Le château de Versailles
Le palais du Roi Soleil
Le château de Versailles, symbole grandiose de la splendeur de la monarchie française, incarne l’opulence, le raffinement artistique et l’influence politique qui ont marqué l’histoire de la France. Niché à quelques kilomètres de Paris, ce joyau architectural est bien plus qu’un simple palais. Il est le témoin privilégié de siècles de révolutions et d’évolutions artistiques, reflétant les goûts, les ambitions et les extravagances de rois légendaires tels que Louis XIV, le Roi-Soleil. En parcourant les somptueuses salles, les jardins à la française et les histoires captivantes qui entourent ce lieu emblématique, plongeons dans l’épopée d’une époque fascinante, où la magnificence côtoie la tumultueuse histoire de la France, faisant du château de Versailles une destination incontournable pour tout passionné d’art, d’Histoire et de beauté intemporelle.
Sommaire de l’article :
- Le pavillon de chasse de Louis XIII
- La jeunesse de Louis XIV
- Le château de 1668
- Le Grand Appartement du Roi :
- Le salon d’Apollon : la salle du Trône ; le Trône de Louis XV dit «de Slodtz»
- Le salon de Mercure : la grande chambre d’apparat de Versailles ; Quand le Salon de Mercure était meublé d’argent…
- Le salon de Mars
- Le salon de Diane
- Le salon de Vénus
- Le salon de l’Abondance : l’Antichambre du cabinet des Curiosités de Louis XIV
- Le salon d’Hercule : l’Apothéose d’Hercule
- Le salon de l’Œil-de-Bœuf
- La chambre du Roi
- Les chaises à porteurs : se déplacer à l’intérieur du château de Versailles
- De la cour Royale à la cour de Marbre
- La petite salle des gardes du Roi
- 1682 : installation de la Cour à Versailles
- La première antichambre de l’appartement du Roi : le Grand Couvert de Louis XIV
- Le manque de logement à la cour du château de Versailles : l’exemple du Grand Commun
- L’escalier des Princes : l’un des plus ancien escalier du château de Versailles
- L’appartement des bains de Louis XIV
- La deuxième chambre de Louis XIV : la chambre que le Roi utilisa le plus longtemps
- La galerie des Glaces
- Le salon de la Guerre : du Grand Cabinet de Jupiter à la Gloire de Louis XIV
- Le grand appartement de la Reine :
- Le salon de la Paix
- La chambre de la Reine
- Le salon des Nobles
- L’antichambre du Grand Couvert de la Reine
- La salle des Gardes de la Reine
- L’escalier des Ambassadeurs : l’accès majestueux des visiteurs de Versailles
- Le cabinet des Médailles, des curiosités et des Raretés : un écrin pour les collections de Louis XIV
- La Petite Galerie de Mignard
- L’escalier de la Reine : l’entrée principale des Appartements Royaux
- La chambre du Dauphin
- La chapelle Royale ; l’orgue de la Chapelle Royale : glorifier la musique sacrée du Roi
- L’hygiène à Versailles sous Louis XIV
- Le bassin des enfants dorés
- La garde-robe aux habits du Roi : le dressing du Roi
Le pavillon de chasse de Louis XIII
Le 24 août 1607
Jean Héroard, premier médecin du Dauphin, futur Louis XIII (1601-1643) note à cette date dans son fameux journal :
«À quatre heures et demie, il entre en carrosse pour aller à la chasse, est mené aux environs du moulin de pierre allant vers Versailles, voit prendre près de lui un levraut avec deux lévriers, cinq ou six cailles à la remise chassées par le haubereau, et deux perdreaux, dont un pris par son épervier qui se sauvoit vers le moulin.»
Le jeune Dauphin n’a alors que six ans. Il est pourtant formé à la science cynégétique depuis son plus jeune âge, une passion qui ne le quittera jamais. L’enfant ne connaît pas de plus grande joie que de suivre son père dans ses chasses. Sa première chasse date de l’année précédente, à Saint-Germain-en-Laye. Il ne peut qu’observer mais six mois plus tard, à Fontainebleau il a droit de commander. Il n’est donc plus tout à fait un novice lors de cette chasse versaillaise.
La topographie de Versailles consiste à cette époque en un simple moulin sur une butte, proche d’un vieux château féodal en piteux état, situé à l’emplacement aujourd’hui de la bibliothèque municipale, rue de l’Indépendance. Le terrain appartient depuis 1573 à la riche famille des Gondi, d’origine florentine, immigrée avec l’arrivée en France de Catherine de Médicis. Albert de Gondi, acquéreur de la seigneurie y réunit d’autres terres, faisant de ce nouveau duc et pair un très riche propriétaire foncier. Il acquiert également la seigneurie de Saint-Cloud où il construit un très bel hôtel, point de départ d’un autre château qui aura toute son importance pour le devenir de Versailles.
A ces terres, il faut rajouter le prieuré de Saint-Julien, dépendant de l’abbaye de Saint-Magloire à Paris, directement liée au pouvoir royal depuis le Xe siècle car officiant à l’oratoire du Palais de l’Île de la Cité. Malgré cette tradition, Catherine de Médicis décide d’accorder l’abbaye et les prieurés affiliés à Pierre de Gondi, fils d’Albert, dont l’ambition familiale réussit à en faire l’évêque de Paris. Versailles se retrouve donc avec la même famille à la tête de ses deux seigneuries laïque et ecclésiastique, ce qui constitue un cas unique. Les aléas de la famille font que rapidement, l’évêque suivant Jean-François, frère d’Henri, qui deviendra le premier archevêque de Paris, réunit les deux seigneuries en ses mains.
C’est d’ailleurs de leur propriété voisine de Noisy (aujourd’hui Noisy-le-Roi) que le jeune Dauphin est parti à sa chasse le menant à Versailles. En effet, les Gondi restent très proches des Bourbons après l’extinction des Valois. Les Gondi accueilleront très souvent Henri IV et son fils. Mais le coup de couteau de Ravaillac mettra fin à ces promenades père-fils.
1610-1623
Il n’est plus ensuite question de Versailles avant plusieurs années. Pour autant, la formation cynégétique de Louis XIII continue, et même de manière plus qu’exagérée. Il est vrai aussi que tant que le jeune adolescent chasse, il ne se préoccupe pas des affaires de l’Etat, ce qui arrange fort bien sa mère la nouvelle régente Marie de Médicis. À ce goût effréné de la chasse, Louis XIII va vite y ajouter une habitude plutôt incongrue pour un roi, qui aura toute son importance pour la suite. Le jeune prince apprécie en effet se rendre dans les auberges de toutes les localités qu’il traverse lors de ses _nombreuses_ chasses. La première visite du genre est notée dès 1611. C’est aussi pour lui la meilleure manière de rencontrer le peuple et de fuir cette vie de Cour dont il a horreur.
Après son mariage en 1615, Louis XIII cherche une maison privée, qui lui permettrait de vivre reclus auprès de sa jeune épouse Anne d’Autriche qu’il veut protéger de l’ambiance délétère du Louvre qu’il déteste. Son premier souhait serait de quitter Paris pour Saint-Germain-en-Laye. Ce que refuse sa mère. Il pense ensuite à l’hôtel que sa marraine Marguerite de Valois (1553-1615) vient de lui léguer, à Issy. Sûr de lui, il s’y rend souvent en 1616, observe l’arrangement des parterres par ses jardiniers et prépare même une omelette dans les cuisines, tout heureux d’avoir son «chez soi». Ne supportant pas de voir son fils heureux, Marie de Médicis y met bon ordre et vend la propriété. Louis XIII ne se décourage pas pour autant et choisit dans les faubourgs les lieux dits de Courcelles. Il comprend néanmoins que la dépense pour son installation et celle de son épouse serait trop considérable et préfère garder le terrain pour ses exercices de chasse ou militaires. Il y fait construire un fort. Ce sera désormais l’ornement architectural dont il dotera toutes ses résidences. Depuis ses cinq ans, Héroard nous montre le jeune prince intéressé par les livres d’architecture, notamment ceux de Vitruve. Très vite, il lira ensuite Philibert De L’Orme ou Jacques Androuet du Cerceau. Et les recopiera dans de nombreux dessins.
Libéré de sa mère en 1617, Louis XIII va pouvoir dès lors profiter de ses résidences hors de Paris, notamment de Vincennes et de Saint-Germain-en-Laye. De ces petits séjours, le 23 septembre 1617 il retourne, furtivement, à Versailles.
Il décide ensuite de se fixer au château de Madrid dans le bois de Boulogne. Château qui le fascine depuis sa petite enfance. Il faut cependant de vastes travaux de restauration et une fois achevés en 1618, le projet ne semble plus intéresser le jeune souverain qui préfère multiplier les séjours dans de nombreuses résidences de plus en plus éloignées de Paris.
Le 21 février 1619, à l’occasion du mariage de Chrétienne de France sa soeur avec le duc de Savoie, Louis XIII organise une grande chasse dans la plaine de Versailles, de onze heures du matin à six heures du soir. Il y retourne le 23 novembre de la même année :
«Entre en carrosse et part de Palaiseau, et arrive à Versailles à neuf heures, où il a dîné à dix… À midi, monte à cheval, part de Versailles, et chassant, arrive à Saint-Germain-en-Laye.»
Louis XIII ne peut que dîner dans une auberge car il y a longtemps que les Gondi n’entretiennent plus d’hôtel seigneurial à Versailles. Néanmoins, malgré une légende bien tenace due à la plume de Saint-Simon un siècle plus tard (certes son père a été un favori de Louis XIII et dû donc raconter ces chasses), Louis XIII n’a jamais imposé à son entourage de dormir sur une botte de paille dans un méchant cabaret ou dans un moulin. Sagement, Louis XIII rentre chaque soir ou à Saint-Germain ou à Paris. Il n’en reste pas moins que le rythme de ces chasses oblige à envisager un relais. Le Roi ne peut non plus se contenter d’auberges pour dîner. Il ne s’agit pas pour autant d’une urgence. Les conflits avec sa mère, les révoltes ici ou là dans son royaume le font quitter l’Île-de-France pendant un assez long moment. Il n’est donc plus question de Versailles pendant près de deux ans.
Le 15 février 1621, Louis XIII revient à Versailles où il dîne encore dans des conditions peu seyantes à Sa Majesté. L’avant-veille il a tué un loup dans la garenne de Colombes. L’hiver est particulièrement rude et le Roi s’ennuie. Il ne peut chasser autant qu’il le voudrait et quand il le fait, ce sont dans des conditions éprouvantes pour ceux qui l’accompagnent. Il part ensuite en campagne contre les huguenots de Montauban et ne revient dans la région parisienne qu’en 1622.
Le 4 février 1622, Louis XIII passe un long moment avec le comte de Frontenac gouverneur du château de Saint-Germain-en-Laye. La discussion porte sur la situation de la garenne versaillaise. Sans en être propriétaire, le Roi décide de l’inclure dans la capitainerie de Saint-Germain. Il est vrai qu’Henri et Jean-François de Gondi, hommes d’Eglise, ne chassent pas. De nouveau en campagne dans le sud-ouest, Louis XIII fait part le 31 mai 1622 d’un cas de braconnage de «ma garenne de Versailles» en écrivant au Grand Veneur de France, le duc de Montbazon.
Le 18 octobre, toujours éloigné de Paris, il réitère auprès du Grand Veneur et de monsieur de Frontenac de bien veiller sur les garennes dépendantes de Saint-Germain. Lorsqu’il rentre le 10 janvier 1623, Louis XIII veut renouveler son projet de résidence bien à lui. Mais cette fois-ci seul. Depuis l’année dernière, il a pris en aversion son épouse qu’il juge coupable de sa fausse-couche. Le projet de Madrid est définitivement abandonné.
1623-1624 : le projet
Louis XIII sait exactement ce qu’il veut. Il pense au départ se passer d’architecte. Il se sait doté d’un excellent coup de crayon.et il a accumulé une certaine expérience en architecture, notamment pour la construction de forts militaires. Il en a conçu des dizaines, toutes provisoires. Sa nouvelle résidence sera plus solide. Elle ressemblera donc à un fort avec une cour carrée, un logis central, deux ailes en retour et un mur de clôture, reposant sur une plateforme bastionnée et ceinturée de fossés de type militaire en étoile à quatre pointes. Comme il s’agit cependant aussi d’une résidence d’agrément, le jardin aura toute son importance et une basse-cour permettra d’y établir un service digne d’un Roi, même économe. Le terrain de trois hectares composés de plusieurs parcelles rachetées à différents propriétaires dont les Gondi ou de simples particuliers, est fermé par une haute muraille visant à dissuader les brigands, flanquée de deux tours à poivrière permettant de rappeler la puissance féodale du nouveau seigneur. La maison doit comporter un appartement pour lui et une quinzaine de chambre pour ses compagnons de chasse, sans compter les locaux de service comme les cuisines où le Roi ne dédaigne pas mettre la main à la pâte. Il s’appuie sur les dessins de châteaux de Philibert De L’Orme qui datent de l’époque de Catherine de Médicis mais ce n’est évidemment pas suffisant pour finaliser un tel projet. Sans certitude, il a pu fair appel à un jeune architecte, spécialisé dans les forteresses, Pierre Le Muet qui l’accompagne depuis longtemps lors de ses expéditions militaires.
Louis XIII souhaite des matériaux locaux, bons marchés : moellons du pays, crépis et enduits de plâtre pour les murs, parquets de sapin, carrelage de terre cuite… Ce qui signifie que la résidence à ses yeux n’a pas vocation à perdurer mais pourrait très bien être détruite dans quelques décennies. Il accepte un décor des façades donnant une illusion de richesse, du plâtre imitant des bossages. Mais par contre il opte pour l’ardoise au lieu de tuiles jugées trop communes. Il dessine lui-même ses armes pour le fronton de l’entrée : malgré l’humilité des lieux, nul ne peut ignorer qu’il s’agit d’une résidence royale.
C’est donc sur la butte, tout près du moulin, que Louis XIII prend la décision de faire élever son petit relais de chasse. Cette butte permet une vue d’ensemble sur le Val de Galie qui conserve encore aujourd’hui un certain charme malgré l’urbanisation. Cette situation idéale relie les routes de Paris et de Saint-Germain-en-Laye en passant par Marly et Saint-Cloud. La butte a aussi l’avantage d’appartenir au prieuré de Saint-Julien dont le Roi reste le suzerain direct malgré les Gondi. Il n’en reste pas moins deux inconvénients majeurs sur ce sommet : l’eau y est rare et l’endroit est très venteux. Les Versaillais le savent et y avaient depuis le XVe siècle abandonné leurs maisons. Seul un moulin pouvait y convenir.
Ne persiste aujourd’hui de ce château que la Cour de Marbre. Les carreaux blancs et noirs qui la recouvrent proviennent du châteaux de Vaux-le-Vicomte, carreaux que le Roi a préemptés, ainsi que des sculptures et des meubles, avant une mise aux enchères faite par la famille ruinée de Nicolas Fouquet (1615-1680). Il n’en reste pas moins que ce plan, très sommaire et de la main même du Roi, a été maintenu malgré les campagnes de reconstruction successives et qu’il reste toujours visible de nos jours.
1623-1626 : les travaux
Louis XIII est pressé : il veut sa maison le plus rapidement possible. Celle-ci doit être terminée avant les fossés, la basse-cour et le reste. Le surintendant des Bâtiments du Roi, Jean de Fourcy en prend note dès l’été 1623 :
«des ouvrages de maçonnerie qu’il convient faire pour le Roi en une maison que Sa Majesté a commandé être faite pour son service sur la butte du moulin à vent proche Versailles.»
Le 6 septembre, il fait un appel d’offre par affiches dans Paris : tout entrepreneur, charpentier ou maçon, intéressé doit s’inscrire à l’hôtel de ville. Le 10, à dix heures du matin a lieu l’adjudication à la chandelle chez monsieur de Fourcy. Celui qui remporte la mise se nomme Charles Huau. Il a baissé ses prix de telle manière qu’il ne peut obtenir aucune bénéfice. Mais celui-ci est ailleurs : bien se faire remarquer du Roi pour un chantier sans importance mais auquel Sa Majesté tient c’est s’assurer d’être rappelé pour d’autres bien plus prestigieux. Il a déjà assuré des travaux royaux au Louvre et aux Tuileries et dès l’année suivante il sera chargé du quadruplement de la cour du Louvre. Certes Louis XIII avait misé sur des matériaux locaux. Il n’empêche. Charles Huau doit amener à Versailles, à plus de quatre lieues de Paris, tout un matériel de construction d’envergure totalement absent en cette zone rurale. Il faut aussi apporter plus de cent cinquante pièces de menuiseries pour les huisseries, fragiles, et leurs vitres, rares et précieuses. Si des manouvriers peuvent être trouvés sur place, ce ne peut qu’être pour des travaux sans qualification. Il lui faut donc transporter des centaines d’artisans spécialisés. Et les payer en fonction de ces déplacements, les loger, les nourrir… Cette arrivée massive permet de développer l’économie locale. Mais non sans remous ! Les Versaillais vont rapidement découvrir les contraintes d’une urbanisation expresse. Et les catastrophes engendrées par l’alternance des présences et absences royales. Le petit paysan versaillais peut désormais dire adieu à ses habitudes séculaires.
Pour notre malheur, le médecin Héroard fait une pause dans son journal pendant la majeure partie du chantier, du 13 mars 1623 au 28 février 1624. Il est donc difficile de savoir si Louis XIII s’est déplacé pour constater l’avancée des travaux. Nous en sommes par contre certain pour le mercredi 6 mars 1624 mais la visite est plus que brève :
«monte à cheval à neuf heures et demi. Va à Versailles à la chasse, revient au galop comme il était allée. A deux heures et demi va chez la Reine sa mère, mange une orange. A trois, au conseil.»
Il y retourne le samedi suivant pour y chasser mais aussi pour «voir son bastiment». La majeure partie du bâtiment est déjà habitable. Il en est si satisfait qu’il décide d’y passer la nuit, sans se soucier des odeurs de peinture fraîche ou du plâtre encore humide. Evidemment il faut de toute urgence envoyer à Paris un coursier afin d’apporter du Louvre les meubles nécessaires. En attendant, il soupe encore à l’auberge. A son retour le lit et la literie sont arrivés. Il aide lui-même à monter le lit. Enchanté de sa nuit, il se rend de bon matin à la messe de l’église paroissiale, va à la chasse, dîne à l’auberge puis rentre sur Paris. Louis XIII ressent cependant une petite contrariété : ce moulin gâche sa vue. Dès le 23 mars, Fourcy avec notaires se rend chez l’archevêque qui sous contrat s’engage à faire détruire le moulin, le Roi lui laissant les matériaux afin d’en reconstruire un nouveau ailleurs et lui achète la butte. La masure du meunier, depuis longtemps abandonnée, subsistera encore plusieurs années. En attendant, le Roi peut faire araser la butte et commencer les travaux pour son jardin. Il attend patiemment la fin des travaux par un séjour de deux mois à Compiègne. Il faut désormais s’occuper des fossés. Ce détail architectural n’est pas un simple caprice de Louis XIII tout à sa passion pour les forts. C’est réellement dans un souci de défense, même pour le Roi. Chaque gentilhommière se doit d’avoir encore son système de protection. Le Moyen-Âge et ses réflexes féodaux ne sont pas si lointains. De plus, la maison sera obligatoirement inoccupée la plupart du temps et il n’y aura pas de corps de gardes voués à sa surveillance. Seul un concierge, François Mongé, restera sur place. Or les temps sont rudes et violents.
Le 28 juin 1624, à une heure et demi de l’après-midi, Louis XIII rentre à Paris après son long séjour à Compiègne. Il lui faut en premier lieu poser la première pierre de l’agrandissement de la cour du Louvre. Il doit ensuite se rendre place de Grève pour poser la première pierre d’une fontaine puis subir la réception des échevins à l’hôtel de ville. Il se rend ensuite en carrosse jusqu’au bout des Tuileries où l’attend un cheval. A cinq heures, il est à Versailles où il vivra son premier vrai séjour. Il commence aussitôt par une chasse au renard, soupe à huit heures, se couche à dix. C’est le moment où le fossé de fortification commence à être creusé. Il y reste jusqu’au 5 juillet. Ce n’est que chasses, messes, revues militaires et dessins pour la suite des travaux. Il ne s’arrête qu’une journée à Paris pour repartir pour Compiègne puis d’autres résidences, la plus longue étant Saint-Germain-en-Laye. De là il lui est facile de se rendre à Versailles pour voir l’avancement de la basse-cour. Entretemps la ferme de La Bretonnière a été réquisitionnée pour loger son chenil. La basse-cour donnant sur la grande porte mais séparée par les fossés est flanquée de deux bâtiments : les écuries et les offices. Derrière les écuries un petit jardin potager, derrière les offices des animaux, bétail, volaille et pigeons. Pour passer dans la maison, il faut franchir un pont. On passe au parterre par des contrescarpes. Le parterre, en face du logis du Roi, ressemble aux jardins de la Renaissance avec des compartiments de gazon, plantes ou fleurs. Un bassin agréable à l’oeil permet aussi de recueillir l’eau de pluie afin de pallier au manque d’eau.
Le 2 août 1624
Louis XIII quitte ravi Saint-Germain. En effet, son petit château est enfin meublé ! Il arrive à huit heures et demi du soir et visite toutes les pièces, jusqu’à la batterie de cuisine. Il est si heureux qu’il se couche habillé afin d’être prêt pour sa chasse au renard du lendemain. Il se lève dès trois heures du matin, et au bout de deux ou trois heures dans la forêt de Marly, il se retrouve sous la pluie, obligé de se réfugier dans une petite masure. Il rentre harassé à Saint-Germain-en-Laye à six heures du soir pour se coucher aussitôt.
