Le 23 août 1754
A six heures vingt-quatre du matin
Naissance à Versailles de Louis-Auguste de France, duc de Berry, futur Louis XVI (1754-1793), fils du Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765) et de Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767).
1755
On raconte qu’au commencement de l’automne 1755, l’Impératrice, tenant son cercle à Schönbrunn, demanda en riant au duc de Tarouka :
« Aurai-je un fils ou une fille ?
– Un prince, assurément, Madame, répondit le courtisan.
– Eh bien ! reprit Marie-Thérèse, je gage deux ducats que je mettrai au monde une fille. »
Le 2 novembre 1755
A sept heures et demie du soir
Naissance à la Hofburg, à Vienne, de Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine (en allemand, Maria Antonia Josepha Johanna von Habsburg-Lothringen), quinzième des seize enfants qu’auront François Ier (1708-1765), Empereur du Saint-Empire et Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), Reine de Hongrie et de Bohême.
Elle est décrite par le grand maître de Cour comme «fort petite mais tout à fait saine».
Le duc de Tarouka avait perdu : il envoya à l’Impératrice le prix du pari, enveloppé dans cet ingénieux quatrain du poète Métastase :
« J’ai perdu : l’auguste fille m’a condamné à payer. Mais s’il est vrai qu’elle vous ressemble, tout le monde a gagné.»
Le 3 novembre 1755
La petite Archiduchesse est portée sur les fonts baptismaux par Son frère et Sa sœur, Joseph (1741–1790, il a quatorze ans) et Marie-Anne ((1738-1789, elle a donc dix-sept ans) , au nom du Roi et de la Reine du Portugal (Joseph Ier, le Réformateur, et Marie-Anne d’Espagne), Ses parrain et marraine, dont ils portent d’ailleurs les prénoms. Elle est baptisée par l’archevêque de Vienne, le cardinal Migazzi sous les noms de Maria Antonia Josépha Johanna de Lorraine.
« Le 3, l’empereur se rendit chez les Augustins, vêtu d’un manteau de drap et avec le cortège public, pour l’office des âmes, le sermon, etc. Ensuite, il y a eu l’ordination au baptême, qui s’est déroulée dans la première et belle antichambre (parce que les chambres des chevaliers ont été raccourcies d’une fenêtre lors de la dernière construction et de la nouvelle distribution des chambres, et qu’elles sont donc devenues trop petites pour les mêmes activités solennelles) et qui a été établie par notre seigneur l’archevêque. »
Le prince Johann Josef Khevenhüller-Metsch, maître de cérémonie de l’Impératrice Marie-Thérèse
La cour est pendant deux jours en grande tenue, pendant un jour en petite. Il y a deux jours de fêtes, le 5 et le 6 novembre, spectacle gratis et passage libre aux portes de la ville. L’Impératrice, sérieusement indisposée à la suite de ses couches, ne célébrera son rétablissement que le 14 décembre 1755, dans la chapelle de la Cour.
Le 17 novembre 1755
Naissance à Versailles de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII (1755-1824).
Le 12 février 1756
A l’occasion de l’anniversaire de leur père, tous les Archiducs et Archiduchesses sont déguisés, y compris la plus jeune, Antonia, qui n’a que trois mois.
Le 1er mai 1756
Signature à Versailles du traité d’alliance entre la France et l’Autriche, mettant fin à plus de deux cent cinquante ans de rivalité entre les deux puissances. Cet événement sera appelé «Le Renversement des Alliances.» Dès lors les nouveaux alliés chercheront à marier leur descendance afin de consolider cette alliance. Trente-six ans plus tard, cette alliance sera caduque avec la déclaration de guerre de la France révolutionnaire contre l’Autriche.
Le 8 décembre 1756
Naissance à la Hofburg à Vienne de l’Archiduc Maximilien François d’Autriche (1756-1801), futur évêque de Münster et archevêque-électeur de Cologne.
Le 19 janvier 1757
L’Archiduc Joseph, héritier du trône des Habsbourgs est atteint de petite vérole. On craint pour sa vie et on craint aussi que l’épidémie se répande au sein de la famille impériale.
Le 16 février 1757
C’est au tour de l’Archiduchesse Marie-Christine d’être malade.
Fin février 1757
Maladie très grave de l’Archiduchesse Marie-Anne.
Le 9 octobre 1757
Naissance à Versailles de Charles-Philippe de France, comte d’Artois, futur Charles X.
Le 23 septembre 1759
Naissance à Versailles d’Adélaïde Clotilde Xavière de France, dite Madame Clotilde, future reine de Piémont-Sardaigne.
Octobre 1760
Mariage de Son frère l’Archiduc héritier Joseph avec Isabelle de Bourbon-Parme, petite-fille du Roi de France Louis XV et premier mariage scellant l’alliance de 1756 entre les Bourbons et les Habsbourgs.
Vers Ses cinq ans, la petite Archiduchesse est confiée à une aya, Judith de Brandeiss.
Le 18 janvier 1761
Mort de l’Archiduc Charles-Joseph (1745-1761), héritier en second des Habsbourgs et fils préféré de Marie-Thérèse.
Le 22 mars 1761
Mort de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne. Son frère Louis-Auguste, duc de Berry, le futur Louis XVI, devient le successeur potentiel de ses père et grand-père.
Le 20 mars 1762
Naissance de Marie-Thérèse, fille de l’Archiduc Joseph, héritier du trône des Habsbourg et d’Isabelle de Bourbon-Parme. Elle est la petite-fille aînée de l’Impératrice.
Juin-Novembre 1762
Le peintre suisse Liotard dessine au pastel tous les membres de la famille impériale.
Le 13 octobre 1762
Concert du jeune Wolgang Gottlieb Mozart, âgé de six ans devant la famille impériale dans un salon du château de Schönbrunn. L’enfant désireux de montrer toute sa fougue tombe sur le sol dans son élan sur son clavier. A cette occasion, la famille impériale aurait ri, sauf la plus jeune des archiduchesses qui l’aurait aidé à se relever. Il lui aurait répondu :
«Je vois que vous êtes bien bonne. Plus tard je vous épouserai !»
L’anecdote est vraisemblablement apocryphe mais rien n’affirme le contraire non plus. Plus assurément, le petit prodige n’a pas hésité à courir dans les bras de l’Impératrice.
En décembre 1762
Le 22 décembre 1762
Mort de Sa sœur Marie-Jeanne-Gabrielle (1750-1762).
Nuit du 26 au 27 novembre 1763
Mort d’Isabelle de Bourbon-Parme. Chagrin immense de la famille impériale. On ignore quels furent les sentiments de la jeune Antonia à ce sujet. Isabelle n’évoque jamais la plus jeune des Archiduchesses dans sa correspondance avec Marie-Christine.
Le 3 mai 1764
Naissance à Versailles de Élisabeth Philippe Marie Hélène de France, dite Madame Élisabeth (1764-1794).
Le 25 janvier 1765
Le mariage de Joseph II avec Maria Josepha de Bavière. Lors de cette cérémonie, les Archiducs et Archiduchesses donnent un spectacle :
Le 4 juillet 1765
L’Empereur François-Etienne, l’Impératrice Marie-Thérèse, les Archiducs Joseph et Léopold, les Archiduchesses Marianne et Marie-Christine partent pour Innsbruck où sera célébrer le mariage de Léopold avec l’Infante Marie-Louise. Les plus jeunes de la fratrie restent à Vienne. C’est la dernière fois que Marie-Antoinette voit Son père.
Le 5 août 1765
Mariage de l’Archiduc Léopold avec Marie-Louise d’Espagne à Innsbruck.
Le 18 août 1765
Mort de Son père, l’Empereur François Ier, lors des festivités du mariage de Léopold à Innsbruck. Il avait pris congé en larmes de sa dernière fille, Marie-Antonia, avant de quitter Vienne.
Marie-Antoinette racontera, en 1790, à Mesdames de Tourzel, de Fitz-James et de Tarenteaux que l’Empereur François Ier, partant pour l’Italie, d’où il ne devait jamais revenir , rassemble ses enfants pour leur dire adieu :
« J’étais la plus jeune de mes sœurs, ajoute Marie-Antoinette, mon père me prit sur ses genoux, m’embrassa à plusieurs reprises, et, toujours les larmes aux yeux, paraissant avoir une peine extrême à me quitter. Cela parut singulier à tous ceux qui étaient présents, et moi-même je ne m’en serais peut-être pas souvenue si ma position actuelle , en me rappelant cette circonstance, ne me faisait voir pour le reste de ma vie une suite de malheurs qu’il n’est que trop facile de prévoir.»
Avènement de Joseph II qui partage le pouvoir avec Marie-Thérèse.
Le 5 octobre 1765
Première communion de Marie-Antoinette avec son frère Maximilien. Le lendemain, la famille impériale doit faire ses dévotions en l’honneur de l’Empereur décédé.
Le 20 décembre 1765
Mort du Dauphin, Louis-Ferdinand, à Fontainebleau. Son fils, Louis-Auguste, le futur Louis XVI, devient Dauphin de France.
Janvier 1766
Mariage de l’Archiduchesse Marie-Christine (1742-1798) avec Albert de Saxe-Teschen (1738-1822), frère de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, mère du duc de Berry.
Le 1er février 1766
Marie-Antoinette assiste à la cérémonie faisant de sa sœur Marie-Anne l’abbesse du chapitre des Nobles Dames de Prague.
Une anecdote qui concerne Marie-Antoinette enfant est reprise dans une lettre de Marie Sidonie Chotek née Clary-Aldringen(1748-1824) :
« Hier, après avoir été à la bénédiction à Saint Michel, nous nous sommes rendus chez les princesses Swartzenberg, où nous avons pêché avec beaucoup de chance, dix-neuf poissons. L’arrivée des archiduchesses Carlotta (Maria-Caroline) et Antoinette et des petits archiducs (Ferdinand et Maximilien), a mis fin à notre divertissement ; l’archiduchesse Antoinette a dit à Mademoiselle Drüin (gouvernante des comtesses Clary) en lui serrant la main : « Apportez-moi Christiane et Teresa À Schönbrunn.»
Christiane et Thérèse sont les plus petites sœurs de Marie Sidonie. Les filles ont grandi à la Cour de Marie-Thérèse et sont amies d’enfance de Marie-Antoinette. Dans la peinture où Marie-Antoinette enfant danse avec Ses frères Ferdinand et Maximilien, Christiane et Thérèse apparaissent aussi, au deuxième rang dans le groupe de quatre bergers, avec leurs frères Joseph et Wenceslas.
Le 3 février 1766
Visite de la famille impériale de la fabrique de laiton à Wiener-Neusdadt.
Le 6 février 1766
Course de traîneaux et carrousel à Schoënbrunn.
Le 8 avril 1766
Mariage de sa sœur Marie-Christine avec Albert de Saxe, duc de Teschen.
Il s’agit du seul mariage d’amour autorisé par Marie-Thérèse. Etant la première à convoler, on ignore si les autres Archiduchesses espèrent le même traitement.
Le 5 mai 1766
Marie-Antoinette, Marie-Caroline, Ferdinand et Maximilien ont la «petite vérole volante», c’est-à-dire la varicelle, « sans danger pourtant» d’après Marie-Thérèse à son amie la comtesse d’Enzenberg.
Le 13 mars 1767
Mort de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731), mère du futur Louis XVI.
En 1767
L’Archiduchesse Marie-Elisabeth (1743-1808) est atteint de petite vérole. Elle s’en sort mais enlaidie, elle ne peut plus prétendre au mariage.
Le 28 mai 1767
Mort de Marie-Josepha de Bavière, seconde épouse de l’Empereur Joseph II.
Le 15 octobre 1767
Mort de l’Archiduchesse Marie-Josèphe (1751-1767), sœur de Marie-Antoinette.
Le 19 janvier 1768
Lors de son retour en Autriche avec les siens, Wolfgang-Amadeus Mozart est à nouveau reçu par Marie-Thérèse et Joseph II, en présence de Marie-Antoinette, à Schönbrunn.
Au printemps 1768
Messmer, directeur des écoles de Vienne, enseigne la rédaction à la future Dauphine, Gluck le clavecin, Wagenseil le piano-forte, Reutter le chant.
Marie-Thérèse emploi les grands moyens afin de préparer sa fille aux usages de sa future Cour.
Noverre est chargé d’apprendre à Marie-Antoinette les danses à la mode à la Cour de France. Il Lui donne «cette démarche aérienne qui fera tant de légende».
Marie-Thérèse demande qu’on lui envoie de Paris pour sa fille un ecclésiastique versé dans la littérature et l’histoire capable d’initier Marie-Antoinette à la vie qui l’attend à Versailles. L’abbé de Vermond est dépêché à Vienne. Le mentor et son élève s’entendent à merveille. Le programme comprend l’étude de la religion de la langue et la littérature française, l’histoire, les usages de la Cour de France et les généalogies des grandes familles qui la composent.
Devenue Reine, Marie-Antoinette écrira fort bien le français avec clarté et précision. En revanche, Elle conservera une orthographe quasi phonétique, chose courante à l’époque et une écriture enfantine constellée de «pavés d’encres».
Le 7 avril 1768
Comme ce sera plus tard le cas pour Marie-Antoinette, le mariage de celle qui devient Marie-Caroline a lieu à Vienne par procuration.
En avril 1768
Au moment de quitter Vienne, Marie-Caroline saute de la voiture au dernier moment pour donner à son Antoine adorée une série d’étreintes passionnées et larmoyantes.
Le 12 mai 1768
Mariage de l’Archiduchesse Marie-Caroline avec Ferdinand Ier des Deux-Siciles.
Novembre 1768
Arrivée à Vienne de l’abbé de Vermond (1735
Le 22 avril 1769
Mariée et munie d’un nom mieux sonnant que Bécu, madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour de France .
Le 13 juin 1769
Louis XV demande officiellement la main de l’Archiduchesse Maria-Antonia pour le Dauphin.
Le 27 juin 1769
Mariage par procuration de l’Archiduchesse Marie-Amélie avec Ferdinand Ier, duc de Parme.
En septembre 1769
Avant le départ de Marie-Antoinette pour la France, l’Impératrice voulait emmener sa fille en pèlerinage et prier pour Son avenir.
Marie-Antoinette passe une nuit avec Sa mère et Ses sœurs, Anne et Elizabeth, au château de Goldegg. Toutes les quatre se rendent à Mariazell, le sanctuaire dédié à la Vierge, auquel Marie-Thérèse est particulièrement attachée: c’est le lieu de pèlerinage le plus important en Autriche
Dans ce portrait une médaille est visible, pointée sur la poitrine de la toute jeune Archiduchesse. C’est un honneur, l’Ordre de la Croix étoilée, un ordre de chevalerie féminin fondé en 1668 par Eleonora Gonzaga (ancêtre du côté paternel de Marie-Antoinette). La naissance de l’ordonnance est liée à un événement miraculeux qui s’est produit le 2 février 1668 lorsqu’un grave incendie s’est déclaré dans le palais Hofburg à Vienne, siège de la cour impériale, brûlant la plupart des manufactures et détruisant même beaucoup de meubles. Une fois que les flammes ont été apprivoisées, parmi les objets trouvés et qu’on croyait perdus, il y avait aussi un morceau de la Sainte Croix, qui était contenu dans une boîte en bois faite d’émail et de cristal qui avait été complètement brûlé. L’Impératrice Eleonora Gonzaga, veuve de l’Empereur Ferdinando III, a décidé de se souvenir de l’événement miraculeux, établissant un ordre de chevalerie féminin sous le nom de l’Ordre de la Croix étoilée. Le pape Clemente IX confirme l’institution avec une bulle le 27 juillet 1668. Les membres de l’ordre sont divisés en deux classes : la reine avec une grande croix et la Reine avec une simple.
