Dans son ouvrage Manière de montrer les jardins de Versailles, Louis XIV (1638-1715) a conçu un guide à travers les bosquets et bassins des jardins du château. Sept versions sont rédigées entre 1689 et 1705, dont quelques-unes écrites de sa propre main. L’idée de ces Mémoires remonte au début du gouvernement personnel de Louis XIV. À l’instar des grands ministres des règnes précédents, le jeune Roi souhaite laisser à la postérité un témoignage de son oeuvre politique. Le Dauphin (1661-1711) est alors âgé de sept ans et Louis XIV, soucieux de le préparer à son futur métier de roi, confie à Périgny le soin d’écrire des Instructions pour servir à la formation politique de l’héritier du trône. Même si le roi ne tient pas personnellement la plume, il suit de très près l’avancée du projet, fournissant des notes, dictant certains passages et apportant maintes corrections. Au printemps 1672, la guerre de Hollande suspend le travail de rédaction. Lorsqu’elle prend fin en 1679, le Dauphin est devenu un homme. Le Roi renonce donc à poursuivre l’œuvre entreprise. Mais cette manière de montrer les jardins de Versailles tend à compenser l’inachèvement de cet enseignement politique. Car à travers ces étendues et ces bosquets, c’est bien le prestige de la France que Louis XIV a cherché à inspirer dans l’esprit de chaque visiteur. C’est aussi un guide pour les fontainiers qui se relaient afin d’activer les uns après les autres les fontaines des bassins qui ne peuvent fonctionner toutes en même temps.
Cet article choisit de suivre le parcours de Louis XIV au dépit parfois de la chronologie qui sera cependant rappelée dans l’historique de chaque bosquet ou bassin. Suivez donc Louis XIV dans cette invitation à la promenade…
Sommaire de l’article :
- Le pavillon de chasse de Louis XIII
- Le bassin de Latone
- Les sphinxs du parterre du Midi
- Les plaisirs de l’île enchantée, Une semaine de fête dans les jardins de Versailles
- Le bosquet de l’Arc de Triomphe
- Le bassin du Dragon
- La grotte de Téthys
- L’Orangerie : protéger les arbres du Roi
- Le Labyrinthe
- Le bosquet des Rocailles, la salle de bal du jardin de Versailles
- Le bassin du Char d’Apollon : toute la symbolique de Louis XIV
- Le bassin de Neptune
- Le buffet d’eau : le souvenir de Louis XIV au Grand Trianon
- Le bassin des enfants dorés
« En sortant du château par le vestibule de la cour de Marbre, on ira sur la terrasse ; il faut s’arrêter sur le haut des degrés pour considérer la situation des parterres des pièces d’eau et les fontaines des Cabinets.»
Louis XIV
Le château de Versailles, symbole grandiose de la splendeur de la monarchie française, incarne l’opulence, le raffinement artistique et l’influence politique qui ont marqué l’histoire de la France. Niché à quelques kilomètres de Paris, ce joyau architectural est bien plus qu’un simple palais. Il est le témoin privilégié de siècles de révolutions et d’évolutions artistiques, reflétant les goûts, les ambitions et les extravagances de rois légendaires tels que Louis XIV, le Roi-Soleil. En parcourant les somptueuses salles, les jardins à la française et les histoires captivantes qui entourent ce lieu emblématique, plongeons dans l’épopée d’une époque fascinante, où la magnificence côtoie la tumultueuse histoire de la France, faisant du château de Versailles une destination incontournable pour tout passionné d’art, d’Histoire et de beauté intemporelle.
1623-1624 : le projet
Louis XIII a été obligé d’emmener les Reines à la garenne de Versailles non seulement assez éloignée du château mais qui en plus ne lui appartient toujours pas ! Cette situation ne peut plus durer et dès les jours suivants Louis XIII reste à Versailles afin de réfléchir à la question. Il lui faut une garenne à lui, et bien plus grande que celle des Gondi, au pied de son château. Bref un véritable parc. Parc séparé de son enclos précédemment défini par un fossé. L’arpenteur local Pierre Lesage devra ensuite repérer les lieux selon les dessins de Sa Majesté. Louis XIII doit repartir pour Saint-Germain le 6 mais revient dès le 13 afin d’assister Lesage dans ses mesurages. Tout le flanc ouest de la butte est concernée jusqu’aux prés de Sainte-Catherine, de Musseloup et de Trianon. De nombreux lieux-dits ont ainsi disparu mais dont les noms méritent d’être rappelés : Sous le Moulin, aujourd’hui les Bains d’Apollon, Latone et la Salle de Bal, la Maladerie devenue le bosquet de Vénus et du Vertugadin, Hochecorne qui a fait place aux bosquets de la Girandole et du Dauphin, le fief de Jehan Dupré pour les bosquets de l’Etoile et du Théâtre d’Eau, la Longue Raye aujourd’hui bosquet des Trois Fontaines, le tout pour un ensemble de cent cinq arpents, soit quarante-quatre hectares. Les mesures se font en trois tranches : une première partie concernant les terres alignées du chemin allant de Versailles à Trappes, puis la tranche du milieu qui correspond au Tapis Vert et enfin la troisième qui descend du Pont aux Meuniers jusqu’à Trianon. Louis XIII ne quitte Lesage que pour un bref aller-retour à Saint-Germain pour un Conseil. Il quitte véritablement Versailles le 20 novembre à la fin de l’arpentage.
Dans cette histoire, les propriétaires, clercs ou laïcs, grands ou petits, perdent leurs rentes, censives et dîmes. Le prieur de Saint-Julien est en droit de se plaindre. Quelques laboureurs voient eux leurs champs déjà ensemencés réquisitionnés. Les artisans, marchands versaillais et bourgeois parisiens concernés peuvent endurer la perte car leurs terres ne constituent pas l’essentiel de leurs revenus. Par contre les journaliers qui travaillaient à ces terres perdent leur emploi. D’autres désagréments se rajoutent : les chemins séculaires disparaissent. Les populations locales doivent désormais contourner le parc royal pour rejoindre les localités de Trappes ou de Trianon. Le Roi occupe alors près de 150 hectares, pour beaucoup pris sur des particuliers.
