
par Benjamin Warlop
Cet exposé tend à approcher Marie-Antoinette d’un point de vue quotidien en s’attachant à Ses états de santé tant physiologique que psychologique, en rappelant les événements qui marquent Son existence, sachant qu’Elle somatise facilement ainsi que le montrera le retour de ce que certains nomment le voyage à Varennes. Il semble donc essentiel de mentionner les épisodes tant les agréables que les insupportables, car l’on sait que le mental de Marie-Antoinette en subit les conséquences positives ou négatives. Si le début du règne n’est marqué que par des disputes avec Son frère ou une amie, la suite a un impact forcément plus intense sur le métabolisme de la Reine.
Cependant, il ne faut négliger aucun trait de cette vie d’abord futile, du moins en apparence, car c’est dans les détails que réside la genèse de bien des maux qui irritent la bienséance de l’existence ! Que dire, alors, de l’ampleur des événements de la révolution ou, avant, de l’affaire du collier ?
Le 2 novembre 1755
A sept heures et demie du soir
Naissance à la Hofburg, à Vienne, de Marie-Antoinette. Elle est décrite par le grand maître de Cour comme «fort petite mais tout à fait saine».

Le médecin de la famille impériale est alors le Docteur Gerard van Swieten (1700-1772) qui aurait inspiré à Bram Stoker, l’auteur de Dracula, le personnage de Van Helsing, chasseur de vampires.
Ses croyances mêmes avaient contribué à son intronisation en octobre 1744 en tant que médecin personnel de l’Impératrice autrichienne Marie-Thérèse (1717-1780) : il est appelé au chevet de la sœur de l’Impératrice qui est atteinte de fièvre puerpérale. Il sera trop tard pour la sauver. Mais le médecin fait forte impression sur Marie-Thérèse qui cherche à se forger une image de souveraine moderne et d’humaniste éclairée. L’été suivant, Gerard van Swieten était nommé médecin de Marie-Thérèse à Vienne par François Ier. et en même temps nommé préfet de la bibliothèque de la Cour.

Il s’installe avec sa famille à Schönbrunn , où il devient également directeur de la bibliothèque de la Cour et occupe d’autres postes gouvernementaux : en plus de s’occuper de la bibliothèque, d’autres tâches qu’il reçoit de Marie-Thérèse comprennent la réforme de la faculté de médecine, l’amélioration de la qualité des cliniques de Vienne et la promotion des soins de santé dans l’empire.

Van Swieten est considéré comme l’un des fondateurs de la soi-disant première école de médecine de Wiener (Erste Wiener Medizinische Schule) en 1745, et participe à la fondation de la première clinique moderne en 1754.

Le 19 janvier 1757
L’Archiduc Joseph, héritier du trône des Habsbourgs est atteint de petite vérole. On craint pour sa vie et on craint aussi que l’épidémie se répande au sein de la famille impériale.
Le 16 février 1757
C’est au tour de l’Archiduchesse Marie-Christine d’être malade.
Fin février 1757
Maladie très grave de l’Archiduchesse Marie-Anne.
A deux ans, la petite Antonia attrape une petite vérole béigne qui ne laisse pas de traces.
Le 18 janvier 1761
Mort de l’Archiduc Charles-Joseph (1745-1761), héritier en second des Habsbourgs et fils préféré de Marie-Thérèse.

par Johann Christoph von Reinsperger
Le 22 décembre 1762
Mort de Sa sœur Marie-Jeanne-Gabrielle (1750-1762).


Le 4 juillet 1765
L’Empereur François-Etienne, l’Impératrice Marie-Thérèse, les Archiducs Joseph et Léopold, les Archiduchesses Marianne et Marie-Christine partent pour Innsbruck où sera célébré le mariage de Léopold avec l’Infante Marie-Louise. Les plus jeunes de la fratrie restent à Vienne. C’est la dernière fois que Marie-Antoinette voit son père.
Le 18 août 1765
Mort de Son père, l’Empereur François Ier, lors des festivités du mariage de Léopold à Innsbruck.

Marie-Antoinette racontera, en 1790, à Mesdames de Tourzel, de Fitz-James et de Tarente que l’Empereur François Ier, partant pour l’Italie, d’où il ne devait jamais revenir, rassemble ses enfants pour leur dire adieu :
« J’étais la plus jeune de mes sœurs, ajoute Marie-Antoinette, mon père me prit sur ses genoux, m’embrassa à plusieurs reprises, et, toujours les larmes aux yeux, paraissant avoir une peine extrême à me quitter. Cela parut singulier à tous ceux qui étaient présents, et moi-même je ne m’en serais peut-être pas souvenue si ma position actuelle , en me rappelant cette circonstance, ne me faisait voir pour le reste de ma vie une suite de malheurs qu’il n’est que trop facile de prévoir.»
Le 8 avril 1766
Mariage de Marie-Christine avec Albert de Saxe-Teschen (1738-1822), frère de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, mère du duc de Berry, au château de Hof.

Marie-Christine est ainsi la seule à être épargnée par la politique de mariage de sa mère et à pouvoir, avec l’aide de Marie-Thérèse, épouser l’homme de son choix, futur fondateur de la collection d’art graphique de l’Albertina à Vienne.
En 1767
L’Archiduchesse Marie-Elisabeth (1743-1808) est atteint de petite vérole. Elle s’en sort mais enlaidie, elle ne peut plus prétendre au mariage.
Le 15 octobre 1767
Mort de l’Archiduchesse Marie-Josèphe (1751-1767), sœur de Marie-Antoinette.

C’est à la mort prématurée de deux de ses sœurs, Marie-Jeanne (1750-1762) et Marie-Josèphe (1751-1767) que l’Archiduchesse Marie-Caroline (1752-1814) doit son mariage avec Ferdinand IV de Naples (1751-1825). Le souverain est très grand, fort laid et de plus doté d’un caractère brutal.
Les inoculations des Archiducs sont pratiquées par le Docteur Hollandais Ingenhousz, ayant contracté la variole tout enfant, Marie-Antoinette ne fait pas partie de ceux-là.
En 1768
Marie-Thérèse s’aperçoit horrifiée que sa dernière fille n’a reçu jusque-là qu’un vernis d’éducation. A douze ans Antonia sait à peine lire et écrit très difficilement. Elle est très éloignée des belles-lettres et de toutes matières sérieuses. Sa grande-maîtresse, madame de Brandeiss (ou Brandis), afin de se faire bien voir de l’Impératrice qui tient à un rapport hebdomadaire des progrès de ses enfants, écrivait au crayon à papier les devoirs de son élève qui n’avait ensuite qu’à recopier par-dessus à l’encre.
Pour les Girault de Coursac, biographes thurifaires de Louis XVI, l’Impératrice considérait sa dernière fille comme limitée intellectuellement, d’où sa non-éducation jusqu’à ses douze ans.
En avril 1768

Image de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
L’abbé de Vermond se met à l’œuvre sans retard, la lourde tâche qui lui incombe devant être accomplie en dix-huit mois à peine. Il ne tarde pas à donner à Monsieur de Mercy ses impressions sur son élève :
« Elle a plus d’esprit qu’on ne lui en a cru pendant longtemps. Malheureusement cet esprit n’a été accoutumé à aucune contention jusqu’à douze ans. Un peu de paresse et beaucoup de légèreté m’ont rendu son instruction plus difficile. J’ai commencé pendant six semaines par des principes de belles-lettres. Elle m’entendait bien lorsque je lui présentais des idées toutes éclaircies ; son jugement était presque toujours juste, mais je ne pouvais l’accoutumer à approfondir un objet, quoique je sentisse qu’elle en était capable. J’ai cru voir qu’on ne pouvait appliquer son esprit qu’en l’amusant.»
Elle ne démontre pas de talents particuliers pour les arts plastiques, au contraire de certaines de Ses sœurs aînées. Néanmoins, Elle a su retenir les leçons de Son père au goût artistique sûr.
De son côté, madame Campan estime que cette éducation est volontairement ratée :
« Il avait établi son influence sur elle dans l’âge où les impressions sont le plus durables, et il était aisé de voir qu’il n’avait cherché qu’à se faire aimer de son élève, et s’était très-peu occupé du soin de l’instruire. On pourrait l’accuser même d’avoir, par un calcul adroit mais coupable, laissé son élève dans l’ignorance.»
N’oublions pas que madame Campan fut une grande éducatrice, notamment fondatrice de l’école de la Légion d’honneur.
Joseph II (1741-1790) dénigre sa petite sœur qu’il considère comme une «tête à vent», pourtant la négligence ne vient pas d’Elle…. On s’est souvenu bien tard qu’Elle était un pion sur l’échiquier politique de Marie-Thérèse.
Il n’empêche, l’empereur, leur mère, l’abbé de Vermond, madame Campan, de nombreux autres contemporains, les Girault de Coursac et d’autres biographes, se trompent. Il suffit de prendre en compte la mémoire de Marie-Antoinette.
A cette date, si son français n’est pas parfait, elle le comprend, entend l’allemand, communique dans le dialecte viennois auprès de ses serviteurs subalternes, a des notions de hongrois, de tchèque et sûrement d’autres régions de l’empire de sa mère et répond à tous ces peuples en visite à Schönbrunn ou à la Hofburg en latin. Et surtout elle maîtrise parfaitement l’italien, enseigné par Métastase.
De même, elle joue très correctement de plusieurs instruments, déchiffre une partition et surtout danse de manière remarquable.
Sa santé intellectuelle n’est donc pas une réelle cause d’inquiétude.
Le 7 avril 1768
Comme ce sera plus tard le cas pour Marie-Antoinette, le mariage de celle qui devient Marie-Caroline a lieu à Vienne par procuration.

Marie-Caroline d’Autriche par un artiste inconnu
Au moment de quitter Vienne, en avril 1768, Marie-Caroline saute de la voiture au dernier moment pour donner à son Antoine adorée une série d’étreintes passionnées et larmoyantes.
Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Les deux sœurs ne se reverront jamais plus !
Ce départ marque la fin de l’insouciance de l’enfance d’Antoinette, qui, désormais, va apprendre le rôle auquel Sa naissance La destine.
Le 12 mai 1768
Mariage de l’Archiduchesse Marie-Caroline, la sœur préférée de Marie-Antoinette avec Ferdinand Ier des Deux-Siciles.

Ferdinand IV
Bella gerant alii, tu felix Austria nube… voici donc la petite Caroline, à seize ans à peine, embarquée pour un pays qu’elle ne connaît pas, mais dont la culture est bien loin de la douceur de vivre de Vienne.

D’emblée, son mari la déçoit. Il lui paraît rude et peu doué pour l’art de la conversation. De son côté, il ne semble pas plus intéressé par sa jeune épouse, si bien que Caroline écrira à Madame de Lerchenfeld, la nouvelle gouvernante, qu’elle est désespérée et qu’elle nourrit les pires craintes pour l’avenir de sa chère Antoine.
Gabriella Pession est Marie-Caroline dans Ferdinando and Carolina (1999) de Lina Wertmüller
Jusqu’en 1792, Marie-Caroline et Marie-Antoinette entretiendront une correspondance sans faille.
Début 1770
Apprenant, par l’Abbé de Vermond (1735-1806), que les dents de l’Archiduchesse Antonia sont mal plantées et généralement peu satisfaisantes, Mercy-Argenteau (1727-1794) trouve un spécialiste français, Laveran, qui assure pouvoir rectifier le tout en trois mois à peine… Arrivé à Vienne, il semble avoir réussi dans sa tâche : alors que les uns et les autres détaillent point par point tous les traits de la Dauphine et Reine, ils ne disent rien de Ses dents.

L’abbé de Vermond considère aussi qu’il est également de son devoir de former la future Dauphine à l’apparence d’une princesse destinée à régner sur la France. Elle a un physique charmant, il Lui faut l’être davantage. Il demande à Mercy de lui envoyer un coiffeur français. Ce sera Larseneur qui pour cacher son front trop haut et bombé met au point une coiffure dite à la Dauphine.
Portrait de Marie-Antoinette envoyé à la cour de France pour ses fiançailles, Ducreux, Versailles
La jeune fille apprend aussi à s’habiller à la française. Les résultats sont plus que satisfaisants.
Le 7 février 1770
A cinq heures et quart du soir, premières règles de Marie-Antoinette : l’Archiduchesse peut donc être mariée !
Le 21 avril 1770
Départ de Marie-Antoinette de Vienne pour la France. Tout le monde, l’Impératrice, la Dauphine, la famille impériale, la Cour, pleure à chaudes larmes. Marie-Thérèse Lui remet ses Instructions à relire tous les 21 du mois. Elle a à faire le deuil de Sa vie de jeunesse avec ce départ.

Règlement à lire tous les mois
« A votre réveil vous ferez tout de suite, en vous levant, vos prières du matin à genoux et une petite lecture spirituelle, ne fût-ce même que d’un seul demi quart d’heure, sans vous être encore occupée d’autre chose ou avoir parlé à personne. Tout dépend du bon commencement de la journée et de l’intention, dont on la commence, ce qui peut rendre les actions même indifférentes bonnes et méritoires. C’est un point, sur lequel vous serez très exacte, son exécution ne dépend que de vous, et il peut en résulter votre bonheur spirituel et temporel. Il en est de même avec les prières du soir et examen de conscience ; mais je répète encore, celles du matin et la petite lecture spirituelle sont des plus importantes. Vous me marquerez toujours, de quel livre vous vous servez. Vous vous recueillerez pendant le jour le plus souvent que vous pourrez, surtout à la sainte messe. J’espère que ;vous l’entendrez avec édification tous les jours, et même deux les dimanches et les jours de fête, si c’est coutume à votre cour. Autant que je souhaite que vous soyez occupée de la prière et bonne lecture, aussi peu voudrais-je que vous pensiez introduire ou faire autre chose que ce qui est de coutume en France ; il ne faut prétendre rien de particulier, ni citer ce qui est ici d’usage, ni demander qu’on l’imite ; au contraire il faut se prêter absolument à ce que la cour est accoutumée à faire. Allez, s’il se peut, l’après-dînée, et surtout tous les dimanches aux vêpres ou au salut. Je ne sais pas si la coutume est en France de sonner l’angelus, mais recueillez-vous alors, si non en public, du moins dans votre cœur. Répondez agréablement à tout le monde, avec grâce et dignité : vous le pouvez, si vous voulez. Il faut aussi savoir refuser. Dans mes états et dans l’empire vous ne sauriez vous refuser à accepter des placets, mais vous les donnerez tous à Starhemberg, et vous adresserez tout le monde à lui ou à Schaffgotsch, si le premier était empêché, en disant à tout le monde, que vous les enverrez à Vienne, ne pouvant faire rien de plus. Depuis Strasbourg vous n’accepterez plus rien, sans en demander l’avis de M. ou de Mme de Noailles, et vous renverrez à eux tous ceux qui vous parleront de vos affaires, en leur disant honnêtement, qu’étant vous-même étrangère, vous ne sauriez vous charger de recommander quelqu’un au roi. Si vous voulez, vous pouvez ajouter, pour rendre la chose plus énergique : « l’Impératrice, ma mère, m’a expressément défendu de me charger d’aucune recommandation ». N’ayez point de honte de demander conseil à tout le monde, et ne faites rien de votre propre tête. Vous avez un grand avantage, que Starhemberg fera avec vous le voyage de Strasbourg à Compiègne ; il est très aimé en France, il vous est très attaché. Vous pouvez lui tout dire et tout attendre de ses conseils ; il restera encore huit à dix jours à Versailles. Vous pouvez m’écrire sincèrement par son canal ; tous les commencements de mois j’expédierai d’ici à Paris un courrier : en attendant vous pourriez préparer vos lettres pour les faire partir tout de suite à l’arrivée du courrier. Mercy aura l’ordre de l’expédier d’abord. Vous pouvez de même m’écrire par la poste, mais sur peu de choses, et que tout le monde peut savoir. Je ne crois pas que vous deviez écrire à votre famille, hors dans des cas particuliers et à l’empereur, avec qui vous vous arrangerez sur ce point. Je crois que vous pourriez encore écrire à votre oncle et tante de même qu’au prince Albert. La reine de Naples souhaite votre correspondance ; je n’y trouve aucune difficulté. Elle ne vous dira rien que de raisonnable et d’utile ; son exemple doit vous servir de règle et d’encouragement, sa situation ayant été en tout et étant bien plus difficile que la vôtre. Par son esprit et par sa déférence elle a surmonté tous les inconvénients, qui ont été grands ; elle fait ma consolation et a l’approbation générale. Vous pouvez donc lui écrire, mais que tout soit mis en façon à pouvoir être lu par tout le monde. Déchirez mes lettres, ce qui me mettra à même de vous écrire plus ouvertement ; j’en ferai de même avec les vôtres. Ne faites aucun compte sur les affaires domestiques d’ici ; elles ne consistent que dans des faits peu intéressants et ennuyants. Sur votre famille vous vous expliquerez avec vérité et ménagement : quoique je manque souvent d’en être entièrement contente, vous trouverez peut-être que c’est ailleurs encore pis, qu’il n’y a ici que des enfantises et jalousies pour des riens, qu’autre part c’est bien plus soutenu. Il me reste encore un point par rapport aux Jésuites. N’entrez dans aucun discours, ni pour, ni contre eux. Je vous permets de me citer et de dire que j’ai exigé de vous de n’en parler, ni en bien, ni en mal : que vous savez, que je les estime, que dans mes pays ils ont fait grand bien, que je serais fâchée de les perdre, mais que si la cour de Rome croit devoir abolir cet ordre, je n’y mettrais aucun empêchement ; qu’au reste j’en parlais toujours avec distinction, mais que même chez moi je n’aimais pas à entendre parler de ces malheureuses affaires.»
Marie-Thérèse


Cette épreuve est sans doute vécue comme un traumatisme même si elle est écrite dans le destin de toute princesse dès sa naissance.
Le voyage durera plus de vingt jours.
« Le premier soir, on arrive à l’abbaye baroque de Melk, lancée tel un éperon sur le Danube où Marie-Antoinette retrouve son frère Joseph. Les élèves des moines bénédictins ont préparé un spectacle pour leurs hôtes princiers. Marquée par les fatigues du voyage, Marie-Antoinette a du mal à le suivre. »
L’abbé de Vermond
Dans le message du marquis de Durfort au duc de Choiseul, l’ambassadeur écrit que la Dauphine est arrivée en bonne santé à Melk, qu’un opéra allemand a été joué pour la princesse par les élèves de l’abbaye, que le duc peut facilement imaginer combien Madame la Dauphine s’est amusée. Elle est pleine d’espérances …
Le 24 avril 1770
Il pleut encore. Après seulement six heures de berline, Marie-Antoinette pénètre dans Altheim où Elle fait bonne chère et passe une paisible nuit.

Le 26 avril 1770
A Guntzbourg et à Fribourg il a été prévu des haltes de deux jours pour que Marie-Antoinette se repose des fatigues d’un voyage harassant.
Dimanche 29 avril 1770
La caravane quitte Augsbourg pour gagner Güntzbourg où la princesse Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont (1714-1773), attend la fille de son frère. La marche dure neuf heures. Madame la Dauphine, affectée d’un coryza (c’est un rhume ou une rhinopharyngite), commence à éprouver les fatigues, sinon du voyage, du moins d’une aussi longue représentation. A Güntzbourg est prévue une halte de deux jours pour que Marie-Antoinette se repose des fatigues d’un voyage harassant. Elle passe de longs moments avec Sa tante, la princesse Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont.
Le 1er mai 1770
Petite étape car les santés sont encore fragiles. Les carrosses prennent la route d’Ulm et, quittant la Bavière, passent en Souabe.
Le 7 mai 1770
Un carrosse, couronné de bouquets de fleurs d’or, s’arrête aux premières maisons de Strasbourg. Monsieur d’Autigny, chef du magistral, s’avance et commence une harangue en allemand. Marie-Antoinette penche la tête de la portière et gracieusement l’interrompt :
« Ne parlez point allemand, messieurs, à dater d’aujourd’hui, je n’entends d’autre langue que le français.»
Marie-Antoinette
Dès les premiers pas de la princesse sur la terre de France, Son seul sourire attire et séduit. Sa marche aérienne, Son port d’Archiduchesse, l’attitude un peu fière de Sa tête et de ses épaules imposent. Un teint «mêlé, de bien à la lettre, de lis et de roses…»
Marie-Antoinette a l’effet d’un bouquet des fleurs de champs.
«C’est une odeur de printemps !» s’exclame Burke.
Marie-Antoinette est officiellement « échangée » entre la France et l’Autriche sur une île du Rhin près de Kehl. Cette île, encore habitée dans les années précédant la Première Guerre mondiale, est connue sous le nom d’«île de la Commission » (Kommissionsinsel), en référence à la commission d’échange de Marie-Antoinette.
Si jamais Elle ne se rendait pas encore compte de ce que l’Histoire Lui réservait, Elle en a là un avant-goût car le cérémonial est digne de l’étiquette de Versailles, qui est aussi rigoureuse que l’on était désinvolte avec ces contraintes à Vienne.
Le 8 mai 1770
Marie-Antoinette repart sur la route de Paris, jusqu’à Saverne. Elle parcourt tout l’Est de la France, par Nancy et Lunéville, Commercy, Châlons, Reims et Soissons.
Le 12 mai 1770
La caravane arrive à Soissons où Marie-Antoinette séjourne quarante-huit heures.

Le 14 mai 1770
Après avoir traversé l’est de la France en liesse, Marie-Antoinette rencontre le Dauphin pour la première fois dans la forêt près de Compiègne.

« Louis XV fut enchanté de la jeune dauphine ; il n’était question que de ses grâces, de sa vivacité et de la justesse de ses reparties. Elle obtint encore plus de succès auprès de la famille royale, lorsqu’on la vit dépouillée de tout l’éclat des diamants dont elle avait été ornée pendant les premiers jours de son mariage. Vêtue d’une légère robe de gaze ou de taffetas, on la comparait à la Vénus de Médicis, à l’Atalante des jardins de Marly. Les poètes célébrèrent ses charmes, les peintres voulurent rendre ses traits.»
Henriette Campan
Le 16 mai 1770
Mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin Louis-Auguste.

« Madame la dauphine était, à cette époque, grande et bien faite, quoique un peu mince. Elle n’a que très-peu changé depuis; c’est toujours ce même visage allongé et régulier, ce nez aquilin bien que pointu du bout, ce front haut, ces yeux bleus et vifs. Sa bouche, très petite, semblait déjà légèrement dédaigneuse. Elle avait la lèvre autrichienne plus prononcée qu’aucun de ceux de son illustre maison. Rien ne peut donner une idée de l’éclat de son teint, mêlé, bien à la lettre, de lis et de roses. Ses cheveux, d’un blond cendré, n’avaient alors qu’un petit œil de poudre. Son port de tête, la majesté de sa taille, l’élégance et la grâce de toute sa personne étaient ce qu’ils sont aujourd’hui. Enfin tout en elle respirait la grandeur de sa race, la douceur et la noblesse de son âme; elle appelait les cœurs.»
Henriette d’Oberkirch

Lors du repas
Le Roi recommande à son petit-fils de ne pas trop se gaver pour la nuit qui l’attend, il reçoit cette répartie qui en dit plus long que le Dauphin l’imaginait :
« Pourquoi? je dors toujours mieux quand j’ai bien mangé….»
Après le festin a lieu le cérémonial du coucher du nouveau couple delphinal.




Image du film de Van Dyke (1938)
L’assistance assiste au coucher des époux.
Les jeunes mariés sont conduits dans la chambre nuptiale, celle de Marie-Antoinette. La couche est bénie par l’archevêque de Reims. Le Roi passe sa chemise de nuit au Dauphin et la duchesse de Chartres à la Dauphine. Ils vont au lit en présence de toute la Cour afin de montrer qu’ils partagent bien le même lit.

Le mariage ne sera pas consommé cette nuit-là…

La jeune Dauphine a quatorze ans, mais Elle en paraît douze. Son mari, d’un an Son aîné, mesure 1,78 m. Il n’a pas encore sa taille adulte (1,93m) mais il est déjà plus avancé dans sa maturité. Ce n’est que lorsque Marie-Antoinette aura l’âge d’être mère que cela arrivera. On a fait fi de cela en La mariant trop tôt.
Lorsque Marie-Antoinette devient Dauphine, Elle devient la première femme de France…rôle qui incombait depuis deux ans sinon officiellement, du moins dans les fastes de la Cour à Madame du Barry (1743-1793), de trente-trois ans plus jeune que Louis XV, son royal amant à qui elle aurait appris des plaisirs nouveaux…

Pour inaugurer l’opéra royal, l’œuvre le Persée de Lully est représentée. L’œuvre a aussi été revisitée, car les goûts musicaux du temps ont changé depuis sa composition. Elle a été raccourcie. Mais l’échec est total : la jeune Marie-Antoinette semble s’être endormie à la moitié du spectacle.
« Ce spectacle était bien mieux que nous ne pouvions l’attendre, après tant de préparatifs et avec des machines dont les mouvements étaient encore si peu connus par les ouvriers. Madame la Dauphine ne semble pas l’avoir prise en sympathie. Il est vrai que c’est une œuvre très sérieuse pour ceux qui ne connaissent pas encore bien le spectacle et n’aiment pas la musique».
Denis Papillon de la Ferté (1727-1794)
Depuis Son arrivée en France, Marie-Antoinette est adulée par toutes et tous. Eh pourtant, c’est Madame Adélaïde (1732-1800), tante de Son époux, qu’Elle sera pour la première fois appelée «l’Autrichienne».En mourant, trois ans auparavant, Marie-Josèphe de Saxe lui avait confié ses enfants, la vieille fille se comporte donc comme une marâtre !

à Marie-Antoinette qui arrive en France
Il y a de quoi perdre toute assurance quand l’hostilité de Sa nouvelle patrie provient déjà de Sa nouvelle famille. La Dauphine croit d’abord aux bonnes intentions de Ses tantes, mais elles L’influencent vite dans le conflit qui L’oppose à madame du Barry. Son charme saura compenser Ses origines, n’empêche que dès Ses débuts en France, c’est Sa naissance qu’on Lui reproche !
Le 18 mai 1770
Ce jour est prévu pour le repos au milieu de toutes ces fêtes. Il n’y a que dîner chez Madame la Dauphine. Elle dîne seule, le Dauphin étant allé à la chasse avec le Roi.
C’est désormais le Docteur François de Lassone (1717-1788) qui devient le premier médecin de Marie-Antoinette. Il était celui de Marie Leszczynska (1703-1768). Il entre tous les jours dans la chambre du Roi pendant que celui-ci est encore au lit et peut, dans certaines circonstances, donner l’ordre à « la bouche ». Il prête serment au Roi.

Lassone publie un grand nombre de mémoires relatifs à la médecine et à la chimie dans les recueils de l’Académie des sciences, de l’Académie de chirurgie, et de la Société royale de médecine. En 1776,
il sera, avec le Docteur Félix Vicq d’Azyr (1743-1794), à l’origine de la création de la Société royale de médecine, ancêtre de l’actuelle Société de médecine de Paris et considérée comme la première agence d’État en matière de santé. La Société royale de médecine se donnera pour but l’étude des maladies épidémiques et des eaux minérales, mais rapidement ses travaux s’intéressent aux sciences physiologiques et médicales. Elle est fondée en 1778 et dissoute sous la Révolution française en 1793.
Il adresse des bulletins réguliers à son confrère viennois pour rassurer l’Impératrice sur l’état physique et moral de sa fille.
A Son arrivée en France
Marie-Antoinette fait rembourrer Ses corsets, pour dissimuler une difformité, car Elle a une épaule plus saillante que l’autre. Mercy et Marie-Thérèse évoquent le refus de la jeune Dauphine de porter un corset censé justement Lui corriger ce même défaut.
Pour la nuit, Marie-Antoinette porte un corset à crevées de rubans, des manches de dentelles et un grand fichu.
« Les souliers, pour la matinée, sont le plus souvent de peau de couleur ou en étoffe : taffetas ou satin.
Henriette Campan
Chaussée, Marie Antoinette passe un « corps ». Comme toutes les dames de son temps, la lingerie de la Reine conserve toute une collection de corps à baleine ordinaires de percale doublée de dentelles, de basin doublé de percale, de satin blanc doublé de taffetas. La dame d’atours a sous ses ordres un tailleur « pour les corps » qui fournit exclusivement la lingerie de la souveraine.
Avec le corps, un simple jupon d’étoffe, de petit basin rayé garni d’un ou plusieurs rangs de dentelles ou d’un petit volant de mousseline brodée.»
La colonne vertébrale de Marie-Antoinette est donc sans cesse renforcée par les baleines de corps ou corsets, elle n’a donc peut-être pas la résistance naturelle des personnes qui vivent sans corset depuis Paul Poiret (1879-1944) … Elle se rendra à la mort encore corsetée.
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travaille, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
Le 16 juillet 1770
Louis-Auguste tombe malade d’un gros rhume, avec une toux violente. Il ne pourra se rendre à Compiègne le lendemain. Les gazettes prétendent que le Dauphin crache du sang et rappellent les circonstances de la mort de son père, qui a succombé de ce que les contemporains ont pris pour un «rhume négligé», accompagné de crachements de sang. Il s’agit pourtant d’un rhume banal.
Le 18 juillet 1770
Sur l’ordre des médecins, le premier chirurgien du Roi La Martinière saigne le jeune prince qui inscrit sur son agenda cet événement qui ne se reproduira jamais plus:
«Mercredi 18. J’ai été saigné.»
Le Dauphin Louis-Auguste
Ce même jour
Marie-Antoinette écrit à Mercy :
« Notre malade est assez bien mais pourtant on le saignera ce soir.»
Le 19 juillet 1770
Le Roi ordonne à son premier chirurgien La Martinière d’examiner son petit-fils et de lui dire s’il existe chez le jeune homme des obstacles physiques à la consommation de son mariage. Après avoir pratiqué l’examen, La Martinière rassure pleinement le Roi. Si un réel phimosis avait été détecté, Louis XV n’aurait pas hésité un instant à ordonner au chirurgien d’intervenir. Ce n’est donc en aucun l’obstacle à la consommation du mariage, malgré la légende tenace.
Le 23 juillet 1770
Louis XV fait part à l’Infant Ferdinand de Parme (1752-1802), son petit-fils (celui-là même qui a effectivement souffert du phimosis que l’histoire attribue à Louis-Auguste) et époux de Marie-Amélie d’Autriche (1746-1804), sœur de Marie-Antoinette, à la fois de ses inquiétudes et de leur heureux dénouement.

Le 1er août 1770
« L’indisposition du Dauphin donne à penser, et je crains qu’il ne vivra pas longtemps.»
Marie-Thérèse à Mercy
Depuis sa maladie
Le Dauphin ne couche plus dans l’appartement de sa femme comme auparavant, et la consommation de leur mariage reste encore suspendue. Il n’y a aucune cause inquiétante.
Le 2 août 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 8 août 1770
« Il y (a) grande chasse à laquelle Madame la Dauphine assist(e) avec Mesdames. Quelques représentations que l’on (a) faites à Monsieur le Dauphin pour se modérer un peu dans cet exercice, il prend ce jour-là par une chaleur excessive une telle fatigue qu’il ne p(eut) se soutenir de lassitude.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 14 août 1770
Marie-Antoinette parle du Dauphin à Mercy en lui disant qu’Elle en est contente, que tous les petits défauts de son extérieur proviennent de l’éducation négligée qu’il a eue, mais que son fond est excellent, qu’il est le meilleur enfant et du meilleur caractère ; rien ne La gêne dans Ses conversations avec le Dauphin, il marque du plaisir à L’entendre et de la confiance, quoiqu’il soit fort réservé sur le chapitre des gens qui l’entourent.
Le 1er septembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 20 septembre 1770
Le Dauphin dort avec la Dauphine.
Le 1er octobre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 31 octobre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 4 novembre 1770
La Dauphine se promène à cheval.