Le 23 janvier 1770
Mort de sa nièce Marie-Thérèse, fille de Joseph II.
Le 7 février 1770
A cinq heures et quart du soir, premières règles de Marie-Antoinette : l’Archiduchesse peut donc être mariée !
Le 16 février 1770
Louis XV assure Madame Louise (1737-1787), sa dernière fille, qu’il ne l’empêchera pas de se faire religieuse. Peu après, à la surprise de ses proches, elle entre au Carmel de Saint-Denis, où elle devient sœur Thérèse de Saint-Augustin. Elle entend prier pour le salut de son père.
Le 2 avril 1770
Le Dauphin Louis-Auguste écrit à l’Archiduchesse Marie-Antoinette :
« Madame ma Sœur et Cousine, je reçois une marque bien touchante de l’estime que l’Impératrice, madame ma Sœur et Cousine, fait paraître de moi, en vous accordant à mes vœux et à ceux du Roi, mon seigneur et grand père. Le consentement que vous voulez bien donner à une union qui met le comble à mon bonheur, me cause la plus sensible joie et me pénètre de reconnaissance. J’attendais avec la plus vive impatience qu’il me fût permis de vous en assurer. J’ai chargé le sieur marquis de Durfort, ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Roi, de vous présenter mon portrait. Je vous prie de le recevoir comme un gage de sentiments qui sont gravés dans mon cœur pour vous et qui dureront autant que ma vie. Je suis, Madame ma Sœur et Cousine,
Votre affectionné Frère et Cousin Louis Auguste ».
Le 3 avril 1770
Marie-Antoinette reçoit solennellement le portrait du Dauphin Louis-Auguste.
Semaine sainte du 8 au 13 avril 1770
Retraite de Marie-Antoinette avec Son confesseur afin de se préparer à Ses Pâques et Son mariage.
Afin d’instruire sa fille de son prochain rôle, Marie-Thérèse Lui installe un lit d’appoint dans sa propre chambre.
Le 14 avril 1770
Le contrat du mariage est signé.
Le 16 avril 1770
L’ambassadeur de France à Vienne, le marquis de Durfort, demande officiellement la main de l’Archiduchesse au nom de Louis XV.
Le 17 avril 1770
L’Archiduchesse Maria-Antonia renonce officiellement à Ses droits sur l’Autriche.
Le 18 avril 1770
Le marquis de Durfort organise un bal masqué pour Antonia au palais de Lichtenstein à Vienne.
Le 19 avril 1770
Mariage par procuration de Marie-Antoinette et du Dauphin à l’église des Augustins de Vienne :
A six heures après-midi, à la sonnerie des trompettes et au son des tympans, toute la Cour de Marie Thérèse, se rend à l’église des Augustins de Vienne. L’Archiduchesse, toute souriante, porte une robe de drap d’argent. Sa traîne est portée par la comtesse Trautmannsdorf pendant que Sa mère la conduit dans l’allée. L’Impératrice Marie-Thérèse accompagne sa fille à l’autel et l’Archiduc Ferdinand qui a dix-sept mois de plus que Marie-Antoinette, habillé en soie blanche, avec une bande bleue drapée sur la poitrine, remplace le Dauphin.
L’église des Augustins est une église paroissiale, une vaste structure reliée à l’aile Léopoldina de la Hofburg (les appartements privés de la famille impériale) par un long couloir.
Joseph II conduit le cortège, puis l’Impératrice Marie-Thérèse et derrière elle l’Archiduc Ferdinand qui donne la main à Marie-Antoinette. Pour l’occasion Gluck a créé une composition pour orgue qui résonne dans l’église.
La messe est dite par le nonce du pape, Monseigneur Visconti, assisté par le curé de la Cour, Briselance. Les prie-Dieu des « mariés » sont recouverts de velours rouge brodé d’or ; quand les deux mariés s’agenouillent, ils répondent à la question du nonce, une formule latine: « Volo et ita promitto » ( « je veux et je le promets»). Les anneaux, dont l’un sera livré par Marie-Antoinette au Dauphin, sont bénis ; Ferdinand glisse au doigt de sa sœur l’anneau de rubis du Dauphin et la fait ensuite se lever pour l’embrasser sur les joues ; après quoi Briselance s’apprête à prononcer l’acte Nuptial, Kaunitz l’authentifie et Durfort le légalise (en fait, ce dernier acte aurait dû revenir au beau-frère de Marie-Antoinette, Albert de Saxe Teschen, mais Versailles a fait savoir au prince qu’il ne fallait pas qu’il se dérange et qu’il pouvait laisser sa place à l’ambassadeur). Albert n’a pas objecté, mais pour le dîner de mariage, il ne veut pas entendre de raison, donc Durfort n’assiste pas au banquet et reste chez lui. Le comte de San Giuliano, grand maître des cuisines impériales, a accompli des merveilles ce soir-là. Cent cinquante invités sont admis, non pas à dîner, mais à admirer les neuf princes convives qui mangent dans de la vaisselle d’or.
Le 21 avril 1770
« Le départ de la Dauphine était prévu à neuf heures le lendemain matin, 21 avril. L’heure matinale était délibérée. Quel que soit l’avenir brillant de la mariée, ces séparations n’étaient pas, et ne pouvaient guère s’attendre à être, des occasions heureuses. Le comte Khevenhuller a rapporté dans son journal qu’on espérait éviter la détresse qui avait accompagné les adieux des archiduchesses Marie-Caroline et Marie-Amélie. En avril 1768, Marie-Caroline avait sauté de la voiture au dernier moment pour donner à son Antoine adorée une série d’étreintes passionnées et larmoyantes. En cette froide matinée de printemps, c’est l’impératrice qui serre encore et encore sa fille contre elle. « Adieu, ma très chère enfant, une grande distance va nous séparer… Faites tant de bien aux Français qu’ils puissent dire que je leur ai envoyé un ange. » Puis elle s’est effondrée et a pleuré. Joseph Weber, avec sa mère la nourrice, fut autorisé à regarder le cortège partir. Il se rappelait toujours comment Madame Antoine, incapable de contrôler ses propres sanglots, tendait encore et encore le cou par les fenêtres, pour apercevoir une dernière fois sa maison.»
Marie-Antoinette, Le Voyage – Antonia Fraser
Marie-Antoinette part pour la France, au cours d’un voyage qui durera plus de vingt jours et qui comportera un cortège d’une quarantaine de véhicules. Tout le monde, l’Impératrice, la Dauphine, la famille impériale, la Cour, pleure à chaudes larmes. Marie-Thérèse Lui remet ses Instructions à relire tous les 21 du mois.
« Restez bonne Allemande.»
Le lien entre la mère et la fille sera assuré par Florimond de Mercy-Argenteau (1727-1794) , ambassadeur de Marie-Thérèse en France depuis 1766) qui a , envers sa pupille, un rôle presque paternel…
Règlement à lire tous les mois
« A votre réveil vous ferez tout de suite, en vous levant, vos prières du matin à genoux et une petite lecture spirituelle, ne fût-ce même que d’un seul demi quart d’heure, sans vous être encore occupée d’autre chose ou avoir parlé à personne. Tout dépend du bon commencement de la journée et de l’intention, dont on la commence, ce qui peut rendre les actions même indifférentes bonnes et méritoires. C’est un point, sur lequel vous serez très exacte, son exécution ne dépend que de vous, et il peut en résulter votre bonheur spirituel et temporel. Il en est de même avec les prières du soir et examen de conscience ; mais je répète encore, celles du matin et la petite lecture spirituelle sont des plus importantes. Vous me marquerez toujours, de quel livre vous vous servez. Vous vous recueillerez pendant le jour le plus souvent que vous pourrez, surtout à la sainte messe. J’espère que ;vous l’entendrez avec édification tous les jours, et même deux les dimanches et les jours de fête, si c’est coutume à votre cour. Autant que je souhaite que vous soyez occupée de la prière et bonne lecture, aussi peu voudrais-je que vous pensiez introduire ou faire autre chose que ce qui est de coutume en France ; il ne faut prétendre rien de particulier, ni citer ce qui est ici d’usage, ni demander qu’on l’imite ; au contraire il faut se prêter absolument à ce que la cour est accoutumée à faire. Allez, s’il se peut, l’après-dînée, et surtout tous les dimanches aux vêpres ou au salut. Je ne sais pas si la coutume est en France de sonner l’angelus, mais recueillez-vous alors, si non en public, du moins dans votre cœur. Répondez agréablement à tout le monde, avec grâce et dignité : vous le pouvez, si vous voulez. Il faut aussi savoir refuser. Dans mes états et dans l’empire vous ne sauriez vous refuser à accepter des placets, mais vous les donnerez tous à Starhemberg, et vous adresserez tout le monde à lui ou à Schaffgotsch, si le premier était empêché, en disant à tout le monde, que vous les enverrez à Vienne, ne pouvant faire rien de plus. Depuis Strasbourg vous n’accepterez plus rien, sans en demander l’avis de M. ou de Mme de Noailles, et vous renverrez à eux tous ceux qui vous parleront de vos affaires, en leur disant honnêtement, qu’étant vous-même étrangère, vous ne sauriez vous charger de recommander quelqu’un au roi. Si vous voulez, vous pouvez ajouter, pour rendre la chose plus énergique : « l’Impératrice, ma mère, m’a expressément défendu de me charger d’aucune recommandation ». N’ayez point de honte de demander conseil à tout le monde, et ne faites rien de votre propre tête. Vous avez un grand avantage, que Starhemberg fera avec vous le voyage de Strasbourg à Compiègne ; il est très aimé en France, il vous est très attaché. Vous pouvez lui tout dire et tout attendre de ses conseils ; il restera encore huit à dix jours à Versailles. Vous pouvez m’écrire sincèrement par son canal ; tous les commencements de mois j’expédierai d’ici à Paris un courrier : en attendant vous pourriez préparer vos lettres pour les faire partir tout de suite à l’arrivée du courrier. Mercy aura l’ordre de l’expédier d’abord. Vous pouvez de même m’écrire par la poste, mais sur peu de choses, et que tout le monde peut savoir. Je ne crois pas que vous deviez écrire à votre famille, hors dans des cas particuliers et à l’empereur, avec qui vous vous arrangerez sur ce point. Je crois que vous pourriez encore écrire à votre oncle et tante de même qu’au prince Albert. La reine de Naples souhaite votre correspondance ; je n’y trouve aucune difficulté. Elle ne vous dira rien que de raisonnable et d’utile ; son exemple doit vous servir de règle et d’encouragement, sa situation ayant été en tout et étant bien plus difficile que la vôtre. Par son esprit et par sa déférence elle a surmonté tous les inconvénients, qui ont été grands ; elle fait ma consolation et a l’approbation générale. Vous pouvez donc lui écrire, mais que tout soit mis en façon à pouvoir être lu par tout le monde. Déchirez mes lettres, ce qui me mettra à même de vous écrire plus ouvertement ; j’en ferai de même avec les vôtres. Ne faites aucun compte sur les affaires domestiques d’ici ; elles ne consistent que dans des faits peu intéressants et ennuyants. Sur votre famille vous vous expliquerez avec vérité et ménagement : quoique je manque souvent d’en être entièrement contente, vous trouverez peut-être que c’est ailleurs encore pis, qu’il n’y a ici que des enfantises et jalousies pour des riens, qu’autre part c’est bien plus soutenu. Il me reste encore un point par rapport aux Jésuites. N’entrez dans aucun discours, ni pour, ni contre eux. Je vous permets de me citer et de dire que j’ai exigé de vous de n’en parler, ni en bien, ni en mal : que vous savez, que je les estime, que dans mes pays ils ont fait grand bien, que je serais fâchée de les perdre, mais que si la cour de Rome croit devoir abolir cet ordre, je n’y mettrais aucun empêchement ; qu’au reste j’en parlais toujours avec distinction, mais que même chez moi je n’aimais pas à entendre parler de ces malheureuses affaires.»
Marie-Thérèse
Le cortège avance par étapes quotidiennes de huit à neuf heures. Le premier soir, Antonia arrive à l’abbaye baroque de Melk, où Elle retrouve Son frère Joseph.
« Le premier soir, on arrive à l’abbaye baroque de Melk, lancée tel un éperon sur le Danube où Marie-Antoinette retrouve son frère Joseph. Les élèves des moines bénédictins ont préparé un spectacle pour leurs hôtes princiers. Marquée par les fatigues du voyage, Marie-Antoinette a du mal à le suivre. »
L’abbé de Vermond
Dans le message du marquis de Durfort au duc de Choiseul, l’ambassadeur écrit que la Dauphine est arrivée en bonne santé à Melk, qu’un opéra allemand a été joué pour la princesse par les élèves de l’abbaye, que le duc peut facilement imaginer combien Madame la Dauphine s’est amusée.
Le 22 avril 1770
Le temps est maussade. Antonia fait Ses adieux à Joseph II et à Durfort. Les trois cent soixante-seize chevaux nécessaires au transport sont relayés toutes les deux heures jusqu’à Enns.
Le 23 avril 1770
S’éloignant du Danube, l’Archiduchesse couche à Lambach.
Le 24 avril 1770
Il pleut encore. Après seulement six heures de berline, Marie-Antoinette pénètre dans Altheim où Elle fait bonne chère et passe une paisible nuit.
Le 25 avril 1770
Marie-Antoinette quitte les terres de l’Archimaison , franchit la Salzach puis l’Inn. La voici dans l’électorat de Bavière, hérissé d’évêchés indépendants et de principautés plus ou moins souveraines, les uns comme les autres convaincus de leur importance grâce à la considération intéressée dont, depuis deux siècles, les diplomates accrédités par Paris font preuve à leur égard. Le soir, Altheim, Alt-Oetingen accueille la voyageuse.
À l’abbaye, une danse de la torche a été exécutée sur des bateaux de rêve et en l’honneur de la mariée, une pièce du père Maurus Lindemayr a eu lieu dans le théâtre de plumes nouvellement adapté : « Le contrat de mariage divertissant » a reçu beaucoup d’applaudissements.
Elle s’arrête pour deux jours au château de Nymphenbourg, près de Munich, où Elle est saluée par l’électeur de Bavière et par le comte de Putbus, grand chambellan du duc de Wurtemberg.