Toutes ces parcelles sont ensuite unifiées et nivelées de manière à former un seul même ensemble. Afin de facilité la circulation, des grandes allées rectilignes sont dessinées, perpendiculaires espacées de cent toises et dont le quadrillage forme dix espaces, sept carrés, un rectangulaire et deux trapézoïdaux. Dans chacun on plante des arbres aux essences variées. Tous ces carrés ont vocation à rester sauvages sauf les quatre centraux coupés par un sentier en diagonale. C’est sur cette base, dessinée par Louis XIII, que Le Nôtre et Louis XIV vont créer leurs jardins.
Durant les mois suivants, le Roi continue ses courts séjours et s’il suit régulièrement la plantation de son parc, il ne reste guère à Versailles. On sait néanmoins que le 14 juin 1627, il déjeune directement dans ses cuisines. Le Roi ne peut guère profiter de sa demeure puisqu’entre l’automne 1627 et le début de l’année 1628, il se trouve plusieurs mois en Aunis, à assurer le commandement du siège du siècle et de tomber sérieusement malade au même moment, pour repartir ensuite en guerre contre la Savoie puis remettre de l’ordre chez les protestants de Nîmes. Ces absences prolongées n’empêchent pas l’achèvement de la plantation du parc en juin 1629, date où le sergent du bailliage de Versailles Robert Parent pour le compte de l’archevêque est nommé garde du parc du Roi. Entretemps, Louis XIII, même éloigné, souhaite faciliter l’approvisionnement en eau, tant potable que pour l’arrosage, problème récurrent qui occupera longuement son fils. Il commande en juin 1629 au fontainier Alexandre Francini la construction d’un aqueduc. Il faut dire que Louis XIII a toujours été depuis ses quatre ans admiratif de l’art des Francini dont les frères puis fils et neveux s’occupent de tous les réseaux hydrauliques des parcs royaux. Le système souterrain mis en place, assez complexe pour un château si secondaire, pompe les sources des hauteurs du Chesnay. Il sera utilisé jusqu’en 1666.
Le 6 février 1631
Louis XIII se décide à transformer son petit relais de chasse en véritable château digne d’un Roi tout en conservant ses modestes proportions afin que ceux invités à partager son intimité puissent sentir le privilège qui leur est fait. C’est ce que fera plus tard Louis XIV avec Marly. Il faut avant tout que le Roi puisse véritablement être maître chez lui, d’en devenir le seul seigneur. Louis XIII demande donc à son conseiller et secrétaire de cabinet Michel Lucas, bientôt promu intendant de Versailles, de procéder aux vérifications et indemnisations auprès de tous les propriétaires qui se sont vus ces dernières années expropriés par Sa Majesté et de leur racheter définitivement leurs terres.
Le 23 avril 1631
Les dix-huit propriétaires concernés ou leurs représentants (le receveur de M. de Gondi ou le nouveau concierge du Roi) sont attendus à l’église paroissiale à huit heures du matin. L’arpenteur Lesage est présent afin de valider les demandes et réclamations. Les remboursements en cours (ils prendront plusieurs mois tant les litiges et situations sont complexes), Louis XIII peut alors penser aux nouveaux travaux. C’est le moment aussi d’abattre l’enclos qui enfermait le château et ses jardins depuis 1624. Ceux-ci s’agrandissent donc de trois hectares de part et d’autre du château : ce sont les emplacements des futurs Parterres du Nord et du Midi. Seize autres hectares sont rajoutés au parc sur les emplacements prochains du jardin du Roi, du bosquet de la Colonnade, la salle des Marronniers, les bosquets des dômes et de l’Encelade ainsi que la bosquet de l’Obélisque.
Louis XIII décide d’enfermer d’une nouvelle muraille de trois mètres de haut environ ce jardin agrandi. L’intendant des jardins du Roi, Jacques Boyceau de la Barauderie est désigné pour dessiner ces nouveaux jardins. C’est pourtant un homme âgé mais le Roi le connaît depuis toujours et lui fait confiance : il a conçu tous les jardins de ses résidences depuis le règne de Henri IV qu’il a suivi militairement en tant qu’huguenot lors de sa reconquête du royaume avant de se convertir… à l’horticulture ! Tous ses collaborateurs, dont son successeur et neveu Jacques de Menours reprennent ses principes : avant tout maîtriser parfaitement l’art du dessin. Le jeune André Le Nôtre issu d’une famille aussi de jardiniers du Roi apprend le métier avec lui. Il sort tout juste de son apprentissage à l’atelier du Peintre du Roi Simon Vouet.
Sur les nouvelles terres récupérées, des arbres décoratifs et fruitiers en espaliers sont installés sur ce qui deviendra l’emplacement du Parterre Nord. En symétrique au sud , le Roi commande un potager, un verger en pente (aujourd’hui une partie de l’Orangerie) et un petit bosquet de houx, recommandé par Boyceau pour ses feuilles persistantes l’hiver. Le potager et le verger sont confiés au jardinier Hilaire Masson. Il a peut-être été compétent mais l’on verra que ce ne sera pas le cas de son fils. L’empiétement du Roi sur les terres des particuliers commence à devenir très sensible, d’autant qu’en plus du diocèse de Paris, il touche maintenant celui de Chartres.
En 1637
Jacques de Menours décède. Les jardins sont alors confiés à Claude Mollet le jeune issu d’une longue dynastie de jardiniers au service des résidences royales depuis Henri II et qui continuera à servir la monarchie jusqu’à Louis XV. Son épouse est la marraine d’André Le Nôtre. Il reprend évidemment les préceptes de Boyceau de La Barauderie.
En 1639
Claude Mollet met en place une terrasse «en gresserie». Il s’agit d’un long promontoire en balustrade situé entre le fossé et le parterre qui permet une vue en hauteur sur celui-ci, que Mollet fait reculer de deux ou trois mètres avec son bassin. Au centre, la balustrade s’interrompt par un perron qui permet de rejoindre le parterre. C’est alors une nouveauté architecturale dont s’extasient encore les visiteurs des années 1650 (voir le dessin d’Israël Sylvestre ci-haut). Le principe de Boyceau :
«Il y a encore un grand plaisir à voir d’un lieu élevé les parterres qui sont en bas, lesquels en paraissent plus beaux et en sont mieux discernés.»
sera repris par ses successeurs, avec le génie que l’on admire toujours aujourd’hui dans les jardins de Versailles.
