

Antoine Barnave
Le 22 octobre 1761
Antoine Pierre Joseph Marie Barnave naît à Grenoble.
Il est le fils de Jean-Pierre Barnave, né en 1712, avocat auprès du Parlement de Grenoble, et de Marie-Louise de Pré de Seigle de Presle , née en 1735, qu’il a épousée le 9 septembre 1760. Ils sont une vieille famille protestante de la haute bourgeoisie de Grenoble.
En 1763
Naissance de son frère Jean-Pierre-César Barnave, surnommé du Gua.
En 1764
Naissance de sa sœur Adélaïde Barnave.
En 1766
Naissance de sa sœur Julie Barnave.
Le 15 septembre 1767
Naissance de sa sœur Marie Thérèse Barnave de Boudra.
« Madame Barnave est une des femmes les plus distinguées par son esprit« , reconnaît un contemporain.

Antoine Barnave suit des études de droit à Grenoble et obtient le diplôme du baccalauréat.
En 1780
Il est licencié en droit à l’ université d’Orange.
Le 22 octobre 1781
Marie-Antoinette donne naissance à Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789) à Versailles. Il est le Dauphin tant attendu depuis 1770.

Naissance du Dauphin par Jean-Michel Moreau, le jeune

Il est à noter que l’enfant royal naît, au jour près, vingt ans après Antoine Barnave.
En 1783
Il est choisi parmi les jeunes avocats pour prononcer le discours de clôture du Parlement de Grenoble. Il se fait remarquer par son indépendance d’esprit en discourant sur « la division des pouvoirs ». Comme la plupart des représentants de la bourgeoisie, il souhaite qu’« une nouvelle distribution de la richesse entraîne une nouvelle distribution du pouvoir ».

Antoine Barnave par Sicardi
La même année, il perd son frère, Jean Pierre César Barnave, né en 1763.

En 1784
Mariage de sa sœur Marie-Thérèse Barnave de Boudra avec Charles Joseph de Barral, né en 1755.
En 1785

Antoine Barnave par Sicardy
Antoine Barnave avait déjà fait appel à Louis-Marie Sicardy (1743-1825) en 1784 pour le autre portrait plus simple, conservé aujourd’hui au musée du Louvre (inv. RF 5084), reproduit plus haut, et dit présumé de Barnave. On y retrouve les mêmes yeux noisette et le menton carré. Cette miniature de 1785 nous montre le jeune avocat Barnave portant une élégante perruque et un costume rayé. Il pause sur un fond de jardin, dont la technique picturale inspirée de Hall, se retrouve dans quelques miniatures de Sicardy à cette époque. Le visage est lui peint dans ce pointillé si typique du célèbre miniaturiste.
Au verso, la miniature contient une mèche de cheveux de Barnave.


Le 8 avril 1787
Renvoi de Calonne. Marie-Antoinette intervient pour faire nommer Loménie de Brienne (1727-1794), proche de Son lecteur, l’abbé de Vermond.

Le Cardinal Loménie de Brienne, Huile sur toile,
École Française (vers 1770)
Le 25 mai 1787
Dissolution de l’Assemblée des Notables qui s’était ouverte le 22 février 1787.

Été 1787
Fronde du Parlement de Paris contre les réformes de Loménie de Brienne.
On réclame la convocation des États généraux…

Le 3 mai 1788
Publication par le Parlement de Paris de la Déclaration des Lois fondamentales du Royaume.
Le 7 juin 1788
La journée des Tuiles par Alexandre Debelle
Lors de la journée des Tuiles à Grenoble, au cours de laquelle les insurgés affrontent la troupe à coups de tuiles, dans le contexte de la fronde parlementaire consécutive à la tentative de réforme du garde des Sceaux Lamoignon (1735-1789) et du contrôleur des finances Loménie de Brienne (1727-1794), visant à annuler les pouvoirs redonnés aux parlements par Maupeou (1714-1792) au début du règne de Louis XVI et comprenant la mise en place de nouveaux impôts (droit de timbres et nouvel impôt foncier général) et mesures de libre-échange, impopulaires depuis la guerre des farines (en avril et mai 1775) , Barnave rédige un libelle l’Esprit des Édits appelant à soutenir le Parlement de Grenoble suspendu par le Pouvoir central, et se rapproche d’un autre avocat promis lui aussi à un bel avenir, Jean-Joseph Mounier (1758-1808).

Jean-Joseph Mounier
Le château de Vizille. À la suite de la Journée des Tuiles, ce château est le lieu de la réunion des états généraux du Dauphiné

Le 21 juillet 1788
Barnave et Mounier obtiennent la réunions des députés des trois ordres du Dauphiné au château de Vizille. La résolution de Mounier réclamant le rétablissement des parlements provinciaux et la convocation des Etats généraux y est adoptée.
Mounier (Alain Mottet) et Barnave (Bruno Devoldère) dans l’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis

Le 8 août 1788
Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.


Le 25 août 1788
Renvoi de Loménie de Brienne et rappel de Necker (1732-1804) dont la popularité est considérable dans tous les milieux.
Jacques Necker par Duplessis
Le 7 janvier 1789
Il a l’audace, l’intelligence et la séduction, Barnave, comme Mounier, est élu comme représentant du Tiers Etat à cette assemblée.
Image de la série française Nicolas Le Floch. Jérôme Robart incarne le héros de la série
dont la mise noire peut faire penser à la silhouette d’Antoine Barnave dans sa tenue de député du Tiers-Etat…
Antoine Barnave a de multiples dons : il est riche, beau, brillant et reconnu par ses pairs – avec Mirabeau – comme le meilleur orateur de l’Assemblée nationale constituante. Il contribue, avant les états généraux, à soulever sa province natale, le Dauphiné, contre la monarchie absolue.