Le 26 avril 1770
Louis-Auguste reçoit de sa belle-mère la lettre suivante :
« Votre épouse, mon cher Dauphin, vient de se séparer de moi ; comme elle faisait mes délices, j’espère qu’elle fera votre bonheur ; je l’ai élevée en conséquence parce que , depuis longtemps, je prévoyais qu’elle devrait partager votre destinée. Je lui ai inspiré l’amour de ses devoirs envers vous, un tendre attachement, l’attention à imaginer et à mettre en pratique les moyens de vous plaire ; je lui ai recommandé avec beaucoup de soin une sincère dévotion envers le Maître des Rois, persuadée que l’on fait mal le bonheur du peuple qui nous est confié, quand on manque envers Celui qui brise les sceptres et renverse les rois comme il lui plaît. Aimez donc vos devoirs envers Dieu, je vous le dis, mon cher Dauphin, et je l’ai dit à ma fille. Aimez le bien des peuples sur lesquels vous régnerez toujours trop tôt. Aimez le Roi, votre aïeul, inspirez et renouvelez cet attachement à ma fille ; soyez bon comme lui ! Rendez-vous accessible aux malheureux ; il est impossible qu’en vous conduisant ainsi, vous n’ayez pas le bonheur en partage. Ma fille vous aimera, j’en suis sûre, parce que je la connais ; mais plus je réponds de son amour et de ses soins, plus je vous demande de lui vouer le plus tendre attachement.
Adieu, mon cher Dauphin, soyez heureux, rendez-la heureuse ! Je suis toute baignée de larmes.
Votre tendre mère, Marie-Thérèse.»
L’Impératrice-Reine est plus tendre avec son gendre qu’avec sa fille qu’elle vient de quitter pour toujours…
Les haltes se font ensuite à Enns, Lambach, Altheim, Alt-Oetingen, Nymphenburg, la résidence d’été des électeurs de Bavière près de Munich, Ausbourg, Guntzbourg, Riedlingen, Stockach, Donaueschingen et enfin Fribourg.
A Guntzbourg et à Fribourg il a été prévu des haltes de deux jours pour que Marie-Antoinette se repose des fatigues d’un voyage harassant.
Ce même jour
Halte près de Munich chez l’électeur de Bavière, frère
de Sa belle-sœur décédée Josepha, au château de Nymphenburg. La jeune Dauphine a droit à une journée de repos dans le pavillon d’Amalienburg au milieu des jardins.
Marie-Antoinette profite de la journée de halte pour admirer les trésors de Nympheenbourg.
Le 27 avril 1770
Il pleut. La route d’Augsbourg présente peu d’attraits. La ville, toutefois procure passablement de satisfactions pour ravir le passage de la Dauphine.
Marie-Antoinette inaugure la salle-des-Fêtes du palais de Schänzler à Augsbourg avec un bal.
Dimanche 29 avril 1770
La caravane quitte Augsbourg pour gagner Günsburg où la princesse Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont (1714-1773), attend la fille de son frère. La marche dure neuf heures. Madame la Dauphine, affectée d’un coryza (c’est un rhume ou une rhinopharyngite), commence à éprouver les fatigues, sinon du voyage, du moins d’une aussi longue représentation.
A Güntzbourg est prévue une halte de deux jours pour que Marie-Antoinette se repose des fatigues d’un voyage harassant. Elle passe de longs moments avec Sa tante, la princesse Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont.
Depuis neuf jours, les visites succèdent aux fêtes et les banquets aux concerts. La sœur de feu l’Empereur veille à fortifier la santé chancelante de la Dauphine et de Ses dames mais prend à cœur de leur apporter des divertissements.
Le 30 avril 1770
Si l’on ne se remet pas en route, on avance un peu. Marie-Antoinette est conviée à visiter la chapelle de Königinbild, sur la route de Burgau. Au sortir du sanctuaires, douze jeunes filles viennent saluer la princesse les bras chargés de fleurs des champs. L’une des demoiselles se détache pour réciter une ode au sérénissime couple où s’exprime le souhait de les voir vivre centenaire. A peine Madame la Dauphine a-t-Elle pris le temps de remercier que l’abbesse L’incite à regagner Güntzbourg afin d’y présider une distribution de mangeailles au menu peuple. On bat des mains devant les saucisses et les chapons, puis, les petits rassasiés, les grands songent à réparer leurs forces. La voyageuse préside un banquet de cent-trente-deux couverts.
Le 1er mai 1770
Petite étape car les santés sont encore fragiles. Les carrosses prennent la route d’Ulm et, quittant la Bavière, passent en Souabe.
Le prince de Starhemberg écrit , non sans satisfaction, au duc de Choiseul :
« Tout le monde paraît enchanté de la Princesse que je vous amène, et je souhaite seulement qu’elle réussisse aussi bien en France que dans tous les lieux où nous avons passé jusqu’à présent.»
Le cortège arrive à l’abbaye Obermarchtal où la Dauphine Marie-Antoinette soupe et regarde la représentation de la pièce Les meilleures mentalités des cœurs souabes de Sebastian Sailer.
En remerciement pour l’abbaye Obermarchtal, Marie-Antoinette lui enverra, après Son mariage, Son vêtement de fiancée qui sera refait en deux vêtements de prêtre qu’on peut admirer même aujourd’hui au musée de l’abbaye.
Le 2 mai 1770
L’étape est marquée à Stockach, grand bourg de quelque deux mille âmes.
Le 4 mai 1770
Marie-Antoinette est à Donaueschingen.
Le cortège arrive avec ses 235 personnes, un total de 57 voitures, la plupart tires par six chevaux et 350 chevaux. Le boulanger de la Cour, Fidel Schmider est autorisé à livrer les rouleaux pour la restauration des voyageurs.
Pour Schmider, ce n’est probablement pas seulement un travail lucratif, mais aussi un honneur spécial. En tout cas, il a la nouvelle de cet événement spécial gravée dans la pierre et placée sous la forme d’une plaque commémorative au-dessus de la porte d’entrée de l’auberge « Lamm » (agneau) avec le texte suivant :
« En mai 1770, le 3 mai, je m’appelais Fidelis Schmider an hero, le premier rouleau de bouche pour la table du Grand Prince pour faire cuire ce que la reine de France Sa Majesté Maria-Antonia a dîné. Après cela, j’ai construit cette maison en 1783.»
Le comte Frank Ludwik Schenk von Castell, propiétaire des terres Oberdischingen, dirige l’étape du voyage de Marie-Antoinette d’Ulm à Oberdischingen.
En l’honneur de l’Archiduchesse il crée une allée de châtaigniers.
Le 5 mai 1770
Marie-Antoinette et Sa suite arrivent à Fribourg-en-Brisgau.
Le programme d’accueil commence par la messe à Munster. Ensuite la ville remet à la Dauphine les cadeaux d’honneurs. Des danses suivent l’accueil des députés, un ballet et du théâtre.
Le soir a lieu la visite des arcs de triomphes illuminés.
Le 6 mai 1770
Le cortège de Marie-Antoinette atteint l’abbaye de Schütter près de Kehl puis traverse la Forêt-Noire et parvient sans encombre, l’étape est courte, jusqu’au moutier. Monsieur le comte de Noailles, ambassadeur extraordinaire, vient saluer Madame la Dauphine.
Le cortège arrive à Schuttern où Marie-Antoinette passe la dernière nuit sur les terres allemandes. Des feux de canon et le carillon saluent les nouveaux venus. Le peuple se place le long du mur de cloître et acclame. La fête trouve son point culminant dans un feu d’artifice pompeux.
Le 7 mai 1770
Un carrosse, couronné de bouquets de fleurs d’or, s’arrête aux premières maisons de Strasbourg. Monsieur d’Autigny, chef du magistral, s’avance et commence une harangue en allemand. Marie-Antoinette penche la tête de la portière et gracieusement l’interrompt :
« Ne parlez point allemand, messieurs, à dater d’aujourd’hui, je n’entends d’autre langue que le français.»
Marie-Antoinette
Dès les premiers pas de la princesse sur la terre de France, son seul sourire attire et séduit. Sa marche aérienne, Son port d’Archiduchesse, l’attitude un peu fière de Sa tête et de ses épaules imposent. Un teint «mêlé, de bien à la lettre, de lis et de roses…»
Marie-Antoinette a l’effet d’un bouquet des fleurs de champs.
«C’est une odeur de printemps !» s’exclame Burke.
Le spectacle strasbourgeois est aussi frais que le sourire de la petite Dauphine. Des enfants déguisés en bergers et bergères Lui offrent des bouquets, des jeunes filles jettent des fleurs sous les pas des chevaux et des garçonnets costumés en cent-suisses font la haie.
On Lui présente le cardinal de Rohan, les comtes formant le conseil de la cathédrale, les députés, succèdent trente-six dames de la noblesse d’Alsace aux mines graves et sévères.
Marie-Antoinette est officiellement « échangée » entre la France et l’Autriche sur une île du Rhin près de Kehl. Cette île, encore habitée dans les années précédant la Première Guerre mondiale, est connue sous le nom d’«île de la Commission » (Kommissionsinsel), en référence à la commission d’échange de Marie-Antoinette.
Ce dauphin qui n’a pas encore seize ans et dont Mademoiselle Cosson de la Cressonnière faisant paraitre dans le Mercure ce quatrain :
«Un Auguste mariage
L’enlève aux vœux de sa cour
C’est Psyché dans son jeune âge
Qu’on mène à l’Amour»
« Êtes-vous bien empressée de voir le Dauphin ?» ui demande l’une de Ses dames. Et Elle de répondre malicieusement toujours avec Son sourire :
« Madame, je serai à Versailles dans cinq jours, le sixième je pourrai plus aisément vous répondre.»
Ce n’est pas à Versailles que «Psyché dans son jeune âge» doit rencontrer l’Amour, mais en forêt de Compiègne…
Marie-Antoinette, comme on L’appelle désormais, est «remise» à la France sur un îlot du Rhin, considéré comme une frontière symbolique. Elle prend congé de Sa suite autrichienne ainsi que de Son chien, Mops.
« Quelques jours avant l’arrivée de Marie-Antoinette plusieurs jeunes étudiants allemands se glissent dans l’édifice à moitié achevé́ pour satisfaire leur curiosité́. Tout à coup Goethe s’arrête, se sent mal à l’aise ; il est presque en colère. « Quoi ! s’exclame à haute voix le génial adolescent, sans prêter attention à l’étonnement des assistants, est-il permis de mettre aussi imprudemment sous les yeux d’une jeune reine, dès le premier jour, l’exemple du mariage le plus atroce qui fût jamais consommé ? N’y a-t-il donc point parmi les architectes, décorateurs et tapissiers français, un seul homme qui comprenne que les images ont une signification, qu’elles agissent sur les sens et l’esprit, qu’elles laissent des impressions, qu’elles éveillent des pressentiments ? Ne dirait-on pas que l’on a voulu envoyer au-devant de cette belle dame, que l’on dit être attachée à la vie, le plus hideux des spectres ? » Les amis du bouillant jeune homme réussissent avec peine à le calmer.»
Stefan Zweig, Marie-Antoinette
En effet, le pavillon de remise est décoré du gobelin représentant l’histoire malheureuse de Jason, Médée et Créuse.
La princesse quitte Sa robe de voyage «en gros de Tours» et revêt une «robe et un jupon d’étoffe d’or».
« Elle (la Dauphine) passa ensuite dans le salon commun, suivie de toute sa cour allemande. On y avait dressé une espèce de trône surmondé d’un dais ; une grande table était placée au milieu de la salle, de l’autre côté se trouvaient M. de Noailles et M.M. Bouret et Gérard » nous dit le compte-rendu officiel.»
Le discours de Noailles pendant la remise :
« La commission honorable que le Roi mon maître a bien voulu me confier met le comble à la reconnaissance que je dois à ses bontés. Il ne manque à mon bonheur que de pouvoir peindre fidèlement à Madame la Dauphine les sentiments de Sa Majesté et tout son empressement de la voir partager bientôt sa tendresse avec la famille royale. La nation dont je suis également l’interprète soupirait après l’instant heureux qui annonce à deux grands empires la perpétuité de leur bonheur en garantissant aux deux plus anciennes maisons de l’univers la durée des nœuds qui les unissent. Que ne devons-nous pas espérer d’une princesse élevée aux vertus par une auguste mère, la gloire de son sexe, et le modèle des rois ? Formée par de si grands exemples, Madame la Dauphine trouvera dans la félicité dont elle jouira l’heureux gage de celle qu’elle promet à la France. »
Après lecture et signature des actes de remise et de réception
« Le commissaire impérial (le prince de Starhemberg) donna la main à Madame la Dauphine pour la conduire du côté de la table où M. le comte de Noailles se tenait. Le commissaire plénipotentiaire du Roi prit alors la main de cette princesse pour la conduire vers la Cour française qui dans ce moment sortit du Cabinet français où elle s’était tenue jusqu’alors, et entra dans la salle de remise. M. le comte de Noailles présenta à Madame la Dauphine le comte de Saulx-Tavannes son chevalier d’honneur, la comtesse de Noailles sa première dame d’honneur, et celle-ci lui présenta le reste de sa maison et de l’accompagnement. Dès ce moment les fonctions des personnes attachées à Madame la Dauphine commencèrent.»
Après le discours, Noailles tend la main à Marie-Antoinette qui dépasse la table, symbolisant la frontière, et se trouve en face de Sa nouvelle suite française apparaissant juste au moment où la suite autrichienne cède la place.
Elle fait la connaissance de Sa nouvelle suite composée du comte de Saulx-Tavannes, chevalier d’honneur de la Dauphine, du marquis de Granges, maître des cérémonies, du comte de Tessé, premier écuyer, du chevalier de Saint-Sauveur, commandant des gardes du corps de la Dauphine, du maréchal de Contades, commandant de la province, du marquis de Vogüé, commandant en second.
Suivent les dames désignées pour accompagner la princesse, la comtesse de Noailles (1729-1794) qui sera Sa dame d’honneur jusque 1775 et qu’Elle surnommera très vite «Madame l’Étiquette», les duchesses de Villars et de Picquigny, la marquise de Duras, les comtesses de Mailly et de Saulx-Tavannes qui avaient toutes fait partie de la maison de feue la Reine Marie Leszczynska.
Après les présentations, Madame la Dauphine monte dans le carrosse du Roi pour entrer dans la ville ; les régiments de cavalerie du Commissaire général, ayant à leur tête le marquis de Vogüé, ont l’honneur de La saluer. Son entrée dans la ville est annoncée par une triple décharge de toute l’artillerie des remparts, et par le son des cloches de toutes les églises. Le maréchal de Contades se trouve à la porte de la ville à la tête de l’état-major de la place, qui a l’honneur de saluer la Dauphine. Marie-Antoinette traverse toute la ville au milieu des régiments d’infanterie de la garnison, qui bordent la haie : en passant devant l’hôtel-de-ville, elle voit couler les fontaines de vin que le magistrat fait distribuer au peuple.
