La salle de banquet et de bal pour la fête donnée à Marly
pour la naissance du Dauphin Louis Joseph en 1781
(texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
La fête offerte à la cour dans les jardins de Marly ne fait l’objet d’aucune relation. Seuls les dessins de Pâris conservent le souvenir. Alain-Charles Gruber proposait en 1972 de situer cette fête peu avant la naissance du Dauphin pour féliciter Marie-Antoinette de sa nouvelle grossesse. Les festivités pouvaient avoir été données en juillet 1781, lors du séjour de Joseph II à la cour.
Dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi, Pierre Adrien Pâris est naturellement chargé de fournir les projets des architectures éphémères. À en juger par les dessins conservés à Besançon, il apporte un soin extrême à l’élaboration de la salle de bal et de banquet installée entre la pièce d’eau des Gerbes et la grande pièce d’eau, et à celle du portique qui était destiné à masquer le feu d’artifice et épousait la courbe du bassin à l’extrémité de la grande pièce d’eau.
Chacune des constructions est extrêmement légère. La salle de bal et de banquet se caractérise par l’omniprésence de la verdure utilisée pour son décor. Le pavillon circulaire d’ordre ionique qui en constituait le centre disparaît sous les treillages feuillagés, les charmilles taillées et les fleurs. L’entrée en est soulignée par un grand arc enrichi de rideaux cramoisis et or.
À l’intérieur, le plan ménage de nombreux effets de surprise. Les loges en estrade permettent au public de prendre place. Pour le banquet, donné pendant la journée, le décor d’architecture ainsi que les absides latérales avaient été dissimulés par des treillages dorés de feuillages donnant au plafond l’aspect d’un bosquet de charmille. Chacune des loges était tendue de draperies cramoisies et or.
La nuit venue, pour le bal, tous les treillages étaient ôtés afin de laisser apparaître l’ordre corinthien rythmant de colonnes et de pilastres tout le pourtour de la salle, et les niches garnies de statues-torchères. Des buffets avaient été dressés dans l’hémicycle et des vasques agrémentées de jets d’eau avaient pris place dans les deux absides. Le plafond présentait un décor de ciel et, sur sa corniche, des figures allégoriques et des draperies.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.
a Reine a très bien passé la nuit, Elle sent quelques douleurs en s’éveillant, mais Elle se baigne malgré tout. Les douleurs reprennent à dix heures et demie.
Seuls les membres de la famille royale, quelques dames de la Maison de la Reine et le garde des Sceaux sont autorisés à pénétrer dans la chambre de la Reine. Que les autres patientent dans le salon voisin ! Louis XVI accepte de les laisser entrer au tout dernier moment, et encore, ils restent bloqués au fond de la pièce, pour que l’air puisse circuler correctement.
Le Dauphin porte à la fois le prénom du frère aîné du Roi, le duc de Bourgogne, dont il a été le compagnon de jheu et peut-être aussi le souffre-douleur dans sa tendre enfance, mais c’est aussi le prénom du frère aîné de la Reine, l’Empereur Joseph II. C’est donc un double hommage.
« La reine est accouchée d’un dauphin aujourd’hui à une heure vingt-cinq minutes après midi… On avertit Mme la duchesse de Polignac à onze heures et demie. Le roi était au moment de partir pour la chasse avec Monsieur et M. le comte d’Artois. Les carrosses étaient déjà montés, et plusieurs personnes parties. Le roi passa chez la reine ; il la trouva souffrante, quoiqu’elle n’en voulut pas convenir. Sa majesté contre-manda aussitôt la chasse. Les carrosses s’en allèrent. Ce fut le signal pour tout le monde de courir chez la reine, — les dames, la plupart dans le plus grand négligé, les hommes comme on était. Le roi cependant s’était habillé. Les portes des antichambres furent fermées, contre l’usage, pour ne pas embarrasser le service, ce qui a produit un bien infini. J’allai chez la duchesse de Polignac, elle était chez la reine ; mais j’y trouvai Mme la duchesse de Guiche, Mme de Polastron, Mme la comtesse de Grammont la jeune, Mme de Deux-Ponts et M. de Châlons. — Après un cruel quart d’heure, une femme de la reine tout échevelée, tout hors d’elle, entre et nous crie : « Un dauphin ! mais défense d’en parler encore. » Notre joie était trop grande pour être contenue. Nous nous précipitons hors de l’appartement, qui donne dans la salle des gardes de la reine. La première personne que j’y rencontre est Madame, qui courait chez la reine au grand galop. Je lui crie : « Un dauphin, madame ! quel bonheur ! » Ce n’était que l’effet du hasard et de mon excessive joie ; mais cela parut plaisant, et on le raconte de tant de manières que je crains bien que cela ne servira pas à me faire aimer par Madame.
L’antichambre de la reine était charmante à voir. La joie était au comble, toutes les têtes en étaient tournées. On voyait rire, pleurer alternativement des gens qui ne se connaissaient presque pas. Hommes et femmes sautaient au cou les uns des autres, et les gens les moins attachés à la reine étaient entraînés par la joie générale ; mais ce fut bien autre chose quand, une demi-heure après la naissance, les deux battants de la chambre de la reine s’ouvrirent, et qu’on annonça M. le dauphin. Mme de Guéménée, toute rayonnante de joie, le tint dans ses bras, et traversa dans son fauteuil les appartements pour le porter chez elle. Ce furent des acclamations et des battements de mains qui pénétrèrent dans la chambre de la reine et certainement jusque dans son cœur. C’était à qui toucherait l’enfant, la chaise même. On l’adorait, on la suivait en foule. Arrivé dans son appartement, un archevêque voulut qu’on le décorât d’abord du cordon bleu, mais le roi dit qu’il fallait qu’il fût chrétien premièrement. Le baptême s’est fait à trois heures après midi … »
Stedingk, ambassadeur de Suède en France, à Gustave III
La Reine se met sur Son lit de travail à une heure et un quart (juste à la montre de Louis XVI ) . L’accouchement ne dure que cinq quarts d’heure.