Tout le reste de l’été et l’automne, il ne cesse de passer rapidement par Versailles, y dînant et soupant à peine, courant à la chasse ou ne faisant que traverser la localité pour rejoindre Saint-Germain ou un autre lieu de pouvoir. Et très souvent à se perdre en forêt, souvent sous la pluie. Mais Louis XIII ne se décourage pas dans ses expéditions. Il a au moins son nouveau relais quelque part dans la région. En septembre, il accepte de devenir le parrain de la nouvelle-née de son concierge. Marie Mongé est le premier enfant né au château. S’il offre un hochet des plus luxueux, il se fait cependant représenter lors du baptême. Le 16 décembre, Marie de Médicis lui offre un ensemble de tapisserie sur le thème de Marc-Antoine pour sa chambre et sa grande salle, ainsi que du linge de table. Versailles n’en reste pas moins un simple relais. Les séjours du Roi n’excède guère les quarante-huit heures dans les mois qui suivent.
Le 11 juillet 1624, l’ambassadeur vénitien Giovanni Pesaro parle de «la piccola casa per ricreazione.»
1626-1630 : le domaine
Le mardi 3 novembre 1626 est une date marquante pour l’histoire du château : Louis XIII y reçoit pour la première fois les Reines, sa mère et sa femme. Il leur fait l’honneur d’un festin puis évidemment une chasse, cette fois-ci au lièvre. Les princesses repartent ensuite avant sept heures du soir et Louis XIII peut de nouveau profiter du calme de son petit château. L’invitation ne sera guère renouvelée. Mais cette visite aura d’autres conséquences sur le devenir du domaine.
Louis XIII a été obligé d’emmener les Reines à la garenne de Versailles non seulement assez éloignée du château mais qui en plus ne lui appartient toujours pas ! Cette situation ne peut plus durer et dès les jours suivants Louis XIII reste à Versailles afin de réfléchir à la question. Il lui faut une garenne à lui, et bien plus grande que celle des Gondi, au pied de son château. Bref un véritable parc. Parc séparé de son enclos précédemment défini par un fossé. L’arpenteur local Pierre Lesage devra ensuite repérer les lieux selon les dessins de Sa Majesté. Louis XIII doit repartir pour Saint-Germain le 6 mais revient dès le 13 afin d’assister Lesage dans ses mesurages. Tout le flanc ouest de la butte est concernée jusqu’aux prés de Sainte-Catherine, de Musseloup et de Trianon. De nombreux lieux-dits ont ainsi disparu mais dont les noms méritent d’être rappelés : Sous le Moulin, aujourd’hui les Bains d’Apollon, Latone et la Salle de Bal, la Maladerie devenue le bosquet de Vénus et du Vertugadin, Hochecorne qui a fait place aux bosquets de la Girandole et du Dauphin, le fief de Jehan Dupré pour les bosquets de l’Etoile et du Théâtre d’Eau, la Longue Raye aujourd’hui bosquet des Trois Fontaines, le tout pour un ensemble de cent cinq arpents, soit quarante-quatre hectares. Les mesures se font en trois tranches : une première partie concernant les terres alignées du chemin allant de Versailles à Trappes, puis la tranche du milieu qui correspond au Tapis Vert et enfin la troisième qui descend du Pont aux Meuniers jusqu’à Trianon. Louis XIII ne quitte Lesage que pour un bref aller-retour à Saint-Germain pour un Conseil. Il quitte véritablement Versailles le 20 novembre à la fin de l’arpentage.
Dans cette histoire, les propriétaires, clercs ou laïcs, grands ou petits, perdent leurs rentes, censives et dîmes. Le prieur de Saint-Julien est en droit de se plaindre. Quelques laboureurs voient eux leurs champs déjà ensemencés réquisitionnés. Les artisans, marchands versaillais et bourgeois parisiens concernés peuvent endurer la perte car leurs terres ne constituent pas l’essentiel de leurs revenus. Par contre les journaliers qui travaillaient à ces terres perdent leur emploi. D’autres désagréments se rajoutent : les chemins séculaires disparaissent. Les populations locales doivent désormais contourner le parc royal pour rejoindre les localités de Trappes ou de Trianon. Le Roi occupe alors près de 150 hectares, pour beaucoup pris sur des particuliers.
Toutes ces parcelles sont ensuite unifiées et nivelées de manière à former un seul même ensemble. Afin de facilité la circulation, des grandes allées rectilignes sont dessinées, perpendiculaires espacées de cent toises et dont le quadrillage forme dix espaces, sept carrés, un rectangulaire et deux trapézoïdaux. Dans chacun on plante des arbres aux essences variées. Tous ces carrés ont vocation à rester sauvages sauf les quatre centraux coupés par un sentier en diagonale. C’est sur cette base, dessinée par Louis XIII, que Le Nôtre et Louis XIV vont créer leurs jardins.
Durant les mois suivants, le Roi continue ses courts séjours et s’il suit régulièrement la plantation de son parc, il ne reste guère à Versailles. On sait néanmoins que le 14 juin 1627, il déjeune directement dans ses cuisines. Le Roi ne peut guère profiter de sa demeure puisqu’entre l’automne 1627 et le début de l’année 1628, il se trouve plusieurs mois en Aunis, à assurer le commandement du siège du siècle et de tomber sérieusement malade au même moment, pour repartir ensuite en guerre contre la Savoie puis remettre de l’ordre chez les protestants de Nîmes. Ces absences prolongées n’empêchent pas l’achèvement de la plantation du parc en juin 1629, date où le sergent du bailliage de Versailles Robert Parent pour le compte de l’archevêque est nommé garde du parc du Roi. Entretemps, Louis XIII, même éloigné, souhaite faciliter l’approvisionnement en eau, tant potable que pour l’arrosage, problème récurrent qui occupera longuement son fils. Il commande en juin 1629 au fontainier Alexandre Francini la construction d’un aqueduc. Il faut dire que Louis XIII a toujours été depuis ses quatre ans admiratif de l’art des Francini dont les frères puis fils et neveux s’occupent de tous les réseaux hydrauliques des parcs royaux. Le système souterrain mis en place, assez complexe pour un château si secondaire, pompe les sources des hauteurs du Chesnay. Il sera utilisé jusqu’en 1666.
Louis XIII emploie en décembre 1629 Philibert Le Roy pour une autre de ses passions : le jeu de paume. Curieusement, connu du Roi pour ses qualités d’ingénieur en hydraulique, concepteur d’un projet d’aqueduc pour Paris puis conseiller pour l’élévation de la digue de La Rochelle, l’ingénieur-architecte est nommé pour la construction de deux salles : «une longue paume» et «une courte paume». Une sorte de prix de consolation face aux Francini chers au coeur du Roi. Les deux bâtiments voisins sont élevés auprès du chenil _au détriment des terres du prieur. Pour «la courte», Philibert Le Roy déploie tout son talent dans le dessein d’être enfin employé à sa juste valeur. Louis XIII doit cependant le réprimer dans son zèle : le Roi souhaite un bâtiment utilitaire digne d’un ingénieur, pas le rêve d’un architecte. L’ensemble est achevé à Pâques 1630.
Dès avril, Louis XIII retourne de nouveau en campagne contre la Savoie et il tombe une fois de plus gravement malade. Cette longue maladie n’empêche pas de nouvelles étapes de construction. Au mois de juin 1630, Philibert Le Roy fait paver la basse-cour jusque-là en terre battue. Enfin guéri le 25 octobre, Louis XIII écrit à sa mère :
«Madame, je vous écris ce mot de ma main pour vous faire voir que je ne suis plus malade et que je me porte aussi bien que je fis jamais, grâce à Dieu et je suis extrêmement fort. J’espère arriver mardi à Versailles.»
Le domaine ne cesse de prendre de l’importance dans le coeur du Roi. Il n’est cependant pas encore entré dans l’Histoire.
Le décès au même moment du concierge François Mongé puis sa succession obligent le bailli de Versailles à établir un inventaire du domaine qui nous permet d’avoir trace de ce premier Versailles.
Le grand corps de logis, plus large et plus long que ses deux ailes est réservé au Roi et à ses proches ; le rez-de-chaussée est occupé par le duc de Montbazon, Grand Veneur de France, le duc de Mortemart en tant que premier gentilhomme de la Chambre et le duc de Soissons, cousin du Roi et Grand Maître. Les deux capitaines des gardes sont également logés au rez-de-chaussée, l’un côté cour, l’autre côté parterre et les deux peuvent également assurer la sécurité de l’escalier menant à l’appartement du Roi. Ces deux capitaines sont ceux des mousquetaires dont le fameux M. de Tréville. Tous ces appartements sont carrelés, ornés de tapisseries offertes par le Roi pour les plus puissants mais qui restent à la charge des capitaines. L’ensemble est forcément plus sommaire que l’appartement du Roi au-dessus. L’escalier central qui occupe toute la largeur partage en deux les quatre pièces à destination du Roi : d’un côté la chambre et le cabinet (aujourd’hui Salon de l’Oeil-de-Boeuf) et de l’autre la grande salle du Roi et sa garde-robe à l’emplacement du Cabinet du Conseil. La chambre, de forme carrée donne à la fois sur la cour et sur le parterre. Elle dispose de quatre fenêtres en vis-à-vis. Le parquet est de sapin, le plafond à grosse poutres et solives apparentes, la cheminée en plâtre mouluré. Le seul véritable luxe est la tapisserie en huit pièces qui recouvre les lieux offerte par la mère du Roi et un dais royal. Les meubles sont tous tapissés de damas vert bordé de franges de soie verte et de franges d’or. Le reste de l’appartement royal est aussi fait d’un plancher de sapin et d’un plafond à poutre et solives. Seule la salle du Roi est pavée car elle sert de lieu de festin et de salle de jeux. Elle a donc aussi son billard.
En haut de l’escalier se trouvent deux petits appartements mansardés : l’un pour le duc d’Angoulême (1573-1650) fils de Charles IX issu de ses amours avec Marie Touchet, l’autre pour Claude de Saint-Simon, jeune page promu favori et rapidement nommé Grand Louvetier, capitaine des chasses de Versailles et de Saint-Germain puis premier gentilhomme. Malgré leur statut, l’un de (semi)Fils de France, l’autre de favori, leurs appartements sont des plus succincts, seulement recouverts d’enduit et devant prendre en compte l’abaissement des soupentes. Sans compter le sol lui aussi simplement de plâtre. On peut comprendre leurs occupants qui préfèrent dans ces conditions conserver leurs bottes une fois chez eux. Du coup, Louis XIII en dessous se retrouve à recevoir des gravats et de la poussière. Encore au-dessus on trouve des greniers utilisés par les concierges.
Les ailes ont des attributions beaucoup plus hétéroclites. En plus d’appartements disséminés ici et là, bien plus spartiates encore que dans le logis central, pour ses autres gentilshommes de la chambre, son secrétaire ou premier valet, on trouve des latrines communes au rez-de-chaussée et une galerie menant jusqu’à l’appartement du Roi qui à l’origine devait servir de chapelle. Mais Louis XIII préfère se rendre à l’église de la paroisse. Cette galerie est ornée d’un grand tableau représentant le siège de La Rochelle.
L’aile droite est occupée par la cuisine-bouche sur plusieurs niveaux, en passant par le gobelet et le garde-manger. Le concierge avec sa famille doit se contenter d’une grande pièce de ce côté qui sert aussi de réserve au linge de table du Roi. C’est aujourd’hui le cabinet de la Pendule et le cabinet d’angle. De l’autre côté de l’escalier central se trouve le magasin des armes. Les combles sont occupés par d’autres grands seigneurs. Une cave principale sous le magasin des armes aux mêmes dimensions sert aussi au concierge. Des greniers aux combles au-dessus des ducs d’Angoulême et de Saint-Simon sont également utilisés par le concierge qui y sèche son linge ou y conserve des denrées. Rien n’est prévu pour le séjour des Reines. Clairement, le Roi fuit sa mère et son épouse. C’est une résidence des plus masculines, de tout âge et pour la plupart de haute naissance.
Le 9 janvier 1630
Jeanne Mongé, fille du concierge décédé épouse Etienne Guérinet qui reprend la charge de son beau-père. Son rôle est essentiel dans le développement prochain du château.
Le 10 novembre 1630
Depuis la veille, Louis XIII est harcelé par sa mère Marie de Médicis afin de renvoyer le cardinal de Richelieu, ulcérée par ce «domestique» qui la servirait si mal. Elle est tellement en colère qu’elle emploie un langage digne des femmes de La Halle. Le Roi doit choisir entre sa mère et ses partisans les dévots ou son principal ministre dont la politique rejoint ses vues sur un Etat de plus en plus absolu. Face à un tel dilemme l’obligeant à trancher entre son devoir filial et son devoir de monarque, le Roi quitte le palais du Luxembourg, résidence de sa mère, sans un regard pour Richelieu et se retire dans son petit relais de chasse. Tous considèrent alors la chute du cardinal comme inévitable.
Mais contre toute attente, Louis XIII reçoit le soir même à Versailles Richelieu qui estimant n’avoir plus rien à perdre ose se jeter aux pieds de son souverain sans son invitation. Celui-ci lui assure alors son soutien. L’entretien entre les deux hommes dure quatre heures.
Le lendemain, les principaux ennemis du cardinal sont emprisonnés ou exilés, notamment la Reine mère trop rapidement convaincue de sa victoire. C’est ce qu’on appellera la Journée des Dupes. Pour la première fois, le château de Versailles qui n’en est encore si peu un, entre dans la grande Histoire.
Louis XIII met à profit cette restructuration politique pour développer autrement les lieux de pouvoir Désormais, l’ouest parisien, la forêt dont il rêve depuis toujours, aura la prédominance : Saint-Germain-en-Laye devient la résidence principale de la monarchie au détriment du Louvre, alors en travaux, quand Richelieu va agrandir son château de Rueil tout près. C’est le moment aussi de transformer son cher Versailles qui n’est encore aux yeux du maréchal de Bassompierre qu’une petite résidence de campagne « de la construction duquel un simple gentilhomme ne voudrait pas prendre vanité ». Il est vrai aussi que le maréchal ne fait pas parti des favoris qui y logent.
1631 : le nouveau château
Le 6 février 1631
Louis XIII se décide à transformer son petit relais de chasse en véritable château digne d’un Roi tout en conservant ses modestes proportions afin que ceux invités à partager son intimité puissent sentir le privilège qui leur est fait. C’est ce que fera plus tard Louis XIV avec Marly. Il faut avant tout que le Roi puisse véritablement être maître chez lui, d’en devenir le seul seigneur. Louis XIII demande donc à son conseiller et secrétaire de cabinet Michel Lucas, bientôt promu intendant de Versailles, de procéder aux vérifications et indemnisations auprès de tous les propriétaires qui se sont vus ces dernières années expropriés par Sa Majesté et de leur racheter définitivement leurs terres.
Le 23 avril 1631
Les dix-huit propriétaires concernés ou leurs représentants (le receveur de M. de Gondi ou le nouveau concierge du Roi) sont attendus à l’église paroissiale à huit heures du matin. L’arpenteur Lesage est présent afin de valider les demandes et réclamations. Les remboursements en cours (ils prendront plusieurs mois tant les litiges et situations sont complexes), Louis XIII peut alors penser aux nouveaux travaux. C’est le moment aussi d’abattre l’enclos qui enfermait le château et ses jardins depuis 1624. Ceux-ci s’agrandissent donc de trois hectares de part et d’autre du château : ce sont les emplacements des futurs Parterres du Nord et du Midi. Seize autres hectares sont rajoutés au parc sur les emplacements prochains du jardin du Roi, du bosquet de la Colonnade, la salle des Marronniers, les bosquets des dômes et de l’Encelade ainsi que la bosquet de l’Obélisque.
Le 29 mars 1631 : la reconstruction
Louis XIII confie la mission de refaire le château à Philibert Le Roy qui s’imagine enfin pouvoir exprimer toute la plénitude de son talent. Seulement, Louis XIII veut toujours s’en tenir au plan d’origine, celui du feuillet 18 de l’Architecture de Philibert De L’Orme (1515-1570) qui lui a tant plu dans son enfance. Ouvrage qu’il fait d’ailleurs rééditer en 1626 après une première publication en 1568. Autant dire un modèle du plus pur style Renaissance. Encore un coup dur pour l’architecte du XVIIe siècle. Le plan original voulu par le Roi, dessiné de ses mains, doit donc être conservé. Par conséquent, le nouveau château reprend tous les anciens éléments, à la différence que le logis et les ailes doivent être plus longs, plus larges et plus hauts. Les quatre angles doivent aussi maintenant être soulignés par quatre pavillons saillants. A l’entrée, le mur de clôture doit être modifié au profit d’un portique bien plus majestueux, à sept arcades en pierres de taille, ornées de riches ferronneries et ornements dorés. Seule celle du milieu qui sert de passage se fermera par une grande porte à deux vantaux de chêne.
Louis XIII considère cette maison comme la sienne propre. Contrairement au chantier de 1623 qui a été ponctionné sur le budget des Bâtiments, celui-ci reste du domaine privé du Roi, c’est-à-dire sur ses menus plaisirs. Par souci d’économie, mais aussi parce que Louis XIII veut continuer à séjourner dans son petit château, il est décidé de procéder par étapes : l’année 1631 sera consacrée au logis central et sa façade côté jardins avec un budget de 43 000 livres, 1632 pour l’aile droite, 1633 pour la façade côté cour du logis et l’aile gauche et 1634 pour le portique. Le Roy a jusqu’au 30 septembre pour s’acquitter de la première étape du chantier.
Le 28 juillet 1631
Louis XIII se ravise pour la façade sur les jardins : Philibert Le Roy avait prévu une terrasse tout le long de l’appartement du Roi que celui-ci refuse finalement. On imagine mal en effet une terrasse au-dessus de la terrasse du jardin. Un projet similaire sera plus tard repris par Mansart avec la terrasse reliant les deux appartements royaux que Louis XIV fera transformer finalement en Grande Galerie. Les rois sont peut-être plus avisés que leurs architectes… Le délai des travaux est donc reporté au 11 novembre. Louis XIII doit ensuite repartir en campagne militaire contre sa mère, Monsieur son frère et le duc de Lorraine.
Le 16 février 1632
Louis XIII peut enfin revenir à Versailles après plusieurs mois d’absence. Philibert Le Roy a achevé l’intérieur du logis et sa façade côté parterre depuis plusieurs mois. L’entrée du château n’a en rien changé mais les jardins et sa nouvelle façade ravissent Louis XIII. L’ensemble de briques rose et de pierres blondes se succède sur onze travées à la place des neuf précédentes, avec deux élégants pavillons en saillie. Avec l’ardoise des toitures, c’est un enchantement. Ces nouvelles couleurs vont donner cet aspect si propre au château de Versailles. Néanmoins, ce style courant déjà sous Henri IV est désormais désuet, voire commun car c’est aussi le style des constructions bourgeoises depuis plusieurs années. Malgré l’évidente réussite de l’architecte, sur la somme allouée il est prévu de lui confisquer 6 000 livres pendant trois ans car la fondation d’un des deux nouveaux pavillons «a esté trouvée douteuze».
L’intérieur a aussi changé et c’est un regret de n’en avoir aucune trace. L’escalier toujours central est bien plus luxueux, en belle pierre. Nous ne savons par contre si Louis XIII a choisi une balustrade en pierre comme cela se faisait ou aurait pu opter pour une en fer forgé, qui aurait fait de cet escalier une grande nouveauté architecturale. L’appartement du Roi ne compte désormais que trois pièces principales mais considérablement agrandi. La «salle du Roi» devient antichambre, la garde-robe la chambre et la pièce du premier étage du pavillon le cabinet, magnifiquement éclairé par ses fenêtres sur trois façades. Le décor de plâtre, de menuiserie ou de carrelage prolongé selon les nouvelles dimensions, reste le même. De l’autre côté de l’escalier, les anciennes chambre et cabinet du Roi auxquels sont rajoutés le pavillon sont transformés en appartement symétrique. On pense évidemment à Anne d’Autriche. Voeu pieux.
Louis XIII profite pendant deux jours de son nouveau logis mais ne revient pas avant plusieurs mois.
Le 16 mars 1632
Comme l’année précédente, on procède à la régularisation des terres réquisitionnées. Il s’agit toujours du même arpenteur, mais à la place du concierge, Louis XIII y envoie son secrétaire Lucas. Les propriétaires, dont le prieur qui tient ardemment à ses privilèges, souhaitent cette fois-ci imposer des conditions plus contraignantes. Les propriétaires n’hésitent pas à doubler le prix de leurs parcelles. Louis XIII doit débourser 13 740 livres pour 55 arpents cette année alors qu’il n’avait payé que 7 722 livres en 1631 pour 117 arpents !
Le 8 avril 1632
Au lieu d’acheter parcelle après parcelle, Louis XIII achète la seigneurie entière de l’archevêque. L’acte de vente est des plus cérémonieux, à l’hôtel du Garde des Sceaux et en présence du surintendant des Finances. L’archevêque s’y déplace et après serment de tout ce qu’il laisse à Sa Majesté (jusqu’aux poules !), 229 hectares, il reçoit 66 000 livres. La seigneurie relève d’un bien de la Couronne, au contraire du château. Parmi les biens remis, il existe toujours le vieux château ou hôtel du seigneur. Sans être en ruine, il est évident qu’un prélat du rang de l’archevêque n’y a jamais logé. Il le louait à des particuliers. Louis XIII va y installer ses jardiniers qui vont entretenir le terrain de leur art. Jusqu’à ce que Louis XIV en 1663 y installe son Potager, situation somme toute logique.
Entre le 18 août et le 19 octobre 1632
Plusieurs autres propriétaires, de moindre envergure que l’archevêque, acceptent de vendre leurs terres déjà réquisitionnées, mais à la condition que le Roi leur achète aussi leurs terres qui ne sont pas incluses dans son enclos. Quatre autres cependant refusent toute idée de vente et veulent procéder à des échanges : le curé, la fabrique de l’église, les chapelains propriétaires de la ferme de La Bretonnière et évidemment le prieur. Ces biens d’Eglise ne peuvent être vendus comme le lopin de terre d’un simple laboureur ou bourgeois. Ces membres du clergé n’en sont que les dépositaires. Il leur faut une compensation digne de leur ordre. La situation va se débloquer le 27 septembre quand le couple Martin décide de vendre au Roi d’importantes terres : 19 hectares dans l’enclos plus 52 hors. Ces terres ont l’avantage de se trouver près du prieuré et de l’église, très utiles pour les échanges souhaités. Tous reçoivent finalement plus d’arpents que ce qu’ils ont cédé au Roi.