En principe, la suite autrichienne de la Dauphine aurait dû se retirer après la remise. Mais contrairement à la coutume observée lors des mariages princiers, deux des personnes qui L’ont accompagnée depuis Vienne La suivront à Versailles : Starhemberg qui a été invité aux fêtes du mariage, et l’abbé de Vermond.
Marie-Antoinette se rend au palais épiscopal où elle met pied à terre. Le cardinal Armand Gaston de Rohan, à la tête des comtes de la cathédrale, a l’honneur de La recevoir et de La complimenter ; tous les corps sont ensuite admis à l’honneur de Lui être présenter. Madame la Dauphine, après avoir diné à son grand couvert, permet au magistrat de Lui présenter les vins de ville ; cette cérémonie et terminée par une fête de Bacchus. Elle se rend ensuite, au milieu des cris redoublés de Vive le Roi, à la comédie française. Au retour du spectacle, la Dauphine trouve toutes les rues illuminées par les soins du magistrat.
À minuit, Elle se rend dans la salle de la comédie où le maréchal de Contades donne un bal. Cette dérogation aux usages nous vaut la très intéressante correspondance de Starhemberg avec Marie-Thérèse.
Le 8 mai 1770
Après la messe, la Dauphine revient dîner à son grand couvert au Palais épiscopal, d’où Elle part à quatre heures pour se rendre à Saverne. La distance est courte de Strasbourg à Saverne où la Dauphine parvient dès sept heures du soir.
Le 9 mai 1770
Le lendemain, Elle entend la messe, déjeune, fait Ses adieux aux fidèles Autrichiens qui L’ont suivie le plus longtemps possible et doivent reprendre aussitôt la route de Vienne. Toutefois Stahremberg, bien que remplacé dans sa mission par Noailles, et autorisé à raccompagner jusqu’à Versailles; Mercy se trouve également du cortège, et il reste ainsi à la princesse deux visages presque familiers.
Elle parcourt tout l’est de la France, par Nancy et Lunéville, Commercy, Châlons, Reims et Soissons.
Elle s’arrête à Nancy, ex-capitale du Duché de Lorraine devenue française depuis seulement quatre années. La nuit tombe lorsque, parvenant à Nancy, Elle est reçue à la porte Saint-Nicolas, toute brillante de lumières, par le marquis de Choiseul-la-Baume, commandant en Lorraine, entouré de son état-major, et par le corps municipal, tandis que les grenadiers de France, les dragons de Schomberg, les régiments d’Orléans et Chartres-Cavalerie La saluent au passage. Des fenêtres de l’hôtel du gouvernement, Elle peut encore contempler des illuminations.
Elle se recueille en l’église des cordeliers, devant les tombeaux de Ses ancêtres paternels, les ducs de Lorraine et de Bar.
Le 10 mai 1770
Le cortège de Marie-Antoinette fait halte à Bar-le-Duc.
A Bar-le-Duc, où Elle n’arrive qu’à dix heures et demie du soir, aux sons de la musique de la Légion royale commandée par le comte de Coigny, Elle ne manifeste ni lassitude, ni ennui lorsqu’il Lui faut recevoir de nouveaux hommages et de nouvelles députations, admirer un feu d’artifice encore et des illuminations dont le principal motif représente le triomphe de l’amour conjugal avec le temple de Vénus, dessiné sur un transparent lumineux, qui doit vraisemblablement, pour la circonstance, s’adjoindre un autel de la fidélité.
Le 11 mai 1770
Peu d’heures sont consacrées au repos, car Elle repart à neuf heures du matin, après avoir déjà entendu la messe, reçu quelques compliments et présidé une distribution de pain aux pauvres de la ville.
Le cortège fait étape à Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne). Sur les limites de la Champagne, un peu avant Saint-Dizier, Elle rencontre l’intendant de cette province, Rouillé d’Orfeuil, qui se joint au cortège et La reçoit dans son hôtel à Châlons, alors que deux escadrons du régiment Royal-Dragons et un détachement des gardes du corps du Roi rendent les honneurs. Le marquis de Chauvelin, maître de la garde-robe, L’attend dans cette ville.
Pour célébrer le passage de la Dauphine, on édifie une porte monumentale à Elle dédiée, la Porte Dauphine, aussi appelée la Porte Sainte-Croix. Entre autres hommages, Elle reçoit ceux de six jeunes filles pauvres, dotées à cette occasion par le corps municipal, qui, sur le point elles aussi de contracter mariage, Lui adressent un compliment avec ces derniers vers pleins de promesses et aussi d’encouragement :
Nous donnerons des sujets à la France
Et vous lui donnerez des Rois.
Puis se déroule un programme exactement semblable à celui des jours précédents, complété par un spectacle composé d’un divertissement, La partie de chasse de Henri IV, et d’une comédie, Lucile.
Le 12 mai 1770
La caravane arrive à Soissons où Marie-Antoinette séjourne quarante-huit heures.
Marie-Antoinette descend au palais épiscopal. Arcs de triomphe, fleurs, guirlandes, couronnes, devises, concerts, feux d’artifice, illuminations, rien n’e fu’est épargné pour Lui faire une réception des plus brillantes. On a dressé deux arcs de triomphe richement décorés : l’un en dehors de la porte de Reims, l’autre au carrefour de Panleu. Depuis ce dernier jusqu’au palais épiscopal, chaque côté de la rue est orné d’un cordon d’illumination en verres de couleurs, et au-dessus d’un cordon de fleurs et de deux rangs de guirlandes de feuillages entrelacés de nœuds et de couronnes de gaze d’or et d’argent, portant un grand nombre de devises et d’emblèmes. La première journée est consacrée à des actes de dévotion. Le duc de Gesvres, gouverneur de la province, Lui présente, de la part du Roi et du Dauphin, les cadeaux de noces et la riche toilette avec laquelle la fille de Marie-Thérèse doit paraître devant les figures fardées de la Cour de Louis XV.
« Histoire de la ville de Soissons », Jean Leroux
Après avoir traversé l’est de la France en liesse, Marie-Antoinette rencontre le Dauphin pour la première fois dans la forêt près de Compiègne.
A la fin de la journée, suivi du Dauphin, de Mesdames et de ses principaux officiers, mais laissant à Choiseul la satisfaction de prendre les devants, Louis XV se rend à la rencontre de la Dauphine jusqu’au pont de Berne, sur la lisière de la forêt formée par l’Aisne en face de Rethondes. Les carrosses, partis de Soissons à deux heures, ne se font pas attendre au rendez-vous. Marie-Antoinette met pied à terre, suivie de toute Sa maison.
D’un mouvement spontané, elle précède Choiseul, Stahremberg, le comte et la comtesse de Noailles, pour venir s’agenouiller devant le Roi; Elle est présentée par lui au duc de Berry, lequel Lui fait un discret baiser sur la joue.
Avec Son joli geste d’enfant soumise et aimante, Elle implore protection au milieu des courtisans curieux, Elle s’offrait à Sa nouvelle famille, et il y a autant de confiance que de grâce dans Son abandon : se souvenant de ce qu’Elle a entendu, assurée d’être heureuse puisqu’on célèbre partout Son bonheur, trop jeune aussi pour concevoir des doutes ou des craintes, Elle croit trouver un nouveau père dans le vieux monarque, un époux capable de toutes les attentions et de toutes les délicatesses dans son petit-fils, dans Choiseul enfin un protecteur ou un guide qui ne lui fera jamais défaut. Mais Louis XV, après avoir, en La relevant, fouillé du regard Ses charmes délicats, se préoccupe du souper de la Muette où il compte, dès le lendemain, La mettre en présence de Madame du Barry. Choiseul se demande sans doute si le triomphe de sa politique, précisé par ce mariage, ne va pas être suivi bientôt d’une brutale disgrâce. De son côté, le Dauphin regrette toujours les journées de chasse perdues et demeure incapable du plus léger sourire : il éprouve une visible indifférence auprès de l’épouse cependant bien séduisante qui vient partager son existence.
Le mariage de Marie-Antoinette, de Maurice Boutry
La rencontre entre le Dauphin et sa future épouse a lieu, au pont de Berne, dans la forêt de Compiègne. Le Roi, le Dauphin et la Cour sont là pour accueillir le cortège de Marie-Antoinette.
« Louis XV fut enchanté de la jeune dauphine ; il n’était question que de ses grâces, de sa vivacité et de la justesse de ses reparties. Elle obtint encore plus de succès auprès de la famille royale, lorsqu’on la vit dépouillée de tout l’éclat des diamants dont elle avait été ornée pendant les premiers jours de son mariage. Vêtue d’une légère robe de gaze ou de taffetas, on la comparait à la Vénus de Médicis, à l’Atalante des jardins de Marly. Les poètes célébrèrent ses charmes, les peintres voulurent rendre ses traits.»
Henriette Campan
Après cette entrevue, le Roi remonte en carrosse pour retourner à Compiègne. Il fait mettre Madame la Dauphine dans le fond auprès de lui, et Monseigneur le Dauphin se place sur le devant : la comtesse de Noailles monte dans le carrosse du Roi. Madame la Dauphine est conduite, en arrivant au château de Compiègne, dans l’appartement qui Lui a été préparé. Le Roi, ainsi que le Dauphin, Lui donne la main jusque dans Son appartement, où le duc d’Orléans, le duc et la duchesse de Chartres, le prince de Condé, le duc et la duchesse de Bourbon, le prince de Conti, le comte et la comtesse de la Marche, le duc de Penthièvre et la princesse de Lamballe sont présentés par Sa Majesté à cette princesse.
Ils gagneront ensemble le château de Versailles.
Le 15 mai 1770
La Dauphine quitte Compiègne et s’arrête à Saint-Denis, aux Carmélites, pour rendre visite à Madame Louise. Marie-Antoinette résidera au château de la Muette la veille de Son mariage. L’étiquette interdit à la Dauphine de passer la nuit à Versailles avant Son mariage.
Le cortège arrive à sept heures du soir au château de la Muette, où Marie-Antoinette est présentée au comte de Provence et au comte d’Artois. Elle découvre la magnifique parure de diamants que Lui offre le Roi. Au souper, madame du Barry obtient de Louis XV de s’asseoir à la table de Marie-Antoinette. Marie-Antoinette sait ne pas manquer au Roi ; et, après le souper, comme des indiscrets Lui demandent comment Elle a trouvé madame du Barry : « Charmante, » fait-elle simplement.
«Histoire de Marie-Antoinette », Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
Le 16 mai 1770
vers neuf heures
Marie-Antoinette, coiffée et habillée en très-grand négligé, part pour Versailles, où doit se faire Sa toilette nuptiale. Le Roi et le Dauphin ont quitté la Muette après le souper, à deux heures du matin, afin de recevoir la Dauphine.
A dix heures du matin
Le cortège de la princesse arrive dans la cour royale du château, devant les haies des gardes françaises et gardes suisses qui présentent les armes à son passage dans un roulement de tambours. On accompagne la princesse jusqu’à un appartement du rez-de-chaussée du corps central, contigu à l’appartement de la Dauphine où habite présentement le Dauphin.
Elle est livrée aux mains de Sa dame d’atours, des dames qu’Elle a rencontrées à Strasbourg et aux femmes de chambres qui La vêtent d’un somptueux grand habit à grand panier de brocart blanc brodé d’argent, car en tant que future Dauphine, elle ne peut revêtir du brocart d’or, le manteau royal ou la couronne.
Le Roi passe chez Elle aussitôt Son arrivée, L’entretient longtemps, et Lui amène quelques personnes qu’Elle ne connait point encore qui sont deux enfants : les sœurs de Son époux, Mesdames Clothilde et Elisabeth, qu’Elle peut recevoir sans être coiffée ni habillée.
Peu de temps avant de monter à l’étage, le Roi Lui présente ensuite le comte de Clermont et la princesse de Conti, absents à la rencontre de Compiègne. Le Dauphin Louis-Auguste a revêtu un bel habit de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit en réseau d’or enrichi de diamants.
A une heure de l’après midi
Le cortège de la famille royale part du Cabinet du Roi, précède par le marquis de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies et d’un aide des Cérémonies.
Les époux apparaissent et vont devant se donnant la main, escortés d’un page du Roi portant le bas de robe de la Dauphine et de Madame de Noailles, suivant la nouvelle princesse.
Puis marchent les princes du sang entourés de leurs services d’officiers et de gentilshommes, les frères du Roi, le Roi seul, suivi de Madame Clotilde, de Mesdames , des princesses du sang et de soixante-dix dames de la Cour en grand habit.
Le coup d’œil est extraordinaire.
Ce sont les plus somptueuses toilettes qu’on porte depuis longtemps et telles qu’on n’en a pas vues porter aux récents mariages de la princesse de Lamballe et de la duchesse de Chartres. Tous les yeux et pensées vont à la mariée qui est éblouissante de grâces et fort souriante. A la chapelle, les suisses forment la haie, frappent leurs tambours et soufflent dans leurs fifres pour annoncer l’entrée du Roi.
Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin est célébré dans la chapelle royale de Versailles.
Les mariés sont décrits comme gauches et timides.
A la chapelle royale, sur les gradins en amphithéâtre de la nef, des galeries des tribunes, tout le monde se lève au moment où l’orgue éclate, annonçant l’entrée du cortège royal. e coup d’œil est merveilleux et le soleil descend à flots par les larges baies sur les toilettes étincelantes de pierreries.
Des centaines d’invités attendent.
Les orgues retentissent. Louis XV s’arrête un instant à son prie-Dieu, placé face à l’autel en bas de la chapelle Les mariés vont jusqu’aux marches de l’autel – à l’emplacement fixé par Louis XIV où s’agenouillent depuis plus d’un siècle, les couples royaux et princiers : la cérémonie du mariage va débuter.
L’archevêque de Reims présente l’eau bénite à Sa Majesté et monte à l’autel pour commencer la bénédiction par son discours. Au moment de la bénédiction, le Roi, les princes et princesses s’avancent en groupe et se rassemblent autour des époux : le grand aumônier bénit d’abord treize pièces d’or et un anneau d’or ; il les présente au Dauphin, qui met l’anneau au quatrième doigt de la main gauche de la Dauphine , et Lui donne les treize pièces d’or.
Au moment de la bénédiction, le Roi, les princes et princesses s’avancent en groupe et se rassemblent autour des époux : le grand aumônier bénit d’abord treize pièces d’or et un anneau d’or ; il les présente au Dauphin, qui met l’anneau au quatrième doigt de la main gauche de la Dauphine , et Lui donne les treize pièces d’or.
Après la bénédiction
Le Roi retourne à son prie-Dieu et la messe débute chantée par la Musique du Roi, placée derrière l’autel. « Des gardes du corps, placés à distance dans les tribunes , font observer le silence et même agenouiller ceux qui auraient des distractions».
A l’offertoire
Les époux vont à l’offrande et à la fin du Pater, le poêle de brocart d’argent est tenu, du côté du Dauphin, par l’évêque de Senlis, du côté de la Dauphine, par l’évêque de Chartres , est étendu – selon l’usage liturgique – au dessus de leur tête.