En 1641
Le 22 mai, Louis XIII rajoute 56 arpents de bois pris sur la forêt de Villacoublay à son domaine de Versailles. C’est sa dernière acquisition. Désormais, la seigneurie de Versailles compte 740 arpents (312 hectares), à quoi il faut rajouter 85 arpents pris sur les localités voisines de Satory, Montreuil et Glatigny.
Début d’année 1643
Louis XIII passe quelques courts séjours à Versailles où il reçoit son frère, Mazarin et d’autres seigneurs. Le 18 février, il quitte Versailles définitivement pour Saint-Germain où commence sa dernière maladie le 21.
Début novembre 1654
Louis XIV décide de fêter la Saint-Hubert (saint patron des chasseurs et fête importante à la Cour) non pas comme le veut la tradition à Fontainebleau mais entre Saint-Germain et Versailles. Cependant Louis XIV préfèrera les années suivantes vivre à Vincennes plutôt qu’à Saint-Germain dont la forêt est tout aussi giboyeuse et plus proche de Paris. Le Roi ne vient pas à Versailles de l’année 1655, une seule fois en 1656, 1658 et 1660, deux fois en 1657.
Versailles, mal surveillé par le sieur Beaumont, négligé de la présence royale, va voir son domaine aux prises d’hommes sans scrupules. Jeanne Mongé veuve se remarie au sieur de Noiron nommé à son tour concierge au détriment du fils du précédent à qui devait revenir naturellement cette charge. Ce triste sire tente de tuer dans le parc Guillaume Masson _autre larron_ qui l’accuse de voler les fruits du verger. Ce dernier s’enrichit lui-même sur le dos du domaine car non content de louer des parcelles qui ne lui appartiennent pas, vend maintenant du bois des arbres appartenant au Roi de France. Une autre fois Masson menace la servante du concierge de la couper en deux si elle continuait à amener les bêtes de son maître sur la terrasse. Alors que ses propres vaches broutent les arbres en espaliers ! De nombreux désordres de sources diverses sont à constater, élargis à toute la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye. Beaumont finit même assassiné dans cette forêt par deux cavaliers inconnus le 3 mai 1660. A cette date Louis XIV rejoint les Pyrénées pour se marier.
Le 25 octobre 1660
Louis XIV peut enfin présenter Versailles à la nouvelle Reine Marie-Thérèse. Les gazettes du temps, même les plus lyriques, taisent le nom de la Reine Mère qui refuse encore de s’y déplacer. Elle n’aura d’ailleurs bientôt plus le choix…
Or comme son père trente-quatre ans auparavant, c’est en présentant les lieux à son épouse que Louis XIV prend conscience de l’exiguïté des lieux, si peu conformes à sa dignité royale. Et qui justifie aussi peut-être la volonté d’Anne d’Autriche de ne pas y mettre les pieds. Or Louis XIV, contrairement à son père, aime briller. Si celui-ci a aussitôt recouru à des agrandissements puis embellissements après la première visite royale, son fils se doit de faire mieux.
Faut-il encore financer tout cela : Bloin s’attelle à la tâche en augmentant les fermages locaux. Ce qui va rapidement s’avérer dérisoire.
Louis XIV réclame en premier lieu la réfection et l’augmentation de son verger. En effet, celui-ci a été non seulement plus que négligé par Olivier Masson mais est dessiné de forme irrégulière. Pour obtenir un rectangle ou un carré, il faut de nouveau exproprié les roturiers alentours. Qu’à cela ne tienne ! Blouin ne peut en aucun cas financer cet agrandissement par ses simples fermages. Colbert devra réguler le tout sur le budget des Bâtiments, mais seulement en 1664. Ce nouveau jardin fruitier deviendra plus tard l’Orangerie.
Octobre 1660 – Mars 1661
Le grand projet initial souhaité par Louis XIV est l’augmentation considérable du parc, sept fois plus grand que celui de Louis XIII. C’est encore prendre sur de nombreuses autres paroisses voisines (Trianon, Satory…) dont des terres appartenant toujours au prieuré. Cinq cents hectares de superficie sont rajoutés. L’arpenteur Le Sage _ou plus vraisemblablement son fils_ reprend du service. Les mesurages prendront plusieurs mois. Quant au financement, Louis XIV préfère attendre.
« Il faut ensuite aller droit sur le haut de Latone et faire une pause pour considérer Latone, les lézards, les rampes, les statues, l’allée royale, l’Apollon, le canal, et puis se tourner pour voir le parterre et le château.»
Louis XIV
Le bassin de Latone
(ou la clé de voûte des fontaines des jardins de Versailles)
(D’après le texte et les photographies de Emma Defontaine et Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Ce bassin résulte de la volonté de Louis XIV de créer, au centre de son jardin, une fontaine qui raconte l’enfance d’Apollon, le dieu du soleil qu’il s’est choisi pour emblème. Il est aussi un hommage à sa mère Anne d’Autriche disparue en 1666 qui eut à subir la Fronde durant sa régence. En effet, Latone (ou Léto chez les Grecs anciens), mère d’Apollon et de Diane et maîtresse de Jupiter, a été condamnée à une fuite sans répit par sa rivale Junon. Un jour, arrivée au sud de l’actuelle Turquie, elle s’approche d’un étang pour s’y désaltérer. Des paysans du lieu l’en empêchent et, furieuse, elle invoque son amant et leur lance une malédiction qui les métamorphose en grenouilles. C’est cet épisode, rapporté par Ovide dans le Livre VI de ses Métamorphoses, qui inspire le bassin de Latone.
« Il faut ensuite aller droit sur le haut de Latone et faire une pause pour considérer Latone, les lézards, les rampes, les statues, l’allée royale, l’Apollon, le canal, et puis se tourner pour voir le parterre et le château.»