« On n’avait pas osé dire d’abord à la reine que c’était un dauphin, pour ne pas lui causer une émotion trop vive. Tout ce qui l’entourait se composait si bien que la reine, ne voyant autour d’elle que de la contrainte, crut que c’était une fille. Elle dit : « Vous voyez comme je suis raisonnable, je ne vous demande rien. » Le roi, voyant ses inquiétudes, crût qu’il était temps de l’en tirer. Il lui dit, les larmes aux yeux : « M. le dauphin demande d’entrer. » On lui apporta l’enfant, et ceux-qui ont été témoins de cette scène disent qu’ils n’ont jamais rien vu de plus touchant. Elle dit à Mme de Guéménée, qui prit l’enfant : « Prenez-le, il est à l’état ; mais aussi je reprends ma fille. » Il est temps que je finisse ce bulletin ; je demande très humblement pardon à votre majesté du désordre qui y règne. On me dit que le courrier part, et je n’ai pas le temps de le mettre au net. »
Stedingk, ambassadeur de Suède en France, à Gustave III
Le Dauphin est baptisé à trois heures de l’après-midi. La cérémonie est célébrée par le cardinal prince de Rohan, grand aumônier et évêque de Strasbourg. Son parrain est l’Empereur Joseph que représente son oncle paternel le comte de Provence. Sa arraine est la princesse de Piémont, Madame Clotilde, que représente son augtre tante, Madame Elisabeth.
La naissance de Dauphin assoie Marie-Antoinette dans Sa situation pour laquelle on L’a mariée. Elle n’est plus seulement l’épouse du Roi (actuel), Elle est aussi la mère du prochain Roi.
Pour la naissance de Louis-Joseph furent données de grandes fêtes dont voici une représentation :
« Le délire patriotique pour la naissance d’un dauphin, loin de se ralentir, ne fait que s’accroître par la fermentation générale. Les femmes la manifestent jusque dans la frivolité de leurs modes. Elles portaient, il y a quelque temps, au lieu de diamants aux oreilles ou dans les cheveux, des médaillons au cou : ensuite elles y ont substitué des Jeannettes, c’est-à-dire, des croix d’or, comme en ont les femmes de la campagne, bientôt enrichies de diamants superbes. Aujourd’hui c’est un dauphin qui a pris la place de ce signe de notre religion. Enfin, les broderies à la mode pour les souliers sont un nœud à quatre rosettes, surmonté d’une couronne, dont le centre est occupé par un dauphin : au-dessus est écrit en lettres d’or:
Vive le Roi ! au milieu, Vive la Reine ! et au-dessous, Vive monseigneur le Dauphin ! »Les Mémoires secrets
Le 30 octobre 1781
Le Dauphin est venu au monde voici huit jours… Il pèse 13 livres et mesure 22 pouces de long.
Sa nourrice est une simple paysanne, bien fraîche, bien portante, nommée Geneviève Poitrine, et qui a eu le bonheur de l’emporter sur des femmes d’une naissance plus distinguée.
Le 2 mars 1782
Le décès de la tante du Roi madame Sophie permet à Marie-Antoinette de trouver une solution, première étape de cette éducation par Ses soins, en récupérant son ancien appartement situé au milieu du rez-de-chaussée du corps central. Marie-Antoinette souhaite y installer un deuxième appartement, plus intime et plus confortable que le Sien à l’étage, plus accessible également pour Sa jambe malade depuis Sa chute de cheval. Elle décide à l’automne d’y vivre avec sa fille, dont l’éducation est désormais de Sa seule autorité. Ceci aussi afin de soulager la Gouvernante madame de Guéménée qui se plaint du surcroît de travail depuis la naissance du Dauphin.
En octobre 1782
Au même moment, une nouvelle occasion va permettre à Marie-Antoinette de se rapprocher encore plus de Ses enfants.
La gouvernante, la princesse de Guéménée et son mari connaissent une banqueroute sans précédent. Obligée de démissionner et de quitter la Cour, Marie-Antoinette, sourde aux objections de nombreux courtisans qui souhaitent y voir une nouvelle grande dame bien titrée, comme la princesse de Chimay ou la duchesse de Duras et même madame Adélaïde qui a fait ses preuves auprès de ses neveux et nièces trop tôt orphelins, choisit Sa meilleure amie la duchesse de Polignac, avec qui Elle partage les mêmes préoccupations maternelles.
Il s’agit bien plus qu’une intrigue de deux amies. Marie-Antoinette devant une gouvernante des enfants de France, jalouse de ses privilèges et prérogatives, issue d’une grande famille de la noblesse, qui ne doit rien à l’actuelle Reine de France, ne peut imposer Ses droits maternels. Avec madame de Polignac, Marie-Antoinette peut éduquer Ses enfants selon Ses désirs, les avoir près d’Elle aussi souvent qu’Elle le souhaite. Les douceurs de l’amitié auxquelles Elle tient tant s’unissent aux joies de la maternité.
Louis XVI va dans le sens de son épouse, souhaitant lui aussi malgré tout une véritable vie familiale, tout en sauvegardant les apparences d’une vie de Cour héritée de Louis XIV. Si le couple royal ne s’entend pas sur de nombreux points, le bien-être de leurs enfants les réunit toujours. Et Louis XVI a une entière confiance en madame de Polignac.
Madame de Polignac est plus spécialement chargée du Dauphin, Marie-Thérèse aura pour elle une de ses sous-gouvernantes, madame d’Aumale. Mais sa véritable gouvernante est désormais sa mère. Marie-Thérèse suit la Reine lors de Ses séjours au Petit Trianon, tandis que son frère loge au Grand Trianon avec madame de Polignac.