Il collabore à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Connu pour ses opinions sanguinaires, il est surnommé « le Tigre».

Le 2 mai 1789
Louis XVI reçoit chacun des représentants de la nation au palais, à tour de rôle ils vont passer devant le Roi s’incliner, le saluer sans que celui-ci ne dise un mot puis tourner les talons et sortir. Les députés sortent du palais très refroidis.
Le 4 mai 1789

On assiste à la procession religieuse du Saint Sacrement à laquelle toute la Cour assiste ainsi que l’ensemble des députés des trois ordres. L’étiquette est de mise pour une telle manifestation et fait ressortir de façon criante l’inégalité des trois ordres et la scission probable du clergé. En effet d’un côté nous trouvons la noblesse dorée et empanachée avec le haut clergé en robe violette et de l’autre le Tiers Etat en habit sombre et les curés en soutane noire. La procession est fermée par Louis XVI.
Les 578 députés du Tiers-Etat, dans leur habit tout noir et à peine égayé d’une cravate de mousseline (ils ont l’allure d’huissiers de justice pale ) parmi lesquels se trouvent Mirabeau (1749-1791), Robespierre et Barnave (1761-1793) …


Les députés du Tiers-Etat dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis

Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.

On compte 1 214 députés,
- dont 308 du Clergé,
- 285 de la Noblesse
- et 621 du Tiers-État.
Louis XVI fait un discours dans lequel il fait preuve d’excellentes intentions et donne de bonnes promesses.


Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…

Charlotte de Turckheim est Marie-Antoinette dans Jefferson à Paris de James Ivory (1996)

Jane Seymour est Marie-Antoinette dans Les Années Lumière de Robert Enrico
Pour Sa dernière représentation en majesté, la Reine est revêtue d’une robe de cour mauve et Sa coiffure est garnie de couronnes impériales.

Le discours d’ouverture de Louis XVI, bref et cassant laisse les députés sans réponse sur ce point et surpris tout le monde par son ton. En effet, le Roi précise que les Etats Généraux sont réunis à sa demande et que lui seul sera juge de décider de ce dont ils devront débattre. Barentin (1738-1819), le garde des Sceaux, fait ensuite l’éloge du Roi.



Images de l’été de la Révolution de Lazare Iglésis 
Necker (1732-1804) prononce enfin un très long discours qui fait prendre conscience aux députés de la situation financière désastreuse du royaume.

Cortège des députés du Tiers-Etat : on reconnaît la silhouette de Mirabeau

Mirabeau est interprété par Bernard Fresson L’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglésis
Il fait apparaître que la situation générale en France est beaucoup plus confuse qu’on ne le pensait ; le gouvernement est totalement désorienté. Ce discours de deux heures de Necker, centré sur les questions financières alors que les députés n’ont en tête que la question du vote, est mal accueilli et endort toute l’Assemblée.

Jean-François Balmer en Roi endormi
Seul le contrôleur des finances aborde les raisons pour lesquelles les états généraux sont réunis : le déficit du budget. Mais il affirme qu’il sera aisé d’y remédier. Il ne parle pas du problème qui préoccupe le plus les députés : le vote par ordre, ou par tête, à l’issue de la séance solennelle, qui conditionne toute réforme.

Barnave (Bruno Devoldère) dans l’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis

Barnave va y jouer rapidement un rôle important, d’abord au sein de la députation du Dauphiné en soutien de Mounier.
Pierre-François Garel est Barnave dans Un Peuple et Son Roi de Pierre Schoeller (2018)

Ce dernier penche pour un compromis monarchique, s’opposant à la prise du pouvoir par la Constituante. Barnave s’éloigne alors de lui et va constituer avec Adrien Duport (1759-1798) et les frères Charles (1757-1832) et Alexandre de Lameth (1760-1829) un groupe d’action politique dénommé le « triumvirat », siégeant à l’extrême gauche de l’Assemblée et fer de lance de la Révolution.

Les députés du Tiers Etat dans Les Années Lumière
Cette première séance se clôture de manière décevante pour les députés. Aucun mot sur une possible constitution, aucune allusion aux milliers de revendications exposées dans le cahier remis au Roi, aucune certitude sur le type de vote; Les députés sortent très déçus. Le Roi, quant à lui, vient de perdre une bonne occasion de mobiliser l’ensemble des députés derrière lui. Avec un discours comme celui de son ancêtre Henri IV aux précédents Etats Généraux, il aurait pu à la fois conserver au trône un pouvoir exécutif fort et doter la nation d’une constitution garante des libertés.

Barnave aux Etats généraux dans la Salle des Menus-plaisirs de Versailles
Mirabeau le surnomme « le beau Barnave ».

Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau, par Joseph Boze
Le 6 mai 1789
L’ensemble des députés du Tiers Etat se réunit dans cette même salle des menus plaisirs tandis que les deux ordres privilégiés se sont vus attribuer des salles de délibération pour vérifier les pouvoirs respectifs de leurs députés et donc se constituer. Du côté de la noblesse, seule une minorité de 47 députés souhaitent une vérification des pouvoirs commune aux trois ordres. Côté clergé, les avis sont plus partagés puisqu’ils sont 114 pour et 133 contre. Face à cette situation, le Tiers Etat ne doit surtout pas, comme certains voudraient le faire, effectuer la vérification des pouvoirs de ses députés et donc se constituer, ce qui reviendrait à accepter l’ancienne forme de consultation par ordre.

