Si Marie-Antoinette demeure jusqu’alors une petite reine à la mode qui plaît et qui séduit qui La croise, Elle n’est encore «l’Autrichienne» qu’officieusement, au sein de la famille royale (c’est Madame Adélaïde qui Lui infligea la première ce sobriquet assez xénophobe), une escroquerie, dans laquelle Elle est innocente mais qui souille Son nom, l’affaire du collier (qu’Alexandre Dumas qualifiera frauduleusement de la Reine … ) est déjà en route en cette année 1785 qui débute. Et le parti pris du Roi de porter cette malheureuse affaire devant le jugement du Parlement est le premier pas de la monarchie vers la tombe … Dès lors, la France entière se met à La voir comme une étrangère …
Cet article est la suite de celui-ci :
1785
Achèvement des maisons du Hameau de la Reine.
En 1785, construction d’un yacht pour la Reine exclusivement réservé aux voyages à Fontainebleau ( ce cadeau coûtera 60 000 livres ), qui témoigne de Son intention d’y venir fréquemment.
Mais le yacht ne sera utilisé que deux fois.
En 1785
Marie-Antoinette acquiert cet automate de «joueuse de dulcimer» ou tympanon, avec – dit-on – une robe et des cheveux qui viennent de la Reine. Il est réalisé par le fabriquant d’horloges Pierre Kintzing et l’ébéniste de la Cour David Roentgen (1743 – 1807). La Reine l’offre à l’Académie des Sciences.
Le 1er février 1785
Le «collier de l’affaire» est livré au cardinal de Rohan (1734-1803) qui le remet à Jeanne de La Motte (1756-1791), s’attendant à ce qu’il soit donné à Marie-Antoinette. Madame de La Motte et ses complices le font démonter et les diamants sont vendus à la pièce.
Le 20 février 1785
Le Roi offre à Marie-Antoinette le château de Saint-Cloud qu’il a acheté au duc d’Orléans.
Elle souhaite pouvoir y résider avec Ses enfants; l’air y est jugé très sain. Que les ordres y soient donnés «De par la Reine» engendre de nombreuses critiques…
Pour la naissance de Son second fils, Louis-Charles, Marie-Antoinette recourt à un subterfuge qui, sans abolir la pratique intrusive de l’accouchement public, Lui permet d’en limiter la pénibilité.
Le 27 mars 1785 au petit matin
La Reine sent que le travail est imminent. Elle ne met dans la confidence que Son amie la duchesse de Polignac, et donne le change face aux courtisans pour dissiper leurs soupçons. Elle se fait ainsi violence pour repousser jusqu’à l’extrême limite le moment d’en faire l’annonce officielle.
Le Mercure de France rapporte que la Reine a accouché « après un travail fort court » et que de tous les princes du sang, seul le duc de Chartres se trouvait au baptême de l’enfant, « les autres princes et princesses n’ayant pu se rendre assez tôt pour s’y trouver ».
La ruse de la souveraine a parfaitement fonctionné !
Le 27 mars 1785 à sept heures et demie du matin
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII. Son parrain est Monsieur, comte de Provence et sa marraine Marie-Caroline, Reine de Naples.
L’enfant est plus robuste que son frère aîné. La Reine l’aime passionnément.
Le 6 mai 1785
Florens-Louis Heidsieck présente ses vins à Marie-Antoinette. Le tableau situe la scène dans la chambre de la Reine :
Le 24 mai 1785
Lors de Sa visite de Relevailles à Paris, Marie-Antoinette constate que Sa popularité a diminué…
Le 26 mai 1785
Séjour de la Reine à Trianon pour quelques jours.
Le 8 juin 1785
Marie-Antoinette est choquée par le peu d’empressement que Lui marquent les parisiens :
« Mais que leur ai-je donc fait?» s’exclame-t-Elle en rentrant aux Tuileries devant ce premier signe d’impopularité…
Du 19 juin au 12 juillet 1785
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 20 juin 1785
Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 22 juin 1785
Le Roi dîne et soupe à Trianon. Service de la Reine à la chapelle.
Le 23 juin 1785
Le Roi chasse le chevreuil au pavillon de Trivaux. Il dîne à Trianon. Service de la Reine à Notre-Dame.
Les 24, 26 et 29 juin 1785
Bals à Trianon , dans une tente dressée dans le jardin français.
Le 27 juin 1785
Le Roi dîne et soupe à Trianon. Promenade à la ménagerie.
Le 28 juin 1785
Le Roi chasse le chevreuil au Butard, il en prend un et tue vingt-trois pièces. Il soupe à Trianon.
Le 1er juillet 1785
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 2 juillet 1785
Le Roi chasse le chevreuil dans la forêt de Marly et soupe à Trianon.
Le 8 juillet 1785
La Reine se rend à Rambouillet.
Le 12 juillet 1785
La Reine reçoit une lettre des bijoutiers de la Cour à propos du collier acquis en Son nom par le cardinal de Rohan. Elle n’y comprend rien et brûle le document en présence de madame Campan.
Le 25 juillet 1785
Marie-Antoinette revient à Rambouillet.
Le 29 juillet 1785
Baptême du duc d’Angoulême, fils aîné du comte et de la comtesse d’Artois.
Du 1er au 24 août 1785
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 1er août 1785
Ne voyant rien venir, Böhmer interroge madame Campan qui l’informe que le billet est détruit. Böhmer s’écrie alors :
« Ah ! Madame, cela n’est pas possible, la Reine sait qu’elle a de l’argent à me donner ! »
Le bijoutier annonce à madame Campan que la commande a été passée par Rohan sur ordre de la reine. N’en croyant rien, la femme de chambre lui conseille d’en parler directement à la Reine.
Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 2 août 1785
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 4 août 1785
Le Roi ne peut tirer à Meudon à cause de la pluie. Il soupe à Trianon.
Le 5 août 1785
Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Dimanche 7 août 1785
Vêpres et salut . Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 8 août 1785
Le Roi tire à la plaine de Chambourcy et soupe à Trianon.
Le 9 août 1785
Böhmer est reçu par Marie-Antoinette qui, entendant le récit, tombe des nues. Elle lui avoue ne rien avoir commandé et avoir brûlé le billet. Furieux, Böhmer rétorque :
« Madame, daignez avouer que vous avez mon collier et faites-moi donner des secours ou une banqueroute aura bientôt tout dévoilé ».
La Reine en parle alors au Roi et au baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi.
Le 11 août 1785
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 12 août 1785
Le Roi tire à la plaine de Gournay et soupe à Trianon.
Dimanche 14 août 1785
Vêpres et salut. Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 15 août 1785
Le cardinal de Rohan est convoqué par le Roi : il avoue son imprudence mais nie être l’instigateur de l’affaire, faute qu’il rejette sur Madame de La Motte. Il est arrêté le jour même en habits liturgiques dans la Galerie des Glaces devant toute la Cour, alors qu’il se rend à la chapelle du château pour célébrer la Messe de l’Assomption : on le soupçonne d’avoir voulu flétrir l’honneur de Marie-Antoinette. Les proches des Rohan et les ecclésiastiques sont outrés.
Le 18 août 1785
Le Roi tire à la plaine de Montrouge et soupe à Trianon.
Le 19 août 1785
Spectacle à Trianon. Le Barbier de Séville de Beaumarchais (joué à la Comédie-Française dès 1775) est donné à Trianon dans le théâtre privé de Marie-Antoinette : le comte d’Artois joue encore Figaro, le comte de Vaudreuil (amant de Madame de Polignac) interprète Almaviva et… Marie-Antoinette Rosine.
Raphaëlle Agogué est Marie-Antoinette en Rosine dans Louis XVI, L’homme qui ne voulait pas être Roi, de Thierry Binisti (2011)
C’est le dernier spectacle représenté dans le théâtre de la Reine sous l’Ancien Régime ( on y rejouera sous Louis-Philippe).
Le 28 août 1785
On célèbre la cérémonie de baptême du duc d’Angoulême, dix ans, et du duc de Berry, qui a sept ans et demi. Le Roi et la Reine sont les parrains du duc d’Angoulême. Les parrains du petit-duc de Berry sont Carlos III, Roi d’Espagne (représenté par le comte Provence) et sa marraine, Marie Antoinette d’Espagne, Reine de Sardaigne (représentée par la comtesse de Provence).
A la chapelle royale de Versailles, la cérémonie est précédée par Armand de Roquelaure, évêque de Senlis. Aucun prince n’a le ruban bleu sur son costume. Les cent gardes suisses sont en grande tenue.
A partir du 4 septembre 1785
Séjour d’un mois de la Cour au château de Saint-Cloud, pendant lequel le Dauphin Louis-Joseph est inoculé.
Le 23 septembre 1785
Dernières règles de Marie-Antoinette avant Sa quatrième grossesse.
Le 7 octobre 1785
Conception de la petite Madame Sophie.
Du 10 octobre au 16 novembre 1785
Séjour de la Cour à Fontainebleau où Marie-Antoinette se rend en yacht par la Seine.
Madame Royale est, pour la seconde fois, du séjour à Fontainebleau. Durant ce séjour, elle est insupportable. Marie Antoinette lui passe tout.
Le 2 novembre 1785
Opéra : Pénélope de Niccolò Piccini (1728-1800)
Le 17 novembre 1785
Mort du duc d’Orléans. Son fils, le duc de Chartres, le futur Philippe Égalité, succède au titre.
Le 27 décembre 1785
Axel de Fersen écrit à Gustave III :
« Madame de Polignac se soutient toujours elle est toujours aussi bien qu’elle était, mais depuis le départ de M. Calonne les individus de sa société ne sont plus rien et n’ont aucun crédit. La Reine est assez généralement détestée, on lui attribue tout le mal qui se fait et on ne lui sait pas gré du bien.
Le choix de M. Necker serait fort bon et l’Archevêque se serait fait beaucoup d’honneur s’il l’avait appelé quand il a été fait ministre principal. On a une grande idée, et avec raison, de l’honnêteté et des talents de cet homme… Le Roi est toujours faible et méfiant, il n’a de confiance qu’en la Reine, aussi il paraît que c’est elle qui fait tout, les ministres y vont beaucoup et l’informent de toutes les affaires, on a beaucoup dit dans le public que le Roi commençait à boire que la Reine entretenait cette passion et profitait de son état pour lui faire signer tout ce qu’elle voulait, rien n’est plus faux il n’a pas le penchant pour la boisson et dans la supposition qu’on fait ce serait un vice trop dangereux pour les suites qu’il, pourrait avoir, car une autre pourrait surprendre au Roi une signature aussi bien que la Reine.
Depuis que l’anglomanie s’est glissée dans tous les esprits, Versailles a été plus désert qu’a 1 ‘ordinaire, pour y ramener du monde on dit, qu’il va y avoir des soupers trois fois par semaine chez la Reine, on doit s’assembler à 9’h. jusqu’à 11h. Je crois que cela n’est pas encore décidé, il y a jeu les samedis et dimanches.»
1786
Construction du boudoir Turc de Marie-Antoinette à Fontainebleau :
Le 26 avril 1786
Le Roi est allé à la forêt de Marly voir les animaux enfermés au lieu d’aller chasser le chevreuil.
Le 11 mai 1786
Visite de Ferdinand, duc de Modène (1754-1806) et son épouse, frère et belle-sœur de Marie-Antoinette, qui restent jusqu’au 17 juin. Ils voyagent sous le nom de comte et comtesse de Nellembourg selon la coutume des grands qui cherchent une sorte d’anonymat qui ne dure jamais longtemps.
Ferdinand et Marie-Béatrice visitent en famille Marie-Antoinette à Versailles. A la Cour comme à la ville, tous les yeux sont fixés sur Ferdinand et son épouse.
« L’Archiduc et l’Archiduchesse de Milan ont extrêmement plu par leur affabilité charmante. Mais leur arrivée a encore répandu quelque froideur au milieu de la famille royale. Ils se sont dispensés des visites de prévenance pour les princes du sang. Monsieur et Madame ont résolu de ne point se trouver aux fêtes qui leur étaient destinées, et sont allés passer le temps au Luxembourg. M. le comte d’Artois est de son côté parti pour Cherbourg. L’Archiduc et le prince de Condé se trouvèrent ensemble dimanche dans la chambre du Roi. Sa Majesté dit au premier :
« Connaissez-vous le prince de Condé? »
L’Archiduc répondit qu’il ne l’avait jamais vu.
« Eh bien, le voilà !… »
Cette brusque apostrophe embarrassa l’Archiduc, qui se vit forcé d’approcher M. le prince de Condé. Celui-ci l’attendit et le reçut avec dignité et froideur.
Le 17 mai 1786
Dîner offert à Trianon à l’Archiduc Ferdinand et sa femme.
Le 18 mai 1786
« Marie-Antoinette s’ennuie maintenant avec Son frère et sa femme, Elle les souhaite tous les deux dans le fond de l’Italie. Ils restent au moins trois semaines encore .»
Le duc de Dorset à Georgiana du Devonshire
Du 22 au 29 mai 1786
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 31 mai 1786
Le Parlement acquitte le cardinal de Rohan dans l’Affaire du Collier mais madame de La Motte est condamnée à être marquée au fer rouge et détenue à perpétuité.
La réputation de Marie-Antoinette est ternie par l’événement.
Elle est effondrée, à madame de Polignac, Elle confie:
« Le jugement qui vient d’être prononcé est une insulte affreuse [mais] je triompherai des méchants en triplant le bien que j’ai toujours tâché de faire ».
Juin 1786
Voyage de Louis XVI à Cherbourg… Il visite les travaux du port de Cherbourg le 23 juin 1786.
Le 9 juillet 1786
Le matin, la Reine commence à se sentir mal. Tout d’abord, Elle nie que cela puisse être des douleurs de travail. Elle poursuit Sa propre routine, qui comprend la messe dans la chapelle royale. Ce n’est qu’à quatre heures et demie de l’après-midi que les ministres dont la présence est obligatoire sont convoqués.
à sept heures et demie du soir
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette. Selon les usages le bébé est immédiatement baptisé.
Mesdames Tantes ont été consultées sur le choix du prénom; cela ressusciterait-il des souvenirs douloureux de leur sœur bien-aimée? Mesdames Adélaïde et Victoire ont répondu qu’elles n’avaient absolument aucune objection; au contraire, elles aimeraient plus que jamais leur nouvelle petite- nièce.
Sa santé sera toujours fragile…
Le 17 juillet 1786
Dîner offert à Trianon au comte et à la comtesse de Nellembourg, alias l’Archiduc Ferdinand (1754-1806) et sa femme, Marie-Béatrice d’Este.
Le 4 août 1786
Fêtes au Petit Trianon pour le voyage de l’Archiduchesse Marie-Christine (1742-1798), gouvernante des Pays-Bas et sœur de Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette prévient Mercy très nettement qu’Elle n’a pas envie de supporter la présence de Sa sœur au quotidien et qu’il a à s’arranger pour prévoir un emploi du temps qui La débarrasse de Marie-Christine le plus souvent possible. De fait, si Louis XVI et son beau-frère s’entendent très bien (rappelons qu’Albert était le dernier frère de Marie-Josèphe de Saxe, la propre mère de Louis XVI), les rapports entre Marie-Christine et Marie-Antoinette sont d’une froideur glaciale, et Marie-Antoinette, contrairement à l’usage, ne fait organiser pour Sa sœur ni réception à Trianon, ni aucune soirée de gala particulière.
Du 29 août au 24 septembre 1786
Séjour de la Reine à Trianon.
« A la fin de 1786, à Fontainebleau, la Reine eut prise avec Madame de Polignac, et celle-ci fut assez injustement maltraitée ; il s’agissait d’un médecin donné au duc de Normandie, depuis Louis XVII, à l’insu de sa mère, dans l’objet de lui épargner de l’inquiétude. Ce soin fut pris de travers et des reproches sur des bienfaits vinrent à la suite. Madame de Polignac fut outrée, elle voulut se retirer. Grande alarme de sa société, grand embarras de la Reine. On engagea le Roi à retenir la gouvernante de ses enfants, en lui permettant un voyage en Angleterre au printemps, et acceptant sa démission en attendant, sauf à la lui rendre au retour, ce qui fut exécuté. »
Le comte de Saint-Priest dans ses Mémoires
Le 29 août 1786
Louis XVI tire au Petit-Saclé et soupe à Trianon.