Louis XIV
Ce groupe sculpté permet à chacun de se rappeler ce qu’il en coûte de se révolter contre la mère du dieu du soleil, métaphore très claire pour tous. Néanmoins aucun écrit du temps ne fait référence aux événements de la Fronde et l’identification de la déesse avec la mère du Roi. Rien dans l’iconographie du château et des jardins n’évoque l’ascendance du Roi. Seule l’identification avec Apollon compte et il est donc normal d’y trouver un épisode de l’enfance de ce dieu. Le Char d’Apollon, émergeant de son bassin tel le soleil de l’océan, figure le jour qui s’éveille et le lever du roi. La grotte de Téthys représente le repos nocturne du soleil dans l’océan. L’ensemble compose une symphonie solaire dont le véritable héros n’est autre que son commanditaire, Louis XIV. Ce n’est qu’un heureux hasard si cette fontaine peut rappeler la propre enfance du Roi et le courage de sa mère.
En près de vingt ans, le bassin de Latone connaît plusieurs états avant d’épouser sa forme actuelle, suivant les désirs du Roi pour ses chers jardins. Louis XIV fait transformer un bassin ovale creusé par Louis XIII en y installant progressivement des jeux d’eau et des décors sculptés.
Louis XIV rêve d’un jardin avec de nombreuses fontaines et bassins afin d’affirmer sa maîtrise des eaux. Le bassin de Latone, central au début de l’aménagement des jardins, finira par devenir la première fontaine visible du Parterre en sortant du château. De cette situation, le bassin va devenir la clé de voûte de tout le système hydraulique des jardins par son «araignée».
La première étape de la construction est l’ajout de canalisations sous le bassin. Elles permettent l’installation des premiers jeux d’eau inaugurés en 1666 : autour d’un jet central sont disposés six petits bouillons, tandis que vingt jets périphériques sont installés sur la margelle. Dans le même temps, les deux petits bassins du parterre sont creusés.
L’année suivante, en 1667, des figures animales sont commandées aux frères Marsy pour orner le bassin Ovale et son parterre. Gaspard (1624 – 1681) et Balthazar (1628 – 1674) Marsy réalisent ensuite, commande après commande, la quasi-totalité des sculptures du bassin. Ils exécutent également quelques œuvres phares du jardin, entre autres un des quatre bassins des Saisons (celui de Bacchus), le géant en bronze Encelade pour le bosquet éponyme et un des groupes des chevaux du Soleil.
Ces figures animales donnent au bassin, pour un court moment, le nom de fontaine aux Crapauds. Enfilées sur les vingt jets de la margelle, vingt grenouilles de plomb crachent de l’eau vers le centre du bassin. Vingt-quatre tortues et lézards viennent quant à eux peupler les bassins du parterre.
En 1668, Gaspard Marsy sculpte le groupe central qui donnera finalement son nom à la fontaine. Néanmoins, à cette date Latone et ses enfants sont tournés vers la château, comme l’ensemble des statues ornant le jardin. La statue est surélevée par un rocher mais son bassin reste au niveau de l’ensemble du jardin. Cette sculpture principale mesure 2,04 m de hauteur.
En 1669, Balthazar Marsy réalise quant à lui les plombs des bassins de Latone et des Lézards, les paysans lyciens saisis au moment même de leur métamorphose en batraciens. Un premier cercle composé des statues de six paysans se changeant en grenouilles entoure le groupe principal, puis un second cercle de vingt-quatre grenouilles ferme le bassin. Deux bassins secondaires comprennent chacun deux paysans, un homme et une femme, changés en lézards et tortues.
Dans sa Relation de la Feste de Versailles du 18e , Félibien décrit ces bassins de Latone et des Lézards d’origine :
« Cette grande allée ne fut guère en cet estat, que les trois bassins de fontaines qui sont dans le parterre de gazon au bas du fer à cheval, parurent trois sources de lumières. Mille feux sortoient du milieu de l’eau, qui comme furieux et s’eschappant d’un lieu où ils auroient esté retenus par force, se répandoient de tous côtez sur les bords du parterre. Une infinité d’autres feux sortant de la gueule des Lezards, des Crocodiles, des Grenoüilles, et des autres animaux de bronze qui sont sur les bords des fontaines, sembloient aller secourir les premiers et se jettant dans l’eau sous la figure de plusieurs serpens, tantost separement, tantost joints ensemble par gros pelotons, luy faisoient une rude guerre. »
En 1671, les sculptures principales sont dorées. En 1679, d’autres joncs en plomb sont installés et Gaspard réalise d’autres grenouilles.
De 1687 à 1689, Jules Hardouin-Mansart modifie sensiblement la conception d’origine de Le Nôtre, soutenu en cela par Louvois, alors surintendant des Bâtiments qui souhaite rationaliser la structure des jardins. Les éléments sculptés du bassin principal sont alors élevés sur un cône formé par quatre terrasses circulaires de marbre rouge ; au sommet, est placée la statue de Latone et de ses enfants désormais tournée vers l’ouest, vers la nouvelle Allée royale. Sur la troisième terrasse, six paysans lyciens sont représentés au moment de leur transformation en grenouilles ; entre eux sont disposées des batraciens. La terrasse inférieure est peuplée de lézards et de tortues, les paysans transformés.
En parallèle ou plutôt en symétrie au sous-sol se met en place tout le réseau hydraulique alimentant les fontaines. Sous Latone nous trouvons une immense structure de plomb qui distribue l’eau aux soixante-quatorze jets du bassin. Baptisé « l’araignée » en raison de sa forme, ce réseau de canalisations tricentenaires est constitué de deux couronnes concentriques sur lesquelles sont greffés les tuyaux qui alimentent chacun des jets d’eau.
Pour les quatre cents ans de la naissance d’André Le Nôtre, Versailles met en place une intense restauration du bassin entre 2013 et 2015. Nous pouvons aujourd’hui admirer ces marbres et dorures tels que les a connus Louis XIV.
« …Certains en ont déduit que le Soleil devait se coucher dans l’axe du grand canal les jours des équinoxes. Mais on constate que l’azimut du centre du Soleil à son coucher ne tombe jamais exactement dans l’axe du canal, il en est le plus près pour les dates médianes (le 27 avril et le 14 août) . Dans tous les cas il est possible de prendre une photo dans l’axe du grand canal, mais le centre du Soleil sera plus ou moins haut par rapport à l’horizon. … »
P. Rocher © Institut de mécanique céleste – Observatoire de Paris
« Il faut après tourner à gauche pour aller passer entre les Sphinx ; en marchant il faut faire une pause devant le Cabinet pour considérer la gerbe et la nappe ; en arrivant aux Sphinx on fera une pause pour voir le parterre du Midi, et après on ira droit sur le haut de l’Orangerie d’où l’on verra le parterre des orangers et la pièce d’eau des Suisses.»