La messe dite
Le curé de la paroisse de la Cour, Notre-Dame de Versailles apporte selon l’usage ce jour , le registre à la chapelle royale. Louis XV signe le premier l’acte de mariage. Après le Dauphin et la Dauphine, signent, dans l’ordre protocolaire, les frères du marié, sa sœur, ses tantes et enfin les deux premiers princes du sang.
Au moment de signer l’acte de mariage
La petite histoire et le registre conservé nous indique que la nouvelle Dauphine, probablement émue et tremblante, a laissé un pâté sur Sa signature : la nouvelle Dauphine commet une maladresse restée célèbre…
Ensuite, tandis que le grand aumônier de France et l’humble curé de la paroisse apposent leur signature, le cortège se reforme : le Dauphin passant à son rang immédiatement avant le Roi, la dauphine, venant la première derrière eux.
Le cortège se reforme et traverse à nouveau le Grand appartement où se pressent cinq mille personnes.
Des murmures d’admiration saluent le passage des jeunes mariés.
Il y a encore des milliers de personnes entrées durant la messe dans le grand appartement et la Galerie, mais la porte centrale du salon de la Paix s’est à peine fermée sur la dernière dame de la Dauphine, que les suisses font évacuer toutes les pièces afin de les disposer pour le soir : les tapissiers des menus retirant immédiatement les gradins, plaçant les barrières et dressent les tables pour le jeu.
Retournée dans l’appartement du rez-de-chaussée, la Dauphine reçoit les serments des officiers de Sa maison par un défilé de révérences et d’hommages : ils doivent «prêter serment» entre ses mains, en présence du comte de Saint-Florentin, ministre de la maison du Roi.
D’abord la dame d’honneur, les douze dames du palais, viennent le chevalier d’honneur, le premier maitre d’hôtel, le premier aumônier, le surintendant des finances de la Maison, les intendants, les trésoriers, l es gentilshommes servants, le secrétaire des commandements, le premier écuyer et les contrôleurs généraux. Ceux-ci ont eux-mêmes reçus au préalable, le serment des employés subalternes.
Monsieur de Saint-Florentin dit les noms et indique les fonctions à la Dauphine. Ensuite la comtesse de Noailles présente les ambassadeurs et les ministres des cours étrangères.
Les présentations faites
Le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre du Roi en exercice, s’avance et donne, au nom de son maître, une clef d’or à la princesse.
La Dauphine ouvre alors un cabinet de velours rouge, brodé d’or, qui contient Sa «corbeille de mariage» : les présents officiels du Roi sont une parure d’émail bleu avec chaine de diamants, un étui de coté, une boite de poche et un éventail entouré de diamants où l’art parisien s’est surpassé lui même pour la Dauphine. dans les tiroirs du cabinet, la princesse trouve, tout soigneusement étiquetés, des objets de souvenir, montres , étuis ciselés qu’Elle distribue ensuite de Sa main aux personnes présentes, enchantée d’être conviée déjà à faire tant d’heureux.
Après un dîner servi en petit couvert dans l’appartement de la Reine, va commencer le jeu de lansquenet dans la grande galerie, le feu d’artifice que l’on espère maintenir car l’orage gronde et le festin royal qui va réunir les vingt-deux convives de la famille royale.
A la nuit
« Quand, en peu de temps, on (a) tout illuminé, les habits (sont) beaucoup plus brillants à la lumière… Ce nouvel éclat, joint à celui de l’illumination de la Galerie, (fait) un très grand effet. La table de jeu du Roi surtout , entourée de trois ou quatre rangs de dames superbement habillées, et la masse des diamants (font) un coup d’œil remarquable.»
Le duc de Croÿ
A dix heures
Le Roi passe au festin royal dans la grande salle d’Opéra royal, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel, qui est alors inaugurée.
A partir de 1748, Ange-Jacques Gabriel reprend les plans de ses prédécesseurs. Les premiers de travaux de gros œuvre sont exécutés. Les difficultés financières et les atermoiements quant à l’aménagement intérieur conduisent à les interrompre en 1756. Ils reprennent entre 1763 et 1765 avant d’être à nouveau arrêtés. La décision de terminer l’Opéra Royal intervient en 1768, lorsqu’est conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette.
Un lieu doit être trouvé pour célébrer les festivités. Assisté du machiniste Blaise-Henri Arnoult, Gabriel met la touche finale aux plans de l’Opéra Royal. Celui-ci est achevé en deux ans au terme d’un chantier pharaonique sur lequel travaillent nuit et jour des centaines d’ouvriers.
Arnoult le conçoit de manière à accueillir soit des spectacles soit des festivités. Lors des grandes réceptions, le plancher de la salle est rehaussé au niveau de la scène par des crics toujours en place, formant un gigantesque plateau d’environ 50 mètres sur 20 mètres. En revanche, dans la configuration spectacles, l’Opéra Royal accueille jusqu’à 1336 spectateurs. Une machinerie répartie sur 35 mètres de hauteur permet d’effectuer des changements de décors spectaculaires à la vue du public. La salle, entièrement exécutée en bois, dispose en outre d’une acoustique exceptionnelle.
Lors du repas
Le Roi recommande à son petit-fils de ne pas trop se gaver pour la nuit qui l’attend, il reçoit cette répartie qui en dit plus long que le Dauphin l’imaginait :
« Pourquoi? je dors toujours mieux quand j’ai bien mangé….»
Après le festin a lieu le cérémonial du coucher du nouveau couple delphinal.
L’assistance assiste au coucher des époux.
Les jeunes mariés sont conduits dans la chambre nuptiale, celle de Marie-Antoinette. La couche est bénie par l’archevêque de Reims. Le Roi passe sa chemise de nuit au Dauphin et la duchesse de Chartres à la Dauphine. Ils vont au lit en présence de toute la Cour afin de montrer qu’ils partagent bien le même lit.
Lorsque Marie-Antoinette devient Dauphine, Elle devient la première femme de France…rôle qui incombait depuis deux ans sinon officiellement, du moins dans les fastes de la Cour à Madame du Barry (1743-1793), de trente-trois ans plus jeune que Louis XV, son royal amant à qui elle aurait appris des plaisirs nouveaux…
Le mariage ne sera pas consommé cette nuit-là…
La Cour, la France, l’Europe jaseront alors quant à l’ade la sexualité du des mariés et même vis à vis de la sexualité de Louis-Auguste. Pourtant, il suffit de constater la physionomie des deux époux : si le marié n’a pas encore atteint sa taille adulte (il fera 1,93m, il fait alors 1,78m), la Dauphine a la taille d’une enfant (oui, Elle est encore une enfant…. et Louis-Auguste est juste décent dans sa réserve !) de douze ans alors qu’Elle en a deux de plus (Elle chausse du 32 en 1770, ce qui indique Ses proportions). Ainsi, les jeunes mariés, sont-ils , déjà, modernes puisqu’ils attendront de se connaître vraiment avant de créer leur famille. Le futur Louis XVI ne peut qu’être ébloui par la grâce de la petite Marie-Antoionette qui inspirera cette réflexion du baron de Besenval :
« [Quand Marie-Antoinette parle,] j’ai vu mille fois les yeux et le visage de [Louis XVI] s’éclairer d’un amour et d’un enthousiasme que même la plus aimée des maîtresses ne pouvait guère espérer inspirer. »
Le 17 mai 1770
La série des fêtes de mariage débute par la présentation générale de toute la Cour à la Dauphine.
« Tous les hommes et les femmes de la cour ou qui se dis(ent) tels à la faveur de leurs beaux habits qu’ils avaient faits pour se fourrer là, se rend(ent) à cet appartement où on s’écras(e), et les belles dames en grand habit f(ont) pitié dans la foule. Il (est) décidé qie les hommes passer(ont) devant. On s’écras(e) à la porte, on pass(e) pêle-mêle, mais les titrés reç(oivent) la joue à l’ordinaire, ce qui les distingu(e). On travers(e) par des garde-robes, et on (a) bien de la peine à se tirer des chaises à porteurs.»
Le duc de Croÿ
Pour inaugurer l’opéra royal, l’œuvre le Persée de Lully est représentée. L’œuvre a aussi été revisitée, car les goûts musicaux du temps ont changé depuis sa composition. Elle a été raccourcie. Mais l’échec est total : la jeune Marie-Antoinette semble s’être endormie à la moitié du spectacle.
Voici ce qu’en rapporte venimeusement Papillon de la Ferté, responsable des « menus plaisirs » du Roi :
« Ce spectacle était bien mieux que nous ne pouvions l’attendre, après tant de préparatifs et avec des machines dont les mouvements étaient encore si peu connus par les ouvriers. Madame la Dauphine ne semble pas l’avoir prise en sympathie. Il est vrai que c’est une œuvre très sérieuse pour ceux qui ne connaissent pas encore bien le spectacle et n’aiment pas la musique».
Denis Papillon de la Ferté (1727-1794)
Nous savons pourtant combien ce n’est pas le cas…
Le 18 mai 1770
Ce jour est prévu pour le repos au milieu de toutes ces fêtes. Il n’y a que dîner chez Madame la Dauphine. Elle dîne seule, le Dauphin étant allé à la chasse avec le Roi.
Le 19 mai 1770
A six heures du soir
Un bal paré est donné en l’honneur du mariage royal.
La plupart des duchesses et des «grands d’Espagne femelles» n’y assistent pas. Louis XV a, en effet, consenti, à la demande de Marie-Thérèse, à ce que cette fois seulement Mademoiselle de Lorraine, la cousine française de la Dauphine, soit admise à danser tout de suite après les princesses du sang. Et les duchesses ont protesté en refusant d’assister au bal paré.
Il y a cependant foule à la salle d’Opéra, illuminée comme le 16 , et le Dauphin et la Dauphine dansent le premier menuet, «tout le monde se tenant debout ou grimpé sur des banquettes».
« Madame la Dauphine dans(e) de très bonne grâce et comme bien habituée à représenter. Monsieur le Dauphin à cause de sa vue ( le duc de Croÿ fait partie des gens qui ont cru le Dauphin myope lors des derniers sacrements de sa mère; la vue obscurcie par les larmes. Il ne tardera pas à changer d’avis devant l’adresse du jeune prince au tiré.) et qu’il n’est pas dans sa force, ne danse pas si bien. Les jeunes princes dans(ent) de bon cœur sans se gêner.»
Le duc de Croÿ
Pendant ce temps, au dehors, la fête populaire bat son plein. Deux cent mille personnes, venues de Paris et des environs, remplissent presque les jardins immenses. On danse aux orchestres installés dans les bosquets. La famille royale et la Cour, venant du bal paré, prennent place dans la Galerie. Le feu, quoique contrarié par la fumée, excite de longs applaudissements ; il est rempli d’effets nouveaux ; le disque des soleils tournants porte les armes de France et le chiffre des époux, et la guirlande finale compte vingt mille fusées, ce qu’on n’a encore jamais vu. Moins d’une heure après, toutes les charpentes sont à terre, les batteries enlevées, et l’illumination commence. On aperçoit d’abord, tout au bout du grand canal, sur la droite de Saint-Cyr, une haute architecture de feu, le temple du Soleil ; puis les longues berges s’éclairent peu à peu, tandis qu’une flottille de gondoles couvertes de lanternes, se met à évoluer sur l’eau, au son des cuivres des gardes françaises qui la montent. Les feux se rapprochent et gagnent le Tapis-Vert. Cent soixante mille lampions et terrines s’allument en ifs, en arcades, en guirlandes. Les lignes du Château et des rampes se dessinent en cordons lumineux. C’est la plus grande illumination faite à Versailles depuis celles du Grand Roi.
A dix heures
Le Roi se place à la croisée du milieu de la Galerie des Glaces et donne le signal du feu d’artifice.
Un peu d’une heure plus tard
On assiste à la grande illumination du jardin et la fête pour le peuple qui danse à son tour dans les salles de bal aménagées au Salon de Musique et au Salon des Orangers.
Photographies de Nicolas Chavance
Pendant plus de quinze jours
Bals, représentations théâtrales et fêtes publiques se succèdent.
Le 23 mai 1770
Représentation d’Athalie de Racine dans l’opéra royal de Versailles, le soir.
Le 30 mai 1770
A l’occasion du feu d’artifice tiré à Paris pour célébrer le mariage du Dauphin, une fusée tombe sur le décor et l’enflamme, semant la panique dans la foule : une bousculade meurtrière cause la mort de cent trente-deux personnes.
Les jeunes époux sont atterrés. Le Dauphin écrit aussitôt au lieutenant de police, Sartine :
« J’ai appris les malheurs arrivés à mon occasion, j’en suis pénétré. On m’apporte en ce moment ce que le Roi me donne tous les mois pour mes menus plaisirs. Je ne puis disposer que de cela. Je vous l’envoie, secourez les plus malheureux. J’ai beaucoup d’estime pour vous.»
Louis-Auguste
La lettre est accompagnée d’une somme de 6 000 livres.
La Dauphine et Madame Adélaïde suivent cet exemple honorable.
La première amie de Marie-Antoinette à la cour de Versailles – Marie-Paule-Angélique d’Albert de Luynes, duchesse de Chaulnes (1744-1781), nommée aussi duchesse de Picquigny, dame du palais
« Marie-Antoinette cherche des compagnes pour s’étourdir, pour échapper aux larmes, à l’avenir, à elle-même. Elle se lie comme une jeune fille, ou mieux comme une pensionnaire punie, dont les grandes vengeances — de petites malices — veulent une confidente et une complice. La première amitié de la Dauphine est une camaraderie, et la camarade, la plus jeune tête de la Cour : la duchesse de Picquigny.
Madame de Picquigny est la digne belle-fille de madame la duchesse de Chaulnes. Elle a de sa belle-mère l’abondance d’idées, le flux de saillies, les fusées, les éclairs et les feux de paille. Elle est tout esprit comme elle, et son esprit est cet esprit à la diable, « le char du Soleil abandonné à Phaéton. » Elle prend, en se jouant, son parti de toutes choses, et de son mariage, et de son mari, ce fou d’histoire naturelle qui, dit-elle, a voulu la disséquer pour l’anatomiser.
Quelles distractions pour la Dauphine dans cette compagnie, dans cette causerie, qui ne respecte rien, pas même l’insolence de la fortune, pas même la couronne de la du Barry ! Et le dangereux maître, cette madame de Picquigny, qui, derrière son éventail, enhardit, émancipe la langue de la Dauphine ! C’est d’elle que Marie-Antoinette apprend à rendre les railleries pour les injures, et la moquerie pour la calomnie. Madame de Picquigny la sollicite et la lance aux espiègleries contre les figures bizarres, les ajustements gothiques, les prétentions, les gaucheries, les ridicules et les hypocrisies ; et c’est dans sa familiarité que s’ébauchent ces traits, ces mots, ce partage des femmes de la cour en trois classes, les femmes sur l’âge, les prudes faisant métier de dévotion, et les colporteuses de nouvelles empoisonnées : les siècles, les collets montés et les paquets, sobriquets innocents dont s’amusait la jeune Dauphine, et qui préparaient tant de haines à la Reine de France !