Le 30 août 1786
En partant à six heures un quart du matin, le Roi se promène à Fontainebleau et y dîne. Il chasse en revenant dans la plaine de Chailly et soupe à Trianon.
Le 31 août 1786
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
« Vienne, ce 31 août 1786( … ) J’ai été charmé du voyage que le Roi a fait et de la façon qu’il a réussi. Je désirerais bien qu’une autre fois la Reine pût être de la partie, sans y mettre trop d’apprêt ni de gêne, pour l’éloigner un peu de la race Polignac .»
Joseph II à Mercy
Le 2 septembre 1786
Le Roi chasse à la plaine de Saint-Nom. Il soupe à Trianon.
Dimanche 3 septembre 1786
Louis XVI dîne et soupe à Trianon.
Le 4 septembre 1786
Le Roi ne peut chasser aux Loges à cause de la pluie. Il soupe à Trianon.
Le 5 septembre 1786
Festivités pour les relevailles de la Reine qui se rend à Notre-Dame et à l’église Sainte-Geneviève … pas d’opéra cette fois. En revanche, Elle se rend au Jardin des Plantes pour en découvrir le cabinet d’histoire naturelle.
Le 6 septembre 1786
Le Roi chasse à la plaine de Villepreux et tue trois cent soixante-dix-neuf pièces. Il soupe à Trianon.
Le 7 septembre 1786
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 8 septembre 1786
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 9 septembre 1786
Le Roi chasse le cerf au poteau de la Ville-Dieu, il en prend deux et soupe à Trianon.
Du 10 au 13 septembre 1786
La Cour est à Compiègne.
Le 13 septembre 1786
Louis XVI tire à neuf heures à la plaine de Compiègne, dîne à deux heures trois quart et revient par Trianon.
Le 14 septembre 1786
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 15 septembre 1786
Louis XVI tire à la plaine d’Arcueil et dîne à Trianon.
Le 16 septembre 1786
Le Roi déjeune à Saint-Hubert, chasse le cerf aux Plein-Vaux et soupe à Trianon.
Dimanche 17 septembre 1786
«Vêpres et salut»; Louis XVI dîne et soupe à Trianon.
Le 18 septembre 1786
Louis XVI tire à la plaine de Saclé, tue trois cent trente-neuf pièces et soupe à Trianon.
Le 19 septembre 1786
Le Roi déjeune à Saint-Hubert, chasse le cerf à la Loge-Porée et soupe à Trianon.
Le 20 septembre 1786
Louis XVI tire à la plaine de Rungis, tue trois cent quatre-vingt-quatre pièces et soupe à Trianon.
Le 21 septembre 1786
Le Roi chasse et ne prend rien. Il dîne au hameau et soupe à Trianon.
Le 22 septembre 1786
Louis XVI tire à la plaine de Chevilly et soupe à Trianon.
Le 23 septembre 1786
Le Roi chasse le cerf à Saint-Hubert, il en prend un et soupe à Trianon.
Dimanche 24 septembre 1786
Le Roi dîne à Trianon.
Du 10 octobre au 16 novembre 1786
Marie-Antoinette, soucieuse de préserver l’intimité de Ses nouveaux appartements de Fontainebleau, n’autorise l’accès à personne.
« La Demoiselle Contat, que tout Paris adore pour son talent et pour sa beauté, était curieuse de voir le jolie cabinet que la Reine s’est fait faire à Fontainebleau.
Elle pria le Maréchal de Duras de lui procurer cette satisfaction. Nos deux curieux arrivent dans le Boudoir. La Reine, que l’on croyait occupée ailleurs, entre tout à coup. Nos amateurs, surpris et confus, ne purent éviter le mépris dont le juste courroux de la Souveraine les accabla».
Désormais, Marie-Antoinette ferme la porte lorsqu’Elle sort et prend la clé avec Elle ce qui fait que personne ne peut entrer en Son absence.
Le 29 décembre 1786
Louis XVI convoque une Assemblée de Notables qui se tiendra en février 1787.
1787
Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande à deux fenêtres, qui sert de salle-à-manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.
« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »
Mémoire du comte d’Hézecques
Le lundi 1er janvier 1787
Marie-Antoinette va au théâtre, où Elle invite, le prince de Ligne, dans Sa loge.
Le 8 avril 1787
Renvoi de Calonne. Marie-Antoinette intervient pour faire nommer Loménie de Brienne (1727-1794), proche de Son lecteur, l’abbé de Vermond.
En avril 1787
Le duc et la duchesse de Polignac (1749-1793) passent deux mois en Angleterre dont six semaines à Bath. Ils semblent également missionnés d’aller trouver Madame de La Motte à Londres pour calmer les bruits qu’elle y fait courir contre Marie-Antoinette. Il est faux que Madame de La Motte ait en son pouvoir des lettres qui puissent compromettre la Reine, «mais toute calomnie répandue contre (Elle) exerce sur les esprits prévenus plus d’empire que la vérité»
En mai 1787
« La Reine ayant eu le bonheur de conserver la tendre amitié de Madame Louise, venait, deux fois l’année, à Saint-Denis, pour rendre ses devoirs à Sa tante. Elle lui amenait Ses jolis enfants, dont toutes ces bonnes Religieuses se montraient idolâtres; et la visite du jour de l’An était plus particulièrement consacrée aux cadeaux. Lorsque le duc de Normandie fut en sevrage, on le transporta chez la Fille de Louis XV, qui brûlait d’impatience de le voir. La Communauté, réunie en cercle, admira tout à son aise ce beau petit garçon, dont la physionomie, déjà distinguée comme celle de sa mère, promettait un si brillant avenir.»
« Comme on allait se séparer pour remonter dans les voitures, la Prieure bienveillante articula ces mots: Nos quatre Novices, que retiennent en ce moment les travaux de la Buanderie, vont être bien affligées de n’avoir pas vu ce que nous voyons!… Mais ce sera pour une autrefois.
— « Non, non, ma chère Tante, s’écria la Reine aussitôt : Je comprends la privation de ces saintes filles. Allons toutes, de ce pas, à la Buanderie, que « je n’ai pas encore remarquée. Mon Fils voyagera dans votre monastère, et ne s’en portera que mieux. »
On se transporta gaiement jusqu’aux verdures où coule la jolie rivière intérieure. Les quatre Novices et les Sœurs Converses eurent la satisfaction de voir la Reine, et de baiser la main de son cher Enfant.»
L. Lafont d’Aussonne dans des Mémoires secrets et universels des Malheurs et de la Mort de la Reine de France
Le 1er mai 1787
Le Dauphin est remis «entre les mains des hommes»
Le 25 mai 1787
Dissolution de l’Assemblée des Notables qui s’était ouverte le 22 février.
Le 25 juin 1787
« Demain je vais chasser à Rambouillet avec le Roi. La Reine y va souper…»
Madame Élisabeth
Le 11 juin 1787
Louis XVI se promène à pied dans le jardin et à Trianon.
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire éprouve la Reine qui s’inquiète aussi pour la santé de Son fils aîné.
Le 21 juin 1787
Marie-Antoinette s’enferme seule au Petit Trianon avec Madame Élisabeth, sans suite, pour pleurer Sa fille.
Les Polignac reviennent précipitamment de Londres à Versailles.
Le 24 juin 1787
Séjour de la Reine à Trianon pour quelques jours (?).
Le 1er juillet 1787
La Reine préside un bal donné à Trianon.
Quiconque sera «vêtu honnêtement» pourra entrer à Trianon a décidé Marie-Antoinette en annonçant les portes ouvertes de Son domaine le dimanche.
Le 1er août 1787
Louis XVI chasse le chevreuil à la forêt de Marly. La Reine couche à Trianon.
Du 1er au 25 août 1787
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 2 août 1787
Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 4 août 1787
Le Roi chasse et revient bredouille, il dîne et soupe à Trianon.
Dimanche 5 août 1787
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Les 5, 7 et 11 août 1787
Bals à Trianon.
Dimanche 5 août 1787
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon. Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 7 août 1787
Le Roi chasse et ne prend rien, il dîne et soupe à Trianon.
Le 9 août 1787
Le Roi chasse et ne prend rien, il dîne et soupe à Trianon.
Le 10 août 1787
Le Roi chasse et ne prend rien, il dîne et soupe à Trianon.
Dimanche 12 août 1787
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon. Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 14 août 1787
Le Roi chasse et ne prend rien, premières vêpres, Louis XVI doit se purger, il dîne à Trianon.
Le 16 août 1787
Louis XVI chasse le cerf au Pont de la Ville-Dieu. Il soupe à Trianon.
Le 17 août 1787
Le Roi chasse et ne prend rien, il dîne et soupe à Trianon.
Le 18 août 1787
Louis XVI chasse le chevreuil aux Côtreaux-de-Jouy. Il soupe à Trianon.
Dimanche 19 août 1787
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon. Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 20 août 1787
Louis XVI chasse le cerf au Pont de la Ville-Dieu. Il soupe à Trianon.
Le 21 août 1787
Louis XVI soupe à Trianon.
Le 22 août 1787
Le Roi tire aux Fours-à-chaux. Il soupe au Hameau de Trianon.
Le 23 août 1787
Louis XVI chasse et revient bredouille. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 24 août 1787
Le Roi chasse le cerf à Dampierre et il soupe à Trianon.
Été 1787
Fronde du Parlement de Paris contre les réformes de Loménie de Brienne.
Du 10 octobre au 16 novembre 1787
Dernier séjour de la Cour de Louis XVI à Fontainebleau.
Les jeux de hasards sont prescrits par le Roi. La Reine s’ennuie pendant ce séjour qui comporte dix-sept spectacles répartis sur douze soirées.
On réclame la convocation des États généraux…
Du 3 au 9 novembre 1787
La Cour est à Fontainebleau.
Le 19 novembre 1787
Louis XVI impose l’enregistrement des édits au Parlement.
Le duc d’Orléans est exilé en raison de son comportement rebelle.
Le 23 décembre 1787
Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui se nomme désormais Sœur Thérèse de Saint-Augustin.
1788
Dès le début de l’année, on note une nette aggravation de la santé du Dauphin. Il a de la fièvre et des douleurs articulaires. Au fil des mois, son état empire encore.
Le 3 mai 1788
Publication par le Parlement de Paris de la Déclaration des Lois fondamentales du Royaume.
Du 14 mai au 15 juin 1788
Séjour de la Cour au château de Saint-Cloud.
Le 13 juillet 1788
Louis XVI dîne à Bellevue. En y allant, il visite à Meudon le Dauphin. La Reine couche à Trianon.
Du 15 juillet au 14 août 1788
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 17 juillet 1788
Départ de Rambouillet à huit heures, après la messe, le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 19 juillet 1788
Louis XVI rend visite à son fils à Meudon. Il chasse le chevreuil au pavillon de Trivaux , il soupe à Trianon.
Dimanche 20 juillet 1788
«Vêpres et salut». Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 22 juillet 1788
Départ à sept heures et demie de Rambouillet avant la messe, Louis XVI dîne et soupe à Trianon.
Le 23 juillet 1788
Une fluxion empêche Louis-Auguste de chasser le chevreuil. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 24 juillet 1788
Louis XVI chasse mais revient sans rien. Il dîne avec ses tantes, à Bellevue, et soupe à Trianon. Voici le menu :
QUATRE POTAGES
Le riz
Le Scheiber
Les croutons aux laitues
Les croutons unis pour Madame.
DEUX GRANDES ENTRÉES
La pièce de bœuf aux choux
La longe de veau à la broche.
SEIZE ENTRÉES
Les pâtés à l’espagnol
Les côtelettes de mouton grillées
Les hâtelets de lapereaux
Les ailes de poulardes à la maréchale
Les abatis de dindon au consommé
Les carrés de mouton piqués à la chicorée
Le dindon poêlé à la ravigote
Le ris de veau au papillote,
La tête de veau sauce pointue
Les poulets à la tartare
Le cochon de lait à la broche
La poule de Caux au consommé
Le caneton de Rouen à l’orange
Les filets de poularde en casserole au riz
Le poulet froid
La blanquette de poularde aux concombres.
QUATRE HORS-D’ŒUVRE
Les filets de lapereaux
Le carré de veau à la broche
Le jarret de veau au consommé
Le dindonneau froid.
SIX PLATS DE ROTS
Les poulets
Le chapon pané
Le levraut
Le dindonneau
Les perdreaux,
Les lapreaux
SEIZE PETITS ENTREMETS
Le 25 juillet 1788
Louis XVI chasse mais revient bredouille. Il dîne et soupe à Trianon.
Dimanche 27 juillet 1788
«Vêpres et salut». Le Roi dîne au Hameau.
Le 29 juillet 1788
Départ à huit heures de Rambouillet après la messe, Louis XVI revient par Trianon pour voir le Dauphin, il y dîne et y soupe.
Le 30 juillet 1788
Louis XVI dîne et soupe à Trianon.
Le 2 août 1788
Départ à huit heures de Rambouillet après la messe, Louis XVI revient après dîner par Meudon pour voir le Dauphin, il dîne et soupe à Trianon.
Dimanche 3 août 1788
«Vêpres et salut». Le Roi dîne à Trianon.
Le 4 août 1788
Louis XVI chasse mais revient bredouille. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 6 août 1788
Départ à huit heures de Rambouillet après la messe, Louis XVI revient après dîner par Meudon pour voir le Dauphin, il dîne et rend visite le soir à Trianon.
Le 7 août 1788
Louis XVI est ausculté par son médecin, il suit la messe chez lui et soupe à Trianon.
Le 8 août 1788
Louis XVI chasse mais revient bredouille. Il dîne au Hameau et soupe à Trianon.
Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.
Dimanche 10 août 1788
Départ à huit heures de Rambouillet après la messe à la paroisse. Audience des ambassadeurs indiens ; «Vêpres et salut».
Réception à Versailles des trois ambassadeurs du sultan de Mysore Tipû Sâhib, dans le Salon d’Hercule, venus demander de l’aide à Louis XVI contre les prétentions colonialistes anglaises.
Le Roi dîne et soupe à Trianon.
Le 11 août 1788
Louis XVI tire aux Fours-à-Chaux. Il va visiter Trianon où il dîne et soupe.
Le 12 août 1788
Louis XVI dîne à Bellevue et soupe à Trianon.
Le garde des sceaux Barentin dit de Marie-Antoinette qu’Elle garde «le plus profond silence ; il était cependant aisé de démêler qu’elle ne désapprouvait pas le doublement du tiers.»
Le 14 août 1788
Départ à huit heures de Rambouillet après la messe. Il rend visite à Trianon à une heure et à Meudon à trois heures et demi. Premières vêpres. Il soupe à Trianon et la Reine revient après.
Le 25 août 1788
Renvoi de Loménie de Brienne et rappel de Necker (1732-1804) dont la popularité est considérable dans tous les milieux.
1789
Le jeudi 9 avril 1789
Louis XVI préside la cérémonie du lavement des pieds dans la grande salle des gardes. Après avoir entendu une prédication prononcée par son Grand Aumônier Montmorency-Laval, il s’agenouille pour laver lui même les pieds de treize enfants pauvres, à qui il sert ensuite un repas composé de treize plats. Pour le service des treize plats il est aidé des membres de la Famille Royale. Une cérémonie identique est accomplie par la Reine, qui lave les pieds de treize jeunes filles pauvres.
Le dimanche de Pâques, le 12 avril 1789
Les Souverains prennent les repas de midi au Grand Couvert.
A la date du 13 avril 1789
Le Roi écrit dans son journal : «mes Pâques à la paroisse, vêpres dans la petite tribune, j’étais enrhumé». Ce qui signifie qu’il est allé à l’Église Notre Dame de Versailles, paroisse du Château pour assister à la messe et y communier. Seule la communion pascale étant de précepte pour les fidèles et devant être reçue dans la paroisse de leur résidence. L’après-midi, il assiste aux Vêpres célébrées dans la Chapelle du Château depuis un des oratoires vitrés.