Comme pour le château, l’argent engagé pour le parc relève des menus plaisirs et non des finances publiques. Contrairement à la seigneurie. La Chambre des Comptes va rapidement en faire la remontrance au Roi.
Jusqu’à la fin du mois d’avril, sauf pour de courts intermèdes à Paris, Louis XIII s’installe longuement à Saint-Germain, entrecoupé de séjours à Versailles. Il est ensuite obligé de repartir pour la Lorraine qui ne désarme pas. Philibert Le Roy profite de la nouvelle absence prolongée du Roi pour commencer la deuxième étape des travaux : l’aile droite. Cela n’empêche pas Louis XIII de séjourner du 6 au 7 août puisque son propre logis est habitable. Fin août il repart en campagne contre son frère, cette fois-ci dans le Midi. C’est à ce moment que le duc de Montmorency, complice de Monsieur est condamné à mort à Toulouse. Louis XIII confisque alors tous ses biens dont son domaine de Chantilly que le Roi apprécie tout particulièrement pour sa forêt giboyeuse. Il ne revient à Versailles que le 20 novembre pour constater la fin des travaux. Il repart le 23 et revient le 29 pour une semaine.
Le 4 décembre 1632, il reçoit enfin son épouse qui est de retour elle aussi du Languedoc. Les témoins parlent de contentement de part et d’autre pour ces retrouvailles. Néanmoins la Reine rentre à Paris le soir même.
1633
Louis XIII n’est plus en guerre pour l’instant, mais il préfère séjourner dans l’est parisien la majeure partie de l’année 1633, appréciant beaucoup chasser à Chantilly. Philibert Le Roy en profite pour refaire l’aile gauche mais aussi la façade du logis royal côté cour. Il lui faut penser au perron de trois marches ainsi qu’au balcon central qui doit être parfaitement symétrique à celui côté jardins. Le Roi ne séjourne qu’une semaine entre le 6 et 13 juin malgré les travaux qui touchent directement son appartement. Versailles n’est qu’une étape de ses nombreuses pérégrinations, entre cures et nouvelles campagnes militaires. Louis XIII revient enfin à Versailles à la fin du mois d’octobre. Il y constate l’avancement satisfaisant des travaux. Les ailes peuvent désormais recevoir confortablement quatorze logements. Le Roi ne revient que trois ou quatre jours au mois de décembre.
La même année, quatre nouveaux carrés de parc sont mis en place sur les nouvelles terres récupérées. Trois sont boisés mais le quatrième (actuel jardin du Roi) reste en l’état de prairie humide traversée par les ruisseaux de Versailles. Un réservoir est alors construit afin de recueillir ces eaux. Une belle pièce quadrilobée est construite : on l’appelle alors le Canal. Ce sera plus tard le Bassin d’Apollon. Boyceau recommande la construction de ces canaux qui permettent aux eaux de circuler et d’y voir des poissons qui apportent de l’esthétisme aux jardins mais aussi très utiles pour les cuisines.
Pendant ce temps, l’organisation administrative de la petite localité se développe en fonction de l’intérêt que lui porte Sa Majesté. Son conseiller et secrétaire devient intendant du domaine quand le concierge du château a aussi un rôle important de gestion. Un bailliage chargé du cadre juridique existe depuis longtemps et se retrouve désormais liée à l’administration directe du Roi et de ses représentants. Le 25 mai sont confirmés le bailli Michel Ferrand, le procureur du Roi Pierre Le Grand et son substitut René Le Grand, à quoi il faut rajouter deux sergents et un tabellion-greffier (en quelque sorte un notaire rural). Un règlement de police lu au prône peu après interdit aux Versaillais tout blasphème, de se rendre dans les tavernes tard le soir, de jouer le dimanche et sont tenus à garder propres leurs rues.
1634
Louis XIII retourne à Versailles encore pour un court séjour au mois de janvier. Il faut ensuite attendre les 22 et 23 avril pour le revoir. Le chantier est presque achevé. Il ne reste plus que le portique. Celui-ci sera des plus magnifiques, avec une terrasse au-dessus. Sa construction débute le 20 juin et se termine le 15 août. C’est seulement le 13 octobre que reient Louis XIII qui délaisse Saint-Germain-en-Laye dont Versailles n’est pour l’instant qu’une dépendance au profit de Chantilly. Ce même jour, le Roi y reçoit des mains de l’ambassadeur de Savoie quatre ameublements de velours à fond d’argent de différentes couleurs offerts par la duchesse, soeur du Roi de France pour Versailles.
Le château est enfin _le croit-on_ achevé. L’ensemble est charmant, éloigné de sa première version rurale. Mais ce n’est pas non plus ce qu’on attend d’une maison royale. Beaucoup de gentilshommes à cette date se font construire leurs châteaux ou hôtels dans un style plus moderne. Le château est comparé à l’hôtel de Rambouillet. Merveille qui éblouit tous ses visiteurs. Mais qui date de 1618 !
Le 29 octobre Louis XIII y tient son Conseil. Cette expérience ne se renouvelle pas car le Conseil est plutôt pris chez le cardinal à Rueil.
Boyceau de La Barauderie meurt semble-t-il cette année-là ou l’année d’avant. La finalisation des jardins est assurée par son neveu. Les deux conçoivent un grand parterre de forme carrée de 88 mètres de côté distribué en compartiments de broderies organisés autour d’un grand bassin central. C’est l’emplacement du Parterre d’Eau actuel. L’équipement en eau fourni par Francini ne suffit pas à alimenter ce bassin. Il faut alors réquisitionner par corvée un cheval de la ferme qui pompe l’eau de l’étang de Clagny.
De la fin de l’année 1634 jusqu’au début 1635, Louis XIII reste plus de quatre mois à Saint-Germain-en-Laye et en profite donc pour séjourner plusieurs fois à Versailles. Le 9 décembre il doit faire taire par arrêt de son Conseil la Chambre des Comptes qui s’inquiète à juste titre des situations inédites des domaines de Versailles, de Chantilly et de Dammartin que le Roi considèrent comme des résidences privées, payées de ses deniers, alors que leur financement passe en partie par la Couronne. Louis XIII passe en moyenne vingt semaines à Saint-Germain-en-Laye, quatorze en campagne militaire. Il reste ensuite cinq semaines à Chantilly, quatre pour Fontainebleau, le reste partagé entre d’autres plus petites résidences et évidemment Paris où il met le moins possible les pieds. Versailles lui permet d’entrecouper ses séjours de Saint-Germain et l’ensemble cumulé n’excède pas quatre semaines dans l’année.
La Prévôté de Paris estime aussi avoir prérogative sur ces trois domaines car relevant de la Couronne. Ces messieurs reçoivent à leur tour les foudres du Roi qui n’entend se faire enlever ses résidences privées.
1635-1643
Février 1635
Louis XIII se lasse de la blonde et piquante Marie de Hautefort, sa favorite _platonique_depuis cinq ans. Outre son caractère difficile, la jeune fille a pris le parti de la Reine et n’hésite pas à intriguer contre le cardinal. Le Roi tombe alors sous le charme de la brune et discrète Louise de La Fayette que Richelieu espère faire sa créature.
Le 10 avril, après encore un long séjour à Chantilly, Louis XIII présente sa maison achevée à Anne d’Autriche, Monsieur mais surtout à sa nouvelle égérie.
La Gazette décrit cette journée mémorable :
«La Reine vint hier ici, accompagnée de la duchesse de Montbazon et de ses filles (les filles d’honneur dont fait partie Louise de La Fayette). Monsieur y est aussi arrivé de Paris en même temps. Sa Majesté est allée au devant de la Reine et après lui avoir fait voir la maison, lui a fait une très belle collation et aux dames de sa suite près desquelles y avait des gentilshommes ordonnés de sa part pour les servir. Après cette collation, la reine et toutes les dames sont allées à cheval dans le parc voir chasser le renard aux chiens du Roi, qui ont fort bien chassé. Et comme ce divertissement n’était pour la Reine et les dames, il n’y avait aussi qu’elles à cheval : le Roi, Monsieur et tous les seigneurs étant à pied près d’elles. Cette chasse finie, Leurs Majestés ont pris la route de Saint-Germain (…).»
Louis XIII raccompagne Anne d’Autriche et sa suite jusqu’au petit village de Marly mais repart ensuite pour Versailles. Il rejoint Saint-Germain seulement le lendemain.
Second semestre 1635
Une nouvelle campagne aux frontières allemandes et de nouveau une maladie obligent le Roi à rester dans l’est. Il n’est de retour que le 22 octobre à Saint-Germain, donc des possibles escapades à Versailles.
Le 4 novembre 1635
Louis XIII a la fierté d’envoyer à son premier ministre des fruits de son verger versaillais.
Début janvier 1636
Louise de La Fayette décide d’entrer au Carmel, poussée par Richelieu inquiet de l’influence de la jeune fille sur le Roi.
Le 17 janvier 1636
Terrassé par le chagrin, Louis XIII part se réfugier à Versailles.
Le 25 février 1636
Louis XIII donne un dîner à Versailles au duc de Parme.
Mars 1636
La jeune fille renonce à son projet. Louis XIII est rassuré. Il ignore que ce n’est que partie remise… En attendant, il comble sa dulcinée de cadeaux et ce n’est que musiques, chants et poésies entre les deux, très souvent à Versailles qui est pourtant un domaine exclusivement masculin. Louis XIII vit peut-être les moments les plus heureux de sa vie depuis le décès prématuré de son père.
La même année, il est décidé que l’entretien des toitures des deux châteaux (le neuf et l’ancien ayant appartenu aux Gondi), des jeux de paume et des fermes du domaine relèverait des Bâtiments et non plus des menus plaisirs du Roi. De quoi encore fâcher ces messieurs de la Chambre des Comptes.
En 1637
C’est au tour de Jacques de Menours de décéder. Les jardins sont alors confiés à Claude Mollet le jeune issu d’une longue dynastie de jardiniers au service des résidences royales depuis Henri II et qui continuera à servir la monarchie jusqu’à Louis XV. Son épouse est la marraine d’André Le Nôtre. Il reprend évidemment les préceptes de Boyceau de La Barauderie.
Le 20 février 1637
Louis XIII reçoit son frère suite à une énième réconciliation. Les deux princes partent ensuite dîner chez le cardinal.
Le 9 mai 1637
Cette fois-ci la décision de Louise de La Fayette est irrévocable : elle s’effraie de cet amour, en a honte et craint de perdre son honneur. D’autant que Louis XIII lui demande de s’installer définitivement à Versailles où elle deviendrait la reine de son domaine privé. La jeune fille préfère fuir. Louis XIII ne quitte plus son petit château afin de cacher son chagrin.
Le 19 mai 1637
Adieux de Louise de La Fayette à la Cour, devant une Anne d’Autriche glaciale. Louis XIII se rend au Louvre exprès mais repart aussitôt la jeune fille partie pour Versailles.
Le 26 avril 1638
Louis XIII confirme par arrêt l’indépendance de ses bailliages de Versailles, Chantilly et Dammartin contre la Prévôté de Paris.
Le 27 mai 1638
Louis XIII accueille Anne-Marie-Louise d’Orléans dite Mademoiselle, onze ans. Lui qui ne supporte pas les présences féminines envahissantes montre ainsi à quel point il apprécie sa nièce qui évidemment ne vient pas seule, accompagnée de nombreuses jeunes filles de la Cour dont Marie de Hautefort. C’est de nouveau chasse au renard, collation…
C’est aussi un moyen politique pour officialiser la grossesse de la Reine : en effet la petite princesse a été jusque-là la seule enfant royale de sa génération et par conséquent choyée de tous.
Le 5 septembre 1638
Naissance du Dauphin si ardemment espéré.
En 1639
Claude Mollet met en place une terrasse «en gresserie». Il s’agit d’un long promontoire en balustrade situé entre le fossé et le parterre qui permet une vue en hauteur sur celui-ci, que Mollet fait reculer de deux ou trois mètres avec son bassin. Au centre, la balustrade s’interrompt par un perron qui permet de rejoindre le parterre. C’est alors une nouveauté architecturale dont s’extasient encore les visiteurs des années 1650 (voir le dessin d’Israël Sylvestre ci-haut). Le principe de Boyceau :
«Il y a encore un grand plaisir à voir d’un lieu élevé les parterres qui sont en bas, lesquels en paraissent plus beaux et en sont mieux discernés.»
sera repris par ses successeurs, avec le génie que l’on admire toujours aujourd’hui dans les jardins de Versailles.
La même année meurt Michel Lucas, conseiller et secrétaire du Roi devenu intendant de Versailles. Son fils et homonyme reprend sa charge.
Louis XIII accaparé par la guerre contre l’Espagne, les complots et ses joies paternelles séjourne très peu à Versailles cette année. Il assiste néanmoins au printemps à la démonstration d’une nouvelle méthode d’artillerie qui l’enchante mais à laquelle Richelieu ne donne pas suite, jugeant l’arme trop dangereuse. Il ne faut pas oublier la passion de Louis XIII pour les forts d’apprentissage militaire, ce dont Versailles est le témoignage lors du premier projet du Roi.
Malgré les règlements répétés de police, il est rappelé en février à la population de faire enlever tout fumier et autres immondices avant l’arrivée prochaine de Sa Majesté.
Louis XIII n’y séjourne guère non plus les années suivantes.
Le 1er mars 1639
Versailles commence sa carrière de site touristique incontournable dans Le Voyage de France du père Claude de Varennes :
«Pour en remarquer les beaux bâtiments modernes… on fera bien, pendant le séjour de Paris, de visiter… Versailles où le Roi régnant fait bâtir.»
Le 21 septembre 1640
Naissance de Philippe, duc d’Anjou, second fils du couple royal. Les deux petits princes naissent et passent la plupart de leur temps au château de Saint-Germain-en-Laye, jugé plus sain que le Louvre.
Le 1er octobre 1641
Louis XIII est à Amiens lorsqu’il apprend de son épouse qu’une épidémie de petite vérole sévit à Saint-Germain. Ordres sont donnés : les enfants iront à Versailles mais pas la Reine :
«La reine vient de me mander que la petite vérole augmente fort dans Saint-Germain, et où je veux que mes enfants aillent ; je lui demande qu’elle les envoie à Versailles et qu’elle loge à Noisy. J’avoue qu’elle pourrait bien loger à Versailles avec mes enfants, mais je crains ce grand nombre de femmes qui me gâterait tout si la reine y allait.»
Louis XIII à Richelieu.
Anne d’Autriche se conforme à la décision de son mari et part loger à Noisy laissant ses enfants aux mains de leur gouvernante madame de Lansac, leurs sous-gouvernantes, nourrices, remueuses, femmes de chambre… Ce qui fait déjà beaucoup de femmes ! Le futur Louis XIV de trois ans découvre pour la première fois ces lieux encore (presque) sauvages.
Louis XIII ne rejoint pas ses fils. Il retourne à Saint-Germain seulement le 5 novembre.
Le 30 décembre, il reçoit à Versailles le nonce du pape : Giulio Mazarini. Le Roi, son premier ministre et contre toute attente également la Reine sont enchantés de cet homme. Celui-ci sait désormais qu’une grande carrière l’attend en France.
1642
Le 9 janvier, Louis XIII chasse six cerfs à Versailles en compagnie de grands seigneurs qui soupent ensuite avec lui.
Peu de temps après il repart en campagne pour le Roussillon et ne rejoint Versailles que le 12 août où il reçoit le premier maître d’hôtel du duc de Savoie.
Il séjourne encore à Versailles au mois de décembre, avant et après le décès de Richelieu.
Début d’année 1643
Louis XIII passe quelques courts séjours à Versailles où il reçoit son frère, Mazarin et d’autres seigneurs. Le 18 février, il quitte Versailles définitivement pour Saint-Germain où commence sa dernière maladie le 21.
En avril, espérant encore une guérison, il confie à son confesseur :
«Si Dieu me rend la santé… sitôt que je verrai mon dauphin en état de monter à cheval et en âge de majorité, je le mettrai en ma place et je me retirerai à Versailles avec quatre de vos pères, pour m’entretenir avec eux des choses divines, et ne penserai plus du tout qu’aux affaires de mon âme et de mon salut, à la réserve du divertissement de la chasse que je désire toujours prendre, mais avec plus de modération qu’à l’ordinaire.»
Ce voeu ne sera pas exaucé et Louis XIII meurt le 14 mai.
Avant de mourir, Louis XIII confie à Mazarin la mission de répartir l’argent de ses menus plaisirs pour différents legs, notamment au profit de Versailles : 400 livres à sa mémoire pour l’église de Saint-Julien, 3000 livres pour la fondation d’une école et le traitement du maître, 3 120 livres pour les pauvres de la paroisse et enfin 6 000 livres pour restaurer l’église. Les pauvres recevront ainsi 12 livres chaque semaine pendant cinq ans.
La jeunesse de Louis XIV
1643-1660
Aucune visite du petit Louis XIV n’est attestée avant plusieurs années. En effet, Anne d’Autriche une fois régente préfère fuir ces lieux qui ne peut que lui rappeler la négligence de son mari à son égard. Et comme la plupart des courtisans, la Reine partage cette opinion relayée plus tard par Saint-Simon que le château est :
«le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, parce que tout y est sable mouvant et marécage.»
Il n’y a rien de plus faux et de grossier car de nombreux amateurs d’architecture et de jardins, comme l’atteste le guide touristique du père Claude de Varennes viennent visiter ces lieux.
En 1645
Preuve en est que malgré la mort du Roi et l’absence du nouveau, on compte pour cette année six auberges toutes concentrées dans la rue principale menant au château. De nombreux Versaillais ont compris l’intérêt de ce type d’établissements qui ne cesseront de se développer dans les décennies suivantes. Bien plus intéressantes que des parcelles agricoles qui vont encore être absorbées dans quelques temps. D’autres commerces ouvrent comme des barbiers-chirurgiens ou de plus en plus de nourrices accueillant les nouveaux-nés parisiens. Tout cela apporte une certaine attractivité à ce village qui n’est pas encore un bourg mais qui sera amené à la fin du siècle à devenir la nouvelle capitale du royaume.
Mazarin n’oublie pas cette petite localité que lui a confiée le feu Roi. Il a à coeur de faire fructifier les sommes allouées pour l’église Saint-Julien et l’école à fonder de Versailles. Il attend donc les meilleurs placements pour donner suite aux derniers souhaits du feu Roi. Ce qui arrive enfin cette année-là avec la vente d’un pré qui permettra à l’église d’avoir des rentrées régulières. Néanmoins, le château pour son entretien doit se contenter des revenus de ses fermes. Anne d’Autriche a supprimé tout crédit concernant le domaine. Michel Lucas se démet de sa charge d’intendant ne voyant plus l’intérêt de gérer un domaine royal voué à l’oubli. C’est le président du Parlement René de Longueil qui récupère l’intendance du château avec la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye dont il devient gouverneur après le duc de Saint-Simon. Ce voisinage est tout à son avantage car il est l’heureux propriétaire de Maisons-sur-Seine tout près.
Le 15 avril 1647
L’école versaillaise est enfin financée. Mazarin, de son palais, accepte la proposition d’un couple d’aubergistes qui vend un terrain à la fabrique de l’église (rappelons que l’école de ce temps consistait avant tout en catéchisme).
Le 18 avril 1651
Peu avant sa majorité, on repère une véritable mention de Louis XIV à Versailles. Il y prend « autour du château de Versailles le divertissement de la chasse », suivant la Gazette de France, en compagnie de son gouverneur le duc de Villeroy, avant d’être reçu à dîner par René de Longueil _qui cumule aussi le charge de surintendant des Finances_, que le pouvoir tient à honorer pour sa fidélité durant la Fronde.
Le 19 avril 1651
C’est au tour du prince de Condé de découvrir Chantilly, le château de ses ancêtres Montmorency qui lui est enfin restitué. Gageons que si ce domaine qui avait aussi tant plu à Louis XIII n’avait pas été rendu aux Condé à amadouer durant cette période troublée, le sort de Versailles en aurait été totalement changé. Les deux cousins découvrent ainsi presque simultanément les deux grandes passions respectives de leur vie.
Le 15 juin 1651
Louis XIV retourne chasser à Versailles en compagnie des ducs de Mercoeur et de Damville.
Le 28 juin 1651
«Dès la pointe du jour, le Roi fut voir son château de Versailles et prit autour de là le divertissement de la chasse.»
Le 14 novembre 1652
Après plusieurs mois en province à calmer les troubles de la Fronde, Louis XIV peut revenir à Versailles, accompagné de son frère et d’une grande partie de la Cour. C’est encore le prétexte de chasses, montrant que la pacification du royaume est en cours. Il était temps que le pouvoir royal revienne car Guillaume Masson, fils de Hilaire Masson chargé du potager, louait depuis quelques temps les parcelles dont il avait la charge à des particuliers qui y menaient paître leurs bêtes.
Le 8 et 22 janvier 1653
De nouveau chasses.
Nous remarquons cependant que le jeune prince ne dort pas dans le château, profitant uniquement du grand parc pour chasser.
Le mercredi 2 avril 1653
La Muze historique, gazette de vers relate :
«Le Roy, monsieur d’Anjou, son frère
Pour joüir, comme de raizon,
Des douceurs de cette saizon,
Se transportèrent à Versailles,
Pays de bois et de brossailles
Et très propre pour s’exercer
A courir, sauter et chasser.
L’Eminence fut du voyage,
Avec d’autant plus de courage
Que mon-dit sieur Cardinal
ne chasse pas, dit-on fort mal.