Louis XIV
Le 14 mars 1662
La basse-cour est détruite pour laisser place à une avant-cour toujours fermée de deux ailes mais l’ensemble doublé, de même décor de briques, pierres et ardoise que le château donne à l’ensemble beaucoup plus de noblesse. L’aile de gauche servira aux écuries, avec remise de voitures dans une petite cour adjacente. Celle de droite est réservée aux offices, cuisines et une pompe pour l’eau. Sa cour permet de stocker les bûches. Louis Le Vau ferme l’ensemble d’un haut mur cintré en hémicycle terminé par deux pavillons à dôme, l’un pour les gardes, l’autre pour le portier, reliés par une grille et un portail dorés constitués de L entrelacés et surmontés d’une couronne fleurdelysée. Le résultat est incontestablement majestueux.
Le 25 mars 1662
Louis XIV accorde à Blouin les pleins pouvoirs en son nom afin de procéder aux agrandissements fonciers nécessaires. Si le Roi souhaite avant tout chasser dans des larges terrains boisés et sauvages, il commence déjà à penser à des fabriques qui seront autant de points de vue de promenade.
Blouin soucieux d’économies car toutes ses recettes ne proviennent pour l’instant que des revenus des fermages décide de recourir aux corvées : les Versaillais sont tenus à faucher et faner gratuitement les prés de Sa Majesté, ainsi que de casser la glace des étangs pour remplir la glacière nécessaire aux séjours de la Cour, transporter à leurs frais tout cela et balayer les cours du château . En compensation, les habitants sont exemptés de la taille. Il n’empêche c’est revenir au servage.
C’est au même moment que Le Vau commence la construction d’une ménagerie au fond du parc, à proximité d’une ferme nommée «la Boissière» de forme octogonale coiffée d’un dôme au fond du parc. Tout près, Louis XIV commande une attraction insolite : une «Ramasse», «Glissière» ou «Roulette» traîneau qui consiste à dévaler sur des rails une petite colline. L’ancêtre de nos montagnes russes en quelque sorte. Une même machine sera installée plus tard à Marly.
Les plaisirs de l’île enchantée
Une semaine de fête dans les jardins de Versailles
( Inspiré du texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Du 7 au 13 mai 1664, Louis XIV organise en l’honneur d’Anne d’Autriche (1601-1666), sa mère, et de la Reine Marie-Thérèse (1638-1683) une fête sur le thème romanesque de la magicienne Alcine tenant prisonniers en son palais Roger et ses preux chevaliers. Amour, action et magie du sujet invitent la Cour au rêve. Tirée de l’Arioste, la fête est dédiée en réalité à Mademoiselle de La Vallière (1644-1710), maîtresse du Roi. Ordonnateur de ses ballets en tant que Premier Gentilhomme de la Chambre, le duc de Saint-Aignan (1607-1687) a choisi le sujet tandis que Carlo Vigarani (1588-1663) a retenu le lieu. Originaire de Modène, il est depuis 1659, le grand metteur en scène des divertissements royaux où il a introduit machineries et décors italiens.
Durant trois jours, les courtisans assistent au défilé équestre du Roi dans le rôle de Roger, revêtu de somptueux habits de feu sur un harnais d’or, d’argent et de pierreries. Il est accompagné de cavaliers tout aussi somptueux qui descendent l’Allée royale (le tapis vert), suivis du char d’Apollon. Ils se dirigent vers le palais d’Alcine dressé sur le rond-d’eau, futur bassin d’Apollon.
Le costume de Louis XIV est inspiré de celui du soleil qu’il a porté pour la première fois lors du ballet de 1653.
Les quatre jours suivants sont encore consacrés à des courses et des spectacles.
Voici le programme de ces sept jours :
– 7 mai 1664 : Carrousel, courses de bague, ballet et collation (Allée Royale)
– 8 mai 1664 : La Princesse d’Élide de Molière (Allée Royale)
– 9 mai 1664 : Ballet et feu d’artifice (rond d’eau futur Bassin d’Apollon)
– 10 mai 1664 : Courses de têtes (dans les fossés du château)
– 11 mai 1664 : Promenade (Ménagerie) et Les Fâcheux de Molière (vestibule du château)
– 12 mai 1664 : Courses de têtes (dans les fossés du château), loterie (dans le château) et Tartuffe de Molière ( dans le vestibule du château)
– 13 mai 1664 : Courses de têtes (dans les fossés du château) et Le Mariage Forcé de Molière et Lully (dans le vestibule du château).
Le deuxième jour, la nuit venue, Roger-Louis XIV donne à ses dames, sur la scène dressée dans l’Allée, la comédie-ballet spécialement conçue par Molière et Lully : La Princesse d’Elide. Pour la première fois en France, théâtre et opéra, comique et romanesque sont associés. Bergers et bergères entourés de faunes dansent et chantent au son des flûtes et des violons.
Le troisième jour voit l’embrasement du palais d’Alcine dans un fabuleux feu d’artifice orchestré par Vigarani. Une étonnante baleine flottante et ses deux baleineaux au-devant portent Alcine et ses servantes.
Le bosquet de l’Arc de Triomphe
Aménagé entre 1677 et 1684, le bosquet de l’Arc de Triomphe remplace celui du Pavillon d’Eau, construit en 1672. Le nouveau bosquet est composé de deux salles vertes dont l’une comportait un arc de triomphe en ferronnerie dorée, qui a donné son nom au bosquet. Au Nord de la salle se trouve le bassin de la France Triomphante par Tuby, Coysevox et Prou, seule partie qui subsiste aujourd’hui.
« On ira à l’arc de triomphe ; l’on remarquera la diversité des fontaines, des jets, des nappes et des cuves et différents effets d’eau. On descendra et après avoir considéré les fontaines des trois étages, l’on sortira par l’allée qui va au Dragon.»