De Versailles le 14 août 1783
« M. le dauphin me charge, ma chère Georgine, de vous remercier du charmant présent que vous lui avez envoyé, et il m’a donné ses ordres pour vous adresser un échantillon de nos manufactures de dentelles. Il ne pouvait trouver un meilleur moyen de les faire valoir que d’en parer ma belle Georgine, qui pare elle-même tout ce qui l’approche. Ainsi le présent que je vous envoie est un trait de politique pour donner du prix et de l’éclat à nos manufactures. Il y a de plus une boucle de ceinture de lévite – on les porte[?] actuellement.»
Madame de Polignac à Georgiana de Devonshire
Le 29 septembre 1783
« Mes enfants se portent très bien. Mon fils passera le temps du voyage à la Muette; c’est une bêtise des médecins qui ne veulent pas qu’il fasse un aussi long voyage à son âge, quoiqu’il a ses vingt dents et qu’il est très fort.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Deux témoignages montrent l’attention que portait le Roi au bien-être et à la sécurité de ses enfants : la première est une trace qui nous est encore permis de voir dans les escaliers dérobés des appartements royaux, reliant ceux du Roi, de la Reine et des enfants au rez-de-chaussée lorsqu’ils seront enfin définitivement installés dans le corps central du château : des cordons à hauteur d’enfants servant de rampes.
Un autre nous est donné une fois de plus par Sophie Von La Roche (1730-1807) : visitant la galerie du Grand Trianon que nous appelons aujourd’hui galerie des Cotelles pour ses peintures qu’elle venait admirer, elle remarque :
«Les enfants royaux viennent souvent jouer dans cette galerie, c’est pourquoi tous les pieds de table sont enveloppés de pattes d’ours, c’est-à-dire qu’ils sont rembourrés et recouverts de flanelle velue pour que les enfants, s’ils tombent, ne se blessent pas.»
Cela permet également de penser que si la petite fille séjourne auprès de sa mère au Petit Trianon, elle rejoint aussi son jeune frère installé au Grand Trianon afin de partager ses jeux. Ces témoignages sont particulièrement émouvants et démontrent dans quelle atmosphère d’amour et de sécurité vit la princesse auprès de ses parents malgré une vie de Cour contraignante.
Le 20 décembre 1783
« Mon fils se porte à merveille. Je l’ai trouvé fortifié et parlant bien.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Madame Campan a peut-être enjolivé, exagéré un ou plusieurs exemples de charité de la Reine auprès de ses enfants, afin de donner au moment de la Restauration une autre image que celle d’une Reine écervelée uniquement préoccupée de ses plaisirs personnels. Image fausse, madame Campan en témoigne encore :
« La Reine conduisait ses enfans, deux fois l’An, au Carmel de Saint-Denis. Une fois, Madame Royale, âgée alors de cinq à six ans, laissa tomber son mouchoir; la Reine, par un regard, lui témoigne le désir qu’elle a de le lui voir ramasser elle-même ; et comme les religieuses se baissaient pour lui épargner ce soin : « Non, non, ma tante, dit la « Reine à Madame Louise, je ne le permettrai pas : c’est ici la maison de l’humilité ; je veux « que ma fille, tout enfant qu’elle est, y reçoive « une leçon d’obéissance et de modestie ».
Les Bourbons martyrs, ou, Les augustes victimes (1821)
Le 3 avril 1784
Le 22 septembre 1784
« Tout le monde est étonné du bon état dans lequel mon fils est revenu de la Muette.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 5 novembre 1784
« Mes enfants se portent à merveille.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Ce portrait du Dauphin se retrouve sur ce tableau conservé au musée des Beaux-Arts de Grenoble :
Le 4 février 1785
« Mes enfants se portent à merveille.»
Marie-Antoinette à Joseph II
« La Reine ayant eu le bonheur de conserver la tendre amitié de Madame Louise, venait, deux fois l’année, à Saint-Denis, pour rendre ses devoirs à Sa tante. Elle lui amenait Ses jolis enfants, dont toutes ces bonnes Religieuses se montraient idolâtres; et la visite du jour de l’An était plus particulièrement consacrée aux cadeaux. Lorsque le duc de Normandie fut en sevrage, on le transporta chez la Fille de Louis XV, qui brûlait d’impatience de le voir. La Communauté, réunie en cercle, admira tout à son aise ce beau petit garçon, dont la physionomie, déjà distinguée comme celle de sa mère, promettait un si brillant avenir.
Comme on allait se séparer pour remonter dans les voitures, la Prieure bienveillante articula ces mots: Nos quatre Novices, que retiennent en ce moment les travaux de la Buanderie, vont être bien affligées de n’avoir pas vu ce que nous voyons!… Mais ce sera pour une autrefois.
— « Non, non, ma chère Tante, s’écria la Reine aussitôt : Je comprends la privation de ces saintes « filles. Allons toutes, de ce pas, à la Buanderie, que « je n’ai pas encore remarquée. Mon Fils voyagera « dans votre monastère, et ne s’en portera que mieux. »
On se transporta gaiement jusqu’aux verdures où coule la jolie rivière intérieure. Les quatre Novices et les Sœurs Converses eurent la satisfaction de voir la Reine, et de baiser la main de son cher Enfant.»
L. Lafont d’Aussonne dans des Mémoires secrets et universels des Malheurs et de la Mort de la Reine de France
Le 27 mars 1785
Louis-Joseph a un petit frère, Louis-Charles, duc de Normandie.