Le 5 novembre 1770
La Dauphine réitère la promenade à cheval … Elle ne peut plus supporter l’idée de monter sur des ânes.
Le 6 novembre 1770
Depuis longtemps, la Dauphine exhorte Son époux à ne pas rester si tard à la chasse et l’a prié d’en revenir à une heure raisonnable.
Selon Mercy, le Dauphin revient tard, et suivant sa coutume, longtemps après le Roi : il trouve la Dauphine chez Sa Majesté, il s’approche d’Elle, d’un air embarrassé et Lui dit : «Vous voyez, je suis revenu à temps.» Madame la Dauphine répond d’un ton assez sec : «Oui, voilà une belle heure!»
Le soir, on se rend au spectacle. Le Dauphin est boudé tout le temps au retour du théâtre. Il cherche à avoir une explication. Marie-Antoinette lui fait alors un sermon énergique où Elle lui représente avec vivacité tous les inconvénients de la vie sauvage qu’il mène ; Elle lui fait voir que personne ne peut résister à ce genre de vie d’autant moins que son air et ses manières rudes ne donnent aucun dédommagement à ceux qui lui sont attachés et qu’en suivant cette méthode, il finira par détruire sa santé et par se faire détester. Le Dauphin reçoit cette leçon avec douceur et soumission, il convient de ses torts, promet de les réparer et demande formellement pardon à sa femme.
Le 24 novembre 1770
Lors d’une chasse du Roi, Marie-Antoinette et Ses tantes voient leur voiture embourbée près de Choisy. Obligées d’en sortir, la princesse perd Son soulier dans la boue et les voilà à faire tout le chemin jusqu’au château sous la pluie. Marie-Antoinette ayant froid souhaite s’approcher du feu mais brûle ses vêtements ! Du coup elle s’enrhume.
De retour à Versailles, Son appartement n’étant pas chauffé, Son rhume empire.
Le 29 novembre 1770
Guérie, Marie-Antoinette peut de nouveau suivre les chasses du Roi. Cette fois-ci, elle est accompagnée de sa jeune belle-sœur Madame Clotilde, appelée par Mercy Madame Marie.
Son postillon tombe et se retrouve écrasé par les quatre chevaux.
La Dauphine prend les choses en main, fait envoyer des chirurgiens et organise le retour du blessé à Versailles dans des conditions qui n’aggraveraient pas son état.
Le 30 novembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue.

Ce ne peut que contrarier Marie-Antoinette qui lui doit Son statut.
Mercy doit entreprendre une triple action auprès de l’Impératrice :
– obtenir qu’elle désavoue les conseils qu’elle avait tout d’abord donnés à sa fille de ne se conduire que d’après les avis de Mesdames ; qu’elle les aide, lui et l’abbé de Vermond à combattre leur influence sur Marie-Antoinette
– lui donner le change sur la colère grandissante de Louis XV contre la Dauphine en attribuant cette colère au refus de la jeune femme de traiter poliment Madame du Barry et les gens de la société du Roi, et aux conseils qu’Elle est supposée donner à Son mari s’imiter Sa conduite à leur égard.
– lui faire admettre progressivement que les gens du parti dominant ennemis de Choiseul, que la favorite elle-même, sont ses nouveaux alliés pour la Dauphine et contre le Dauphin.
Paul et Pierrette Girault de Coursac
Le 30 décembre 1770
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 26 janvier 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 13 février 1771
« Il n’est encore rien survenu relativement aux projets que paraissait avoir formé le Dauphin de vivre avec la Dauphine dans l’intimité que comporte leur union. Cette conduite qui ne tient qu’au moral, n’en est pas moins inexplicable et fâcheuse ; je tâche d’employer tous les moyens possibles pour éloigner de l’esprit de Madame l’Archiduchesse toute réflexion sur cet objet, en ne lui présentant que les beaux côtés de sa position, c’est à dire la certitude d’être aimée par le prince son époux et de posséder sa confiance. La santé de S.A.R. est parfaite et s’annonce par la régularité de ses règles qu’elle a eues le 26 de janvier ; toute sa figure embellit, sa taille est bien remise par l’usage des corps de baleines, et Mme la Dauphine observe maintenant avec assez de soin tout ce qui tient à la propreté et à la parure.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 22 février 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 21 mars 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Dans la nuit du 21 au 22 mars 1771
« Monsieur le Dauphin a passé la nuit avec Madame la Dauphine.»
Mercy
Le 9 avril 1771
Marie-Antoinette a Ses règles huit jours en avance.
Le 4 mai 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 29 mai 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 juin 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Les 26, 27 et 28 juin 1771
La Dauphine garde la chambre. Sa maladie semble être la suite de Son imprudence d’être allée se promener à cheval en étant déjà enrhumée et ayant Ses règles. Le Dauphin réprimande sa femme pour les imprudences qu’Elle a prises et le peu de soin qu’Elle prend de Sa santé.

Le 18 juillet 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 11 août 1771
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme au silence qu’Elle impose à la maîtresse du Roi, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée. Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, L’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans Son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là Madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront. Un sacré soulagement après une période d’anxiété logique pour appréhender cette situation angoissante. Car il s’agit-là de mettre Son orgueil inné (et légitime), Elle, la filles des Césars, face à cette rivale dont tous (Sa mère comprise) ne Lui ont dit que les pires choses avilissantes et qu’Elle ne connaît pas en fait.

Le 12 août 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 septembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 1er octobre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 26 octobre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 3 novembre 1771
Chasse à courre : après avoir suivi en voiture, Marie-Antoinette monte à cheval.

Le 13 novembre 1771
La Dauphine se rend à la chasse du cerf. Elle est tant soit peu enrhumée, et le Dauphin a l’attention d’exiger de sa femme reste dans une voiture fermée et ne monte pas dans les calèches qui servent en de pareilles occasions.
Le 20 novembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 15 décembre 1771
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 1er janvier 1772
Images colorisées de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke
Alors que la comtesse Du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.


Quelle épreuve morale que cette joute observée par toute la Cour, toute la France et même toute l’Europe !
« Je lui ai parlé une fois, mais je suis bien décidée à en rester là et cette femme n’entendra plus jamais le son de ma voix.»
Elle tiendra parole !
Le 9 janvier 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 3 février 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 28 février 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 24 mars 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.

Kirsten Dunst dans Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Le 18 avril 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 13 mai 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 7 juin 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 2 juillet 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 9 août 1772
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de treize jours.
Le 3 septembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 28 septembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 octobre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 5 novembre 1772
La Dauphine monte à cheval. Elle est vêtue en grand uniforme de chasse.

Marie-Antoinette, en amazone ou habit de chasse, par l’Autrichien Joseph Krantzinger
Le 17 novembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.

Le 12 décembre 1772
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 janvier 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 31 janvier 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 25 février 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 22 mars 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 avril 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 11 mai 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 12 mai 1773
Le Dauphin a un accès de fièvre.
Le Roi parle à la Dauphine de la nouvelle quant à la consommation du mariage et , malgré la réticence de la princesse, il la publie. Elle se répand aussitôt «pendant que M. le Dauphin prend médecine», précise Vermond.
Le 17 mai 1773
« Le bruit court ici que Monsieur le Dauphin est véritablement mon mari, mais il n’en est rien encore, quoique je crois que cette maladie nous a fait grand tort, étant un peu plus avancés qu’à l’ordinaire. Cela aurait pu finir plus tôt, au lieu qu’à cette heure cela sera encore bien reculé.»
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse

Le 5 juin 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 17 juillet 1773
« Je puis bien dire à ma chère maman et à elle seule que depuis que nous sommes arrivés ici (à Compiègne), mes affaires sont fort avancées, et je crois le mariage consommé quoique pas dans le cas d’être grosse ; c’est pour cela même que Monsieur le Dauphin ne veut pas qu’on le sache encore. Quel bonheur si j’avais un enfant au mois de mai. Pour mes règles, je les ai toujours fort et bien, vous pouvez bien croire que je ne monte à cheval dans ce temps-là.»
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse

« J’ai lieu de croire que les tentatives pour la consommation du mariage ont été réitérées, mais avec des succès incomplets. Les médecins ont engagé M. le Dauphin à faire usage d’une préparation de limaille de fer, c’est un corroborant tonique très communément employé, et que l’on croit le plus convenable à l’état du jeune prince.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 31 juillet 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 30 juin 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 25 août 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 26 septembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 21 octobre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 15 novembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte et de la comtesse d’Artois.
Après celui-ci, les jeunes couples princiers, le Dauphin et la Dauphine, le comte et la comtesse de Provence, le comte et la comtesse d’Artois souhaitent vivre le plus souvent ensemble dans une véritable harmonie familiale. Ils décident entre autres de monter des comédies issues du répertoire classique français dans leurs cabinets privés, avec l’aide des sieurs Campan père et fils, secrétaires et bibliothécaires de Marie-Antoinette, dans le plus grand incognito, la cour entière l’ignorant. A cette occasion, Marie-Antoinette améliore nettement son français et développe encore plus sa mémoire.
Le 10 décembre 1773
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 4 janvier 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 19 janvier 1774
Aux bals données par Madame de Noailles:
« Madame l’Archiduchesse y est toujours remplie de grâces et de bonté et enchante tous ceux qui sont admis à lui faire leur cour.»
Mercy à Marie-Thérèse
Mercy insiste de nouveau sur les conséquences pour le Dauphin des fatigues de la chasse.
Le 29 janvier 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 février 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 20 mars 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 4 avril 1774
Le Dauphin a les oreillons.
Le 14 avril 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 29 avril 1774
On diagnostique la petite vérole du Roi. On éloigne tous les membres de la famille royale, en particulier le Dauphin. Mesdames prendront sur elles de soigner jusqu’au bout leur père. Marie-Antoinette est la seule à ne pas craindre la contagion mais préfère rester auprès de son mari.
Le 8 mai 1774
L’agonie de Louis XV commence.
Le 9 mai 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
L’état du Roi s’aggrave : les croûtes et les boutons séchés deviennent noirs, la filtration se fait en dedans et on remarque des eschares dans la gorge qui l’empêchent d’avaler.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt à trois heures et quart de l’après-midi

Louis XV
Le Dauphin devient Roi sous le nom de Louis XVI.
La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »
Le 24 mai 1774
Le Roi offre le Petit Trianon à Marie-Antoinette qui souhaite avoir une résidence de campagne où échapper aux contraintes de Son rang. Elle y engage de grands travaux.
Le 3 juin 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Du 17 juin au 1er août 1774
Séjour de la Cour au château de Marly… Louis XVI, ses frères et la comtesse d’Artois se font inoculer.

Gabriel Dufay est Louis XVI dans le film de Thierry Binisti (2011)
Marie-Antoinette et la comtesse de Provence sont déjà immunisées contre la maladie. Mesdames Clotilde et Elisabeth sont jugées trop jeunes. Mesdames sont écartées de la jeune famille royale car atteintes de petite vérole à leur tour.
Le 28 juin 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 juillet 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.

Le 1er septembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles avec quinze jours de retard.
Le bain
Marie-Antoinette prend plusieurs bains par semaine mais pas tous les jours. Ce qui est déjà une grande avancée hygiénique par rapport à la toilette sèche traditionnelle.

Raphaëlle Agogué est Marie-Antoinette
dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
Au début du règne on roule dans la chambre royale une baignoire en sabot, en 1782, Marie-Antoinette disposera de Sa salle-de-bains au rez-de-chaussée. On parfume le bain de la Reine de poudre d’amande, d’écorces d’orange, des racines d’iris… Que des produits naturels et bons pour la peau.

« La reine se baignait avec une grande chemise de flanelle anglaise boutonnée jusqu’au bas, et dont les manches, à l’extrémité, ainsi que le collet, étaient doublés de linge. Lorsqu’elle sortait du bain, la première femme tenait un drap très-élevé pour la séparer entièrement de la vue de ses femmes ; elle le jetait sur ses épaules. Les baigneuses l’en enveloppaient, l’essuyaient complètement ; elle passait ensuite une très-grande et très-longue chemise ouverte et entièrement garnie de dentelle, de plus un manteau de lit de taffetas blanc. La femme de garde-robe bassinait le lit ; les pantoufles étaient de basin, garnies de dentelle. Ainsi vêtue, la reine venait se mettre au lit ; les baigneuses et les garçons de la chambre enlevaient tout ce qui avait servi au bain. La reine, replacée dans son lit, prenait un livre ou son ouvrage de tapisserie. Le déjeuner, les jours de bain, se faisait dans le bain même. On plaçait le plateau sur le couvercle de la baignoire. »
Henriette Campan

Quand Elle ne se baigne pas entièrement, Elle se contente de bains de pieds. C’est la femme de garde-robe qui se charge de ces ablutions partielles.

Après le bain
Marie-Antoinette s’applique sur le corps des soins, des lotions, des crèmes composés de romarin et de concombre, qui présentent des bienfaits pour la peau. Le romarin est purifiant et antioxydant.
Le 26 septembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 21 octobre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
« Elle est très bien faite, bien proportionnée dans tous ses membres. Ses cheveux sont d’un beau blond, on juge qu’ils seront un jour châtain cendré ; ils sont bien plantés. Elle a le front beau, la forme du visage par un ovale beau, mais un peu allongé, les sourcils aussi bien fournis qu’une blonde peu les avoir. Ses yeux sont bleus, sans être fade, et jouent avec une vivacité pleine d’esprit. Son nez est aquilin, un peu effilé par le bout ; sa bouche est petite ; ses lèvres sont épaisses, surtout l’inférieur, qu’on sait être la lèvre autrichienne. La blancheur de son teint est éblouissante, et elle a des couleurs naturelles, qui peuvent la dispenser de mettre du rouge.»
Le 2 novembre 1774
Chasse en calèche.
Le 15 novembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 27 novembre 1774
La jeune Reine se promène en traîneau… Le cocher tombe, le cheval s’emballe mais Marie-Antoinette parvient à prendre les rênes et à conduire sans difficulté le traîneau sans dommage.

Les fantaisies de la jeune Reine ne vont pas tarder à se transformer en «affaires». On n’avait encore jamais vu pareille extravagance !
Le 28 novembre 1774
Malgré les frayeurs que la Cour a pu avoir la veille, Marie-Antoinette repart de plus belle en promenade en traîneau !
Après le 18 décembre 1774
Marie-Antoinette a Ses règles : le retard est inconnu mais on le sait supérieur à huit jours.
Le 7 février 1775
L’Archiduc Maximilien (1756-1801) rend visite à sa sœur Marie-Antoinette à Versailles.
Selon l’usage et pour garder à son périple un caractère aussi privé que possible, Maximilien voyage sous un pseudonyme : comte de Burgau.
Il est porteur de bonnes nouvelles de Vienne. L’Impératrice Marie-Thérèse a suivi avec attention la révolte des Cosaques menée par Pougatchev et approuvé la sévérité de Catherine II envers les coupables. Quinze mille Russes sont mis à mort, mais, si l’on considère les hécatombes que provoque une guerre civile, ce nombre semble négligeable.
Les retrouvailles ont lieu au château de la Muette.

Maximilien donne de bonnes nouvelles de leurs sœurs qui sont d’excellentes mères … il semble ignorer les difficultés maritales de sa sœur et de Louis-Auguste…

Marie-Antoinette, le Roi Louis XVI de France et l’Archiduc Maximilien, huile sur toile de Joseph Hauzinger
Les Parisiens sont vexés de son indifférence pour leur ville et se moquent de ses maladresses, par exemple à Buffon qui voulait lui offrir un présent, il répond :
« Je serais bien fâché de vous en priver ».
La visite incognito de l’Archiduc Maximilien est en définitive une véritable source d’embarras. Aucun prince de sang n’a désiré venir le saluer à Versailles, démarche contraire à l’Étiquette qui exige que le visiteur fasse le premier pas. Marie-Antoinette se met en colère, mais ni Condé, ni Conti, ni Penthièvre, ni Orléans n’ont cédé. L’usage est l’usage et aucun visiteur, fût-il Habsbourg, ne peut en faire fi… La Reine en voudra à Chartres qu’Elle pensait un ami proche :
« Vous auriez pu remarquer que le Roi l’a traité en frère et qu’il l’a fait souper en particulier dans l’intérieur de la famille royale, honneur auquel je suppose que vous n’avez jamais prétendu.»
C’est un échec en termes de relations publiques et le jeune homme est rapidement surnommé «l’Archibête».
Marie-Antoinette le voit repartir le cœur serré.
Le 9 mai 1775
« Le Roi est revenu coucher chez la Reine ; il y avait six semaines qu’il s’en abstenait, cet éloignement faisait tenir beaucoup de propos ; j’en ai importuné la Reine pendant trois semaines sans lui faire impression ; la certitude qu’elle avait des dispositions du Roi lui faisait hausser les épaules lorsque je lui disais qu’on persuadait au public diminution de confiance et d’affection.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.

Le couple royal gardera un très bon souvenir de la cérémonie du Sacre et des festivités consécutives. Marie-Antoinette écrit à Sa mère que « le sacre a été parfait […]. Les cérémonies de l’Église [furent] interrompues au moment du couronnement par les acclamations les plus touchantes. Je n’ai pu y tenir, mes larmes ont coulé malgré moi, et on m’en a su gré […]. C’est une chose étonnante et bien heureuse en même temps d’être si bien reçu deux mois après la révolte, et malgré la cherté du pain, qui malheureusement.»
Le 22 juin 1775
Marie-Antoinette écrit à Sa mère :
« La comtesse d’Artois poursuit sa grossesse ; elle est très heureuse et n’a aucune crainte de l’accouchement. Bien sûr, elle est tellement petite qu’elle a suffit qu’ils lui disent qu’ils ne lui laisseraient pas prendre la «médecine noire» pour qu’elle touche les étoiles de la joie.»
Marie-Antoinette
Qu’est-ce que la «médecine noire» ? Marie-Antoinette ne le précise pas, mais, contrairement à ce qu’on peut penser, il ne devait pas s’agir d’une étrange potion sortie d’un laboratoire de sorcières. Au lieu de cela, il s’agissait d’une thérapie très en vogue à l’époque : la saignée par les sangsues, d’où le terme «médecine noire», car les sangsues sont noires. La saignée avec les sangsues a été pendant des siècles la panacée pour toute maladie. De la grippe à la goutte. En remplacement de la saignée, le sang était surtout extrait pour décongestionner des organes internes, pour extraire du sang et des humeurs «corrompus». il semble qu’il était recommandé quand on avait subi une peur, à ceux qui étaient de pression élevée au moment du changement de saison, aux touchés d’attaques cardiaques et aux femmes au neuvième mois de grossesse. Bien sûr, sans douleur, la vue des sangsues visant à sucer le sang ne devait pas être «beau à voir», d’où la joie de la comtesse d’Artois.
En juillet 1775
Départ de Monsieur et de Madame autorisés à suivre la nouvelle princesse de Piémont dans sa patrie d’adoption et le séjour «de quinze jours dans le plus grand incognito à Chambéry».
La Reine écrit «qu’il est affreux pour moi, de ne pouvoir espérer le même bonheur.»
Marie-Antoinette piquée au vif s’enferme dans Ses appartements pour pleurer à Son aise d’autant que le comte et la comtesse de Provence expriment bruyamment leur joie. Elle ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec Marie-Joséphine ravie de revoir sa famille, alors que Joseph II tarde à La visiter…
Le 28 juillet 1775
Chasse au sanglier avec la Reine, dans la forêt de Marly. Dîné à quatre heures à Marly. La Reine a chassé et soupé.
Marie-Antoinette nage en plein bonheur. Elle a totalement oublié la morosité qui régnait à Versailles dans les premiers mois qui avaient suivi son arrivée en France. Ce sont tous Ses rêves d’enfant qui se réalisent. Pour Elle, être Reine, c’est avoir le loisir de faire tout ce qu’Elle souhaite quand Elle le souhaite. Elle peut maintenant donner libre cours à toutes Ses fantaisies et ne va pas s’en priver.
Le 6 août 1775
Naissance de Louis-Antoine, duc d’Angoulême, fils du comte et de la comtesse d’Artois.
Les courtisans ont immédiatement été informés de la naissance d’un garçon, et le tollé, les applaudissements et les cris de joie dans les couloirs et les salons où les gens s’attendaient ont été entendus dans le château et même le pays.
Marie-Antoinette est restée avec Sa belle-sœur jusqu’à ce que cette dernière soit lavée et remise au lit, puis elle est retournée dans Ses appartements où Madame Campan l’attendait et a pleuré amèrement.
La stérilité du couple royal fait jaser..
Le 12 août 1775
« La comtesse d’Artois a joyeusement accouché le 6 à trois heures trois quarts ; il y a eu trois moments très douloureux, mais globalement le travail n’a pas duré plus de deux heures. « J’étais toujours dans sa chambre : il ne me sert à rien de dire à ma chère mère combien j’ai souffert en voyant un héritier pas le mien ; cependant à la fin, j’ai décidé que ni la mère ni le bébé ne me manqueraient aucune attention nécessaire. »
Marie-Antoinette à Sa mère
En janvier 1776
L’Impératrice a l’intention de venir à Bruxelles. De là, elle viendrait à la frontière belge où Marie-Antoinette et Louis XVI viendraient la retrouver. La joie de revoir Sa mère après six ans de séparation est peut-être mitigée dans le cœur de la Reine par la crainte que la vieille souveraine vienne Lui faire le reproche de l’état de Son mariage. Elle n’en est pas moins «extraordinairement émue» !
Le 10 avril 1776
« Je suis bien touchée de tout ce que ma chère maman pense sur les enfants que j’aurais pu avoir ; j’ai toujours plus d’espérance, et je suis convaincue que l’opération n’est plus nécessaire.
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse
Le 16 mai 1776
« Je dois croire _et tout semble l’indiquer_ que la Reine se trouve en position à devenir grosse, mais elle seule peut et doit sur cet article important en dire davantage à V.M.»
Mercy à Marie-Thérèse
Cette fois la question des obstacles physiques est bien réglée et ne sera plus jamais soulevée sinon par des historiens modernes.

En août 1776
La Reine est souffrante, Elle a la migraine, la fièvre et il est même question d’annuler Fontainebleau.
Le 13 mars 1777
Madame Cahouët de Villers est enfermée dans la tour du Comté, et son époux dans la tour du Trésor. Victoire Wallard est l’épouse de Pierre Louis René Cahouët de Villers, premier commis des bureaux de la guerre, issu d’une famille de la haute-bourgeoisie de Saumur. Elle a gagné l’amitié de l’Abbé Terray (1715-1778), le dernier contrôleur des finances de Louis XV (de 1769 à 1774), qui a fait nommer son mari trésorier-général de la maison du Roi.

Les époux Cahouët ont mené grand train et Victoire n’a reculé devant aucun moyen pour se procurer de l’argent. Elle est l’auteure de plusieurs escroqueries et manigances à l’origine d’un scandale auquel le nom de la Reine Marie-Antoinette a été mêlé. Quelques années avant l’affaire du collier, Victoire Cahouët de Villers, intrigante galante et étourdie, se sert du nom de Marie-Antoinette pour duper et escroquer des sommes importantes à ceux qui croient à son influence.
Le 24 mars 1777
Monsieur Cahouët de Villers est libéré , sur les preuves qu’il n’a en aucune façon pris part aux menées de sa femme. Très tôt dans le règne, on abuse donc du nom de la Reine et cela donnera des idées à Jeanne de la Motte (1756-1791) qui tramera la sinistrement célèbre Affaire du Collier (1785). Marie-Antoinette a-t-Elle déjà conscience de l’affront qui est porté ici à Sa personne ? Sans doute. Mais en mesure-t-Elle la gravité ?
Rien n’indique que Sa santé a été altérée par cette affaire.
Le 18 avril 1777
Visite de Joseph II en France. Il voyage en Europe sous le nom de comte de Falkenstein. A la requête de l’Impératrice , il rend visite à sa sœur pour tenter de comprendre la stérilité du couple royal.

Joseph arrive à neuf heure et demie. Sur sa demande, la Reine a envoyé l’abbé de Vermond pour l’accueillir dans la cour du château, car l’Empereur veut se rendre directement dans les petits cabinets de sa sœur, sans rencontrer âme qui vive. Fidèle à sa consigne, l’abbé, évitant les antichambres remplies de monde, lui fait emprunter corridors et escaliers dérobés qui le conduisent jusqu’à Marie-Antoinette encore revêtue d’un déshabillé et à peine coiffée.

Images du film Amadeus (1984) de Milos Forman : Jeffrey Jones y campe un Joseph II plus vrai que nature !
« Le premier moment entre lui et la reine fut des plus touchants; ils s’embrassèrent et restèrent longtemps dans l’attendrissement et le silence.»
raconte Mercy qui tient la confidence de Vermond.

Philippe Laudenbach incarne Joseph II dans la série Marie-Antoinette (1975)
de Guy-André Lefranc avec Geneviève Casile
Le 23 avril 1777
L’Empereur arrive à Versailles, l’abbé de Vermond qui l’attendait à la porte de l’appartement, l’introduit jusqu’au cabinet. On s’embrasse avec une tendresse marquée par les larmes, puis tous les deux rient. La Reine ne parle qu’allemand, et au bout d’une demi-heure, Elle prend Son frère par-dessous le bras pour le conduire chez le Roi et de là chez les princesses.
Le 26 avril 1777
Joseph II participe à une course de chevaux donnée par le comte d’Artois.
L’équitation est un sport que la jeune Reine apprécie particulièrement…
Fière et royale, Marie-Antoinette apparaît sur les peintures comme une cavalière aguerrie. Elle apprécie ce sport qu’Elle pratique notamment avec de Sa belle-sœur, Madame Elisabeth. Mais ce qui marque réellement les esprits ce n’est pas tant qu’une femme monte à cheval mais plutôt que cette dernière pratique l’équitation à la manière d’un homme c’est-à-dire à califourchon. En effet il est d’usage que le sexe féminin monte en amazone permettant ainsi à la cavalière de porter sa jupe. Toutefois Marie-Antoinette, peu encline à respecter au pied de la lettre la tradition, préfère la monte à califourchon, habituellement réservée aux hommes et strictement défendue aux femmes.
Marie-Antoinette par Auguste Brun (1781)
Il est possible d’expliquer de deux façons cette interdiction. Tout d’abord pour des questions de mœurs: il semblait inconcevable qu’une femme puisse adopter une telle position, connotée sexuellement et nécessitant surtout de porter non plus une jupe mais un pantalon ( un loi interdisant le port du pantalon par une femme n’a été abrogée qu’en … 2013 ! ) , travestissement irrecevable à la Cour mais qui n’a pourtant pas arrêté la Reine. Avec l’avènement des Lumières et le développement de la médecine on estime qu’il n’est pas raisonnable pour une femme de monter ainsi, pour des raisons d’hygiènes et de santé. Bien sûr ces arguments ne sont en rien un frein pour Marie-Antoinette qui est bien décidée à se faire une place dans cet espace masculin et qui fait par la même montre de son émancipation, attitude que beaucoup lui reprocheront par la suite.
Force est de constater que ces reproches ne viendront pas uniquement des hommes de la Cour mais bel et bien des femmes, voyant d’un mauvais œil le goût de la Reine pour le monde équestre habituellement réservé au « sexe fort ». En réponse à leurs plaintes il est décidé ceci:
« Une nouvelle étiquette exige que les jours de chasse royale, la reine, les princesses de sang et les dames invitées se rendent en calèche à l’endroit où le cerf doit être forcé ».
Cette nouveauté est ainsi un moyen d’interdire à la Reine de jouir de ses sorties à cheval auprès des hommes, mais c’était sans connaître le tempérament de cette dernière qui a écrit par la suite
« Qu’ai-je promis ? De ne pas suivre la chasse ! Eh bien, je vais aller au-devant d’elle ! De cette façon je tiendrai ma parole et j’éviterai de me faire voiturer dans cette maudite calèche.»
Sa mère, Marie-Thérèse d’Autriche elle-même, ne manque pas d’intimer à sa fille de monter avec davantage de modération, sans pour autant renoncer à Sa passion mordante pour l’équitation.
Ainsi chaque jour, Marie-Antoinette se rend au manège de Versailles une heure durant afin de s’adonner à ce sport, montant tantôt en amazone, tantôt à califourchon et faisant ainsi un réel pied-de-nez aux réactionnaires de la Cour.
Le 11 mai 1777
L’Empereur a une conversation fort affectueuse avec sa sœur : le ton de l’amitié et de la gaieté rétablit la confiance et la bonne volonté de la Reine. Si bien qu’Elle lui demande d’Elle-même des points par écrit pour Lui servir de règle sur Sa conduite à venir.
Le 13 mai 1777
Dîner à Trianon offert à Joseph II, souper et spectacle.
Petites chamailleries entre l’Empereur et sa sœur : Joseph ne se dérange pas pour La critiquer ou La blâmer de certaines choses.