Louis XIV
Cette fontaine célèbre la victoire de la France sur la Quadruple Alliance composée des Provinces Unies, du Saint Empire, de l’Espagne et du Danemark qui clôture la guerre de Hollande lors de la paix de Nimègues le 10 août 1678. C’est grâce à cette victoire que Louis XIV acquiert son surnom de Louis le Grand. A Versailles, ce triomphe est célébré sur le plafond de la galerie des Glaces afin de faire connaitre à tous les hauts faits du souverain.
Dans les jardins, le Bosquet de l’Arc de triomphe va lui être dédié, et c’est le seul à Versailles à acquérir une portée politique. La France est donc représentée triomphante, vêtue à la romaine et assise sur son char. Elle brandit une lance de la main droite et de la gauche s’appuie sur un bouclier représentant le Soleil et des fleurs de lys. Aux pieds du char se trouvent des trophées militaires et deux hommes captifs qui se détournent de la France représentant les puissances vaincues. À gauche, c’est l’Espagne, reconnaissable au lion sur lequel l’homme est assis, et à droite c’est le Saint Empire, reconnaissable à l’aigle, symbole impérial. Les deux animaux semblent terrassés et deux jets d’eau jaillissent de leurs bouches. Enfin, sur le bas du gradin, un dragon à trois têtes agonise, symbolisant l’échec de la ligue des Provinces Unies (qui ne sont pas représentées), de l’Espagne et du Saint-Empire.
« On ressortira par le Dragon, on passera par l’allée des Enfants, et quand on sera sur la pierre qui est entre les deux bassins d’en bas, on se tournera pour voir d’un coup d’oeil tous les jets de Neptune et du Dragon ; on continuera ensuite de monter par la dite allée.»
Louis XIV
En 1661
Le Bassin du Dragon
La fontaine du Dragon se situe dans le bassin portant le même nom, le bassin du Dragon. Elle représente une des nombreuses légendes qui entourent la vie d’Apollon. Le serpent Python est tué d’une flèche par le dieu grec.
Le bassin du Dragon se trouve au niveau de l’intersection entre l’avenue de Trianon et l’allée d’Eau, au Nord-Est du parc. Le bain des Nymphes est situé à son côté Nord. Depuis le château, il précède le bassin de Neptune. Le bassin du Dragon représente un des épisodes de la légende apollinienne : le dragon Python, qui fut tué d’une flèche par le jeune Apollon. Lancé par Junon à la poursuite de Latone, enceinte d’Apollon et d’Artémis, le dragon devait empêcher Latone d’accoucher, afin de la punir de son union avec Jupiter. Il terrorisait la population de Delphes en veillant sur son oracle, consacré au départ à Thémis, déesse de la Justice. Le jeune Apollon le perça de ses flèches et se rendit maître de l’oracle nommée Pythie puis, afin d’apaiser la colère de Gaïa, mère de Python, il créa les Jeux Pythiques.
A Versailles, les frères Marsy ont choisi de représenter le dragon agonisant, percé des flèches d’Apollon, et crachant son sang figuré par l’immense jet d’eau sortant de sa gueule. Il a une crinière de cheval, des ailes pointues et une queue de poisson. Autour de lui, se trouvent quatre enfants armés d’arcs et de flèches, qui symbolisent Apollon, montés sur des cygnes et escortés par quatre dauphins.
Les fontaines constituent une mise en scène, un spectacle, utilisé par Louis XIV dans le cadre des bosquets et des jeux d’eau afin de participer à la glorification de son règne.
La grotte de Thétys
( Inspiré du texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Cette grotte artificielle est construite en 1666 au nord du château par Louis Le Vau sur des dessins de Claude Perrault et Charles Le Brun.
Elle reprend la mythologie de Téthys, déesse grecque, fille d’Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre), sœur et épouse d’Océan. Elle personnifie la fécondité marine et chaque soir, elle reçoit le Soleil qui vient se coucher au terme de son voyage céleste. On y voit ainsi symboliser le repos du souverain après sa journée de travail et ses soirées consacrées au délassement.
Le thème de l’eau y est aussi prépondérant car le bâtiment sert de réservoir pour les nombreuses fontaines du parc. Néanmoins, ce réservoir s’avérera rapidement insuffisant.
L’intérieur est composé de trois parties. Le première sert de «lieu par où l’on rentre». Dans la seconde sont exposés les groupes de statues : Apollon au centre, entouré de nymphes marines qui lavent le dieu et de part et d’autre les chevaux de son char solaire, bouchonnés par des serviteurs. Dans une troisième partie, derrière un mur, est installé un orgue hydraulique pour faire varier les jeux d’eaux. Le sol est recouvert de marbre et de galets.
Les piliers ainsi que les murs de la grotte sont tapissés de coquillages, de galets et de pierres colorées formant des compartiments ornés des chiffres du Roi ainsi que des frises.
La grotte de Téthys évoquée dans L’Allée du Roi de Nina Campanez (1995).
Deux niches dans la première salle abritent les statues de Galatée et Acis. Elles évoquent la légende de la nymphe marine amoureuse du fils du dieu Pan. Le cyclope Polyphème jaloux lance sur Acis un rocher arraché de l’Etna. Voyant des filets de sang couler sous le rocher, la nymphe les transforme en rivière afin de pouvoir s’y baigner tous les jours.
Dans la deuxième partie de la grotte, les groupes de statues de marbre de François Girardon trônent dans trois niches en rocaille.
En 1684, la grotte de Téthys est détruite pour laisser place à la construction de l’aile du Nord. Les sculptures sont envoyées à l’actuel Bosquet des Dômes où les copies des statues d’Acis et Galatée sont toujours présentes. On parle alors du Bosquet des Bains d’Apollon. En 1704, les groupes d’Apollon par Girardon sont déplacés du Bosquet des Dômes vers le Bosquet du Marais qui est complètement remanié et appelée à son tour bosquet des Bains d’Apollon. Le bassin central est détruit et remplacé par une fontaine qui accueille les trois groupes. Ceux-ci sont placés sur des socles de marbre d’où l’eau s’échappe. Ils sont abrités des intempéries par des baldaquins dorés. Il subsistera jusqu’en 1778. Pour plaire à Marie-Antoinette et profitant de la replantation du parc, Louis XVI fait aménager une nouvelle grotte de Téthys que nous connaissons aujourd’hui, sur les dessins d’Hubert Robert.