Mirabeau, noble élu dans le Tiers-Etat, l’a bien compris et surgit à la tribune en criant :
« Rien de tout cela, Tant que les pouvoirs n’auront pas été vérifiés en commun nous ne sommes, nous Tiers-Etat, qu’une agrégation d’individus».
En d’autres termes, il faut attendre.

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin Louis-Joseph (1781-1789), à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 12 juin 1789
L’abbé Sieyès, député du Tiers dissident de son ordre, prend la parole à la tribune et propose «de sommer les membres des deux chambres privilégiées de se rendre dans la salle des Etats pour assister, concourir et se soumettre à la vérification commune des pouvoirs». La proposition est acceptée par tout le Tiers. Chez les nobles, la proposition est acceptée par 79 voix contre 192. Le clergé ajourne sa réponse.

L’abbé Sieyès dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis
Le 13 juin 1789
Au matin, seuls trois curés ont rallié les députés du Tiers.
Le 15 juin 1789
Ils sont douze et l’appel des députés étant terminé, l’assemblée se considéra dès lors comme représentant seul la Nation. Il fallait l’affirmer solennellement.
Le 17 juin 1789
Un député propose le nom d’Assemblée Nationale.
Ce même jour, l’Assemblée Nationale proclame que «les impôts quoique illégalement établis et perçus, continueraient d’être levés de la même manière que devant, jusqu’au jour où l’assemblée se séparerait» mais que «passé lequel jour, l’Assemblée entendait et décrétait que toute levée d’impôt qui n’avait pas été nommément, formellement et librement accordée par l’Assemblée, cesserait entièrement dans les provinces du Royaume.»
Ce même jour quatre comités sont formés: subsistance, vérification, rédaction et règlement.
Cette déclaration stupéfie le Roi, son entourage et une partie de la noblesse. Une délégation de celle-ci est envoyée au Roi pour lui demander de réagir à une telle déclaration. Le clergé est profondément remué par cette déclaration faite par l’Assemblée Nationale.

Le 19 juin 1789
Ils sont 149 (dont six prélats) sur 200 à accepter de vérifier leur pouvoir au sein de l’Assemblée Nationale.
Sur les conseils de ceux qui refusent cette réunion des trois ordres, Louis XVI se résout à la rigueur et décide qu’une séance royale aura lieu le 23 juin où chacun des trois ordres reprendra sa place. D’ici là pour qu’aucune autre réunion de l’Assemblée Nationale n’ait lieu Louis XVI fait fermer la salle des menus plaisirs.
Le 20 juin 1789

La salle de l’hôtel des Menus Plaisirs est fermée par ordre du Roi. Les députés du Tiers-Etat font le serment d’écrire une Constitution dans la Salle du Jeu de Paume. Sous la proposition de Mounier tous les députés moins une voix, prêtent serment de ne jamais se séparer avant qu’une Constitution soit rédigée et approuvée, en répétant chacun à leur tour «Je le jure !» .
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Le Serment du jeu de paume dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis 
Images des Années Lumières de Robert Enrico
Le texte est le suivant:
« L’Assemblée Nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée Nationale.
Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution inébranlable.»

Le personnage dont le visage est peint dans cette estampe d’une version antique du Serment du Jeu de Paume par David est Barnave.


Cette résolution étant prise les députés se séparent en se donnant rendez-vous pour le lendemain matin.


Le 21 juin 1789 au matin
La salle du jeu de paume est fermé, réservée par le comte d’Artois frère du Roi pour une partie avec ses courtisans. Les députés parent le coup en se réunissant dans l’église St-Louis que le clergé a mise à la disposition de l’Assemblée. Les 149 membres du clergé rattachés à l’Assemblée sont, ce jour là, longuement acclamés par la foule.
Le 23 juin 1789
Tout est prêt aux yeux de Louis XVI pour une reprise en main vigoureuse de cette assemblée récalcitrante. Des forces armées sont rassemblées autour et dans Versailles et des textes destinés aux députés ont été préparés pour leur faire savoir qu’en cas de non-obéissance aux ordres royaux ils auraient à faire aux hommes d’armes.
Comme lors de la séance d’ouverture, les ordres sont introduits les uns après les autres en prenant soin de laisser le Tiers attendre plus d’une heure dehors, ce qui hérisse la fraction de la noblesse qui, depuis la formation de l’Assemblée, songe à faire cause commune avec celle-ci. Par cette maladresse, le Roi braque encore contre lui une partie de la noblesse, le seul ordre encore unanimement rallié à lui.
Necker est absent, Louis XVI paraît, entouré de toute la Cour, et commence un discours très dur contre l’Assemblée Nationale devant des députés consternés.
Louis XVI lui reproche tout d’abord son inaction depuis bientôt deux mois, puis il proclame que «l’ancienne distinction des trois ordres doit être conservée», que les députés élus par chacun des trois ordres doivent former trois chambres séparées ne pouvant délibérer en commun qu’avec l’accord du Roi que «toutes les décisions prises depuis le 17 juin par les députés sont nulles, illégales et inconstitutionnelles».
Les Etats pourraient délibérer des impôts, mais il sera interdit de traiter en commun «des affaires qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, la forme de constitution à donner aux prochains Etats, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits utiles et les prérogatives des deux premiers ordres». Suite à ce discours, il fait distribuer à tous les députés le texte qu’il vient de prononcer ainsi qu’un mémorandum intitulé «Les intentions du Roi» dans lequel il s’efforce de satisfaire certaines demandes du Tiers. Il y presse le clergé et la noblesse de renoncer à leurs privilèges pécuniaires, se prononce pour l’abolition de la taille, l’adoucissement de la gabelle, mais ne recule pas sur les droits seigneuriaux et féodaux. Il promet l’abolition des lettres de cachet, recherche un moyen de concilier la liberté de la presse et le respect de la religion, annonce la création d’états provinciaux (2/10 de clergé, 3/10 de noblesse et 5/10 de Tiers) pouvant délibérer en commun et dont la compétence et les attributions seraient élargies. Il exprime également le souhait que les douanes soient portées aux frontières du royaume, que l’administration de la justice soit améliorée, et que l’on en finisse avec l’usage des corvées pour la confection et l’entretien des chemins.
Il y a un tel écart entre son discours et ses intentions qu’on reste interloqué devant cet homme. Louis XVI cache-t-il derrière une fermeté maladroite et une volonté de s’imposer monarque, un réel souhait de conciliation ou bien est-ce par peur, couardise et faiblesse qu’après avoir manié le bâton il fait marche arrière ayant trop présumé de ses forces ?
Le Roi termine la séance par cette dernière phrase «je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre pour y reprendre vos séances. J’ordonne en conséquence au grand maître des cérémonies de faire préparer les salles.»
Louis XVI dit qu’on devait se séparer, lui-même se lève et sort. La noblesse et le clergé sortent, mais au centre de la salle immobile le Tiers demeure dans le silence.
Le grand maître des cérémonies Dreux-Brézé s’avance pour faire évacuer la salle. Derrière lui, un piquet de Gardes Françaises et un piquet de Gardes Suisses se sont arrêtés à la porte.