« La toilette de la Reine est également un sujet de critique constant auprès de l’Empereur. Il lui reproche d’avoir introduit trop de nouvelles modes ; et la taquine sur son utilisation du rouge. Un jour qu’elle en mettait plus qu’à l’ordinaire, avant d’aller au spectacle, il lui montra une dame qui était dans la chambre, et qui était, en vérité, très fardée. » Un peu plus sous les yeux, dit l’Empereur à la Reine ; «Mettez-vous sur le rouge comme une furie, comme le fait cette dame.« La Reine supplie son frère de s’abstenir de ses plaisanteries, ou du moins de les adresser, quand elles sont si franches, à elle seule.»
Mémoires de madame Campan
L’empereur lui reproche également les membres de sa coterie. Les dames, en tout premier lieu, madame de Polignac, la princesse de Lamballe, la princesse de Guéménée chez qui Marie-Antoinette joue beaucoup n’ont aucune grâce à ses yeux. Des belles idiotes qui entraînent sa soeur dans des futilités. Ils reprochent aussi à ses entours masculins d’avoir une mauvaise influence sur sa soeur. Mais ce qu’il ne dit pas c’est que cette influence contrecarre avant tout la sienne car ils ne partagent pas forcément ses vues politiques. Contrairement aux dames, Joseph II, grand misogyne, ne peut en aucun cas les déconsidérer intellectuellement. Marie-Antoinette fréquente des hommes de grands talents, pour la plupart bien plus âgés qu’elle : le baron de Besenval, grand collectionneur, amateur d’arts, écrivain à ses heures, le prince de Ligne, belge et du coup sujet de l’empereur, considéré comme le plus grand écrivain wallon encore à ce jour et lui aussi grand amateur d’arts les plus divers, le marquis de Vaudreuil, grand mécène et grand collectionneur, le duc de Guines, mécène de Mozart…
Si Marie-Antoinette avait été tant que cela « la tête à vent » que Joseph II fut le premier à dénoncer, comment expliquer un tel entourage ? Marie-Antoinette aime à s’entourer des hommes les plus brillants de son temps. Ils n’ont certes pas la prétention de l’intéresser à leurs passions mais d’avant tout l’amuser. Néanmoins, une femme limitée intellectuellement n’aurait pu suivre leurs conversations et eux n’auraient jamais été aussi admiratifs à son égard.
Joseph II tente de se servir de Marie-Antoinette à Laquelle il voue une affection véritable, pour faire adopter à la France une politique étrangère favorable à l’Autriche. N’empêche qu’il La toise toujours de haut comme si Elle était encore la jeune «tête à vent» qu’il dénigrait jadis. Cette vision machiste contribue à l’image d’Epinal frivole et superficielle que la mémoire populaire se fait de Marie-Antoinette de même que les fêtes de Versailles qui Lui sont une faute trop souvent reprochée, comme si Elle avait sacrifié à Ses goûts d’amusement ou d’amitié privée les devoirs mêmes de la Couronne. C’est pourtant Louis XVI qui Lui en confie le ministère officieux, car prévenu contre Elle par sa marraine, Madame Adélaïde qui redoute la politique autrichienne, il espère La noyer dans ces distractions afin de L’éloigner du cabinet du Conseil…
Le 14 mai 1777
Joseph est à la toilette de sa sœur , lui montrant les plumes en quantité et les fleurs qu’Elle porte sur la tête, Elle lui en demande son avis. Il lui répond sèchement qu’il trouve cette coiffure bien légère pour coiffer une couronne…
Le 30 mai 1777
L’Empereur part ce soir, vraisemblablement au regret de tous les Français capables de sentir ses vertus et ses rares qualités personnelles. Marie-Antoinette doit revivre la déchirure de 1770. Cela La trouble à la rate et Elle est touchée par la fièvre.
Le 29 juin 1777
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 24 juillet 1777
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 15 août 1777
Marie-Antoinette s’est remise des menaces réitérées d’une fièvre tierce. Il faut cependant qu’Elle s’assujettisse à un régime car quelques indices d’obstruction à la rate et une tendance à engendrer des humeurs glaireuses ont décidé Son premier médecin à Lui prescrire l’usage de certaines pilules d’ipécacuanha, et des bains. Il Lui autorise toujours les promenades et Ses amusements ordinaires. Le Roi revient passer la nuit chez la Reine mais ce n’est pas sans interruption, et avec cette habitude constante sur laquelle Mercy insiste toujours comme point le plus essentiel à maintenir.
Le 18 août 1777
Plus de sept ans après la célébration de leurs noces, le Roi et la Reine de France consomment enfin leur mariage (entre dix et onze heures du matin, après le bain de la Reine). Les conseils de Joseph II (pourtant pas un maître en la matière ! ) ont donc porté leurs fruits.
Le docteur Lassone, d’abord, l’ambassadeur Mercy, l’abbé de Vermond et l’Impératrice Marie-Thérèse ensuite sont tenus au courant par Marie-Antoinette Elle-même de ce grand événement dans Sa vie de couple. Lassone envoie un rapport au Docteur Störk (1731-1803), le médecin de Marie-Thérèse.
Marie-Antoinette est alors devenue une belle femme (1,63 mètre), avec une gorge opulente (109 cm de tour de poitrine) et une taille dont Elle restera toujours fière (58 cm). Elle a des pieds menus (Elle chausse du 36 et demie).
Le 3 septembre 1777
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de seize jours.
Le 28 septembre 1777
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 octobre 1777
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 17 novembre 1777
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 18 décembre 1777
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de huit jours.
1778
Le 14 janvier 1778
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 8 février 1778
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 3 mars 1778
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 19 mars 1778
Conception de Madame Royale à Fontainebleau en fin de matinée, après le bain de Marie-Antoinette.

Versailles 12 juin 1778
« […] Je grossis beaucoup. J’ai eu l’enfance de me mesurer, j’ai déjà augmenté de quatre pouces et demi. Ma chère maman est bien bonne de vouloir s’inquiéter pour ce petit enfant futur. J’ose l’assurer que j’en aurai le plus grand soin. A la manière dont on les élève à cette heure, ils sont bien moins gênés ; on ne les emmaillote pas, ils sont toujours dans une barcelonnette ou sur les bras, et du moment qu’ils peuvent être à l’air, on les y accoutume petit à petit, et ils finissent par y être presque toujours. Je crois que c’est la manière la plus saine et la meilleure de les élever. […]»
Le 31 juillet à dix heures et demie du soir
L’enfant royal donne son premier mouvement dans le ventre de sa mère…

La Reine doit être à la fois fière et soulagée de devenir enfin ce à quoi La destine Son mariage : le ventre de la couronne de France.
Du 7 au 28 octobre 1778
Séjour de la Cour au château de Marly où ont lieu de nombreuses fêtes offertes par Louis XVI pour la grossesse de la Reine.
La Reine a choisi Elle-même Son accoucheur à une époque où le métier est débattu dans les salons et à la Faculté : il s’agit du Docteur Vermond, le propre frère de Son lecteur.
Fin novembre 1778
Dans le journal de Léonard, le coiffeur Léonard rapporte qu’à la fin de Sa première grossesse, Marie-Antoinette « garda le lit quinze à dix-huit jours, et dès le neuvième , elle (le) fit venir , afin qu'(il) disposât ses cheveux de manière à prévenir leur chute. Elle eût été inconsolable d’une telle perte ; aussi (l)’ obligeait-elle , chaque matin , à visiter , à soigner cette belle chevelure, qui devait être en effet comptée parmi les perfections de Sa Majesté.»
Le 18 décembre 1778, vers minuit
La Reine ressent les premières douleurs et fait appeler Son mari à une heure et demie. Pendant ce temps, Madame de Lamballe, surintendante de Sa maison, court avertir la famille royale. Lorsque les douleurs La reprennent, avec violence, Marie-Antoinette s’installe dans un petit lit de travail dressé exprès près de la cheminée.
Les courtisans, massés dans l’antichambre de la Reine et le cabinet du Roi, sont si nombreux qu’ils se répandent jusque dans la Galerie des Glaces. Tous trépignent d’impatience. Lorsqu’on ouvre enfin les portes, ils s’élancent dans les appartements de la Reine et s’agglutinent jusqu’à Son lit. Même du temps de Louis XIV, on n’avait jamais vu une foule si dense ! La pauvre souveraine croit mourir, et serre les dents pour ne pas donner à ces yeux scrutateurs le spectacle de Sa souffrance.
A l’instant ou l’accoucheur Vermond dit à haute voix :
« La reine va accoucher ! » les flots de curieux qui se précipitèrent dans la chambre furent si nombreux et si tumultueux, que ce mouvement pensa faire périr la reine. Le roi avait eu, dans la nuit, la précaution de faire attacher avec des cordes les immenses paravents de tapisserie qui environnaient le lit de sa majesté : sans cette préoccupation ils auraient à coup sur été renversés sur elle. Il ne fut possible de remuer dans la chambre, qui se trouva remplie d’une foule si mélangée qu’on pouvait se croire sur une place publique. »
Mémoires de Madame de Campan
La pauvre souveraine croit mourir, et serre les dents pour ne pas donner à ces yeux scrutateurs le spectacle de sa souffrance. La naissance est un supplice. Un instant, on croit que l’enfant est mort, mais des vagissements se font entendre : il vit. La Reine n’a pas le temps de s’en réjouir. Elle n’en peut plus. La tension, l’émotion, l’atmosphère confinée et étouffante, le vacarme des courtisans, le travail éreintant de douze heures… Elle est prise d’une convulsion et s’évanouit. Terreur du docteur Lassonne. Il faut La saigner pour La réanimer et reprendre les suites naturelles de l’accouchement ! Marie-Antoinette n’apprend que plus tard qu’Elle a donné le jour à une fille, et pleure abondamment.
L’enfant est baptisée Marie-Thérèse-Charlotte et sera surnommée Madame Royale.

Croquis de Saint-Aubin
Marie-Antoinette ne se remettra jamais totalement de ce premier accouchement, pratiqué dans des conditions désastreuses. Les contemporains de la Reine mentionnent un « terrible accident » survenu pendant le travail : il s’agit probablement d’une hémorragie.
La Reine souffrira dorénavant de graves problèmes d’ordre gynécologique, et Ses futures grossesses seront très difficiles : fièvres à répétition, chute de cheveux, très grande fatigue… Un état inquiétant que les médecins aggravent en La saignant quatre à cinq fois à chaque nouvelle grossesse.

La naissance est un supplice. Un instant, on croit que l’enfant est mort, mais des vagissements se font entendre : il vit. La Reine n’a pas le temps de s’en réjouir. Elle n’en peut plus. La tension, l’émotion, l’atmosphère confinée et étouffante, le vacarme des courtisans, le travail éreintant de douze heures… Elle est prise d’une convulsion et s’évanouit. Terreur du médecin. Il faut La saigner pour La réanimer et reprendre les suites naturelles de l’accouchement ! Mais Ses veines sont petites.


Marie-Antoinette n’apprend que plus tard qu’elle a donné le jour à une fille, et pleure abondamment.



Si elle n’est pas le Dauphin désiré, elle rassure sur la fertilité du couple royal et elle est très aimée de ses parents

Si un Dauphin était plus souhaité qu’une fille, de par la primogéniture mâle qui règle la succession sur le trône de France, de nombreuses fêtes et cérémonies célébrèrent ce qu’on appelait alors «l’ouverture du ventre de la Reine».

Marie-Antoinette devient mère plus jeune (vingt-trois ans, un mois et dix-sept jours) que Marie Leszczyńska (vingt-trois ans, sept mois et vingt-et-un jours) qui a rempli son royal devoir immédiatement après un mariage plus tardif et donc plus naturel.
Sur les conseils de Lassone, c’est le Docteur Brunyer (1730-1811), digne de grande confiance sur le plan professionnel, mais «familier, humoriste et clabaudeur» de tempérament, selon la Reine, qui s’occupera des Enfants Royaux, y compris durant leur incarcération au Temple.
D’après madame Campan (1752-1822), Marie-Antoinette s’exclame lorsque Sa fille nouvelle-née est enfin dans Ses bras :
« Pauvre petite, lui dit-elle, vous n’étiez pas désirée, mais vous ne m’en serez pas moins chère. Un fils eût plus particulièrement appartenu à l’Etat. Vous serez à moi ; vous aurez tous mes soins, vous partagerez mon bonheur et vous adoucirez mes peines.»

Jacques Morel est Louis XVI dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Mais dès lors, on attribue la paternité de la princesse au comte d’Artois, au duc de Coigny ou au duc de Lauzun. Ces rumeurs viennent de la Cour, de la famille royale même : on sait que le comte de Provence paie des libellistes pour que circulent des chansons licencieuses à propos de cette royale naissance qui réjouit toute la France, car toute fille qu’elle est, Madame Royale renforce l’espérance en un prochain Dauphin.
« Marie-Antoinette per[d] des cheveux dans la zone frontale, un vrai handicap pour un front déjà un peu haut. Cet événement capillaire (…) sonn[e] brutalement le glas des édifices spectaculaires (…)»
Marie-Antoinette l’Affranchie (2020), Sylvie Le Bras-Chauvot, Armand Colin
« C’est en l’année 1779… que j’ai fait pour la première fois le portrait de la reine, alors dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté. Marie-Antoinette était grande, admirablement bien faite, assez grasse sans l’être trop. Ses bras étaient superbes, ses mains petites, parfaites de forme, et ses pieds charmants. Elle était la femme de France qui marchait le mieux; portant la tête fort élevée, avec une majesté qui faisait reconnaître la souveraine au milieu de toute sa cour, sans pourtant que cette majesté nuisît en rien à tout ce que son aspect avait de doux et de bienveillant. Enfin, il est très difficile de donner à qui n’a pas vu la reine une idée de tant de grâces et de tant de noblesse réunies. Ses traits n’étaient point réguliers, elle tenait de sa famille cet ovale long et étroit particulier à la nation autrichienne. Elle n’avait point de grands yeux; leur couleur était presque bleue; son regard était spirituel et doux, son nez fin et joli, sa bouche pas trop grande, quoique les lèvres fussent un peu fortes. Mais ce qu’il y avait de plus remarquable dans son visage, c’était l’éclat de son teint. Je n’en ai jamais vu d’aussi brillant, et brillant est le mot; car sa peau était si transparente qu’elle ne prenait point d’ombre. Aussi ne pouvais-je en rendre l’effet à mon gré: les couleurs me manquaient pour peindre cette fraîcheur, ces tons si fins qui n’appartenaient qu’à cette charmante figure et que je n’ai retrouvés chez aucune autre femme.»
Elisabeth Vigée Le Brun

Visage allongé, cheveux blonds à châtain, teint pâle avec des rougeurs aux joues (accentuées par le fard, vraisemblablement), front haut et bombé, sourcils à l’arc parfait, yeux plus bleus que gris, grands et saillants, nez imposant, aquilin et un peu accidenté, bouche petite et charnue, à la lèvre inférieure plus épaisse, fossette au menton. Bien que peut-être idéalisés par l’affection et l’obligation, ces traits se retrouveront dans d’autres témoignages écrits et picturaux.
Le 15 janvier 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 9 février 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 mars 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 31 mars 1779
Marie-Antoinette attrape une rougeole très douloureuse, cause de violents maux de gorge et d’aphtes. Elle a ses règles. La maladie étant très contagieuse, il est hors de question qu’elle puisse voir sa petite fille ou son mari.
Le 12 avril 1778
Marie-Antoinette part en convalescence au Petit Trianon :
« Je vais m’établir aujourd’hui à Trianon pour changer d’air jusqu’à la fin de mes trois semaines, époque où je pourrai voir le Roi. Je l’ai empêché de s’enfermer avec moi ; il n’a jamais eu la rougeole, et surtout dans ce moment où il y a tant d’affaires, il aurait été fâcheux qu’il gagnât cette maladie. Nous nous écrivons tous les jours, je l’ai vu hier de dessus mon balcon en plein air.»
Marie-Antoinette à sa mère, Correspondance, édition établie par Evelyne Lever, 2005
Sa Maison s’établit au Grand Trianon mais les dames d’honneur et d’atours n’ont droit qu’à des visites de quelques instants. Les dames du palais sont quant à elles entièrement refusées. Il faut dire aussi que la plupart sont susceptibles d’être mère.
Marie-Antoinette n’est cependant pas du tout seule : Monsieur, Madame, le comte d’Artois et la princesse de Lamballe ne la quittent pas. Les deux princesses ne risquent pas grand chose avec la rougeole car peu susceptibles de tomber enceintes…
Mais ce qui fait jaser ce sont quatre hommes issus de ses entours qui sont choisis comme garde-malades, ne quittant pas Marie-Antoinette de sept heures du matin jusqu’à onze heures du soir sauf aux heures de repas : le duc de Coigny (1737-1821), le duc de Guines (1735-1806), le comte d’Esterhazy (1740-1805) et le baron de Besenval (1721-1791).

Le baron de Besenval
« Les trois semaines que nous passâmes à Trianon furent très agréables, uniquement occupés de la santé et de l’amusement de la reine, de petites fêtes simples dans un lieu charmant , des promenades en calèches ou sur l’eau. Point d’intrigues, point d’affaires, points de gros jeux. Seule la magnificence qui y régnait pouvait faire soupçonner qu’on était à la cour.»
Valentin Ladislas, comte d’Esterházy

Valentin d’Esterházy
Des hommes en tant que garde-malades étaient alors indispensables puisque la rougeole pouvait entraîner de graves conséquences sur les dames potentiellement enceintes. Les moyens de contraception n’existaient pas encore et donc toutes ses dames du palais en âge de procréer pouvaient être enceintes.
De plus, dans ces situations de maladies contagieuses à risque pour les femmes, Marie Leszczynska agissait de même et personne ne trouvait rien à redire…

Le duc de Guînes

Le duc de Coigny


En 1779
Marie-Antoinette, accablée par de douloureux maux de tête, rechigne à prendre Ses médicaments dont le goût La révulse….
Le pharmacien Sulpice Debauve (1757-1836) décide donc d’innover, il mélange le remède à du beurre de cacao. Cette savoureuse invention comble Marie-Antoinette qui baptise ces médaillons en chocolat en Pistoles.

Après le titre de chocolatier officiel de Louis XVI, Sulpice Debauve obtient le brevet de Chocolats du Premier Consul Napoléon Bonaparte, et en 1800, Il s’associe à son neveu, Jean-Baptiste Auguste Gallais, pour créer la Maison qui portera leurs deux noms.

La première boutique ouvrira ses portes en mai, rue Saint Dominique (Paris 7e).
Le 31 mars 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 21 avril 1779
Marie-Antoinette est guérie de Sa rougeole et Elle retourne au château.
Le 26 avril 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 21 mai 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 27 mai 1779
La Reine participe à la chasse au sanglier du Roi dans la forêt de Marly.

En juin 1779
Marie-Antoinette souffre d’un «mal aux entrailles» qui dure et La conduit à suivre une régime et à se coucher de bonne heure.
Mi-juin 1779
Marie-Antoinette fait une fausse-couche, à cause d’un mouvement brusque pour remonter la vitre de Son carrosse.
Le 14 juillet 1779
Marie-Antoinette a Ses règles peu abondantes et décolorées, (comme cela arrive parfois au premier terme d’une grossesse) avec un retard de vingt-neuf jours.
Le 8 août 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 16 septembre 1779
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de quatorze jours.
Le 11 octobre 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 18 novembre 1779
Marie-Antoinette a Ses règles avec un retard de treize jours. On évoque une fausse couche…

Le 13 décembre 1779
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 7 janvier 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 13 février 1780
Présentation à la Cour de Versailles du prince héréditaire Georges Guillaume de Hesse Darmstadt, frère du landgrave Louis IX de Hesse, voyageant incognito en France sous le nom de comte d’Epstein.
Le séjour est ponctué de réceptions quasi officielles malgré l’anonymat des illustres visiteurs et d’invitations plus ou moins privées, notamment à Trianon chez la Reine.

Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

La Reine a la joie de recevoir la visite des princes de Hesse : Elle avait grandi avec les princesses Louise et Charlotte :
« Nous avons ici un grand nombre de princes de Hesse, écrit la reine à sa mère, le 15 février. Le prince Georges y est avec tout sa famille : sa femme ( née princesse Louise de Leiningen ), son second fils (le prince Georges) , son gendre ( le prince héréditaire de Hesse futur landgrave Louis X de Hesse ), ses deux filles ( la princesse Louise Gabrielle de Hesse, future landgravine de Hesse Darmstadt et la princesse Charlotte Wilhemine de Hesse, princesse de Mecklembourg Streliz ) et sa belle-sœur. Je compte que les quatre femmes viendront à un de mes jours de cette semaine, me voir, pour les deux princes ils sont déjà venus. Le fils du prince Georges surtout réussit très bien ici. Il est très aimable. Pour le pauvre père, il est malade depuis qu’il est à Paris. »
Lettres conservées dans les archives de la famille de Hesse, publiées par Evelyne Lever

La princesse Louise de Hesse-Darmstadt par Carmontelle, vers 1780
Le 26 février 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 22 mars 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 15 avril 1780
Fin du séjour des princes de Hesse

Le 16 avril 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Lorsque Marie-Antoinette est épuisée, on Lui prescrit des bouillons rafraîchissants.
Le 11 mai 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Marie-Antoinette relate à Marie-Thérèse une anecdote touchante au sujet de la princesse, qui n’a pas encore deux ans mais semble fort débrouillarde, marche, se baisse et se relève toute seule. Elle est très éveillée et fait les délices de Marie-Antoinette :
« J’ose confier au tendre cœur de ma chère maman un bonheur que j’ai eu il y a quatre jours. Étant plusieurs personnes dans la chambre de ma fille, je lui ai fait demander par quelqu’un où était sa mère. Cette pauvre petite, sans que personne lui disait [sic] mot, m’a souri et est venue me tendre les bras. C’est la première fois qu’elle a marqué me reconnaître. J’avoue que cela m’a fait une très grande joie […]»
En juin 1780
« Il survint chez Marie-Antoinette une alopécie dont les chroniqueurs n’ont pas manqué de faire mention : « Depuis la couche de la Reine, écrit Bachaumont en juin 1780, les cheveux de Sa Majesté tombent et l’art est continuellement occupé à réparer les vides qui se forment sur sa tête auguste. Cette princesse, lasse de contrarier la nature, semble vouloir s’y abandonner entièrement. Elle n’a plus qu’un chignon plat, terminé par une boucle en boudin, à peu près comme les perruques d’abbé, et déjà différentes femmes de la cour, empressées de se conformer aux goûts de leur souveraine, ont sacrifié leur superbe chevelure. On appelle cette coiffure « à l’enfant« .»
Augustin Cabanès
Moyen de faire croître et revenir les cheveux :
« Prenez racines de vigne vierge, racines de chanvre et trognons de choux tendres, de chacun deux poignées ; faites-les sécher, puis brûler ; ensuite faites une lessive avec les cendres : avant de se laver la tête de cette lessive, il faut la frotter avec du miel, et continuer l’un et l’autre trois jours de suite.»
Pour empêcher les cheveux de tomber :
« Mettez en poudre de la graine de persil, poudrez-vous en la tête pendant trois soirs différents, vous recommencerez chaque année, et vos cheveux ne tomberont jamais.»
Eh pourtant il a fallu à Léonard inventer la Coiffure à l’Enfant…

la coiffure à l’Enfant est désordonnée de manière légère, non poudrée, en mèches éparses autour du visage
« La Reine perd alors Ses cheveux dans la zone frontale, Léonard lance la mode de « la coiffure à l’enfant« , aux cheveux courts et bouclés. Il coupe alors la partie avant de la longue chevelure de Marie-Antoinette. Selon les périodes et les circonstances, il la travaille en auréole crantée, ondulée, mousseuse ou bouclée, qui tout en adoucissant l’ovale du visage habille avantageusement le haut du front. A l’arrière de la tête, les cheveux restés très longs permettent ses habituels exercices de style mixant grosses boucles en rouleaux, épaisses nattes ou longue mèche lissée. Cette création de Léonard est de loin la plus pérenne et surtout plus riche de conséquences car elle ouvre une nouvelle ère marquant la mode au sens large.»
Marie-Antoinette, l’Affranchie de Sylvie Le Bras-Chauvot

La Reine est ici coiffée «à l’Enfant», comme sur la grande majorité des portraits que l’artiste a peints d’Elle.
Et c’est la coiffure qui résume davantage Marie-Antoinette si l’on se réfère aux portraits d’Elisabeth Vigée Le Brun, Elle n’est coiffée d’un pouf que sur un seul, le premier qu’elle a peint d’Elle, sur tous les autres Elle apparaît coiffée à l’Enfant.

Le 5 juin 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 30 juin 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 9 août 1780
Marie-Antoinette a Ses règles avec quinze jours de retard.
Selon Mercy, Son sang «fort échauffé» Lui occasionne parfois des aphtes, un sommeil irrégulier et des épisodes de constipation.
Le 3 septembre 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 28 septembre 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 23 octobre 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 17 novembre 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 29 novembre 1780
Mort de l’Impératrice Marie-Thérèse après une courte maladie.

La nouvelle du décès de Marie-Thérèse n’arrive à Versailles que le 6 décembre 1780 :
« La douleur de la reine fut telle qu’on devait la prévoir et la craindre. Une heure après avoir appris cet événement, elle prit le deuil de respect, en attendant que le deuil de Cour fût prêt ; elle resta enfermée dans ses cabinets pendant plusieurs jours, ne sortit que pour entendre la messe, ne vit que la famille royale et ne reçut que la princesse de Lamballe ou la duchesse de Polignac. Elle ne cessait de parler du courage, des malheurs, des succès et des pieuses vertus de sa mère.»
Madame Campan

C’est pour Marie-Antoinette, «le plus affreux malheur».


Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Le 12 décembre 1780
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 6 janvier 1781
Marie-Antoinette a Ses règles.
Le 20 janvier 1781
Conception de Louis-Joseph.
Ses médecins songent à Lui faire prendre les eaux et des cures de fer Lui sont prescrites alors que tous attendent un Dauphin.
Le 19 mai 1781
Jacques Necker démissionne. Après l’échec de Turgot, on attendait des miracles de cet étranger, ancien commis de banque et protestant de surcroît. Mais comment assainir les finances de l’État sans s’attirer la haine des parlements, des courtisans et… du Roi ?
« Je ne regrette que le bien que j’avais à faire et que j’aurais fait si l’on m’en eût laissé le temps. »
C’est sur ce regret vertueux que Necker, directeur général des Finances, prend congé de Louis XVI.

On accuse la Reine d’être responsable de la démission de Necker et de la faillite de l’Etat. C’est faux, bien entendu, Ses dépenses s’élevant tout au plus à 8% des revenus royaux.
Toujours est-il qu’Elle devient Madame Déficit.
Marie-Antoinette doit être préoccupée de donner enfin un Dauphin à la France, mais Elle ne peut qu’être angoissée à l’idée d’accoucher. Même soignées par les médecins de cour, les femmes y risquent encore leur vie : Elle ne peut que penser à Sa belle-sœur, Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763).
Du 29 juillet au 5 août 1781
Nouveau séjour de Joseph II à Versailles.

Il arrive de très bon matin à l’ambassade d’Autriche, Mercy le conduit à l’hôtel de Valois où il logera.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.
La Reine a très bien passé la nuit, Elle sent quelques douleurs en s’éveillant, mais Elle se baigne malgré tout. Les douleurs reprennent à dix heures et demie.
Seuls les membres de la famille royale, quelques dames de la Maison de la Reine et le garde des Sceaux sont autorisés à pénétrer dans la chambre de la Reine. Que les autres patientent dans le salon voisin ! Louis XVI accepte de les laisser entrer au tout dernier moment, et encore, ils restent bloqués au fond de la pièce, pour que l’air puisse circuler correctement.
« La reine est accouchée d’un dauphin aujourd’hui à une heure vingt-cinq minutes après midi… On avertit Mme la duchesse de Polignac à onze heures et demie. Le roi était au moment de partir pour la chasse avec Monsieur et M. le comte d’Artois. Les carrosses étaient déjà montés, et plusieurs personnes parties. Le roi passa chez la reine ; il la trouva souffrante, quoiqu’elle n’en voulut pas convenir. Sa majesté contre-manda aussitôt la chasse. Les carrosses s’en allèrent. Ce fut le signal pour tout le monde de courir chez la reine, — les dames, la plupart dans le plus grand négligé, les hommes comme on était. Le roi cependant s’était habillé. Les portes des antichambres furent fermées, contre l’usage, pour ne pas embarrasser le service, ce qui a produit un bien infini. J’allai chez la duchesse de Polignac, elle était chez la reine ; mais j’y trouvai Mme la duchesse de Guiche, Mme de Polastron, Mme la comtesse de Grammont la jeune, Mme de Deux-Ponts et M. de Châlons. — Après un cruel quart d’heure, une femme de la reine tout échevelée, tout hors d’elle, entre et nous crie : « Un dauphin ! mais défense d’en parler encore. » Notre joie était trop grande pour être contenue. Nous nous précipitons hors de l’appartement, qui donne dans la salle des gardes de la reine. La première personne que j’y rencontre est Madame, qui courait chez la reine au grand galop. Je lui crie : « Un dauphin, madame ! quel bonheur ! » Ce n’était que l’effet du hasard et de mon excessive joie ; mais cela parut plaisant, et on le raconte de tant de manières que je crains bien que cela ne servira pas à me faire aimer par Madame…
« L’antichambre de la reine était charmante à voir. La joie était au comble, toutes les têtes en étaient tournées. On voyait rire, pleurer alternativement des gens qui ne se connaissaient presque pas. Hommes et femmes sautaient au cou les uns des autres, et les gens les moins attachés à la reine étaient entraînés par la joie générale ; mais ce fut bien autre chose quand, une demi-heure après la naissance, les deux battants de la chambre de la reine s’ouvrirent, et qu’on annonça M. le dauphin. Mme de Guéménée, toute rayonnante de joie, le tint dans ses bras, et traversa dans son fauteuil les appartements pour le porter chez elle. Ce furent des acclamations et des battements de mains qui pénétrèrent dans la chambre de la reine et certainement jusque dans son cœur. C’était à qui toucherait l’enfant, la chaise même. On l’adorait, on la suivait en foule. Arrivé dans son appartement, un archevêque voulut qu’on le décorât d’abord du cordon bleu, mais le roi dit qu’il fallait qu’il fût chrétien premièrement. Le baptême s’est fait à trois heures après midi … »
Stedingk, ambassadeur de Suède en France, à Gustave III
La Reine se met sur Son lit de travail à une heure et un quart (juste à la montre de Louis XVI ) . L’accouchement ne dure que cinq quarts d’heure.

Marie-Antoinette donne naissance au fils tant attendu, que Louis XVI lui présente avec ces mots :
« Monsieur le Dauphin demande à entrer ».

« On n’avait pas osé dire d’abord à la reine que c’était un dauphin, pour ne pas lui causer une émotion trop vive. Tout ce qui l’entourait se composait si bien que la reine, ne voyant autour d’elle que de la contrainte, crut que c’était une fille. Elle dit : « Vous voyez comme je suis raisonnable, je ne vous demande rien. » Le roi, voyant ses inquiétudes, crût qu’il était temps de l’en tirer. Il lui dit, les larmes aux yeux : « M. le dauphin demande d’entrer. » On lui apporta l’enfant, et ceux-qui ont été témoins de cette scène disent qu’ils n’ont jamais rien vu de plus touchant. Elle dit à Mme de Guéménée, qui prit l’enfant : « Prenez-le, il est à l’état ; mais aussi je reprends ma fille. » Il est temps que je finisse ce bulletin ; je demande très humblement pardon à votre majesté du désordre qui y règne. On me dit que le courrier part, et je n’ai pas le temps de le mettre au net. »
Stedingk, ambassadeur de Suède en France, à Gustave III

Les corps de métiers défilent à Versailles pour offrir des cadeaux au nouveau-né.

La naissance de Dauphin assoie Marie-Antoinette dans Sa situation pour laquelle on L’a mariée. Elle n’est plus seulement l’épouse du Roi (actuel), Elle est aussi la mère du prochain Roi.
Cependant, les rumeurs grouillent à nouveau pour laisser penser que le Dauphin est un bâtard.
Fin janvier 1782

Marie-Antoinette tombe de cheval ce qui provoque une fausse couche. La Reine souffre d’une jambe… Elle déclare un érysipèle qui rend une de Ses joues quelque temps cramoisie…
Cette mauvaise jambe La fera toujours boiter…
Mais Sa grâce naturelle saura prendre le dessus de ce handicap :
« Elle avait deux espèces de démarches, l’une ferme et un peu pressée et toujours noble, l’autre plus molle, plus balancée, je dirais presque caressante, mais n’inspirant pas l’oubli du respect. On n’a jamais fait la révérence avec tant de grâce, saluant dix personnes en se ployant une seule fois et donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revenait.»
Alexandre de Tilly, Son page, Mémoires
Début d’année 1782
La Reine se coince le pouce droit dans une porte ce qui L’empêche d’écrire pendant plusieurs jours.
En février 1782
Madame Royale est de nouveau gravement malade :
Le 27 février 1782
«[…] elle a eu, il y a trois nuits, des convulsions. Elle a depuis ce temps-là, la fièvre avec des redoublements, un très grand rhume, et on est fort inquiet. […] Je désire me tromper, mais je ne crois pas que cette enfant vive. Elle est d’une maigreur horrible, d’une tristesse affreuse même lorsqu’elle n’est pas malade, elle est fort mal conduite, et j’ai grand peur qu’elle ne puisse pas soutenir cette maladie-ci.»
Angélique de Mackau à son époux le marquis de Bombelles
On comprend dès lors le désir de Marie-Antoinette de vouloir s’occuper Elle-même de Sa fille. Outre que souvent malade, une mère souhaite être près de son enfant, mais surtout, il devenait évident que la petite princesse était malheureuse.
Le 2 mars 1782
Mort de Madame Sophie (1734-1782), tante du Roi.