Le 16 mai 1785
«Mes enfants se portent à merveille. Et le petit est plus fort qu’on ne l’est ordinairement à son âge.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 8 août 1785
« Mes enfants se portent à merveille. A la fin du mois, nous irons nous établir à Saint Cloud pour l’inoculation de mon fils.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 22 août 1785
« Mes enfants sont à merveille. Mon fils aîné sera inoculé le 3 ou le 4.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 22 août 1785
« Mon fils vient d’être inoculé et s’en porte à merveille. Il est bien heureux qu’il l’ait été car il l’aurait eue affreuse. Outre les boutons des piqûres et à différents endroits du corps, il a pu une seconde éruption qui l’a fait beaucoup souffrir, mais une médecine donnée à temps a paré à tous les inconvénients, en ne laissant pourtant pas de doute sur l’efficacité de l’inoculation.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 17 octobre 1785
« Mes enfants se portent à merveille. Le petit mouvement de fièvre qu’a eu mon fils aîné n’a pas eu de suite. Il est à présent rentré à Versailles où, dans huit jours, j’irai le rejoindre.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 27 décembre 1785
« Mes enfants se portent à merveille. Quoique mon fils cadet souffre beaucoup des dents, il se fortifie tous les jours et, dans les moments où la douleur est passée, il est d’une gaieté singulière (NB : par rapport à son frère?»
Marie-Antoinette à Joseph II
En juin 1786
Marie-Antoinette de nouveau enceinte ne peut accompagner son époux lors de son voyage pour la Normandie. Son retour est d’après les témoins un moment très touchant, la Reine accourant malgré Son état avec Ses trois enfants afin de se jeter dans les bras du Roi. Le public est alors particulièrement friand de scènes «sensibles». Néanmoins, la joie des enfants au retour de leur père ne peut être feinte et démontre une fois de plus les relations particulièrement affectueuses qui règnent au sein de la famille royale.
Le 9 juillet 1786
Une petite sœur arrive, Sophie Hélène Béatrix.
« La reine avait l’habitude de venir après le dîner chez Madame la duchesse de Polignac ou, plus précisément, de Monsieur le Dauphin, dont elle était gouvernante. Un jour, elle a fait apporter un petit dessin à l’aquarelle qu’elle avait fait dans le parc de Trianon. Il a laissé ce dessin sur une table dans sa boîte à couleurs et est allé jouer au tric-trac avec la princesse de Lamballe et le baron de Vioménil. J’ai profité de ce moment pour prendre la boîte de couleurs et je suis allé dans le cabinet de Madame de Polignac. C’est là que je me suis précipité d’ajouter au dessin une petite scène à laquelle j’avais assisté au même endroit. Quelques jours plus tôt, la reine est allée se promener à Trianon pour voir le travail qu’elle avait commandé là-bas. Elle se trouva à côté d’un petit travailleur qui transportait de l’herbe dans une brouette ; elle a dit qu’elle voulait se vanter d’avoir travaillé dans son jardin ; elle a pris la brouette des mains de ce jeune homme et commença à la pousser. Elle n’avait pas prêté attention au fait que le sol était incliné, afin que la brouette la traîne la traîne le plus vite qu’elle ne le souhaitait, la reine l’a laissé tomber en riant. Nous étions différents derrière elle et on a tout de suite remarqué. Le duc de Villequier est arrivé en premier et lui a dit très sérieusement qu’on craignait qu’elle tombe, ce qui a augmenté les rires de la reine.
Puisque le dessin représentait la vue de cette pente, j’ai rapidement peint la scène où la reine laissait partir la brouette en riant et où le duc de Villequier lui parlait. Le duc était facile à reconnaître, petit, avec des épaules larges et un cou court. À son tour, il était encore plus étonnant en ressemblance car les autres personnages étaient de petites figures de six à sept lignes. Ce travail ne m’a pris que deux heures. Après le tric-trac, la reine a joué au billard dans une galerie voisine. J ‘ ai remis le dessin dans la boîte sans que personne ne le remarque, et Madame de Polignac l’a fait ramener à la reine.
Le lendemain matin, Madame de Polignac m’a envoyé un valet à Paris pour me dire de venir à Versailles avant h. C’était vraiment un rendez-vous. » Mon cousin « , m’a-t-elle dit très sérieusement, la reine est furieuse contre vous de vous être permis d’ajouter des figures à son dessin. Elle m’a demandé de vous en témoigner et de vous empêcher d’apparaître devant elle. Donc vous ne pourrez plus venir chez moi à l’heure où elle viendra.
– Ce n’est pas possible, ai-je répondu, selon ma connaissance du caractère de la reine. Je crois, au contraire, qu’elle aurait été très heureuse de voir représenté sur son dessin l’événement de la brouette qui l’avait tant fait rire ; en outre, personne sauf elle, vous et moi, ne peut savoir qu’elle-même n’a pas peint cette petite aventure. Elle peut être sûre de ma discrétion. « » Vous avez raison « , répondit Madame de Polignac ; hier soir, la reine m’a envoyé chercher et m’a montré son dessin, qui n’avait pas ces figures quand elle l’a ramené chez moi. Comme elle avait interrogé ses femmes et que personne ne pouvait lui dire qui avait touché ce dessin, il m’a demandé si, parmi ma compagnie d’hier, je ne soupçonnais pas quelqu’un qui aurait pu faire ces figures. J ‘ ai tout de suite pensé à vous et pendant que j’hésitais à vous nommer, la reine m’a dit gentiment :
– Mais alors parlez ; Je ne suis pas en colère ; Je trouve que l’espace qui est resté libre sur mon dessin son état merveilleusement rempli, et j’ai reconnu le duc de Villequier avec son expression et Madame la comtesse Diane.
-Eh bien, Madame, je vais avouer à Votre Majesté que je crois que le coupable est un de mes cousins, le comte de Paroy, qui est peintre ; je ne peux que suspecter de lui.