En mai 1789
Jeanne de La Motte, qui avait été payée pour ne pas écrire ses «souvenirs» publie ses mémoires complétés par la prétendue correspondance échangée entre la Reine et le cardinal…
Le 4 mai 1789
Procession à Versailles de la cour et des nouveaux députés des États-Généraux arrivés dans la ville royale entre l’église de Notre-Dame et l’église Saint-Louis
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.
On compte 1 214 députés, dont 308 du Clergé, 285 de la Noblesse et 621 du Tiers-État.
La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.
Louis XVI fait un discours dans lequel il fait preuve d’excellentes intentions et donne de bonnes promesses.
Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future.
Pour Sa dernière représentation en majesté, la Reine est revêtue d’une robe de cour mauve et Sa coiffure est garnie de couronnes impériales. Au soleil, les diamants et la robe en tissu argenté de Marie Antoinette brillent d’une splendeur incomparable. Bien que le costume ait été calculé pour effacer Son image de la dame de Trianon vêtue d’une chemise, elle a en fait simplement montré la «richesse et la grandeur» que, selon La Fare, elle a continué à apprécier au détriment du peuple.
Elle est pâle et a les traits tirés : Elle s’inquiète pour la santé de Son fils aîné atteint de tuberculose osseuse.
qu’un prolongement de la Galerie de Louis XIV. Sous Louis XVI, une porte mobile et une tenture l’en séparaient, qu’on enlevait les jours de grandes réceptions. C’était le salon des concerts et surtout des jeux de la Reine. C’est là d’ordinaire que les étrangers de distinction lui étaient présentés et recevaient d’elle cet accueil dont le souvenir leur restait si doux. Ces réunions sont celles qui montrent le mieux la familiarité de l’ancien Versailles. Au moment des États Généraux, il y eut plusieurs fois « grand appartement » à la Cour et jeu public de la Reine, en l’honneur des députés ; ils y vinrent en grand nombre, et l’on vit un bon curé de campagne, en vieille soutane suivre la partie de Sa Majesté, accoudé sans façon sur le dossier du fauteuil royal. C’est aussi la pièce que traversait Marie-Antoinette pour se rendre à la chapelle.»
Marie-Antoinette de Pierre de Nolhac
Fin mai 1789
« La Reine se couchait très tard, ou plutôt cette infortunée princesse commençait à ne plus goûter de repos. Vers la fin de mai, un soir qu’elle était assise au milieu de la chambre ( verte du rez-de-chaussée), elle racontait plusieurs choses remarquables qui avaient eu lieu au cours de la journée ; quatre bougies étaient placées sur sa toilette; la première s’éteignit d’elle-même, je la rallumai ; bientôt la seconde, puis la troisième s’éteignirent aussi ; alors la reine, me serrant la main avec un mouvement d’effroi me dit : Le malheur peut rendre superstitieuse. Si la quatrième bougie de ce chandelier s’éteint à son tour, rien ne pourra m’empêcher de regarder cela comme un sinistre présage !La quatrième bougie s’éteignit. fit observer à la reine que les chandelles avaient probablement été coulées dans le même et qu’un défaut à la mèche s’était naturellement trouvé au même endroit puisque les bougies s’étaient éteintes dans l’ordre où on les avait allumées.»
Mémoires de madame Campan
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Ses parents se retirent à Marly pour le pleurer. Il est enterré avec un cérémonial réduit à Saint-Denis compte tenu le contexte économique difficile.
La Cour doit porter le deuil à Versailles, selon des règles bien précises.
Il ne suffit pas de s’habiller de noir. A Versailles, lorsque la Cour prend le deuil du prince Louis-Joseph, décédé à l’âge de sept ans et trois mois dans la nuit du 3 au 4 juin 1789, hommes et femmes durent se conformer à un dress code des plus précis.
« Ce deuil connaîtra plusieurs périodes successives. «la première, du 7 juin au 11 juillet inclusivement, les hommes prendront l’habit de drap noir complet avec les boutons, manchettes et effilés (sorte de franges, NDLR) unis, boucles et épées bronzées, chapeaux sans plumes, les femmes prendront pour douze jours la robe de laine, la coiffe en crêpe, les bas, les gants, l’éventail et les pierres noires, les boucles bronzées, le 19 juin elles quitteront la coiffe et conserveront jusqu’au 11 juillet inclusivement le reste de l’étiquette ci-dessus». La seconde période s’étalera du 12 juillet au 15 août inclus, date de la fin du deuil. Cette fois, «les messieurs prendront l’habit de soie noire, manchettes effilés de mousseline brodée, ou entoilages, boucles blanches, épées d’argent, chapeaux à plume», écrit-il. Quant aux dames, elles porteront, du 12 juillet jusqu’au 1er août, «la robe de soie noire et les diamants», puis du 1er au 15 août «les robes noires et blanches sans rubans de couleur».
Le bailli de Virieu, ministre du duc de Parme Ferdinand IV
Le 7 juin 1789
La Reine doit recevoir les révérences de deuil de plusieurs centaines de dames toutes de noir vêtues. Le deuil solennel s’ouvre pour deux mois et demi .
Du 14 au 21 juin 1789
Dernier séjour de la famille royale au château de Marly, toute à son deuil. Mesdames Tantes sont présentes.
« Le lendemain des funérailles [du dauphin Louis-Joseph], le roi et la reine quittent Versailles et se rendent à Marly. Ce fut leur dernier séjour dans ce château. Après leur immense chagrin il leur est doux, loin de la cour et loin des États-Généraux, de goûter quelques instants de vrai repos. Les nobles perspectives des bosquets et des eaux, l’horizon calme et bleu qu’on découvre de la terrasse, la demi-solitude, les appartements plus intimes conviennent mieux que l’imposant Versailles à une grande tristesse.
M. d’Angivilliers, présageant que Louis XVI irait peut-être à Marly, a, dès les derniers jours d’avril, fait mettre en état les bâtiments.
Les réparations, qui s’élèvent à 24000 livres, furent peu nombreuses et localisées au corps du château, la chapelle et les pavillons ayant été tout récemment remis à neuf, ainsi que les corps de garde et les écuries. Aussi se borne-t-on en juin à réparer les fourneaux de la cuisine-bouche, les tables, les planches, les porte-manteaux et le jeu des croisées. Le Garde-Meuble remplace les tabourets et les banquettes qui ont été apportés à Versailles.
On sable le jardin, mais, hélas ! les grandes eaux ne pourront pas fonctionner avant la Pentecôte, car il n’y a plus que cinq pieds d’eau dans le grand réservoir. Le duc du Châtelet ordonne d’aménager avec soin les chambres des officiers de la garde du roi, ces messieurs étant fort difficiles. Enfin, on entoure d’un palis à lapins les bosquets de Marly et de Luciennes. M. Thierry de Ville-d’Avray depuis quinze jours prépare les logements.
Deux ameublements complets destinés à Madame, fille du roi, et au duc de Normandie sont arrivés de Saint-Cloud le 18 mai. Le 21, le Garde-Meuble apporte soixante-quatorze tables à écrire, vingt-trois commodes de bois de noyer, six chaises d’affaire “en pot à l’œil” et deux coffres garnis de flambeaux d’argent. On tend aux fenêtres de la chambre de la reine et de la chambre du roi des rideaux de vitrage en mousseline brodée et on déploie, au-dessus des lits, d’immenses moustiquaires.
De nombreux sièges sont tapissés de damas cramoisi ou bleu. On accroche dans la chambre de Madame d’Artois quatre portières de rideaux en gros de Tours cramoisi à galon d’or, et l’on recouvre de drap vert Sedan les tables de jeux.
Le prince de Poix fait nettoyer les lanternes à réverbère qui éclairent les cours, les escaliers, les corridors, les avenues, les bosquets et les grilles. On prévoit également la dépense journalière de quatre-vingt-quatorze bougies pour illuminer les escaliers intérieurs, les entresols du cabinet des tours et du cabinet chinois, le salon de jeux et la salle à manger et enfin trente-deux bougies pour les quatre girandoles de la table et les flambeaux ambulants.
Dernier détail, les lingères préparent les draps qui sont seulement fournis aux invités à l’occasion des petits séjours de Leurs Majestés. Chaque chose sera à leur place pour l’arrivée du roi et de la reine. Le voyage, à cause du deuil, sera très simple, la suite de Leurs Majestés très restreinte ; elle comprend : un écuyer cavaldacour, deux écuyers de main, les officiers des cent suisses, le porte-manteau, le porte-malle, un contrôleur ordinaire, le premier médecin, le premier valet de chambre de Louis XVI, les dames d’honneur et les femmes de Marie-Antoinette.
La famille royale se réunira pour souper. Seuls, le dauphin et Madame, fille du roi, prendront leurs repas dans leurs appartements. Une table de huit à dix couverts sera préparée pour les dames d’honneurs « sans aucune division dans les chambres sous quelque prétexte que ce soit ».
Ces recommandations impérieuses n’empêchent pas les courtisans de laisser leurs serviteurs faire la cuisine dans les antichambres boisées des pavillons, au grand désespoir du sieur Boutherone-Desmarais, inspecteur du domaine de Marly, qui, après en avoir rendu compte au prince de Poix, écrit, le 17 juin, au directeur général des bâtiments que « les menuiseries sont à présent si engraissées qu’il faut les gratter et les imprimer à l’huile pour les rendre habitables ». Le dommage est si grand que le gouverneur de Marly décide même d’écrire au concierge du domaine une lettre bien motivée et ostensible afin que de pareils dégâts ne se renouvellent pas.
Ces quelques jours de repos passent rapidement. Le 15, Sa Majesté va chasser le cerf à Port-Royal. Plusieurs fois, le roi retourne à Versailles. La reine, toute à sa douleur, fait célébrer en dix jours soixante-dix messes pour le repos de l’âme du premier dauphin.
On imagine les promenades des courtisans dans le parc que l’été rend si beau et dans le grand salon, après souper, le cercle autour de la reine. Peu à peu, le souverain reprend son insouciance. Écartant de sa pensée tous les ennuis du pouvoir, il dit souvent, en parlant des membres des États-Généraux : « Qu’ils me laissent ce qu’ils veulent : je ne désire que de les rendre heureux. ».
Bientôt les parties de cartes interrompues reprennent. Le 15 juin, Sa Majesté joue avec le comte de Luxembourg, le marquis de Belsunce, le prince de Vaudémont, le comte de Lorges, le marquis de Cinas et Monsieur. A la lumière des bougies, les louis d’or brillent sur le tapis vert de la table. La soirée se termine par un reversi. (…) »Vicomte Fleury, Les derniers jours de Versailles, 1929
En juin 1789
Alors que la Reine passe dans le salon de l’Œil-de-Bœuf avec Louis-Charles et Marie-Thérèse :
« La reine passa avec ses deux enfants, leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes … Elle me fit, en jetant un regard avec un sourire, ce salut gracieux qu’elle m’avait déjà fait le jour de ma présentation. Je n’oublierai jamais ce regard qui devait s’éteindre si tôt.»
François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Le 27 juin 1789
A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le Roi est à la chasse.
Il rentre bredouille et note «Rien» dans son journal…
Réveillé dans la nuit par le duc de la Rochefoucault qui l’informe de la situation, il interroge :
« C’est une révolte?
_Non, sire! C’est une révolution!»
Marie-Antoinette, contrairement à Louis XVI, n’a pris conseil dans aucun livre ni même aucun ministre. Se souvenir et prendre des précautions ne Lui ressemble pas, même dans les moments de plus grand danger ; tous les calculs et toutes les convictions sont étrangers à Son caractère spontané. Sa force humaine repose uniquement sur Son instinct. Et cet instinct, dès le premier instant, oppose un « non » inflexible à la Révolution. Née dans un palais royal, instruite dans les principes de la légitimité, convaincue de Son droit de régner comme un don divin, Elle considère dès le début toute revendication nationale comme un soulèvement indigne du peuple : celui qui revendique pour lui toutes les libertés et tous les droits qu’il n’est toujours pas disposé à accorder aux autres également -les faits ne Lui donnent que raison ! Marie-Antoinette n’entre pas dans une polémique, intérieure ou extérieure : Elle dit comme son frère Joseph : « Mon métier est d’être royaliste ». C’est ce pourquoi on L’a mariée et exilée dix-neuf ans plus tôt.
«Ma mission est uniquement de représenter le point de vue du roi.»
Sa position est au-dessus ; celle de la ville, en bas ; Elle ne veut pas descendre, et les gens ne devraient pas monter.
Depuis la prise de la Bastille, pas un seul instant Elle n’est d’accord avec le nouveau mouvement : tout ce qui est révolutionnaire ne signifie pour Elle qu’un mot embellisseur pour exprimer l’idée de rébellion, ce qu’Elle fut depuis Son arrivée à la Cour de France !
Cette volonté fière, rigide et inébranlable de Marie-Antoinette face à la Révolution ne contient cependant pas (du moins au début) la moindre animosité contre le peuple : élevée dans l’agréable Vienne, Marie-Antoinette considère les gens comme absolument bon enfant mais peu raisonnables ; avec une fermeté de roc, Elle croit qu’un jour ce brave troupeau, désillusionné, se séparera de ces agitateurs et bavards et trouvera le chemin de la bonne crèche de la maison souveraine héréditaire.
Toute Sa haine va donc vers les émeutiers, vers les conspirateurs, les incitateurs, les clubistes, les démagogues, les orateurs, les parvenus et les athées qui, au nom d’idéologies confuses ou d’intérêts ambitieux, veulent inculquer aux honnêtes gens des prétentions contre le trône et l’Eglise. Tous ceux qui La haïssent et cherchent à La détruire, en somme.
Ce désir de ne pas comprendre est le défaut historique de Marie-Antoinette. Englober dans un seul regard spirituel les rapports des faits, posséder une vision profonde de la morale, ne sont, ni par Son éducation ni par Son désir intime, des dons accordés à cette femme pas du tout ordinaire et aux idées politiques étroites. Pour Elle, seul l’humain, l’immédiat et le sensible sont toujours compréhensibles. Mais vu de près, en examinant les hommes qui y interviennent, tout mouvement politique apparaît trouble. Une idée est toujours déformée dès qu’elle s’incarne dans le terrestre. Marie-Antoinette – comment pourrait-il en être autrement ? – juge la Révolution selon les hommes qui la conduisent ; et, comme cela arrive toujours en temps de révolte, ce sont ceux-là qui savent faire le plus de bruit, non les plus honnêtes ni les meilleurs.
La Reine ne doit-Elle pas se méfier quand Elle voit que justement parmi les aristocrates, ce sont ceux qui sont les plus endettés et les moins célèbres, ceux qui ont les mœurs les plus corrompues, comme Mirabeau et Talleyrand, qui découvrent les premiers que leur cœur bat pour liberté ? Comment Marie-Antoinette aurait-Elle pu penser que la Révolution était une chose honnête et propre quand Elle voit le pernitieux duc d’Orléans, toujours prêt à se mêler de toutes les sales affaires, s’enthousiasmer pour la nouvelle fraternité, ou quand Elle voit que l’Assemblée nationale représentée par Mirabeau, ce disciple de l’Arétin, tant dans le sens de la vénalité que dans celui de la littérature obscène, cette racaille de la noblesse qui, à cause d’un enlèvement et d’autres sombres histoires, a été enfermé dans toutes les prisons de France et qui a ensuite soutenu sa vie grâce à l’espionnage ? Un mouvement qui érige des autels à de tels hommes peut-il être divin ? L’indécence des poissonniers et des vagabonds qui, en signe sauvage de victoire, portent des têtes coupées plantées au bout de leurs piques sanglantes, doit-elle être considérée comme de véritables précurseurs d’une nouvelle humanité ?
Le 15 juillet 1789
Rappel de Necker sous la pression populaire.
Le 16 juillet 1789
Les Polignac émigrent sous les conseils de la Reine: la duchesse est très impopulaire; on la juge débauchée et intéressée.
A minuit, Madame de Polignac et sa famille montent en carrosse pour s’enfuir. On apporte à la duchesse un billet de la Reine :
« Adieu la plus tendre des amies, le mot est affreux ; voilà l’ordre pour les chevaux. Adieux. Je n’ai que la force de vous embrasser.»
urs) pour elle, en l’occurrence il s’agit de sauver sa tête mise à prix . Et puis, et ce n’est pas la moindre des raisons : madame de Polignac est mère. Elle se doit à ses enfants. Jules et Melchior sont encore très jeunes et à sa charge .