Marie-Antoinette récupère son logement au rez-de-chaussée du corps central qui donne dans la Cour de Marbre : Elle y installera Sa chambre (N°52)
« La création des « Petits Appartements » s’explique par l’ennui que pouvait ressentir Marie-Antoinette dans ses Cabinets sans air et sans lumière, éclairés sur d’étroites cours intérieures. C’était prendre possession de la partie la plus gaie du Château.
Pierre de Nolhac
Elle commença par y placer Madame Royale, peu après le départ de Madame de Guéméné et l’attribution à Madame de Polignac de la charge de gouvernante des Enfants de France.
Celle-ci a gardé le Dauphin et Madame de Mackau, sous-gouvernante, est venue habiter avec Madame Royale le Petit Appartement de la Reine, qui a pu tenir ainsi tout auprès d’elle cette fille dont elle avait à cœur de surveiller l’éducation.»
La chambre intime de la Reine

19 : chambre verte de la Reine ; 20 : Son antichambre ; 21 Sa salle-de-bain
La chambre est aménagée à l’emplacement de la salle-de-bain de Madame Sophie dans un délai très bref.


A partir de la fin de l’année 1783, Marie-Antoinette ne dormira plus que dans cette chambre ( Sa chambre officielle ne servira plus que pour des occasions spéciales comme les accouchements…) car Elle a souffert d’un érysipèle suite à une chute de cheval (fin janvier 1782), qui est à l’origine de Sa mauvaise jambe, il Lui est alors plus aisé de loger au rez-de-chaussée.


Cette chambre se trouve juste en-dessous de celle de Louis XVI, les deux à peine décalées par un escalier intérieur. Cet aménagement prouve clairement que le couple royal a une vie conjugale des plus complètes.
Le 12 avril 1783
Le marquis de Bombelles :
« La Reine racontait, ces jours passés, à M. de Vermond, son lecteur, qu’elle avait fait une chute de cheval et qu’il s’en était peu fallu qu’elle ne se fendit la tête. L’abbé de Vermond, après avoir représenté à SM qu’elle devait moins s’exposer, crut qu’en adressant ensuite la parole à Madame, fille du Roi, qui se trouvait dans l’appartement, il lui ferait dire des choses agréables pour la Reine. Mais il fut aussi surpris qu’affligé lorsque’en réponse à une question sur le danger qu’avait couru la Reine et la peine que cela faisait sûrement à Madame, fille du Roi, elle dit :
«Cela m’eût été égal.
_Madame, répliqua l’abbé de Vermond, ne sait pas ce que c’est que de se casser la tête. La Reine serait morte.
_Cela m’eût été égal.
_Mais Madame ignore certainement ce qu’est la mort ?
_Non, M. l’abbé, je ne l’ignore pas. On ne voit plus les personnes mortes. Je ne verrais plus la Reine et j’en serais bien aise parce que je ferais mes volontés.»
Il ne faut pas avoir d’entrailles paternelles, il n’est pas nécessaire de connaître tout ce qu’en général la nature a mis dans le cœur d’une mère pour son enfant, pour compatir à la situation de la Reine en entendant sa fille s’exprimer ainsi, et mettre autant de suite, autant de preuve de discernement dans l’énoncé d’une horrible façon de penser.[…]
Madame d’Aumale lui reprochant ce qu’elle avait dit devant la Reine à l’abbé de Vermond, ajouta que c’était d’autant plus mal que sûrement elle aimait sa mère. « Non, je ne l’aime pas, reprit l’enfant, parce qu’elle me gêne et ne fais pas attention à moi. Par exemple, quand elle me mène chez mes tantes, elle marche dare-dare en avant et ne regarde pas seulement si je la suis ; au lieu que mon papa me conduit par la main et s’occupe de moi.
Ces observations sont fort au-dessus de l’âge de quatre ans et c’est un grand malheur lorsque, presqu’en naissant, les enfants n’ont de l’esprit que pour en faire un mauvais usage.»
Après enquête, la faute est reportée sur madame d’Aumale. Celle-ci a déjà encouru les foudres du couple royal quelques mois auparavant en poussant la jeune sœur du Roi qu’elle a aussi éduquée, Madame Elisabeth à entrer au Carmel, à l’instar de sa tante madame Louise.
On apprend alors qu’elle menace l’enfant de Sa mère à chacune de ses bêtises d’où une aversion naissante.

En mai 1782
Marie-Antoinette, qui a eu successivement un catarrhe violent et un érysipèle qui touche le visage (dû à la blessure de la jambe lors de l’accident équestre de fin janvier 1782), est parfaitement rétablie. Durant cette indisposition, Marie-Antoinette n’a pas eu de fièvre, de sorte que Son état n’a donné aucune espèce d’inquiétude. Cette incommodité l’oblige de garder l’appartement : Elle n’aura pas souhaité se montrer en public le visage marqué par Son mal. Le voyage de Marly avait été contremandé.

Le 22 mai 1782
Décès en couche de la princesse Louise de Hesse, duchesse de Mecklembourg Strelitz ( à l’âge de vingt-neuf ans), qui était une amie de la Marie-Antoinette, fort peinée de cette disparition, qui La marquera au point de L’inquiéter quant à Ses grossesses futures…
Le 29 mai 1783
Marie-Antoinette se foule le pied (gauche?) et on reporte la représentation dans laquelle Elle devait jouer.
« La Reine qui se proposait de représenter aujourd’hui sur le théâtre du Petit Trianon l’opéra-comique du » Tonnelier « , dans lequel Elle tient le rôle de Fanchette, n’a pu se procurer cet amusement parce que hier à la répétition Elle s’est foulé le pied et que pendant la nuit l’enflure est augmentée .
Journal du marquis de Bombelles
Quelques personnes croient que cet accident n’a pas été assez considérable pour empêcher la Reine de donner son spectacle, mais qu’on L’a avertie que ce genre d’amusement, le jour de l’Ascension, serait un nouvel objet de critique, surtout dans le moment où les chansons satiriques paraissent en grand nombre malgré les soins que se donne la police pur en découvrir les auteurs .»

Une fois de plus, Marie-Antoinette prouve ses qualités intellectuelles : pendant deux à trois ans, Marie-Antoinette montera des pièces dans son petit théâtre comme lors de son adolescence dans le plus grand incognito avec ses beaux-frères et belles-soeurs, son époux pour seul public. Elle apprend ses rôles, dirige la troupe, monte, joue. Si elle ne joue pas, elle dirige aussi les spectacles de son théâtre et tous ceux de la cour. Elle gère également tous les bals, s’occupant du thème, de la musique choisie, des costumes, des salles prévues, des invités, de ceux qui dansent ou non, des repas qui y seront prévus.
Aucune personne déficiente intellectuellement ne peut se charger d’une telle masse de travail. C’est le choix de misogynes comme son frère et son époux qui l’ont cantonnée dans des activités jugées superficielles.
Du 9 octobre au 24 novembre 1783
Long séjour de la Cour à Fontainebleau.
Ce séjour compte de nombreuses courses de chevaux.

Le 3 novembre 1783
La Reine fait une fausse-couche accidentelle … On ignore depuis combien de temps Elle était enceinte.
Le 1er décembre 1783
Madame Cradock raconte dans son journal avoir vu la Reine au balcon de Tuileries. Elle rapporte que Marie-Antoinette a eu un accès de fièvre un peu avant..
Le 7 juin 1784
Le Dauphin Louis-Joseph quitte Trianon pour aller habiter le château de la Muette, il s’en faut de beaucoup qu’on soit content de la santé de ce Prince. Marie-Antoinette pense que ce sont ses dents qui font souffrir son fils, ainsi que le lui ont affirmé les médecins.

Louis-Joseph par Elisabeth Vigée Le Brun (1784)
Le 11 juin 1784
Dernières règles de Marie-Antoinette avant Sa troisième grossesse.
Le 25 juin 1784
Conception de Louis-Charles, duc de Normandie, selon Paul et Pierrette Girault de Coursac.
Le 11 août 1784 à minuit
Le cardinal de Rohan croit rencontrer la Reine dans le Bosquet de Vénus du parc de Versailles… c’est en fait Nicole Leguay, modiste (?), costumée comme la Reine…et voilée !
Le 22 septembre 1784
« Tout le monde est étonné du bon état dans lequel mon fils est revenu de la Muette. »
Marie-Antoinette à Joseph II

Marie-Antoinette et Louis-Joseph dans la chambre de la Reine à Trianon
Le 1er février 1785
Le «collier de l’affaire» est livré au cardinal de Rohan (1734-1803) qui le remet à Jeanne de La Motte (1756-1791), s’attendant à ce qu’il soit donné à Marie-Antoinette.

Le 20 février 1785
Le Roi offre à Marie-Antoinette le château de Saint-Cloud qu’il a acheté au duc d’Orléans.
Le château de Saint-Cloud
Elle souhaite pouvoir y résider avec Ses enfants; l’air y est jugé très sain. Si elle donne un second prince à la Couronne, il lui faudra bien recevoir à sa majorité une résidence digne de ce nom.
Que les ordres y soient donnés «De par la Reine» engendre de nombreuses critiques… Saint-Cloud sera le dernier château dont Marie-Antoinette pourra disposer en tant que maîtresse des lieux, une véritable oasis psychologique en temps de révolution.
Fin mars 1785
Pour la naissance de Son second fils, Louis-Charles, Marie-Antoinette recourt à un subterfuge qui, sans abolir la pratique intrusive de l’accouchement public, Lui permet d’en limiter la pénibilité.
Le 27 mars 1785 au petit matin
La Reine sent que le travail est imminent. Elle ne met dans la confidence que Son amie la duchesse de Polignac, et donne le change face aux courtisans pour dissiper leurs soupçons. Elle se fait ainsi violence pour repousser jusqu’à l’extrême limite le moment d’en faire l’annonce officielle. Le Mercure de France rapporte que la Reine a accouché « après un travail fort court » et que de tous les princes du sang, seul le duc de Chartres se trouvait au baptême de l’enfant, « les autres princes et princesses n’ayant pu se rendre assez tôt pour s’y trouver ».
La ruse de la souveraine a parfaitement fonctionné !
Le 27 mars 1785 à sept heures et demie du matin
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII. Son parrain est Monsieur, comte de Provence et sa marraine Marie-Caroline, Reine de Naples.

L’enfant est plus robuste que son frère aîné. La Reine l’aime passionnément.
C’est sans doute pour cet enfant que les rumeurs d’adultère courent le plus. Certains auteurs en font même leur fond de commerce autour de la figure d’Axel de Fersen (1755-1810) !
Nous les avons lus et n’avons trouvé aucune preuve dans leur spéculation, qui, à les lire, auraient dû nous convaincre absolument !
Fersen lui-même s’insurge de telles accusations ignobles.
Le 8 juin 1785
Marie-Antoinette est choquée par le peu d’empressement que Lui marquent les Parisiens:
« Mais que leur ai-je donc fait?» s’exclame-t-Elle en rentrant aux Tuileries devant ce premier signe d’impopularité…
Images de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Le 12 juillet 1785
La Reine reçoit une lettre des bijoutiers de la Cour à propos du collier acquis en Son nom par le cardinal de Rohan.

Elle n’y comprend rien et brûle le document en présence de Madame Campan.

Lana Marconi dans Si Versailles m’était conté (1954) de Sacha Guitry
Le 1er août 1785

Ne voyant rien venir, Böhmer interroge Madame Campan qui l’informe que le billet est détruit. Böhmer s’écrie alors :
« Ah ! Madame, cela n’est pas possible, la Reine sait qu’elle a de l’argent à me donner ! »

Le bijoutier annonce à Madame Campan que la commande a été passée par Rohan sur ordre de la Reine. N’en croyant rien, la femme de chambre lui conseille d’en parler directement à la Reine.
Le 9 août 1785
Böhmer est reçu par Marie-Antoinette qui, entendant le récit, tombe des nues. Elle lui avoue ne rien avoir commandé et avoir brûlé le billet. Furieux, Böhmer rétorque :
« Madame, daignez avouer que vous avez mon collier et faites-moi donner des secours ou une banqueroute aura bientôt tout dévoilé ».
La Reine en parle alors au Roi et au baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi.
Légitimement, Marie-Antoinette tombe des nues.
Le scandale
La prétendue comtesse, sentant les soupçons, s’est entre-temps arrangée pour procurer au cardinal un premier versement de 35 000 livres, grâce aux 300 000 livres qu’elle a acquis de la vente du collier et dont elle s’est déjà servie pour s’acheter une gentilhommière. Mais ce versement, d’ailleurs dérisoire, est désormais inutile. Parallèlement, la comtesse informe les joailliers que la prétendue signature de la Reine est un faux, afin de faire peur au cardinal de Rohan et l’obliger à régler lui-même la facture par crainte du scandale. L’affaire éclate. Entre-temps, les mêmes aigrefins, menés par l’ex-inspecteur des mœurs, agent secret et escroc Jean-Baptiste Meusnier, en profitent pour soutirer 60 000 autres livres à d’autres bijoutiers.
De plus en plus scandalisée, Marie-Antoinette presse Vermond et Breteuil de faire éclater l’affaire au grand jour.
Le 15 août 1785

Le cardinal de Rohan
Le cardinal de Rohan est convoqué par le Roi. Le recevoir est déjà une épreuve : Louis de Rohan a été ambassadeur de France en Autriche et sa lubricité a scandalisé Marie-Thérèse qui a communiqué son dégoût à Marie-Antoinette.

Rohan avoue son imprudence mais nie être l’instigateur de l’affaire, faute qu’il rejette sur Madame de La Motte.

Tableau de Joseph Navlet
Il est arrêté le jour même en habits liturgiques dans la Galerie des Glaces devant toute la Cour, alors qu’il se rend à la chapelle du château pour célébrer la Messe de l’Assomption : on le soupçonne d’avoir voulu flétrir l’honneur de Marie-Antoinette. Les proches des Rohan et les ecclésiastiques sont outrés.

Si le Roi s’est servi du goût de la Reine pour la frivolité dans le cadre des fastes de Cour des bals, ce sont, cette fois, des malfrats qui usent de Son image, de Ses goûts, de Son nom pour une malversation dont l’Histoire comme la Littérature se souviennent. On attaque donc là Son intégrité, alors qu’Elle est totalement innocente dans cette affaire : Elle avait refusé le collier aux joailliers leur rétorquant, selon madame Campan, que l’argent serait mieux dépensé pour l’équipement d’un navire de guerre.

Le scandale éclate !
Le cardinal est emprisonné à la Bastille du 16 août 1785 au 1er juin 1786. Il commence immédiatement à rembourser les sommes dues, en vendant ses biens propres, dont son château de Coupvray (à la fin du XIXe siècle, les descendants de ses héritiers continueront de rembourser sporadiquement par fractions les descendants du joaillier…).
La comtesse de La Motte est arrêtée, son mari s’enfuit à Londres (où il bénéficie du droit d’asile) avec les derniers diamants, Rétaux de Villette est déjà en Suisse.
Le 22 août 1785
Après avoir brièvement résumé l’affaire à son frère Joseph II, Marie-Antoinette conclue :
« J’espère que cette affaire sera bientôt terminée, mais je ne sais pas encore si elle sera renvoyée au Parlement ou si le coupable et sa famille s’en rapporteront à la clémence du roi, mais dans tous les cas, je désire que cette horreur et tous ces détails soient bien éclaircis aux yeux de tout le monde.»
Le 1er septembre 1785
Le Dauphin est inoculé au château de Saint-Cloud, en présence de toute la famille royale. Les jours suivants sont éprouvants, le Dauphin a une forte fièvre, de nombreux pustules couvrent son petit corps.
Marie-Antoinette ne quitte guère le chevet de Son fils.
Le 19 septembre 1785
« Mon fils vient d’être inoculé et s’en porte à merveille. Il est bien heureux qu’il l’ait été car il l’aurait eue affreuse. Outre les boutons des piqûres et à différents endroits du corps, il a pu une seconde éruption qui l’a fait beaucoup souffrir, mais une médecine donnée à temps a paré à tous les inconvénients, en ne laissant pourtant pas de doute sur l’efficacité de l’inoculation.»
Marie-Antoinette à Joseph II
Le 23 septembre 1785
Dernières règles de Marie-Antoinette avant Sa quatrième grossesse.
Le 7 octobre 1785
Conception de la petite Madame Sophie.
Automne-Hiver 1785-1786
Le Parlement, docile en apparence, propose d’envoyer une délégation à Versailles afin d’entendre la déposition de la Reine. Louis XVI refuse, offusqué qu’on puisse considérer la Reine de France comme une justiciable normale. Il y a longtemps que les parlementaires ont oublié que la justice n’émane que du Roi seul et qu’ils n’en sont que ses humbles représentants…
Marie-Antoinette accepte néanmoins d’envoyer un mémoire pouvant éclairer les conseillers. Cette pièce a aujourd’hui disparu.
Après écoutes des deux prévenus, d’autres suspects et témoins sont arrêtés. En Suisse pour le faussaire et amant de la comtesse de La Motte, Louis Marc Antoine Rétaux de Villette et à Bruxelles le 20 octobre 1785 : Nicole Leguay, dite baronne d’Oliva, prostituée ayant joué le rôle de la Reine lors de la scène du bosquet, son amant et le mage et charlatan notoire, Cagliostro qui a promis monts et merveilles au cardinal.
Tout ce petit monde est écroué à la Bastille où les conseillers du Parlement se rendent pour les entendre. Les prisonniers ne sont pas tenus au secret et peuvent donc se retrouver régulièrement.
Le 10 novembre 1785
Marie-Antoinette écrit :
« Mes trois enfants se portent à merveille. Le petit mouvement de fièvre qu’a eu mon fils n’a pas eu de suite.»
En réalité le Dauphin a de fréquents accès de fièvre que les médecins, aussi dépassés que ceux de Molière, attribuent à sa croissance.
Le 9 décembre 1785
« Monseigneur le Dauphin, qui se promenait encore fort gaiement à deux heures après-midi, a tout d’un coup été surpris d’un accès de fièvre dont la Faculté ne paraît pas en peine. S’il n’a pas de suite, on aura raison d’être fort aise de cet accident puisqu’il a fourni la première occasion (!!!) où Madame, fille du Roi, ait montré une franche sensibilité. Dès qu’elle a su son frère malade, ses beaux yeux se sont remplis de larmes qu’elle ne cherchait pas à montrer, cachant son visage contre un écran ; ce n’est qu’à la longue qu’on s’est aperçu de son chagrin. Ma belle-mère, en m’en parlant, m’a fait un grand plaisir. Le Roi et la Reine ont passé une partie de l’après-midi chez Monseigneur le Dauphin, dont les ministres ont envoyé sur le champs savoir des nouvelles.»
On comprend mieux dès lors que la jeune Madame Royale s’est fait un point d’honneur toute sa vie à cacher ses chagrins, quitte à passer pour une sans-cœur
Le marquis de Bombelles
En mai 1786
Le Roi laisse au cardinal le choix de la juridiction qui aura à se prononcer sur son cas : ou bien s’en remettre directement au jugement du roi en huis clos, ou être traduit devant le Parlement de Paris.
Le tribunal du Parlement dans L’Affaire du Collier (2001) de Charles Shyer
Le procès public s’ouvre devant les soixante-quatre magistrats de la Tournelle et la Grand-chambre du Parlement présidée par le marquis Étienne François d’Aligre assisté de conseillers honoraires et maîtres des requêtes.
Ceci s’avère fort malhabile de la part de Louis XVI : le cardinal décidant de mettre l’affaire dans les mains du Parlement qui est toujours, plus ou moins, en fronde contre l’autorité royale.
Le 30 mai 1786
Le Parlement conclue que le cardinal est doublement coupable par sa haute naissance et par ses charges prestigieuses d’avoir osé croire en la scène du bosquet et de négocier l’achat d’un collier au nom de la Reine.
Le 31 mai 1786
Le Parlement acquitte le cardinal de Rohan dans l’Affaire du Collier mais madame de La Motte est condamnée à être marquée au fer rouge et détenue à perpétuité.
La réputation de Marie-Antoinette est ternie par l’événement.
Elle est effondrée, à Madame de Polignac, Elle confie:
« Le jugement qui vient d’être prononcé est une insulte affreuse [mais] je triompherai des méchants en triplant le bien que j’ai toujours tâché de faire ».

Diane Krüger dans Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot (2012)
Le 21 juin 1786
Jour du supplice de Jeanne de La Motte
Les bourreaux réussissent tant bien que mal à la maintenir agenouillée pendant la lecture du greffier.



A l’annonce du fouet et des «V» qui lui seront marqués au fer, Jeanne fulmine : «C’est le sang des Valois que vous traitez ainsi !»
Et s’adressant au public : «Souffrirez-vous que l’on traite ainsi le sang de vos Rois ? Arrachez-moi à mes bourreaux !»

Ses cris sont si terribles qu’on les entend dans tout le Palais. Elle insulte le Parlement, le cardinal et évidemment la Reine. Elle réclame d’avoir la tête tranchée. Elle tombe ensuite dans une sorte de prostration dont elle ne sort qu’à l’annonce de ses biens confisqués. Après la première application du fer rouge, agitée de convulsion, le bourreau brûle le sein au lieu de l’épaule pour la seconde.
Retentissement
Le résultat de cette affaire est résumé par l’exclamation, au lendemain du verdict, de Fréteau de Saint-Just, magistrat du Parlement de Paris : « Un cardinal escroc, la reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de liberté ! » Bien que Marie-Antoinette ait été étrangère à toute l’affaire , l’opinion publique ne voulut pas croire en l’innocence de la Reine. Accusée depuis longtemps de participer, par ses dépenses excessives, au déficit du budget du royaume, Elle subit à cette occasion une avalanche d’opprobres sans précédent. Les libellistes laissèrent libre cours aux calomnies dans des pamphlets où « l’Autrichienne » se faisait offrir des diamants pour prix de ses amours avec le cardinal.
C’est Sa majesté que cet affront atteint, alors que Marie-Antoinette se pensait inaccessible du point de vue justicière. A travers Elle c’est l’absolutisme de l’Ancien Régime qui est touché.
Eté 1786
« Le Dauphin croissait avec peine ; sa santé délicate, son tempérament rachitique, et surtout un développement d’idées peu ordinaire à son âge, faisaient prévoir que la France ne le conserverait pas longtemps. À six ans on l’ôta des mains des femmes, et il fut confié aux soins du duc d’Harcourt, nommé son gouverneur. Ce passage du royal enfant des mains des gouvernantes en celles du gouverneur faisait l’objet d’une cérémonie à laquelle assistait la Faculté. Elle constatait, dans un procès-verbal, l’état de santé du jeune prince, le comparait avec celui où il se trouvait au moment de sa naissance, et reconnaissait par là que les accidents survenus dans cet intervalle ne pouvaient être attribués au peu de soins de ses premières maîtresse. Le Dauphin pleura beaucoup en se séparant de madame de Polignac ; mais la douceur de M. d’Harcourt et les soins de sa femme l’eurent bientôt consolé.»
Mémoires du comte d’Hézecques

Image du Versailles Secret de Marie-Antoinette
Malgré sa maladie, le Dauphin se console avec la présence de sa sœur Marie-Thérèse qui passe beaucoup de temps avec lui. Le prince montre également beaucoup d’affection pour son petit frère, le duc de Normandie, qu’il prend plaisir à contempler dans son berceau. Louis-Joseph ne se plaint que rarement, se montrant toujours courtois et souriant avec ses parents et son entourage.
Le 9 juillet 1786
Le matin, la Reine commence à se sentir mal. Tout d’abord, Elle nie que cela puisse être des douleurs de travail. Elle poursuit Sa propre routine, qui comprend la messe dans la chapelle royale. Ce n’est qu’à quatre heures et demie de l’après-midi que les ministres dont la présence est obligatoire sont convoqués. Marie-Antoinette n’a pas à user de stratagème pour la naissance de la princesse Sophie, qui, prématurée, prend au dépourvu les courtisans, le Roi et la Reine Elle-même.
La Reine met davantage de temps à se remettre de ce dernier accouchement, Ses problèmes gynécologiques s’aggravant sensiblement. Elle se plaint en outre de grandes douleurs dans les jambes.
à sept heures et demie du soir
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette. Selon les usages le bébé est immédiatement baptisé.

Mesdames Tantes ont été consultées sur le choix du prénom; cela ressusciterait-il des souvenirs douloureux de leur sœur bien-aimée? Mesdames Adélaïde et Victoire ont répondu qu’elles n’avaient absolument aucune objection; au contraire, elles aimeraient plus que jamais leur nouvelle petite- nièce.
Sa santé sera toujours fragile…

La petite Madame Sophie n’est pas épargnée par les rumeurs, qui, loin de songer à leur perfidie, s’imaginent par là vanter l’amour romantique. C’est considérer Marie-Antoinette comme une femme normale, tout ce qu’Elle n’a jamais été
La Reine après Sa quatrième maternité rencontre un problème capillaire que Son amie anglaise, Giorgiana, duchesse du Devonshire, remarque lors de son passage à Versailles ; que Marie-Antoinette avait peu de cheveux…Cela signifie-t-il qu’Elle était clairsemée? Auquel cas, les perruques étaient une solution… Ou Georgiana veut-elle évoquer la «coiffure à l’enfant» que la Reine a adoptée à cette époque (ou après la naissance de Son second fils, Louis-Charles) ?
Si la Reine avait eu ce problème, il n’aurait pas pu s’améliorer dans les conditions de captivité du Temple puis de la Conciergerie … Or, je n’ai pas lu que Rosalie Lamorlière (dont les souvenirs ont été rapportés par Laffont d’Aussonne) ait remarqué un tel problème capillaire chez la Reine …
Georgiana étant une amie de Marie-Antoinette, bien qu’elles ne se soient que peu vues, son témoignage ne peut donc être pris comme de la calomnie…
Le 24 juillet 1786
Le comte d’Esterházy (1740-1805) parle des cheveux de Marie-Antoinette dans une lettre à sa femme :
« Je suis arrivé trop tard ce matin pour voir la reine en particulier. Elle était sortie pour aller chez Madame Adélaïde. Elle m’a fait chercher pendant son dîner . . . Elle a fait couper ses cheveux et ôté la poudre jusqu’à ses couches. J’ai été fort étonné de lui voir beaucoup de cheveux blancs; elle en a plus que moi.»
Esterházy a quinze ans de plus que Marie-Antoinette, son étonnement n’est donc pas étonnant !
Le 4 août 1786

Marie-Antoinette dans Son salon de musique de Trianon
par Benjamin Warlop
Fêtes au Petit Trianon pour le voyage de l’Archiduchesse Marie-Christine (1742-1798), gouvernante des Pays-Bas et sœur de Marie-Antoinette. Mimi était la préférée de leur mère. Son mariage, le seul de la fratrie guidé part l’amour, avait lieu de rendre les autres jaloux. Marie-Antoinette n’oublie pas l’influence que Son aînée a pu avoir vis à vis de l’Impératrice, parfois à Son encontre … Comme si en tant que quinzième enfant du couple impérial, Elle n’avait pas eu de chance d’obtenir cette place qui était déjà prise avant Sa naissance.

Marie-Christine et Albert
Marie-Antoinette prévient Mercy très nettement qu’Elle n’a pas envie de supporter la présence de sa sœur au quotidien et qu’il a à s’arranger pour prévoir un emploi du temps qui La débarrasse de Marie-Christine le plus souvent possible. De fait, si Louis XVI et son beau-frère s’entendent très bien (rappelons qu’Albert était le dernier frère de Marie-Josèphe de Saxe, la propre mère de Louis XVI), les rapports entre Marie-Christine et Marie-Antoinette sont d’une froideur glaciale, et Marie-Antoinette, contrairement à l’usage, ne fait organiser pour Sa sœur ni réception à Trianon, ni aucune soirée de gala particulière.

Marie-Christine par Johann Zoffany
Le 1er septembre 1786
Marie-Antoinette écrit cependant à Marie-Christine Sa réaction aux répercutions de l’affaire du collier :
« Je n’ai pas besoin de vous dire, ma chère sœur, quelle est toute mon indignation du jugement que vient de prononcer le Parlement pour qui la loi du respect est trop lourde; c’est une insulte affreuse et je suis noyée dans les larmes de désespoir. Quoi, un homme qui a pu avoir l’audace de se prêter à cette sotte et infâme scène du bosquet, qui a supposé qu’il avait un rendez-vous de la reine de France, de la femme de son roi, que la reine avait reçu de lui une rose et avait souffert qu’il se jetât à ses pieds, ne serait pas, quand il y a un trône, un criminel de lèse-majesté, ce serait seulement un homme qui s’est trompé! C’est odieux et révoltant, plaignez-moi, ma bonne sœur, je ne méritais pas cette injure, moi qui ai cherché à faire tant de bien, qui ne me suis souvenue que j’étais fille de Marie-Thérèse, que pour me montrer ce qu’elle m’avait recommandé en m’embrassant à mon départ, française jusqu’au fond du cœur, être sacrifiée à un prêtre parjure à un intriguant impudique! Quelle douleur! Mais ne croyez pas que je me laisse à rien d’indigne de moi, j’ai déclaré que je ne me vengerais jamais qu’en redoublant le bien que j’ai fait. Je n’ai pas besoin de vous dire que le roi est indigné, il exile le cardinal à la Chaise Dieu et Cagliostro est chassé de France. Adieu, mes enfants se portent bien, nous vous embrassons tous et vous serrons sur notre cœur.»
Marie-Antoinette
En novembre 1786
Pour prévenir les convulsions que le petit duc de Normandie fait, la Faculté juge à propos la pose de ventouses derrière l’oreille. Madame de Polignac, craignant que cette opération assez répugnante n’impressionne vivement Marie-Antoinette veut la Lui cacher et écrit au Roi pour avoir son agrément . Il le donne et tient à être présent lors de l’application qui a lieu à Fontainebleau.


et Elisabeth Le Brun l’effacera du berceau qu’elle conservera malgré tout pour marquer l’absence de la princesse

En 1787
Pierre-Charles Bonnefoy du Plan (1732-1824), le concierge du Petit Trianon, Lui prépare des bains de pieds, car Marie-Antoinette a à nouveau mal à la jambe (sans doute la gauche).

En 1787
L’état de Louis-Joseph s’empire : les fièvres se succèdent et le dos du Dauphin se déforme si bien qu’il est bientôt bossu. On l’installe alors loin de la cour à Meudon où Marie-Antoinette passe la plus grande partie de son temps à veiller son fils qui se montre toujours tendre. Le château de Saint-Cloud, quasiment mitoyen, s’avère donc encore plus nécessaire.

Communion de Louis-Joseph
Le 8 avril 1787
Renvoi de Calonne. Marie-Antoinette intervient pour faire nommer Loménie de Brienne (1727-1794), proche de Son lecteur, l’abbé de Vermond.

Le Cardinal Loménie de Brienne (vers 1770)
En avril 1787
Le duc et la duchesse de Polignac (1749-1793) passent deux mois en Angleterre dont six semaines à Bath. Ils semblent également missionnés d’aller trouver Madame de La Motte à Londres pour calmer les bruits qu’elle y fait courir contre Marie-Antoinette. Il est faux que Madame de La Motte ait en son pouvoir des lettres qui puissent compromettre la Reine, «mais toute calomnie répandue contre (Elle) exerce sur les esprits prévenus plus d’empire que la vérité».
Le 1er mai 1787
Le Dauphin est remis «entre les mains des hommes». Les médecins qui l’ont examiné le trouvent
« jouissant d’une bonne santé, ayant ses vingt dents, avons reconnu que sa conformation est dans l’état naturel et qu’il n’y a rien à désirer dans la constitution de toutes ses parties.»
Pourtant, le Dauphin est loin d’être bien portant. Il est petit pour son âge, souvent fiévreux, et semble triste.
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire éprouve la Reine qui s’inquiète aussi pour la santé de Son fils aîné.