Peter Ustinov est Mirabeau dans Les Années Lumière de Robert Enrico
Alors Mirabeau se dresse et lui dit terrible «Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes», puis Bailly, président de l’Assemblée, lui dit que les débats de l’Assemblée ne peuvent être clos avant que celle-ci «n’en ait délibéré tranquillement» et que «la Nation assemblée n’a pas à recevoir d’ordre».

Dreux Brézé transmet la réponse au Roi, qui d’un geste las avoue son impuissance «Ils ne veulent pas partir ? Eh bien ! Foutre ! Qu’on les laisse !»

Bernard Fresson est Mirabeau dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis
Louis XVI s’indigne : «N’y a-t-il aucun père parmi eux? »


Laissés seuls, les députés délibèrent, les précédents arrêtés sont maintenus et la personne des députés sera déclarée inviolable. Au cours de cette délibération, les débats sont menés par Sieyès, Barnave, Pétion et Mirabeau. Le Roi recule, Necker ayant menacé de se retirer cela lui sert de prétexte, et le banquier suisse reste ministre.
Le 25 juin 1789
Quarante-sept gentilshommes avec à leur tête le Duc d’Orléans les rejoignent, à partir de là c’est la débandade.
Louis XVI pour masquer l’ampleur de cette défaite ou peut être par souhait réel convie le 27 juin le Clergé et la Noblesse à se joindre au Tiers. C’est un soulagement général chez tous les députés de l’Assemblée, qui accueillent ces derniers arrivants avec beaucoup de prévenance. «La révolution est finie» écrit-on ce jour là, «Elle n’aura pas coûté une goutte de sang». Les députés du Tiers quant à eux, ne voient dans ce revirement du Roi que «le retour de Louis XVI à de vrais sentiments».
Sur sa lancée l’Assemblée Nationale désigne un comité constitutionnel où Mounier va jouer un rôle de premier plan et où La Fayette ne tardera pas à poser son projet de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Cependant le Roi et son entourage, certainement poussé par Marie Antoinette, désirent une revanche, Louis XVI ne peut accepter une monarchie constitutionnelle. Ils décident donc un nouveau coup de force contre l’Assemblée en regroupant à proximité de Paris et de Versailles d’importantes troupes dans le but de les faire marcher contre le peuple parisien. Necker tente en vain de convaincre Louis XVI que ce n’est pas la bonne solution mais le Roi ne cède pas.
Le 27 juin 1789
A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.


Le 15 juillet 1789
Rappel de Necker sous la pression populaire.
Le 22 juillet 1789

Joseph François Foullon
Au lendemain du lynchage par la foule de l’intendant général Foullon (1715-1789) et de son gendre Louis Berthier des Sauvigny (1737-1789)[ ils ont été pendu puis décapité devant l’Hôtel de ville de Paris, en présence du nouveau maire Jean-Sylvain Bailly (1736-1793) et de La Fayette (1757-1834), il monte à la tribune et réplique aux députés indignés par cet acte :
« Messieurs, on veut vous attendrir en faveur du sang versé hier à Paris. Ce sang était-il donc si pur, qu’on n’osât le répandre ? »,
phrase qui passe à la postérité, et à laquelle quelqu’un, dans l’assemblée, répliqua : « Oh! le tigre ! », surnom féroce qui reste à Barnave.

Bruno Devoldère est Barnave dans l’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis
Barnave est un des rares orateurs à pouvoir rivaliser avec Mirabeau (1749-1791). Il acquiert par son éloquence un peu froide et son ardent amour pour la liberté une très haute influence et une grande popularité.
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)

Bruno Devoldère est Barnave dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…
Vers quatre heures de l’après-midi
Versailles voit arriver les premières femmes … A leur arrivée à Versailles en fin d’après-midi. Une délégation de parisiennes est aussitôt accueillie dans la salle des séances où elles siègent parmi les députés.