Mais M. de la Vauguyon tient encore alors le Dauphin sous la tutelle de ses avertissements et de ses représentations. Quelles suites, murmure-it-il à son oreille, si jamais le Roi est instruit de cette ligue de la Dauphine avec madame de Picquigny contre la grande sauteuse ! Il fait d’un autre côté insinuer à la Dauphine que les personnes faites et tournées comme madame de Picquigny, spirituelles de nature, font esprit de tout ; qu’elles sont entraînées à n’épargner personne, pas même une bienfaitrice et qu’il leur arrive de s’acquitter de la reconnaissance par des brocards. De la confiance et de l’abandon, la Dauphine passait à la réserve avec madame de Picquigny, et de la réserve à l’indifférence.»Histoire de Marie-Antoinette, Edmond et Jules de Goncourt
Du 27 juin au 7 juillet 1770
Séjour de Marie-Antoinette à Marly.
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travaille, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
Le 16 juillet 1770
Louis-Auguste tombe malade d’un gros rhume, avec une toux violente. Il ne pourra se rendre à Compiègne le lendemain.
Les gazettes prétendent que le Dauphin crache du sang et rappellent les circonstances de la mort de son père, qui a succombé de ce que les contemporains ont pris pour un «rhume négligé», accompagné de crachements de sang. Il s’agit pourtant d’un rhume banal.
Le 17 juillet 1770
Louis XV est plus inquiet pour son petit-fils et remet son départ pour Compiègne.
Le 18 juillet 1770
Sur l’ordre des médecins, le premier chirurgien du Roi La Martinière saigne le jeune prince qui inscrit sur son agenda cet événement qui ne se reproduira jamais plus:
«Mercredi 18. J’ai été saigné.»
Le Dauphin Louis-Auguste
Ce même jour
Marie-Antoinette écrit à Mercy :
« Notre malade est assez bien mais pourtant on le saignera ce soir.»
Le 19 juillet 1770
Le Roi ordonne à son premier chirurgien La Martinière d’examiner son petit-fils et de lui dire s’il existe chez le jeune homme des obstacles physiques à la consommation de son mariage. A près avoir pratiqué l’examen, La Martinière a pleinement rassuré le Roi.
Le 20 juillet 1770
Rassuré par l’état du Dauphin, Louis XV se rend à Compiègne. Il devait partir le 17.
Le 23 juillet 1770
Louis XV fait part à l’Infant Ferdinand, son petit-fils (celui-là même qui a effectivement souffert du phimosis que l’histoire attribue à Louis-Auguste),à la fois de ses inquiétudes et de leur heureux dénouement.
Le 1er août 1770
« L’indisposition du Dauphin donne à penser, et je crains qu’il ne vivra pas longtemps.»
Marie-Thérèse à Mercy
Mercy n’a pas informé l’Impératrice au jour le jour comme un événement de cette importance aurait pu le demander. Il ne fait qu’une légère allusion à la maladie du Dauphin le 4 août et sans rien dire de nature à rassurer Marie-Thérèse. On imagine que ses conclusions inquiètes proviennent des gazettes qui ont dû lui parvenir.
Depuis sa maladie
Le Dauphin ne couche plus dans l’appartement de sa femme comme auparavant, et la consommation de leur mariage reste encore suspendue. Il n’y a aucune cause inquiétante.
Le 2 août 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 8 août 1770
« Il y (a) grande chasse à laquelle Madame la Dauphine assist(e) avec Mesdames. Quelques représentations que l’on (a) faites à Monsieur le Dauphin pour se modérer un peu dans cet exercice, il prend ce jour-là par une chaleur excessive une telle fatigue qu’il ne p(eut) se soutenir de lassitude.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 14 août 1770
Marie-Antoinette parle du Dauphin à Mercy en lui disant qu’Elle en est contente, que tous les petits défauts de son extérieur proviennent de l’éducation négligée qu’il a eue, mais que son fond est excellent, qu’il est le meilleur enfant et du meilleur caractère ; rien ne La gêne dans Ses conversations avec le Dauphin, il marque du plaisir à L’entendre et de la confiance, quoiqu’il soit fort réservé sur le chapitre des gens qui l’entourent. Elle est à présent bien assurée que Louis-Auguste connaît bien le duc de La Vauguyon et son fils et qu’il ne les aime ni ne les estime.
Le 27 août 1770
Le voyage de Compiègne s’achève et, après un bref séjour chez le prince de Condé à Chantilly, la Cour regagne Versailles.
Le 1er septembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
Le 20 septembre 1770
Le Dauphin dort avec la Dauphine.
Le 1er octobre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
D’octobre à fin novembre
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Le 5 octobre 1770
« Versailles, 5 octobre 1770
Ma chère bonne Amélie, je vous remercie de ce que vous m´écrivez sur l’état de Monsieur le Dauphin. Son accès de fièvre n’a plus reparu. Cette attention est d´autant plus aimable de votre part, que vous êtes dans un état à songer avant tout à vous-même. J´ai voulu vous en écrire malgré ma lettre d´avant-hier. Nous-avons été bien intéressés, Monsieur le Dauphin et moi avons regardé le beau livre, que nous a remis de votre part le comte d’Argental sur les fêtes de votre mariage. Les estampes sont très bien faites, J´ouvrirai souvent ce livre-là pour me retrouver avec vous. L´Italie, comme le répétait souvent le bon Metastase, est toujours le pays des arts. Notre vie, ici, est le mouvement perpétuel quand il y a ce qu´on appelle appartement et jeu.
Le roi continue a être très-bien avec moi. La petite maladie de Monsieur le Dauphin l´avait d´abord rendu sombre, sa convalescence l´a tout ouvert. Et il s´est montré très affectueux et gai. Nous partons demain avec le Roi, Madame Adélaïde, Madame Victoire et Madame Sophie, pour Choisy, d´où je vous écrirai pour avoir de vos nouvelles et vous dire combien je suis heureuse d´être tante. Je trouve que vous n´entrez pas dans assez de détails sur votre vie à Parme. Faites-moi donc vivre avec vous! Adieu, chère bonne, je vous embrasse de tout mon cœur. Non-seulement je ne trouve pas mauvais que Monsieur le Duc m´embrasse, je le lui rends en bonne sœur.
J´ai reçu, ce matin une lettre de Christine. La Grande-Duchesse de Toscane et son mari sont à Schoenbrunn avec le Duc de Courland et ne partiront pas avant d´avoir assisté à la fête de notre chère maman. Faites bien mes compliments à Monseigneur le duc de Parme.»Lettre envoyée par Marie-Antoinette à Sa sœur Marie- Amélie
Le 10 octobre 1770
« Madame la Dauphine dès qu’elle m’a vu, m’a dit de la suivre dans son cabinet. Elle avait le cœur gros et les yeux rouges. Elle m’a avoué qu’elle avait pleuré et a même recommencé en me parlant de Monsieur le Dauphin ; voici l’occasion . Madame la Dauphine n’avait point de chevaux pour sortir ; elle craignait de s’ennuyer , et pour remplir sa journée elle a arrangé la veille qu’elle irait avec des chevaux de poste à Saint Denis où Mesdames devaient aller à cheval et en voiture. Elle a réfléchi qu’elle serait obligée de quitter le Dauphin aussitôt après le dîner, que ce dîner même déplairait au Dauphin parce qu’il serait obligé de dîner avec les dames ; par ces considérations elle a fait le sacrifice de son amusement et rompu son projet. Elle l’a conté à son époux, elle en espérait quelques petits mots de douceur et de remerciements, elle n’y a trouvé que froideur et le laconisme le plus désobligeant. En me contant cette doléance, la Dauphine se rappelait d’autres petits chagrins et conclue amèrement qu’il est bien dur de vivre avec un homme sans sentiment et qui ne tient aucun compte de ce qu’on fait pour lui. Madame la Dauphine était fort émue, je l’étais moi-même, et de ce que je vois, et de ce que je crains pour cet hiver. Elle a à peine fini de pleurer lorsqu’on vient lui dire que Madame Adélaïde est revenue chez elle ; la Dauphine y est allée en me disant de l’attendre ; un moment après Monsieur le Dauphin est venu chez sa tante ; M. le Dauphin est rentrée chez lui . Madame la Dauphine sans dire un mot a pris son livre et son peignoir et s’est mise entre les mains de ses friseurs ; je me suis retiré.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Le 20 octobre 1770
Brouille entre le Dauphin et la Dauphine.
Le 27 octobre 1770
Le Dauphin aurait dit à Marie-Antoinette ce qu’il pensait de Ses menins.
« Il en résulte que ce jeune prince réfléchit sur ses entours et sait les apprécier. Ce n’est que depuis bien peu de temps qu’il s’en explique vis à vis de Madame la Dauphine, laquelle maintenant donne à son langage, à ses petites caresses et à la totalité de son maintien la tournure la plus parfaitement convenable à s’assurer un entier ascendant sur l’esprit de son époux, ce qui journellement lui réussit de plus en plus et avec des progrès très remarquables.»
Mercy à Marie-Thérèse
Représentation de l’opéra Les Deux Avares de Grétry (paroles de Falbaire).
« Madame la dauphine, alors âgée de quinze ans, éclatante de fraîcheur, parut mieux que belle à tous les yeux. Sa démarche tenait à la fois du maintien imposant des princesses de sa maison, et des grâces françaises ; ses yeux étaient doux, son sourire aimable. Lorsqu’elle se rendait à la chapelle, dès les premiers pas qu’elle avait faits dans la longue galerie, elle avait découvert, jusqu’à l’extrémité de cette pièce, les personnes qu’elle devait saluer avec les égards dus au rang, celles à qui elle accorderait une inclination de tête, celles enfin, qui devaient se contenter d’un sourire, en lisant dans ses yeux un sentiment de bienveillance fait pour consoler de n’avoir pas de droits aux honneurs.»
Madame Campan
Le 31 octobre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 1er novembre 1770
Les Archiduchesses Marie-Anne et Marie-Christine offrent chacune à leur sœur Marie-Antoinette un présent : une table réalisée par Marie-Christine et un cadeau resté inconnu par Marie-Anne.
Le 4 novembre 1770
La Dauphine se promène à cheval.
Le 5 novembre 1770
La Dauphine réitère la promenade à cheval… Elle ne peut plus supporter l’idée de monter sur des ânes.
Le 6 novembre 1770
Depuis longtemps, la Dauphine exhorte Son époux à ne pas rester si tard à la chasse et l’a prié d’en revenir à une heure raisonnable.
Selon Mercy, le Dauphin revient tard, et suivant sa coutume, longtemps après le Roi : il trouve la Dauphine chez Sa Majesté, il s’approche d’Elle, d’un air embarrassé et Lui dit : «Vous voyez, je suis revenu à temps.» Madame la Dauphine répond d’un ton assez sec : «Oui, voilà une belle heure!»
Le soir, on se rend au spectacle, Le Mariage fait et rompu, comédie en vers de Fresnay (1721), puis ballet, Aeglé, pastorale héroïque de 1748 sur un poème de P. Laryon et une musique de P. de La Garde, maître de musique des Enfants de France ( soixante-quatre personnes sur scènes ! ) . Le Dauphin est boudé tout le temps au retour du théâtre. Il cherche à avoir une explication. Marie-Antoinette lui fait alors un sermon énergique où Elle lui représente avec vivacité tous les inconvénients de la vie sauvage qu’il mène ; Elle lui fait voir que personne ne peut résister à ce genre de vie d’autant moins que son air et ses manières rudes ne donnent aucun dédommagement à ceux qui lui sont attachés et qu’en suivant cette méthode, il finira par détruire sa santé et par se faire détester. Le Dauphin reçoit cette leçon avec douceur et soumission, il convient de ses torts, promet de les réparer et demande formellement pardon à sa femme.
Le 7 novembre 1770
On s’aperçoit que le Dauphin témoigne à la Dauphine un empressement d’attentions et d’amitié plus vif que de coutume.
L’après-midi il monte à cheval.
Le 8 novembre 1770
Spectacle : Les Carrosses d’Orléans (1680) de Jean de La Chapelle.
Dimanche 11 novembre 1770
Messe, jeu et souper public, c’est le grand couvert.
Le 12 novembre 1770
Grande chasse à laquelle la Dauphine assiste avec Mesdames.
Le 13 novembre 1770
Messe avec le Roi. Théâtre, le soir : L’Amitié à l’épreuve de Favart et Voisenon, c’est une comédie à ariettes sur une musique d’André Grétry (1741-1813).
Le 15 novembre 1770
Plusieurs spectacles : Les Plaideurs, de Jean Racine et La Fête de Flore de Razins de Saint-Marc et Jean-Claude Trial.
Le 23 novembre 1770
Retour à Versailles.
Le 24 novembre 1770
Lors d’une chasse du Roi, Marie-Antoinette et Ses tantes voient leur voiture embourbée près de Choisy. Obligées d’en sortir, la princesse perd Son soulier dans la boue et les voilà à faire tout le chemin jusqu’au château sous la pluie. Marie-Antoinette ayant froid souhaite s’approcher du feu mais brûle ses vêtements ! Du coup elle s’enrhume.
De retour à Versailles, Son appartement n’étant pas chauffé, Son rhume empire.
Le 29 novembre 1770
Guérie, Marie-Antoinette peut de nouveau suivre les chasses du Roi. Cette fois-ci, elle est accompagnée de sa jeune belle-sœur Madame Clotilde, appelée par Mercy Madame Marie.
Son postillon tombe et se retrouve écrasé par les quatre chevaux.
La Dauphine prend les choses en main, fait envoyer des chirurgiens et organise le retour du blessé à Versailles dans des conditions qui n’aggraveraient pas son état. Cet acte de bonté de sa part a beaucoup plu même si certains se sont ingéniés à réduire son geste en lui expliquant que les gens d’écurie n’ont pas de cœur. Cette dernière remarque peu amène envers les gens du peuple a beaucoup déplu à Marie-Antoinette qui considère qu’un pauvre a autant de cœur, sinon plus, qu’un riche.
Ballets le soir.
Le 30 novembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 2 décembre 1770
Marie-Thérèse à Marie-Antoinette :
« J’attends le tableau de Liotard avec empressement, mais dans votre parure, point de négligé, ni dans l’habillement d’homme, vous aimant à voir dans la place qui vous convient.»
Le 17 Décembre 1770
Mercy à Marie-Thérèse :
« Liotard travaille au portrait de l’archiduchesse et je compte que votre majesté le recevra dans le courant de janvier prochain.»
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue.
Mercy doit entreprendre une triple action auprès de l’Impératrice :
– obtenir qu’elle désavoue les conseils qu’elle avait tout d’abord donnés à sa fille de ne se conduire que d’après les avis de Mesdames ; qu’elle les aide, lui et l’abbé de Vermond à combattre leur influence sur Marie-Antoinette
– lui donner le change sur la colère grandissante de Louis XV contre la Dauphine en attribuant cette colère au refus de la jeune femme de traiter poliment Madame du Barry et les gens de la société du Roi, et aux conseils qu’Elle est supposée donner à Son mari s’imiter Sa conduite à leur égard.