Alors qu’à cette époque, les enfants morts en bas âge –surtout les filles- sont peu pleurés, Marie-Antoinette se montre inconsolable face à la perte de Son «petit ange» qui aurait été pour Elle «une amie».
Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola
Le 21 juin 1787
Marie-Antoinette s’enferme seule au Petit Trianon avec Madame Élisabeth, sans suite, pour pleurer Sa fille.
Le 22 juin 1787
Marie-Antoinette adresse cette lettre à Sa belle-sœur, Madame Élisabeth (1764-1794), au sujet de la mort de Son dernier enfant, la princesse Sophie de France :
« … a été fort indisposé… hier et ce matin et m’a donné de l’inquiétude, voilà pourquoi mon cher cœur vous n’aviez pas eu de mon écriture que vous attendiez dans votre petit Trianon. Je veux absolument faire avec vous ma chère Élisabeth une visite au mien. Mettons si vous le voulez, cela au 24 juin est de … le roi …d’y venir, nous pleurons sur la mort de mon pauvre petit ange. Adieu mon cher cœur, vous savez combien je vous aime et j’ai besoin de tout votre cœur pour consoler le mien .»
Le 24 juin 1787
« Je pars dans l’instant pour Versailles . C’est une grande contrariété pour moi, mais la Reine vient de perdre Madame Sophie, et elle est si affectée qu’il est impossible de ne pas faire preuve d’intérêt dans cette occasion . Aussi dit-on qu’à la Cour la tristesse est sur tous les visages … »
Éléonore de Sabran au chevalier de Boufflers
Les Polignac reviennent précipitamment de Londres à Versailles.
Le 27 juin 1787
Les pamphlets continuent autour de l’affaire du Collier :
« Madame de la Motte s’est échappée de la [Salpêtrière] ; son évasion a été concertée avec le gouvernement … C’est le fruit du voyage de Madame de Polignac et du comte de Vaudreuil à Bath. On prétend que monsieur de la Motte a mis à ce prix et à celui d’une bourse la cession de quelques lettres de la reine à sa femme, lettres qu’il était prêt à rendre publiques pour se justifier. Madame de Polignac revient triomphante avec la conquête des lettres… »
Lescure, Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la Cour et la ville (1777-1790)
Du 10 octobre au 16 novembre 1787
Dernier séjour de la Cour de Louis XVI à Fontainebleau. Les jeux de hasards sont prescrits par le Roi.
![Marie Antoinette, reine de France et de Navarre : [estampe] / dessiné par Le Barbier l'aîné 1787 ; gravé par Cazenave | Gallica](https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6941719s/f1.medres)
Marie-Antoinette. gravure. 1787
La Reine s’ennuie pendant ce séjour qui comporte dix-sept spectacles répartis sur douze soirées.
Le 6 septembre 1787

Lit de justice à Versailles à onze heures.

Ce jour, la Cour, toutes les Chambres assemblées, en robes et chaperons d’écarlate, dans la grande salle des Gardes, préparée pour tenir son Lit de Justice, Mrs les Présidents revêtus de leurs manteaux qu’ils avoient été prendre dans une pièce voisine , tenant leurs mortiers à la main ; le Maître des cérémonies vint avertir la Compagnie que le Roi était prêt.

Le Roi était précédé de Monsieur, du comte d’Artois, frères du Roi, fils de France ; du Prince de Condé, du duc de Bourbon et du prince de Conti, princes du Sang, qui ont pris leurs, places traversant le parquet.

Le Roi s’étant assis et couvert, le Garde des Sceaux dit par son ordre, que Sa Majesté commande que l’on prenne séance ; après quoi le Roi ayant ôté et remis son chapeau , a dit :
« Messieurs, Il n’appartient point à mon Parlement de douter de mon pouvoir, ni de celui que je lui ai confié. C’est toujours avec peine que je me décide à faire usage de la plénitude de mon autorité et à m’écarter des formes ordinaires ; mais mon Parlement m’y contraint aujourd’hui, et le salut de l’Etat, qui est la première des lois, m’en fait un devoir. Mon Garde des Sceaux, va vous faire connaitre mes intentions.»
Discours de Louis XVI

M. le Garde des Sceaux étant ensuite monté vers le Roi , agenouillé à ses pieds pour recevoir les ordres, descendu, remis en la place, assis et couvert, après avoir dit que le Roi permettait que l’on se couvrit.

Suit le discours du nouveau garde des sceaux, Lamoignon.
Des témoins racontent avoir vu le Roi s’endormir. Diffamation de la part de ses opposants ? Repas trop arrosé ? Trop de parties de chasse ? Ou calcul politique signifiant lui aussi à ses parlementaires d’aller «se faire f… »?

Aligre rappelle que les impôts n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Il réitère le refus de son corps d’enregistrer le timbre et la subvention territoriale et réclame à son tour la convocation des états-généraux. L’assemblée semble perdre de vue que toute loi est enregistrée automatiquement lors d’un lit de justice et que les opinions des uns et des autres n’ont plus lieu d’être en présence du Roi.
Ce qui n’empêche pas la foule d’applaudir les magistrats lorsqu’ils remontent en voiture
Le 7 août 1787
Au matin, les ducs et pairs rejoignent le Parlement au Palais, mais sans les princes du sang. Après huit heures de délibération, ils rendent un arrêt à la majorité des voix rendant «nul et illégal» le lit de justice de la veille.
C’est un véritable coup d’état !
Dimanche 19 août 1787
Le Roi capitule en renonçant officiellement à l’édit de subvention territoriale et promet la convocation des Etats-Généraux pour 1792.
Le parlement revient à Paris sous les applaudissements de la foule. Celle-ci montre du doigt Calonne, Brienne et Marie-Antoinette, dont on brûle les effigies.
Le 22 août 1787
Deux cent trente-cinq membres du Parlement se réunissent dans le palais des comtes de Champagne à Troyes, accueillis dans la ville comme des héros. Pendant ce temps à Paris, une foule incontrôlable réclame ses magistrats. Des milliers de personnes dépendent du Parlement : avocats, procureurs, huissiers, clercs, commis, écrivains publics, étudiants, formant une basoche qui a toujours été particulièrement indisciplinée.
C’est l’émeute dans la capitale.
Le 26 septembre 1787 et jours suivants
Loménie de Brienne est nommé principal ministre. Il s’agit du seul moyen pour que les autres ministres et secrétaire d’état lui soient subordonnés et donc donner une action cohérente au gouvernement. Il devient de fait premier ministre mais ce titre devant être dûment enregistré au Parlement, on préfère l’éviter.
Des ministres préfèrent démissionner.
Le 19 novembre 1787
Séance royale de Louis XVI au Palais.

Le Roi accepte donc l’enregistrement des deux édits permettant de nouveaux emprunts à la condition de réunir les états-généraux non plus en 1792 mais en 1789 !
Le 20 novembre 1787, au soir
Le baron de Breteuil remet une lettre de cachet au duc d’Orléans, le sommant de se rendre à son château de Villers-Cotterêts. Le premier prince du sang, et accessoirement l’homme le plus riche de France, est devenu le chef de l’opposition.
Le 22 février 1788
« Mon fils aîné me donne bien de l’inquiétude, mon cher frère. Quoiqu’il ait toujours été faible et délicat, je ne m’attendais pas à la crise qu’il éprouve. Sa taille s’est dérangée, et pour une hanche, qui est plus haute que l’autre, et pour le dos, dont les vertèbres sont un peu déplacées et en saillie. Depuis quelques temps, il a tous les jours la fièvre et est fort maigri et affaibli. Il est certain que le travail de ses dents est la principale cause de ses souffrances. Depuis quelques jours, elles ont beaucoup avancé, il y en a une même entièrement percée, ce qui donne un peu d’espérance. Le roi a été très faible et maladif dans son enfance, l’air de Meudon lui a été très salutaire. Nous allons y établir mon fils. Pour mon cadet, il a exactement en force et en santé ce que son frère n’en a pas assez. C’est un vrai enfant de paysan, grand, frais et gros.»
Marie-Antoinette à Joseph II

Le 24 avril 1788
Marie-Antoinette fait part à Son frère Joseph II des décisions de Son mari :
« Nous sommes au moment de faire de grands changements dans les parlements ; on pense à les borner aux fonctions de juges et à former une autre assemblée qui aura le droit d’enregistrer les impôts et les lois générales au royaume. Il me semble qu’on a pris toutes les mesures et précautions compatibles avec le plus grand secret qui était nécessaire, mais ce secret même entraîne incertitude sur les dispositions du grand nombre de gens qui peuvent nuire ou contribuer au succès. Il est très fâcheux d’être obligé à des changements de cette espèce, mais par l’état des affaires, il est clair que si on différait, on aurait moins de moyens pour conserver et maintenir l’autorité du Roi.»

Le 7 juin 1788
Insurrection à Grenoble lors de la Journée des Tuiles.
Le 23 juillet 1788
Une fluxion empêche Louis XVI de chasser le chevreuil. Il dîne et soupe à Trianon.
Le 7 août 1788
Louis XVI est ausculté par son médecin, il suit la messe chez lui et soupe à Trianon.
Le 8 août 1788
Louis XVI consent à la convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.

Image des Années Lumière de Robert Enrico
Un nouveau pas vers la révolution s’effectue alors.
Le 25 août 1788
Louis XVI souhaite rappeler Necker aux finances mais celui-ci refuse d’être subordonné au principal ministre Loménie de Brienne. Le Roi est obligé de renvoyé ce dernier, tant la popularité du banquier est importante.

Laurent Laffitte est Louis XVI dans Un Peuple et son Roi (2017) réalisé par Pierre Schoeller
En compensation, Loménie de Brienne obtient le chapeau de cardinal.
Hiver 1788-1789
L’hiver rigoureux qui s’est abattu sur la France, comme sur toute l’Europe, est une véritable calamité: de mémoire d’homme, on n’en a connu de pareil. Le plus grand froid que connaissaient las savants était celui de la nuit du 1er au 14 janvier 1709, où le thermomètre était descendu à 15 degrés 1/4. Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1788 cependant, le thermomètre a marqué –18° 3/4 ! Il n’y a pas d’exemple d’un aussi grand froid arrivé à Paris, et certainement, le froid de ce dernier mois aura été le plus fort du 18e siècle. Mais si cet hiver est le plus froid, il est également le plus long : la gelée a commencé le 24 novembre et depuis ce jour, le froid est allé en augmentant jusqu’au 25 décembre, qui a connu un léger dégel. Deux jours après, le froid a repris une nouvelle vigueur.
Il est tombé à Paris 9 pouces de neige que la terre, gelée par les premiers jours froids, a conservés. Quant à la Seine, elle est prise par les glaces depuis les derniers jours de novembre. De toutes les provinces du royaume, c’est l’Alsace qui a éprouvé le froid le plus intense. Le 18 décembre, le thermomètre est descendu à –24 degrés 1/4 à Neuf-Brisach, ainsi que l’a observé le Comte de Caire, colonel du corps Royal du Génie.
Une lettre d’Avignon nous informe qu’il y gèle depuis le 17 novembre. Jusqu’au 19 décembre, le thermomètre s’est maintenu à –3°. A partir du 19, le froid a augmenté progressivement jusqu’au 31, où il est arrivé à –12°. Le Rhône et la Durance sont pris par les glaces, et on peut les traverser à pied.
Cet hiver âpre et prématuré qui, en empêchant une foule d’ouvriers de travailler, augmente la misère des nécessiteux, a également nui à la circulation des subsistances, puisque les cours d’eau ne sont plus susceptibles de navigation et que les moulins situés sur les rivières sont hors de service.

Parallèlement à l’état de cessation des paiements et de banqueroute du royaume, le climat de l’année 1788 est calamiteux : à un été pourri ravageant les récoltes, l’hiver glacial donne des températures de moins 20 °C qui paralysent les moulins, gèlent les fleuves et défoncent les routes. Le blé manque et le peuple a faim.

Le 10 décembre 1788
Le Docteur François de Lassonne meurt à Paris.
Le Docteur Félix de Vicq d’Azyr (1748-1794) est nommé premier médecin de la Reine.
En 1789
Mercy commente l’aggravation nette de la santé du Dauphin :
« Les articulations des pieds et des mains perdent leur flexibilité , on y remarque des tumeurs qui annoncent un rachitisme décidé. Les médecins ne savent plus de remède à y apporter.»
Mercy
Louis-Joseph doit garder le lit en permanence où il souffre d’un corset qui doit redresser sa colonne vertébrale déformée. La tuberculose dont il est atteint le mine chaque jour davantage sous le regard impuissant de la Reine qui a le cœur brisé de voir ainsi son enfant.

Images de Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Therry Binisti

Image de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
Les rares sorties du Dauphin dans les jardins se font dans un fauteuil roulant.

Images des Années Lumières (1989)

« Comme presque tous ceux que la mort prend jeunes, il est plus raisonnable que son âge ne le comporte, il est précoce dans ses réflexions, montre le sérieux excessif des enfants qui jouent peu et aiment à lire. On a cité des mots de lui : quel enfant royal n’a pas légué des mots à l’histoire? mais ceux-là semblent vrais et les témoins qui les rapportent sont dignes de foi. Un de ses compagnons a cassé une porcelaine à laquelle la Reine tenait beaucoup. De peur d’être grondé il s’enfuit, et le Dauphin, accusé du délit, ne se défend pas. On le punit, il est privé pendant, trois jours de sa promenade à Trianon. Mais l’autre enfant est revenu et a avoué sa faute. On s’étonne que le prince n’ait rien dit : « Est-ce à moi d’accuser quelqu’un ? » fut sa réponse.»
Marc de Bombelles
Louis XVI et Marie-Antoinette ont décidé de transporter leur fils mourant à Meudon, car l’air y était plus pur qu’à Versailles.

Fin mars 1789
L’Ambassadeur Fernan Nunez raconte qu’au cours d’une de ses promenades sur les toits du château, le Roi monte sur une échelle servant à des travaux.
« L’échelle glissa lorsque Sa Majesté se trouvait dessus et, s’il n’y avait pas eu à côté un ouvrier qui eût la présence d’esprit de la tirer en dedans de la balustrade au moment où elle était déjà partiellement engagée au-dehors, la chute que le Roi fit sur le toit aurait infailliblement mis fin à ses jours car il se serait écrasé dans la Cour de Marbre où il aurait été précipité».
Le 2 avril 1789
« L’état de Monsieur le dauphin n’a pas empiré depuis quinze jours, mais le peu de changement en mieux que l’on croit y apercevoir de temps en temps n’est pas de nature à donner des espérances fondées, et il est plus que probable qu’il faut y renoncer entièrement.»
Mercy à Joseph II
Le 4 avril 1789
Durant le chantier d’aménagement de l’Hôtel des Menus-Plaisirs pour la réunion des États Généraux, Louis XVI se rend sur place à plusieurs reprises. Lors d’une de ces visites, une planche s’est rompue sous le poids de Sa Majesté. Le Monarque s’est tenu fortement à un boulin qui s’est trouvé à côté de lui. Il est même un peu blessé à la poitrine, écorché par les nœuds de la poutre à laquelle il se cramponnait.
Image de Marie-Antoinette (2006) de Francis Leclerc et Yves Simonneau
Un garçon charpentier s’est hâté de venir à son secours. Il était fort. Il a tiré le Roi sur la planche qui était à côté de celle qui s’était brisée. Louis XVI a gardé le plus grand sang-froid au milieu de ce péril.
Image de L’Affaire du Collier (2001) de Charles Shyer
Soient deux accidents au cours desquels le Roi faillit périr… en quelques jours seulement !
Le 8 avril 1789
Madame de Laage note dans ses mémoires à propos du Dauphin :
« Quand nous sommes arrivées, on lui faisait la lecture. Il avait eu la fantaisie de se faire coucher sur un billard, on y avait étendu des matelas. Nous nous regardâmes, la princesse et moi, avec la même idée, que cela ressemblait au triste lit de parade après leur mort. »
Madame de Lamballe ayant demandé au petit malade quel livre il lisait à ce moment : « Un moment fort intéressant de notre histoire, madame, le règne de Charles VII ; il y a bien là des héros ! » Je me permis de demander si Monseigneur lisait de suite ou les morceaux les plus frappants. « De suite, Madame, je n’en connais pas assez long pour choisir, et tout m’intéresse. » Et ses beaux yeux mourants se tournaient vers la princesse, en lui disant cela.»
Dr Cabanès, Mœurs intimes du passé, Education des princes.
En mai 1789
Jeanne de La Motte, qui avait été payée pour ne pas écrire ses «souvenirs» publie ses mémoires complétés par la prétendue correspondance échangée entre la Reine et le cardinal…
Pour le mardi de Pâques
Le Souverain ne se rend même pas à la Chapelle mais assiste à une messe célébrée dans son Appartement.
Le 4 mai 1789
Procession à Versailles de la cour et des nouveaux députés des États-Généraux arrivés dans la ville royale entre l’église de Notre-Dame et l’église Saint-Louis.

Tandis que le duc d’Orléans est acclamé par la foule, la Reine est huée. La princesse de Lamballe soutient Marie-Antoinette de crainte qu’elle ne tombe par tant d’émotions.
A Marie-Antoinette qui déplore, les yeux gonflés de larmes : «Ces Français ! Ils sont indignes !»
Madame Adélaïde réplique de sa voix dure : «Dites plutôt indignés, Madame !»

Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles..
La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures. Louis XVI fait un discours dans lequel il fait preuve d’excellentes intentions et donne de bonnes promesses.

Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…

Pour Sa dernière représentation en majesté, la Reine est revêtue d’une robe de cour mauve et Sa coiffure est garnie de couronnes impériales. Au soleil, les diamants et la robe en tissu argenté de Marie Antoinette brillent d’une splendeur incomparable. Bien que le costume ait été calculé pour effacer Son image de la dame de Trianon vêtue d’une chemise, elle a en fait simplement montré la «richesse et la grandeur» que, selon La Fare, elle a continué à apprécier au détriment du peuple.

Elle est pâle et a les traits tirés : Elle s’inquiète pour la santé de Son fils aîné atteint de tuberculose osseuse. Une Anglaise, Mrs Swinburne, dont le fils est l’un des pages de la Reine, dit alors que le teint radieux de Marie-Antoinette a disparu.
Le 10 mai 1789
« L’état de Monsieur le dauphin est toujours à peu près le même. Un dévoiement, qui ne l’affaiblit pas autant qu’on aurait pu le craindre, est interprété diversement par les médecins. Les uns le regardent comme une crise salutaire, les autres prévoient qu’elle ne peut aboutir qu’à l’extinction du peu de force qui reste au malade. L’enflure ne diminue pas, et il n’existe aucun symptôme probable de guérison. »
Mercy à Joseph II
Fin mai 1789
« La Reine se couchait très tard, ou plutôt cette infortunée princesse commençait à ne plus goûter de repos. Vers la fin de mai, un soir qu’elle était assise au milieu de la chambre ( verte du rez-de-chaussée), elle racontait plusieurs choses remarquables qui avaient eu lieu au cours de la journée ; quatre bougies étaient placées sur sa toilette; la première s’éteignit d’elle-même, je la rallumai ; bientôt la seconde, puis la troisième s’éteignirent aussi ; alors la reine, me serrant la main avec un mouvement d’effroi me dit : Le malheur peut rendre superstitieuse. Si la quatrième bougie de ce chandelier s’éteint à son tour, rien ne pourra m’empêcher de regarder cela comme un sinistre présage !La quatrième bougie s’éteignit. fit observer à la reine que les chandelles avaient probablement été coulées dans le même et qu’un défaut à la mèche s’était naturellement trouvé au même endroit puisque les bougies s’étaient éteintes dans l’ordre où on les avait allumées.»
Mémoires de Madame Campan

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Ses parents se retirent à Marly pour le pleurer. Il est enterré avec un cérémonial réduit à Saint-Denis compte tenu le contexte économique difficile.
« L’inquiétude de la reine se lit sur sa peau : plus blanche qu’au temps de sa splendeur, sa peau n’est que pâleur, celle qui exprime une santé altérée, rongée par les contrariétés et le sentiment de plus en plus tenace que la France balaie un régime pour en mettre un autre à sa place, une République.»
Cécile Berly
Le Roi et la Reine se retirent à Marly pour le pleurer. Il est enterré avec un cérémonial réduit à Saint-Denis compte tenu le contexte économique difficile.

La Cour doit porter le deuil à Versailles, selon des règles bien précises.
Il ne suffit pas de s’habiller de noir. A Versailles, lorsque la Cour prend le deuil du prince Louis-Joseph, décédé à l’âge de sept ans et huit mois dans la nuit du 3 au 4 juin 1789, hommes et femmes durent se conformer à un dress code des plus précis.
Le 7 juin 1789
La Reine doit recevoir les révérences de deuil de plusieurs centaines de dames toutes de noir vêtues. Le deuil solennel s’ouvre pour deux mois et demi .
Du 14 au 21 juin 1789
Dernier séjour de la famille royale au château de Marly, toute à son deuil. Mesdames Tantes sont présentes.


Le 17 juin 1789
Un député propose le nom d’Assemblée Nationale.
Ce même jour, l’Assemblée Nationale proclame que «les impôts quoique illégalement établis et perçus, continueraient d’être levés de la même manière que devant, jusqu’au jour où l’assemblée se séparerait» mais que «passé lequel jour, l’Assemblée entendait et décrétait que toute levée d’impôt qui n’avait pas été nommément, formellement et librement accordée par l’Assemblée, cesserait entièrement dans les provinces du Royaume.»
Cette déclaration stupéfie le Roi, son entourage et une partie de la noblesse. Une délégation de celle-ci est envoyée au Roi pour lui demander de réagir à une telle déclaration.
« Louis XVI est sonné. Affaibli. Il ne réagit pas immédiatement au décret du 17 juin par lequel le tiers état se constitue en Assemblée nationale. Et ses ministres sont profondément divisés sur la réaction qu’il convient d’apporter. Deux ans avant, Louis XVI était encore un souverain puissant, un roi législateur et un roi de guerre, qui avait damé le pion aux Anglais en venant au secours des insurgés américains. Mais il a horreur de la division et de la discussion, il est jaloux de son pouvoir et accorde difficilement sa confiance. Or à partir de 1787, il n’a plus de ministre auquel il puisse la donner. Les oppositions parlementaires, la banqueroute, les déficits qu’on ne parvient pas à résoudre, la mort de son fils, contribuent à son effondrement psychologique. En 1789, il a 35 ans. Pour la première fois de sa vie, ce prince chrétien élevé dans la tradition du roi de droit divin se rend compte qu’il n’a plus l’approbation de ses sujets. Il voit l’amour de son peuple se briser.»
Emmanuel de Waresquiel dans Télérama à propos de Sept Jours : 17-23 juin 1789. La France entre en révolution, éd. Tallandier
En juin 1789
Alors que la Reine passe dans le salon de l’Œil-de-Bœuf avec Louis-Charles et Marie-Thérèse :
« La reine passa avec ses deux enfants, leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes … Elle me fit, en jetant un regard avec un sourire, ce salut gracieux qu’elle m’avait déjà fait le jour de ma présentation. Je n’oublierai jamais ce regard qui devait s’éteindre si tôt.»
François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe

Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume

La salle de l’hôtel des Menus Plaisirs est fermée par ordre du Roi. Les députés du Tiers-Etat font le serment d’écrire une Constitution dans la Salle du Jeu de Paume. Sous la proposition de Mounier tous les députés moins une voix, prêtent serment de ne jamais se séparer avant qu’une Constitution soit rédigée et approuvée, en répétant chacun à leur tour «Je le jure !».
Le 23 juin 1789
Le Roi termine la séance par cette dernière phrase «je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre pour y reprendre vos séances. J’ordonne en conséquence au grand maître des cérémonies de faire préparer les salles.»
Louis XVI dit qu’on devait se séparer, lui-même se lève et sort. La noblesse et le clergé sortent, mais au centre de la salle immobile le Tiers demeure dans le silence.
Le grand maître des cérémonies Dreux Brézé s’avance pour faire évacuer la salle. Derrière lui, un piquet de Gardes Françaises et un piquet de Gardes Suisses se sont arrêtés à la porte.
Alors Mirabeau se dresse et lui lance :
« Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes».

Louis XVI s’indigne : «N’y a-t-il aucun père parmi eux? »

Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.



Réveillé dans la nuit par le duc de la Rochefoucault qui l’informe de la situation, il interroge:
« C’est une révolte?
_Non, sire! C’est une révolution!»
Le Roi, la Reine et le Dauphin souffrent de maux d’estomac mais guérissent avant que l’on puisse craindre un empoisonnement.
Le 16 juillet 1789
Les Polignac émigrent sous les conseils de la Reine: la duchesse est très impopulaire; on la juge débauchée et intéressée.

A minuit, Madame de Polignac et sa famille montent en carrosse pour s’enfuir. On apporte à la duchesse un billet de la Reine :
« Adieu la plus tendre des amies, le mot est affreux ; voilà l’ordre pour les chevaux. Adieux. Je n’ai que la force de vous embrasser.»


Le 17 juillet 1789
Réception de Louis XVI à l’Hôtel de Ville de Paris.

Le 24 juillet 1789
Marie-Antoinette adresse à la nouvelle gouvernante de Ses enfants cette émouvante lettre où Elle les décrit si bien :
« Mon fils a quatre ans quatre mois moins deux jours. Je ne parle pas ni de sa taille, ni de son extérieur, il n’y a qu’à le voir. Sa santé a toujours été bonne, mais, même au berceau, on s’est aperçu que ses nerfs étaient très-délicats et que le moindre bruit extraordinaire faisait effet sur lui. Il a été tardif pour ses premières dents, mais elles sont venues sans maladies ni accidents. Ce n’est qu’aux dernières, et je crois que c’était à la sixième, qu’à Fontainebleau il a eu une convulsion. Depuis il en a eu deux, une dans l’hiver de 87 à 88, et l’autre à son inoculation ; mais cette dernière a été très-petite. La délicatesse de ses nerfs fait qu’un bruit auquel il n’est pas accoutumé lui fait toujours peur ; il a peur, par exemple, des chiens parce qu’il en a entendu aboyer près de lui. Je ne l’ai jamais forcé à en voir, parce que je crois qu’à mesure que sa raison viendra, ses craintes passeront. Il est, comme tous les enfants forts et bien portants, très étourdi, très léger, et violent dans ses colères ; mais il est bon enfant, tendre et caressant même, quand son étourderie ne l’emporte pas. Il a un amour-propre démesuré qui, en le conduisant bien, peut tourner un jour à son avantage. Jusqu’à ce qu’il soit bien à son aise avec quelqu’un, il sait prendre sur lui, et même dévorer ses impatiences et colères, pour paraître doux et aimable. Il est d’une grande fidélité quand il a promis une chose ; mais il est très indiscret, il répète aisément ce qu’il a entendu dire, et souvent sans vouloir mentir il ajoute ce que son imagination lui a fait vois. C’est son plus grand défaut, et sur lequel il faut bien le corriger. Du reste, je le répète, il est bon enfant, et avec de la sensibilité et en même temps de la fermeté, sans être trop sévère, on fera toujours de lui ce qu’on voudra. Mais la sévérité le révolterait, parce qu’il a beaucoup de caractère pour son âge ; et, pour donner un exemple, dès sa plus petite enfance le mot pardon l’a toujours choqué. Il fera et dira tout ce qu’on voudra quand il a tort, mais le mot pardon, il ne le prononcera qu’avec des larmes et des peines infinies. On a toujours accoutumé mes enfants à avoir grande confiance en moi, et quand ils ont eu des torts, à me les dire eux-mêmes. Cela fait qu’en les grondant j’ai l’air plus peinée et affligée de ce qu’ils ont fait que fâchée. Je les ai accoutumés tous à ce que oui, ou non, prononcé par moi, est irrévocable, mais je leur donne toujours une raison à la portée de leur âge, pour qu’ils ne puissent pas croire que c’est l’humeur de ma part. Mon fils ne sait pas lire, et apprend fort mal ; mais il est trop étourdi pour s’appliquer. Il n’a aucune idée de hauteur dans la tête, et je désire fort que cela continue. Nos enfants apprennent toujours assez tôt ce qu’ils sont. Il aime sa sœur beaucoup, et a bon cœur. Toutes les fois qu’une chose lui fait plaisir, soit d’aller quelque part ou qu’on lui donne quelque chose, son premier mouvement est toujours de demander pour sa sœur de même. Il est né gai. Il a besoin pour sa santé d’être beaucoup à l’air, et je crois qu’il vaut mieux pour sa santé le laisser jouer et travailler à la terre sur les terrasses que de le mener plus loin. L’exercice que les petits enfants prennent en courant, en jouant à l’air est plus sain que d’être forcés à marcher, ce qui souvent leur fatigue les reins.
Je vais maintenant parler de ce qui l’entoure. Trois sous-gouvernantes, mesdames de Soucy, belle-mère et belle-fille, et madame de Villefort. Madame de Soucy la mère, fort bonne femme, très instruite, exacte, mais mauvais ton. La belle-fille, même ton. Point d’espoir. Il y a déjà quelques années qu’elle n’est plus avec ma fille ; mais avec le petit garçon il n’y a pas d’inconvénient. Du reste, elle est très fidèle et même un peu sévère, avec l’enfant : Madame de Villefort est tout le contraire, car elle le gâte ; elle a au moins aussi mauvais ton, et plus même, mais à l’extérieur. Toutes sont bien ensemble.
Les deux premières femmes, toutes deux fort attachées à l’enfant. Mais madame Lemoine, une caillette et bavarde insoutenable, contant tout ce qu’elle sait dans la chambre, devant l’enfant ou non, cela est égal. Madame Neuville a un extérieur agréable, de l’esprit, de l’honnêteté ; mais on la dit dominée par sa mère, qui est très intrigante.
Brunier le médecin a ma grande confiance toutes les fois que les enfants sont malades, mais hors de là il faut le tenir à sa place ; il est familier, humoriste et clabaudeur.
L’abbé d’Avaux peut être fort bon pour apprendre les lettres à mon fils, mais du reste il n’a ni le ton, ni même ce qu’il faudrait pour être auprès de mes enfants. C’est ce qui m’a décidée dans ce moment à lui retirer ma fille ; il faut bien prendre garde qu’il ne s’établisse hors les heures des leçons chez mon fils. C’est une des choses qui a donné le plus de peine à madame de Polignac, et encore n’en venait-elle toujours à bout, car c’était la société des sous-gouvernantes. Depuis dix jours j’ai appris des propos d’ingratitude de cet abbé qui m’ont fort déplu.
Mon fils a huit femmes de chambre. Elles le servent avec zèle ; mais je ne puis pas compter beaucoup sur elles. Dans ces derniers temps, il s’est tenu beaucoup de mauvais propos dans la chambre, mais je ne saurais pas dire exactement par qui ; il y a cependant une madame Belliard qui ne se cache pas de ses sentiments : sans soupçonner personne on peut s’en méfier. Tout son service en hommes est fidèle, attaché et tranquille.
Ma fille a à elle deux premières femmes et sept femmes de chambre. Madame Brunier, femme du médecin, est à elle depuis sa naissance, la sert avec zèle ; mais sans avoir rien de personnel à lui reprocher, je ne la chargerais jamais que de son service. Elle tient du caractère de son mari. De plus, elle est avare, et avide de petits gains qu’il y a à faire dans la chambre.
Sa fille, madame Tréminville, est une personne d’un vrai mérite. Quoiqu’âgée seulement de vingt sept ans, elle a toutes les qualités d’un âge mûr. Elle est à ma fille depuis sa naissance, et je ne l’ai pas perdue de vue. Je l’ai mariée, et le temps qu’elle n’est pas avec ma fille, elle l’occupe en entier à l’éducation de ses trois petites filles. Elle a un caractère doux et liant, est fort instruite, et c’est elle que je désire charger de continuer les leçons à la place de l’abbé d’Avaux. Elle en est fort en état, et puis que j’ai le bonheur d’en être sûre, je trouve que c’est préférable à tout. Au reste, ma fille l’aime beaucoup, et y a confiance.
Les sept autres femmes sont de bons sujets, et cette chambre est bien plus tranquille que l’autre. Il y a deux très jeunes personnes, mais elles sont surveillées par leur mère l’une à ma fille, l’autre par madame le Moine.
Les hommes sont à elle depuis sa naissance. Ce sont des êtres absolument insignifiants ; mais comme ils n’ont rient à faire que le service, et qu’ils ne restent point dans sa chambre par de là, cela m’est assez insignifiant.»
Marie-Antoinette se révèle fine pédagogue et psychologue à l’endroit de Ses enfants à la lecture de cette lettre qui La montre tellement proche d’eux, à côté de Marie Leszczynska qui avait envoyé ses benjamines à l’abbaye de Fontevraud pour être éduquées par les religieuses.