De cette courte promenade
Fut aussi certaine brigade
De gens triez sur le volet :
Sçavoir des joüeurs de Palet,
Quelques capitaines des gardes,
Pluzieurs porteurs de hallebardes,
Des commandeurs, des officiers,
Et mesme des bénéficers,
L’air étoit gaye, doux et riant ;
Mais quoy que le temps fut propice
Pour prendre aux champs de l’exercice,
Il est toutefois très-certain
qu’on revint dès le lendemain.»
Louis XIV et son frère y passent même la nuit, certainement logés le premier dans celui que s’octroya leur père, le second dans l’appartement symétrique vraisemblablement jamais occupé. Les deux jeunes princes ne rentrent à Paris que le 3 avril au soir profitant encore cette journée des joies de la forêt alentour.
Le 17 avril 1653
Encore un séjour à Versailles. L’adolescent semble ne plus vouloir quitter les lieux !
Le 20 mai 1653
Chasse au renard, cette fois-ci en compagnie du cardinal puis nouvelle nuit au château. Anne d’Autriche ne semble pas du tout participer à ces escapades.
La multiplication de ces séjours n’arrange pas la position de René de Longueil déjà affaibli par des accusations de malversations à son poste de surintendant des finances. En tant que capitaine des chasses, il doit gérer au mieux ces divertissements royaux de plus en plus nombreux. Or il n’est pas homme d’armes ce qui est incompatible avec une telle charge.
Le 15 août 1653
Louis XIV accompagné de Mazarin est accueilli à Versailles par Louis Le Normand, sieur de Beaumont qui remplace le président de Longueil. Néanmoins le nouvel intendant ne fera pas grand chose pour gérer le domaine qui sera finalement peu visité par le Roi les années suivantes.
Juin 1653
Louis XIV décide de retirer la charge de capitaine des chasses de Saint-Germain-en-Laye et de Versailles à René de Longueil. Il lui reconnait ses qualités d’administrateur mais estime que maintenant qu’il est en âge de chasser, il lui faut un homme expérimenté en la matière.
Le 27 février 1654
Louis XIV a quitté l’Île de France plusieurs mois afin de combattre le prince de Condé aujourd’hui au service du roi d’Espagne. Il revient enfin à Versailles malgré le froid :
«Le Roy, qui ne craint froid ny glace
fut hier à Versailles à la chasse
Avec quelques-uns de sa cour,
Et revint dès le mesme jour.»
Le 31 mars 1654
Nouvelle chasse, cette fois-ci en compagnie de Mazarin.
Début novembre 1654
Louis XIV décide de fêter la Saint-Hubert (saint patron des chasseurs et fête importante à la Cour) non pas comme le veut la tradition à Fontainebleau mais entre Saint-Germain et Versailles. Cependant Louis XIV préfèrera les années suivantes vivre à Vincennes plutôt qu’à Saint-Germain dont la forêt est tout aussi giboyeuse et plus proche de Paris. Le Roi ne vient pas à Versailles de l’année 1655, une seule fois en 1656, 1658 et 1660, deux fois en 1657.
Versailles, mal surveillé par le sieur Beaumont, négligé de la présence royale, va voir son domaine aux prises d’hommes sans scrupules. Jeanne Mongé veuve se remarie au sieur de Noiron nommé à son tour concierge au détriment du fils du précédent à qui devait revenir naturellement cette charge. Ce triste sire tente de tuer dans le parc Guillaume Masson _autre larron_ qui l’accuse de voler les fruits du verger. Ce dernier s’enrichit lui-même sur le dos du domaine car non content de louer des parcelles qui ne lui appartiennent pas, vend maintenant du bois des arbres appartenant au Roi de France. Une autre fois Masson menace la servante du concierge de la couper en deux si elle continuait à amener les bêtes de son maître sur la terrasse. Alors que ses propres vaches broutent les arbres en espaliers ! De nombreux désordres de sources diverses sont à constater, élargis à toute la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye. Beaumont finit même assassiné dans cette forêt par deux cavaliers inconnus le 3 mai 1660. A cette date Louis XIV rejoint les Pyrénées pour se marier.
Du 26 août au 20 septembre 1660
Après un voyage de retour à travers la France de plusieurs mois et une entrée triomphale dans Paris, le jeune couple royal aspire à du repos. Louis XIV souhaite sûrement présenter Versailles à sa nouvelle épouse mais il sait son domaine peu en état de les recevoir. Ils se contentent d’un court séjour chez Monsieur à Saint-Cloud puis un plus long à Saint-Germain-en-Laye plus amène de recevoir la Cour. Louis XIV rêve d’un domaine presque neuf où comme son frère il pourrait à son tour déployer ses goûts artistiques…
C’est à ce moment qu’en remplacement de ce pauvre sieur de Beaumont, Louis XIV prend une décision capitale en nommant son Premier Valet de Chambre Jérôme Blouin (1610-1665), intendant de Versailles, renouant ainsi avec les Michel Lucas père et fils directement liés à Louis XIII en qualité de secrétaires. Le Roi lui demande comme première mission de renvoyer Masson et de lui interdire de s’approcher de Versailles sous peine de forte punition. Il lui faut aussi dresser un état des lieux. Louis XIV peut être inquiet de ce qu’il va en être révélé.
Le 11 octobre 1660
C’est au tour du couple Noiron d’être renvoyé, et ce n’est que justice. Cependant, on peut partager un sentiment de regret avecla pauvre Jeanne Mongé fille du premier concierge et rare personne qui connaît le château depuis 1624. Louis XIV leur octroie cependant un logement dans les cuisines du Château-Vieux de Saint-Germain. Après un inventaire drastique avec les anciens concierges, Blouin doit maintenant s’occuper d’un possible séjour du couple royal.
Le 25 octobre 1660
Louis XIV peut enfin présenter Versailles à la nouvelle Reine Marie-Thérèse. Les gazettes du temps, même les plus lyriques, taisent le nom de la Reine Mère qui refuse encore de s’y déplacer. Elle n’aura d’ailleurs bientôt plus le choix…
Or comme son père trente-quatre ans auparavant, c’est en présentant les lieux à son épouse que Louis XIV prend conscience de l’exiguïté des lieux, si peu conformes à sa dignité royale. Et qui justifie aussi peut-être la volonté d’Anne d’Autriche de ne pas y mettre les pieds. Or Louis XIV, contrairement à son père, aime briller. Si celui-ci a aussitôt recouru à des agrandissements puis embellissements après la première visite royale, son fils se doit de faire mieux.
Faut-il encore financer tout cela : Bloin s’attelle à la tâche en augmentant les fermages locaux. Ce qui va rapidement s’avérer dérisoire.
Louis XIV réclame en premier lieu la réfection et l’augmentation de son verger. En effet, celui-ci a été non seulement plus que négligé par Olivier Masson mais est dessiné de forme irrégulière. Pour obtenir un rectangle ou un carré, il faut de nouveau exproprié les roturiers alentours. Qu’à cela ne tienne ! Blouin ne peut en aucun cas financer cet agrandissement par ses simples fermages. Colbert devra réguler le tout sur le budget des Bâtiments, mais seulement en 1664. Ce nouveau jardin fruitier deviendra plus tard l’Orangerie.
1660-1668
Le 9 mars 1661
Jules Mazarin, le principal ministre du jeune Roi, meurt à Vincennes. C’est alors la prise du pouvoir de Louis XIV. Il n’y aura plus de premier ministre, lui seul décidera de la politique à mener. Le jeune souverain se veut le protecteur des arts et tout son règne sera attaché à faire de la France le royaume que tout le monde copiera mais que personne n’égalera. C’est à la même époque qu’il se prend véritablement de passion pour ce lieu quasi vierge où il peut donner vie à tous ses désirs, au point d’y engager des aménagements d’envergure qui se prolongeront jusqu’à la fin de sa vie en 1715.
Ce décès n’a pour l’instant pas de conséquence directe sur Versailles. Sauf que Louis XIV nomme dès le 10 mars comme nouveau gouverneur de Saint-Germain-en-Laye et ses capitaineries le marquis de Richelieu. Or dans sa nouvelle titulature, rien n’est dit de Versailles. Implicitement, Louis XIV en souligne ainsi la nouvelle indépendance.
Louis XIV ne se préoccupe pas pour l’instant du château, seuls les jardins l’intéressent qui deviendront rapidement le cadre de festivités enchanteresses. Il ne peut cependant oublier la vétusté des logements dans lesquels il a accueilli son épouse. Le peintre Charles Errard est donc nommé pour «rétablir» les peintures d’alors, celles des plafonds ou faux marbres.
Mais ces menus travaux s’avèrent rapidement insuffisants. En effet, la Reine est enceinte. Il va donc falloir penser à un appartement digne du futur héritier puis de ses frères et soeurs qui suivront. Monsieur vient aussi de se marier avec la jeune Henriette d’Angleterre. Sans oublier la Reine Mère qui devra bien un jour venir en ces lieux. Le Roi doit aussi accueillir ses cousins le prince de Condé (qui en qualité de Grand Maître se doit de suivre partout le Roi) et la Grande Mademoiselle rentrés en grâce. Or tous ces princes et princesses disposent chacun d’une suite importante digne de leur rang. Même réduite au strict nécessaire, le petit château ne pourra jamais recevoir tout ce monde. Des travaux, déjà d’envergure sont commandés.
Le 17 août 1661
Louis XIV et sa Cour en séjour au château de Fontainebleau sont invités par le surintendant des Finances Nicolas Fouquet dans son château neuf de Vaux-le-Vicomte à quelques lieues. On admire la journée l’architecture innovante de Louis Le Vau, les décorations intérieures ordonnées par Louis Le Brun, les jardins enchanteurs d’André Le Nôtre. La fête du soir est splendide, entre la comédie de Molière et la musique de Lully puis le banquet pour près de mille personnes assuré par François Vatel, avec évidemment feux d’artifice. Louis XIV fait bonne mine mais ne peut supporter intérieurement qu’un de ses sujets puisse montrer plus de magnificence que lui. Le sort du surintendant est déjà scellé depuis plusieurs semaines mais cette fête ne fait que renforcer l’idée du Roi de s’en débarrasser. Selon la tradition, Louis XIV aurait dit en rentrant en carrosse à sa mère : « Ah, madame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ? »
Le 5 septembre suivant, Fouquet qui se voit déjà premier ministre est arrêté à Nantes. Un long procès s’ensuit et «l’écureuil» terminera ses jours en prison. En attendant, ceux qui ont contribué à ces splendeurs continueront à déployer leurs talents pour le Roi. Mais pour l’instant la priorité n’est pas pour Versailles, petite demeure privée et campagnarde mais le Louvre, véritable résidence du Roi de France.
Le 22 janvier 1662
Louis XIV vient constater l’avancée du chantier. Les rez-de-chaussée et étage sont divisés en huit logements distincts permettant de loger au mieux les personnes royales et princières. L’escalier central est détruit afin de gagner de l’espace. Un escalier dans chaque aile est installé à la place. L’aile droite accueille au rez-de-chaussée l’appartement double de Monsieur et de Madame séparé par l’escalier dit «degré du Roi» de la salle des gardes, de l’appartement de leur capitaine et la chapelle. A l’étage se trouve la salle du Billard (au-dessus de la salle des gardes et visible sur le plan) et l’appartement du Roi au-dessus de Monsieur et de Madame. Cet appartement royal se compose d’une antichambre contigüe à l’escalier (visible sur le plan), d’un petit cabinet suspendue dans la tourelle à l’angle de la tour (voir ci-haut), d’une chambre (à l’emplacement de celle de Louis XIII), d’un cabinet particulier (dans le pavillon) et d’un grand cabinet (ancienne antichambre). Un grand salon à l’emplacement de l’escalier détruit relie cet appartement à celui de la Reine symétrique. Celui-ci est séparé de celui du Dauphin par le «degré de la Reine». En dessous du Dauphin sont logés le prince de Condé et son épouse. En réalité, Louis XIV récupérera cet espace pour y placer un appartement bas dont la salle du conseil. Sous la Reine, un grand appartement pour la Reine Mère, un plus petit pour la Grande Mademoiselle. La Reine mère peut rejoindre Monsieur et Madame par un vestibule au milieu du logis central. Plusieurs escaliers secondaires permettant de rejoindre des entresols et le second étage à destination des officiers des maisons royales et princières qui doivent se contenter de chambres.
Le 1er mars 1662
Louis XIV revient, cette fois-ci en compagnie de Marie-Thérèse.
Le 15 mars 1662
Une chasse dans les alentours permettent à Louis XIV d’observer de nouveau les travaux.
Les 5 et 6 juin 1662
Lors du grand carrousel entre le Louvre et les Tuileries, donné à l’occasion de la naissance du Dauphin, Louis XIV prend définitivement comme emblème « un visage rayonnant de flammes au-dessus du globe terrestre » accompagné de la devise interprétée de mille façons : Nec pluribus impar … pour laquelle les traductions, parfois libres, varient à l’infini : « Non inégal à plusieurs », « À nul autre pareil », « Supérieur à la plupart », « Au-dessus de tous », ou encore « Je suffis à plusieurs mondes ».
A partir du printemps 1662
De nombreux peintres, logés dans les auberges, sous l’égide de Charles Errad décorent les appartements. Noël Coypel, spécialisé dans les grands décors est chargé du salon central. L’architecte Louis Le Vau, réquisitionné de Vaux, redécore les façades : il agrandit les fenêtres des appartements royaux et ceinture le château d’un balcon en fer forgé peint en vert et doré. Les lucarnes des toitures sont à leur tour dorées. Les fossés sont maintenus mais leur aspect militaire s’estompe au profit de terrasses ponctuées de vases de fleurs. Tous ces hommes sont coordonnés par Louis le Petit, contrôleur des Bâtiments qu’a placé Colbert soucieux de savoir ce qui se passe à Versailles en tant que surintendant des Finances.
Le 17 juillet 1662
Après avoir fui les gros travaux de maçonnerie, Louis XIV revient en petite compagnie et termine sa journée en chassant.
Le 19 juillet 1662
Louis XIV invite sa cousine Mademoiselle et sa belle-soeur Madame à visiter le château en travaux. La duchesse d’Orléans est accompagnée de ses filles d’honneur parmi lesquelles se trouvent Louise de La Vallière.
Le 20 juillet 1662
Louis XIV présente sa maison embellie aux deux Reines.
Le 17 septembre 1662
Le Roi revient accompagné de Monsieur et de Madame. La soirée se termine par un bal.
De l’automne à janvier 1663
Louis XIV retourne à Versailles au moins six fois mais en petite compagnie dans l’attention de chasser.
Le 3 février 1663
Les travaux ont bien avancé et Louis XIV accompagné de Marie-Thérèse a la satisfaction de voir leurs appartements agréablement meublés.
Le 16 février 1663
Cette fois-ci Louis XIV aide à tapisser un des deux petits cabinets d’angle puis à y établir tableaux et tablettes.
Mars et avril 1663
Plusieurs petites visites du Roi, seul ou accompagné de son épouse, afin de constater l’état des travaux.
Du 19 mai au 9 juin 1663
Louis XIV arrive mal au point à Versailles, avec la Reine elle-même déjà atteinte de la rougeole. Anne d’Autriche a préféré rester à Paris. Il repart parfaitement guéri.
Juillet 1663
Louis XIV passe quatre fois à Versailles dont une pour une réception offerte à son frère et sa belle-soeur.
Août 1663
Louis XIV reste dix jours ce mois-ci.
Le 28 septembre 1663
Lettre de Colbert au Roi :
Votre Majesté retourne de Versailles. Je la supplie de me permettre de lui dire sur ce sujet deux mots de réflexion que je fais souvent et qu’elle pardonnera, s’il lui plaît, à mon zèle. Cette maison regarde bien davantage le plaisir et le divertissement de Votre Majesté que sa gloire : et comme elle fait bien connaître à tout le monde combien elle préfère celle-ci à ceux-là, et que c’est assurément l’intérieur de son coeur, en sorte qu’il y a toute sûreté de parler librement à Votre Majesté sur cette matière sans courir risque de lui déplaire. Je croirais prévariquer à la fidélité que je lui dois si je ne lui disais qu’il est bien juste qu’après une si grande et si forte application qu’elle donne aux affaires de son Etat avec l’admiration de tout le monde, elle donne quelque chose à ses plaisirs et à ses divertissements, mais qu’il faut bien prendre garde qu’ils ne préjudicient pas à sa gloire. Cependant, si Votre Majesté veut bien chercher dans Versailles où sont plus de 500 000 écus (plus d’1 500 000 livres tournois) qui y ont été dépensés depuis deux ans, elle aura assurément peine à les trouver. Si elle veut faire réflexion que l’on verra à jamais dans les comptes des trésoriers de ses bâtiments que, pendant le temps qu’elle a dépensé de si grandes sommes en cette maison, elle a négligé le Louvre, qui est assurément le plus superbe palais qu’il y ait au monde et le plus digne de la grandeur de Votre Majesté… Et Dieu veuille que tant d’occasions qui la peuvent nécessité d’entre dans quelque grande guerre, en lui ôtant les moyens d’achever ce superbe bâtiment ne lui donnent pour longtemps le déplaisir d’en avoir perdu le temps et l’occasion. Votre Majesté sait qu’au défaut des actions éclatantes de la guerre rien ne marque davantage la grandeur et l’esprit des princes que les bâtiments ; et toute la postérité les mesure à l’aune de ces superbes maisons qu’ils ont élevées pendant leur vie. Ô quelle pitié, que le plus grand roi et le plus vertueux de la véritable vertu qui fait les plus grands princes, fut mesuré à l’aune de Versailles ! Et toutefois, il y a lieu de craindre ce malheur.
Pour moi, j’avoue à Votre Majesté que, nonobstant la répugnance qu’elle a d’augmenter les comptants, si j’avais pu prévoir que cette dépense eut été si grande, j’aurais été d’avis de l’employer en des ordonnances de comptant, afin d’en ôter la connaissance. Votre Majesté observera de plus, s’il lui plaît, qu’elle est entre les mains de deux hommes qui ne la connaissent presque qu’à Versailles, c’est-à-dire dans le plaisir et dans le divertissement, et qui ne connaissent point du tout l’amour qu’elle a pour la gloire, de quelque part qu’elle doive venir : que la portée de leurs esprits, suivant leurs conditions, divers intérêts particuliers, la pensée qu’ils ont de faire bien leur cour auprès de Votre Majesté, joint à la patronnance dont ils sont en possession, fera qu’ils traîneront Votre Majesté de desseins en desseins pour rendre ces ouvrages immortels, si elle n’est en garde contre eux.
Pour concilier toutes choses
Colbert joue sur la corde sensible de Louis XIV : ses plaisirs ou sa gloire ? Gloire qui est l’unique objectif du Roi quia sacrifié il y a peu encore son grand amour pour celle-ci. Or pour Colbert cette gloire passe par le Louvre, certainement pas par le petit relais de chasse de Louis XIII aussi agrandi et orné soit-il. Mais au contraire de son ministre, Louis XIV commence à voir dans cette maison le potentiel qui lui apportera cette gloire si recherchée. Et cette fois-ci personne ne pourra l’en détourner.
Le 28 septembre 1663
Colbert joue sur la corde sensible de Louis XIV : ses plaisirs ou sa gloire ? Gloire qui est l’unique objectif du Roi qui a sacrifié il y a peu encore son grand amour pour celle-ci. Or, pour Colbert, cette gloire par par le Louvre, certainement pas par le petit relais de chasse de Louis XIII aussi agrandi et orné soit-il. Mais au contraire de son ministre, Louis XIV commence à voir dans cette maison le potentiel qui lui apportera cette gloire si recherchée. Et cette fois-ci personne ne pourra l’en détourner.
Le 3 octobre 1663
Contrairement aux avis négatifs du surintendant des Finances, de nombreux visiteurs admirent les créations de Sa Majesté. Jean Loret, rédacteur de la Muze Historique, s’extasie des beautés du château et de ses jardins. Ce n’est qu’un début…
Du 14 au 22 octobre 1663
Première semaine inaugurale à Versailles. Anne d’Autriche est la véritable invitée d’honneur :
«Comme le Roi aime particulièrement cette maison, qu’il se plaît à la rendre la plus galante et la plus propre à y donner aux personnes royales tous les divertissements de chaque saison, il serait difficile de bien exprimer la propreté et la beauté des meubles des appartements, et particulièrement celui de la Reine mère, dans lequel elle fut conduite par le Roi après l’avoir reçue à la descente de son carrosse. Elle fut surprise de voir tous ces appartements ornés de deux choses qui sont les plus agréables à Sa Majesté, savoir : des ouvrages de filigranes d’or de Chine, et de jasmins. Jamais la Chine même n’a tant vu de ces ouvrages ensemble, ni toute l’Italie tant de ces fleurs. Après que Sa Majesté eut visité tous ses appartements, qu’elle trouva non seulement superbement, mais même fort galamment meublés et ornés de tout ce qui peut être agréable à la vue et à l’odorat, le Roi commença à donner aux Reines, Monsieur, Madame et toute la Cour, tous les divertissements qui peuvent être agréables en cette saison, ce qui a continué pendant les huit jours entiers qu’elles ont demeuré au dit Versailles. Tous les jours les bals, les ballets, comédies, musiques de voix et d’instruments de toutes sortes, violons, promenades, chasses et autres divertissements ont succédé les uns aux autres. Et ce qui est fort particulier en cette maison, est que Sa Majesté a voulu que toutes les personnes auxquelles Elle donne des appartements soient meublés. Elle fait donner à manger à tout le monde et fait fournir jusqu’au bois et aux bougies dans toutes les chambres, ce qui n’a jamais été pratiqué dans les maisons royales.»
Papiers de Colbert
On l’a vu, sa mère a toujours détesté _et à juste titre_ cette maison. C’est elle plus que quiconque que le Roi doit impressionner et convaincre.
Lors de cette réception, la troupe de Molière joue plusieurs comédies dont l’Impromptu de Versailles. Cette mise en abîme montre déjà l’attraction qu’aura bientôt Versailles sur tous les arts :
https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/MOLIERE_IMPROMPTUVERSAILLES.pdf
Louis XIV choisit comme salle de spectacle le vestibule reliant les appartements du rez-de-chaussée. La vue donne sur les jardins. Jardins qui sont et seront encore longtemps la priorité de Louis XIV, sa véritable passion. Le château n’est que le meilleur moyen de profiter de ceux-ci. Tout doit contribuer à leur admiration. Il n’a certainement jamais lu Boyceau mais il a compris depuis longtemps comment mettre en valeur ses jardins.