– lui faire admettre progressivement que les gens du parti dominant ennemis de Choiseul, que la favorite elle-même, sont ses nouveaux alliés pour la Dauphine et contre le Dauphin.
Paul et Pierrette Girault de Coursac
Le 13 février 1771
« Il n’est encore rien survenu relativement aux projets que paraissait avoir formé le Dauphin de vivre avec la Dauphine dans l’intimité que comporte leur union. Cette conduite qui ne tient qu’au moral, n’en est pas moins inexplicable et fâcheuse ; je tâche d’employer tous les moyens possibles pour éloigner de l’esprit de Madame l’Archiduchesse toute réflexion sur cet objet, en ne lui présentant que les beaux côtés de sa position, c’est à dire la certitude d’être aimée par le prince son époux et de posséder sa confiance. La santé de S.A.R. est parfaite et s’annonce par la régularité de ses règles qu’elle a eues le 26 de janvier ; toute sa figure embellit, sa taille est bien remise par l’usage des corps de baleines, et Mme la Dauphine observe maintenant avec assez de soin tout ce qui tient à la propreté et à la parure.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 30 décembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
En janvier 1771
« Je fus à Versailles, au bal de Madame la Dauphine et j’y fis événement. Tout le monde m’entoura pour me demander des nouvelles de Chanteloup et tout le monde semblait me savoir gré de mon courage. Je ne jouai de ma vie un plus beau rôle. Madame la Dauphine vint à moi avec cette grâce déjà inséparable de ses actions et me dit :
« Comment se porte Monsieur de Choiseul? Quand vous le reverrez, dites-lui que je n’oublierai jamais ce que je lui dois et que je prendrai toujours pour lui l’intérêt le plus sincère.»
« Je retournai à Chanteloup après ma garde pour raconter cela à Monsieur de Choiseul et j’y passai tout le reste du temps où je n’étais pas de service.»
Armand-Louis , duc de Lauzun
Le 6 janvier 1771
« Un autre courrier vint nous porter la disgrâce des Choiseul. J’avoue, j’en suis bien affectée… N’oubliez jamais que votre établissement était l’ouvrage des Choiseul, qu’ainsi vous n’oublierez jamais de leur devoir de la reconnaissance… mais ne vous laissez induire dans aucune faction, restez neutre en tout ; faites votre salut, l’agrément du Roi et la volonté de votre époux.»
Marie-Thérèse à Marie-Antoinette
Le 23 janvier 1771
« Quant aux grâces naturelles , il est impossible de les posséder à un degré plus marqué et d’en faire un meilleur usage : en cela S.A.R. ne s’est jamais oubliée ou démentie un instant. A l’occasion des bals qui se donnent tous les lundis à Versailles, il n’est sorte d’attention ou de bonté que Madame la Dauphine ne fasse éprouver à ceux qui s’y trouvent. Personne n’est oublié, tout le monde sort enchanté de ces petites fêtes.»
L’abbé de Vermond à Marie-Thérèse
Le 26 janvier 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 22 février 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 25 février 1771
« Les bals de cour ont été continués tous les lundis du Carnaval, et Madame la Dauphine a rendu ces fêtes charmantes par les grâces dont elle a comblé les dames qui y ont été admises.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 17 mars 1771
« Quoique le mariage tarde à être consommé, je remarque depuis quelques semaines plus de familiarité et de mystère entre M. le Dauphin et Mme la Dauphine. S.A.R. qui parlait souvent et même un peu légèrement de sa position, est maintenant silencieuse sur ce chapitre, et j’en augure des suites d’autant plus certaines que M. le Dauphin est réellement amoureux de Mme l’Archiduchesse.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 21 mars 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Dans la nuit du 21 au 22 mars 1771
« Monsieur le Dauphin a passé la nuit avec Madame la Dauphine.»
Mercy
Le 22 mars 1771
« Votre Eminence partagera sûrement ma joie, Monsieur le Dauphin a passé la nuit avec Madame la Dauphine. On a beaucoup parlé et de bonne amitié. Je compte qu’il reviendra ce soirs et les jours suivants. Madame la Dauphine avait promis de ne rien exiger, elle a tenu parole et la tiendra plusieurs jours, elle est dans temps de la générale (expression conventionnelle pour indiquer la venue des règles). Quelque besoin que j’ai de voir V.E., je ne crois pas pouvoir quitter dimanche Madame la Dauphine.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Le 9 avril 1771
Marie-Antoinette a Ses règles huit jours en avance.
Le 16 avril 1771
Mercy annonce enfin que le portrait de Marie-Antoinette par Liotard est sur le point de partir.
Le 4 mai 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 7 mai 1771
L’Impératrice se dit ravie des expéditions de Mercy, mais « du portrait moins, se tient-elle toujours aussi droite, est-elle coiffée ainsi ? J’attends le grand portrait de Liotard avec impatience (…) Si vous pouvez m’envoyer en attendant son habillement à cheval, chapeau sur la tête, en petit, si cela se peut, même si la ressemblance n’y est pas.»
A ne pas confondre avec celui de Kranzinger, dont la « ressemblance frappante » est à protéger à tout prix, pour ne pas gâcher le plaisir de la Sacrée Majesté.
Les 11, 12 et 13 mai 1771
Petit séjour à Fontainebleau pour accueillir Marie-Joséphine de Savoie.
Le 29 mai 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 juin 1771
Marie-Thérèse écrit à Mercy :
« J’attends toujours avec impatience le portrait de ma fille, supposant qu’il réussira mieux que celui en petit ; comme il a valu cependant 1800 livres de France à Liotard, je trouve qu’il est toujours le même »
Du 6 au 20 juin 1771
Séjour de Marie-Antoinette à Marly.
Le 22 juin 1771
« Depuis quelques semaines, Madame la Dauphine a repris la coutume de jouer avec des enfants, et malheureusement sa première femme de chambre (madame Thierry) en a deux, c’est-à-dire un garçon de six à sept ans et une fille de douze, l’un et l’autre très bruyants, malpropres et remplis d’inconvénients. Madame l’Archiduchesse passe une grande partie de la journée avec ces enfants qui gâtent ses habits, déchirent et cassent les meubles et mettent le plus grand désordre dans l’arrangement des appartements … Lorsque S.A.R. s’est livrée quelques heures de suite à la dissipation, il est impossible de fixer son attention sur rien.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 23 juin 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Les 26, 27 et 28 juin 1771
La Dauphine garde la chambre. Sa maladie semble être la suite de Son imprudence d’être allée se promener à cheval en étant déjà enrhumée et ayant Ses règles.
Le Dauphin réprimande sa femme pour les imprudences qu’Elle a prises et le peu de soin qu’Elle prend de Sa santé.
Avant le séjour de Compiègne
Le Dauphin fait signifier à l’abbé de Vermond de sortir lorsqu’il l’entend annoncer ou qu’il le voit entrer chez la Dauphine.
Le 15 juillet 1771
Départ de la Cour pour Compiègne.
Le 18 juillet 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 11 août 1771
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme au silence qu’Elle impose à la maîtresse du Roi, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée. Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, L’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans Son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Elle est encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV.
Le 12 août 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 septembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 1er octobre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Du 7 octobre au 19 novembre 1771
Séjour de la Cour à Fontainebleau
Le 14 octobre 1771
Bal à Fontainebleau
Le 26 octobre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 28 octobre 1771
Bal à Fontainebleau
Le 3 novembre 1771
Chasse à courre : après avoir suivi en voiture, Marie-Antoinette monte à cheval.
Le 4 novembre 1771
Bal à Fontainebleau
Le 9 novembre 1771
Spectacle : Zémire et Azor d’André Grétry
Le 11 novembre 1771
Bal à Fontainebleau
Le 13 novembre 1771
La Dauphine se rend à la chasse du cerf. Elle est tant soit peu enrhumée, et le Dauphin a l’attention d’exiger de sa femme reste dans une voiture fermée et ne monte pas dans les calèches qui servent en de pareilles occasions.
Le 15 novembre 1771
Le Dauphin vient dans l’après-midi dans le cabinet de la Dauphine. L’abbé de Vermont qui était avec Elle se retire dans la pièce voisines où sont les femmes de chambre.
Le 20 novembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 15 décembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 1er janvier 1772
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
« Je lui ai parlé une fois, mais je suis bien décidée à en rester là et cette femme n’entendra plus jamais le son de ma voix.»
Elle tiendra parole !
Le 9 janvier 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 janvier 1772
« Les amusement de cet hiver consistent rn deux spectacles par semaine et un bal. Madame la Dauphine y paraît avec toutes les grâces possibles. Elle danse mieux que par le passé.»
Mercy à Marie-Thérèse
Les 25 et 26 janvier 1772
Séjour de Marie-Antoinette à Marly.
Le 3 février 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 28 février 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 24 mars 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 18 avril 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 13 mai 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
En juin 1772
La Dauphine reçoit le duc de Chartres accompagné du duc de Lauzun. Chartres conduit lui-même sa voiture légère à la mode anglaise et nul valet ne les accompagne.
Le 7 juin 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 2 juillet 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 9 août 1772
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de treize jours.
Le 3 septembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 8 septembre 1772
« Vous me reprochez, ma chère Christine, de ne pas t’avoir parlé de mes belles petites sœurs Clotilde et Elisabeth ; c’est vrai que je n’en ai pas eu l’occasion. Leur éducation n’est pas encore finie, elles sont confiées à une dame, Madame de Marsan, et en été, je les vois peu, alors que je les vois souvent quand elles sont à Versailles.
Madame, c’est-à-dire Clotilde, reste ce qu’elle était, une petite fille très gentille, souriante, ouverte, qui veut plaire à tout le monde et peut être aimée par tout le monde. À treize ans, elle est raisonnable comme si elle avait vingt ans. Elisabeth a huit ans et demande beaucoup d’attention à son éducation.
Clotilde a enchanté tout le monde à la fête [il s’agit d’une fête offerte par les deux sœurs] saluant toutes les dames avec un bisou sur la joue l’une après l’autre, alors qu’Elisabeth leur a offert sa main à embrasser.
Au revoir chère sœur, je vous embrasse sur les deux joues.»Marie-Antoinette à Sa sœur Marie-Christine
On remarque l’estime de Marie-Antoinette pour Clotilde mais aussi l’affection pour Sa sœur Marie-Christine. La relation entre Christine et Marie-Antoinette deviendra plus compliquée au fil des ans, mais leur correspondance est restée affectueuse pendant un certain temps. Deux ans seulement avant Sa mort, Marie-Antoinette se réconciliera avec Sa sœur à qui Elle enverra ses bijoux avant la fuite de Varennes.
Le 28 septembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Du 6 octobre au 17 novembre 1772
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Le 23 octobre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 3 novembre 1772
Lord et Lady Spencer et leur fille Georgiana, future duchesse de Devonshire sont de visite en France. Celle-ci se lie d’amitié avec Marie-Antoinette. Les deux femmes conserveront une tendre correspondance épistolaire jusqu’à la révolution.
Est-ce lors de cette visite que Georgiana offre un bichon à la Dauphine ?
Le 3 novembre 1772
« Le soir venu, c’est dans le salon de Mars éblouissant de lumières que Marie-Antoinette apparut aux Spencer. Le regard de la jeune Dauphine se posa sur celui de Georgiana séduite par tant de charme et de beauté. Début d’une vive et durable amitié, un penchant soudain attira l’une vers l’autre la jeune Anglaise et la future Reine de France.»
G. Castel-Çagarriga
Le 5 novembre 1772
La Dauphine monte à cheval. Elle est vêtue en grand uniforme de chasse.
Le 17 novembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 12 décembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
En 1773, Marie-Antoinette commande deux portraits tissés, de Sa mère Marie-Thérèse d’Autriche et de Son frère Joseph II, à la Tapisserie des Gobelins et les fait encastrer en haut des miroirs, au-dessus de la cheminée et face à celle-ci. Les portraits sont exécutés par le lissier Michel-Henri Cozette (1744-1822).
Le 6 janvier 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 janvier 1773
« Madame la Dauphine se montre à ces bals avec toutes les grâces possibles.»
Mercy à Marie-Thérèse
.Le 25 février 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 22 mars 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 avril 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 11 mai 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
A Saint-Hubert, le Dauphin révèle à son grand-père que le mariage est consommé. Marie-Antoinette n’est pas là puisqu’Elle ne va jamais aux petits voyages de chasse du Roi.
Le 12 mai 1773
Le Dauphin a un accès de fièvre.
Le Roi parle à la Dauphine de la nouvelle quant à la consommation du mariage et , malgré la réticence de la princesse, il la publie. Elle se répand aussitôt «pendant que M. le Dauphin prend médecine», précise Vermond.
Le 17 mai 1773
« Le bruit court ici que Monsieur le Dauphin est véritablement mon mari, mais il n’en est rien encore, quoique je crois que cette maladie nous a fait grand tort, étant un peu plus avancés qu’à l’ordinaire. Cela aurait pu finir plus tôt, au lieu qu’à cette heure cela sera encore bien reculé.»
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse
Le 8 juin 1773
Le Dauphin et la Dauphine font leur entrée officielle à Paris.
C’est un triomphe populaire
Le 30 juin 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 8 juillet 1773
La Cour arrive à Compiègne.
Le 17 juillet 1773
« Je puis bien dire à ma chère maman et à elle seule que depuis que nous sommes arrivés ici (à Compiègne), mes affaires sont fort avancées, et je crois le mariage consommé quoique pas dans le cas d’être grosse ; c’est pour cela même que Monsieur le Dauphin ne veut pas qu’on le sache encore. Quel bonheur si j’avais un enfant au mois de mai. Pour mes règles, je les ai toujours fort et bien, vous pouvez bien croire que je ne monte à cheval dans ce temps-là.»
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse
« J’ai lieu de croire que les tentatives pour la consommation du mariage ont été réitérées, mais avec des succès incomplets. Les médecins ont engagé M. le Dauphin à faire usage d’une préparation de limaille de fer, c’est un corroborant tonique très communément employé, et que l’on croit le plus convenable à l’état du jeune prince.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 31 juillet 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
A partir d’août 1773
Mercy se montre particulièrement scrupuleux dans ses rapports à l’Impératrice quant au danger qu’il y a pour la Dauphine à monter à cheval, maintenant qu’un changement favorable s’est produit dans l’état de Son mariage.
Le 14 août 1773
A une petite fête donnée par madame de Durfort :
« Dans ces sortes de circonstances, il est impossible de déployer plus de grâces et de bonté que n’en marque Madame l’Archiduchesse.»
Mercy à Marie-Thérèse
« Je suis vivement et profondément blessé du silence que garde avec moi Madame la Dauphine sur les dispositions de Monsieur le Dauphin à mon égard; il est probable que depuis deux ans elle ne lui a pas parlé de moi.»