Le 17 juillet 1789
Enfin les Polignac, quittant Versailles, s’imaginent s’éloigner quelques mois, puis rentrer paisiblement une fois le calme revenu . Ils n’imaginent pas qu’ils partent pour toujours ! Du reste n’emportent-ils rien, ou pas grand-chose .
Madame de Tourzel (1749-1832) devient gouvernante des enfants de France.
Le 17 juillet 1789
Réception de Louis XVI à l’Hôtel de Ville de Paris.
Le 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 25 août 1789
Versailles. Venus, comme chaque année, souhaiter une bonne fête au Roi en ce jour de la Saint-Louis, les représentants de la ville repartent bien mécontents. Marie-Antoinette les a reçus, couverte de bijoux et entourée de Sa Maison. Mais irritée de ce que Bailly, le maire de Paris, ne s’était pas agenouillé devant Elle, Elle lui a répondu dédaigneusement et s’est contentée de balbutier quelques mots peu aimables à La Fayette qui Lui présentait la garde nationale. Puis Elle les a tous congédiés d’un signe de tête, sans dissimuler Sa mauvaise humeur.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.
Cette sympathie devenue si rare depuis des mois émeut tant les souverains que le Roi, la Reine et le Dauphin, même, descendent rejoindre les convives. Dans l’euphorie générale, un Garde demande la permission de placer le petit Dauphin sur l’immense table en fer-à-cheval que celui-ci parcourt de bout en bout sans renverser le moindre verre. La famille royale fait le tour de la table, dit un mot aux uns et aux autres, puis rentre dans ses appartements.
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L’alcool échauffant le cœur des militaires ceux-ci redoublent d’ardeur envers leur Roi et arrachent leurs cocardes tricolores pour les fouler aux pieds et les remplacer par des cocardes blanches, symboles de la monarchie ( j’ai aussi lu que ces cocardes étaient noires, à la couleur de la Reine…).
L’air «Ô Richard, ô mon Roi, l’univers t’abandonne», tiré d’un opéra de Grétry, est chanté par les soldats. Il devient un signe de ralliement royaliste.
Le peuple croira à une orgie antidémocratique…
Le 5 octobre 1789
Marie-Antoinette est au Petit Trianon et le Roi à la chasse lorsqu’on apprend que des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis.
La Reine s’échappe en jupon par la porte dérobée à la tête de Son lit de la chambre d’apparat.
Arrive La Fayette _ qu’il a fallu réveillé, ce qui lui vaudra le surnom de Général Morphée…_ qui conseille au Roi de se présenter au balcon.
La Fayette conduit la Famille Royale dans la Chambre du Roi.
Au moment où la Reine arrive enfin chez Son mari après avoir failli être assassinée, Madame de Tourzel amène de toute urgence le petit Dauphin de quatre ans. la gouvernante n’a eu que le temps d’avertir la jeune princesse. Marie-Antoinette ne voyant pas sa fille, repart par des couloirs et escaliers dérobés communiquant entre les appartements du Roi, de la Reine et de leurs enfants.
Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
Elle s’avance sur le devant du balcon en tenant Ses enfants par la main.
La foule hurle : «Pas d’enfant !!!».
D’un geste , Elle les repousse vers l’intérieur, et, seule, affronte l’ennemi qui grouille dans la cour de marbre …
La fille des Césars se retrouve sur la scène que forme le balcon avec Gilles César qui apostrophe la foule :
« La Reine reconnaît qu’Elle a été trompée, mais déclare qu’Elle ne le sera plus, qu’Elle aimera Son peuple et lui sera attachée comme Jésus-Christ à son Église.»
En signe de probation la Reine lève deux fois la main… mais ne lui pardonnera jamais !
A Madame Necker, Elle confie :
« Ils vont nous forcer, le Roi et moi, à nous rendre à Paris avec la tête de nos gardes du corps portées au bout de leurs piques!»
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
Deux des gardes royaux qui ont survécu à l’attaque parisienne du château trouvent refuge à Louveciennes chez madame du Barry. Ayant pris connaissance du secours que Jeanne leur apporte, Marie-Antoinette lui écrit une lettre de remerciement…
Le 7 octobre 1789
Les membres du Parlement, du moins ceux qui sont disponibles, viennent faire leurs compliments au Roi et à la Reine.
« Il semblait que, dans l’espace de dix jours, dix années se fussent écoulées sur leurs têtes. La physionomie du Roi était empreinte d’un caractère de résignation, il comprenait que ses maux n’étaient pas arrivés à leur terme. La douleur de la Reine avait quelque chose de plus ferme et qui laissait percer l’indignation. Elle tenait son fils sur ses genoux, et, malgré le courage dont elle avait donné depuis quarante-huit heures tant d’héroïques preuves, on ne pouvait s’empêcher de croire que ce fils était une sauvegarde dont elle acceptait la protection. Lorsqu’elle nous reçut, il fut facile de lire dans ses yeux qu’elle voyait dans les nôtres à quel point les tristes félicitations que nous apportions étaient en contradiction avec les sentiments de nos cœurs, combien il nous en coûtait d’avoir à prononcer ces phrases banales, consacrées par l’usage en des temps de bonheur, et de ne pouvoir en articuler d’autres. »
Le chancelier duc d’Audiffret-Pasquier
Quand le Roi et la famille royale sortent de la messe, les gardes du corps font la haie : sans armes, sans chapeaux et les habits déchirés de la veille. On s’installe les premiers jours sans commodités, ni confort, dans un environnement vieilli, démodé ou succinct. Puis on s’organise peu à peu ; très vite du mobilier, des objets décoratifs et des tapisseries arrivent de Versailles.
C’est dans l’appartement de madame de Tourzel, pendant les quelques jours de calme qui suivent leur arrivée à Paris, que la Reine vient prendre le thé et assister aux petits jeux de Madame Royale, du Dauphin, de Pauline de Tourzel et des enfants des autres dames invitées à ces petites réunions. Pendant que la Reine s’entretient avec les autres dames dans le salon, Pauline a la haute surveillance et la direction des amusements. Ces douces réunions n’ont qu’une courte durée. Bientôt, la Reine cesse de se rendre chez madame de Tourzel dans la crainte de la compromettre en lui témoignant trop d’affection.
Le 8 octobre 1789
Les députés Fréteau et Mirabeau proposent d’instaurer le titre de Roi des Français à la place de celui de Roi de France.
Comme la foule persiste à s’agglutiner sur la terrasse des Tuileries, des femmes prétendent parler à la Reine d’une levée des gages portant sur les dépôts du Mont-de-piété. Le sujet est des plus délicats car il concerne les plus démunis :
«Les personnes qui entour(ent) cette princesse (la Reine) en ce moment l’engag(ent) à acquiescer à leur désir. Je l’en dissuad(e), lui représentant le danger de compromettre sa dignité (…) J’offr(e) à la reine de parler moi-même à ces femmes avec Madame de Chimay, sa dame d’honneur. Elle y consen(t) et, de l’appartement de cette dernière, qui donn(e) sur la terrasse des Tuileries, nous haranguons cette multitude (…) Cette démarche la satisf(ait). Le rassemblement se dissip(e).»
Madame de Tourzel
Deux jours plus tard, le Mont-de-piété est autorisé à permettre le retrait sans gage des objets d’une valeur inférieur à un louis.
Afin de rédiger un procès-verbal sur ce qui s’est passé durant ces journées d’octobre, les commissaires de police viennent interroger la Reine qui leur réplique :
« J‘ai tout vu, j’ai tout entendu et j’ai tout oublié.»
Le 10 octobre 1789
L’Assemblée adopte cette nouvelle titulature.
Le 16 octobre 1789
« La Reine, qui a eu un courage incroyable, commence à être mieux vue par le peuple. J’espère qu’avec le temps et une conduite soutenue, nous pourrons regagner l’amour des Parisiens, qui n’ont été que trompés. Mais les gens de Versailles, monsieur ! avez-vous jamais vu une ingratitude plus affreuse? Non, je crois que le ciel, dans sa colère, a peuplé cette ville de monstres sortis des enfers. Qu’il faudra du temps pour leur faire sentir leurs torts! Et si j’étais roi, qu’il m’en faudrait pour croire à leur repentir! Que d’ingrats pour un honnête homme! Croiriez-vous bien, monsieur, que tous nos malheurs, loin de me ramener à Dieu, me donne un véritable dégoût pour tout ce qui est prière. Demandez au ciel pour moi la grâce de ne pas tout abandonner… Demandez aussi que tous les revers de la France fassent rentrer en eux-mêmes ceux qui pourraient y avoir contribué par leur irréligion.»
Madame Elisabeth à l’abbé de Lubersac
Le 19 octobre 1789
A regret, la Reine renonce à un projet de fuite que Lui proposait Son secrétaire des commandements, Augeard, marquis de Buzancy (1732-1805). Déguisée en gouvernante, Elle devait gagner l’Autriche avec Ses deux enfants pour demander asile à Son frère.
Mais le plan prévoyant que Louis XVI ne serait pas averti de Sa fuite, la Reine ne put y consentir.
« Mon devoir, a-t-Elle tristement déclaré à Augeard, est de mourir aux pieds du Roi.»
Peu après l’installation de la Famille Royale à Paris
La Reine, effrayée par une rumeur, s’adresse à madame de Mackau :
« Ah ! mon Dieu, Mackau, les paysans de Vaucresson viennent de se révolter contre les dragons de Lorraine, et il y a eu un massacre affreux ! »C’est à Vaucresson que se trouvent les terres familiales de Hanet, qu’il gère, et où la veille il était encore.
« Empressé de tranquilliser la Reine, je crus devoir faire observer que le mal n’était peut-être pas aussi grand qu’on paraissait l’avoir dit. La reine me jeta un regard plein de courroux, et s’écria :
« Comment, Monsieur, pas si grand ! Lorsque le sang des Français coule de toutes parts, et que… ».
La Reine se retire aussitôt ; Hanet demande à Madame de Mackau de rassurer la Reine sur la situation exacte de Vaucresson ; il rentre chez lui et y reste vingt-quatre heures, victime d’une fièvre qui le retient au lit. « Ce ne fut que le lendemain à la messe que, placé par mes fonctions derrière le siège de Madame Royale, je pus apercevoir dans les yeux de la reine qu’elle était totalement revenue de sa prévention de la veille, et au sortir de la chapelle elle poussa la bonté jusqu’à me dire :
« Vous aviez bien raison, Hanet, le mal n’était pas aussi grand »
Et le roi, qui se trouvait tout près, ajouta :
« Oui, l’on m’avait bien trompé ! »Je ne sais quel vertige s’empara de moi en entendant parler ainsi Leurs
Majestés ; mais cette subite transition du chagrin le plus amer à la satisfaction la plus complète exalta tellement mes esprits, que je me permis de dire tout haut au roi :
« Oui, Sire, on vous a trompé, on vous trompe, et l’on vous trompera toujours. »Pierre-Louis Hanet, frère de Cléry
Pour Ses promenades à cheval, Marie Antoinette aime être accompagnée, à Saint-Cloud, de la princesse de Tarente, excellente cavalière, qui est d’ailleurs une de Ses plus proches.
Novembre 1789
Les pages de la Reine reçoivent leur congé pour le 1er janvier 1790.
Marie Antoinette commence à se porter mieux ; mais Elle ne sort encore qu’en chaise. On assure que Son indisposition est la suite de l’effroi dont Elle fut saisie, lorsque le 5 octobre, Elle fut obligée de se sauver, en chemise, dans la chambre du Roi.
C’est souvent un petit bourgeois, et moins encore, qui fait près du Roi les fonctions de capitaine des gardes.
Service de la garde nationale au château des Tuileries auprès de la Famille Royale
Le Roi est toujours suivi, lorsqu’il sort, même pour aller à la Chapelle, d’un chef de division de la garde nationale.
La Reine et M. le Dauphin sont suivis aussi, chacun, par un commandant de bataillon ; Madame Royale et Madame Elisabeth par des capitaines.
Devant les portes des chambres du Roi et de la Reine, les gardes nationaux, qui veillent la nuit comme le jour, mettent des matelas pour y passer la nuit.
Le service au château des Tuileries
Chaque bataillon de la garde nationale de Paris monte la garde aux Tuileries pendant vingt-quatre heures.
Chaque commandant de service, auprès du Roi, de la Reine et du Dauphin, vient prendre l’ordre en arrivant, dans le cas où ils voudraient sortir. Les capitaines en font de même auprès des autres membres de la Famille Royale.
Un problème de santé oblige Marie-Antoinette à boiter plusieurs semaines.
Le 5 novembre 1789
Toute la noblesse, restée à Paris, se fait un devoir de se présenter assidûment chez le Roi. il y a donc une forte affluence, dans les semaines qui suivent l’installation du Roi, aux Tuileries.
Les jeunes nobles ne portent pas la cocarde tricolore, alors que Louis XVI la porte.
Les femmes portes d’énormes bouquets de lys à leur côté et sur la tête, et dans des nœuds de rubans blancs.
Le 19 novembre 1789
Mort de l’Archiduchesse Marie-Anne, abbesse du Chapitre de Prague et sœur de la Reine, à Klagenfurt.
Le 7 décembre 1789
La Cour prend le deuil pour deux mois suite au décès de l’Archiduchesse Marie-Anne, sœur de la Reine.
Le 31 décembre 1789
La Reine va en chaise faire une visite à Mesdames. Sa Majesté a voulu voir aussi comme elles étaient logées. Peu après la Reine revient dans Ses appartements, en le plaignant beaucoup de la douleur que Son pied lui fait », Elle fait dire qu’elle ne sortirait pas du tout le jour ni le lendemain du premier de l’an.
1790
La présence du Roi et de la Reine à Paris, et leur grande bonté produisent un excellent effet sur le peuple, et font perdre du terrain au parti du duc d’Orléans.
Dès janvier 1790
Marie-Antoinette fait supprimer tous Ses abonnements dans les différentes salles de spectacle, non par peur de s’y montrer mais parce qu’Elle considère qu’une dépense de 6 000 livres pour chacune des loges qu’Elle occupe sera mieux employée au soulagement des pauvres.
Le 4 Janvier 1790
La Reine boîte toujours beaucoup. Cependant Ses douleurs de pied deviennent de jour en jour moins aiguës.
Un Tapissier est mort subitement dans les appartements de la Reine. le cadavre a été déposé au Corps-de-Garde, où il est resté toute la nuit.
Le Roi, la Reine , Monseigneur le Dauphin et Madame Royale ont été tous ensemble hier à la Messe. Mesdames, Tantes de Sa Majesté, vont à une autre Messe.
Le 6 Janvier 1790
La Reine s’est fait faire un soulier en manière de brodequin , pour Son pied malade et s´est essayée à marcher un peu dans le jardin. Sa Majesté est ensuite allée à la Messe avec le Roi, accompagnée de Ses augustes enfants.
Jeudi 7 janvier 1790
Début ce jour et jusqu’au 22 janvier, de la deuxième époque pour le deuil de Marie-Anne d’Autriche, abbesse du Chapitre de Prague et sœur de la Reine.
La Reine a permis, ces jours derniers, que les filles orphelines des Invalides, pour lesquelles Sa Majesté a fondé quatre places dans une Maison établie depuis deux ans par Mademoiselle Okennedi, au Faubourg Saint-Antoine , Lui soient présentées. Sa Majesté, toujours guidée par les mouvements de Sa sensibilité, a daigné donner à ces orphelines de nouvelles marques de Sa bienfaisance; Elle a même ordonné qu’on conduisit ces pauvres enfants chez Monseigneur le Dauphin et chez Madame Royale, qui les ont accueillies avec une bonté si attendrissante, qu’ils leur ont fait verser des larmes ; Madame Royale leur a fait beaucoup de questions qui marquent le plus vif intérêt, et a fini par ces mots dignes d’être à jamais gravés dans le cœur de tous les Citoyens vertueux :
« Mes enfants , je ferai tout ce que je pourrai pour vous rendre heureux.»
Madame Royale
La Reine s’est fait porter en chaise dans Sa Loge à la Messe du Roi.