Le 1er janvier 1664
Le surintendant des Bâtiments Antoine de Ratabon, s’il participe à l’embellissement du Louvre, ne donne pas entière satisfaction au Roi concernant Versailles. En effet il laisse Blouin seul gérer les arpentages. Il est remplacé par Colbert, qui cumule cette charge à quoi il faut rajouter les Arts et Manufatures, à celle des Finances. L’homme fort du gouvernement va devoir assurer un chantier pour lequel il ne voit lui non plus aucun intérêt. Contrairement au Louvre. Il impose dès lors aux administrateurs un registre des Bâtiments du Roi, source très précieuse conservée aux Archives nationales et à la bibliothèque nationale. Le Sage étant décédé, c’est Robert Prudhomme qui est chargé des calculs. Les vérifications auprès des particuliers dureront jusqu’au mois de mai. C’est encore quarante arpents pris sur le prieuré (sans compter les particuliers !), sans compter ses champs remués et même saccagés avec l’établissement de la nouvelle place devant le château et l’ouverture des trois avenues.
Le 2 février 1664
Jean de Loret note dans sa Gazette des Muzes :
«Mercredy, le Roy nôtre Sire,
A qui de longs jours je dézire,
Dans Versailles traita la Cour ;
Et quoy que ce fût un beau jour,
On n’y fit point, dit-on, de chasse,
Mais le plaizir de la Ramasse,
PLus rapide que hazardeux,
Les divertit une heure, ou deux.»
En 1665
Le presbytère est démoli : le curé doit loger au prieuré divisé désormais en deux. Mais bientôt la moitié laissée au prieuré est réquisitionnée à son tour pour loger le bailliage et y placer la geôle. Quant au jardin du prieuré, il sert de pépinière aux jardins du Roi.
LES GRANDES ETAPES DE CONSTRUCTION
En 1666
L’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, ancien précepteur du Roi _Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz s’est trop compromis durant la Fronde pour espérer succéder à son oncle_ demande des comptes à Louis XIV quant au sort du prieuré de Versailles, réduit à sa portion congrue. Le Roi s’engage non seulement à rembourser ce qu’il doit au prieuré depuis 1662 mais accepte aussi de lui livrer en fermage tous les revenus des terres confisquées. En échange le Roi est désormais entièrement libre d’y faire ce qui lui chante. Rien n’est dit par contre du bâtiment lui-même réquisitionné. L’archevêque rappelle aussi au Roi que s’étant substitué au seigneur clérical local, il a le devoir de se soumettre aux droits d’amortissement auprès de l’archevêque. Il va de soi que Louis XIV ne peut se reconnaître le vassal de quiconque. L’archevêque, malgré sa double influence sur la conscience du Roi, en tant qu’archevêque mais aussi comme celui ayant conduit à son éducation, n’obtiendra rien en ce sens.
A partir de 1668
Situation du château entre 1663 et 1668 :
La maison du Roi semble achevée car mademoiselle de Scudéry s’extasie sur ces lieux aussi commodes qu’ornés, ce qui est généralement plutôt rare. Ses «collègues» La Fontaine, Boileau et Racine ne sont pas en reste non plus cette même année :
«Notre Monarque se divertit à faire bâtir des Palais ; cela est digne d’un Roy. Il y a même une utilité générale ; car par ce moyen les sujets peuvent prendre part aux plaisirs du Prince, & voir avec admiration ce qui n’est pas fait pour eux. Tant de beaux jardins & de somptueux édifices sont la gloire de leur païs. Et que ne disent pas les étrangers ? Que ne dira point la postérité quand elle verra ces chefs-d’oeuvres de tous les arts ?»
Jean de La Fontaine, Les Amours de Psychée et de Cupidon
Ce n’est cependant que le point de départ d’un tout autre chantier.
Côté jardin, Louis Le Vau (1612-1670) érige une enveloppe de pierre autour du château de Louis XIII, à l’appui des pavillons d’angle. Lorsqu’il fait retirer les échafaudages, le palais est métamorphosé. Les nouvelles façades habillées de pierre blanche comportent trois niveaux : le soubassement, rythmé de grandes niches, le premier étage, percé de hautes fenêtres séparées par des colonnes et des pilastres, et enfin, l’attique (la partie supérieure), orné d’autres pilastres plus courts et surmonté d’une balustrade. Le tout est coiffé de toits plats à l’italienne. Au premier étage, Le Vau installe le Grand Appartement du Roi (1) et un autre en symétrie pour la Reine (2). Les deux ailes sont séparées par une terrasse centrale (3) qui fait face au jardin.
En 1670
Le Trianon de porcelaine est construit sur ordre de Louis XIV, à l’emplacement du village de Trianon au nord-ouest de celui de Versailles.
À mi-chemin entre un château et une fabrique de jardin, l’édifice est un ensemble de constructions légères, à ossature de bois, revêtues de carreaux de céramique (d’où le nom de « Trianon de porcelaine »), qui sont consacrées aux collations du Roi.
Cette construction éphémère ne résistera pas aux intempéries et sera détruite en en 1687 pour être remplacée par le Grand Trianon.
Le 4 octobre 1671
Louis XIV confirme l’indépendance de Versailles vis-à-vis de Saint-Germain-en-Laye, au profit de son Premier Valet et intendant de Versailles, Bontemps.
L’appartement du Roi plus tard Grand Appartement
Suite à la construction de l’enveloppe, Jules Hardouin-Mansart édifie à la même période l’appartement du Roi au nord en total symétrie avec celui de la Reine au sud.
Il est au départ à l’image de tous les autres appartements royaux : une salle des gardes, une antichambre, une chambre de parade, un grand cabinet et à l’arrière quelques pièces privées : garde-robe, cabinet intérieur, billard et petite chambre. Celui de la Reine conservera à l’identique jusqu’en 1789 ces affectations prévues par Mansart au début des années 1670. Seulement, entre la conception de la Galerie des Glaces dès 1678, l’installation officielle de la cour de France en 1682 et la mort de la Reine en 1683, Louis XIV déplacera son appartement au coeur de l’ancien château de son père, préférant utiliser ce premier appartement à la magnificence inégalée pour les réceptions.
Le salon d’Apollon (n°8)
La chambre du Roi puis la Salle du Trône
( D’après le texte et les photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette salle était autrefois la plus somptueuse de tout le Grand Appartement. La pièce sert de chambre du Roi de 1673 à 1682, en symétrie avec celle de la Reine, puis de salle du trône dès que le Roi et la Cour s’installent à Versailles. On parle alors de «Chambre du Trône». Elle garde encore d’importants témoins de son ancienne splendeur : les marbres et le plafond.
Celui-ci est le chef-d’œuvre de Charles de La Fosse (1636-1716), très inspiré des oeuvres de Véronèse au Palais des Doges de Venise. Au centre, on voit Apollon sur son char, accompagné par la figure de la France et le cortège des Saisons. Une fois de plus, Louis XIV est identifié au dieu du soleil et des arts. Les quatre voussures représentent de grandes actions de souverains de l’Antiquité : Vespasien faisant bâtir le Colisée, Auguste édifiant le port de Misène, Porus devant Alexandre et Coriolan supplié par sa mère et son épouse d’épargner Rome.
Le damas du temps de Louis XV ne peut effacer le souvenir des tentures extraordinaires qui, à l’époque de Louis XIV, couvraient les murs de la Salle du Trône.
« Les lieux qui sont ornés pour les divertissements que ce grand Monarque donne trois fois la semaine, commencent par le bout de la Galerie de Versailles, qui n’est pas encore découvert, parce que la peinture et les ornements qui la doivent accompagner, ne sont pas achevés. Le Salon qui suit la Galerie est de marbre enrichi de trophées en relief doré. Le roi à cheval, grand comme le naturel, est en relief sur la cheminée. Ses ennemis vaincus sont reversés sous les pieds de son cheval ; et la Victoire, la Valeur, et la Renommée l’accompagnent. Dans la fermeture de la cheminée on voit l’Histoire qui est toute entière appliquée à décrire tant de grands évènements. Huit grands brancards d’argent portent des chandeliers de deux pieds. Deux vases de même hauteur accompagnent chaque brancard, et garnissent les entre deux des fenêtres et des portes. On voit dans les angles des vases d’argent posés sur quatre guéridons, or et azur. Un grand chandelier d’argent à huit branches, pend au milieu de ce Salon.
De ce salon on entre dans la Chambre de trône, dont la tapisserie est d’un velours cramoisi, enrichi d’un gros galon d’or. La table, les guéridons, la garniture de cheminée, et le lustre, sont d’argent. Au fond de la chambre s’élève une estrade couverte d’un tapis de Perse à fond d’or, d’une richesse et d’un travail particulier. Un trône d’argent de huit pieds de haut, est au milieu. Quatre enfants, portant des corbeilles de fleurs, soutiennent le siège et le dossier, qui sont garnis de velours cramoisi, avec une campane d’or en relief. Sur le haut du ceintre qui forme le dossier, Apollon est en pied, ayant une couronne de lauriers sur la tête et tenant sa lyre. La Justice et la Force sont assises. Le dais est de même que la tapisserie. Aux deux côtés du Trône, sur l’estrade, deux scabellons d’argent portent des carreaux aussi de velours. Aux deux angles sont posés des torchères de huit pieds de haut. Un « David » du Dominicain est à la droite du Trône. On voit à la gauche un Thomiris qui trempe la tête de Cyrus dans le sang. Elle peinte par Rubens. Dans les côtés, on a mis quatre grands tableaux de Guide, des Travaux d’Hercule, Apollon est, dans le milieu du plafond, entouré des Saisons et des Mois. Quatre tableaux cintrés par le haut accompagnent le rond. Sur les portes sont deux tableaux du Van Dick, l’un représente le Prince Palatin et son frère ; et l’autre, une vierge, un David, et une Magdeleine. Quatre girandoles portées par des guéridons d’argent de six pieds de haut, parent les quatre coins de la chambre. C’est dans cette chambre que le Roi donne audience aux ambassadeurs. Elle est destinée pour la musique et pour la danse, dans les trois jours que l’on joue ; et ces jours-là sont nommés Jours d’Appartement. »
Le Mercure Galant , rapport des jours d’Appartement, en décembre 1682
Jusqu’en 1689, une estrade sous un dais dont les pitons sont toujours visibles accueillait le célèbre trône d’argent de Louis XIV (en réalité un immense fauteuil en bois haut de deux mètres soixante, recouvert de plaques et de sculptures d’argent). Ce meuble extraordinaire envoyé à la fonte fut remplacé par une succession de fauteuils dorés, dont le style évolua au cours du temps.
Le trône de Louis XV dit «de Slodtz»
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Au début de l’année 1743, le trône présent dans le salon d’Apollon est toujours celui qui avait été livré en 1709. Toutefois, l’inventaire général de 1775 le mentionne, toujours garni de sa riche broderie d’or sur fond d’argent, «A Paris», autrement dit dans les magasins du Garde-Meuble de la Couronne. Entre-temps, l’inventaire de 1751 signale la présence d’un nouveau trône : il s’agit de la première mention, dans les inventaires du château, d’un trône dans le Salon d’Apollon. Il est décrit dans l’inventaire général de 1752 au chapitre des meubles de brocart sans numéro qui sont au château de Versailles :
« Un trône de riche sculpture doré chantourné et bombé de 8 pieds 2 pouces (2,61 m) de haut sur 4 pieds 3 pouces (1,36 m) par le plus large, couvert de brocart fond cramoisi à fleurs d’or, le dossier formé par des palmes terminé d’un casque, sur lequel est un lion accompagné d’un sabre et de faisceaux, les bras en consoles, d’où partent les palmes ; les pieds aussi en consoles dont les devant sont orné de mufles de lions».
L’inventaire général de 1752
Le nouveau trône est mis en place dans le salon d’Apollon en 1743.
Le Roi dispose ainsi d’un trône à la dernière mode. Les motifs de palmes ou de chutes de fleurs ainsi que les éléments chantournés sont autant d’éléments qui conféraient au trône un caractère rocaille très prononcé. Par son vocabulaire décoratif, le trône illustre parfaitement l’attachement de Louis XV à ce style qui porte son nom. Les têtes de lion à la ceinture et le trophée d’armes en haut du dossier font écho aux ornements du dais : les armes de France et de Navarre couronnées, de même que le sceptre et la main de justice en broderie d’or sur la queue, ainsi que les casques aux angles du couronnement, sont en accord avec la fonction de la pièce. En effet, tous ces éléments renvoient aux vertus royales par excellence que sont la justice et la force.
Louis XVI sur son trône, images du film Jefferson à Paris, de James Ivory, 1995
Le trône en lui-même n’est pas un meuble indispensable à la monarchie française. Le lit du Roi est bien plus prestigieux et respecté. Voici ce qu’en dit Béatrix Saule :
Le trône a valeur de contre‑exemple. Ce siège, qui aujourd’hui apparaît comme la marque du pouvoir par excellence, compte peu à Versailles où il n’est pas entouré de marques de respect. Il ne requiert ni salut, ni révérence. Les courtisans, non plus que le roi lui‑même, ne lui accordent l’importance à laquelle on pourrait s’attendre.
Le terme même de trône est équivoque. Il désigne tantôt le siège, tantôt l’estrade, tantôt l’ensemble. La première fois où je l’ai trouvé désignant sans ambiguïté le siège, c’est en 1687 lorsque le sculpteur Collignon reçoit un paiement « pour les ouvrages faits à divers esquisses et modèles pour le trône du Roy » ; mais on parle plus couramment de fauteuil, de grand fauteuil, de fauteuil extraordinaire, de grand fauteuil extraordinaire et surtout de chaise d’audience. Le marquis de Sourches révèle sa gêne à utiliser le mot quand il écrit, à propos de l’ambassade du doge de Gênes : « le roi était assis dans une chaise d’argent en espèce de trône ». En effet, au début du règne, il arrive que le mot désigne l’estrade seule : on trouve mention d’un lit posé sur un trône, c’est‑à‑dire placé sur une estrade d’une marche. Et l’introducteur des ambassadeurs, Breteuil, consigne encore en 1715 à l’occasion, cette fois, de l’ambassade de Perse : « Le dauphin et tous les princes […] étaient sur le trône », c’est‑à‑dire sur la plate‑forme, répétant pour la fin de l’audience : « l’ambassadeur descendit du trône ». À la fin du règne, toutefois, le terme s’applique communément au siège lui‑même, étant entendu qu’il suppose également l’usage d’une estrade (et parfois d’un dais, mais ce n’est pas toujours le cas).« Insignes du pouvoir et usages de cour à Versailles sous Louis XIV »,Béatrix Saule
Si le trône est habituellement placé dans le salon d’Apollon, il est disposé au bout de la galerie des Glaces, du côté de l’appartement de la Reine, lors des audiences majeures. Il peut aussi être déplacé dans d’autres salles comme le salon d’Hercule, la grande salle des gardes, etc, en fonction des cérémonies royales.
Le salon de Mercure (n°7)
Antichambre de l’Appartement du Roi puis Chambre du Lit
( D’après le texte et les photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Le salon de Mercure tient son nom du plafond de Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681) représentant Mercure sur son char tiré par deux coqs, accompagné des arts et des sciences. Dieu du commerce mais aussi messager des dieux, il est lié aux ambassades, thèmes que l’on retrouve dans les voussures du plafond : Alexandre le Grand faisant porter à Aristote divers animaux étrangers afin qu’il écrive son Histoire naturelle, Auguste recevant une ambassade d’Indiens, Alexandre recevant une ambassade d’Éthiopiens et Ptolémée Philadelphe discutant avec des savants dans la bibliothèque d’Alexandrie. Une fois de plus Louis XIV s’inscrit dans la mythologie mais aussi dans l’histoire antique. Ce salon doit rappeler les grandes réceptions d’ambassades du règne et la protection du Roi pour le commerce et le développement des arts et des sciences.
D’abord antichambre, cette salle devient ensuite la Chambre du Lit, où l’on voyait sous Louis XIV un lit de parade entièrement brodé d’or.
Le reste du mobilier était en argent, ciselé par les meilleurs orfèvres des Gobelins : la balustrade du lit et ses huit candélabres, le lustre, les chenets, la table disposée entre les fenêtres et la bordure du miroir qui la surmontait. L’ensemble comme tout le mobilier d’argent du Grand Appartement est envoyé à la fonte en 1689 lors de la guerre contre la ligue d’Augsbourg.
Seuls quelques rares meubles encore subsistent, à peine deux cents à travers le monde et Versailles doit aujourd’hui se contenter de prêts ponctuels afin de rappeler cette splendeur passée. Huit des grands flambeaux de la série des travaux d’Hercule qui scandent la balustre sont rehaussés par des chandeliers en guirlande. Les deux cassolettes géantes de Ballin occupent les angles de l’alcôve. Celle-ci est surélevée d’une estrade de marqueterie.
Enfin, outre le grand lustre à figure de «Renommées» (250 kilos), les chenets et la garniture de cheminée, quatre vases et bassins assortis complètent l’ensemble.
Deux brocarts – un tissé de fils d’or et l’autre d’argent – tendaient les murs alternativement selon les saisons, ainsi que le lit mais ils furent à leur tour envoyés à la Monnaie pour soutenir cette fois la guerre de Succession d’Espagne (1700) . Sur ces brocarts, puis sur celui à fond cramoisi choisi par la suite étaient accrochés Les Pèlerins d’Emmaüs et La mise au tombeau de Titien, aujourd’hui au Louvre.
Aujourd’hui, de part et d’autre du lit, sont exposés Le Roi David jouant de la harpe par le Dominiquin et Saint Jean l’évangéliste à Patmos par Innocenzo da Imola (mais qu’on attribuait alors à Raphaël). Ces deux tableaux étaient accrochés de manières identique dans la Chambre de Louis XIV installée tardivement au coeur du corps central.
Au-dessus des portes, quatre pentures de Simon Vouet La Justice, La Tempérance, La Force et La Prudence, exécutées avant 1638 pour le Château de Saint-Germain, remplacent les tableaux de Titien qui s’y trouvaient autrefois.
Sur les dessus de porte sont placés Acis et Galatée par Michel Corneille et Apollon et Daphné par Antoine Coypel. Ces deux tableaux proviennent du château de Meudon qui a appartenu au Grand Dauphin.
La pendule à automates, exécutée par l’horloger Antoine Morand (1674-1757) qui l’offre à Louis XIV en 1706, se trouvait dans celle salle tout le long du XVIIIe siècle. Louis XV féru d’horlogerie l’inscrit en 1729 à l’inventaire du Garde-Meuble de la la Couronne. Le mécanisme peut encore être admiré.
Toujours d’après le Mercure galant de décembre 1682 :
«Après la Chambre du Trône, on voit celle de Mercure où est le lit. Ce dieu paraît au haut du plafond dans un char trainé par des coqs. La tapisserie est pareil à celle de la Chambre du Trône. Le lit de même étoffe et de même est entouré d’une grande campane d’or en relief, et doublé d’or plein. Quatre pommes blanches et couleur de feu, garnies de grandes aigrettes blanches, sont au-dessus des piliers. Les fauteuils, les tabourets, les pores et les paravents sont comme la tapisserie. Une Assomption et un Saint-Sébastien, d’Annibal Carrache, parent le fond de l’alcôve. Au côté droit prend une musique de Dominiquain, et au gauche une Vierge du Titien. Sur les portes, on voit deux portraits de Van Dick. Une balustrade d’argent sur laquelle posent huit chandeliers de même matière entourent l’estrade, qui est de marqueterie. Deux scabelons d’argent portent, dans les angles, deux cassolettes. Quatre bassins d’argent, avec des bassins, portent aux côtés de la cheminée, et à l’opposé des vases de deux pieds et demi. Deux chenets d’argent parent le foyer. La corniche de la cheminée est enrichie de vases, et de cassolettes de même matière. Un très grand lustre d’argent à six branches, portant chacune trois bougies, pend au milieu de la chambre. Entre les fenêtres, au-dessus d’une grande table, on voit un miroir. La table est garnie d’une grande corbeille et quatre chandeliers, deux grands et deux petits. Aux deux côtés sont des girandoles à sept branches, portées par des guéridons, posés sur des brancards ; le tout d’argent. Une table pentagone, une carrée et une en triangle sont dans le long de la chambre et servent pour le jeu du Roi, de la Reine et de la Maison Royale ; quoique ces tables soient marquées pour eux, ils ont la bonté de se mêler avec tous ceux qui jouent dans les chambres suivantes.»
Le salon de Mercure, ancienne antichambre de l’appartement du Roi, transformée en chambre de parade où Louis XIV n’a peut-être jamais dormi, est réservé au jeu de la famille royale les soirs d’appartement les premières années de l’installation de la Cour de France.
Louis-Philippe, dans sa grande entreprise de transformation du château en un musée porte une attention particulière à l’ancienne chambre de Louis XIV dont il avait connu dans sa jeunesse l’état sous Louis XVI. En octobre 1833, le comte de Montalivet acquit un ensemble de broderies de laine et de soie censées provenir du lit de Louis XIV. Il s’agissait en fait de plusieurs pièces provenant d’un lit du XVIIIe siècle, dont le meuble d’hiver de la Chambre de la Reine du temps de Marie-Antoinette. Le lit «Louis XIV» de Louis-Philippe reste en place pendant plus d’un siècle dans la Chambre de Louis XIV.