La salle de la première assemblée nationale à laquelle siège Barnave.

Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

Après les journées des 5 et 6 octobre 1789
Les monarchiens sont effondrés et Barnave obtient gain de cause contre son ancien ami Mounier sur le soutien de l’Assemblée au veto suspensif du Roi (alors que Mounier préconise un veto absolu).
Le triumvirat Duport, Barnave et Alexandre Lameth est classé « à gauche » et participe à la création de la société des Amis de la Constitution et de la Liberté, qui deviendra le Club des Jacobins. Ils intriguent afin d’écarter Mirabeau et La Fayette (1757-1834) du pouvoir, craignant qu’ils ne confisquent l’un comme l’autre la Révolution à leur profit.
Le 20 février 1790
La mort de Joseph II à Vienne. Léopold II (1747-1792), son frère, devient empereur des Romains.
En mai 1790
Un conflit ponctuel oppose l’Espagne et l’Angleterre et pose le problème du pacte de famille franco-espagnol, et donc des pouvoirs du Roi en matière de déclaration de guerre. Cette question oppose vivement Barnave à Mirabeau et l’Assemblée vote finalement une motion de compromis :
« Le droit de la paix et de la guerre appartient à la Nation. La guerre ne pourra être décidée que par un décret du Corps législatif sur la proposition formelle et nécessaire du roi et sanctionné ensuite par Sa Majesté ».
C’est précisément sous les traits d’un orateur romain, drapé dans une toge,
que Houdon représente Barnave.
La tête légèrement rejetée en arrière semble défier un contradicteur.
Le dessin énergique et sensuel des lèvres,
l’architecture nerveuse des traits trahissent l’ardeur et le rêve.
Au printemps 1790
Le marquis et la marquise de Fontenay donnent une fête champêtre dans leur château de Fontenay, en hommage à Jean-Jacques Rousseau. Des jeunes filles toutes de blanc vêtues, aux frais de la marquise, offrent des fleurs aux invités, à leur descente de voiture. Parmi ces invités, il y a Chamfort (1740-1794) le poète moraliste, Mirabeau (1749-1791) le tribun, Barnave (1761-1793) le monarchiste révolutionnaire modéré, Robespierre (1758-1794) le futur tyran, Camille Desmoulins (1760-1794) le brillant orateur, Florian (1755-1794), l’auteur à la mode, venu en voisin. On joue des airs du Devin du Village, opéra dont Jean-Jacques écrivit le livret, Richard Cœur de Lion, opéra comique composé par André Grétry, Castor et Pollux de Rameau. Puis on dîne dans le parc. C’est une vraie fête d’Ancien Régime, dont les invités sont pourtant les acteurs principaux du drame qui vient de commencer. Un coup de vent, paraît-il, frise les perruques, dont celle de Robespierre. Dans ses mémoires, Thérésia Tallien écrit :
« Ce jour-là, j’étais Notre-Dame de Fontenay.»
Thérésia Tallien

Été 1790
La famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud.
Des bruits courent selon lesquels Elle projette de s’évader…
Le 3 juillet 1790
Dans les jardins du château de Saint-Cloud, Marie-Antoinette rencontre le marquis de Mirabeau qui Lui expose son plan pour sauver la monarchie.


Le 12 juillet 1790
Constitution civile du clergé.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.


Le 1er août 1790
Barnave est élu maire de Grenoble. Il accepte dans un premier temps, mais se désiste quelques mois plus tard, invoquant les contraintes de son mandat.
Le 12 août 1790
Barnave se bat en duel au pistolet contre Cazalès (1758-1805) qu’il blesse pour régler un différend, on lui reprochera de sacrifier ainsi à des pratiques d’Ancien Régime…
Image du film Barry Lyndon de Stanley Kubrick (1975)
Le 4 septembre 1790
Démission de Necker.
Le 22 octobre 1790
Le Roi songe à quitter la capitale considérant qu’on l’a contraint à sanctionner le décret de la Constitution civile du clergé.
Le 25 octobre 1790
Il accède à la présidence de l’Assemblée constituante pour une durée de quinze jours. Sa popularité atteint son apogée.
Pierre-François Garel est Barnave dans Un Peuple et Son Roi de Pierre Schoeller (2018) 
Cependant Barnave et ses amis sont partisans du suffrage censitaire (mode de suffrage dans lequel seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse un seuil, appelé cens, sont électeurs) et défendent le droit de propriété. Ils se sentent dépassés par une gauche démocrate et égalitaire.

Barnave est attaqué par Brissot (1754-1793) qui lui reproche dans son journal le Patriote Français ses prises de positions sur le statut des « gens de couleurs » dans les colonies françaises.
Barnave se montre hostile à ce qu’on leur accorde le droit de citoyen, suivant le Club Massiac dont font partie les Lameth. Ainsi, au cours de débats à l’assemblée constituante, Barnave s’exclama :
« le nègre ne peut croire qu’il est l’égal du blanc ».
Cette position ternit sa popularité auprès de nombreux patriotes, et figurera dans l’acte d’accusation qui l’enverra à l’échafaud.

Antoine Barnave, d’après Guérin, Jean-Urbain (dessinateur) 1790
En décembre 1790
Barnave, qui se représente à la présidence de l’Assemblée, est battu par Charles Antoine Chasset (1745-1824).
Le triumvirat, attaqué sur sa droite par Mirabeau, est de plus en plus déconsidéré au Club des jacobins, malgré leurs positions communes lors de l’affaire du serment à la Constitution civile du clergé.
Le 26 décembre 1790
Le Roi sanctionne le décret sur la Constitution civile du clergé.
En janvier 1791
La motion Barnave écarte ainsi de l’Assemblée tous les ecclésiastiques refusant de prêter serment au maintien de la Constitution civile.
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire qui partent pour Rome.

Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.
Barnave dépose un amendement pour interdire à tout membre de la famille royale de s’éloigner de Paris.
Le 2 avril 1791
Mort de Mirabeau ; il est inhumé au Panthéon.

Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau
On ne découvre que plus tard qu’il avait entretenu des liens avec le Roi et la Reine. Il sera alors dépanthéonisé
En avril 1791
Après la mort de Mirabeau, la Cour cherche de nouveaux alliés notamment auprès du triumvirat.
Le 18 avril 1791
La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud.
Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.
Le 27 avril 1791
Barnave et ses amis fondent un nouveau journal, le Logographe, qui affiche sa confiance dans une monarchie limitée. Barnave et Lameth sont attaqués par Robespierre (1758-1794) et les anti-esclavagistes sur la question des droits de gens de couleur qui revient en discussion, puis Robespierre obtient, contre l’intervention de Duport, un vote de l’Assemblée sur la non-rééligibilité de ses membres. Le triumvirat contrôle toujours au Club des jacobins le fameux Comité des correspondances, lien essentiel avec les sociétés provinciales affiliées, mais l’extrême-gauche, très minoritaire à l’Assemblée, progresse dans les clubs (Clubs des jacobins et des cordeliers ).
Le 15 mai 1791
Il ne réussit dans un premier temps à empêcher le vote d’un décret qui accordait l’égalité des Blancs avec une partie des hommes de couleur libres (les propriétaires citoyens actifs et non les affranchis).
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.


Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Chez l’épicier Sauce à Varennes, par Prieur
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Barnave est envoyé par l’Assemblée, en compagnie de Pétion (1756-1794) et de Latour-Maubourg (1756-1831), pour ramener la famille royale à Paris.



Images de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Les trois députés rejoignent la berline royale au lieu-dit du Chêne fendu, sur la commune de Boursault.
La Reine, le Dauphin, Barnave et le Roi dans la berline du retour de Varennes
Barnave est envoyé à la rencontre de la famille royale après la fuite interrompue à Varennes. Pendant les trois jours que dure le voyage de retour, il est touché par la dignité de la Reine, et le petit Dauphin fait une partie du voyage sur ses genoux. Face au grossier Pétion, qui croit avoir séduit Madame Elisabeth, Marie-Antoinette trouve au jeune commissaire une réserve qui Lui paraît de bon aloi.
Madame Elisabeth, Pétion, Madame de Tourzel et Madame Royale leur font face par Benjamin Warlop

Le Roi est suspendu.

Barnave (entre Pétion et La Fayette) apparaît dans Marie-Antoinette (1976) de Guy-André Lefranc
Marie-Antoinette entame avec lui une correspondance secrète par l’intermédiaire du chevaliers de Jarjayes (1745-1822). Antoine Barnave entre alors en correspondance suivie avec la souveraine et La rencontre à plusieurs reprises. Malgré un échange de lettres quasi quotidien pendant de nombreux mois, les différents projets ne se concrétisent pas. Pour des raisons de prudence, c’est le comte de Jarjayes qui écrit à la place de Barnave , soit sous sa dictée, soit en recopiant un texte préparé.
Barnave rejoint alors les monarchistes constitutionnels du club des Feuillants, ce qui lui vaut la haine du peuple parisien et des jacobins lesquels dénoncent « Barnave noir derrière, et blanc devant ».
Caricature de Barnave en politicien jouant double jeu.
La comtesse de Jarjayes permet d’acheminer cette correspondance, du moins dans les premiers temps, quand la Reine est sous étroite surveillance aux Tuileries, après le retour de Varennes, c’est-à-dire pendant environ trois mois. Femme de chambre de Marie-Antoinette, jouissant d’une entière confiance, elle donne à son mari les lettres destinées à Barnave, et remet à la Reine les lettres en réponse de Barnave, apportées par le comte.

Table à écrire de Marie-Antoinette, œuvre de Riesener
Marie-Antoinette écrit la lettre sur une table placée près de Son lit, et la cache sous un livre. Sur un signe convenu, la comtesse s’approche , fait semblant d’effectuer un rangement ; elle s’empare de la lettre en tournant le dos à la porte et la glisse dans son corsage.
Jane Seymour dans Les Années Lumière (1989)
Quand son mari vient, elle se jette dans ses bras et, pendant qu’ils s’étreignent, elle place la lettre dans la poche du comte. Celui-ci, dès qu’il le peut, se rend auprès de Barnave à qui il remet la missive royale. Ce dernier, après en avoir pris connaissance, dicte sa réponse au comte de Jarjayes, qui l’apporte à sa femme, laquelle la remet discrètement à Marie-Antoinette.
Geneviève Casile dans Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Il existe, bien sûr des variantes à ce scénario, toutes les façons d’agir ont pour but de déjouer la surveillance.
Michèle Morgan est Marie-Antoinette (1956) pour Jean Delannoy
Dans certains cas, Marie-Antoinette donne des instructions précises à Son agent :
« Je désire, par l’attachement que je vous connais pour ma personne et pour le bien public, que vous cherchiez à voir M. Barnave et que vous lui disiez que …»
A partir de juillet 1791
On envoie le comte de Jarjayes en mission auprès de Barnave.
Image de Marie-Antoinette de Jean Delannoy
qui montre comment madame Campan aide Marie-Antoinette à faire passer Son courrier secret
Le 15 juillet 1791
Il prononce devant l’assemblée un discours sur « L’inviolabilité royale, la séparation des pouvoirs et la terminaison de la Révolution française ». Il exhorte le Roi, par l’entremise de sa correspondance avec Marie-Antoinette, à se rallier sincèrement à la Constitution, à condamner les menées des émigrés, et obtenir de l’Empereur Romain Germanique,, frère de la Reine, la reconnaissance du nouveau régime.