Le 26 juillet 1789
Louise-Élisabeth de Tourzel entre dans l’Histoire par sa charge de gouvernante de Marie-Thérèse et Louis-Charles.
« Madame, j’avais confié mes enfants à l’amitié, aujourd’hui, je les confie à la vertu.»
Par ces paroles , Marie-Antoinette accueille Madame de Tourzel qui devient ainsi gouvernante des Enfants de France, poste laissé vacant par le prompt départ de Madame de Polignac en émigration.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.

Cette sympathie devenue si rare depuis des mois émeut tant les souverains que le Roi, la Reine et le Dauphin, même, descendent rejoindre les convives. Dans l’euphorie générale, un Garde demande la permission de placer le petit Dauphin sur l’immense table en fer-à-cheval que celui-ci parcourt de bout en bout sans renverser le moindre verre. La famille royale fait le tour de la table, dit un mot aux uns et aux autres, puis rentre dans ses appartements.

L’alcool échauffant le cœur des militaires ceux-ci redoublent d’ardeur envers leur Roi et arrachent leurs cocardes tricolores pour les fouler aux pieds et les remplacer par des cocardes blanches, symboles de la monarchie ( j’ai aussi lu que ces cocardes étaient noires, à la couleur de la Reine…).


L’air «Ô Richard, ô mon Roi, l’univers t’abandonne», tiré d’un opéra de Grétry, est chanté par les soldats. Il devient un signe de ralliement royaliste.



Le peuple croit à une orgie antidémocratique…

Le 5 octobre 1789
Diane Krüger dans Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot (2012)

Marie-Antoinette est au Petit Trianon et le Roi à la chasse lorsqu’on apprend que des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
Image du Versailles Secret de Marie-Antoinette








La famille royale se replie dans le château…

« Je sais qu’on vient de Paris pour demander ma tête; mais j’ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l’attendrai avec fermeté.»
Marie-Antoinette

Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis.






La Reine s’échappe en jupon par la porte dérobée à la tête de Son lit de la chambre d’apparat.





Arrive La Fayette _ qu’il a fallu réveillé, ce qui lui vaudra le surnom de Général Morphée…_ qui conseille au Roi de se présenter au balcon.



La Fayette conduit la Famille Royale dans la Chambre du Roi.

Au moment où la Reine arrive enfin chez Son mari après avoir failli être assassinée, Madame de Tourzel amène de toute urgence le petit Dauphin de quatre ans. la gouvernante n’a eu que le temps d’avertir la jeune princesse. Marie-Antoinette ne voyant pas sa fille, repart par des couloirs et escaliers dérobés communiquant entre les appartements du Roi, de la Reine et de leurs enfants.

Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.


Elle s’avance sur le devant du balcon en tenant Ses enfants par la main.

La foule hurle : «Pas d’enfant !!!« . D’un geste , Elle les repousse vers l’intérieur, et, seule, affronte l’ennemi qui grouille dans la cour de marbre …


La fille des Césars se retrouve sur la scène que forme le balcon avec Gilles César qui apostrophe la foule :
« La Reine reconnaît qu’Elle a été trompée, mais déclare qu’Elle ne le sera plus, qu’Elle aimera Son peuple et lui sera attachée comme Jésus-Christ à son Église.»


En signe de probation la Reine lève deux fois la main… mais ne lui pardonnera jamais !


Marie-Caroline (1752-1814) dira que sa sœur aurait dû être assassinée ce jour-là pour n’avoir pas à connaître les horreurs de la révolution…

A Madame Necker, Elle confie :
« Ils vont nous forcer, le Roi et moi, à nous rendre à Paris avec la tête de nos gardes du corps portées au bout de leurs piques!»

La famille royale est ramenée de force à Paris.

Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.


L’arrivée de la famille royale à Paris le soir du 6 octobre 1789
Peu après l’installation de la Famille Royale à Paris
La Reine, effrayée par une rumeur, s’adresse à madame de Mackau :
« Ah ! mon Dieu, Mackau, les paysans de Vaucresson viennent de se révolter contre les dragons de Lorraine, et il y a eu un massacre affreux ! »C’est à Vaucresson que se trouvent les terres familiales de Hanet, qu’il gère, et où la veille il était encore.
« Empressé de tranquilliser la Reine, je crus devoir faire observer que le mal n’était peut-être pas aussi grand qu’on paraissait l’avoir dit. La reine me jeta un regard plein de courroux, et s’écria :
« Comment, Monsieur, pas si grand ! Lorsque le sang des Français coule de toutes parts, et que… ».La Reine se retire aussitôt ; Hanet demande à Madame de Mackau de rassurer la Reine sur la situation exacte de Vaucresson ; il rentre chez lui et y reste vingt-quatre heures, victime d’une fièvre qui le retient au lit. « Ce ne fut que le lendemain à la messe que, placé par mes fonctions derrière le siège de Madame Royale, je pus apercevoir dans les yeux de la reine qu’elle était totalement revenue de sa prévention de la veille, et au sortir de la chapelle elle poussa la bonté jusqu’à me dire :
Pierre-Louis Hanet, frère de Cléry
« Vous aviez bien raison, Hanet, le mal n’était pas aussi grand »
Et le roi, qui se trouvait tout près, ajouta :
« Oui, l’on m’avait bien trompé ! »
Je ne sais quel vertige s’empara de moi en entendant parler ainsi Leurs
Majestés ; mais cette subite transition du chagrin le plus amer à la satisfaction la plus complète exalta tellement mes esprits, que je me permis de dire tout haut au roi :
« Oui, Sire, on vous a trompé, on vous trompe, et l’on vous trompera toujours. »
Aux Tuileries, le Docteur Vicq d’Azyr prescrit des antidotes à tenir prêts dans la crainte d’un éventuel empoisonnement de la Reine.
Novembre 1789
Les pages de la Reine reçoivent leur congé pour le 1er janvier 1790.
Marie Antoinette commence à se porter mieux ; mais Elle ne sort encore qu’en chaise. On assure que Son indisposition est la suite de l’effroi dont Elle fut saisie, lorsque le 5 octobre, Elle fut obligée de se sauver, en chemise, dans la chambre du Roi.
Un problème de santé oblige Marie-Antoinette à boiter plusieurs semaines.
Le 31 décembre 1789
La Reine va en chaise faire une visite à Mesdames. Sa Majesté a voulu voir aussi comme elles étaient logées. Peu après la Reine revient dans Ses appartements, «en le plaignant beaucoup de la douleur que Son pied lui fait », Elle fait dire qu’elle ne sortirait pas du tout le jour ni le lendemain du premier de l’an.
« … et si mon cœur ne tenait pas par des liens aussi forts à mes enfants, vous et à deux amis que j’ai, souvent, je désirerais succomber… »
Marie-Antoinette à madame de Polignac
On ne peut donc pas exclure les pensées suicidaires de Sa psychologie.
Il a pu Lui venir à l’esprit que Ses enfants et Son mari seraient plus en sûreté sans Elle, puisque la haine se concentrait sur Sa personne.
Le 4 Janvier 1790
La Reine boîte toujours beaucoup. Cependant Ses douleurs de pied deviennent de jour en jour moins aiguës.
« Sa Majesté ne paraît pas bien portante, elle semble affectée et sa figure en garde des traces…»
Arthur Young
Cela ressemble à un érysipèle qui revient sans cesse …
« Le roi est aussi gras que s’il n’avait aucun souci. Par ses ordres, on a réservé un petit jardin pour l’amusement du Dauphin, on y a bâti un petit pavillon où il se retire en cas de pluie : je le vis à l’ouvrage avec sa bêche et son râteau, mais non sans deux grenadiers pour l’accompagner. C’est un joli petit garçon, d’un air très avenant ; il ne passe pas sa sixième année ; il se tient bien. Partout où il va, on lui ôte son chapeau, ce que j’observais avec plaisir.»
Arthur Young
Le 6 Janvier 1790
La Reine s’est fait faire un soulier en manière de brodequin , pour Son pied malade et s’est essayée à marcher un peu dans le jardin. Sa Majesté est ensuite allée à la Messe avec le Roi, accompagnée de Ses augustes enfants.
Jeudi 7 janvier 1790
La Reine s’est fait porter en chaise dans Sa Loge à la Messe du Roi.
Le 9 Janvier 1790
Le Roi et Madame Élisabeth ont été faire un tour de Tuileries après la messe. La Reine, malgré Son goût pour la promenade, n’a pas voulu y aller aujourd’hui , afin de ne plus retarder l’entière guérison de Son mal de pied. Sa Majesté marche cependant assez facilement, et n’éprouve plus aucunes douleurs.
Le 12 Janvier 1790
La Reine va de bonne, heure, â la messe, avec Madame Royale. Elle va ensuite à la promenade, et là , Elle trouve le Dauphin qui prend ses ébats. Madame Élisabeth vient les joindre peu après. La Reine a abordé quelques Députés -qu’Elle a rencontrés, et qu’elle s’est entretenue avec eux. Sa Majesté ne se ressent plus de Son indisposition.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération


Du 5 au 11 août 1790
Louis XVI a un abcès à la joue. Il s’est formé à la gencive. On lui fait prendre du petit lait. L’Assemblée nationale se fait envoyer régulièrement, de Saint-Cloud, des bulletins de santé rédigés par les médecins du Roi. Chaque compte rendu est lu, en début de séance, par l’un des secrétaires de l’Assemblée nationale.
Pendant l’indisposition du Roi, Marie Antoinette reçoit et accueille tous ceux qui se présentent pour s’informer de la santé de Son époux.
Fin septembre 1790
Louis XVI est toujours sombre et rêveur. Marie Antoinette, au contraire, est gaie. Elle donne des concerts comme Elle le faisait l’année dernière, à pareille époque et dans les mêmes circonstances.
Le 23 octobre 1790
La Reine est offensée à l’Opéra.
En janvier 1791
«Le comte de Fernan-Nunez, ambassadeur d’Espagne, reçu en audience par Marie-Antoinette, est effaré de son vieillissement. Elle avait toujours eu tendance à grisonner, et, à la mort de son fils [cela a peut-être même commencé à la mort de la petite Madame Sophie (19 juin 1787)…], ses cheveux étaient devenus presque blancs. Maigrie, abattue, elle fit pitié au diplomate.
Françoise Kermina
« J’ai eu devant moi une femme désespérée, à l’extrême limite de la résistance, écrit-il à son maître, et cela donne de la vraisemblance aux bruits que j’ai recueillis les jours passés, d’après lesquels, à un certain moment, elle a cherché à s’empoisonner. »
Elle avait dit à ses proches en effet, et de là vint sans doute cette fausse rumeur, qu’elle avait en permanence sur elle le moyen de se soustraire à d’ignominieux outrages.»
Le poison … c’est un moyen dont disposeront les résistants en cas de capture … il faut croire que dans le fond comme dans la forme cela était similaire pour Marie-Antoinette…
Que l’on prononce, désespéré, des propos de renoncement à la vie, c’est probable ; mais de là à envisager sérieusement le passage à l’acte, c’est bien autre chose. N’oublions pas leur foi ! Le suicide n’est alors pas du tout envisageable.
Cet extrait de l’ambassadeur d’Espagne montre que le poison a été lié à la Reine, soit qu’on dise qu’Elle en portait sur Elle, soit qu’on L’estime en danger, comme Madame Campan, à qui Marie-Antoinette avait rétorqué :
« Le poison n’est pas une arme de ce siècle : c’est par la calomnie qu’on me fera périr.»
Marie-Antoinette, citée par Madame Campan dans ses mémoires
En mars 1791
Louis XVI ne pouvant plus prendre assez d’exercice, tombe malade ; et des fenêtres des Tuileries, quand il aperçoit de simples artisans, de pauvres ouvriers se promenant dans le jardin avec leurs femmes et leurs enfants, il se prend à les envier.
Dimanche 6 mars 1791
Louis XVI prend de l’émétique. Il assiste à la messe dans son lit. Il se lève et s’habille après jusqu’à l’ordre.
Le 10 mars 1791
Bulletin de santé du Roi à huit heures du matin
Il est lu en début de séance de l’Assemblée nationale.
La fièvre a eu le même cours hier, mais elle a été moins vive : la rémission a été entre trois et quatre heures, et le redoublement a commencé à sept heures. Tous les symptômes de la gorge ont été moindres ; cependant il a paru dans plusieurs crachats.
Ce sang, au reste, vient manifestement de la gorge, et nullement de la poitrine qui s’est maintenue assez libre. La bile a coulé avec plus de facilité, les urines sont toujours rares et foncées. La nuit a été tranquille. Ce matin, la fièvre est modérée.
Signé par Monnier, Le Servolle, Vicq d’Azyr, Andouillé et Lousteneau
——–
Louis XVI prend pour la seconde fois de l’émétique, et se lève l’après-midi.
Dimanche 13 mars 1791
Bulletin de santé du Roi lu à l’ouverture de la séance de l’Assemblée nationale :
« Deux heures de sommeil et une bonne matinée ont réparé hier le défaut de la nuit ; l’enrouement a continué avec quelques quintes de toux gutturale ; la bile a coulé ; les urines ont été plus abondantes et plus claires ; la nuit a été bonne, à quelques moments de toux près, qui n’ont point interrompu le sommeil. Les urines de la nuit et du matin sont dans l’état naturel.»
Signé par Le Monnier, La Servolle, Vicq d’Azyr, Andouillé et Lousteneau
Les médecins annoncent la convalescence du Roi.
Louis XVI se lève après la messe.
Mercredi 16 mars 1791
Bulletin de santé du Roi lu à l’ouverture de la séance de l’Assemblée nationale :
« L’état du Roi est toujours satisfaisant. L’enrouement subsiste encore. Le petit lait que le Roi prend depuis quelques jours, entretient le ventre libre. Le Roi sera purgé incessamment.»
Signé par Le Monnier, La Servolle, Vicq d’azyr, Andouillé et Lousteneau
———
Louis XVI se lève et s’habille. Il se promène, le matin, dans ses appartements.
Le 17 mars 1791
Louis XVI prend médecine.
Dimanche 20 mars 1791
La santé du Roi est entièrement rétablie. Louis XVI paraît en public, et entend la messe dans la chapelle des Tuileries. Les habitants de Paris donnent des témoignages de leur joie à cette occasion.
Les médecins conseillent au Roi d’aller, pendant sa convalescence, prendre l’air à la campagne. Depuis plus de six mois, il ne fait d’autre exercice que d’aller le long de la terrasse de la rivière voir son fils.
Le 23 mars 1791
Louis XVI prend médecine et entend la messe chez lui.
Le 18 avril 1791
La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud.

Tableau de Joseph Navlet
Le 26 mai 1791
L’Etat alloue au Roi et sa famille une liste civile de vingt-cinq millions de francs chaque année.
En cas de veuvage, la Reine recevra un douaire de quatre millions.
Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.

Michèle Morgan et Richard Todd dans le film de Jean Delannoy ( 1956)
Le 24 avril 1791
La famille royal est obligée d’entendre la messe pascale à l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois célébrée par l’abbé Corpet, prêtre jureur.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
A neuf heures du soir
Les Provence se présentent aux Tuileries pour le souper qui ne dure qu’une demi-heure. Le Roi « ordonne positivement » à son cadet de gagner Longwy par les les Pays-Bas autrichiens.
A dix heures
La Reine monte réveiller Ses enfants. C’est là qu’Elle met au courant Antoinette madame Brunyer qui dormait aux côtés de la petite Marie-Thérèse.
Image de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Au rez-de-chaussée, madame de Tourzel tient prête la robe d’indienne à fond « merde d’oie » qui doit faire passer la princesse pour mademoiselle de Korff. La Reine laisse à madame Brunyer le choix de La suivre ou de rester, puisqu’elle a mari et enfants. Les deux femmes ont alors un bref échange, un moment d’abandon. Antoinette n’hésite pas un instant. Elle accepte de partir sans même embrasser le médecin, qui loge pourtant à quelques pas. De son côté, la Première femme de chambre du Dauphin, madame de Neuville, est dans la confidence et prête à partager l’aventure. Ces deux dames obéissent aveuglément. Elles ont pour consigne de se rendre à Claye, sur la route de Champagne, et d’y attendre devant le relais de nouveaux ordres.

Madeleine Rousset est Madame de Tourzel dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Marie-Antoinette fait pénétrer Madame de Tourzel et ses pupilles dans l’appartement récemment déserté par le duc de Villequier, parvient à la partie vitrée donnant sur le Carrousel, où les attend Monsieur de Fersen, en manteau de cocher, depuis trois quarts d’heure.
A onze heures moins dix
Axel de Fersen emmène des Tuileries le Dauphin, sa sœur, Marie-Thérèse et leur gouvernante, la marquise de Tourzel. Il fait un tour du Louvre par les quais et revient se positionner rue de l’Échelle à côté du Louvre en attendant le Roi, la Reine et Madame Élisabeth.

Axel de Fersen
A onze heures et demi du soir
Louis XVI et Marie-Antoinette font semblant de se coucher selon le cérémonial habituel. La Fayette et Romeuf (1766-1812) sont venus faire la visite de courtoisie habituelle au Roi retardant ainsi la fin de la cérémonie du coucher.

Image de Marie-Antoinette de Jean Delannoy
A onze heures quarante
Le Roi quitte sa chambre d’apparat pour son logis ordinaire, se met au lit, puis , pendant que son valet Lemoine se dévêt en silence dans un cabinet voisin, il passe chez le Dauphin, s’habille d’un gilet brun, d’une redingote vert bouteille et se coiffe d’un chapeau rond.

Louis XVI sous le déguisement emprunté pour le voyage (Gravure de Maurin)
De Son côté, la Reine s’habille des vêtements qu’Elle a cachés dans un coffre fermé à clef.
Mardi 21 juin 1791
Minuit
Louis XVI, déguisé en valet de chambre, il tiendra le rôle de Durand, intendant, luttant contre sa propension à se dandiner_encore qu’on ait persuadé le comte de Coigny, qui a une physionomie comparable à celle du Roi, d’adopter la même démarche pour habituer les sentinelles…_sort des Tuileries et prend même le temps de reboucler son soulier.
A minuit dix
Louis XVI monte dans une « citadine » (voiture de ville) stationnée près des Tuileries, rue de l’Échelle, qui sera conduite par le marquis de Briges ( 1715-1795). Il y retrouve sa sœur et ses enfants.
A minuit trente-cinq
Marie-Antoinette qui s’était perdue dans les méandres des rues entourant le Louvre, retrouve enfin Sa famille !

Image de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
A Minuit cinquante
Depuis la rue de l’Échelle, la famille royale rejoint la rue de Clichy et atteint la berline avec une heure et demie de retard sur l’horaire prévu par Choiseul et Goguelat (1746-1831), général de cavalerie. On imagine l’angoisse de mesdames Brunyer et Neuville !

Image de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
A une heure quarante
La Famille Royale passe, sans mettre pied à terre de la citadine à la berline.
Deux heures du matin
Départ de Paris.
A deux heures vingt du matin
Premier relais à Bondy: Axel de Fersen qui avait accompagné la Famille Royale La quitte en criant » Adieu, Madame de Korff!».
Image de l’Evasion de Louis XVI de Vincent Sélignac

Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.

Dix heures cinquante du soir
Arrivée de la berline royale à Varennes où devaient les attendre soixante hussards du Régiment de Lauzun, commandés par M. de Rodewels, sous-lieutenant, de Bouillé fils et de Raigecourt.

Entrée de Varennes dans La Nuit de Varennes (1982) d’Etorre Scola
L’entrée dans Varennes
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Mercredi 22 juin 1791
A minuit et demi
Le juge Destez qui a vécu assez longtemps à Versailles (il est gendre d’un officier de bouche de la Reine), et que Jean-Baptiste Sauce est allé chercher, reconnaît formellement le Roi.
Il s’incline : « Bonjour, sire».
Louis XVI marque un temps , puis embrassant l’épicier Sauce :
« Oui, mes amis, je suis votre roi : placé dans la capitale au milieu des poignards et des baïonnettes, je viens chercher en province et au milieu de mes fidèles sujets la liberté dont vous jouissez tous. Je ne puis plus rester à Paris sans y mourir, ma famille et moi.»
Les hussards de Lauzun, cantonnés au Couvent des Cordeliers, n’ayant pas été rassemblés par leurs officiers (dont le lieutenant Bouillé, fils du marquis de Bouillé), pactisent avec la foule. Le chirurgien Mangin monte à cheval pour porter la nouvelle à Paris.

Louis XVI et sa famille à Varennes par François-Marie-Isidore Queverdo



À la Reine qui croyait abusivement pouvoir compter sur son soutien, la réplique de madame Sauce, épouse de l’aubergiste, montre clairement le changement des mentalités qui s’opérait chez les Français : « Madame, vous vous souciez des intérêts de votre mari, souffrez que je me soucie des intérêts du mien ».

Estelle Skornik est Marie-Antoinette dans L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
La Reine essaie d’émouvoir madame Sauce, née Marie-Jeanne Fournel, elle-même mère de cinq enfants, en parlant de Sa famille. Mais l’épicière est obligée de penser aux siens et à ce qui leur adviendra si elle empêche le cours de l’Histoire de se dérouler.

Goguelat face à Louis XVI chez Sauce dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Pour tenter de ralentir, voire empêcher, le départ, Madame de Neuville, la première femme du Dauphin, feint de souffrir d’une colique violente se jette sur un lit en pleurant et en demandant du secours. Le Roi et la Reine refusent d’abandonner à ses souffrances une femme qui s’est dévouée à les suivre.
Le subterfuge ne fait pas effet longtemps…
A six heures du matin
La Reine en apercevant le capitaine d’Eslon pénétrer dans l’épicerie, reprend un moment espoir car avec l’officier, ce sont une soixantaine de hussards qui viennent d’entrer dans la ville. En effet ce dernier vient se présenter au Roi et attend ses ordres ; Marie-Antoinette lui demande d’aller expliquer sans tarder la situation à Bouillé qui ne tardera pas à venir elle en est certaine. Pour montrer un signe d’apaisement ce dernier va se poster à la Porte de Varennes et attendra.
A six heures et demie
Plus d’un millier de personnes a envahi le bourg, ce ne sont plus des cris mais des hurlements, la peur de l’arrivée des hommes de Bouillé décuple leurs forces. On commence à entendre « Nous les traînerons par les pieds dans la voiture – A Paris, A Paris ».
A sept heures du matin
Arrivée chez Sauce des gardes françaises venus de Paris, , Bayon et Romeuf, porteurs d’un décret d’arrestation concernant le Roi.

Arrivée de Bayon et Romeuf chez Sauce dans La Nuit de Varennes (1982) d’Ettore Scola
En voyant Romeuf, Marie-Antoinette reconnaît Son ancien écuyer : « Vous, Romeuf ? Je ne l’aurais pas cru ! »
« Epris de bonne foi des chimères constitutionnelles de son général, enthousiaste de lui et comme lui, le jeune Romeuf avait cependant conservé la candeur de son âge et la pureté d’un heureux naturel. Il répondit à la reine qu’il n’avait jamais cru l’atteindre, et que ç’avait été le premier mot que lui avait adressé M. de La Fayette en lui donnant l’ordre d’aller à la découverte ; mais que, dans tous les cas, ils avaient pensé, l’un et l’autre, qu’il serait moins douloureux pour la reine de voir auprès d’elle un homme sur le respect de qui elle devait compter. Il chercha ensuite à justifier son général, observant que, loin d’avoir été l’auteur de la catastrophe actuelle, M. de La Fayette avait été au moment de s’en trouver la victime ; que la fureur populaire l’avait rendu responsable de l’évasion du roi ; et que sur la place de Grève on avait descendu la lanterne fatale pour l’y attacher.»
Joseph Weber
Le Roi soupire : «Il n’y a plus de roi en France».

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Abasourdie, Marie-Antoinette lit à Son tour le décret. Le Roi le reprend, le relit et le dépose sur le lit. Aussitôt Marie-Antoinette s’en saisit et le jette. «Je ne veux pas qu’il souille mes enfants !»
A huit heures moins le quart
Les patriotes de Varennes, avec les envoyés de l’Assemblée législative, Bayon et Romeuf, officiers de la garde nationale de Paris, arrivés vers sept heures, décident de renvoyer la famille royale à Paris. Alertée par le tocsin qui sonne partout une foule énorme vient border la route suivie par le cortège des « prisonniers », encadré par la garde nationale varennoise et les dragons ralliés aux patriotes.
Louis XVI s’incline enfin, il accepte de partir mais pour Fontainebleau, puis avec l’espoir de gagner encore un peu de temps demande qu’on lui serve un repas. Les plats arrivent, la famille mange en silence et Louis XVI à la fin du repas feint de s’endormir ! Louis-Charles et sa sœur que la Reine a réveillés pour le repas se rendorment eux aussi.
La voiture vient se placer devant la porte de la maison Sauce et enfin la famille royale s’y engouffre. Choiseul en fermant la porte dira « Je crus voir Charles Ier livré par les Ecossais ! ».
A huit heures
La berline royale reprend la route de Paris. Marie-Antoinette et les siens reprennent la route qui les mènera à Paris, ils ont mis moins de vingt quatre heures pour se rendre à Varennes, il vont mettre quatre jours pour rentrer dans Paris, quatre jours durant lesquels ce ne seront qu’injures, insultes, menaces pour toute la famille, même la présence des représentants de la Nation venus à leur rencontre n’arrêteront pas cette folie qui a envahi les hommes. Encore aujourd’hui on se demande comment ils sont arrivés en vie à Paris.


Le comte de Dampierre, baron de Hans, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel d’infanterie (né en 1745), quand il s’entretient avec elle à la portière de son cabriolet, est assassiné sous ses yeux près de la voiture du Roi à Chaudefontaine, alors qu’il ne s’approchait que pour offrir ses hommages à son digne maître. Antoinette Brunyer, l’une des deux femmes de chambre qui ont accompagné la famille royale, prise un instant pour la Reine, échappe de justesse au même sort.

Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Le passage de la berline royale devant l’Hôtel de ville de Châlons , par Joseph Navlet
Jérôme Pétion et Antoine Barnave montent dans la berline royale à Châlons-en-Champagne. Pendant le voyage du retour, Marie-Antoinette converti Barnave (1761-1793) à Sa cause.



Ils entameront une correspondance clandestine.

Antoine Barnave
La Famille Royale termine ce retour de Varennes par un trajet long et difficile, ralenti ou interrompu par des manifestants qui lancent aux fugitifs injures et quolibets.

sont entourées d’un peuple menaçant qui brandit des faux et des baïonnettes.
A Paris, on a affiché dans les rues : «Quiconque applaudira Louis XVI sera bâtonné ; quiconque l’insultera sera pendu».

C’est donc dans un lourd silence que le Roi retrouve la capitale dans la soirée du 25 juin. Le cortège passe au milieu d’une haie de gardes nationaux portant leurs crosses de fusils à l’envers, comme pour un enterrement.
Le Roi est suspendu.
En rentrant aux Tuileries, Marie-Antoinette se rafraîchit de ce voyage épuisant et si angoissant et en se regardant dans le miroir, Elle s’aperçoit que Sa chevelure blond cendré est devenue aussi blanche que celle d’une femme de soixante-dix ans…


C’est Madame Campan qui parle de ce blanchiment si brusque, donc on peut y voir à redire quant à l’authenticité des faits … Car Rosalie Lamorlière, à la Conciergerie, constatera encore des lueurs de cheveux «blonds et non pas rouges, mais gris aux tempes», en coiffant la Reine. Le retour de Varennes a donc dû provoquer des cheveux blancs à Marie-Antoinette, assurément, mais pas tous !
La Reine se préoccupe de n’inquiéter personne de ceux Qui les ont aidés pour ce malheureux voyage.
Le 26 juin 1791
Le lendemain du retour de Varennes, le Dauphin dit en se réveillant:
«J’ai fait un rêve affreux : J’étais entouré de loups, de tigres, de bêtes féroces qui voulaient me dévorer.»
Louis-Charles
Ce n’était pas seulement l’enfant , c’était la famille royale tout entière qu’ébranlait violemment la secousse du fatal voyage. Elle se réveilla captive aux Tuileries. On ne pouvait se faire d’illusions. Le château était une prison.
Marie-Antoinette entame avec Antoine Barnave une correspondance secrète par l’intermédiaire du chevaliers de Jarjayes (1745-1822).
Antoine Barnave entre alors en correspondance suivie avec la souveraine et La rencontre à plusieurs reprises. Malgré un échange de lettres quasi quotidien pendant de nombreux mois, les différents projets ne se concrétisent pas. Pour des raisons de prudence, c’est Jarjayes qui écrit à la place de Barnave , soit sous sa dictée, soit en recopiant un texte préparé.

Marie-Antoinette par Alexander Kucharski
Barnave rejoint alors les monarchistes constitutionnels du club des Feuillants, ce qui lui vaut la haine du peuple parisien et des jacobins lesquels dénoncent « Barnave noir derrière, et blanc devant ».
Caricature de Barnave en politicien jouant double jeu.
La comtesse de Jarjayes permet d’acheminer cette correspondance, du moins dans les premiers temps, quand la Reine est sous étroite surveillance aux Tuileries, après le retour de Varennes, c’est-à-dire pendant environ trois mois. Femme de chambre de Marie-Antoinette, jouissant d’une entière confiance, elle donne à son mari les lettres destinées à Barnave, et remet à la Reine les lettres en réponse de Barnave, apportées par le comte.
Marie-Antoinette écrit la lettre sur une table placée près de Son lit, et la cache sous un livre. Sur un signe convenu, la comtesse s’approche , fait semblant d’effectuer un rangement ; elle s’empare de la lettre en tournant le dos à la porte et la glisse dans son corsage.