Mardi 9 février 1790
Le Roi, la Reine et le Dauphin sont venus à la cathédrale, sans gardes et sans aucune suite. Ils sont descendus de voiture à la porte de l’église. Louis XVI et Marie Antoinette tiennent la main de M. le Dauphin. Le peuple, attendri et plein de joie, répète mille fois : « Vive le Roi, vive la Reine, vive M. le Dauphin. » Louis XVI contemple son peuple, et des larmes se sont échappées. Le peuple crie une seconde fois : « vive la Reine ». Alors le Dauphin se met à claquer des mains. Le Roi et la Reine entendent ensuite la messe à l’autel de la vierge.
Après la messe, le Roi, la Reine et le Dauphin se sont rendus aux Enfants Trouvés ; ils se sont ensuite retirés, à douze heures, accompagnés de Monsieur Bailly et du marquis de La Fayette.
Le 9 Janvier 1790
Le Roi et Madame Élisabeth ont été faire un tour de Tuileries après la messe. La Reine, malgré Son goût pour la promenade, n’a pas voulu y aller aujourd’hui , afin de ne plus retarder l’entière guérison de Son mal de pied. Sa Majesté marche cependant assez facilement, et n’éprouve plus aucunes douleurs.
Dimanche 10 Janvier
La Reine s’est fait porter chez Mesdames, l’après midi; de-là Sa Majesté a passé chez Monseigneur le Dauphin, et n’en est sortie qu’à l’heure du souper.
Le 11 Janvier 1790
Le Roi et la Reine vont à la messe ensemble, ce qui jadis n’était pas l’étiquette, mais l’étiquette n’étant plus qu’une aristocrate antique et surannée, chacun commence enfin à. s’en moquer et à braver ses ridicules oracles.
Le 12 Janvier 1790
La Reine va de bonne, heure, â la messe, avec Madame Royale. Elle va ensuite à la promenade , et là , Elle trouve le Dauphin qui prend ses ébats. Madame Élisabeth vient les joindre peu après. La Reine a abordé quelques Députés -qu’Elle a rencontrés, et qu’elle s’est entretenue avec eux. Sa Majesté ne se ressent plus de Son indisposition.
Le 16 janvier 1790
Le Roi cause, à son coucher du décret de l’Assemblée Nationale, relatif à M. Albert de Rioms, et parle avec intérêt de l’Orateur éloquent qui l’a défendu, ( M. de Champagpy. )
« Sire , lui dit un député, Monsieur d’Albert de Rioms avait besoin d’un pareil avocat, contre un agresseur sans ménagement, monsieur Ricard, car je ne crains pas de dire à Votre Majesté que M. Ricard a poussé la féroce énergie de sa déclamation , jusqu’à prétendre que Votre Majesté n’avait eu que des hommes tels que Monsieur d’Albert pour vous servir, elle tremperait aujourd’hui son Sceptre dans le sang de ses Peuples.
—Ah quelle, horreur! s’écria ce bon Prince, avec un mouvement plein d’indignation.»
Le 21 Janvier 1790
Le comte d’Albert de Rioms vient faire sa cour à la Reine. Sa Majesté lui dit, avec la sensibilité la plus touchante :
« Vous avez été bien, malheureux, et je vous assure que nous en avons été bien fâchés.»
Le Rôdeur
Le 10 février 1790
Le couple royal assiste sans tambour ni trompette à une messe basse à Notre-Dame puis, en sortant de la cathédrale, juste à côté du parvis, rend visite à l’hôpital des Enfants-Trouvés. Le caractère officiel d’une telle démarche fait aussitôt l’objet d’une illustration anonyme dans le Journal des Révolutions, aujourd’hui au misée Carnavalet : on y voit le Roi, la Reine et le Dauphin déambuler au milieu des deux longues rangées de berceaux occupés par les nombreux bébés abandonnés. En 1776, l’hôpital s’est vu confier 6419 enfants abandonnés en une seule année !
Samedi 13 février 1790
La Cour a été très nombreuse, l’après-midi, et très brillante chez la Reine. On a joué, jusqu’au soir, un jeu plus que modéré, uniquement pour occuper l’assemblée. Après le jeu, chacun s’est retiré très bourgeoisement chez soi.
Le 19 février 1790
Reconnu coupable d’avoir projeté de faire évader le Roi Louis XVI et sa famille du palais des Tuileries, Thomas de Mahy, marquis de Favras (1744-1790), est pendu en place de Grève, à Paris.
Il meurt courageusement, sans avoir impliqué quiconque.
Le 20 février 1790
La mort à Vienne de Joseph II constitue une perte affective et politique pour Marie-Antoinette. Léopold II (1747-1792), leur frère, devient Empereur des Romains.
Le 8 avril 1790
Première communion de Madame Royale en l’église de Saint-Germain l’Auxerrois, paroisse des Tuileries.
Été 1790
La famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud.
Le 11 juin 1790
La Cour s’installe au château de Saint-Cloud, chacun occupe son logement ordinaire: les Enfants de France et la marquise de Tourzel, Gouvernante des Enfants de France, au rez de chaussée du corps central donnant sur le jardin de l’orangerie; Madame Elisabeth, au rez de chaussée donnant sur le jardin, à proximité du vestibule; Louis XVI, au premier étage, donnant sur le bassin du fer à cheval; et Marie-Antoinette, au premier étage, donnant sur la cour d’honneur.
Cette répartition fait suite aux travaux engagés par Richard Mique, premier architecte de la Reine.
Le duc de Villequier, premier gentilhomme de la chambre, le duc de Brissac, capitaine-colonel des Cent Suisses, et le comte Esterhazy disposent aussi d’un logement. Mademoiselle de Tourzel dispose d’une simple chambre.
Le marquis de La Fayette dispose aussi d’un logement, mais ne l’occupe pas et retourne coucher chaque soir à Paris.
Marie-Antoinette médite alors sur le passé, regarde le présent en face, interroge l’avenir. Elle passe en revue les diverses périodes de Sa destinée déjà si féconde en contrastes. Elle évoque tous les souvenirs de la Burg et de Schoenbrunn, du château de Versailles et du Petit Trianon.
Un jour, Elle se promène avec Madame de Tourzel, la duchesse de Fitz-James et la Princesse de Tarente. Se voyant entourée de gardes nationaux, dont une partie se compose de soldats déserteurs des gardes françaises, Elle dit, les larmes aux yeux :
« Que ma mère serait étonnée , si elle voyait sa fille, femme et mère de Rois, ou du moins d’un destiné à le devenir, entourée d’une pareille garde! Il semblait que mon père eût un esprit prophétique , le jour où je le vis pour la dernière fois.»
L’impression que ces paroles de la Reine font éprouver à Mesdames de Fitz-James, de Tarente et de Tourzel est si vive que toutes trois fondent en larmes.
Des bruits courent selon lesquels la famille royale projette de s’évader…
Un après-midi de l’été 1790
Le château de Saint-Cloud est presque vide. Madame Campan fait la lecture à Marie-Antoinette, qui travaille à Son métier dans l’une des pièces de Son appartement, dont un balcon donne sur la cour d’honneur. Elles entendent un bruit sourd causé par des voix. Sur ordre de Marie-Antoinette, Madame Campan, s’approche de la fenêtre, et aperçoit sous le balcon plus de cinquante personnes : des femmes jeunes ou âgées, de vieux chevaliers de Saint-Louis, de jeunes chevaliers de Malte et quelques ecclésiastiques. Marie-Antoinette se lève, ouvre la fenêtre et paraît sur le balcon. L’une des femmes dit:
« Ayez du courage, Madame, les bons français souffrent pour vous et avec vous ; ils prient pour vous, le Ciel les exaucera ; nous vous aimons, nous vous respectons, nous vénérons notre vertueux Roi. »
Marie-Antoinette fond en larmes. Madame Campan fait signe au groupe que, par prudence, il faut s’éloigner. La petite troupe s’éloigne en envoyant des baisers à la Reine.
Le dimanche 20 juin 1790
La Cour quitte le château de Saint-Cloud.
A son retour au château de Tuileries, à la descente de Sa voiture, Marie Antoinette entend le peuple crier:
« Vive la Reine »
Le 3 juillet 1790
Dans les jardins du château de Saint-Cloud, Marie-Antoinette rencontre le marquis de Mirabeau qui Lui expose son plan pour sauver la monarchie.
« Elle est bien grande, bien noble et bien malheureuse. Mais je La sauverai. Rien ne m’arrêtera. Je périrai plutôt !» a-t-il déclaré en revenant.
Le 12 juillet 1790
Constitution civile du clergé.
Le 13 juillet 1790
Les «fédérés», venus de tous les coins de France, sont invités à se rendre aux Tuileries :
« On les f(ait) défiler devant (le roi) et la famille royale au pied du grand escalier des Tuileries. Le roi demand(e) le nom de chaque députation et parl(e) à chacun de ses membre s avec une bonté qui redoubl(e) encore leur attachement. La reine leur présent(e) ses enfants et leur dit quelques mots avec cette grâce qui ajout(e) un nouveau prix à tout ce qu’elle d(it). Transportés de joie, ils entr(ent) dans les Tuileries aux cris de « Vive le roi ! »»
Madame de Tourzel
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération
Le 14 juillet, tout est prêt, y compris un Autel de la Patrie et un arc de Triomphe construit pour l’occasion à l’emplacement actuel de la Tour Eiffel. Les fédérés de toutes la France défilent dessous avec leurs tambours et leurs drapeaux ; ils sont 100 000 (selon les syndicats et 50 000 selon la police – on trouve les deux chiffres dans les sources). La foule des Parisiens prend place sur les talus que l’on a élevés autour de l’esplanade. Louis XVI prend place dans le pavillon dressé devant l’École militaire.
Le Roi prête serment de fidélité aux lois nouvelles :
« Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois».
La Reine, se levant et montrant le Dauphin :
« Voilà mon fils, il s’unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments».
Du 5 au 11 août 1790
Louis XVI a un abcès à la joue. Il s’est formé à la gencive. On lui fait prendre du petit lait. L’Assemblée nationale se fait envoyer régulièrement, de Saint-Cloud, des bulletins de santé rédigés par les médecins du Roi. Chaque compte rendu est lu, en début de séance, par l’un des secrétaires de l’Assemblée nationale.
Pendant l’indisposition du Roi, Marie Antoinette reçoit et accueille tous ceux qui se présentent pour s’informer de la santé de Son époux.
Le 27 août 1790
Baptême du fils du boulanger François tué lors des émeutes du 21 octobre 1789. Louis XVI et Marie-Antoinette en sont parrain et marraine. Les souverains se sont fait représenter à l’église de la Madeleine.
Le 31 août 1790
Bouillé réprime une révolte de la garnison contre les officiers à Nancy.
Mardi 31 août 1790
Madame Eloffe, marchande de modes de la Reine, livre deux bonnets de nuit de taffetas blanc doublé. A cette époque, Marie Antoinette a pris de l’embonpoint, ce qui nécessite l’élargissement des poignets de trois douzaines de Ses chemises par madame Eloffe.
Le 4 septembre 1790
Démission de Necker.
Dimanche 12 septembre 1790
L’affluence est considérable au château de Saint-Cloud. Les personnes présentes paraissent chercher la présence du Roi et de la Reine qui caractérise l’amour du peuple pour leurs souverains.
Louis XVI et Marie-Antoinette se promènent, le soir, dans le parc, et sont accueillis par des applaudissements. On se presse autour de leur voiture.
Le 16 septembre 1790
Marie-Antoinette, par une suite de sa bienfaisance envers les prisonnières, ou poursuivies pour dettes de mois de nourrice, envoie 100 000 livres qui ont procuré la liberté à soixante-seize pères et mères de famille.
En septembre 1790
La Cour est fort mécontente des décrets, de l’Assemblée nationale, sur la chasse, de la nécessité où le Roi s’est trouvé de supprimer sa Vénerie. Marie Antoinette a pris Son époux par son seul endroit sensible, en le persuadant qu’on voulait le priver du plaisir de la chasse. Louis XVI a eu l’humeur, et l’a même laissé entrevoir à la députation de l’Assemblée nationale, en lui disant qu’il n’avait pas le cœur content.
On assure que les braconniers répandus dans le parc de Versailles sont une ruse de la Reine, qui a fait courir le bruit qu’on pouvait chasser librement sur les plaisirs du Roi.
Fin septembre 1790
Louis XVI est toujours sombre et rêveur. Marie Antoinette, au contraire, est gaie. Elle donne des concerts comme Elle le faisait l’année dernière, à pareille époque et dans les mêmes circonstances.
Le 18 septembre 1790
Le Roi et la Reine font leur apparition à l’Opéra. On y représente Psyché de Pierre Gardel.
Le 22 octobre 1790
Le Roi songe à quitter la capitale considérant qu’on l’a contraint à sanctionner le décret de la Constitution civile du clergé.
Le 23 octobre 1790
La Reine est offensée à l’Opéra.
Courant novembre jusqu’au 8 décembre 1790
Séjour de la famille royale au château de Saint-Cloud.
La Reine informée de la détresse où se trouvait l’école royale gratuite de dessin, Marie-Antoinette, fondatrice de cet établissement, s’est empressée suivant les mouvements habituels de sa bienfaitrice, d’envoyer à cette école une somme de 1 200 livres pour que le nombre des prix destinés à exciter l’émulation des mille cinq cents élèves qu’elle instruit ne soit pas diminuée.
Cette faveur et cette grâce inattendue viennent d’être annoncées dans les douze classes de l’école ; elles ont été reçues avec un sentiment profond que devait inspirer l’intérêt que Marie-Antoinette a daigné prendre à l’éducation de cette jeunesse laborieuse.
Le 26 décembre 1790
Le Roi sanctionne le décret sur la Constitution civile du clergé.
Le 1er janvier 1791
Louis XVI et Marie-Antoinette reçoivent les hommages de la famille Royale, de la Cour, de la municipalité de Paris et de la garde nationale de Paris. La députation de la municipalité, accompagnée de celle de la garde nationale, est conduite chez le Roi et chez la Reine par les officiers
des Cérémonies.
Vers midi, le Roi, accompagné de Monsieur, et précédé des chevaliers, commandeurs et officiers de l’Ordre du Saint-Esprit, marchant processionnellement, et portant, ainsi que Louis XVI, l’habit de l’Ordre, se rend à la Chapelle du château des Tuileries, où il entend la grand’messe chantée par sa Musique, et célébrée par Mgr de Roquelaure, évêque de Senlis et premier aumônier du Roi. La Reine et la Famille Royale y assistent dans la tribune. Madame Stanislas de Clermont-Tonnerre a fait la quête.
C’est la dernière fois que les chevaliers du Saint-Esprit s’assemblent, et que Louis XVI revêt le costume et le collier de l’Ordre.
Louis XVI et Marie Antoinette soupent au Grand Couvert.
M. Pétion de Villeneuve, maire de Paris, refuse de faire le compliment du nouvel an à Marie-Antoinette.
Le duc d’Orléans ne paraît pas à la procession de l’Ordre du Saint-Esprit ; il y envoie ses deux fils le duc de Chartres et le duc de Montpensier. On remarque qu’eux seuls, avec le comte d’Estaing, portent la cocarde tricolore au lieu de la cocarde verte de l’Ordre du Saint-Esprit.
A l’occasion du nouvel an, l’usage est de donner l’aubade sous les fenêtres du Roi. La Musique du Roi se rend au château des Tuileries, et interprète plusieurs reprises, en allusion à la liquidation des dettes de l’Etat décidée par l’Assemblée nationale, l’air de l’opéra-comique « des dettes ».
Louis XVI dispose, à cette date, dans sa caisse de 280 926 livres, et reçoit 12 000 livres.
Des vainqueurs de la Bastille viennent présenter, pour étrennes, à Monsieur le Dauphin, un domino fait de pierre et de marbre de cette prison d’Etat.
Sur le couvercle sont gravés des vers :
« Des pierres et des murailles, qui renfermaient d’innocentes victimes de pouvoir arbitraire, ont été transformés en jouet pour être offert, Monseigneur, comme un hommage de l’amour du peuple et pour vous apprendre qu’elle est sa puissance. »
Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …
Le 5 janvier 1791
A l’occasion d’une audience avec Monsieur Fevan Nunez, ambassadeur d’Espagne en France, Marie Antoinette lui livre Ses sentiments. Elle lui confie qu’Elle se méfie, par-dessous tout, des actions entreprises par les princes émigrés et qu’Elle place tous Ses espoirs dans l’influence que peut avoir, sur l’Assemblée nationale, une coalition étrangère composée de l’Autriche, de l’Espagne, de la Sardaigne et de la Suisse.