Le 17 juillet 1791
Fusillade du Champ-de-Mars, rebaptisé Champ-de-la-Fédération.

Fin juillet 1791
Marie-Antoinette écrit au comte de Jarjayes pour lui demander d’intervenir auprès de Barnave dans un but déterminé :
« Je n’ai qu’un moment à moi. Vous pouvez dire que je serai bien aise que ces Messieurs m’envoient un mémoire ou un projet de lettre pour l’empereur [d’Autriche]. Vous leur rappellerez, en même temps, le peu de moyens que j’ai, tant pour écrire que pour persuader mon frère, la confiance n’ayant jamais existé entre nous.»
Marie-Antoinette archive la correspondance avec beaucoup de méthode en donnant un numéro d’ordre aux lettres de Barnave et aux siennes propres. Elle ajoute parfois une note explicative :
« Ayant eu le consentement de l’agent de garder son écriture, je ne copierai plus, désormais, et je me bornerai à quelques notes aux numéros qui en auront besoin.»
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.

Louis XVI, roi de France en roi citoyen (1791), par Jean-Baptiste-François Carteaux (1751 – 1813)



Le 24 septembre 1791
Dans un nouveau contexte de régression feuillante, il parvient à faire abroger le décret, rompant complètement avec les jacobins qui le radient du club le lendemain.
Ce vote sera au contraire accueilli avec satisfaction par Marie-Antoinette.

Carte d’entrée à la salle du Manège signée par Barnave
Pendant le mois d’août et jusqu’au 30 septembre 1791
Barnave et les modérés, malgré l’opposition de Robespierre et de la gauche, arrivent à sauver la monarchie, sans pour autant lui assurer les moyens de son action.
Le 5 octobre 1791
Entrevue secrète de Barnave avec Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette joue manifestement un double jeu. Elle cherche en effet avec l’énergie du désespoir à sauver Sa famille et la monarchie. Bien qu’en réalité Elle n’adhère pas aux idées de Barnave concernant la soumission du Roi à la constitution, Elle se montre touchée et intéressée par les arguments de ce dernier. Elle écrit ainsi à Mercy (1727-1794) en parlant de Barnave et du club des Feuillants :
« Quoiqu’ils tiennent toujours à leurs opinions, je n’ai jamais vu en eux que grande franchise, de la force et une véritable envie de remettre de l’ordre et par conséquent l’autorité royale. […] Quelques bonnes intentions qu’ils montrent, leurs idées sont exagérées».
En écrivant à Son frère, Léopold II, Elle mentionne également l’éloquence captivante de Barnave.
Le 31 octobre 1791
Décret contre les émigrés, invités à revenir en France sous peine de confiscation de leurs biens.
Le comte de Jarjayes est plus qu’un courrier, plus qu’un porte-plume : la Reine le charge parfois de fournir à son correspondant quelques explications verbales.
Le 15 novembre 1791
Marie-Antoinette mande à Barnave :
« La personne pourra dire tout ce qui s’est passé à l’occasion de M. de Narbonne [candidat au poste de ministre de la Guerre]. Il est clair qu’un arrangement de quelques intrigants …»
Il arrive une fois que le comte de Jarjayes écrive à la Reine pour Lui faire, de la part de Barnave et de ses amis, communication d’une extrême urgence au cours de la nuit. La lettre est remise par l’intermédiaire de la comtesse :
« A la Reine, samedi à huit heurs du matin
Ces Messieurs m’ont écrit à quatre heures du matin , pour me charger de faire savoir à la reine, au moment de son lever, qu’un message du Roi à l’Assemblée serait plus avantageux et plus convenable que s’il y allait lui-même.»
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Jusqu’au 5 janvier 1792
Barnave reste à Paris. Il continue à prodiguer ses conseils à la Cour par la correspondance ou les entrevues secrètes avec Marie-Antoinette. Il conseille notamment au Roi de se servir de son droit de veto contre les décrets sur les émigrés et sur les prêtres réfractaires.
Il se retire ensuite à Grenoble
Le 13 février 1792
Visite clandestine de Fersen aux Tuileries : il rencontre le Roi et la Reine.
Le 1er mars 1792
Léopold II, le frère de Marie-Antoinette, meurt.
Avènement de Son neveu François II, qui sera couronné empereur le 19 juillet.
Le 25 mars 1792
Ultimatum de la France sur l’Autriche.
Le 20 avril 1792
Déclaration de guerre au Roi de Bohême et de Hongrie, François II.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 11 juin 1792
Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.
Lui et la Reine sont désormais surnommés «Monsieur et Madame Veto».
Le 20 juin 1792

Le peuple de Paris pénétrant dans le palais des Tuileries le 20 juin 1792 par Jan Bulthuis, vers 1800

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine,
elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
Le 11 juillet 1792
« La patrie en danger ».
Le 15 juillet 1792
Barnave prononce un discours décisif :
« Je place ici la véritable question. Allons-nous terminer la Révolution, allons-nous la recommencer ?… Un pas de plus serait un acte funeste et coupable ; un pas de plus dans la ligne de la liberté serait la destruction de la royauté ; un pas de plus dans la ligne de l’égalité, la destruction de la propriété. »
Il souhaite la consolidation de la monarchie constitutionnelle et défend ardemment l’inviolabilité du Roi « principe conservateur de toute monarchie constitutionnelle » qu’il parvient à faire proclamer.
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 3 août 1792
Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.
Le 10 août 1792
Sac des Tuileries.