Ce n’est que lors de la restauration de la chambre dans son état d’avant 1789, commencée à la fin des années 1950 sous l’impulsion de Gérald Van Der Kemp et inaugurée en 1980, que ce lit selon Louis-Philippe, démonté en 1939, est mis en réserve, jusqu’à sa restauration en 1997 et son exposition en 1998 dans le Salon de Mercure pour rappeler la «Chambre du lit» du Grand Appartement. Ce lit n’était en fait placé qu’à la belle saison sous l’Ancien Régime, l’hiver obligeant de placer de nombreuses tables et sièges pour le jeu. Cette salle n’a donc de chambre que le nom. En revanche, la balustrade d’argent demeure en place. D’argent massif (plus d’une tonne), composée de vingt-huit balustres représentant chacun un globe dans une lyre, vingt autres demi-balustres et dix-sept pilastres et demi-pilastres ciselés de deux cornes d’abondance et d’un soleil. Jusqu’à sa fonte en 1689.
Le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, proclamé Roi d’Espagne le 16 septembre 1700, occupe cette chambre pendant trois semaines avant de gagner son nouveau pays. Louis XIV ne pouvait que lui céder cette chambre de parade officielle jamais utilisée, au moment où son petit-fils devint Roi, donc son (quasi) égal.
A la mort de Louis XIV , c’est également dans cette pièce, transformée en chambre ardente que, du 2 au 10 septembre 1715, le cercueil du Roi est présenté pour recevoir les honneurs.
Le salon de Mars (n°6)
Salle des gardes de l’Appartement du Roi
(D’après le texte et les photographies de Christophe Duarte)
Lors de la construction de l’enveloppe Le Vau, Louis XIV installe son appartement côté nord. Le Salon de Mars est alors la Salle des Gardes qui commence véritablement l’appartement royal. Son décor guerrier rappelle cette destination première. Après la destruction de la terrasse, le Roi repousse son appartement à l’est et ce salon devient le Salon des bals et des concerts dès 1678.
Au centre du plafond, Claude Audran (1639-1684) a peint le dieu Mars sur un char tiré par des loups. L’œuvre marouflée est encadrée par deux compositions ; l’une, à l’est, par Jean-Baptise Jouvenet (1644-1717): La Victoire soutenue par Hercule suivie de l’Abondance et de la Félicité ; l’autre, à l’ouest, par René-Antoine Houasse (1645-1710) : La Terreur, la Fureur et l’Épouvante s’emparant des puissances de la Terre. Les trois peintres sont les élèves de Charles Le Brun et sont fidèles à son style. Les voussures, traitées en camaïeu d’or, célèbrent les triomphes guerriers des souverains de l’Antiquité auxquels répondent tout naturellement les hauts faits militaires du Roi évoqués par les écoinçons de stuc doré des frères Marsy. Enfin, la corniche accentue la vocation militaire des lieux en étant ornée de casques et de coiffures guerrières variées.
Au-dessus des portes, quatre peintures de Simon Vouet (1590-1649), maître de Charles le Brun et André Le Nôtre symbolisent les vertus royales. La Justice, La Tempérance, La Force et La Prudence, exécutées avant 1638 pour la chambre d’Anne d’Autriche au château neuf de Saint-Germain-en-Laye, remplacent depuis Louis-Philippe les tableaux de Titien qui s’y trouvaient autrefois.
Deux grands tableaux sont exposés de part et d’autre de la cheminée sur le meuble de brocart cramoisi : à gauche de la cheminée La Famille de Darius aux pieds d’Alexandre, par Charles Le Brun et à droite Les Pélerins d’Emmaüs d’après Véronèse, l’original aujourd’hui au Louvre. Placés en pendant selon la volonté du Roi, ils révèlent la volonté de montrer que les peintres français pouvaient rivaliser avec les plus grands maîtres italiens.
En 1685, deux tribunes sont installées pour les musiciens de part et d’autre de la cheminée car, les Soirs d’Appartement, le Salon de Mars est réservé à la musique. Ces tribunes sont supprimées en 1750 et le salon prend alors son aspect actuel : deux fausses portes sont créées en symétrie des vraies, et les murs sont tendus d’un damas cramoisi galonné d’or.
Les colonnes qui encadrent les tribunes ont été réalisées avec un fût du même marbre que celui du bas lambris (marbre de Bourbonnais), les bases et les chapiteaux en marbre blanc.
Des gradins couverts de damas sont dressés le long des tribunes afin que les dames qui ne dansent pas puissent s’asseoir.
Au-dessus de la cheminée se trouve actuellement un portrait équestre de Louis XIV par René-Antoine Houasse. L’attitude guerrière du Roi est en accord avec le thème du salon. On peut également voir ce portrait du Roi, lui aussi en posture martiale :
En 1682 et placés en 1683, Louis XIV commande deux grands cabinets en pierre dure à l’ébéniste Domenico Cucci (1635-1704), artisan des Gobelins venu d’Italie. Mais dès les années 1690 ce style encore baroque et ce type de meubles ne sont plus à la mode ce qui entraine leur dépôt dans la Galerie des Ambassadeurs aux Tuileries, puis, à partir de la Régence, dans la Salle des Gardes précédent l’Académie des Sciences au Louvre. Leurs pierres intéressant Buffon, les cabinets sont un temps installés au Jardin du Roi et depuis appartient à la famille de Northumberland en Angleterre. Un prêt a permis de donner une idée du rendu de ces meubles dans le Salon de Mars.
Photomontage réalisé à l’occasion de leur venue à Versailles pour l’exposition Louis XIV : l’homme et le roi en 2009.
Sur les côtés nous retrouvons deux grands portraits de Louis XV lui aussi en guerre et de Marie Leszczynska par Carle Van Loo :
Le portrait de Marie-Antoinette et Ses enfants, par Elisabeth Vigée Le Brun est placé en 1787 au-dessus de la cheminée à la place du Véronèse. En effet, chacun de ces salons du Grand Appartement a pour vocation de présenter à la fois les oeuvres majeures de la collection royale de peinture, tant italiennes que françaises, mais aussi les portraits des souverains au fur et à mesure de leurs règnes. Seule Marie-Thérèse d’Espagne n’y a pas trouvé sa place, disparaissant trop tôt pour marquer l’histoire du château.
Finalement, en juin 1789 Marie-Antoinette fera retirer son grand portrait commandé pourtant comme réponse à son impopularité croissante. Après le décès de son fils aîné, elle ne supporte plus de voir ces traits tant aimés à chacun de ses passage dans ces lieux ,notamment pour se rendre à la Chapelle au quotidien. C’est par ce retrait finalement salutaire conservé dans les réserves des collections royales que cette oeuvre échappera au vandalisme révolutionnaire des années 1793-1794.
1743 correspond à la livraison de dix nouvelles torchères par les Slodtz (ici ébauchées).
Le reste du mobilier est celui du temps de Louis XIV (quatre tables en bois sculpté et doré à dessus de marbre, deux miroirs entre fenêtres), deux lustres et les neuf tableaux qui restent dans le salon jusqu’à la Révolution : les deux grands tableaux dont des exemplaires sont revenus de nos jours ( la tente de Darius de Lebrun et Les pélerins d’Emmaüs de Véronèse), au dessus de la cheminée une sainte Famille de Véronèse (aujourd’hui à Bruxelles), et dans les tribunes, de gauche à droite : La visitation de la Vierge, parc Sebastiano del Piombo, La Vierge tenant le petit Jésus, Saint Antoine et Saint François, par Bonifazio, La Nativité, par Lorenzo Lotto et la Nativité de la Vierge, de Pierre de Cortone.
Selon le même article du Mercure galant de décembre 1682 :
«Après la chambre de Mercure, on trouve celle de Mars, choisie pour l’assemblée des joueurs. Six portraits du Titien sont sur les quatre portes, et sur deux cabinets de marqueterie. Six groupes de figures d’argent, quatre statues, et quatre Buires de même métal ornent les deux cabinets. Deux cuvettes d’argent en ovale portent des vases et quatre sceaux les accompagnent. Quatre grands buires sont aux angles, et deux grands lustres, le tout en argent, pendent aux deux bouts de la chambre. Deux grands miroirs, avec des bordures d’argent à cartouche, sont au-dessus de deux tables, sur lesquelles posent deux grandes corbeilles, quatre grands chandeliers et quatre petits aussi d’argent ainsi que les tables. Des girandoles portées par quatre guéridons de même richesse accompagnent ces deux tables, et parent les entre-deux des fenêtres. Des chenets et des vases d’argent ornent la cheminée ; au-dessus de laquelle on voit un tableau de Paul Véronèse, représentant la Sainte-Famille. Au côté droit est un grand tableau où Paul Véronèse a peint Notre Seigneur avec des pèlerins d’Emmaüs. De l’autre côté, on voit la famille de Darius aux pieds d’Alexandre, tableau de M. Le Brun. Un trou-madame de marqueterie, posé sur une table de velours vert, entouré de pentes de velours cramoisi à frange d’or, est au milieu de la chambre. Une table carrée, quatre en triangle et six à pans sont autour. Elles sont couvertes de velours vert, galonné d’or et garnies de flambeaux d’argent à tous les angles posés sur de petits guéridons. On jour sur ces tables de jeux de cartes, ainsi qu’à divers jeux de hasard. La bassette et le hoca en sont bannis, la prudence du Roi l’ayant ainsi jugé à propos pour le bien de ses sujets. On voit encore dans la même chambre des tables pour plusieurs autres jeux nouvellement inventés, et qui selon toutes les apparences n’ont pas de quoi engager les joueurs à se servir d’une adresse qui n’est pas permise pour gagner.»
Le salon de Diane (N°5)
Le billard du Grand Appartement
Ce salon tient son nom de la déesse Diane présidant à la chasse et à la navigation, peinte au plafond par Gabriel Blanchard (1630-1704), commandée en 1680.
La déesse symbolise la chasse, passion du Roi, appuyée par deux scènes sur le côté : Cyrus chassant le sanglier par Audran ; Alexandre chassant le lion, par La Fosse. Comme soeur jumelle d’Apollon dieu du Soleil et indirectement Louis XIV dans toute la symbolique versaillaise, Diane est aussi liée à la Lune et donc indirectement à la navigation, part importante du métier de Roi et que souhaite développer Colbert. Si le phénomène des marées n’est pas encore entièrement explicable au XVIIe siècle, on sait depuis l’Antiquité que la Lune y détient un rôle. Là encore Audran et La Fosse ont ajouté leurs scènes entourant le médaillon central : Jules César envoyant une colonie romaine à Carthage par Audran ; Jason et les Argonautes, par La Fosse.
Les peintures des plafonds des salons du Grand Appartement ont donc toujours la même structure : un médaillon central symbolisant un dieu romain et sur les côtés des scènes tirées ou de la mythologie en lien avec le dieu ou de l’histoire antique, toutes symbolisant l’action de Louis XIV. Ce schéma ne perdurera pas dans les décors postérieurs au Grand Appartement : bientôt Louis XIV n’aura plus besoin de s’appuyer sur l’Antiquité et ses héros mythiques ou réels pour valoriser son pouvoir. Sa personne seule suffira.
Ce salon n’existait pas à l’époque du premier appartement du Roi et sert donc ensuite de vestibule car passage obligé depuis l’Escalier des Ambassadeurs. Quand Louis XIV décide d’utiliser cet appartement comme lieu de réception, ce salon devient le billard, activité qu’il apprécie beaucoup. Des gradins sont même installés les soirs d’Appartement afin d’y admirer Sa Majesté briller à ce jeu :
«De cette grande salle, on passe dans celle de Diane. Cette déesse est peinte au milieu du plafond. Quatre grands lustres d’argent et quatre chandeliers de même matière, posés sur des guéridons, sont aux angles d’un billard couvert d’un grand tapis trainant à terre, de velours cramoisi, garni d’une frange d’or au bas. Quatre formes du même velours galonné d’or, posées sur deux estrades couvertes de tapis de Perse réhaussés d’or et d’argent, servent aux dames quand elles veulent s’asseoir pour regarder jouer au billard. Quatre caisses d’orangers d’argent, posées sur des bases de même matière, et quatre girandoles d’argent portées par des guéridons dorés sont aux côtés des formes. Une grande cassolette, quatre grands vases et quatre plus petits parent le bord de la cheminée, et deux chenets d’argent son au foyer.»
Mercure galant, décembre 1682
Sur la cheminée, le tableau de Charles de La Fosse représente Le Sacrifice d’Iphigénie pour lequel la déesse intervient in extremis et, en face, au-dessus de la console, Diane et Endymion de Gabriel Blanchard. Les bustes antiques proviennent des collections du cardinal de Mazarin léguées à Louis XIV.
Le Salon de Vénus (N°4)
La petite chambre du Roi puis vestibule
( D’après le texte et les photographies de Christophe Duarte ; Versailles – Passion )
« La sixième est la petite chambre : tout le marbre dont elle est ornée est de couleur de feu avec des veines blanches, et se nomme marbre rouge du Languedoc».
André Félibien (1619-1695), Description sommaire du château de Versailles, 1674
Le salon de Vénus est la petite chambre du Roi de son Grand Appartement, pièce où il doit coucher, en opposition à la grande chambre de parade, située l’actuel salon d’Apollon, qui est la «chambre du lit». Mais cette petite chambre est à peine achevée lors de sa démolition en 1678. Il n’est donc pas certain que Louis XIV y a dormi. Elle est comptée comme la sixième en partant du salon de Jupiter qui précède le salon d’Apollon et depuis Salon de la Guerre.
Les peintures du plafond, du dessus de cheminée et de son vis-à-vis, ne furent jamais réalisées mais seulement programmées lors du concours lancé par Colbert pour la construction de l’Enveloppe. Le plafond devait présenter Saturne sur son char tiré par deux dragons ailés, accompagnes de femmes supérieures , représentant la Prudence et le Secret. Il ne fut jamais peint. La commande aurait été passée auprès de Noël Coypel (1628-1707), peintre de grands décors, chargé notamment de la Salle des Gardes de la Reine. Sa carrière a longtemps été éclipsée par la renommée de ses fils et petit-fils. Le château de Versailles lui a consacré une exposition en 2023.
Ce décor est dédié au dieu du temps, du secret et considéré comme premier des législateurs de la civilisation, donc du travail impénétrable du Roi retiré dans son intimité. Ce thème est rapidement oublié au profit du décor le plus baroque de l’ensemble du Grand Appartement, consacré désormais à la déesse de la beauté et de l’amour, Vénus. Ce salon et celui de Diane vont rapidement servir d’antichambres à l’enfilade de salons car passages obligés en arrivant de l’Escalier des Ambassadeurs.
Salon le plus baroque du Grand Appartement, c’est le seul endroit où Charles Le Brun fait dialoguer architectures, sculptures et peintures, tantôt réelles et tantôt feintes : les pilastres et colonnes de marbre sont repris dans les perspectives peintes par Jacques Rousseau, et deux statues en trompe-l’œil du côté des fenêtres répondent à la figure de Louis XIV par Jean Warin. Le sculpteur lègue par testament sa statue au Roi qui par reconnaissance l’installe dans ce salon où elle reste jusqu’en 1687. Le Roi la fait substituer par une très ancienne sculpture d’un héros romain, Cincinnatus, alias Hermès, achetée au prince Savelli à Rome en 1685.
Après la Révolution française, la statue de Louis XIV sera conservée dans le musée d’Alexandre Lenoir. Revenue à Versailles en 1834, celle-ci est placée dans le vestibule de l’Escaliers des Princes. En 1896, Pierre de Nolhac, conservateur du château de Versailles, la fait replacer dans le salon de Vénus, dont la niche était jusqu’alors décorée par le groupe des Trois Grâces de James Pradier, qui y avait été installé sous le règne de Louis-Philippe, au Louvre depuis 1928.
Au décor résolument martial souhaité par Louis XIV, Louis-Philippe lui a somme toute préféré un sujet beaucoup plus en lien avec la déesse évoquée dans cette salle.
Les murs sont lambrissés de marbre de Rance encadrant les portes du fond. Les mêmes colonnes, peintes en trompe-l’œil, se retrouvent dans les perspectives feintes dont Jacques Rousseau a décoré les petits côtés du salon et qui semblent en augmenter les dimensions. Le même peintre est l’auteur des statues en trompe l’œil qui sont placées entre les fenêtres et qui figurent Méléagre et Antoine.
A l’instar des autres salons, le plafond est dédié à la divinité qui lui donne son nom, accompagné de figures historiques de l’Antiquité, comme autant de rappels des propres faits du Roi. De nombreux couples mythiques ou réels sont à l’honneur dans cette salle dédiée à la déesse de l’Amour. Qui ne préside guère au final aux destinées amoureuses de ces couples car la plupart concernent des rapts, des mariages scellant des conquêtes militaires ou même des épouses abandonnées. Ces amours de raison montrent l’intérêt politique du mariage du Roi avec l’infante d’Espagne, héritière des provinces flamandes que Louis XIV revendique à la même période dans la Guerre de Dévolution.
S’il sert communément d’antichambre au Grand Appartement, ce salon est utilisé lors des soirées d’Appartement comme salle de buffet : on y trouve des pyramides de fruits confits, de massepains et aussi des fruits alors rares comme les oranges et les citrons, autant de signes de la magnificence du Roi de France.
Toujours selon le Mercure de France de 1682 :
«La salle de Vénus suit celle de Diane. On la voit dans le milieu du plafond, couronnée par les Grâces. Quatre tableaux carrés accompagnent ce milieu, et représentent des héros que l’Amour a portés aux grandes actions. Cette salle est d’un très beau marbre. Dans une niche, entre deux portes, est une statue du Roi en relief, vêtu à la romaine. Elle est de M. Varin. Deux grands lustres d’argent pendant sur deux foyers ; huit girandoles de cristal, portés par des guéridons dorés, éclairent les quatre coins de la salle. Les portières et les tabourets sont de velours vert galonné d’or. Cette salle étant destinée à la collation, on voit tout autour plusieurs tables sur lesquelles elle est dressée. Ces tableaux sont couverts de flambeaux d’argent, et de corbeilles de filigrane, rondes, longues et carrées. Les fruits crus, les citrons, les oranges, les pâtes et les confitures sèches de toutes sortes, accompagnés de fleurs, les remplissent en pyramides. Comme toute cette collation n’est servie que pour être entièrement dissipée, elle demeure exposée pendant les quatre heures que durent les divertissements, et chacun choisit et prend soi-même, ce qui est le plus de son goût.»
Le Salon de l’Abondance
L’Antichambre du Cabinet des Curiosités et Médailles de Louis XIV
( D’après le texte et les photographies de Christophe Duarte ; Versailles – Passion )
Aménagé en 1683, le Salon de l’Abondance clôt la vaste entreprise du Grand Appartement du Roi (1671-1681). Il y tient à plus d’un titre une place particulière. Tout en se situant visuellement dans l’enfilade, il n’en fait pas véritablement partie, mais occupe une double fonction servant à la fois de vestibule à la Petite Galerie, espace privé de Louis XIV , qui y réunissait ses collections les plus précieuses et de vestibule aux tribunes de la chapelle qui sera longuement utilisée sous Louis XIV. Ce salon est donc initialement nommé, selon les comptes du Bâtiments du Roi, «Salon du côté de la Chapelle», mais aussi «Salon vers la Grotte» car il donne en effet longtemps sur la grotte de Téthys avant le prolongement du château par l’aile du Nord. S’il est le plus petit des salons avec 57m² au sol, tout y surchargé de décors clamant la protection du Roi pour les arts qui sera ensuite amplement développée à chacun des salons suivants.
De plan rectangulaire, cette pièce, assurant la communication entre le Corps Central et l’Aile du Nord, est desservie par deux portes dans l’axe de l’enfilade des Grands Appartements. Au centre du mur sud, une troisième porte était précédée de cinq marches en marbre conduisant sous Louis XIV au Cabinet des Médailles, aujourd’hui salon de jeux de Louis XVI. Le dessus de porte est une allégorie de la « Recherche des médailles » sculptée par Coysevox, annonçant ainsi la pièce suivante.
Le velours de Gênes vert ciselé est l’une des plus anciennes soierie retissée pour Versailles (Tassinari et Chatel). Jusque tard dans le règne de Louis XV, il y avait ici un velours vert l’hiver, puis cramoisi l’été.
Comme l’ensemble des Grands Appartements, le nouveau vestibule reçoit un pavage en marbre qui ne reste que deux ans avant d’être remplacé par un parquet. Le plafond peint par René-Antoine Houasse représente un ciel nuageux, dominant une balustrade en trompe-l’œil qui surplombe chacun des quatre murs. Ce dispositif est nouveau pour l’époque, même si on trouve quelques exemples ou esquisses antérieurs, notamment par Le Brun. De petites dimensions (environ 115 m²), il comporte le seul décor plafonnant entièrement peint sur enduit de plâtre par René-Antoine Houasse, élève, puis fidèle collaborateur de Charles Le Brun (1619-1690), qui dirige l’ensemble des décors des grands appartements royaux.
Le décor du plafond est organisé par ensembles. On distingue un groupe central formé par la Libéralité, munie du sceptre et de la corne d’abondance, la Magnificence, dotée de la palme, d’un plan d’architecture et de sa pyramide, et la Sollicitude du prince envers les Arts. Un « deuxième cercle » est constitué de divinités, Neptune et Thétis, Minerve, Pluton accompagnés d’un personnage féminin coiffé d’un turban et brandissant un encensoir, l’Asie dont la présence intrigue : pourquoi représenter un seul continent ? Serait-ce une allusion aux richesses de l’Orient envers lesquelles les collections royales rivalisent, voire surpassent ? Enfin, sur le pourtour, une balustrade dorée surmontée de jeunes filles (ou de nymphes ?), apparaît une multitude d’objets, vases, coupes, pièces d’orfèvrerie et tapis. Il s’agit d’allusions directes aux trésors enfermés dans la pièce voisine, le Cabinet de raretés aujourd’hui disparu. L’iconographie de ce salon reste hermétique aux chercheurs, restaurateurs et historiens d’art.
Les trésors les plus importants de la collection royale sont mis en valeur au dessus de la porte donnant sur l’appartement privé du Roi et en face du côté des fenêtres. Ce sont d’un côté la nef royale apportée au Grand Couvert ou exposée lors des buffets dans ce salon que chacun devait la saluer comme symbole de la majesté et en face la nef de jaspe verte de l’empereur Rodolphe II.