En février 1791
La Correspondance Secrète de Lescure évoque une entrevue entre la Reine Marie-Antoinette et Madame, comtesse de Provence au Petit Luxembourg pour évoquer des sujets graves et particuliers. On a parlé de réconciliation. Dans le contexte du moment, Marie-Antoinette est prise à partie par les libelles et vit un enfer aux Tuileries à Paris. On sait que les relations antérieures entre les deux femmes n’étaient pas au beau fixe. Néanmoins, la comtesse de Provence, lorsque la Révolution devient de plus en plus hostile envers la famille royale, s’émeut du sort du couple royal. Peu à peu, ses sentiments changent, la compassion la gagne.
Le 11 février 1791
La famille royale se promène au Jardin du Roi (aujourd’hui Jardin des Plantes). Elle y reçoit les honneurs des forts du port au charbon.
Le 14 février 1791
Le ministre de la Marine Claret de Fleurieu déclare officiellement l’expédition La Pérouse perdue. Ce qui n’empêche pas d’envoyer des recherches.
Dans la semaine du 14 au 20 février 1791
Marie Antoinette va voir Madame au Luxembourg, malgré l’antipathie qui a toujours régné entre elles deux, et qu’elles n’ont pas cherché à cacher. Elles ont ensemble et seules un entretien de deux heures.
Le 15 février 1791
On a retrouvé les bijoux de madame du Barry . Les voleurs avaient dérobé chez elle pour plusieurs millions de joyaux quatre jours plus tôt.
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire qui partent pour Rome.
Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.
Le 1er mars 1791
Mesdames Tantes sont autorisées à se rendre à Rome.
Le 7 mars 1791
La Reine entretient une correspondance avec Son frère l’Empereur, Léopold II, où Elle lui demande de menacer la France de ses armes.
Une lettre envoyée de Bruxelles par Mercy-Argenteau vient d’être interceptée et transmise à l’Assemblée.
Le 20 mars 1791
Marie-Antoinette écrit à Artois :
« J’espère, mon cher frère, que mes tantes vous ont parlé de moi et vous ont dit et bien prouvé que ce n’est ni manque d’amitié, ni manque de confiance, qui fait que nous avons été si longtemps sans vous écrire. Ma sœur a dû vous parler aussi pour moi du voyage que vous vouliez faire à Vienne. Si vous m’aviez consultée, je vous en aurais dissuadé. Mais, croyez que jamais je n’eusse écrit à d’autres que vous pour vous en empêcher. Votre frère, quoique se portant mieux, n’est pas encore en état de vous écrire (…)»
Le 26 mars 1791
Loménie de Brienne renvoie son chapeau de cardinal au pape après avoir accepté la constitution civile du clergé.
Le 28 mars 1791
Mirabeau tombe malade.
Avril 1791
Pour tenter de récupérer ses chers bijoux, madame du Barry se rend à nouveau à Londres…alors qu’elle est étroitement surveillée par un certain Blache, agent de la police française, qui envoie régulièrement à Paris un rapport sur ses activités.
Le 2 avril 1791
Mort de Mirabeau ( né le 9 mars 1749) ; il est inhumé au Panthéon.
On ne découvre que plus tard qu’il avait entretenu des liens avec le Roi et la Reine. Il sera alors dépanthéonisé…
Le 17 avril 1791
Louis XVI reçoit la communion du cardinal de Montmorency, prêtre réfractaire.
Le 18 avril 1791
La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud. Lors de ce séjour à Saint-Cloud, un groupe de royalistes parmi lesquels plusieurs femmes projettent de profiter de la situation pour entraîner la famille royale hors de Paris et de là, en Normandie. Une dénonciation fait échouer cette entreprise.
Le 24 avril 1791
La famille royal est obligée d’entendre la messe pascale à l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois célébrée par l’abbé Corpet, prêtre jureur.
Le 26 mai 1791
L’Etat alloue au Roi et sa famille une liste civile de vingt-cinq millions de francs chaque année. En cas de veuvage, la Reine recevra un douaire de quatre millions.
Madame Eloffe, Sa marchande de modes, raccommode, pour Marie-Antoinette, un volant de mousseline brodée qui était déchiré.
Le 19 juin 1791
« J’étais chez la reine pour prendre ses derniers ordres , lorsque M. de Montmorin (ministre des affaires étrangères) lui apporta u ne très grande lettre qu’elle lut avec beaucoup d’attention . Quand il fut sorti de chez elle : « Il n’y a plus, dit-elle, à balancer pour notre départ : voici une lettre de l’Empereur (Son frère) qui nous engage à ne pas la différer. »»
Madame de Tourzel
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Les Provence passent la frontière.
Voir cet article :
La Reine, le Dauphin, Barnave et le Roi dans la berline du retour de Varennes et en face, Madame Elisabeth, Pétion, madame de Tourzel et Marie-Thérèse par Benjamin Warlop
Jérôme Pétion et Antoine Barnave montent dans la berline royale à Châlons-en-Champagne. Pendant le voyage du retour, Marie-Antoinette converti Barnave (1761-1793) à Sa cause.
Jérôme Pétion et Antoine Barnave montent dans la berline royale à Châlons-en-Champagne. Pendant le voyage du retour, Marie-Antoinette converti Barnave (1761-1793) à Sa cause.
Ils entameront une correspondance clandestine
Le Roi est suspendu.
Voir cet article :
En rentrant aux Tuileries, Marie-Antoinette se rafraîchit de ce voyage épuisant et si angoissant et en se regardant dans le miroir, Elle s’aperçoit que Sa chevelure blond cendré est devenue aussi blanche que celle d’une femme de soixante-dix ans…
Quand la Reine se préoccupe de n’inquiéter personne de ceux Qui les ont aidés pour ce malheureux voyage :
Déclaration de la Reine
« Je déclare que le roi, désirant partir avec ses enfants, rien dans la nature n’aurait pu m’empêcher de le suivre. J’ai assez prouvé, depuis deux ans, dans plusieurs circonstances, que je voulais ne le quitter jamais. Ce qui m’a encore plus déterminée, c’est l’assurance que j’avais que le roi ne voulait pas quitter le royaume : s’il en avait eu le désir, toute ma force eût été employée pour l’en empêcher.
La gouvernante de mon fils était malade depuis trois semaines, et n’a reçu les ordres que peu de temps avant le voyage ; elle en ignorait absolument la destination. Elle ,’a emporté avec elle aucune espèce de hardes, et j’ai été obligée moi-même de lui en prêter.
Les trois courriers n’ont pas su la destination ni le but de leur voyage. Sur le chemin on leur donnait de l’argent pour payer leurs chevaux ; ils recevaient l’ordre pour la route. Les deux femmes de chambre ont été averties dans l’instant même du départ, et l’une d’elles, qui a son mari dans le château, n’a pu le voir avant le départ.
Monsieur et Madame devaient venir nous joindre en France ; ils ne sont passés dans le pays étranger que pour ne pas nous embarrasser et ne pas faire manquer les chevaux sur la route.
Nous sommes sortis par l’appartement de M. de Villequier, en prenant la précaution de ne sortir que séparément et à plusieurs reprises.»Signé, Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette entame avec Antoine Barnave une correspondance secrète par l’intermédiaire du chevaliers de Jarjayes (1745-1822). Antoine Barnave entre alors en correspondance suivie avec la souveraine et La rencontre à plusieurs reprises. Malgré un échange de lettres quasi quotidien pendant de nombreux mois, les différents projets ne se concrétisent pas. Pour des raisons de prudence, c’est Jarjayes qui écrit à la place de Barnave , soit sous sa dictée, soit en recopiant un texte préparé. Barnave rejoint alors les monarchistes constitutionnels du club des Feuillants, ce qui lui vaut la haine du peuple parisien et des jacobins lesquels dénoncent « Barnave noir derrière, et blanc devant ».
La comtesse de Jarjayes permet d’acheminer cette correspondance, du moins dans les premiers temps, quand la Reine est sous étroite surveillance aux Tuileries, après le retour de Varennes, c’est-à-dire pendant environ trois mois. Femme de chambre de Marie-Antoinette, jouissant d’une entière confiance, elle donne à son mari les lettres destinées à Barnave, et remet à la Reine les lettres en réponse de Barnave, apportées par le comte. Marie-Antoinette écrit la lettre sur une table placée près de Son lit, et la cache sous un livre. Sur un signe convenu, la comtesse s’approche , fait semblant d’effectuer un rangement ; elle s’empare de la lettre en tournant le dos à la porte et la glisse dans son corsage. Quand son mari vient, elle se jette dans ses bras et, pendant qu’ils s’étreignent, elle place la lettre dans la poche du comte. Celui-ci, dès qu’il le peut, se rend auprès de Barnave à qui il remet la missive royale. Ce dernier, après en avoir pris connaissance, dicte sa réponse au comte de Jarjayes, qui l’apporte à sa femme, laquelle la remet discrètement à Marie-Antoinette.
Il existe, bien sûr des variantes à ce scénario, toutes les façons d’agir ont pour but de déjouer la surveillance.
Dans certains cas, Marie-Antoinette donne des instructions précises à Son agent :
« Je désire, par l’attachement que je vous connais pour ma personne et pour le bien public, que vous cherchiez à voir M. Barnave et que vous lui disiez que …»
Le 26 juin 1791
Suite au départ réussi de Monsieur, le duc d’Orléans refuse d’être candidat à la régence.
A la fin juin 1791
La Reine peut voir tous les jours à volonté les dames de Sa Maison. Au début, les dames doivent se faire inscrire chez le commandant du château pour y être admis. Après deux semaines, le marquis de La Fayette se détermine à donner des cartes qu’il ne signe pas car il a déjà beaucoup dépassé les ordres de l’Assemblée.
Les cartes sont de différentes couleurs. Chaque prince a la sienne, et elles sont signées de la principale personne de la Maison et du chef de la garde.
Marie-Antoinette obtient que la marquise de Tourzel reste auprès du Dauphin, grâce à l’influence de la duchesse de Luynes sur quelques députés de l’Assemblée nationale. Elle reste consigner dans la chambre du Dauphin, sous la surveillance d’un aide de camp du marquis de La Fayette.
Le 6 juillet 1791
De Padoue, l’Empereur Léopold II invite les souverains d’Europe à exiger avec lui la liberté du Roi de France.
Le 15 juillet 1791
Les clubs des Jacobins et des Cordeliers réclament l’abdication de Louis XVI.
Le 16 juillet 1791
Scission au club des Jacobins entre ceux voulant garder le Roi et ceux réclamant sa déchéance. Les modérés forment le club des Feuillants.
Le 17 juillet 1791
Fusillade du Champ-de-Mars, rebaptisé Champ-de-la-Fédération.
Le 18 juillet 1791
Drouet reçoit 30 000 francs de récompense pour avoir reconnu le Roi.
200 000 francs à répartir sont promis à toute personne pouvant donner des informations sur le départ de la famille royale.
D’août à décembre 1791
On fait aux Tuileries d’importants travaux de décoration et d’ameublement, particulièrement dans l’appartement de la Reine ; Sa chambre à coucher, Son salon, Sa salle-à-manger sont rénovés.
Le 3 septembre 1791
Une garde constitutionnelle est offerte au Roi.
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.
« Sur proposition de M. de La Fayette, on décréta la mise en liberté de toutes les personnes détenues à l’occasion du voyage du roi (…) on accorda une amnistie à ceux qui avaient contribué au voyage de Varennes (…)
Le décret de l’amnistie m’ayant rendu la liberté, je repris mes fonctions auprès de Mgr le Dauphin et de Madame et je les suivis le lendemain à l’Assemblée. Nous allâmes dans une loge préparée pour la reine (…) Le roi prononça, debout et découvert, le serment prescrit par l’Assemblée».Madame de Tourzel
Le 20 septembre 1791
En fin d’après-midi, la famille royale assiste à la représentation de Psyché à l’opéra.
Le carrosse de la famille royale circule ensuite le long des Champs-Elysées où elle est acclamée.
Le 25 septembre 1791
Louis XVI et Marie Antoinette, Madame Royale et Madame Elisabeth se rendent à l’Opéra, pour assister à la représentation de « Psyché » au théâtre de l’Académie royale de Musique. Ils sont accompagnés de la Famille Royale. Les acclamations sont unanimes et multiples.
Le 26 septembre 1791
La famille royale paraît à la Comédie-Italienne. Partout Marie-Antoinette se montre gracieuse et affable ; mais l’humeur n’y est plus et madame de Staël, voyant bien souvent la pâleur de Son visage, ne peut s’empêcher de noter «Elle s’effor(ce) d’être aimable. Mais on s’aperçoit une profonde tristesse à travers son obligeant sourire.»
Le 30 septembre 1791
Dernière séance de l’assemblée constituante. Aucun député ne pourra être réélu pour la prochaine assemblée.
Une amnistie générale est décrétée pour tout fait d’émeute depuis 1788.
Le 1er octobre 1791
Première séance de l’Assemblée législative comprenant 745 députés : 264 Feuillants, 136 Jacobins et 345 non-inscrits.
Le 5 octobre 1791
Entrevue secrète avec Barnave.
Le 8 octobre 1791
Marie-Antoinette assiste avec le Roi , au théâtre des Italiens, à la représentation de L’Amant Jaloux, opéra-ballet de Grétry.
Le 31 octobre 1791
Décret contre les émigrés, invités à revenir en France sous peine de confiscation de leurs biens.
Le 9 novembre 1791
Le comte de Provence est sommé de rentrer en France.
Le 11 novembre 1791
Le Roi oppose son veto aux décrets des 31 octobre et 9 novembre.
Le 14 novembre 1791
Pétion est élu maire de Paris.
Le 29 novembre 1791
Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».
Le 1er décembre 1791
La Reine se rend la Comédie-Française, rebaptisée Théâtre de la Nation (à l’Odéon), car Elle souhaite voir l’acteur Préville jouer l’un de ses meilleurs rôles, celui de Géronte dans Le Bourru bienfaisant de Goldoni ; selon la presse, Elle y reçoit «les marques d’une satisfaction universelle, et les mêmes hommages l’ont accompagnée dans sa route jusqu’aux Tuileries».
Le 2 décembre 1791
Marie-Antoinette écrit à Barnave :
« J’ai eu lieu d’être très contente, hier, au spectacle.»
Le 29 décembre 1791
Marie-Antoinette se rend à l’opéra assister au ballet de Psyché. On donne également Les Prétendus de Lemoyne. Elle y est acclamée.
Le vendredi 20 janvier 1792
Marie-Antoinette, accompagnée de Ses enfants, se rend à la Comédie Française où des acclamations les accueillent. Ils assistent à la représentation Des Evénements imprévus, comédie en trois actes, mêlée d’ariettes d’Hèle et musique de Guétry.
C’est le dernier témoignage de sympathie donné à la famille royale.
Le 9 février 1792
Décret sur la confiscation des biens des émigrés.
Le 13 février 1792
Visite clandestine de Fersen aux Tuileries.
Le 20 février 1792
La Reine paraît à la Comédie-Italienne pour la dernière fois.
Elle est saluée par Madame Dugazon qui chante : « Ah! que j’aime ma maîtresse» dans Les Événements Impromptus.
Le 1er mars 1792
Léopold II, le frère de Marie-Antoinette, meurt.
Avènement de Son neveu François II, qui sera couronné Empereur le 19 juillet.
L’assemblée législative adopte le principe de la «décollation mécanique» pour rendre la peine de mort la moins douloureuse possible à l’aide d’une machine proposée depuis 1789 par le docteur Guillotin qui se bat contre la peine de mort.
Louis XVI y aurait apporté des conseils techniques.
Le 25 mars 1792
Ultimatum de la France sur l’Autriche.
Le 29 mars 1792
Mort du Roi Gustave III de Suède, qui avait beaucoup d’amitié pour Marie-Antoinette.