-Je vous charge de lui faire savoir ; et de lui faire croire que je suis très en colère. Vous allez le reprocher à voix haute, mais que je trouve finalement qu’il a bien fait et je l’ai vu avec plaisir. Je ne veux pas qu’il en parle, dites-lui. Alors cousin, je vous préviens de tout ça. Je vous ai fait essayer de bonne heure pour vous en informer ; restez déjeuner avec moi ; je suis sûre que la reine ne tardera pas à arriver, mais n’ayez pas l’air de savoir qu’elle n’est pas en colère. Vers midi, la reine est entrée chez Madame de Polignac, alors qu’elle écrivait, je regardais un grand livre d’impression représentant les vues de la Suisse. Je me suis levé et je suis allé dans le compartiment d’une fenêtre ; la reine, en passant devant moi, m’a jeté un regard sévère et se dirigé directement vers Madame de Polignac, à qui elle demanda s’il m’avait parlé : Oui, dit ; sa réponse est qu’elle ne Il a pensé qu’il pouvait manquer à Votre Majesté.
– Oh ! J ‘ y crois que la reine a continué, appelez-le.
– Madame de Polignac m’a fait signe de m’approcher ; j’obéis, respectueusement et avec enthousiasme. » Dessinez très bien » dit la reine en souriant ; vous me l’avez prouvé hier sur mon petit dessin
– Madame, répondis-je, j’ai été témoin de la scène que j’ai tracée là-bas et qui a tellement fait rire Votre Majesté ; je pensais qu’elle ne serait pas déçu de revoir le souvenir dessiné au même endroit que c’était arrivé.
– Madame de Polignac vous a crié, n’est-ce pas ? Elle a suivi les ordres de Votre Majesté, mais j’avais confiance en sa gentillesse en reconnaissant que mon intention était de faire quelque chose qui lui ferait plaisir.
-Vous avez eu une bonne idée ; j’enverrai ce dessin à Bruxelles à ma sœur ; je suis sûre qu’elle va aimer.»Mémoires du comte de Paroy
L’appartement de Madame Royale est, à l’origine, celui de la Dauphine. L’objectif de madame de Polignac puis madame de Tourzel, gouvernantes des Enfants de France, est de faire un appartement unique pour le Dauphin et Madame Royale avec des salles d’études, un dortoir unique.
Le plan montre l’appartement en 1786 où celui-ci avait encore la forme de celui que nous connaissons aujourd’hui : Madame Royale occupe, dès 1787, l’appartement le long de la façade sud et le Dauphin, l’angle du bâtiment.
« A la fin de 1786, à Fontainebleau, la Reine eut prise avec Mme de Polignac, et celle-ci fut assez injustement maltraitée ; il s’agissait d’un médecin donné au duc de Normandie, depuis Louis XVII, à l’insu de sa mère, dans l’objet de lui épargner de l’inquiétude. Ce soin fut pris de travers et des reproches sur des bienfaits vinrent à la suite. Mme de Polignac fut outrée, elle voulut se retirer. Grande alarme de sa société, grand embarras de la Reine. On engagea le Roi à retenir la gouvernante de ses enfants, en lui permettant un voyage en Angleterre au printemps, et acceptant sa démission en attendant, sauf à la lui rendre au retour, ce qui fut exécuté. »
Le comte de Saint-Priest
Depuis 1787, la santé de Louis-Joseph, Dauphin de France, se dégrade.
Le 18 juin 1787
Un premier chagrin apparut dans sa vie : sa petite sœur Madame Sophie meurt à moins d’un an. Celle qui aurait dû partager son éducation auprès de leur mère, alors que ses frères destinés à l’Etat doivent passer aux mains des hommes disparaît trop tôt. D’autant que ses deux cousines, les filles de son oncle le comte d’Artois sont mortes jeunes également. Elle se retrouve donc la seule princesse de la Cour, unique perle du royaume.
A la même époque, ses parents subissent de graves difficultés politiques : Marie-Antoinette est devenue extrêmement impopulaire, vivant comme un terrible camouflet l’Affaire du Collier et Louis XVI ne savait plus comment réformer son royaume.
Louis XVI avait expliqué à son fils l`usage de la boussole en lui enseignant les premiers éléments d`une science non moins agréable qu`utile. Voulant juger à quel point le jeune prince saurait faire l`application de la théorie qu`il avait apprise, le roi sortit un jour avec lui du château de Rambouillet, où la cour se trouvait alors, et dirigea sa promenade jusqu’à un endroit peu éloigné du château.
« Mon ami, lui dit-il, je pense bien que tu auras toujours assez de monde pour te servir et te conduire partout où tu voudras aller ; mais enfin on ne sait pas ce qui peut arriver. Je me suis perdu souvent moi-même, faute de savoir m`orienter, il peut t`en arriver autant, soit à la chasse, soit dans d`autres occasions, et il est honteux pour un propriétaire de s`égarer au milieu de ses domaines. Tu connais les quatre cardinaux ; voyons comment tu vas te tirer d`affaire. Voici ma boussole, prends la route que tu jugeras convenable ; moi, je vais aller par une autre, et je te donne rendez-vous au vieux Rambouillet. »
Le Dauphin partit gaiement , et se croyant parfaitement seul au milieu de la campagne, car il ignorait que des valets de pied, déguisés en paysans, étaient chargés de le suivre de loin, et de veiller à ce qu`il ne lui arrivât aucun accident fâcheux.
Cependant l`heure du diner était passée depuis longtemps et le prince n`arrivait pas au rendez-vous. Le roi commençait à se prendre sérieusement d`inquiétude , lorsqu`il aperçut de loin son fils, traversant les vignes, franchissant les haies et les fossés. L`enfant était couvert de sueur et de poussière ; mais il paraissait fier d`être arrivé sans avoir demandé son chemin à personne.« Ma foi, mon ami, lui dit le roi en riant , je te croyais perdu.-Papa répondit le jeune prince , est-ce que mon coeur ne se tourne pas vers toi plus sûrement encore que ma boussole vers le Nord ? » Réponse aimable en pleine de charme pour un père, qui devait éprouver une double jouissance dans ce mélange heureux d`esprit et de sentiment.Vie de Louis XVII de H. Prévaust
Le cabinet des maquettes,
Le projet de Louis XVI pour l’éducation du Dauphin
(texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
En 1787, afin de parfaire l’éducation scientifique de son fils, Louis XVI projette de faire construire une succession de cabinets le long des réservoirs de l’Opéra. Reliée au château par une galerie pour en facilité la communication, cette succession de pièces se composait d’un grand cabinet de mécanique et d’ustensiles d’artillerie, un cabinet des vaisseaux, un cabinet des plans, un cabinet des machines, un petit cabinet de mécanique, une petite galerie et un vestibule.