L’abbé de Vermond
Le 25 août 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 septembre 1773
Un spectacle est donné chez madame de Durfort :
« Monsieur le Dauphin y paraît fort gai, parlant à tout le monde, et Madame la Dauphine y déploie les grâces qui causent toujours un nouvel enchantement à tous ceux qui ont l’honneur de l’approcher en semblables occasions.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 26 septembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Du 6 octobre au 14 novembre 1773
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Le 16 octobre 1773
Accident de Pierre Grimpier, vigneron d’Archères, âgé de trente ans et père de trois enfants, lors d’une chasse du Roi : il est grièvement blessé à la cuisse et au corps par un cerf poursuivi par la meute.
« Madame, il vient d’arriver un malheur affreux ; le cerf a sauté dans le jardin d’un pauvre vigneron, qui a été effrayé ; il a voulu fuir, le cerf l’ a tué. C’est sa malheureuse femme qui vient par ses cris de m’apprendre ce malheur. J’ai envoyé sur-le-champ du monde pour la secourir, et j’ai envoyé au rendez-vous pour avoir le chirurgien. Il n’a que trente ans et trois enfants dont j’aurai soin ; mais la pauvre femme, cela ne lui rendra pas son homme. […]»
Louis XV à Marie-Antoinette
« Madame la Dauphine suivait le roi à la chasse dans une voiture découverte, lorsqu’il se produisit un événement bien fâcheux. Le cerf, poursuivi de près par les chiens, sauta dans un jardin clos que travaillait alors son propriétaire. L’animal, qui ne voyait aucune issue, devint furieux… et encorna [l’homme] deux fois, une à la cuisse, l’autre au corps, le laissant mortellement blessé.
La femme du misérable… prise de désespoir, courut vers un groupe de chasseurs qu’elle apercevait au loin. C’était le roi et sa suite. Elle a crié à l’aide, annonçant l’accident de son mari et, à ce moment-là, s’est évanouie. Le roi ordonna qu’on s’occupât d’elle et, après avoir donné des marques de compassion et de bonté, il poursuivit sa route…
Mme la Dauphine, qui était revenue, descendit de voiture, courut vers la femme, et lui tendit du parfum au nez, qui la fit sortir de son évanouissement. Mme la Dauphine lui a donné tout l’argent qu’elle avait sur elle, mais ce qui était encore plus admirable, c’était la manière bienveillante et consolante dont SAR parlait à la pauvre femme. Enfin, Madame l’Archiduchesse, touchée, versa des larmes et, à ce moment-là, fit faire de même à plus d’une centaine de spectateurs…
Puis, ayant réclamé sa voiture, Mme la Dauphine donna l’ordre de reconduire la paysanne à sa chaumière qui était dans un hameau voisin *. Son Altesse Royale attendait sur place le retour de sa voiture; elle s’enquiert de la prise en charge du blessé… Je ne puis décrire à Votre Majesté la grandeur ou l’intensité de la sensation provoquée par l’événement, non seulement parmi les courtisans, mais plus encore parmi les habitants de Fontainebleau….
Le public de Paris [semble très ému] chaque fois que le nom de Mme la Dauphine revient, il évoque un cri universel de joie et d’admiration.»Mercy à Marie-Thérèse
La Dauphine et la comtesse de Provence descendent de voiture pour porter assistance à l’homme et sa famille.
La scène va marquer les esprits.
Le 18 octobre 1773
Spectacle à Fontainebleau.
Le 21 octobre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 octobre 1773
Comédie, La Rosière de Salency.
Le 24 octobre 1773
Commencement du carnaval … une bonne excuse pour la Dauphine pour dormir seule. Cette fois encore, Elle fait de Son mieux pour éluder la promesse que Son mari Lui a arrachée.
Le 28 octobre 1773
Bal de la Dauphine.
Le 31 octobre 1773
Présentation de l’ambassadrice du Portugal, la comtesse de Souza, née Canillac.
Le 15 novembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Marie-Thérèse redoute pour sa fille ce renforcement du clan savoyard à la Cour de France.
Le 19 novembre 1773
Bal paré et feu d’artifices au château de Versailles.
Marie-Antoinette qui avait, depuis deux jours, une légère indisposition, assiste à ce divertissement d’une loge accompagnée de Madame Elisabeth.
Le 24 novembre 1773
Bal masqué au château de Versailles.
Le 10 décembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 4 janvier 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 19 janvier 1774
Aux bals données par Madame de Noailles:
« Madame l’Archiduchesse y est toujours remplie de grâces et de bonté et enchante tous ceux qui sont admis à lui faire leur cour.»
Mercy à Marie-Thérèse
Mercy insiste de nouveau sur les conséquences pour le Dauphin des fatigues de la chasse.
Le 29 janvier 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 30 janvier 1774
Marie-Antoinette rencontre Axel de Fersen lors d’un bal à l’Opéra.
Le 23 février 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 20 mars 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Printemps 1774
On assiste, pendant le carnaval, au début de la faveur de la princesse de Lamballe.
Le 4 avril 1774
Le Dauphin a les oreillons.
Le 14 avril 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 19 avril 1774
Iphigénie en Aulide de Gluck triomphe lors de sa création à l’Opéra grâce au soutien de la Dauphine.
Le 27 avril 1774
Louis XV revient malade de Trianon.
Le 29 avril 1774
On diagnostique la petite vérole du Roi.
Le 30 avril 1774
Tout Paris accourt. Pour ne pas inquiéter le Roi, on ne lui parle que d’une fièvre militaire. Il montre ses boutons d’un air étonné. Ses filles le gardent le jour, madame du Barry pendant la nuit. Louis XV est dérangé par les soins de ses filles.
Le 1er mai 1774
Le Roi se porte mieux, on continue donc à lui cacher la gravité de son mal.
Le 2 mai 1774
La nuit du Roi est calme ; l’éruption très abondante se continue sans accident.
Le 4 mai 1774
Le Roi congédie madame du Barry et l’envoie à Rueil.
A six heures du soir, il demande à Laborde, son premier valet, d’aller chercher Jeanne du Barry.
« –Elle est partie à Rueil, Sire!
-Ah! déjà ! »
Le 6 mai 1774
Il faut deux jours au Roi pour décider à se confesser.
Le soir, l’éruption qui a failli s’arrêter passe au pourpre.
Le 7 mai 1774
Le Roi reprend un peu de forces, «sa mine donne toute espérance». Cependant beaucoup de gens le regardent comme perdu. La conduite extérieure est toujours aussi bonne.
Le 8 mai 1774
L’agonie de Louis XV commence. On dispose une chandelle à la fenêtre de sa chambre. On l’éteindra en même temps que lui.
Le Dauphin et la Dauphine s’attendent à monter bientôt sur le trône…
« Dans une conjoncture si critique et si délicate, Madame la Dauphine a tenu la conduite d’un ange, et je ne puis comprimer mon admiration de sa piété, de sa prudence, de sa raison ; tout le public en est enchanté, et certainement à juste titre. S.A.R. s’est tenue dans la plus parfaite retraite même pour les personnes de son service, hors la famille royale. Elle n’a vu que l’abbé de Vermond et moi, c’est à dire pour s’entretenir et parler de suite.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 9 mai 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
L’état du Roi s’aggrave : les croûtes et les boutons séchés deviennent noirs, la filtration se fait en dedans et on remarque des eschares dans la gorge qui l’empêchent d’avaler.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt à trois heures et quart de l’après-midi
Le Dauphin devient Roi sous le nom de Louis XVI.
Louis XV à peine mort, les courtisans se ruent vers le nouveau Roi.
Le petit-fils du défunt Roi, âgé de vingt ans, est tout de suite effrayé par le poids des responsabilités, plus qu’enivré par son nouveau pouvoir.
La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »
Marie-Antoinette se libère alors du carcan auquel on L’avait contrainte depuis Son arrivée à Versailles. Et cela se traduit dans la vêture et particulièrement dans la mode capillaire :
Du 10 au 17 mai 1774
Séjour de la Cour au château de Choisy.
Le renvoi de madame du Barry et l’exil du duc d’Aiguillon, ennemis du duc de Choiseul, sont vus comme des triomphes de la nouvelle souveraine.
« La créature est mise au couvent et tout ce qui porte ce nom de scandale est chassé de la Cour ! »
Marie-Antoinette à Sa mère
Sur les conseils de Madame Adélaïde, sa tante, Louis XVI fait entrer Maurepas au gouvernement.
Du 17 mai au 16 juin 1774
Séjour de la Cour au château de La Muette.
Le 19 mai 1774
La vérole s’étant déclarée chez Mesdames qui sont restées auprès de leur père jusqu’au bout, la Cour quitte Choisy pour le château de La Muette.
Le 24 mai 1774
Le Roi offre le Petit Trianon à Marie-Antoinette qui souhaite avoir une résidence de campagne où échapper aux contraintes de Son rang.
Louis XVI aurait usé de cette formule:
« Vous aimez les fleurs, Madame, j’ai un bouquet à vous offrir. C’est le Petit Trianon ».
C’est sans doute trop galant pour venir effectivement de lui… D’autres témoins rapportent différemment la scène en ces termes :
« Madame, ces beaux lieux ont toujours été le séjour des favorites des rois, conséquemment ils doivent être le vôtre »
Louis XVI
Marie-Antoinette y engage de grands travaux.
Le 3 juin 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
La ceinture de la Reine Marie-Antoinette
« Il existait encore chez les Français un sage antique et galant, dont les reines de France avaient désiré la conservation. A la mort du roi, les Français payaient à la nouvelle reine un droit connu sous le nom de ceinture de la reine. Marie-Antoinette apprend que ce droit pèse sur les classes les plus infortunées; que les privilégiés ont trouvé moyen de ne pas y contribuer : elle supplie le roi de s’opposer à sa perception. Cet acte généreux plaît à Louis XVI ; et l’universalité de la nation applaudit au désintéressement, à la bienfaisance de la jeune reine. La poésie devait conserver le souvenir de ce sacrifice. Le comte de Coutourelle se fit l’organe du peuple reconnaissant; il adressa à la reine le quatrain que nous citons :
« Vous renoncez, charmante souveraine. Au plus beau de vos revenus. A quoi vous servirait la ceinture de reine ? Vous avez celle de Vénus. »
Mémoires de Weber, frère de lait de Marie-Antoinette, reine de France
Le 6 juin 1774
Marie-Antoinette pend la crémaillère de Sa nouvelle possession, en compagnie de Madame Clotilde (1759-1802), les Provence et les Artois, Ses belles-sœurs et beaux-frères et son royal époux qui, peu de temps après, lui remet la clef du domaine sertie de 531 diamants, exécutée par le serrurier François Brochois et l’orfèvre-joaillier Michel Maillar.
Le 7 juin 1774
Le Roi dîne avec la Reine au Petit Trianon.
Du 17 juin au 1er août 1774
Séjour de la Cour au château de Marly… durant lequel, Marie-Jeanne Bertin (1747-1813) est présentée à la Reine par la duchesse de Chartres (1769-1821), belle-sœur de la princesse de Lamballe…
Très vite, la célèbre Mademoiselle Bertin devient la marchande de Mode attitrée de Marie-Antoinette.
Louis XVI, ses frères et la comtesse d’Artois se font inoculer.
Marie-Antoinette et la comtesse de Provence sont déjà immunisées contre la maladie. Mesdames Clotilde et Elisabeth sont jugées trop jeunes.
Le 28 juin 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 juillet 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Louis XVI et Marie-Antoinette reçoivent à dîner à Versailles
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Les soupers, qui ont lieu une à deux fois par semaine dans la Salle-à-Manger du premier étage, ont été institués à l’instigation de Marie-Antoinette. Écoutant Sa mère et redoutant comme Elle la reprise des soupers de chasse, Elle avait devancé la menace en allumant un contre-feu :
« Les soupers de société devaient présenter bien avantages : celui de rapprocher les gens considérables et de mérité de la personne du Roi, d’en éloigner les sociétés de jeunes gens, de ne jamais séparer la Reine de son auguste époux» .
Le comte de Mercy
Ils nécessitent un véritable bouleversement de l’Etiquette : l’abolition de la règle qui interdit aux Reines et aux princesses de manger à la même table que des hommes qui n’appartiennent pas à la Famille Royale.
Dans un premier temps, Louis XVI dresse la liste des hommes conviés et la Reine, celle des femmes. Plus tard, ce sera le Roi qui la dressera le matin, la faisant porter à la Reine qui enverra à Paris Ses pages inviter les épouses de ceux qu’il aura choisis. Les Dames, suivies des hommes, traversent les cabinets, puis la salle-à-manger et la salle des Buffets et viennent se tenir un court instant dans le salon. Le contrôleur de la Bouche annonce que Leurs Majestés sont servies, et tous les invités refluent vers la salle-à-manger.
Dans les premiers temps, tous les convives sont assis autour de la table. Mais leur nombre augmentant jusqu’à plus de cinquante, même la table à rallonges de plus de six mètres, ne suffira pas. Les Seigneurs se disputent la place à une seconde petite table pour ne pas devoir se contenter de manger un morceau, debout, au buffet.
Du 1er août au 1er septembre 1774
Séjour de la Cour au château de Compiègne.
Le 1er septembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles avec quinze jours de retard.
Le 26 septembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Du 5 au 10 octobre 1774
Séjour de la Cour au château de Choisy.
Du 10 octobre au 10 novembre 1774
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Tous les matins, la Reine reçoit une leçon de harpe d’une heure et demi voire deux heures.
Le 17 novembre 1774
A l’occasion des soupers dans les cabinets :
« Cet établissement (des soupers) est devenu une nouvelle occasion pour la Reine à déployer les grâces vraiment charmantes qu’elle sait marquer à ceux qu’elle veut bien traiter.»
L’abbé de Vermond à Marie-Thérèse
Le 21 octobre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 2 novembre 1774
Chasse en calèche.
Les 11 et 12 novembre 1774
Séjour de Louis XVI à La Muette.
Le 12 novembre 1774
Retour au château de Versailles.
Louis XVI rappelle les parlements.
Le 15 novembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 27 novembre 1774
La jeune Reine se promène en traîneau… Le cocher tombe, le cheval s’emballe mais Marie-Antoinette parvient à prendre les rênes et à conduire sans difficulté le traîneau sans dommage.
Les fantaisies de la jeune Reine ne vont pas tarder à se transformer en «affaires». On n’avait encore jamais vu pareille extravagance !
Le 28 novembre 1774
Malgré les frayeurs que la Cour a pu avoir la veille, Marie-Antoinette repart de plus belle en promenade en traîneau !
Le 18 décembre 1774
A propos des soupers dans les cabinets :
« La Reine sait tellement bien mettre ces occasions à profit que tout le monde est plus enchanté que jamais de ses grâces ; elles forment le sujet des conversations journalières dans Paris, et on y relève sans cesse quelque nouveau trait de bonté et de charme de la Reine.»
Mercy à Marie-Thérèse
Après le 18 décembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles : le retard est inconnu mais on le sait supérieur à huit jours