Au cours du bal masqué de l’Opéra royal de Stockholm, le Roi est assassiné d’un coup de pistolet par Jacob Johan Anckarström.
Le 20 avril 1792
Déclaration de guerre au Roi de Bohême et de Hongrie, François II.
Le 27 mai 1792
Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 1er juin 1792
L’actrice Rosalie Dugazon a été remerciée. Sa trop grande fidélité à la Reine l’oblige à une retraite forcée.
Le 8 juin 1792
Décret de formation d’un camp de fédérés à Paris.
Le 11 juin 1792
Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.
Lui et la Reine sont désormais surnommés «Monsieur et Madame Veto».
Le 14 juin 1792
Danton propose que Louis XVI répudie Marie-Antoinette afin de mettre fin à la soi-disant influence autrichienne.
Le 20 juin 1792
Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries.
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
« Avec le courage passif qui est le sien », selon Michel Vovelle, le Roi subit sans faiblir pendant deux heures le défilé de la foule, accepte de coiffer le bonnet phrygien et boit à la santé de la Nation pour faire passer les paroles de Legendre :
« Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore », mais refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, invoquant la loi et la constitution. La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares … les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :
« Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.
L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine.
Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta : « c’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : «c’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne».
Mesdames de Lamballe, de Tarente, de La Roche-Aymon, de Mackau entourent alors la Reine, ainsi que madame de Tourzel qui souligne dans ses Mémoires :
« La Reine était toujours dans la chambre du Roi, lorsqu’un valet de chambre de Mgr le Dauphin accourut tout hors de lui avertir cette princesse que la salle était prise, la garde désarmée, les portes de l’appartement forcées, cassées et enfoncées, et qu’on le suivait.
On se décida à faire entrer la Reine dans la salle du Conseil, par laquelle Santerre faisait défiler sa troupe pour lui faire quitter le château. Elle se présenta à ces factieux au milieu de ses enfants, avec ce courage et cette grandeur d’âme qu’elle avait montrés les 5 et 6 octobre, et qu’elle opposa toujours à leurs injures et à leurs violences.
Sa Majesté s’assit, ayant une table devant elle, Mgr le Dauphin à sa droite et Madame à sa gauche, entourée du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui ne cessa d’opposer un mur inébranlable au peuple rugissant, qui l’invectivait continuellement.
Plusieurs députés s’étaient aussi réunis auprès d’elle.
Santerre fait écarter les grenadiers qui masquaient la Reine, pour lui adresser ces paroles : » On vous égare, on vous trompe, Madame, le peuple vous aime mieux que vous le pensez, ainsi que le Roi ; ne craignez rien « .
– » Je ne suis ni égarée ni trompée, répondit la Reine, avec cette dignité qu’on admirait si souvent dans sa personne, et je sais (montrant les grenadiers qui l’entouraient) que je n’ai rien à craindre au milieu de la garde nationale « .
Santerre continua de faire défiler sa horde en lui montrant la Reine. Une femme lui présente un bonnet de laine ; Sa Majesté l’accepte, mais sans en couvrir son auguste front. On le met sur la tête de Mgr le Dauphin, et Santerre, voyant qu’il l’étouffait, le lui fait ôter et porter à la main.
Des femmes armées adressent la parole à la Reine et lui présentent les sans-culottes ; d’autres la menacent, sans que son visage perde un moment de son calme et de sa dignité.
Les cris de « Vivent la Nation, les sans-culottes, la liberté ! à bas le veto ! » continuent.
Cette horde s’écoule enfin par les instances amicales et parfois assez brusques de Santerre, et le défilé ne finit qu’à huit heures du soir.
Madame Elisabeth, après avoir quitté le Roi, vint rejoindre la Reine, et lui donner de ses nouvelles.
Ce prince revint peu après dans sa chambre, et la Reine, qui en fut avertie, y entra immédiatement avec ses enfants.»
Vers dix heures du soir
Pétion et les officiers municipaux font évacuer le château.
Même s’il a subi une humiliation, Louis XVI a fait échouer la manifestation, par son obstination imprévue et sa fermeté tranquille, et il se tient désormais sur ses gardes.
Surtout, elle renforce l’opposition royaliste, le déchaînement de la foule et le courage du Roi suscitant un courant d’opinion en sa faveur. Des départements parviennent à Paris adresses et pétitions pour dénoncer la manifestation, même si de nombreux clubs envoient des pétitions hostiles au Roi.
Pétion est suspendu de ses fonctions de maire.
Louis XVI conserve sa détermination à défendre la Constitution en espérant un sursaut de l’opinion en sa faveur, ce qui se manifeste le 14 juillet, troisième fête de la fédération, étant l’objet de manifestations de sympathie.
En juillet 1792
« La reine était si mal gardée et il était si facile de forcer son appartement que je lui demandai avec instance de venir coucher dans la chambre de Mgr le Dauphin. Elle eut bien de la peine à se décider (…) Elle finit par y consentir mais seulement les jours où il y aurait du bruit dans Paris.»
Madame de Tourzel
A partir de ce moment, la Reine, la gouvernante et le Dauphin cohabitent dans cette chambre pendant les nuits :
« Mgr le Dauphin, qui aim(e) beaucoup la reine, enchanté de la voir coucher dans sa chambre, cour(t) à son lit dès qu’elle (est) éveillée, la ser(t) dans ses petits bras en lui disant les choses les plus tendres et les plus aimables.»
Madame de Tourzel
En juillet 1792
La Landgrave Louise engage son frère Georges de Hesse (1754-1830) à se rendre à Paris pour chercher avec quelques amis dévoués, à enlever des Tuileries, la Reine est Ses enfants.
En apprenant cela, Marie-Antoinette écrit à Louise de Hesse-Darmstadt :
« Votre amitié vos soins, Madame, m’ont touchée jusqu’au fond de l’âme. La personne qui repart pourra vous dire les raisons qui l’ont retenue si longtemps ; il vous dira que même à présent je n’ose pas le voir chez moi ; il m’aurait pourtant été bien doux de parler avec lui de vous, à qui je suis tendrement attachée ; non, ma Princesse, en sentant tout le prix de vos offres, je ne puis les accepter.
Je suis vouée pour la vie à mes devoirs et aux personnes chères dont je partage les malheurs, et qui, quoi qu’on en dise, méritent tout intérêt par le courage avec lequel elles soutiennent leur position.
Le porteur de cette lettre pourra vous donner des détails sur ce moment-ci et sur l’esprit du lieu que nous habitons : on dit qu’il a beaucoup vu et juste. Puisse un jour tout ce que nous faisons et souffrons rendre heureux nos enfants, c’est le seul vœu que je me permette.
Adieu, ma Princesse, ils m’ont tut ôté, hors mon cœur que me restera toujours pour vous aimer, n’en doutez jamais ; c’est le seul malheur que je pourrois supporter .
Je vous embrasse tendrement. Mille compliments à tous les vôtres.
Je me sens plus que jamais enorgueillie d’être née Allemande.»
Cette lettre fait allusion à ce projet, qui ne put être exécuté, car la Reine de peur de se compromettre, ne veut pas même voir le Prince Georges. Marie-Antoinette refuse donc en redisant Son affection pour Sa famille mais aussi Son devoir face à la France.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Après le 14 juillet 1792
Madame Campan rapportent les inquiétudes de la Reine :
« Je commence à redouter un procès pour le roi ; quant à moi, je suis étrangère, ils m’assassineront, que deviendront nos pauvres enfants? »
Un torrent de larmes suit ces douloureuses exclamations. Madame Campan veut Lui donner une potion anti-spasmodique, qu’Elle refuse en disant que les maux de nerfs sont la maladie des femmes heureuses, que l’état cruel dans lequel Elle est réduite rend ces secours inutiles. En Ses temps heureux, la Reine avait souvent des crises spasmodiques mais Sa santé est des plus égales car les Facultés de Son âme soutiennent Ses forces physiques.
A Son insu, madame Campan Lui a fait faire un corset semblable au gilet du Roi ; mais Elle ne veut pas en faire usage :
« Si les factieux m’assassinent ce sera un bonheur pour moi, ils me délivreront de l’existence la plus douloureuse.»
Marie-Antoinette
Le 20 juillet 1792
La sentence prononcée en 1786 contre madame de La Motte _qui vient de mourir à Londres_ est cassée.
Il s’agit d’une mise en accusation indirecte de la Reine.
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Un soir, de la fin juillet 1792
Alors qu’il y a, au château des Tuileries, une excellente garde nationale, Marie-Antoinette va au petit jardin du prince royal, dont Elle revient par la terrasse par la terrasse d’eau. Des fédérés, qui passent sur le quai, ayant aperçu la Reine, se mettent à tenir de très mauvais propos et à chanter une chanson détestable, en affectant de La regarder sans ôter leur chapeau. Marie-Antoinette veut se retirer, mais les gardes nationaux La supplient de n’en rien faire et de leur laisser apprendre à ces fédérés qu’on ne les redoute pas. Ils se mettent alors à crier « Vive le Roi et la Famille Royale ».
Le 3 août 1792
Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.
Jeudi 9 août 1792
Marie-Antoinette va alternativement chez le Roi, et chez Ses enfants, accompagnée de Madame Elisabeth, et retourne dans le cabinet du Roi.
Le 10 août 1792
La journée du 10 août commence en réalité dans la nuit du 9 au 10 août. En pleine nuit, le tocsin sonne au couvent des Cordeliers. Une heure plus tard, toutes les églises de Paris répondent au signal donné par Danton.
Ce sont les quarante-huit sections de Paris, dont les révolutionnaires se sont rendus maîtres. Danton lance alors les sections parisiennes à l’assaut de l’hôtel de Ville, met à la porte la municipalité légale et y installe sa «commune insurrectionnelle», qui s’effondrera le 9 thermidor avec Robespierre.
Le deuxième acte se joue alors. Le commandant de la garde Nationale, Galliot de Mandat, favorable à Louis XVI, est convoqué à l’hôtel de ville. C’est un piège. Dès qu’il y pénètre, il est assassiné. Son corps est jeté dans la seine, et sa tête, plantée sur une pique. Antoine Santerre (1752-1809), le roi des faubourgs, le remplace.
Les Tuileries constituent le dernier objectif. Pour défendre le palais, le Roi peut compter sur ses mille à mille deux cents gardes Suisses, sur trois cents chevaliers de Saint louis, sur une centaine de nobles et de gentilshommes qui lui sont restés fidèles. La Garde nationale est passée dans le camp adverse. Seul le bataillon royaliste des «filles de Saint Thomas» est demeuré fidèle au souverain.
On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.
Roederer, le «procureur syndic du département» convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.
Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».
On conduit la famille royale dans la loge du logographe (ou sténographe), situé derrière le bureau de Vergniaud, président de séance, est placée en sécurité. C’est dans cette pièce de quelques 15 m² que Louis XVI et les siens vont assister aux débats de l’assemblée qui vont abolir la royauté en France, pendant les trois journées qui suivent.
Le petit Dauphin a faim et soif. Monsieur de Joly, dernier ministre de la Justice de Louis XVI, auquel le jeune prince donnait la main pendant le trajet du palais au Manège, se dévoue pour aller chercher un repas à la cantine de l’Assemblée. Par scrupule – et aussi sans doute en vertu d’une méfiance non sans raison -, il goûte tous les mets. À tel point même que Louis-Charles lui dit : «Assez, ministre, assez !».
Le Roi est suspendu de ses fonctions.
Le soir du 10 août 1792
La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.
« La Reine en éprouva une telle révolution , que sa poitrine et son visage devinrent , en un instants, tout vergetés.»
Madame de Tourzel
Encore une fois, on constate par là que les émotions subites par Marie-Antoinette influent considérablement sur Son état physique.
Le soir du 10 août 1792
La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.
Vendredi 11 août 1792
La Famille Royale se trouve sans vêtements de rechange. M. Pascal, officier des cent suisses, qui a une corpulence comparable à celle de Louis XVI, lui offre des vêtements ; la duchesse de Gramont transmet du linge de corps à Marie Antoinette ; la comtesse Gover-Sutherland, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre, apporte des vêtements pour le prince royal.
Louis XVI apprenant l’envoi de linges que la duchesse de Gramont, sœur de feu le duc de Choiseul, vient de faire à la Reine, lui écrit le billet suivant, qui indique que la duchesse de Gramont ne borne pas ses offres à celle de quelques vêtements :
« Au sein de l’Assemblée nationale, le 11 août.
Louis XVI
Nous acceptons, Madame, vos offres généreuses, l’horreur de notre position nous en fait sentir tout le prix, nous ne pourrons jamais reconnaître tant de loyauté que par la durée de nos plus tendres sentiments.
Louis. »
Samedi 12 août 1792
Louis XVI et sa famille retournent, à dix heures, dans la loge du logographe.
Le soir, ils retournent aux Feuillants. Il espère y goûter un peu de repos et conserver avec lui les cinq gentilshommes qui l’avaient accompagné. Mais la garde est changée par des hommes jaloux et méchants. Le Roi passe, avec sa famille, dans la salle où l’on a préparé le souper. Ils sont servis, pour la dernière fois, par les cinq gentilshommes. La séparation prochaine rend ce repas triste et funèbre, car Louis XVI a appris qu’un décret ordonne de les faire arrêter. Louis XVI ne mange pas mais le prolonge autant qu’il le peut. Il ordonne aux cinq gentilshommes de le quitter, et leur fait embrasser ses enfants. Pendant ce temps, la garde monte pour se saisir d’eux mais ils arrivent à s’échapper par un escalier dérobé.
Le 13 août 1792
La Commune décide de transférer la famille royale au Temple… en passant par la place Louis XV qu’on a déjà rebaptisée Place de la Révolution, on montre au Roi comme la statue de son grand-père est en train d’être déboulonnée pour faire disparaître toutes les marques du régime qui devient dès lors ancien…
Selon Madame de Tourzel, la famille royale, accueillie par Santerre, voit d’abord la cour du palais illuminée de lampions comme s’ils étaient attendus pour une fête ; on retrouve l’ambiance des grands couverts qui rythmaient la vie de Cour à Versailles et aux Tuileries…
Charles-Eloi Vial
Après un splendide dîner servi dans l’ancien palais du comte d’Artois ( où la famille royale espère encore être logée) , la messe est dite dans un salon. Après avoir visité les lieux, Louis XVI commence à répartir les logements.
A onze heures du soir
Alors que le Dauphin est gagné par le sommeil et que madame de Tourzel est surprise d’être emmenée en direction de la Tour, le Roi comprend qu’il a été joué par la Commune. Pétion, qui estimait que la grande Tour était en trop mauvais état, a résolu de loger la famille royale dans la petite en attendant la fin des travaux ordonnés pour isoler la prison du monde extérieur.
Charles-Eloi Vial
La Tour qui fit tant frémir Marie-Antoinette, autrefois, qu’Elle avait demandé à Son beau-frère qu’il la détruise. Était-ce un pressentiment de Sa part?
Quittant les magnifiques salons du comte d’Artois, la famille royale est emmenée dans la petite tour pour être logés dans les appartements de Jacques-Albert Barthélemy, ancien avocat archiviste de l’ordre de Malte, détenteur de cette charge depuis 1774. Il avait obtenu ce logement de fonction en 1782, où il vivait , en vieux célibataire et il n’y avait véritablement de la place chez lui que pour loger un seul maître de maison. Pour des raisons de sécurité, les domestiques héritent des pièces du bas, les plus confortables, tandis que la famille royale loge dans les parties hautes de la tour, dans des pièces à l’abandon depuis des années. Du mobilier est apporté du Garde-Meuble et du palais du Temple afin de compléter celui de l’archiviste.
Charles-Eloi Vial
Le second étage est attribué à la Reine et Sa fille, Marie-Thérèse . Elles couchent dans l’ancienne chambre de Barthélémy. Au même étage, la princesse de Lamballe dort dans l’antichambre, la marquise de Tourzel et le Dauphin partagent à nouveau la même chambre.
Le 20 août 1792
On vient chercher tous ceux qui n’appartiennent pas à la Famille Royale stricto sensu. Le Roi tente en vain de rappeler que la princesse de Lamballe est sa cousine. Madame de Lamballe, Madame de Tourzel et sa fille Pauline sont transférées dans l’affreuse prison de la Petite Force, les trois dames sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse.