« On descendra par la rampe droite de l’Orangerie et l’on passera entre le jardin des orangers, on ira droit à la fontaine d’où l’on considérera l’Orangerie, on passera dans les allées des grands orangers, puis dans l’Orangerie couverte, et l’on sortira par le vestibule du côté du Labyrinthe.»
Louis XIV
De 1683 à 1685
L’Orangerie,
Protéger les arbres du Roi
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Édifiée entre 1683 et 1685, sous la direction d’Hardouin-Mansart, l’orangerie succède à un premier bâtiment, dû à Le Vau, situé plus au nord et détruit. A l’intérieur, la galerie principale, longue de 156 mètres et voûtée en plein cintre, abrite les orangers durant la saison froide. Deux galeries en retour s’achèvent sous les escaliers des Cent-Marches qui jouent le rôle de contreforts à l’ensemble.
Les murs, de quatre à cinq mètres d’épaisseur, les doubles vitrages des baies et l’exposition au Midi permettent de maintenir l’hiver une température qui ne descend pas au-dessous de 5°. Pour peupler l’Orangerie, Louis XIV rassemble tous les orangers des maisons royales et multiplie les acquisitions de nouveaux sujets en Italie, en Espagne et au Portugal. Il est alors de bon ton chez les courtisans, pour faire leur cour au Roi, d’offrir leurs propres orangers. La hâte avec laquelle on les transporte cause bien des pertes mais l’Orangerie de Versailles peut bientôt s’enorgueillir de posséder la plus grande collection d’Europe.
Le parterre de l’Orangerie s’étend sur pas moins de trois hectares. Sous Louis XIV, il est orné de sculptures aujourd’hui au musée du Louvre. Composé de quatre pièces de gazon et d’un bassin circulaire, il accueille en été 1055 arbres en caisses, dont orangers, palmiers, lauriers roses, grenadiers et arbustes du genre Eugenia, qui séjournent en hiver à l’intérieur du bâtiment.
« On entrera dans le Labyrinthe et après avoir descendu jusqu’aux canes et au chien, on remontera pour en sortir du côté de Bacchus.»
Louis XIV
Le Labyrinthe
Le bosquet du Labyrinthe, construit par André Le Nôtre sur ordre de Louis XIV, est d’abord un bosquet purement végétal. De nombreuses fontaines sont ajoutées entre 1665 et 1673, contant les fables d’Ésope. Aujourd’hui encore le souvenir de ce labyrinthe persiste comme étant l’un des plus myhtiques endroits disparus de Versailles, en raison notamment des nombreuses sculptures en plomb animées de jets d’eau et représentant des animaux. Pour sa réalisation, André Le Nôtre s’inspire une nouvelle fois de la mythologie, notamment du mythe de Thésée et du Minotaure. Le labyrinthe, énigmatique et mystérieux, plonge ceux qui arpentent ses allées au cœur d’une végétation luxuriante.
« Entre tous les bocages du petit parc de Versailles, celui qu’on nomme le labyrinthe est surtout recommandable par la nouveauté du dessin et par le nombre et la diversité de ses fontaines. Il est nommé labyrinthe parce qu’il s’y trouve une infinité de petites allées tellement mêlées les unes aux autres qu’il est presque impossible de ne pas s’y égarer. Mais aussi afin que ceux qui s’y perdent puissent se perdre agréablement. Il n’y a point de détour qui ne présente plusieurs fontaines en même temps à la vue, en sorte qu’à chaque pas on est surpris par quelque nouvel objet. »
Situé à l’extrémité sud des jardins de Versailles au XVIIe siècle, il sera remplacé par le bosquet de la Reine sous Louis XVI qui jugera son entretien bien trop coûteux.
« On ira voir la salle du bal, on en fera le tour, on ira dans le centre et l’on en sortira par le bas de la rampe de Latone. »
Louis XIV
Le Bosquet des Rocailles,
La salle de bal du jardin de Versailles
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
La Salle de Bal est le dernier bosquet aménagé par Le Nôtre (1613-1700). Les travaux débutent en 1680. En 1685, le Grand Dauphin inaugure les lieux par un brillant souper. La situation du bosquet, en contrebas du Parterre d’eau et de l’amphithéâtre de Latone, a conduit Le Nôtre à exploiter l’importante différence de niveau pour créer, à l’est, une large cascade prenant appui sur le remblai. C’est la seule cascade des jardins versaillais car, faute d’un relief important et surtout d’eau en abondance, il n’était guère facile d’en aménager.
« On ira voir la salle du bal, on en fera le tour, on ira dans le centre et l’on en sortira par le bas de la rampe de Latone.»
Louis XIV
Deux allées sinueuses donnent accès au bosquet. Leur tracé ne fait découvrir qu’au dernier moment le vaste amphithéâtre dans l’arène duquel deux rampes de galets permettent de descendre. Des gradins engazonnés, soulignés par des buis taillés et desservis par des escaliers, ceinturent l’ensemble à la manière d’un cirque à l’antique et s’interrompent pour faire pla Le Bosquet des Rocailles ce à une imposante cascade.
A l’origine, le centre de l’arène était creusé d’un petit canal circulaire formant un îlot auquel conduisaient quatre ponceaux. En 1707, lors de travaux de simplification des bosquets que le Roi lui confie, Mansart supprime ce dernier dispositif.
La cascade s’élève sur huit niveaux et est alimentée à son sommet par deux bouillons et par trois urnes ornées de meulières et de coquillages. Le bosquet a reçu un imposant mobilier de plomb doré composé de vases et de hauts guéridons conçu par Houzeau et dont la réalisation a été confiée à divers sculpteurs.
« On ira droit au point de vue du bas de Latone, et en passant on regardera la petite fontaine du satyre qui est dans un des bosquets ; quand on sera au point de vue, on y fera une pause pour considérer les rampes, les vases, les statues, les Lézards, Latone et le château ; de l’autre côté, l’allée royale,l’Apollon, le canal, les gerbes des bosquets, Flore, Saturne, à droite Cérès, à gauche Bacchus.»
Louis XIV
En 1670
Le bassin du Char d’Apollon,
Toute la symbolique de Louis XIV
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Dans la mise en place de la Grande Perspective, le bassin au bout de l’Allée Royale joue un rôle de premier plan. Il existe déjà en 1662, au moment du début de l’intervention de Le Nôtre à Versailles.