Quand son mari vient, elle se jette dans ses bras et, pendant qu’ils s’étreignent, elle place la lettre dans la poche du comte. Celui-ci, dès qu’il le peut, se rend auprès de Barnave à qui il remet la missive royale. Ce dernier, après en avoir pris connaissance, dicte sa réponse au comte de Jarjayes, qui l’apporte à sa femme, laquelle la remet discrètement à Marie-Antoinette.
Il existe, bien sûr des variantes à ce scénario, toutes les façons d’agir ont pour but de déjouer la surveillance.

Dans certains cas, Marie-Antoinette donne des instructions précises à Son agent :
« Je désire, par l’attachement que je vous connais pour ma personne et pour le bien public, que vous cherchiez à voir M. Barnave et que vous lui disiez que …»

Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.


« Sur proposition de M. de La Fayette, on décréta la mise en liberté de toutes les personnes détenues à l’occasion du voyage du roi (…) on accorda une amnistie à ceux qui avaient contribué au voyage de Varennes (…)
Madame de Tourzel
Le décret de l’amnistie m’ayant rendu la liberté, je repris mes fonctions auprès de Mgr le Dauphin et de Madame et je les suivis le lendemain à l’Assemblée. Nous allâmes dans une loge préparée pour la reine (…) Le roi prononça, debout et découvert, le serment prescrit par l’Assemblée».
Le 5 octobre 1791
Entrevue secrète avec Barnave.
Mercredi 8 novembre 1791
Louis XVI se promène à cheval, et il est insulté par une femme qui lui dit qu’il ferait mieux de donner du pain et de la tranquillité à son peuple en sévissant contre des citoyens malveillants, que de se promener. Un jeune homme veut ôter son chapeau pour le saluer, ses voisins le forcent à le remettre.
Le 11 novembre 1791
Le Roi oppose son veto aux décrets des 31 octobre et 9 novembre.

Le 29 novembre 1791
Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Le 29 décembre 1791
Marie-Antoinette se rend à l’opéra assister au ballet de Psyché. On donne également Les Prétendus de Lemoyne. Elle y est acclamée.
La loi du 20 janvier 1792, qui déclare, aux termes de l’article II du Titre III de la constitution :
« que faute d’être rentré dans le Royaume, sur la réquisition du corps législatif, proclamé le 7 janvier, Louis Stanislas Xavier, prince français, est censé avoir abdiqué son droit à la régence, qu’en conséquence, il en est déchu. »
Le 13 février 1792
Visite clandestine de Fersen aux Tuileries.
Le 20 février 1792
La Reine paraît à la Comédie-Italienne pour la dernière fois.

Michèle Morgan (1956)
Elle est saluée par Madame Dugazon qui chante : « Ah! que j’aime ma maîtresse» dans Les Événements Impromptus.

Rosalie Dugazon
Le 1er mars 1792
Léopold II, le frère de Marie-Antoinette, meurt.

Avènement de Son neveu François II, qui sera couronné Empereur le 19 juillet.
Le 25 mars 1792
Ultimatum de la France sur l’Autriche.
Le 29 mars 1792
Mort du Roi Gustave III de Suède, qui avait beaucoup d’amitié pour Marie-Antoinette.

Au cours du bal masqué de l’Opéra royal de Stockholm, le Roi est assassiné d’un coup de pistolet par Jacob Johan Anckarström.
Le 20 avril 1792
Déclaration de guerre au Roi de Bohême et de Hongrie, François II.
Louis XVI déclare la guerre à l’Autriche devant l’Assemblée Constituante ; Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Le 23 mai 1792
Louis XVI écrit une lettre à la municipalité de Paris sur le bruit qui se répand qu’il veut, à nouveau, sortir de Paris.
Le 27 mai 1792
Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 11 juin 1792
Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.
Lui et la Reine sont désormais surnommés «Monsieur et Madame Veto».
Le 14 juin 1792
Danton propose que Louis XVI répudie Marie-Antoinette afin de mettre fin à la soi-disant influence autrichienne.
Le 20 juin 1792
Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries.
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le peuple de Paris pénétrant dans le palais des Tuileries le 20 juin 1792 par Jan Bulthuis, vers 1800

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)

« Avec le courage passif qui est le sien », selon Michel Vovelle, le Roi subit sans faiblir pendant deux heures le défilé de la foule, accepte de coiffer le bonnet phrygien et boit à la santé de la Nation pour faire passer les paroles de Legendre :
« Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore », mais refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, invoquant la loi et la constitution.
Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine,
elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares … les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :


On voit bien que l’auteur de cette peinture s’est inspiré d’un buste de Marie-Antoinette (celui de Lecomte) pour La représenter
« Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène. L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine. Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta :
« c’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez ».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : « c’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne »».


Mesdames de Lamballe, de Tarente, de La Roche-Aymon, de Mackau entourent alors la Reine, ainsi que Madame de Tourzel qui souligne dans ses Mémoires :
« La Reine était toujours dans la chambre du Roi, lorsqu’un valet de chambre de Mgr le Dauphin accourut tout hors de lui avertir cette princesse que la salle était prise, la garde désarmée, les portes de l’appartement forcées, cassées et enfoncées, et qu’on le suivait.
Madame de Tourzel
On se décida à faire entrer la Reine dans la salle du Conseil, par laquelle Santerre faisait défiler sa troupe pour lui faire quitter le château. Elle se présenta à ces factieux au milieu de ses enfants, avec ce courage et cette grandeur d’âme qu’elle avait montrés les 5 et 6 octobre, et qu’elle opposa toujours à leurs injures et à leurs violences.
Sa Majesté s’assit, ayant une table devant elle, Mgr le Dauphin à sa droite et Madame à sa gauche, entourée du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui ne cessa d’opposer un mur inébranlable au peuple rugissant, qui l’invectivait continuellement.
Plusieurs députés s’étaient aussi réunis auprès d’elle.
Santerre fait écarter les grenadiers qui masquaient la Reine, pour lui adresser ces paroles :
» On vous égare, on vous trompe, Madame, le peuple vous aime mieux que vous le pensez, ainsi que le Roi ; ne craignez rien.
– Je ne suis ni égarée ni trompée, répondit la Reine, avec cette dignité qu’on admirait si souvent dans sa personne, et je sais (montrant les grenadiers qui l’entouraient) que je n’ai rien à craindre au milieu de la garde nationale « .
Santerre continua de faire défiler sa horde en lui montrant la Reine. Une femme lui présente un bonnet de laine ; Sa Majesté l’accepte, mais sans en couvrir son auguste front. On le met sur la tête de Mgr le Dauphin, et Santerre, voyant qu’il l’étouffait, le lui fait ôter et porter à la main.
Des femmes armées adressent la parole à la Reine et lui présentent les sans-culottes ; d’autres la menacent, sans que son visage perde un moment de son calme et de sa dignité.
Les cris de « Vivent la Nation, les sans-culottes, la liberté ! à bas le veto ! » continuent.
Cette horde s’écoule enfin par les instances amicales et parfois assez brusques de Santerre, et le défilé ne finit qu’à huit heures du soir. Madame Elisabeth, après avoir quitté le Roi, vint rejoindre la Reine, et lui donner de ses nouvelles. Ce prince revint peu après dans sa chambre, et la Reine, qui en fut avertie, y entra immédiatement avec ses enfants.»

Images de Marie-Antoinette (1938)

Vers dix heures du soir
Pétion et les officiers municipaux font évacuer le château.
Même s’il a subi une humiliation, Louis XVI a fait échouer la manifestation, par son obstination imprévue et sa fermeté tranquille, et il se tient désormais sur ses gardes.
Surtout, elle renforce l’opposition royaliste, le déchaînement de la foule et le courage du Roi suscitant un courant d’opinion en sa faveur. Des départements parviennent à Paris adresses et pétitions pour dénoncer la manifestation, même si de nombreux clubs envoient des pétitions hostiles au Roi.
Pétion est suspendu de ses fonctions de maire.
Le 22 juin 1792
Louis XVI rencontre le marquis Bertrand de Molleville dans lequel il a une grande confiance et lui dit :
« J’ai bien vu avant-hier qu’ils voulaient m’assassiner, et je ne conçois pas encore pourquoi ils ne l’ont pas fait ; mais soyez assuré que je ne l’échapperai pas toujours. Il y a bien des clameurs contre moi, et je n’en suis pas heureux ! Si j’étais seul, je risquerais une tentative…
Bertrand de Molleville
Oh ! Si ma femme, mes enfants, ma sœur n’étaient pas avec moi, on verrait que je ne suis pas si faible qu’on l’imagine… Mais quel serait leur sort si des mesures rigoureuses, qu’il serait bon de prendre, n’étaient pas suivies du succès ? J’ai beau être Roi, je suis époux, père et frère, et les périls de ceux que j’aime m’arrêtent… »
Louis XVI conserve sa détermination à défendre la Constitution en espérant un sursaut de l’opinion en sa faveur, ce qui se manifeste le 14 juillet 1792, troisième fête de la fédération, étant l’objet de manifestations de sympathie.
Après le 14 juillet 1792
Madame Campan rapportent les inquiétudes de la Reine :
« Je commence à redouter un procès pour le roi ; quant à moi, je suis étrangère, ils m’assassineront, que deviendront nos pauvres enfants ? »
Un torrent de larmes suit ces douloureuses exclamations. Madame Campan veut Lui donner une potion anti-spasmodique, qu’Elle refuse en disant que les maux de nerfs sont la maladie des femmes heureuses, que l’état cruel dans lequel Elle est réduite rend ces secours inutiles. En Ses temps heureux, la Reine avait souvent des crises spasmodiques mais Sa santé est des plus égales car les Facultés de Son âme soutiennent Ses forces physiques.
A Son insu, Madame Campan Lui a fait faire un corset semblable au gilet du Roi ; mais Elle ne veut pas en faire usage :
« Si les factieux m’assassinent ce sera un bonheur pour moi, ils me délivreront de l’existence la plus douloureuse.»
Marie-Antoinette
Cela fait écho à la réflexion de Sa sœur Marie-Caroline, à propos des journées d’octobre …
Le 21 juillet 1792
Louis XVI écrit ce vœu de consécration de sa personne, sa famille et tout son Royaume au Sacré-Cœur de Jésus, qu’il remet au père Hébert, supérieur général des Eudistes et confesseur du Roi :
« Vous voyez, ô mon Dieu, toutes les plaies qui déchirent mon cœur, et la profondeur de l’abîme dans lequel je suis tombé. Des maux sans nombre m’environnent de toutes parts. A mes malheurs personnels et à ceux de ma famille, qui sont affreux, se joignent, pour accabler mon âme, ceux qui couvrent la face du royaume. Les cris de tous les infortunés, les gémissements de la religion opprimée retentissent à mes oreilles, et une voix intérieure m’avertit encore que peut-être votre justice me reproche toutes ces calamités, parce que, dans les jours de ma puissance, je n’ai pas réprimé la licence du peuple et l’irréligion, qui en sont les principales sources ; parce que j’ai fourni moi-même des armes à l’hérésie qui triomphe, en la favorisant par des lois qui ont doublé ses forces et lui ont donné l’audace de tout oser.
Je n’aurai pas la témérité, ô mon Dieu, de me justifier devant vous ; mais vous savez que mon cœur a toujours été soumis à la foi et aux règles des mœurs ; mes fautes sont le fruit de ma faiblesse et semblent dignes de votre grande miséricorde. Vous avez pardonné au roi David, qui avait été cause que vos ennemis avaient blasphémé contre vous ; au roi Manassès, qui avait entraîné son peuple dans l’idolâtrie. Désarmé par leur pénitence, vous les avez rétablis l’un et l’autre sur le trône de Juda ; vous les avez fait régner avec paix et gloire. Seriez-vous inexorable aujourd’hui pour un fils de saint Louis, qui prend ces rois pénitents pour modèles, et qui, à leur exemple, désire réparer ses fautes et devenir un roi selon votre Cœur ? Ô Jésus-Christ, divin Rédempteur de toutes nos iniquités, c’est dans votre Cœur adorable que je veux déposer les effusions de mon âme affligée. J’appelle à mon secours le tendre Cœur de Marie, mon auguste protectrice et ma mère, et l’assistance de saint Louis, mon patron et le plus illustre de mes aïeux.
Ouvrez-vous, Cœur adorable, et par les mains si pures de mes puissants intercesseurs, recevez avec bonté le vœu satisfactoire que la confiance m’inspire et que je vous offre comme l’expression naïve des sentiments de mon cœur.
Si, par un effet de la bonté infinie de Dieu, je recouvre ma liberté, ma couronne et ma puissance royale, je promets solennellement :
De révoquer le plus tôt possible toutes les lois qui me seront indiquées, soit par le pape, soit par quatre évêques choisis parmi les plus vertueux de mon royaume, comme contraires à la pureté et à l’intégrité de la foi, à la discipline et à la juridiction spirituelle de la sainte Eglise catholique, apostolique, romaine, et notamment la constitution civile du clergé ;
De rétablir sans délai tous les pasteurs légitimes et tous les bénéficiés institués par l’Eglise, dans les bénéfices dont ils ont été injustement dépouillés par les décrets d’une puissance incompétente, sauf à prendre les moyens canoniques pour supprimer les titres de bénéfices qui sont moins nécessaires, et pour en appliquer les biens et revenus aux besoins de l’Etat ;
De prendre, dans l’intervalle d’une année, tant auprès du pape qu’auprès des évêques de mon royaume, toutes les mesures nécessaires pour établir, suivant les formes canoniques, une fête solennelle en l’honneur du Sacré Cœur de Jésus, laquelle sera célébrée à perpétuité dans toute la France, le premier vendredi après l’octave du Saint-Sacrement, et toujours suivie d’une procession générale, en réparation des outrages et des profanations commis dans nos saints temples, pendant le temps des troubles, par les schismatiques, les hérétiques et les mauvais chrétiens ;
D’aller moi-même en personne, sous trois mois à compter du jour de ma délivrance, dans l’église Notre-Dame de Paris, ou dans toute autre église principale du lieu où je me trouverai, et de prononcer, un jour de dimanche ou de fête, au pied du maître-autel, après l’offertoire de la messe, et entre les mains du célébrant, un acte solennel de consécration de ma personne, de ma famille et de mon royaume au Sacré Cœur de Jésus, avec promesse de donner à tous mes sujets l’exemple du culte et de la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable ;
D’ériger et de décorer à mes frais, dans l’église que je choisirai pour cela, dans le cours d’une année à compter du jour de ma délivrance, une chapelle ou un autel qui sera dédié au Sacré Cœur de Jésus, et qui servira de monument éternel de ma reconnaissance et de ma confiance sans bornes dans les mérites infinis et dans les trésors inépuisables de grâces qui sont renfermés dans ce Cœur sacré ;
Enfin, de renouveler tous les ans, au lieu où je me trouverai, le jour qu’on célébrera la fête du Sacré-Cœur, l’acte de consécration exprimé dans l’article quatrième, et d’assister à la procession générale qui suivra la messe de ce jour.
Je ne puis aujourd’hui prononcer qu’en secret cet engagement, mais je le signerais de mon sang s’il le fallait, et le plus beau jour de ma vie sera celui où je pourrai le publier à haute voix dans le temple.
Ô Cœur adorable de mon Sauveur ! Que j’oublie ma main droite et que je m’oublie moi-même, si jamais j’oublie vos bienfaits et mes promesses, et cesse de vous aimer et de mettre en vous ma confiance et toute ma consolation. Ainsi soit-il.»
Louis XVI
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 1er août 1792
Louis XVI annonce à l’Assemblée nationale, enfin, que le ministère est constitué : M. de Joly à la justice, M. Champion de Villeneuve à l’intérieur, M. Dubouchage à la marine, M. d’Abancourt à la guerre, M. Leroux de la Ville aux contributions publiques et à M. Bigot de Sainte-Croix aux affaires étrangères.
C’est le dernier ministère de Louis XVI
Le 3 août 1792
Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.
Le 10 août 1792
La journée du 10 août commence en réalité dans la nuit du 9 au 10 août. En pleine nuit, le tocsin sonne au couvent des Cordeliers. Une heure plus tard, toutes les églises de Paris répondent au signal donné par Danton.

Ce sont les quarante-huit sections de Paris, dont les révolutionnaires se sont rendus maîtres. Danton lance alors les sections parisiennes à l’assaut de l’hôtel de Ville, met à la porte la municipalité légale et y installe sa «commune insurrectionnelle», qui s’effondrera le 9 thermidor avec Robespierre.

Geneviève Casile, Marie-Antoinette (1976), observe le ciel rouge de Paris ce matin-là…
Le deuxième acte se joue alors. Le commandant de la garde Nationale, Galliot de Mandat, favorable à Louis XVI, est convoqué à l’hôtel de ville. C’est un piège. Dès qu’il y pénètre, il est assassiné. Son corps est jeté dans la seine, et sa tête, plantée sur une pique. Antoine Santerre (1752-1809), le roi des faubourgs, le remplace.

Antoine Santerre

Les Tuileries constituent le dernier objectif. Pour défendre le palais, le Roi peut compter sur ses mille à mille deux cents gardes Suisses, sur trois cents chevaliers de Saint louis, sur une centaine de nobles et de gentilshommes qui lui sont restés fidèles. La Garde nationale est passée dans le camp adverse. Seul le bataillon royaliste des «filles de Saint Thomas» est demeuré fidèle au souverain.

On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.




Roederer, le «procureur syndic du département» convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.


Lise Delamare est Marie-Antoinette dans La Marseillaise (1938) de Jean Renoir

Gravure allemande représentant la Famille Royale à l’Assemblée


Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».

Images d’Un peuple et son Roi (2018) de Pierre Schoeller



Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logographe) , où la famille royale reste toute la journée. Louis XVI. en proie à la plus vive anxiété, se réfugie avec sa famille au sein de l’assemblée, où il entre en disant :
« Je suis venu ici pour éviter un grand crime qui allait se commettre. »

Dans ses mémoires, Madame de Tourzel raconte ainsi la scène :
« Nous traversâmes tristement les Tuileries pour gagner l’Assemblée. MM. de Poix, d’Hervilly, de Fleurieu, de Bachmann, major des Suisses, le duc de Choiseul, mon fils et plusieurs autres se mirent à la suite de Sa Majesté mais on ne les laissa pas entrer ».



Jane Seymour est Marie-Antoinette dans les Années Lumières (1989)
La foule envahit la cour du château et cherche à gagner les étages supérieurs.


La Prise des Tuileries , par Joseph Navlet

Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.



Les révolutionnaires qui saccagent les Tuileries trouvent des corsets rembourrés dans la chambre de la Reine : toujours pour corriger Son épaule plus basse …

Saccage de la chambre de la Reine aux Tuileries
Le Roi est suspendu de ses fonctions.


![“Still kept on the box at the Assembly, we witnessed the horrors of all kinds which there took place. Sometimes they assailed my father and all his family with [the basest and most atrocious] insults, triumphing over him with cruel joy; sometimes...](https://66.media.tumblr.com/a41fee59ad7183d38600ea70b78c98a7/tumblr_oui0yeJJad1qatfdco1_500.png)

Le soir du 10 août 1792
La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.
« La Reine en éprouva une telle révolution , que sa poitrine et son visage devinrent , en un instants, tout vergetés.»
Madame de Tourzel
Encore une fois, on constate par là que les émotions subites par Marie-Antoinette influent considérablement sur Son état physique.
Vendredi 11 août 1792
La Famille Royale se trouve sans vêtements de rechange. M. Pascal, officier des cent suisses, qui a une corpulence comparable à celle de Louis XVI, lui offre des vêtements ; la duchesse de Gramont transmet du linge de corps à Marie Antoinette ; la comtesse Gover-Sutherland, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre, apporte des vêtements pour le prince royal.
Louis XVI apprenant l’envoi de linges que la duchesse de Gramont, sœur de feu le duc de Choiseul, vient de faire à la Reine, lui écrit le billet suivant, qui indique que la duchesse de Gramont ne borne pas ses offres à celle de quelques vêtements :
« Au sein de l’Assemblée nationale, le 11 août.
Louis XVI
Nous acceptons, Madame, vos offres généreuses, l’horreur de notre position nous en fait sentir tout le prix, nous ne pourrons jamais reconnaître tant de loyauté que par la durée de nos plus tendres sentiments.
Louis. »
Adélaïde Auguié (1758-1794), la sœur de Madame Campan, parvient à visiter la famille royale et elle prête alors à la Reine les vingt-cinq louis qu’elle avait à ce moment avec elle. Cela lui sera fatal : lorsqu’on viendra pour l’arrêter pour ce geste, le 26 juillet 1794, elle se défenêtrera du sixième étage …
Samedi 12 août 1792
Louis XVI et sa famille retournent, à dix heures, dans la loge du logographe.
Le soir, ils retournent aux Feuillants. Il espère y goûter un peu de repos et conserver avec lui les cinq gentilshommes qui l’avaient accompagné. Mais la garde est changée par des hommes jaloux et méchants. Le Roi passe, avec sa famille, dans la salle où l’on a préparé le souper. Ils sont servis, pour la dernière fois, par les cinq gentilshommes. La séparation prochaine rend ce repas triste et funèbre, car Louis XVI a appris qu’un décret ordonne de les faire arrêter. Louis XVI ne mange pas mais le prolonge autant qu’il le peut. Il ordonne aux cinq gentilshommes de le quitter, et leur fait embrasser ses enfants. Pendant ce temps, la garde monte pour se saisir d’eux mais ils arrivent à s’échapper par un escalier dérobé.
Le 13 août 1792
Caricature qui montre Louis XVI coiffé du bonnet vert des forçats

La Commune décide de transférer la famille royale au Temple… en passant par la place Louis XV qu’on a déjà rebaptisée Place de la Révolution, on montre au Roi comme la statue de son grand-père est en train d’être déboulonnée pour faire disparaître toutes les marques du régime qui devient dès lors ancien…

« Selon Madame de Tourzel, la famille royale, accueillie par Santerre, voit d’abord la cour du palais illuminée de lampions comme s’ils étaient attendus pour une fête ; on retrouve l’ambiance des grands couverts qui rythmaient la vie de Cour à Versailles et aux Tuileries… »
Charles-Eloi Vial
Après un splendide dîner servi dans l’ancien palais du comte d’Artois ( où la famille royale espère encore être logée) , la messe est dite dans un salon. Après avoir visité les lieux, Louis XVI commence à répartir les logements.

![“[After 1791] Their Majesties did not perform their Easter devotions in public, because they could neither declare for the constitutional clergy, nor act so as to show that they were against them.
The Queen did perform her Easter devotions in 1792;...](https://66.media.tumblr.com/3ca73e95905b7c0f0be018b01da3927d/774e4cfdc22df9c5-82/s500x750/f2f3fd077c6b99b00e6c15a9ed4a5662e7affec1.jpg)
A onze heures du soir
« Alors que le Dauphin est gagné par le sommeil et que madame de Tourzel est surprise d’être emmenée en direction de la Tour, le Roi comprend qu’il a été joué par la Commune.
Charles-Eloi Vial
Pétion, qui estimait que la grande Tour était en trop mauvais état, a résolu de loger la famille royale dans la petite en attendant la fin des travaux ordonnés pour isoler la prison du monde extérieur.»
La Tour qui faisait tant frémir Marie-Antoinette, autrefois, qu’Elle avait demandé à Son beau-frère qu’il la détruise. Était-ce un pressentiment de Sa part?

La Tour du Temple
Le 20 août 1792
On vient chercher tous ceux qui n’appartiennent pas à la Famille Royale stricto sensu. Le Roi tente en vain de rappeler que la princesse de Lamballe est sa cousine. Madame de Lamballe, Madame de Tourzel et sa fille Pauline sont transférées dans l’affreuse prison de la Petite Force, les trois dames sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse.

Départ du Temple de la princesse de Lamballe ( Anita Louise) dans Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke

Robert Morlay ( Louis XVI) et Norma Shearer ( Marie-Antoinette) dans ce même film

Le 3 septembre 1792
Massacres dans les prisons: une foule armée de barres de fer, de piques et de bûches encercle les prisons de Paris, voulant y tuer les royalistes qu’une rumeur accuse d’y avoir caché des armes pour fomenter une contre-révolution.
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.





Norma Shearer est Marie-Antoinette ( 1938)


L’effroi de la Reine apprenant la mort de Son amie, au musée Grévin
Madame de Tourzel et sa fille Pauline, future comtesse de Béarn, en réchappent.

La famille royale en promenade dans l’enclos du Temple
Le 3 décembre 1792
Pétion renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis XVI comparaît devant la Convention pour la première fois. Il est autorisé à choisir un avocat. Il demandera l’aide de Tronchet, de De Sèze et de Target. Celui-ci refusera. Monsieur de Malesherbes (1721-1794) se portera volontaire.

Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.


Marie-Antoinette, Ses enfants et Sa belle-sœur tentent d’entendre l’évolution du procès du Roi
par ce qu’en disent les bruits de la rue… notamment les crieurs.
1793
Le 4 janvier 1793
Le député Barère, s’appuyant sur une pétition du Mâconnais demande de traduire Marie-Antoinette devant la justice.
Le 13 janvier 1793
Les commissaires de service au Temple informent le Conseil général que la fille de Marie-Antoinette, étant malade depuis quinze jours, et ses jambes commençant à s’engorger, par l’effet d’une incommodité naturelle à son sexe, demande que le médecin Brunier vienne la voir .
Le conseil arrête que le docteur Brunier pourra voir et soigner la malade, mais qu’il ne pourra communiquer avec Marie-Antoinette qu’en présence des commissaires de service et que toutes les drogues seront dégustées par l’apothicaire.
Du 16 au 18 janvier 1793
La Convention vote la mort du Roi. Philippe Égalité est l’un de ceux qui ont donné leur voix pour la peine capitale.



Le 20 janvier 1793
Adieux de Louis XVI à sa famille qu’il n’a pas vue depuis plus d’un mois que dura le procès. Marie-Antoinette est dans un état affreux mais doit d’abord penser à la douleur de ses enfants. La jeune Marie-Thérèse au moment de quitter son père hurle tant que dans le quartier on la pense morte sur le coup. Marie-Antoinette, aidée de sa belle-soeur, la couche, puis s’occupe de son fils tout aussi frappé de douleur. Dans ses souvenirs, Marie-Thérèse racontera qu’elle entendra ensuite sa mère pleurer toute la nuit dans son lit.
Le 21 janvier 1793
A dix heures vingt-deux minutes
Exécution de Louis XVI qui a pu prendre congé de sa famille la veille et être accompagné à l’échafaud par un prêtre insermenté, l’abbé Edgeworth de Firmont (1745-1807), que lui a recommandé Madame Elisabeth.


![“The morning of that terrible day [of the king’s death] we rose at six o'clock. The evening before my mother had scarcely strength enough to undress my brother and put him to bed; she then threw herself, dressed as she was, upon her bed, and we heard...](https://66.media.tumblr.com/fe9cf4ec21dee6fb170009b09f1b92d5/tumblr_p2w7arwoah1qatfdco1_500.png)
Norma Shearer (1938)
« Les descriptions de la veuve Capet, au lendemain de l’exécution de Louis XVI, s’attachent souvent à sa dégradation physique : « Les cheveux sont blanchis, le teint est pâle, les yeux n’ont plus d’éclairs, la bouche n’a plus de sourires. » (Imbert de Saint-Amand, art. cité, p. 460).»
Cécile Berly

Le 24 janvier 1793
Madame Royale est soignée par le Docteur Brunier:
Gouache de Jean-Baptiste Mallet:
Au centre, assise sur une chaise, se tient Marie-Antoinette, à Sa gauche, Madame Royale, vêtue de blanc sur un fauteuil, et le jeune Louis XVII qui se tient debout. Entre eux Madame Elisabeth. A droite de la composition, deux » municipaux » surveillent la scène.
Marie-Thérèse souffre d’une grave infection . Pour remercier le docteur Brunyer, la Reine lui offre pour sa femme un voile aujourd’hui conservé dans la descendance de Christine de Fréminville.

« Marie-Antoinette devenue veuve n’est plus qu’une ombre, privée des expressions humaines qui animent un visage, elle devient une femme sans couleurs, si ce n’est celles du blanc de sa pâleur et du noir vestimentaire symbolisant son veuvage. Mais cette pâleur ainsi décrite ne peut être déjà attribuée à une perte continue de son sang.»
Cécile Berly
Le 2 février 1793
Anéanti par la journée du 21 janvier 1793, Jarjayes est chez lui lorsqu’un inconnu (Toulan, commissaire chargé de surveiller la famille royale au Temple) vient frapper à sa porte et lui remet ce billet de la Reine :
« Vous pouvez prendre confiance en l’homme qui vous parlera de ma part, en vous remettant ce billet. Ses sentiments me sont connus ; depuis cinq mois il n’a pas varié. Ne vous fiez pas trop à la femme de l’homme qui est enfermé ici avec nous : je ne me fie ni à elle, ni à son mari.»

Le 28 février 1793
Le valet de chambre Cléry (1759-1809) est renvoyé du Temple

Le 20 mars 1793
Après l’exécution du Roi, Marie-Antoinette demeure au Temple avec Ses deux enfants et Sa belle-sœur Élisabeth. Quelques fidèles ont tenté de les faire évader.

Croquis de Madame Elisabeth représentant Marie-Antoinette au Temple
D’abord un officier municipal, nommé Toulan, Méridional au cœur chaud qui, muni d’un billet de la Reine, entre en rapport avec Jarjayes et lui soumet un plan hasardeux. Des habits d’officiers municipaux seront cachés dans la Tour, la Reine et Madame Élisabeth les revêtiront le jour où Toulan sera de garde avec son collègue Lepitre, comme lui royaliste de cœur.
Un faux lampiste viendra allumer les réverbères, les enfants déguisés lui seront remis, ils passeront pour les siens.
Tout paraît d’abord succéder.
Jarjayes demande alors à Toulan de l’aider à s’introduire au Temple, pour rencontrer la Reine. Toulan souhaite que Jarjayes en demande tout d’abord la permission à la Reine, ce qu’il fait.
Marie-Antoinette répond alors à Jarjayes :
« Maintenant si vous êtes décidé à venir ici il serait mieux que ce fût bientôt. Mais mon dieu prenez bien garde d’être reconnu, surtout de la femme qui est enfermée ici avec nous.»

La Reine évoque madame Tison qu’on a placée auprès de la famille royale avec son mari pour la surveiller.
Adroit, Toulan fait pénétrer au Temple Jarjayes qui, ayant parlé à la Reine, fournit les fonds nécessaires. On se procure des voitures et des passeports; les fugitifs doivent gagner la Normandie puis l’Angleterre.
Marie-Antoinette poursuit dans un troisième message :
« Prenez garde à Madame Archi. Elle me paraît bien liée avec l’homme et la femme dont je vous parle dans l’autre billet. Tâchez de voir Madame Th.; on vous expliquera pourquoi. Comment est votre femme, elle a le cœur trop bon pour n’être pas bien malade.»

Toulan transmet à Jarjayes ce message de la Reine :
« Votre billet m’a fait bien du bien. Je n avais aucun doute sur le Nivernais (il s’agit de Goguelat) mais j’étais au désespoir qu’on pût seulement en penser du mal. Ecoutez bien les idées qu’on vous proposera; examinez-les bien dans votre prudence. Pour nous, nous livrons avec une confiance entière. Mon dieu, que je serais heureuse et surtout de pouvoir vous compter au nombre de ceux qui peuvent nous être utiles! Vous verrez le nouveau personnage : son extérieur ne prévient pas , mais il est absolument nécessaire et il faut l’avoir. T… (Toulan) vous dira ce qu’il faut faire pour cela. Tâchez de vous le procurer et de finir avec lui avant qu’il revienne ici. Si vous ne le pouvez pas voyez M. de la Borde de ma part, si vous n’y trouvez pas de l’inconvénient. Vous savez qu’il a de l’argent à moi.»
Voici le cinquième message de la Reine à Jarjayes :
« En effet je crois qu’il est impossible de faire aucune démarche dans ce moment près de Monsieur de la B… toutes auraient de l’inconvénient. Il vaut mieux que ce soit vous qui finissiez cette affaire par vous-même si vous pouvez. J’avais pensé à lui pour vous éviter l’avance d’une somme si forte pour vous.»