Le 3 septembre 1792
Massacres dans les prisons: une foule armée de barres de fer, de piques et de bûches encercle les prisons de Paris, voulant y tuer les royalistes qu’une rumeur accuse d’y avoir caché des armes pour fomenter une contre-révolution.
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Madame de Tourzel et sa fille Pauline, future comtesse de Béarn, en réchappent.
Le 20 septembre 1792
Le duc d’Orléans, Philippe Égalité, cousin du Roi, est élu député à la Convention.
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Peu à peu la Famille Royale adopte un rythme de vie régulier :
6 h : lever du Roi. Prière. Le reste de la famille se lève un peu plus tard.
9 h : petit-déjeuner, assez copieux, du moins au début puis instruction des enfants
12 h : promenade sur le chemin de ronde
13 h : retour dans les appartements
14 h : déjeuner puis jeux du type échecs et broderie
16 h : sieste du Roi puis, de nouveau, instruction des enfants
20 h : dîner et coucher des enfants
21 h : dîner des adultes
Vers minuit : coucher
Le 6 novembre 1792
Victoire de Jemappes.
Le 14 novembre 1792
Les troupe françaises entrent à Bruxelles.
Le 20 novembre 1792
Découverte de l’armoire de fer aux Tuileries.
Le 27 novembre 1792
Décret qui annexe la Savoie, patrie des comtesses de Provence et d’Artois, à la France.
Le 3 décembre 1792
Pétion renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis XVI comparaît devant la Convention pour la première fois. Il est autorisé à choisir un avocat. Il demandera l’aide de Tronchet, de De Sèze et de Target. Celui-ci refusera. Monsieur de Malesherbes (1721-1794) se portera volontaire.
Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.
Le 4 janvier 1793
Le député Barère, s’appuyant sur une pétition du Mâconnais demande de traduire Marie-Antoinette devant la justice.
Le 13 janvier 1793
Les commissaires de service au Temple informent le Conseil général que la fille de Marie-Antoinette, étant malade depuis quinze jours, et ses jambes commençant à s’engorger, par l’effet d’une incommodité naturelle à son sexe, demande que le médecin Brunier vienne la voir .
Le conseil arrête que le docteur Brunier pourra voir et soigner la malade, mais qu’il ne pourra communiquer avec Marie-Antoinette qu’en présence des commissaires de service et que toutes les drogues seront dégustées par l’apothicaire.
Du 16 au 18 janvier 1793
La Convention vote la mort du Roi. Philippe Égalité est l’un de ceux qui ont donné leur voix pour la peine capitale.
Le soir du 20 janvier 1793
Louis XVI revoit sa famille pour la dernière fois. Il confie ses enfants à sa femme et à sa soeur.
Le 21 janvier 1793
Dix heures vingt-deux minutes
Exécution de Louis XVI qui a pu prendre congé de sa famille la veille et être accompagné à l’échafaud par un prêtre insermenté, l’abbé Edgeworth de Firmont (1745-1807).
Le 24 janvier 1793
Madame Royale est soignée par le Docteur Brunier :
Le 1er février 1793
Déclaration de guerre à l’Angleterre et à la Hollande.
Marie-Christine, sœur de Marie-Antoinette, et Albert, gouverneurs des Pays-Bas autrichiens, chassés par les armées de la Révolution française, se retirent dans la capitale autrichienne.
Le 2 février 1793
Anéanti par la journée du 21 janvier 1793, Jarjayes est chez lui lorsqu’un inconnu (Toulan, commissaire chargé de surveiller la famille royale au Temple) vient frapper à sa porte et lui remet ce billet de la Reine :
« Vous pouvez prendre confiance en l’homme qui vous parlera de ma part, en vous remettant ce billet. Ses sentiments me sont connus ; depuis cinq mois il n’a pas varié. Ne vous fiez pas trop à la femme de l’homme qui est enfermé ici avec nous : je ne me fie ni à elle, ni à son mari.»
Le 28 février 1793
Le valet de chambre Cléry (1759-1809) est renvoyé du Temple
Marie-Antoinette répond alors à Jarjayes :
« Maintenant si vous êtes décidé à venir ici il serait mieux que ce fût bientôt. Mais mon dieu prenez bien garde d’être reconnu, surtout de la femme qui est enfermée ici avec nous.»
La Reine évoque madame Tison qu’on a placée auprès de la famille royale avec son mari pour la surveiller.
Mars 1793
Début de l’insurrection en Vendée.
Le 7 mars 1793
Déclaration de guerre à l’Espagne
Le 10 mars 1793
Formation du Tribunal révolutionnaire.
Le 20 mars 1793
Après l’exécution du Roi, Marie-Antoinette demeure au Temple avec Ses deux enfants et Sa belle-sœur Élisabeth. Quelques fidèles ont tenté de les faire évader.
D’abord un officier municipal, nommé Toulan, Méridional au cœur chaud qui, muni d’un billet de la Reine, entre en rapport avec Jarjayes et lui soumet un plan hasardeux. Des habits d’officiers municipaux seront cachés dans la Tour, la Reine et Madame Élisabeth les revêtiront le jour où Toulan sera de garde avec son collègue Lepitre, comme lui royaliste de cœur.
Un faux lampiste viendra allumer les réverbères, les enfants déguisés lui seront remis, ils passeront pour les siens.
Tout paraît d’abord succéder.
Jarjayes demande alors à Toulan de l’aider à s’introduire au Temple, pour rencontrer la Reine. Toulan souhaite que Jarjayes en demande tout d’abord la permission à la Reine, ce qu’il fait.
Le 6 avril 1793
Formation du Comité de Salut public.
Adroit, Toulan fait pénétrer au Temple Jarjayes qui, ayant parlé à la Reine, fournit les fonds nécessaires. On se procure des voitures et des passeports; les fugitifs doivent gagner la Normandie puis l’Angleterre.
Marie-Antoinette poursuit dans un troisième message :
« Prenez garde à Madame Archi. Elle me paraît bien liée avec l’homme et la femme dont je vous parle dans l’autre billet. Tâchez de voir Madame Th.; on vous expliquera pourquoi. Comment est votre femme, elle a le cœur trop bon pour n’être pas bien malade.»
A onze heures du soir
Le moment paraît venu.
Mais, avertie par une lettre anonyme (provenant sans doute des Tison, espions qu’elle a placés au Temple), la Commune envoie l’un de ses membres, le cordonnier Simon, inviter Michonis a lui remettre ses pouvoirs et a se rendre à l’Hôtel de ville.
Michonis ne peut qu’obéir, Batz s’enfuit; une fois de plus le complot a avorté.
Le 29 juin 1793
Prise de remords terribles, madame Tison sombre bientôt dans la folie . Il faut la retirer de la tour du Temple.
Toulan transmet à Jarjayes ce message de la Reine :
« Votre billet m’a fait bien du bien. Je n avais aucun doute sur le Nivernais (il s’agit de Goguelat) mais j’étais au désespoir qu’on pût seulement en penser du mal. Ecoutez bien les idées qu’on vous proposera; examinez-les bien dans votre prudence. Pour nous, nous livrons avec une confiance entière. Mon dieu, que je serais heureuse et surtout de pouvoir vous compter au nombre de ceux qui peuvent nous être utiles! Vous verrez le nouveau personnage : son extérieur ne prévient pas , mais il est absolument nécessaire et il faut l’avoir. T… (Toulan) vous dira ce qu’il faut faire pour cela. Tâchez de vous le procurer et de finir avec lui avant qu’il revienne ici. Si vous ne le pouvez pas voyez M. de la Borde de ma part, si vous n’y trouvez pas de l’inconvénient. Vous savez qu’il a de l’argent à moi.»
Voici le cinquième message de la Reine à Jarjayes :
« En effet je crois qu’il est impossible de faire aucune démarche dans ce moment près de Monsieur de la B… toutes auraient de l’inconvénient. Il vaut mieux que ce soit vous qui finissiez cette affaire par vous-même si vous pouvez. J’avais pensé à lui pour vous éviter l’avance d’une somme si forte pour vous.»
Les plans de Toulan et Jarjayes suscitent l’espoir de la Reine :
«T… m’a dit ce matin que vous aviez fini avec le comm… Combien un ami tel que vous m’est précieux !».
« Je serais bien aise que vous pussiez aussi faire quelque chose pour T… ; il se conduit trop bien avec nous pour ne pas le reconnaître.»
Finalement, Marie-Antoinette refuse le projet de La faire évader seule du Temple :
« Nous avons fait un beau rêve, voilà tout ; mais nous y avons beaucoup gagné, en trouvant encore dans cette occasion une nouvelle preuve de votre entier dévouement pour moi. Ma confiance en vous est sans bornes ; vous trouverez dans toutes les occasions en moi du caractère et du courage ; mais l’intérêt de mon fils est le seul qui me guide, et quelque bonheur que j’eusse éprouvé à être hors d’ici je ne peux pas consentir à me séparer de lui. Au reste je reconnais bien votre attachement dans tout ce que vous m’avez détaillé hier. Comptez que je sens la bonté de vos raisons pour mon propre intérêt, et que cette occasion peut ne plus se rencontrer, mais je ne pourrais jouir de rien en laissant les enfants, et cette idée ne me laisse pas envie de regret.»
Marie-Antoinette adresse encore un dernier message à Jarjayes :
« Dites-moi ce que vous pensez de ce qui se passe ici.», griffonne-t-Elle dans la marge.
« e… vous remettra les choses convenues pour ha… l’empreinte que je joins ici est toutte autre chose je desire que vous la remettiez a la personne que vous savez etre venu me voir de Bruxelles l’hiver dernier, et que vous lui disiez en meme temps que la devise n’a jamais été plus vraie. ( l’ « empreinte » est celle d’un pigeon volant, avec une devise « Tutto a te mi guida » [« tout me conduit vers toi »] destinée à Axel de Fersen)
Si vous n’etes pas content de h.. allez trouver mon neveu de ma part, vous pourrez aussi si vous voulez voir (septime) qui est ma ton dit a Londres depuis le mois d aoust et lui demander ce que vous avez payé ia pour nous si vous en avez besoin il connoit ma confiance aussi mais s’il est nécessaire vous pourrez lui faire voir ceci et lui dire ce que vous avez fait pour nous il nous est trop attaché pour ne pas en sentir le prix. au reste je m’engage a lui faire tenir compte de ce qu’il vous remettera et j’en fais meme s’il le faut mon affaire prop.
Dites moi ce que vous pansez de ce qui se passe ici»
Toulan remet à Jarjayes le legs que Cléry a caché après la mort du Roi : son anneau de mariage, son cachet ainsi que des cheveux de la Reine et des enfants devront être transmis à Monsieur, qui est à Hamm, en Westphalie.
Marie-Antoinette conseille à Jarjayes d’aller voir Son neveu, François II ou Septeuil , toujours tracassée par les sommes considérables que Jarjayes a dû payer pour l’organisation de l’évasion manquée. Elle se sent responsable de leur remboursement.
Toulan est dénoncé a la Commune et le projet avorte. Marie-Antoinette pourrait s’enfuir seule, elle refuse, veut partager le sort de ses enfants :
« Nous avons fait un beau rêve, voilà tout… »
Le 22 juin 1793
Le baron de Batz, singulier personnage au cerveau débordant d’idées, royaliste fougueux, financier sans vergogne, s’il n’a pu sauver Louis XVI le 21 janvier, n’a pas renoncé a sauver sa famille. A son tour, ce diable d’homme, aidé de l’officier municipal Mîchonis et d’un épicier appelé Cortey, capitaine dans la garde nationale, s’introduit au Temple, le jour où Michonis est de service à la Tour. Les princesses, revêtues de capotes d’uniforme, doivent sortir l’arme au bras avec le dauphin dans une patrouille conduite par Cortey.
Le 3 juillet 1793
à dix heures du soir
Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).
Pendant une heure, la Reine lutte pour convaincre les cinq municipaux de Lui laisser Son fils… en vain..
Ce n’est que lorsque les envoyés du Comité de salut public La menacent de s’en prendre à la vie de Ses enfants que Marie-Antoinette les laissent emmener Son Chou d’amour qui logera dans l’ancien «appartement» de Louis XVI, un étage en dessous…
La Reine reste avec Sa fille et Sa belle-sœur. Elle guette les passages de Son fils dans l’escalier du Temple.
Marier-Antoinette tombe dans une grave dépression, Elle ne tient que grâce au soutien de Madame Elisabeth qui L’aide à ne pas montrer à la jeune Marie-Thérèse combien leur espoir s’amenuise. La santé de la Reine s’altère, on Lui constate des pertes de sang qui révèlent un cancer de l’utérus qui L’aurait emportée si la révolution ne s’en était mêlée. Craignant la fin prochaine de la souveraine déchue, la Terreur décide de La porter devant le tribunal révolutionnaire.
Dans la nuit du 1er au 2 août 1793,
à deux heures quarante du matin
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Elle s’arrête au bas de la Tour parce que les municipaux y font un procès-verbal pour décharger le concierge de Sa personne. En sortant, Elle se frappe la tête à un guichet, ne pensant pas à se baisser ; on Lui demande si Elle s’est fait du mal :
« Oh non ! dit-Elle, rien à présent ne peut me faire du mal».
On L’emmène en voiture dans les rues de Paris. Elle laissera Sa place ensanglantée, de par les pertes dont Elle souffre déjà depuis quelque temps… dont on sait aujourd’hui qu’il s’agit probablement d’un cancer de l’utérus.
En arrivant à la Conciergerie, le guichetier Lui demande de décliner Son identité, Elle répond froidement :
« Regardez-moi.»
Elle devient la prisonnière n°280. Elle est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison dirigée par la couple Richard, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848), leur servante.
Marie-Antoinette est la seule prisonnière de l’ensemble de la prison à qui il est interdit de sortir de sa cellule, tous les autres prisonniers ayant le droit de se promener, soit dans la cour pour prendre l’air, soit à se rendre visite les uns les autres dans les cellules. Les prisonniers, par la fenêtre qui donne sur la cellule de Marie-Antoinette peuvent ainsi L’observer, Lui parler. Soit à La soutenir car ils sont prisonniers pour leurs idées monarchiques, soit à L’insulter car La jugeant responsable de leur incarcération.
Début août 1793
Quelques affaires réclamées parmi l’ensemble de la garde-robe de la Reine laissée au Temple arrivent enfin : une redingote, une jupe en basin, deux paires de bas de filoselle, une paire de chaussette, le tout renfermé dans une corbeille entourée d’une serviette de coton rouge marquée d’un M.
Des bas à tricoter et les aiguilles ne lui sont pas donnés : on craint que la Reine «se fasse mal» avec les aiguilles. Cela reste largement insuffisant pour les besoins quotidiens de Marie-Antoinette.
Les administrateurs de police, Michonis en tête, écrivent de nouveau au Conseil du Temple :
«Nous, administrateurs au département de la police, après en avoir conféré avec le citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public du tribunal révolutionnaire, invitons nos collègues les membres du conseil général de la Commune formant le conseil du Temple, à faire porter chaque jour deux bouteilles d’eau de Ville d’Avray à la veuve Capet, détenue à la maison de Justice de la Conciergerie, et sur la provision qui vient tous les jours de cette eau au Temple.
Nous les invitons également à envoyer à la veuve Capet trois fichus pris dans la garde-robe qu’elle a au Temple, ainsi que tout ce qu’elle fera demander par la citoyenne Richard, concierge de la Conciergerie, et à faire cacheter chaque bouteille du cachet du conseil du Temple.»
En effet depuis des années, Marie-Antoinette ne boit que de l’eau provenant d’une source coulant dans le village de Ville d’Avray, près de son domaine de Saint-Cloud. La Fontaine du Roy, reconnaissable par un petit bâtiment à fronton triangulaire et œil-de-bœuf, est divisée en deux accès, l’un réservé au Roi et sa famille depuis 1684, l’autre au public. L’eau commune, provenant de la Seine, La rendant malade, les membres de la Commune depuis Son incarcération au Temple, jugent préférables de continuer de Lui fournir cette eau, nécessaire à Sa santé.
Arrive enfin du Temple l’ensemble du linge réclamé par Michonis. Rosalie n’a certainement jamais rien vu de plus beau :