derrière, viennent les dames selon leur rang. C’était un grand art que de savoir marcher dans ce vaste appartement, sans accrocher la longue queue de la robe de la dame qui vous précède. Il ne faut pas lever les pieds une seule fois, mais les glisser sur le parquet, toujours très luisant, jusqu’à ce qu’on ait traversé le Salon d’Hercule.»

Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin,
cité par Pierre de Nolhac, Histoire du château de Versailles (1899)
Image des Adieux à la Reine (2012) de Benoît Jacquot
Arrivée à la tribune royale de la chapelle de Versailles
La tribune royale de la chapelle de Versailles

Sources :

  • Pierre de Nolhac de l’Académie française, Histoire du château de Versailles (1918) ; aux éditions Emile-Paul Frères ( Paris )
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