Plusieurs guéridons, or et azur, qui portent des girandoles, éclairent ce salon, aussi bien qu’un lustre d’argent qui pend au milieu.
En 1708, André Charles Boulle livre à Louis XIV deux étranges bureaux à tiroirs pour sa chambre à Trianon. Ces meubles nouveaux ne disposaient alors pas encore de nom ; on les trouva fort « commodes » et on se plut à les désigner ainsi. Ces commodes, les premières de l’histoire, illustrent parfaitement la technique des placages polychromiques en marqueterie d’écaille et de cuivre qui rendit célèbre l’ébéniste.
Les deux médailliers présentés face à la fenêtre dans le salon de l’Abondance sortent très certainement de l’atelier de Boulle et de ses fils dans le premier tiers du XVIIIème siècle. Ils offrent une marqueterie en cuivre et écaille de tortue, avec un dessus de palissandre. Le cuivre et l’écaille ont reçu tout un travail de fine gravure de motifs. L’estampille de Philippe-Claude Montigny, maître en 1766, signale l’intervention de cet ébéniste comme restaurateur. Une seconde paire est exposée côté fenêtre du salon. Les deux marqueteries sont également de cuivre et d’écaille, mais avec un dessus d’amarante. Ces deux meubles pourraient avoir été exécutés vers 1770 par Montigny dont ils portent l’estampille. Ces médailliers du XVIIIe siècle rappellent les douze commandés par Louis XIV à l’ébéniste Alexandre-Jean Oppenordt pour son Cabinet des Curiosités ou de Médailles aujourd’hui disparu.
Les portraits accrochés évoquent les héritiers de Louis XIV. De part et d’autre de la porte donnant sur les collections, sont exposés son fils le Grand Dauphin et l’aîné de ses petits-fils le duc de Bourgogne, père de Louis XV. Les deux n’ont jamais régné.
Au contraire, sur les deux murs latéraux sont exposés les descendants de Louis XIV qui ont fait souche : son petit-fils Philippe d’Anjou devenu roi d’Espagne et son arrière-petit-fils Louis XV.
Les soirs d’Appartement, le salon de l’Abondance est utilisé pour les boissons, chaudes ou froides selon.
D’après le Mercure de France de 1682 :
«On entre ensuite dans un salon où sont dressés les buffets. Des bas-reliefs, représentant l’Abondance, sont au-dessus de la porte de marbre. La tapisserie, les portières et les tabourets sont de la même richesse que dans la salle de Vénus. Huit bustes de porphyre, posés sur des scabellons de même matière, sont aux côtés des portes et de la fenêtre. Plusieurs guéridons, or et azur, qui portent des girandoles, éclairent ce salon, aussi bien qu’un lustre d’argent qui pend au milieu. Trois grands buffets sont aux trois côtés du même salon. Celui du milieu, au-dessus duquel on voit une grande coquille d’argent, est pour les boissons chaudes comme le café, le chocolat… Les deux autres buffets sont pour les liqueurs, les sorbets et les eaux de plusieurs sortes de fruits. On donne de très excellent vin à ceux qui en souhaitent, et chacun s’empresse à servir ceux qui entrent dans ce même lieu ; ce qui se fait beaucoup d’ordre et de propreté.»
Tout au long du XVIIIe siècle, l’existence du salon fut remise en cause du fait de sa taille réduite qui rompt avec le rythme établi des importants salons d’apparat. La suppression de la Petite Galerie qui permettra le réaménagement des appartements privés de Louis XV l’a contre toute attente épargné. A la suite de l’effondrement partiel du plafond survenu au mois de février 1945, la structure porteuse est renforcée. Des poutres et un plancher de fer sont installés entre 1948 et 1949 pour soutenir l’ancienne structure en bois. Une importante campagne de restauration des peintures se déroule entre 2012 et 2013.
Concluons ces Grands Appartements par la fin de la visite au moment des soirées d’Appartement faite par le Mercure de France en 1682 :
«Chacun se présente à l’heure marquées pour être reçu dans ces superbes appartements. Cela procure l’avantage d’y voir aisément le Roi, et d’y être vu. Cependant, Sa Majesté, qui veut donner du plaisir à sa Cour, ne veut pas qu’elle l’achète par l’embarras de la faute, toujours presque inévitable dans les grandes fêtes. La volonté du Roi étant connue, il n’est plus besoin d’avoir quantité de gardes comme autrefois, et aucun ne se présente qu’il n’ait eu auparavant que l’entrée lui est permise.
Le duc d’Aumont, premier gentilhomme en année, qui sait les intentions du Roi, les fait observer avec grand ordre.
Tous ceux qui ont le bonheur d’entre dans ces magnifiques lieux, s’attachent à mesure qu’ils entrent, aux plaisirs qui les touchent d’avantage. Les uns choisissent le jeu et les autres s’arrêtent à un autre. D’autres ne veulent que regarder jouer, et d’autres que e promener pour admirer l’assemblée et les richesses de ces grands appartements. La liberté de parler y est entière, et l’on s’entretient les uns les autres selon qu’un se plait à la conversation. Cependant le respect dans lequel chacun se tient, fait que personne ne haussant trop la voix, le bruit qu’on entend n’est point incommode.
Le Roi, la Reine et toute la Maison Royale descendent de leur grandeur pour jouer avec plusieurs de l’assemblée qui n’ont jamais eu un pareil honneur.
Le Roi va tantôt à un jeu, tantôt à un autre. Il ne veut ni qu’on se lève, ni qu’on interrompe le jeu qu’il approche. Sa présence console ceux qui perdent, et ceux qui gagnent ont tant de plaisir en le voyant qu’ils oublient même leur gain, pour donner leurs pensées à la gloire qu’ils reçoivent.
Lorsque le Roi fait l’honneur aux joueurs de prendre partie parmi eux, et qu’on est obligé de jeter ses regards en plusieurs endroits pour le démêler de la foule.
Lorsque l’on est las d’un jeu, l’on joue à un autre. On entend ensuite la symphonie, ou l’on va danser. On fait conversation ; on passe dans la chambre des liqueurs, ou à celle de la collation. Personne ne s’embarrasse en servant, parce qu’il n’y a que le nombre suffisant pour servir.
On y voit ceux qui servent, sans qu’on s’imagine qu’ils soient mis là pour servir, puis qu’ils ont tous des justaucorps bleus, avec des galons d’or et argent. Ils sont derrière toutes les tables des joueurs, et ont soin de donner des cartes, des jetons et les autres choses dont on peut avoir besoin. Même selon les jeux où l’on joue, ils épargnent aux joueurs la peine de compter, comme au trou-madame, où ils calculent les points qu’on fait et les écrivent. Ce service se fait sur l’ordre et par les soins de M. Bontemps, premier valet de chambre du Roi.
La présence du Roi fait perdre aux jureurs l’habitude de jurer, et aux piqueurs celle de se servir d’insultes pour gagner.
Louis XIV n’a pas voulu s’arrêter au seul divertissement, il en a fait une fête, mais une fête avec de l’ordre, ce qui n’avait jamais été vu, une fête où se présentent seulement ceux à qui l’entrée en est permise.»
La chapelle provisoire de 1682 à 1710 devenue le salon d’Hercule
(D’après le texte et les illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
A l’instar des théâtres et autres lieux d’importance pour la vie curiale, plusieurs chapelles se sont succédées au château de Versailles avant de pleinement satisfaire Louis XIV. Dès 1663, un sanctuaire exigu est logé au nord-est du château, à l’emplacement de l’actuel cabinet intérieur de Madame Adélaïde. On ne sait si ce lieu fut beaucoup utilisé lors des séjours ponctuels de la Cour ou bien si comme Louis XIII, Louis XIV préfère entendre la messe à l’église Saint-Julien du village.
En 1670, l’agrandissement du château entraîne le déplacement de la chapelle vers le sud, à l’emplacement de l’actuelle Salle des Gardes de la Reine. Les musiciens prennent place au rez-de-chaussée.
Une nouvelle chapelle, bénie le , est installée à l’emplacement de l’actuelle Salle dite du Sacre, c’est-à-dire la Grande Salle des Gardes commune au Roi et à la Reine, précédant l’appartement de celle-ci. D’une superficie de près de 250 m2, elle est conçue selon un plan barlong. Pilastres et colonnes structurent le premier étage, où une balustrade prolonge la tribune royale sur les trois côtés. Les chantres et musiciens sont installés au même niveau que le souverain, à l’est de l’édifice. Un orgue de grande taille, à deux buffets, est commandé en 1679. Charles Le Brun conçoit le décor. Sur le mur sud, un retable monumental relie les deux niveaux et assure un lien avec la voûte. Pour cette dernière, un projet spectaculaire de Charles le Brun est prévu représentant Dieu le père et saint Michel dont il ne reste qu’une maquette de 1675. Mais Louis XIV a déjà d’autres projets.
En 1674, Louis XIV finit par confirmer ce qui était depuis longtemps un fait : la dissolution du prieuré et de la cure. Louis XIV souhaite créer une nouvelle paroisse qui doit réunir les habitants du village mais aussi la Cour sous l’égide des pères de la la Mission, congrégation fondée par saint Vincent de Paul. Les nouveaux prêtres ne toucheront pas dîme et autres droits curiaux mais une pension de 300 livres pour chacun ainsi que les revenus de l’abbaye Saint-Rémi en Bourgogne.
En 1682, le lieu de culte est encore déplacé suite à la construction de l’Aile du Midi. A l’origine mitoyenne de la grotte de Téthys, elle deviendra le point de départ de l’Aile du Nord. Cette chapelle reprend un plan similaire de celle d’avant, en plus large. Le décor reste néanmoins plus simple que celui projeté précédemment car Louis XIV voit encore cette situation comme provisoire. Un provisoire qui va durer vingt-huit ans. Le retable sculpté de Noël Jouvenet encadré par deux anges est le décor principal. La tribune a pour piliers deux termes angéliques supportant une architrave. Une grande croix coiffe la toiture. Les chantres et musiciens sont logés dans la tribune du premier étage.
Au rez-de-chaussée sont placés deux autels secondaires dédiés à Saint Louis et à sainte Thérèse, saints patrons du couple royal. Un troisième autel, orné d’un tableau de Pierre de Cortone, occupe la tribune.
Reconstitution 3D du projet VERSPERA de la chapelle provisoire du château de Versailles.
Quand la chapelle définitive est achevée en 1710, Louis XIV ordonne de placer ici un plan plancher au niveau de tribunes. Il pense réunir cette grande salle au Grand Appartement dont elle serait le point d’orgue compte tenu de ses dimensions. Il n’y a qu’ici que l’on peut mettre en valeur une immense toile : Le repas chez Simon le Pharisien. Cette oeuvre monumentale de Véronèse a été peinte pour le réfectoire du couvent des Servites à Venise en 1570. En 1664, le Doge l’offre à Louis XIV contre les Turcs. Trop grand, Louis XIV s’est résigné à le laisser dans la Galerie d’Apollon du Louvre. Avec la reconfiguration des lieux, il est enfin possible de l’installer au château de Versailles. Mais la décoration de ce nouveau salon entreprise en 1712 sous la direction du Premier Architecte Robert de Cotte est interrompue par la mort de Louis XIV en 1715. Le Régent s’installe à aussitôt à Paris laissant presque le château à l’abandon et lorsque Louis XV revient à Versailles en 1722 il est encore trop jeune pour se préoccuper d’un tel chantier.
Toujours sous la direction de Robert de Cotte, les travaux redémarrent en 1724. Louis XV engage l’architecte Jacques Gabriel, le marbrier Claude-Félix Tarlé et les sculpteurs Jacques Verberckt et François-Antoine Vassé. L’ensemble des marbres et sculptures dorées, les grandes baies donnant sur les jardins du Parterre Nord rappellent le décor de la galerie des Glaces.
Mais c’est seulement en 1729 que le projet est confirmé. En 1730, l’immense toile est enfin amenée du Louvre. Jacques Verberckt en réalise le cadre. Il se charge aussi du cadre du tableau au-dessus de la cheminée : Eliézer et Rebecca, également de Véronèse.
La cheminée de marbre d’Antin est réhaussée de bronzes, oeuvres d’ Antoine Vassé. L’ensemble de ce décor rappelle le héros éponyme, avec sa tête sculptée, sa peau du lion de Némée et des guirlandes de vignes.
Mais c’est seulement en 1729 que le projet est confirmé. En 1730, l’immense toile est enfin amenée du Louvre. Jacques Verberckt en réalise le cadre. Il se charge aussi du cadre du tableau au-dessus de la cheminée : Eliézer et Rebecca, également de Véronèse.
La cheminée de marbre d’Antin est réhaussée de bronzes, oeuvres d’ Antoine Vassé. L’ensemble de ce décor rappelle le héros éponyme, avec sa tête sculptée, sa peau du lion de Némée et des guirlandes de vignes.
Le choix du héros n’a pas été évident. En effet, la logique a dominé : après Apollon, Mercure, Mars, Diane et Vénus, rien de plus normal de voir figurer Hercule parmi cet aéropage divin. Seulement en cette aube du XVIIIème siècle, ce n’est plus dans l’esprit du temps. À l’époque de Louis XIV déjà, lorsqu’il a fallu trouver un sujet pour la Grande Galerie, le projet de Le Brun célébrant Hercule en 1679 n’avait finalement pas été retenu. De même, le premier salon du Grand Appartement, anciennement désigné comme Salon de Jupiter, est devenu avec la construction de la Grande Galerie le Salon de la Guerre avec le Roi qui y domine. Désormais, les exploits du Roi, de la monarchie française supplantent ceux des dieux et héros. Seulement, Louis XV n’est qu’un adolescent. Qu’a-t-il accompli à cette date ? Rien.
L’artiste choisi pour peindre cette voûte immense, 480 m², sera François Lemoyne (1688-1737). Depuis 1727 il est considéré comme le nouveau Le Brun et ses cours à l’Académie sont suivis par tous les futurs grands noms de la peinture du XVIIIème siècle, notamment Natoire et Boucher. Travailleur acharné, admirateur des voûtes italiennes, en particulier celles de Venise, il est considéré comme le seul capable de faire face à un tel chantier. Voulant se conformer au décor rappelant la Galerie des Glaces, il décide non de retracer le règne encore trop récent du souverain mais de rendre un hommage à la monarchie : son premier projet évoque la gloire de la monarchie dans une composition allégorique centrale entourée et illustrée par les hauts faits de ces souverains. Lemoyne avait prévu d’y peindre Clovis, fondateur de la monarchie, Charlemagne, ayant rétabli l’Empire, saint Louis, le héros des croisades et le pacificateur de l’Europe, et enfin Henri IV, premier souverain de la branche des Bourbons. Mais ce projet n’est finalement pas accepté par le duc d’Antin, le surintendant des Bâtiments.
Il faut retourner aux thèmes du Grand Appartement : toutes les divinités des salons précédents y sont réunies au moment où Hercule est enfin accepté en leur sein sur le mont Olympe : L’Apothéose d’Hercule.
L’artiste y consacrera quatre ans de sa vie entre 1733 et 1736. Quatre années de souffrances autant physiques que psychiques, le dos constamment courbé, à des hauteurs extrêmement dangereuses, à l’instar de Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine. Il perd sa femme en 1733, et sans enfant, il n’a plus que cette oeuvre en tête. Ses amis soucieux lui conseillent de se rendre dans une maison de repos. Il refuse et s’empêche volontairement de dormir en se soignant avec un potion à base de nicotine. Il refusera d’être aidé de ses élèves, de confier ses idées à quiconque. Sa santé est usée. Mais le résultat est spectaculaire.
La corniche est décorée de représentations des quatre vertus princières : Justice, Force, Constance et Courage. Ces vertus sont séparées par des Amours pointant vers les travaux d’Hercule. Au centre du plafond, Hercule arrive dans son char sur le mont Olympe. Jupiter offre sa fille Hébé, déesse de la jeunesse en mariage au héros. Mars et Vulcain observent la chute des démons et des vices. L’Aurore entourée d’étoiles, et Iris, reconnaissable à son arc-en-ciel, portent leur regard vers le groupe des Muses dominées par Apollon assis sur le Temple de la Mémoire auprès du Génie des Beaux-Arts. En tout, plus de cent quarante figures apparaissent sur ce plafond, résumant en un coup d’oeil toutes les voûtes du Grand Appartement. La qualité et la douceur extrême des coloris et des lumières de ce plafond, peint à l’huile sur toile marouflée sont loués de toute part. Les peintures des salons voisins paraissent du coup ternes. Lemoyne admirait Tiepolo, Véronèse et le Titien, il leur rend ici un magnifique hommage. Au risque de sa vie.
« Il n’y a pas en Europe de plus vaste ouvrage de peinture que le plafond de Lemoyne et je ne sais s’il y en a de plus beaux »
Voltaire
Le mercredi 26 septembre 1736, Louis XV, accompagné de la cour, se rend à la Chapelle pour y entendre la messe. En en sortant, le Roi, Marie Leszczynska et le duc d’Antin, s’arrêtent longuement dans l’immense salon de marbre, frappés d’admiration. Le 30 du même mois Lemoyne est nommé Premier Peintre du Roi. C’est la consécration pour l’artiste. Mais trop épuisé, il ne profite guère de ces honneurs. Le 4 juin 1737, un ami le retrouve chez lui après s’être enfoncé une épée dans le corps. Malgré la vive émotion de la Cour, le Salon d’Hercule devient un élément essentiel de la vie versaillaise. De grandes fêtes et cérémonies s’y célèbreront jusqu’à la fin de la monarchie.
Le salon d’Hercule est inauguré à l’occasion du mariage de Madame Première fille aînée de Louis XV avec Philippe infant d’Espagne, le 26 janvier 1739. A cette occasion, le salon est éclairé par sept lustres de cristal de roche, cent neuf girandoles et quatre tiges de vingt-cinq lys dorés portant des bougies et des festons de cristaux. L’orchestre, composé de cinquante musiciens en dominos bleus, prend place devant la cheminée. Les femmes de la Cour, non invitées à danser, s’installent sur des gradins recouverts de tapis cramoisis placés devant le tableau de Véronèse. Ce sont les femmes de Paris qui pourront prendre part au bal paré. Le couple royal apparaît à sept heures du soir. Louis XV porte un habit de velours bleu ciselé et une veste de brocart d’or, fermée par des boutons en diamant, comme sa plaque du Saint-Esprit. La reine Marie Leszczynska revêt un grand habit de cour blanc, bordé de colonnes torses en or et semé de fleurs de soie. Un collier de gros diamants, parmi lesquels le Sancy et le Régent, descend le long de son corsage entièrement garni de pierres semi-précieuses. Une collation servie dans des bassins de vermeil clôture le bal paré qui laisse la place à un bal masqué qui se prolongera toute la nuit dans le Grand Appartement. Plus tard s’y dérouleront notamment le Grand Couvert pour le mariage du duc de Chartes en 1769, le Grand Couvert donné à l’occasion de la naissance du Dauphin en 1782, l’audience des ambassadeurs de Tippo Sahib, sultan de Mysore en 1788 et enfin la présentation. des députés des Etats Généraux en avril 1789. Son inauguration reste un
Le salon de Vénus est d’abord la première chambre du Roi
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – Passion )
« La sixième est la petite chambre : tout le marbre dont elle est ornée est de couleur de feu avec des veines blanches, et se nomme marbre rouge du Languedoc».
Félibien
Le salon de Vénus est la petite chambre du Roi de son Grand Appartement, pièce où il doit coucher, en opposition à la grande chambre de Parade, située dans située dans l’actuel salon d’Apollon, qui est la «chambre du lit». Mais cette petite chambre était à peine achevée lors de sa démolition en 1678. Il n’est donc pas certain que Louis XIV y a dormi.
La deuxième chambre de Louis XIV,
La chambre que le Roi utilisa le plus longtemps
( texte et illustration de Christophe Duarte – Versailles passion)
A la mort de la Reine Marie-Thérèse d’Autriche en 1683, Louis XIV annexe les pièces autour de la Cour de Marbre à son appartement.
Il déplace alors sa chambre dans la partie sud des nouvelles pièces, actuel Salon de l’Oeil-de-Boeuf. A l’origine, cette pièce en contenait deux, séparées par une cloison : l’antichambre et la chambre du Roi, dont le lit était placé dans l’angle à gauche de l’actuelle cheminée.
Les lambris recouvrant la pièce représentent des pilastres dorés d’ordre corinthien. Le manteau de la cheminée et le grand trumeau lui faisant face sont ornés de miroirs.
Derrière un balustre délimitant l’alcôve, se dressait le lit à baldaquin du Roi. Le dais, le couvre-lit, les sièges et les portières sont faits de velours rouge en hiver et de brocard d’or et d’argent à fleurs en été. Gêné par les dimensions réduites de ces pièces qui peinaient à contenir l’ensemble des courtisans présents à son lever et à son coucher, Louis XIV décide en 1701 de faire abattre le mur, de réunir les deux pièces en une seule et de déplacer sa chambre dans la pièce centrale suivante qui n’était alors qu’un salon.
Ces deux pièces deviennent un seul et vaste salon :
Le salon de l’Œil-de-Bœuf
( d’après les texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Deuxième antichambre de l’appartement royal, le salon de l’Œil-de-Bœuf tire son nom de la fenêtre arrondie qui donne de la lumière à la pièce du côté sud.
À l’origine, cette pièce en contenait deux, séparées par une cloison : l’antichambre et la chambre du Roi, dont le lit était placé dans l’angle à gauche de l’actuelle cheminée.
Gêné par les dimensions réduites de ces pièces qui peinaient à contenir l’ensemble des courtisans présents à son lever et à son coucher, Louis XIV décide en 1701 de faire abattre le mur, de réunir les deux pièces en une seule et de déplacer sa chambre dans la pièce suivante qui n’était alors qu’un salon.
Après avoir traversé le salon de l’Œil-de-Bœuf, qui sert d’antichambre d’attente lors des cérémonies du Lever et du coucher du Roi , on accède à la chambre du Roi.