Du fait de la situation politique et économique du pays, mais surtout de l’état de santé du Dauphin, cette galerie ne verra jamais le jour.
La chambre du Dauphin
(texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette chambre est l’ancien grand cabinet doré de Monseigneur, dont le plafond a été peint pat Pierre Mignard, et où le le fils de Louis XIV exposait sa collection de tableau. Ce fut plus tard le cabinet de travail du Régent qui y mourut le 2 décembre 1723. Derrière le mur du fond, se trouve la petite chambre dite le caveau.
En 1747, cette pièce est agrandie et transformée en chambre-à-coucher.
Elle conserve l’intégralité de son décor : boiseries sculptées par Jacques Verberckt sur des dessins d’Ange Jacques Gabriel, cheminée en marbre griotte enrichie des figures en bronze doré de Flore et de Zéphir, par Jacques Caffiéri.
Les dessus-de-porte, peints par Jean-Baptiste Pierre, représentent Junon demande sa ceinture à Vénus et Junon trompe Jupiter avec la ceinture de Vénus.
La bibliothèque en laque rouge est l’oeuvre de Bernard Van Risemburgh : Marie-Josèphe de Saxe en possédait une semblable. Le grand meuble à hauteur d’appui en acajou de Guillaume Benneman, datant de 1787, a été placé dans cette pièce pour le fils de Louis XVI. Le lit aurait été commandé à Saint-Cyr par la Marquise de Créquy. Légué par elle à la Marquise du Chatelet sa cousine qui mourut en 1749, il fut acheté en vente publique le 21 mai 1965.
Marc de Bombelles est ému par la princesse lorsqu’on vient lui annoncer la maladie de son frère Louis-Joseph. Pour la première fois la fillette semble touchée. L’enfant, par pudeur se cache derrière un écran afin de cacher ses larmes.
J’ai lu que la tuberculose de Louis-Joseph aurait été provoquée par l’inoculation qu’il a subie … Il semble que ce soit une maladie innée chez le prince comme pour nombre de membres de sa famille, comme son oncle paternel aîné, ou son petit-frère… et que ce soit effectivement l’inoculation qui fera développer la tuberculose dans l’organisme du Dauphin…
« Monseigneur le dauphin jouit d’une mauvaise santé depuis son inoculation. Les alarmes que cause son état occasionnent des murmures contre cette pratique.»
Correspondance secrète
Madame Rousseau, la soeur de madame Campan, est particulièrement attachée au petit prince.
Madame Vigée Le Brun parle d’ailleurs d’elle :
« Madame Auguié, outre Madame Campan, avait une autre sœur, nommé Madame Rousseau [Julie-Françoise Genêt (1753-1829)], fort aimable femme, que la Reine avait attachée au service du premier dauphin, et qui m’a souvent donné l’hospitalité, lorsque j’avais des séances à la cour. Elle était devenue si chère au jeune prince qu’elle soignait, que l’aimable enfant lui disait, deux jours avant de mourir : « Je t’aime tant, Rousseau, que je t’aimerai encore après la mort ». Le mari de Madame Rousseau était maître d’armes des enfants de France. Aussi, comme attaché à double titre à la famille royale, ne put-il échapper à la mort ; il fut pris et guillotiné. On m’a dit que, son jugement rendu, un juge avait eu l’atrocité de lui crier : « Pare celle-ci, Rousseau ! ».»
Le 22 février 1788
« Mon fils aîné me donne bien de l’inquiétude, mon cher frère. Quoiqu’il ait toujours été faible et délicat, je ne m’attendais pas à la crise qu’il éprouve. Sa taille s’est dérangée, et pour une hanche, qui est plus haute que l’autre, et pour le dos, dont les vertèbres sont un peu déplacées et en saillie. Depuis quelques temps, il a tous les jours la fièvre et est fort maigri et affaibli. Il est certain que le travail de ses dents est la principale cause de ses souffrances. Depuis quelques jours, elles ont beaucoup avancé, il y en a une même entièrement percée, ce qui donne un peu d’espérance. Le roi a été très faible et maladif dans son enfance, l’air de Meudon lui a été très salutaire. Nous allons y établir mon fils. Pour mon cadet, il a exactement en force et en santé ce que son frère n’en a pas assez. C’est un vrai enfant de paysan, grand, frais et gros.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Pour tenter d’améliorer la santé de son fils, Marie Antoinette décide de l’installer au château de Meudon à compter du 22 mars 1788. Le château est remis en état. On dit même de l’air de Meudon est plus sein que celui de Versailles. D’ailleurs, étant plus jeune, Louis XVI y a séjourné aussi pour y rétablir sa santé. Cet air ne rétablirait-il pas celui du fils ?
L’état de Louis-Joseph s’empire : les fièvres se succèdent et son dos se déforme si bien qu’il est bientôt bossu. On l’installe alors loin de la cour à Meudon où Marie-Antoinette de Saint-Cloud tout prêt peut passer la plus grande partie de son temps à veiller son fils qui se montre toujours tendre.