On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.

Image du film Un peuple et son Roi
Dans ses mémoires, Madame de Tourzel raconte ainsi la scène :
« Nous traversâmes tristement les Tuileries pour gagner l’Assemblée. MM. de Poix, d’Hervilly, de Fleurieu, de Bachmann, major des Suisses, le duc de Choiseul, mon fils et plusieurs autres se mirent à la suite de Sa Majesté mais on ne les laissa pas entrer ».
La foule envahit la cour du château et cherche à gagner les étages supérieurs. Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.


Images d’Un peuple et son Roi

Le Roi est suspendu de ses fonctions.


![“Still kept on the box at the Assembly, we witnessed the horrors of all kinds which there took place. Sometimes they assailed my father and all his family with [the basest and most atrocious] insults, triumphing over him with cruel joy; sometimes...](https://66.media.tumblr.com/a41fee59ad7183d38600ea70b78c98a7/tumblr_oui0yeJJad1qatfdco1_500.png)

Au lendemain du 10 août 1792
La trahison de l’homme politique est découverte…
Incarcéré quelques jours, Barnave rédige pendant sa captivité un bilan de la révolution, testament stoïque que n’auraient pas renié les héros antiques et les auteurs classiques dont s’était nourrie sa jeunesse.

Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.

Le 19 août 1792
Barnave est arrêté dans sa maison familiale de Saint-Egrève, il est incarcéré dans la prison de la citadelle de la Bastille, puis au couvent de Sainte-Marie-d’en-Haut, transformé en prison politique.
Le 3 septembre 1792
Le massacre de la princesse de Lamballe
Massacres dans les prisons.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.

Repas de la Famille Royale au Temple dans la série de Guy-André Lefranc (1976)
Le 6 novembre 1792
Victoire de Jemappes.
Le 14 novembre 1792
Les troupe françaises entrent à Bruxelles.
Le 20 novembre 1792
Découverte de l’ «armoire de fer» du cabinet du Roi au palais des Tuileries. Une correspondance des plus compromettantes pour Barnave y est découverte.
Le 3 décembre 1792
Pétion renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis comparaît devant la Convention pour la première fois.
Du 16 au 18 janvier 1793
La Convention vote la mort du Roi. Philippe Égalité est l’un de ceux qui ont donné leur voix pour la peine capitale.

Adieux de Louis XVI à sa famille
Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI ..

En juin 1793
Barnave est isolé au fort Barraux.
L’approche des armées sardes près de la nouvelle frontière savoyarde entraîne son transfert à la prison de Saint-Marcellin. Il n’y reste que peu de temps.
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.


La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur
Le 3 octobre 1793
La Reine est déférée au Tribunal révolutionnaire.
Le 14 octobre 1793
Marie-Antoinette comparaît devant le président Herman (1759-1795)
Le 16 octobre 1793

Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution.


La Convention demande la comparution d’Antoine Barnave devant le Tribunal révolutionnaire
Le 18 novembre 1793
Il est incarcéré à la Conciergerie. En arrivant quelques semaines plus tôt, il aurait pu y retrouver Marie-Antoinette…

Les 27 et 28 novembre 1793
Barnave est jugé. Malgré la plaidoirie qu’il prononce lui-même, il est condamné à mort.
Le 29 novembre 1793
A dix heures et demie
Les condamnés du jour sont répartis dans deux charrettes. Sur la route qui les mène de la Conciergerie à la place de Révolution, le visage d’Antoine est calme et ne trahit aucune émotion:
«Si jeune, si éloquent, si courageux; quel dommage ! » se disent certaines personnes en le voyant passer.
Une bande de royalistes se réjouit cependant de son sort et ne peut s’empêcher de lui rappeler les propos qu’il avait jadis prononcés à l’occasion du meurtre de Berthier de Sauvigny:
«Alors Barnave? Ce sang-là est-il donc si pur?»
Le jeune avocat s’avance vers la lunette qui ne va pas retarder à se refermer sur sa nuque et s’écrie dans un dernier élan :
« Voilà le prix de ce que j’ai fait pour la liberté!»
A environ midi
Antoine Barnave est guillotiné, en même temps que l’ancien garde des Sceaux, Duport-Dutertre (1754-1793).
On aurait trouvé sur son cœur un morceau de robe de Marie-Antoinette…

Fragment d’une robe de Marie-Antoinette (celle de Varennes?) en soie brochée,
conservé par Barnave. (Musée Carnavalet , Paris )
Antoine Barnave est inhumé à la chapelle expiatoire à Paris, auprès donc de Marie-Antoinette et Louis XVI pour qui elle a été bâtie en 1815. En réalité, il repose pêle-mêle avec ses contemporains, jetés dans la fosse commune du cimetière de la Madeleine, dans les ossuaires de la Chapelle expiatoire.
Sources :
- https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
- BONN Gérard, Mon ami Antoine Barnave ou la monarchie en sursis (2018), édité par Glyphe
- FONVIEILLE René, Barnave et Marie-Antoinette (1989), chez Glénat