« On descendra à l’Apollon, où l’on fera une pause pour considérer les figures, les vases de l’allée royale, Latone et le château ; on verra aussi le canal. Si on veut voir le même jour la Ménagerie et Trianon, on ira devant que de voir le reste des fontaines.»
Louis XIV
Il garde sa forme quadrilobée quand, de pièce d’eau des Cygnes, il devient bassin d’Apollon. Empreinte d’italianisme, la grande composition en plomb du char d’Apollon par Tuby, de 1668, est inspirée de l’antique. L’œuvre de Jean-Baptiste Tuby (1635-1700), d’après un dessin de Le Brun, s’inspire de la légende d’Apollon, Dieu du Soleil et emblème du Roi et montre le Dieu jaillissant de l’onde et s’apprêtant à effectuer sa course quotidienne au-dessus de la terre. Tuby exécute ce groupe monumental entre 1668 et 1670 à la manufacture des Gobelins, date à laquelle il est transporté à Versailles puis mis en place et doré l’année suivante.
De 1679 à 1681
Le bassin de Neptune
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
C’est sous la direction de Le Nôtre qu’est construit, le bassin de Neptune, qui est un des plus grands bassins des jardins du château de Versailles. Appelé à l’origine « Pièce d’eau sous le Dragon » à cause de sa situation en deçà de la fontaine dite du Dragon, le bassin Neptune est composé de statues et de fontaines qui font de lui un des bassins les plus important du jardin. Il équilibre la Pièce d’eau des Suisses creusée à la même époque au-delà de l’Orangerie.
Décoré en 1683 d’une ornementation marine conçue par Le Brun, il mobilise vingt-quatre sculpteurs pour les vases, coquilles et masques de son mur de soutènement. S’inspirant des thèmes mythologiques de Neptune et d’Amphitrite, Coysevox, Houzeau, Raon préparent des modèles qui sont mis en place et présentés au Roi le 17 mai 1685.
Mais la France entre alors en guerre qui ajourne par deux fois l’exécution définitive.
En 1733, le dessin du bassin est simplifié et trois ans plus tard, Philibert Orry, Directeur des Bâtiments Royaux, reprend le projet de décoration abandonné sous Louis XIV. Cinq groupes de métal orneront le mur de soutènement et les deux coins du bassin. Il sera encore restauré en 1785 puis en 1883 et 1888 et les vases, masques et coquilles seront remplacés.
En 1685
Au nord, la construction d’une aile réservée aux princes de sang entraîne la destruction de la grotte de Téthys.
Sur la place d’Armes, de part et d’autre de l’avenue de Paris, l’architecte édifie des écuries capables d’abriter des centaines de chevaux et de carrosses. Chacune a sa spécialité : La Grande Écurie accueille les chevaux de selle destinés au manège ou à la chasse. La Petite Écurie, les bêtes d’attelage et les carrosses. Elles ne possèdent qu’un rez-de-chaussée afin de ne pas gêner la vue depuis le château.
Le Buffet d’eau,
Le souvenir de Louis XIV au Grand Trianon
( texte et illustration de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette fontaine est l’œuvre de Jules Hardouin-Mansart. Elle est construite en 1702, puis modifiée et adaptée à plusieurs reprises selon des directives très précises de Louis XIV. Elle s’étage en trois gradins de marbres aux couleurs variées, opposant les teintes soutenues des murs (Rouge du Languedoc et Campan royal), au marbre blanc de Carrare des vasques et des ornements. Les figures en plomb, autrefois dorées, viennent compléter cet ensemble : au sommet, Neptune et Amphitrite encadrés de deux lions, puis quatre jeunes tritons s’ébattant sous des vasques, ainsi que divers bas-reliefs de divinités marines et de guirlandes.
De multiples effets d’eau animaient cette fontaine composée en cascade, dont chaque degré forme un effet de nappe, alimentant ensuite la série de vasques de marbre blanc. Les lances et bouillons étagés semblaient sortir des vasques qui garnissent les gradins et définissaient les lignes verticales de cette majestueuse composition. Des jets obliques jaillissaient de quatre masques représentant les vents (Borée, Euros, Auster, Zéphyr) et ornant la paroi du degré inférieur. La polychromie des marbres se trouvait alors magnifiée par le scintillement des eaux.
En 1709
Le bassin des enfants dorés
( texte et photos de Christophe Duarte ; Versailles – Passion )
Le bassin des Enfants Dorés dit également Bassin de l’Île aux Enfants, est établi en lisière Ouest du Bosquet du théâtre d’eau. Il est créé par Jules Hardouin-Mansart, en 1704 lors de la campagne de travaux conduite dans le jardin, qui crée le percement d’un certain nombre d’allées secondaires en franges des bosquets, ouvrant ainsi plus largement les salles de verdure plus secrètes antérieurement composées par Le Nôtre.
Quelques années plus tard, en 1709, ce petit bassin de forme elliptique est complété d’une composition centrale, sous la conduite du duc d’Antin, successeur de Hardouin-Mansart. Cette nouvelle fontaine, appelée L’Île aux Enfants est ornée en son centre d’un groupe de huit chérubins, figures en plomb sculptées par Jean Hardy à partir de 1704 et placées dans les bassins du parc de Marly avant d’être finalement réemployées à Versailles.
Le rocher formant cette Île aux enfants, en plomb, est orné d’une profusion de différents motifs de fleurs et feuilles aquatiques en relief. A sa base, il est traversé de part et d’autre par la canalisation alimentant, au milieu du rocher, l’ajutage du jet central. De près de quinze mètres, ce dernier forme le seul effet d’eau du bassin.
« On passera après à la Pyramide, où l’on s’arrêtera un moment, et après on remontera au château par le degré de marbre qui est entre l’Aiguiseur et la Vénus honteuse, on se tournera sur le haut du degré pour voir le parterre du Nord, les statues, les vases, les couronnes, la Pyramide et qu’on peut voir de Neptune, et après on sortira du jardin par la même porte par où l’on est entré. »
Louis XIV
Sources :
- Antoinetthologie
- Versailles – passion ; groupe FB de Christophe Duarte
- Mémoires de Louis XIV/Mémoires pour l’instruction du Dauphin