Le 24 avril 1788
« Mon fils aîné, qui est depuis un mois établi à Meudon, se remet à vue d’oeil. Il n’a plus que de légères bouffées de fièvre. La gaieté et l’appétit sont revenus, ses forces augmentent, et l’on espère qu’avec elles sa taille se remettra. Il y a une dent entièrement percée, et deux autres dont on voit des pointes.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 8 juin 1788
Voici la description du château de Meudon par l’un des visiteurs du Dauphin Louis-Joseph qui y est envoyé en convalescence :
« J’ai accompagné mesdames les ambassadrices au château de Meudon. Le château neuf, où nous avons dîné chez M. le duc d’Harcourt, a été bâti par Monseigneur pour Mlle Choin qui était sa maîtresse. Ce château est dans une proportion qui le rendrait convenable à tout seigneur en état de dépenser deux à trois cent mille livres par an. Il n’en est pas de même du vieux château. Ce palais, que M. de Louvois avait augmenté, embelli avec une magnificence aussi indécente qu’incroyable, serait encore très facilement une demeure vraiment royale. Tous les plafonds sont peints en arabesque, comme si le goût régnant eût présidé à leur ordonnance. Les corniches, les cheminées, les parquets de superbes boiseries, rien n’aurait besoin d’être modernisé. Il y a, pratiqué dans une tourelle, un cabinet peint également en arabesque sur un fond d’or, qui est aussi frais de peinture que s’il sortait des mains d’un de nos meilleurs artistes. Il est question de faire de ce beau château la demeure de Mgr le Dauphin pour tous les étés, si nous n’éprouvons pas le chagrin de perdre ce prince. »
Le marquis de Bombelles
« Il n’en est pas de même du vieux château (celui du cardinal de Lorraine, construit par Philibert Delorme). Ce château fut démoli ensuite. ce palais que M. de Louvois avait augmenté, embelli avec une magnificence aussi indécente qu’incroyable, serait encore très facilement une demeure royale. Tous les plafonds sont peints en arabesque comme si le goût régnant eût présidé à leur ordonnance. Les corniches, les cheminées, les parquets de superbe boiserie, rien n’aurait besoin d’être moderne. Il y a pratiqué dans une tourelle un cabinet peint également en arabesque sur un fond d’or, qui est aussi frais de peinture que s’il sortait des mains d’un de nos meilleurs artistes.
Il est question de faire de ce beau château la demeure de M. le Dauphin pour tous les étés, si nous n’éprouvons pas le chagrin de perdre ce prince . On nous l’a fait voir : j’aurais pleuré si j’eusse osé du lamentable état dans lequel je l’ai trouvé, courbé comme un vieillard , ouvrant des yeux mourants au milieu d’un teint livide. Il craint le monde, il a honte de se montrer. Si on le sauve du cruel marasme dans lequel il est encore, bien qu’un peu mieux, ce ne sera vraisemblablement qu’aux dépens de sa taille qu il réchappera.
Petit, l’anatomiste, espère cependant qu’il guérira sa personne et sa taille, mais il se plaint de n’avoir été appelé qu’au moment où le mal était presque incurable. Il caractérise la maladie du nom de vertébrale et diffère d’opinion avec Brunier, le premier médecin… Nos enfants de France ont été souvent victimes de ces contlits d’opinion. Les soins que le duc et la duchesse d’Harcourt prennent de ce précieux enfant sont tout à fait respectables. »Le marquis de Bombelles
A partir de 1788
Le duc d’Harcourt donne des bals «pour amuser Monsieur le Dauphin».
Le 16 juillet 1788
« Depuis trois semaines, l’état de M. le dauphin n’a cessé d’empirer. Les articulations des mains et des pieds perdent leur flexibilité, on y remarque des tumeurs qui annoncent un rachitisme décidé. Les médecins ne savent plus de remède à y apporter, et à moins que la nature ne produise d’elle-même quelque crise heureuse, il n’y aura pas moyen de sauver le jeune prince. On cache à la reine autant que possible partie de ces circonstances, mais elle en aperçoit assez pour ne pas se flatter d’espérance, et elle en est très affectée.»
Mercy à Joseph II
Le 13 octobre 1788
Louis-Joseph revient à Versailles et réintègre son appartement situé au rez de chaussée du corps central. celui-là même que le Grand Dauphin, son grand père Louis Ferdinand, fils de Louis XV et son père ont occupé.
En 1789
Mercy commente l’aggravation nette de la santé du petit prince :
« Les articulations des pieds et des mains perdent leur flexibilité , on y remarque des tumeurs qui annoncent un rachitisme décidé. Les médecins ne savent plus de remède à y apporter.»
Le comte de Mercy
Louis-Joseph doit garder le lit en permanence où il souffre d’un corset qui doit redresser sa colonne vertébrale déformée. La tuberculose dont il est atteint le mine chaque jour davantage sous le regard impuissant de la Reine qui a le cœur brisé de voir ainsi son enfant.
Les rares sorties du Dauphin dans les jardins se font dans un fauteuil roulant.
Au printemps de 1789
La princesse de Lamballe rend visite au Dauphin agonisant à Meudon, accompagnée de la marquise de Laage de Volude, sa dame de compagnie.Louis XVI et Marie-Antoinette ont décidé de transporter leur fils mourant à Meudon, car l’air y était plus pur qu’à Versailles.
Elles en reviennent toutes remuées ; les deux dames l’avaient trouvé d’une raison et d’une patience, qui les avaient touchées au cœur.
Madame de Laage note dans ses mémoires :
« Quand nous sommes arrivées, on lui faisait la lecture. Il avait eu la fantaisie de se faire coucher sur un billard, on y avait étendu des matelas. Nous nous regardâmes, la princesse et moi, avec la même idée, que cela ressemblait au triste lit de parade après leur mort. »
Madame de Lamballe ayant demandé au petit malade quel livre il lisait à ce moment :
« Un moment fort intéressant de notre histoire, madame, le règne de Charles VII ; il y a bien là des héros ! »
Et ses beaux yeux mourants se tournaient vers la princesse, en lui disant cela.