Images d’une scène de Ridicule (1996) de Patrice Leconte censée se dérouler dans le salon de l’Œil-de-Bœuf
Le salon de l’Œil-de-Bœuf est un point stratégique de l’appartement royal : au nord, il conduit à la chambre du Roi ; à l’ouest, de hautes portes de glaces ouvrent directement sur la Galerie des Glaces et permettent aux courtisans de pénétrer chez le Roi ou d’en sortir ; sur le mur sud, à droite de la fenêtre, une porte conduit directement chez la Reine, tandis qu’un escalier, ouvrant sur le mur est, mène à l’appartement du Dauphin, situé au rez-de-chaussée.
La décoration qui règne dans la pièce témoigne, comme celle des pièces précédentes, de l’évolution du goût personnel du Roi, qui, au tournant du siècle, abandonne les riches décors de marbre et les plafonds peints pour les plafonds blancs et les boiseries dorées.
Ce portrait de la famille royale appartenait originellement à la famille des Orléans. C’est Louis-Philippe qui de ses collections personnelles le placera en ces lieux.
C’est dans ce salon qu’a lieu l’autopsie de Louis XIV en 1715.
La chambre du Roi
La chambre est la pièce centrale de l’appartement du Roi… et même du château.
La chambre du Roi fut d’abord le salon central qui séparait le petit appartement du Roi de celui de la Reine. Il ouvrait à ce moment-là sur la terrasse par trois portes-fenêtres, qui furent remplacées par des portes lors de la construction de la galerie des Glaces : le décor de pilastres dorés date de cette modification.
En 1684, la pièce devient le «salon où le Roi s’habille», mais en 1701, Louis XIV décide d’en faire sa chambre. On obture les trois portes du fond pour former une alcôve et Nicolas Coustou est chargé de sculpter la belle allégorie La France veillant sur le sommeil du Roi.
C’est alors également que sont sculptées les bordures des glaces et les figures qui encadrent les dessus-de-porte. Une balustrade sépare l’alcôve du reste de la chambre.
Les deux cheminées qui s’y trouvent aujourd’hui sont ordonnées à Gabriel (1698-1782) par le marquis de Marigny (1727-1781) au mois de mars 1758. Sous Louis XIV, il n’y avait qu’une cheminée à droite, dans le mur du cabinet du Roi, et c’était la plus belle de Versailles. Gabriel déclare dans un rapport qu’elle est «d’un marbre ancien qui ne se trouve plus depuis longtemps». Ce marbre, approchant de la brèche violette, ne put être assorti suffisamment, lorsque le Roi, qui avait eu froid pendant sa toilette, demanda qu’on lui fit une seconde cheminée.
On prend le parti d’en établir deux nouvelles pour lesquelles l’entrepreneur Trouard fournit le marbre et Caffiéri les bronzes. Ces bronzes assez ordinaires, s’inspirent d’un motif ancien.
L’arrangement ne sera définitif qu’en 1761.
Plus qu’un lieu de sommeil, la chambre du Roi est un lieu de parade, où se déroulent des cérémonies importantes de la vie du Palais.
Le Roi prend également dans sa chambre un repas, le Petit Couvert. Être convié à l’une de ces cérémonies, être présent dans la chambre du Roi à Versailles, autant de grands privilèges que les puissants et les pairs du royaume se disputent.
On a repris le motif du meuble d’hiver de la chambre de la Reine pour recréer la chambre du Roi.
Reconstitution du meuble d’hiver de la chambre de la Reine par Dimitri Lointhier
Depuis la chambre du Roi à Versailles, on accède au cabinet du Conseil, dans lequel le Roi travaille et réunit ses ministres.
Malcommode et surtout exposée aux intempéries, la terrasse qui sépare l’Appartement du Roi au nord et celui de la Reine au sud, est rapidement condamnée. Le successeur de Le Vau, Jules Hardouin-Mansart imagine une solution plus adaptée et remplace la terrasse par une vaste galerie. Les travaux débutent en 1678 pour s’achever en 1684.
Les chaises à porteurs,
Se déplacer à l’intérieur du château de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Ces chaises sont utilisées comme un véhicule principal ou comme véhicule d’appoint au parc hippomobile.
Bien qu’ayant prioritairement une fonction utilitaire, les chaises à porteurs sont également «des indicateurs ostensibles du rang que l’on prétend occuper et de l’image que l’on veut donner de soi». Il faut s’imaginer une fin de soirée festive où une kyrielle de chaises, plus luxueuses les unes que les autres, portées par des laquais habillés aux couleurs de leur maison, attendent que «l’aboyeur» appelle la chaise de…
Sous Louis XIV, les chaises «bleues», en référence à la couleur de la livrée de la Maison du Roi, pouvaient être louées. L’usage de ces chaises étant cependant strictement réglementé. Ainsi, à l’époque de Louis XIV, seule Madame pouvait pénétrer en chaise dans la Salle des Gardes du Roi tandis que l’accès des chaises était absolument prohibé dans la cour de Marbre.
A la Cour, les «grands», comme madame de Maintenon ou la princesse Palatine, n’hésitent pas à se faire transporter jusque dans leurs appartements. Leur exemple est suivi par les autres membres de la Cour si bien que les chaises envahissent le château comme le note cette «affaire de police» dans les «Bons du Roi» de 1674 :
«Anciennement, il y avait dans les galeries hautes et basses du château quelques boites à chaises à porteur aux Princes et Princesses de sang, mais depuis huit ou neuf mois, toutes les personnes ayant des chaises ont mis indistinctement ces boites dans toutes les galeries et corridor, ce qui fait un très mauvais effet et incommode le public…».
En 1677, en complément de la réglementation existante, le Roi met en place deux services de chaises publiques : les dorées et les bleues. Ces deux services de location sont spécifique à la Cour mais dans les grandes villes des prestations de chaises publiques existent déjà depuis 1617.
Entre 1671 et 1678
De la cour Royale à la cour de Marbre
(Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion et Sergio Daricello)
Du petit château édifié pour Louis XIII entre 1624 et 1630 demeurent le volume de la Cour de Marbre et l’architecture de brique, pierre et ardoise. Conservées, ou plus exactement reconstruites à l’identique au cours du temps, les trois façades qui encadrent la Cour de Marbre sont dès 1663 agrémentées, dans les deux angles qu’elles forment, de petits cabinets sur trompe à l’étage et de fontaines au niveau inférieur. En 1671, des volières sont plaquées au-devant des cabinets d’angle et une troisième fontaine vient orner le centre de la cour.
Tout ceci disparaît en 1678 au profit d’un parti plus monumental visant à ennoblir toujours davantage les façades : la façade principale, au fond de la cour, s’enrichit d’un avant-corps plus élevé que le reste des bâtiments, tandis que les combles s’ornent de balustrades qui longent les deux cours.
Les bâtiments qui bordent aujourd’hui la cour Royale ont subi plus de transformations que ceux de la cour de Marbre : en 1662, Louis Le Vau édifie les deux ailes des Communs (écuries et cuisines) dans le style du vieux château. Dix ans plus tard, elles deviennent «ailes des Offices» (Bouche et Gobelet). Elles sont alors raccordées au château par la construction de deux corps de bâtiments qui les prolongent avec un décrochement. En leur extrémité, elles s’ornent de portiques alignés sur la grille qui délimite la nouvelle «cour Royale».
Dix ans plus tard encore, lorsque les offices s’installent au Grand Commun, l’architecture des deux ailes (distribuées en appartements) est une nouvelle fois modifiée afin d’être davantage en harmonie avec celle des bâtiments de la Cour de Marbre : les combles sont rehaussés et bordés d’une balustrade, les pavillons d’extrémité sont sommés d’un lanternon.
Mais cette unité est rompue lorsque Gabriel reconstruit en 1771 l’aile située au nord qu’on appelait Aile du Gouvernement (elle abritait le logement du gouverneur de Versailles) dans le style néoclassique. Comme cette aile Gabriel était dite «aile neuve», l’aile symétrique prend le nom de «Vieille aile». Elle est à son tour altérée lorsque Dufour reconstruit le pavillon de tête en reprenant l’architecture de Gabriel.
Enfin, parmi les travaux menés sous la direction de Nepveu pour la création du Musée de Louis-Philippe, signalons la construction d’une lanterne dans l’angle sud-ouest de la Cour royale, qui disparaîtra dès 1897.
La petite salle des gardes du Roi
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Située au rez-de-chaussée, on accède à cette salle par la porte vitrée ouvrant sur la cour royale.
Sur la cheminée est placé un buste de Louis Thiron de Crosme, lieutenant-général de police par Augustin Pajou en 1788. Pendant la journée, les gardes du corps rangent leurs paillasses dans les deux petits réduits qui encadrent les cinq marches.
Il fallait autrefois passer par cette petite salle des gardes pour emprunter, en haut de ces marches à droite, le Degré du Roi qui conduit à l’Appartement Intérieur du Roi au premier étage et à son Petit Appartement.
C’est à la sortie de cette salle sur la Cour que Louis XV est blessé par Damien le 5 janvier 1757.
Détruite sous Louis-Philippe pour créer le Musée d’Histoire de France, cette pièce est consacrée à l’indépendance américaine dans les années 1970 par Gérald Van Der Kemp.
Ce n’est que dans les années 1980 que la salle, ainsi que tout le rez-de-chaussée, est reconstituée.
Entre 1679 et 1681
Mansart prolonge en un temps record le château au sud, avec l’aile du Midi, longue de cent cinquante mètres, réservée à la famille royale.
En 1682
Louis XIV fixe la résidence permanente de la Cour à Versailles. La nécessité de loger plusieurs milliers de personnes entraîne de nouveaux agrandissements. François Mansart (1598-1666) va alors quintupler la surface du château.
Première antichambre de l’appartement du Roi,
Le Grand Couvert de Louis XIV
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
C’est dans cette Antichambre que, tous les soir à dix heures, Louis XIV, venant de chez Madame de Maintenon, soupait «Grand Couvert», en public au son des «Symphonies pour les soupers du Roi» de Michel Delalande.
Le Roi est assis dos à la cheminée, encadré par les membres de la Famille Royale. C’est ici, également que, tous les lundis matin, on disposait une table recouverte d’un tapis de velours vert, derrière laquelle un fauteuil vide symbolisait le Roi. Tous les Français qui avaient une requête à formuler ou une grâce à demander pouvaient y déposer leur placet. On portait ensuite les placets au Roi, qui les annotait de sa main en indiquant la réponse à donner.
Les tableaux de cette antichambre représentent des batailles de l’Antiquité peints par Joseph Parrocel.
Un des plus célèbres scandales de l’histoire du règne de Louis XIV connut son épilogue dans cette salle. En 1691, les passements des portières du salon de Mars et un morceau du lit dans le salon de Mercure furent dérobés. Le marquis de Sourches laissa le récit :
«Vers l’entremets, j’aperçus je ne sais quoi de fort gros et comme noir en l’air sur la table, que ne n’eus le temps de discerner ni de montrer par la rapidité dont se gros tomba sur le but de la table. Le bruit que cela fit en tombant, et la pesanteur de la chose fit bondir les plats, mais sans en renverser aucun, et de hasard cela tomba sur la nappe et point dans des plats. Le Roi, au coup que cela tourna la tête à demi et sans s’émouvoir en aucune sorte : « Je pense, dit-il, que se sont mes franges… Cela fit au moment de murmure… Voilà, dit le Roi, qui est bien insolent…».
L’escalier des Princes,
L’un des plus ancien escalier du château de Versailles
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Cet escalier, dont la belle décoration sculptée date en majeure partie du XVIIe siècle, relie le rez-de-chaussée et le premier étage de l’Aile du Midi où se trouvaient les appartements de certains membres de la Famille Royale. La voûte d’origine était blanche sans ornement. Elle a été remplacée sous Louis-Philippe par un le plafond à caissons que nous voyons aujourd’hui afin de faciliter la circulation du musée au niveau de l’attique.
Au cours des siècles, cet escalier à desservi les appartements des plus illustres courtisants:
Au rez-de-chaussée :
– Appartement du prince et de la princesse de Condé de 1682 à 1752,
– Appartement des Enfants de France de 1753 à 1756,
– Appartement des enfants du comte et de la comtesse d’Artois de 1775 à 1784,
– Appartement de la princesse de Lamballe de 1787 à 1789.
Au Premier Étage, par la porte ouvrant sur la Galerie des Batailles :
– Appartement de la Dauphine en 1682,
– Appartement du duc et de la duchesse de Chartes de 1686 à 1700,
– Appartement du duc et de la duchesse d’Orléans de 1701 à 1738,
– Appartement du Dauphin de 1744 à 1746,
– Appartement de Mesdames de 1747 à 1751,
– Appartement du comte d’Artois en 1771 puis de la comtesse d’Artois de 1773 à 1789.
En décembre 1684
L’appartement des bains de Louis XIV
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion)
Neuf ans ont été nécessaires à l’achèvement et au déploiement des marbres, du bronze doré et des peintures qui font des cinq pièces principales l’un des ensembles les plus luxueux du Château : le Vestibule Dorique, la Salle de Diane, le Salon Octogone, la chambre des Bains et enfin le cabinet des Bains.
Quatre ans après la fin des travaux, le Roi décide d’y installer la marquise de Montespan (1640-1707), ce qui entraîne des modifications importantes. Au mois de janvier 1685, la favorite s’y installe.
En 1691, il passe au duc du Maine puis, l’année suivante, à son frère le comte de Toulouse ( les enfants d’Athénaïs) . En 1723, il le laisse à son épouse.
En 1750, le duc et la duchesse de Penthièvre cèdent cet appartement à la marquise de Pompadour. A partir de 1752, les filles de Louis XV occupent cette zone du château pour ne plus le quitter jusqu’en 1789. Louis-Philippe les détruit en 1837 pour créer les galeries historiques.
De 1681 à 1684
Construction du Grand Commun destiné à loger le personnel au service du Roi et de celui de la Reine.
Le 30 juillet 1683
La Reine Marie-Thérèse d’Autriche ( 1638-1683) meurt des suites d’une tumeur bénigne sous le bras gauche mais mal soignée. L’abcès, violacé et purulent, fut non incisé mais combattu vainement par une saignée et un emplâtre humide, et tourna en septicémie. Ses derniers mots furent « Depuis que je suis reine, je n’ai eu qu’un seul jour heureux ». Louis XIV aurait dit de cette mort « voilà le premier chagrin qu’elle me cause ».
En 1685
Au nord, la construction d’une aile réservée aux princes de sang entraîne la destruction de la grotte de Téthys.
Sur la place d’Armes, de part et d’autre de l’avenue de Paris, l’architecte édifie des écuries capables d’abriter des centaines de chevaux et de carrosses. Chacune a sa spécialité : La Grande Écurie accueille les chevaux de selle destinés au manège ou à la chasse. La Petite Écurie, les bêtes d’attelage et les carrosses. Elles ne possèdent qu’un rez-de-chaussée afin de ne pas gêner la vue depuis le château.
A la même époque, on construit les ailes des Ministres et les Grands Communs (en bleu sur le plan ci-dessus).
La galerie des Glaces
La Grande Galerie qui remplace l’ancienne terrasse, est longue de 73 mètres, elle est percée de dix-sept fenêtres et décorée de 367 glaces.
Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), successeur de Louis Le Vau (1612-1670), recouvre la terrasse qui relie les appartements royaux pour la transformer en une somptueuse salle d’apparat : la grande galerie (des Glaces).
Les trente compositions de la voûte peinte par Le Brun illustrent l’histoire glorieuse de Louis XIV durant les dix-huit premières années de son gouvernement personnel, depuis 1661 jusqu’à la Paix de Nimègue. Ainsi, victoires militaires et diplomatiques aussi bien que réformes en vue de la réorganisation du Royaume y sont traitées sous forme d’allégories à l’Antique.
Par leurs dimensions et par leur nombre, les trois cent cinquante-sept miroirs qui ornent les dix-sept arcades faisant face aux fenêtres attestent que la nouvelle manufacture française de glaces est capable de ravir à Venise le monopole des miroirs, alors objets de grand luxe.
Les pilastres de marbre de Rance s’ornent de chapiteaux de bronze doré d’un modèle nouveau dit de «l’ordre français», créé par Le Brun à la demande de Colbert.
La galerie des Glaces sert quotidiennement de lieu de passage, d’attente et de rencontres, fréquentée par les courtisans et le public des visiteurs.
Elle ne sert qu’exceptionnellement de cadre à des cérémonies, lorsque les souverains veulent donner le plus grand éclat à des divertissements (bals ou jeux) offerts à l’occasion de mariages princiers ou à des réceptions diplomatiques.
Le 15 mai 1685
Le Doge de Gênes doit traverser toute la galerie, sous les yeux de la Cour massée de chaque côté sur des gradins pour parvenir jusqu’au Roi.
De 1678 à 1686
De part et d’autre de la Grande Galerie, Hardouin-Mansart entreprend la construction de salons : le Salon de la Guerre du côté des appartements du Roi, le Salon de la Paix qui donne accès à ceux de la Reine.
Le salon de la Guerre
Du Grand Cabinet de Jupiter à la Gloire de Louis XIV
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette pièce fut d’abord le grand cabinet du Roi, ou Cabinet de Jupiter, où Louis XIV tenait conseil. Il était orné de peintures relatives à l’histoire de Jupiter et à la Justice du Prince. Tous ces tableaux furent transportés dans la nouvelle salle des Gardes de la Reine lorsque l’on entreprit la construction de la galerie des Glaces, et le salon prit l’aspect qu’il a conservé.
Son décor est étroitement lié à celui de la Galerie. Les murs sont entièrement revêtus de marbres agrémentés de trophées en bronze doré et de miroirs.
Les murs sont revêtus de panneaux de marbre ornés de six trophées et de chutes d’armes en bronze doré.
Le mur du côté du salon d’Apollon est occupé par un bas-relief ovale en stuc représentant Louis XIV à cheval foulant aux pieds ses ennemis. Ce chef-d’œuvre d’Antoine Coysevox (1640-1720) est surmonté de deux Renommées dorées et soutenu par deux captifs enchaînés.
Au centre de la coupole, la figure de La France portant sur son bouclier le portrait de Louis XIV est entourée de Victoires dont l’une présente l’écusson de Strasbourg, réunie à la France en 1681.
En 1725, on songea à remplacer le grand médaillon d’Antoine Coysevox par un haut-relief commandé aux frères Coustou. Mais sans doute leur ouvrage fut-il jugé inférieur en qualité car il ne fut jamais mis en place. C’est Louis-Philippe qui, un siècle plus tard, lui affecta son emplacement définitif en l’intégrant dans le décor du Vestibule de la Chapelle.
Dans les voussures sont représentées Bellone, déesse des combats, et les trois puissances qui s’étaient unies en 1672 pour combattre la France : l’empire, l’Espagne et la Hollande. Les masques et les guirlandes, en dessus-de-porte, symbolisent les Quatre Saisons.
Les six bustes d’empereurs romains en porphyre, marbre et bronze doré se trouvaient ici autrefois.
Le salon de la Paix
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
D’abord Grand Cabinet de la Reine, ce salon est complètement transformé en même temps que le salon de la Guerre. Sa nouvelle décoration est terminée en 1686 : on y retrouve les marbres et les trophées de bronze doré des deux salles précédentes, mais les instruments de musique de l’Attique s’accordent au thème pacifique du décor général. C’est la Paix que Louis XV offre à l’Europe dans le tableau qui surmonte la cheminée et que François Lemoyne a peint en 1729 : le jeune Souverain, dans tout l’éclat de ses dix-neuf ans, tend un rameau d’olivier et reçoit ses deux filles aînées des mains de la Fécondité et de la Piété.
Marie-Antoinette y tient Son jeu, et c’est Elle qui fait placer dans la cheminée le beau chenet en bronze ciselé et doré sur un modèle de Louis Simon Boizot.
Ce salon est, dès la fin du règne de Louis XIV, séparé de la galerie par une cloison mobile et considéré comme faisant partie de l’Appartement de la Reine dont il constitue la dernière pièce après la chambre. Sous Louis XV, il devient le salon des jeux et de concert de Marie Leszczyńska. C’est à ce moment-là qu’une cloison va le séparer la grande galerie. «La magnificence royale» de Claude Audran (aujourd’hui dans le Salon de l’Abondance) vient compléter la décoration.
Cette pièce deviendra le salon des jeux de Marie-Antoinette. En 1779, le Reine fera installer un petit théâtre côté galerie. En 1786, au moment où la Reine refait faire son appartement, Elle veut faire détruire le décor de Louis XIV en faisant retirer les marbres et faire revêtir les murs de menuiserie et d’établir un faux plafond. Ce projet ne verra jamais le jour.
Depuis le salon de la Paix , nous entrons dans les grands appartements de la Reine.
La chambre de la Reine (D)
La chambre est la pièce principale de l’appartement, celle où la Reine se tient le plus souvent. Elle y dort, souvent rejointe par le Roi. Le matin, elle y reçoit durant et après sa Toilette qui constitue un moment de Cour aussi réglementé par l’Étiquette que le Lever du Roi. C’est là encore qu’ont lieu les accouchements en public : dix-neuf enfants de France y sont nés.
Le décor conserve le souvenir des trois Reines qui ont occupé la pièce : le compartimentage du plafond remonte à la Reine Marie-Thérèse (1638-1683), les peintures en grisaille par Boucher ont été réalisées pour Marie Leszczyńska (1703-1768) ainsi d’ailleurs que les boiseries.
Tous ces éléments ont été conservés du temps de Marie-Antoinette pour Laquelle seuls le mobilier et la cheminée ont été livrés de neuf. Les étoffes qui tendent le lit et les murs ont été retissées à Lyon d’après les cartons originaux conservés. Le lit et la balustrade ont été resculptés d’après des documents anciens.
Sur la cheminée trône le magnifique buste de Marie-Antoinette (1783) par Félix Lecomte.
L’appartement de la calotte au dessus du Salon de la Paix est occupé, sous Marie-Antoinette, par la femme de chambre de veille de nuit. Contrairement au Roi au pied du lit duquel cette personne dort, la Reine dispose d’un cordon dans Sa chambre pour l’appeler.