Le 2 avril 1789
« L’état de Monsieur le dauphin n’a pas empiré depuis quinze jours, mais le peu de changement en mieux que l’on croit y apercevoir de temps en temps n’est pas de nature à donner des espérances fondées, et il est plus que probable qu’il faut y renoncer entièrement.»
Mercy à Joseph II
Louis-Joseph dont la santé continue à se dégrader est grabataire. Il passe le plus clair de sont temps allongé. Louis XVI et Marie-Antoinette lui rendent visite dès que leurs obligations les libèrent.
« … le pauvre enfant va de pire en pire !…Tout ce que dit ce pauvre petit est incroyable ; il fend le cœur de la reine ; il est d’une tendresse extrême pour elle. L’autre jour, il la supplia de diner dans sa chambre. hélas ! elle avalait plus de larmes que de pain.»
Madame de Laage de Volude
« Comme presque tous ceux que la mort prend jeunes, il est plus raisonnable que son âge ne le comporte, il est précoce dans ses réflexions, montre le sérieux excessif des enfants qui jouent peu et aiment à lire. On a cité des mots de lui : quel enfant royal n’a pas légué des mots à l’histoire? mais ceux-là semblent vrais et les témoins qui les rapportent sont dignes de foi. Un de ses compagnons a cassé une porcelaine à laquelle la Reine tenait beaucoup. De peur d’être grondé il s’enfuit, et le Dauphin, accusé du délit, ne se défend pas. On le punit, il est privé pendant, trois jours de sa promenade à Trianon. Mais l’autre enfant est revenu et a avoué sa faute. On s’étonne que le prince n’ait rien dit : « Est-ce à moi d’accuser quelqu’un ? » fut sa réponse.»
Marc de Bombelles
Le 5 mai 1789
Ouverture de la réunion des Etats généraux dans la salle des Menus Plaisirs de Versailles.
Après la séance d’ouverture des Etats Généraux et le Salut, Louis XVI se rend à au château de Meudon. Il raconte à son fils l’ouverture des Etats Généraux.
Le 10 mai 1789
« L’état de Monsieur le dauphin est toujours à peu près le même. Un dévoiement, qui ne l’affaiblit pas autant qu’on aurait pu le craindre, est interprété diversement par les médecins. Les uns le regardent comme une crise salutaire, les autres prévoient qu’elle ne peut aboutir qu’à l’extinction du peu de force qui reste au malade. L’enflure ne diminue pas, et il n’existe aucun symptôme probable de guérison. »
Mercy à Joseph II
« Voyant l’infinie douleur de Monsieur du Bourcet, son valet, le jeune garçon avait réclamé gentiment une paire de ciseaux, avec laquelle il coupa une mèche de ses cheveux pour la confier au loyal serviteur :
« Tenez, Monsieur, lui dit-il, voilà le seul présent que je puisse vous faire, n’ayant rien à ma disposition; mais, quand je serai mort, vous présenterez ce gage à mon papa et à ma maman; en se souvenant de moi j’espère qu’ils se souviendront de vous. » »
Il y avait à Meudon un serviteur un peu plus maladroit que les autres, qui faisait mal à Louis-Joseph lorsqu’il le prenait dans ses bras pour l’emmener prendre l’air. Un jour, Madame d’Harcourt, épouse du gouverneur de Louis-Joseph, appelle ce serviteur pour emmener le jeune malade dans le jardin. Louis-Joseph, sachant qu’il va encore avoir mal, s’écrie
«– Ah, ne sonnez pas. Un tel va venir, il est de service aujourd’hui, il me fait mal.
– Il fait tout ce qu’il peut pour vous soulager, répond Madame d’Harcourt. Il est peut-être moins adroit que les autres mais il est aussi attentif, et le refus que vous ferez de son service le désespérera.
Alors Louis-Joseph change d’avis :
– Sonnez, j’aime bien mieux souffrir que de faire de la peine à un brave homme.»
Le bourdon de Notre-Dame sonne « la prière des quarante heures »
« Ayons courage, mon ami, la providence peut tout et espérons encore qu’elle nous conserve notre fils bien aimé. »
Le 10 mai 1789
« Dans la semaine dernière, on a cru perdre M. le dauphin. Pendant vingt-quatre heures, son état a été une vraie agonie, cependant, la nature a encore fait un effort qui donne du répit sans espoir de guérison. Quoique la reine soit résignée à l’événement, il n’en est que plus amer par une attente prolongée au milieu des circonstances qui, dans tous les sens, ne présentent que des aspects alarmants. »
Mercy à Joseph II
Le jour de sa mort, madame de Laage de Volude et la princesse de Lamballe se rendent à Meudon :
«… Monseigneur Le Dauphin a été exposé dans son cercueil. J’ai été à Meudon avec la princesse pour l’arroser avec l’eau bénite. Tout était blanc et argent partout ; et dans la chambre où il se trouvait il y avait tellement de lumière que je n’avais jamais rien vu de tel ; il avait sa couronne, son épée, ses ordres sur le petit cercueil recouvert d’un drap d’argent et deux rangées de moines de chaque côté qui priaient continuellement, jour et nuit…»
« Monseigneur, voici… »
Le 16 octobre 1793
Le jour de l’exécution de la Reine, les profanations de tombes continuent à Saint-Denis et l’on exhume, ce jour-là, plusieurs corps, dont ceux de Louis-Joseph, premier Dauphin, mort à Meudon le 4 juin 1789 «âgé de 7 ans 7 mois 13 jours» et de la petite Madame Sophie, morte le 19 juin 1787 «âgée de 11 mois 10 jours».
Le passage concernant Louis-Joseph et Madame Sophie se trouve en deuxième page de l’extrait posté ci-dessus :
Le 8 juin 1795
Louis-Charles, son petit frère, devenu Louis XVII, meurt oublié de tous dans la tour du Temple.
A la Restauration
On remet les restes des sépultures violées à la révolution derrière de grandes plaques indiquant les noms de leurs propriétaires…
Sources :