Les plans de Toulan et Jarjayes suscitent l’espoir de la Reine :
« T… m’a dit ce matin que vous aviez fini avec le comm… Combien un ami tel que vous m’est précieux !».

« Je serais bien aise que vous pussiez aussi faire quelque chose pour T… ; il se conduit trop bien avec nous pour ne pas le reconnaître.»

Finalement, Marie-Antoinette refuse le projet de La faire évader seule du Temple:
« Nous avons fait un beau rêve, voilà tout ; mais nous y avons beaucoup gagné, en trouvant encore dans cette occasion une nouvelle preuve de votre entier dévouement pour moi. Ma confiance en vous est sans bornes ; vous trouverez dans toutes les occasions en moi du caractère et du courage ; mais l’intérêt de mon fils est le seul qui me guide, et quelque bonheur que j’eusse éprouvé à être hors d’ici je ne peux pas consentir à me séparer de lui. Au reste je reconnais bien votre attachement dans tout ce que vous m’avez détaillé hier. Comptez que je sens la bonté de vos raisons pour mon propre intérêt, et que cette occasion peut ne plus se rencontrer, mais je ne pourrais jouir de rien en laissant les enfants, et cette idée ne me laisse pas envie de regret.»

Marie-Antoinette adresse encore un dernier message à Jarjayes :
« Dites-moi ce que vous pensez de ce qui se passe ici.», griffonne-t-Elle dans la marge.

« e… vous remettra les choses convenues pour ha… l’empreinte que je joins ici est toutte autre chose je desire que vous la remettiez a la personne que vous savez etre venu me voir de Bruxelles l’hiver dernier, et que vous lui disiez en meme temps que la devise n’a jamais été plus vraie. ( l’ « empreinte » est celle d’un pigeon volant, avec une devise « Tutto a te mi guida » [« tout me conduit vers toi »] destinée à Axel de Fersen)
Si vous n’etes pas content de h.. allez trouver mon neveu de ma part, vous pourrez aussi si vous voulez voir (septime) qui est ma ton dit a Londres depuis le mois d aoust et lui demander ce que vous avez payé ia pour nous si vous en avez besoin il connoit ma confiance aussi mais s’il est nécessaire vous pourrez lui faire voir ceci et lui dire ce que vous avez fait pour nous il nous est trop attaché pour ne pas en sentir le prix. au reste je m’engage a lui faire tenir compte de ce qu’il vous remettera et j’en fais meme s’il le faut mon affaire prop.
Dites moi ce que vous pansez de ce qui se passe ici»
Toulan remet à Jarjayes le legs que Cléry a caché après la mort du Roi : son anneau de mariage, son cachet ainsi que des cheveux de la Reine et des enfants devront être transmis à Monsieur, qui est à Hamm, en Westphalie.


Marie-Antoinette résiste au nom de Ses enfants…et Elle a appris à savoir mourir en Reine par Sa mère.
Marie-Antoinette conseille à Jarjayes d’aller voir Son neveu, François II ou Septeuil , toujours tracassée par les sommes considérables que Jarjayes a dû payer pour l’organisation de l’évasion manquée. Elle se sent responsable de leur remboursement.
Toulan est dénoncé a la Commune et le projet avorte. Marie-Antoinette pourrait s’enfuir seule, elle refuse, veut partager le sort de ses enfants : « Nous avons fait un beau rêve, voilà tout… »
Le 22 juin 1793
Le baron de Batz, singulier personnage au cerveau débordant d’idées, royaliste fougueux, financier sans vergogne, s’il n’a pu sauver Louis XVI le 21 janvier, n’a pas renoncé a sauver sa famille.
A son tour, ce diable d’homme, aidé de l’officier municipal Mîchonis et d’un épicier appelé Cortey, capitaine dans la garde nationale, s’introduit au Temple, le jour où Michonis est de service à la Tour.
Les princesses, revêtues de capotes d’uniforme, doivent sortir l’arme au bras avec le dauphin dans une patrouille conduite par Cortey.
A onze heures du soir
Le moment paraît venu.
Mais, avertie par une lettre anonyme (provenant sans doute des Tison, espions qu’elle a placés au Temple), la Commune envoie l’un de ses membres, le cordonnier Simon, inviter Michonis a lui remettre ses pouvoirs et a se rendre à l’Hôtel de ville.
Michonis ne peut qu’obéir, Batz s’enfuit; une fois de plus le complot a avorté.

Le 29 juin 1793
Prise de remords terribles, madame Tison sombre bientôt dans la folie . Il faut la retirer de la tour du Temple.
Le 3 juillet 1793 à dix heures du soir
Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).

Norma Shearer (1938)


Pendant une heure, la Reine lutte pour convaincre les cinq municipaux de Lui laisser Son fils… en vain…

Ce n’est que lorsque les envoyés du Comité de salut public La menacent de s’en prendre à la vie de Ses enfants que Marie-Antoinette les laissent emmener Son Chou d’amour qui logera dans l’ancien «appartement» de Louis XVI, un étage en dessous…



Le savetier Simon, ivrogne qui sait à peine lire, sera son nouvel instituteur.

La Reine reste avec Sa fille et Sa belle-sœur. Elle guette les passages de Son fils dans l’escalier du Temple.
« La Relation de Rosalie Lamorlière peut nous permettre de situer, plus précisément, le début de son dérèglement gynécologique : il serait indissociable du choc traumatique que Marie-Antoinette subit au moment où la Commune de Paris décide de séparer la mère et l’enfant, de confier le jeune Louis XVII au fameux cordonnier Simon. La jeune servante explique que les hémorragies sont la conséquence des traumatismes de la mère, séparée de son fils puis de sa jeune fille Marie-Thérèse : « […] ses larmes coulaient sans cesse à l’idée de l’abandon de ses enfants. Dans les hémorragies qui suivront ses crises nerveuses et qui ne la quittèrent qu’à la mort, elle nous supplia de ne provoquer pour elle aucun secours de la médecine […]. » (cité par G. Lenôtre, ouvr. cité, p. 271). Le sang hémorragique exprimerait donc celui de la mère privée de son propre sang, celui de ses enfants.»
Cécile Berly

« La reine est soumise à des épreuves psychologiques et physiques qui auraient pu, d’après les mémorialistes, se traduire en souffrances physiologiques, par exemple en hémorragies considérées comme une suite assez logique d’une succession de vives émotions entretenues dans un climat révolutionnaire particulièrement hostile à la reine.»
Cécile Berly
Dans la nuit du 1er au 2 août 1793,
à deux heures quarante du matin
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

Elle s’arrête au bas de la Tour parce que les municipaux y font un procès-verbal pour décharger le concierge de Sa personne. En sortant, Elle se frappe la tête à un guichet, ne pensant pas à se baisser ; on Lui demande si Elle s’est fait du mal :
« Oh non ! dit-Elle, rien à présent ne peut me faire du mal».
On L’emmène en voiture dans les rues de Paris. On conçoit l’angoisse de Marie-Antoinette, seule en pleine nuit au milieu de ces hommes qui pour la plupart La haïssent. La voiture pénètre enfin la cour de May, celle que Son propre époux avait entièrement remise à neuf.
Elle laissera Sa place ensanglantée, par les pertes dont Elle souffre déjà depuis quelque temps… dont on sait aujourd’hui qu’il s’agit probablement d’un cancer de l’utérus. En arrivant à la Conciergerie, le guichetier Lui demande de décliner Son identité, Elle répond froidement :
« Regardez-moi.»
Elle devient la prisonnière n°280. Elle est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison dirigée par la couple Richard, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848), leur servante.

Un porte-clefs, Louis Larivière, vingt-cinq ans environ, est dépêché vers le tapissier de la prison résidant cour de la Sainte-Chapelle, Bertaud, et lui demande un lit de sangle, deux matelas, l’un de crin et l’autre de laine, un traversin, une couverture légère, un fauteuil en canne servant de garde-robe et un « bidet de basane rouge garni de sa seringle » ; le tout est neuf. Voilà donc de quoi sinon soigner du moins nettoyer ces hémorragies permanentes.
Madame Richard ajoute une table et deux chaises de paille. Ancienne marchande de toilettes, elle n’est pas très bien élevée selon Rosalie qui avait travaillée jusque-là pour madame Beaulieu, mère d’un comédien célèbre, mais elle a du goût, permettant d’apporter quelques menues douceurs à la Reine déchue. Elle permet à Rosalie d’apporter un tabouret d’étoffe venant de sa chambre afin de compléter le maigre mobilier. Elle met au lit ses propres draps, les plus fins.

Marie-Antoinette est accueillie par Madame Richard et sa cuisinière, Rosalie Lamorlière.

Selon les témoins Marie-Antoinette a Sa poitrine qui perd de l’élasticité, Elle maigrit, Ses épaules sont creuses et Ses bras décharnés, Son visage vieillit prématurément à cause des événements.
Une femme qui est sujette à une ménopause précoce, a sa poitrine qui perd de l’élasticité, maigrit et souffre de maux de ventre ainsi d’un dérèglement hormonal et ses règles ne sont plus régulières, trop abondantes (ce peut être un fibrome) … Marie-Antoinette souffre donc peut-être d’une ménopause précoce.
L’historien Imbert de Saint-Amand décrit les conditions d’incarcération précaires et malsaines qui mettent en péril la santé de la détenue :
« À la Conciergerie, tout est malsain, nauséabond, horrible. Le sol est imprégné des sueurs et du sang de l’agonie. »

« Du temps de Lebeau, Madame se coiffait chaque jour devant lui et moi, pendant que je faisais son lit, et que je ployais sa robe sur une chaise. Je remarquai des places de cheveux blancs sur les deux tempes. Il n’y en avait point sur le front ni dans les autres cheveux. Sa Majesté nous raconta que c’était le trouble du 6 octobre (1789).»
Rosalie Lamorlière, propos recueillis par l’abbé Gaspard Louis Lafont d’Aussonne (1769-1849)

Marie-Antoinette développe progressivement un cancer de l’utérus, dont les symptômes se manifestent clairement lors de Son emprisonnement à la Conciergerie, d’août à octobre 1793 : Elle perd régulièrement beaucoup de sang. Si Elle avait échappé à la guillotine, la pauvre femme n’aurait de toute façon probablement pas eu de longues années devant Elle… d’où le procès précipité. Robespierre Lui envoie cependant son médecin, le docteur Souberbielle (1754-1846), alors attaché comme chirurgien au tribunal révolutionnaire, chargé entre autres de vérifier la grossesse des accusées se prétendant enceintes. Marie-Antoinette souffre alors d’hémorragies importantes, dues certainement à un cancer de l’utérus. Joseph Souberbielle L’alimente alors, quotidiennement, avec du « bouillon de poulet ».
« Le sang hémorragique de la reine suggère l’idée d’une mort lente, d’une agonie morbide. L’œuvre de la Révolution française apparaît telle quelle dans les écrits des mémorialistes : c’est ainsi que se fixent les mémoires et les jeux d’écriture d’une Révolution stigmatisée, une Révolution masculine et couleur sang.
Cécile Berly
(…)
En somme, le mal être physiologique sous la forme hémorragique répondant au mal être psychologique est une interprétation commode pour ne pas dire pratique des souffrances d’une femme qui fut reine dans une France en révolution. Mais cette interprétation est, d’un point de vue strictement médical, irrecevable.»

On le retrouvera dans la liste des jurés chargés d’envoyer la Reine à la mort…
« La jeune Rosalie est le seul personnage qui assista aux derniers jours d’humiliations, de tourments physiques et physiologiques de la veuve Capet. Son récit serait donc à considérer comme précieux. Pourtant, la concierge Bault qui prend ses fonctions à la fin du mois d’août avec son mari et sa fille, ne mentionne pas le nom de Rosalie Lamorlière, ne fait guère allusion à une jeune femme qui remplirait sa fonction : « Dans tous ses détails on n’aperçoit pas Rosalie, on n’aperçoit même pas place pour elle. » (Victor Pierre, art. cité, p. 196). La Relation de Rosalie Lamorlière est publiée en 1824 dans un recueil entièrement rédigé par l’historien Lafont d’Aussonne, Mémoires secrets et universels sur la vie et les malheurs de la reine de France. Le témoignage rédigé par Lafont (rappelons que Rosalie est illettrée) est considéré par les uns comme « absolument conforme à la vérité » et les autres l’attribuent à l’imagination assez extravagante de son auteur (Victor Pierre, art. cité, p. 196). La principale source permettant à l’historien d’établir positivement que la reine a, effectivement, souffert de continuelles pertes de sang, bien avant que son procès ne commence, est donc discréditée par de nombreux auteurs.»
Cécile Berly
Vers la mi-août 1793
Un jour, Madame Richard amène dans le cachot de la Reine son plus jeune enfant , qui est blond, qui a des yeux bleus fort agréables, et dont la figure est charmante, qu’on appelle Fanfan. Marie-Antoinette, en voyant ce beau petit garçon, tressaille visiblement; Elle le prend dans Ses bras, le couvre de baisers et de caresses et se met à pleurer en parlant de Son Chou d’amour, qui est à peu près du même âge, à Marie-Anne Richard et Rosalie.

Marie-Antoinette pense nuit et jours à Ses enfants. Cette circonstance Lui fait un mal horrible. Madame Richard dit à Rosalie qu’elle se gardera bien de ramener son fils dans le cachot…

Alors que Marie-Antoinette se sent oubliée, presqu’enterrée dans cette cellule de la Conciergerie, ce garçonnet La ramène à la vie, à ce qui L’y attache : Ses enfants. La soirée ne La ramène que plus durement dans Son amère solitude.
Le 28 août 1793
Un royaliste, le chevalier de Rougeville ( 1761-1814) introduit dans la cellule de la Reine avec Michonis (1735-1794), un membre de la Commune, y avait laissé un message secret dissimulé au cœur d’un œillet.
« J’ai des hommes et de l’argent .»
« Je suis gardée à vue, je ne parle à personne; je me fie à vous; je viendrai »



On imagine l’angoisse permanente qu’a alors éprouvé Marie-Antoinette en espérant gagner l’extérieur de Sa prison …


Geneviève Casile dans Marie-Antoinette (1976) de Guy Lefranc

La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur
Le 8 septembre 1793
Transfert de Michonis à la prison de l’Abbaye.
Le 11 septembre 1793
C’est au tour de Marie Harel de quitter la Reine, après quarante et un jours et nuits passés en tête-à-tête avec la Reine.. Elle aura été Sa dernière femme de chambre et celle qui aura le plus longtemps connu Son intimité. Marie-Antoinette est désormais totalement seule dans Sa cellule, complètement mise au secret, jusqu’à l’ouverture de Son procès.
Marie Harel ne reparaîtra plus aux côtés de Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette n’a plus personne près d’Elle, Elle est totalement isolée. S’en sent-Elle mieux ?

Le couple Richard et leur fils, compromis dans l’affaire de l’Œillet, sont incarcérés.
Seuls y pénétrent le nouveau concierge Bault, sa fille, la servante des cuisines Rosalie Lamorlière et le préposé aux pots de chambre de la prison Barassin qui vient aussi y passer un coup de balai régulièrement.

Malgré un témoignage de madame Bault en 1816, opportunément royaliste et se disant la complice de Rougeville, il est certain que le nouveau concierge est moins complaisant avec sa prisonnière. Le sort de ses prédécesseurs a de quoi faire réfléchir.
« Si la veuve Bault mentionne que la reine avait grand besoin de linge de corps, elle ne fait jamais mention d’un mal gynécologique souillant des vêtements.»
Cécile Berly

Marie-Antoinette est alors dans un état de crispation de nerfs.
Elle couche désormais toute habillée, prête à attendre la mort, ostensiblement en noir. Elle craint plus que jamais d’être assassinée dans la nuit.
Une nouvelle frayeur Lui est octroyée : Barassin, le frère de madame Richard, préposé aux pots de chambre de la prison et chargé du nettoyage de la cellule de la Reine depuis le départ de Marie Harel, entre quand il veut. Un bandit de grand chemin, un assassin, un galérien qui a échappé à sa peine…
Voilà le dernier serviteur de la Reine de France.
Le nouveau concierge Bault, qui vient de la prison de la Force, et sa femme traitent la prisonnière avec moins d’égards que leurs prédécesseurs. Rosalie, cependant, reste en place, comme cuisinière au service du concierge parce qu’il n’y a aucun sujet de se méfier d’elle.
Le 3 octobre 1793
La Reine est déférée au Tribunal révolutionnaire.
Le 12 octobre 1793
à six heures du matin
Deux heures après le coucher de Marie-Antoinette, les juges du tribunal révolutionnaire viennent Lui faire subir le grand interrogatoire secret destiné à préparer l’audience devant débuter le surlendemain..


Entourée de deux gendarmes et d’un huissier, Elle traverse la cour des hommes puis, par l’escalier Bonbec, pénètre dans la salle d’audience du Tribunal révolutionnaire. Cette «salle de la Liberté » (Grand’chambre) est la salle dans laquelle les Rois tenaient jadis leurs lits de justice.

La Reine est invitée à s’asseoir sur une banquette, devant le bureau du jeune président du tribunal, Martial Joseph Armand Herman (1759-1795) qui fait office de juge d’instruction, et en présence de l’accusateur public Fouquier-Tinville (1746-1795).

Image de la pièce Madame Capet (1941), avec Cécile Sorel. Théâtre du Gymnase,
d’après le livret de Marcelle Maurette
Le Président Herman demande d’abord à la Reine Ses nom, âge, profession, pays, et demeure.
La Reine répond : «Je m’appelais Marie-Antoinette de Lorraine d’Autriche, âgée de trente-huit ans, veuve du roi de France».

Puis, il articule son instruction autour de quelques thèmes majeurs :
- ses relations coupables avec l’Autriche
- ses dépenses excessives ;
- son influence néfaste sur Louis XVI ;
- son rôle dans plusieurs épisodes controversés de la Révolution

Le 13 octobre 1793
La Reine reçoit dans Sa cellule les avocats Chauveau-Lagarde et Tronson-Ducoudray, qui vont assurer Sa défense.

C’est Chauveau-Lagarde qui défendra la Reine
C’est par eux qu’Elle apprend que Son procès aura lieu le lendemain.

Image de Marie-Antoinette, la véritable histoire (2006)
Le 14 octobre 1793

Marie-Antoinette comparaît devant le président Herman(1759-1795)

Herman dans L’Interrogatoire de Marie-Antoinette
par Pierre Bouillon (détail)
« Actrice à part entière des premières années de la Révolution, la reine Marie-Antoinette est décrite comme une femme vieillie, dont les traits marqués témoignent, avant tout, d’un rejet total du processus révolutionnaire qui modèle une France nouvelle. Marie-Antoinette est le véritable bouc-émissaire d’une politique qui est dans la nécessité de se définir contre tout ce que peut incarner la reine : la France monarchiste, la France femme et efféminée, la France licencieuse et dégénérée. La Révolution n’est pour Marie-Antoinette que tourments et décadence : en écho, son corps renvoie une image tourmentée et décadente, image d’une femme malade et presque mourante. Les mémorialistes en décrivant ce corps usé et souillé par la perte continuelle du sang hémorragique contribuent à une écriture symbolique stigmatisant la Révolution : elle n’est qu’une révolution qui s’accomplit dans le sang, en administrant la mort, ou en tourmentant une veuve, une mère. Le sang hémorragique de la reine, qu’il soit le seul fruit d’une écriture fantasmatique du corps féminin (qui plus est de celui de la reine), est non un détail physiologique mais un élément fantasmatique essentiel dans l’écriture de la mémoire de Marie-Antoinette à l’époque de la Restauration et, surtout, de l’écriture de la décennie révolutionnaire, toujours limitée aux quelques mois de la Terreur.»
Cécile Berly

Ute Lemper dans L’Autrichienne (1990) de Pierre Granier-Deferre

Pour certains Elle était la louve autrichienne, l’autruche avec le visage de harpie des caricatures, pour d’autres Elle était la reine scintillante avec Ses diamants et Ses plumes hochant la tête, vue pour la dernière fois correctement aux jours de gloire de Versailles plus de quatre ans auparavant.
Comme l’admet Le Moniteur, Antoinette Capet est « prodigieusement changée ».


Une série de témoins défile sans apporter de preuves convaincantes de Sa culpabilité, et pour cause.

Jane Seymour dans Les Années Terribles de Richard Heffron (1989)


Caroline Sihol dans Je m’appelais Marie-Antoinette de Robert Hossein (1993)




« Imaginez, si vous le pouvez, la force de volonté requise par la reine pour supporter les fatigues d’une séance aussi longue et aussi horrible que celle-ci ; supporter le regard de toute une foule; se mesurer aux monstres qui avaient soif de son sang ; pour se défendre contre les pièges qu’on lui tendait ; renverser toutes leurs objections; se tenir en attendant dans les limites du décorum et de la modération, et ne jamais être indigne d’elle-même.»
Récit de Claude François Chauveau-Lagarde, défenseur public de Marie-Antoinette


Hébert accuse Marie-Antoinette d’avoir conspiré jusque dans sa prison. Il insiste sur la dépravation du petit Capet.

Calme, Elle écoute les mots de mensonge et d’ordure qui veulent La souiller.
Dégoûté sans doute, le président Herman n’ose relever l’imputation d’immoralité.


L’un des jurés interpelle Herman :
« Citoyen président, je vous invite à vouloir bien observer à l’accusée qu’elle n’a pas répondu sur le fait dont a parlé le citoyen Hébert, à l’égard de ce qui s’est passé entre elle et son fils.»


La Reine alors se lève et, le bras tendu vers l’auditoire, Elle dit d’une voix plus haute et qui frappe les murs avant de frapper les cœurs :
« Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature se refuse à répondre à une pareille question faite à une mère… J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici.»



Sans l’avoir cherché, Elle a atteint le sublime.

Sous couleur de résumer le procès, Hermann prononce un nouveau et violent réquisitoire.

L’Autrichienne (1990)
A trois heures du matin
Puis Hermann énonce les questions soumises aux jurés, qui entrent en délibération.
Les hommes chargés de rendre un si grave verdict en sont bien incapables. Nulle pensée haute, nulle idée générale n’atteindra jamais leurs cerveaux. Ils sont possédés par des passions étroites, dures et stériles. Pour savoir, pour comprendre, ils manquent du reste par trop de recul.

Marie-Antoinette est sans doute coupable … mais beaucoup moins des crimes qu’on Lui impute que de fautes qui tiennent d’abord à Son origine et à Son tempérament.
Pour des républicains la question est tout autre: ils devraient ne pas oublier que sans la Reine, la République n’eût pu être proclamée.
Ce que devrait faire le jury dans ce matin d’automne 1793, s’il avait le moindre instinct de grandeur ou d’humanité, c’est, puisque Marie-Antoinette a déjà tant souffert, avec un tel courage, La renvoyer à Vienne comme certains l’ont proposé naguère à la Convention.
Quelqu’un y a-t-il seulement pensé?
Nous ne le saurons jamais. La délibération, tenue secrète, dure une heure, ce qui indique qu’il a dû se produire au moins une ébauche de discussion.
Un peu avant minuit
Hermann avertit Chauveau-Lagarde et Tronson-Ducoudray
« Sous un quart d’heure les débats finiront ; préparez votre défense.»
Pour répondre à tant de chefs d’accusation, les avocats n’ont qu’un quart d’heure !
Tandis qu’ils se concertent à voix basse, le président demande à Marie-Antoinette :
« Ne vous reste-t-il plus rien à ajouter pour votre défense?»
La Reine répond :
« Hier, je ne connaissais pas les témoins; j’ignorais ce qu’ils allaient déposer : eh bien personne n’a articulé contre moi aucun fait positif.
Je finis en observant que je n’étais que la femme de Louis XVI et qu’il fallait bien que je me conformasse à ses volontés.»

A quatre heures du matin
L’audience enfin est reprise.

« Antoinette, dit Hermann, voilà la déclaration du jury.

Elle est unanime et affirmative sur toutes les questions.

Fouquier-Tinville requiert alors la peine capitale.

Les Années Terribles (1989) de Richard Heffron
Marie-Antoinette ne peut réprimer un léger mouvement et reste un instant « comme anéantie par la surprise ». Après avoir consulté les juges, le président annonce la condamnation.


Marie-Antoinette qui a peine à voir dans l’obscurité de l’escalier demande de l’aide au lieutenant de Busne :

Le 16 octobre 1793
De retour dans Sa cellule, Elle demande du papier, de l’encre et une bougie pour écrire une sublime lettre d’adieu à Madame Elisabeth qui ne la recevra jamais.


« Ce 16 8bre, 4heures ½ du matin
C’est à vous, ma sœur, que j’écris pour la dernière fois ; je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère. Comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien ; j’ai un profond regret d’abandonner mes pauvres enfants ; vous savez que je n’existais que pour eux, et vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse ! J’ai appris par le plaidoyer même du procès que ma fille était séparée de vous. Hélas ! la pauvre enfant, je n’ose lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre, je ne sais même pas si celle-ci vous parviendra, recevez pour eux deux ici ma bénédiction. J’espère qu’un jour, lorsqu’ils seront grands, ils pourront se réunir avec vous et jouir en entier de vos tendres soins. Qu’ils pensent tous deux à ce que je n’ai cessé de leur inspirer : que les principes et l’exécution exacte de leurs devoirs sont la première base de la vie ; que leur amitié et leur confiance mutuelle en feront le bonheur ; que ma fille sente à l’âge qu’elle a, elle doit toujours aider son frère par les conseils que son [mot rayé dans l’original] l’expérience qu’elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer ; que mon fils, à son tour, rende à sa sœur tous les soins, les services, que l’amitié peut inspirer ; qu’ils entent enfin tous deux que, dans quelque position où ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union, qu’ils prennent exemple de nous : combien, dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolations, et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ? Que mon fils n’oublie jamais les dernier mots de son père que je lui répète expressément : qu’il ne cherche pas à venger notre mort. J’ai à vous parler d’une chose bien pénible à mon cœur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine ; pardonnez-lui, ma chère sœur ; pensez à l’âge qu’il a, et combien il et facile de faire dire à un enfant ce qu’on veut, et même ce qu’il ne comprend pas ; un jour viendra, j’espère, où il ne sentira que mieux tout le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous deux. Il me reste à vous confier encore mes dernières pensées. J’aurais voulu les écrire dès le commencement du procès ; mais outre qu’on ne me laissait pas écrire, la marche en a été si rapide, que je n’en aurais réellement pas eu le temps. Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle où j’ai été élevée, et que j’ai toujours professée, n’ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s’il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop s’ils y entraient une fois. Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe. J’espère que, dans sa bonté, il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps pour qu’il veuille bien recevoir mon âme dans sa miséricorde et sa bonté. Je demande pardon à tout (sic) ceux que je connais et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j’aurais pu vous causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait. Je dis adieu à mes tantes et (un mot rayé] et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis, l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant, qu’ils sachent au moins que, jusqu’au dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur; puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu, adieu ! Je ne vais plus m’occuper que de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m’amènera peut-être un prêtre, mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot, et que je le traiterai comme un être absolument étranger.»




Geneviève Casile (1976)
Le contenu de cette lettre est plus intime et de caractère privé. Il n’a pas l’ampleur du testament de Louis XVI, c’est le cri d’un femme accusée et condamnée à mort. L’émotivité domine le texte. Le «je» est maintenu dans le présent. Cà et là on perçoit des traces de larmes, Marie-Antoinette y ouvre Son cœur, notamment lorsqu’Elle évoque Ses enfants. Elle s’adresse d’abord dans un ton d’intimité à Sa belle-sœur et, par delà elle, à Ses enfants, mais c’est également à Elle-même que la Reine parle ici. Elle emploie à deux reprises une formule de dénégation, lorsqu’il s’agit de Sa propre innocence, comme si Elle éprouvait le besoin de se rassurer sur Sa non culpabilité. Elle ne peut s’empêcher ces longs appels presque compulsifs à Ses enfants, ces cris à l’idée de leur abandon, seule chose qui La «déchire». Elle se situe là comme chef de famille, détenteur des princes de l’éducation royale, qui devront, selon Elle, être prodigués à Son fils. Elle n’élude pas l’accusation d’inceste d’Hébert et tient à tirer au clair cette «chose pénible à (S)on cœur». Elle souhaite, calmement, excuser Son fils. Cette même attitude sereine, mais qui ne laisse rien passer. Dans la lettre adressée le 24 juillet 1789 à madame de Tourzel, Elle évoquait précisément cette aptitude au mensonge de Louis-Charles. Il avait été blessé à un testicule en chevauchant un bâton en jouant dans le jardin du Temple. Marie-Antoinette et Madame E:lisabeth lui avaient donc prodigué les soins nécessaires à son rétablissement. La boisson et la malveillance du savetier Simon et surtout de Hébert ont fini de transformer la situation pour forger cette accusation infamante.
Dans la seconde partie, Elle s’adresse plutôt à la postérité, même si Ses mots font référence aux enfants, aux amis et à toute la famille : indéniablement la Reine pose là devant l’Histoire. Elle indique l’impossibilité dans laquelle Elle se trouve d’obtenir la dernière communion des mains d’un prêtre non jureur, ce qui a pourtant été accordé à Louis XVI, Elle clame Sa fidélité à l’Eglise de Son baptême. Cette lettre ne parviendra jamais à Madame Elisabeth, Elle s’en doute d’ailleurs et l’écrit même.

Puis Elle s’allonge toute habillée sur Son lit.

Image du docu-fiction de David Grubin (2005)

Au petit matin, Rosalie Lui apporte un bol de bouillon qu’Elle accepte de prendre par égard à l’attention qu’y a mise la petite servante.

Anne Doat et Michèle Morgan
« Avant le jour on bat le rappel dans les sanctions: à cinq heures la force armée est sur pied. On place des canons sur les ponts, les places, les carrefours, depuis le palais de justice jusqu’à la place Louis XV.»
Depuis sept heures
Trente mille hommes des gardes nationales sont sur pied et forment une double haie le long du parcours que doit emprunter la charrette. On a placé des canons aux extrémités des ponts, sur les places et aux carrefours.
A huit heures
Puis vient le moment où Elle désire changer de linge. On Lui a demandé de ne pas aller à la mort en deuil du Roi, ce qui serait provocateur… Alors, Elle sera en blanc, la couleur du deuil des Reines et revêtira le déshabillé qu’Elle porte habituellement le matin, une jupe blanche au dessus d’un jupon noir.
« Il lui a fallu recourir à la femme du geôlier pour avoir des vêtements un peu convenables, car ses abjects précurseurs, épuisant sur elle les raffinements de la haine et de la barbarie, n’oubliaient aucune persécution de détail. Elle est vêtue toute de blanc, un bonnet de mousseline ordinaire, une camisole de coton, un jupon de la même étoffe. »
Rosalie Lamorlière
Elle veut se changer sans témoin, mais le garde n’y consent pas : il doit avoir le regard sur tous Ses faits et gestes…. Alors Rosalie s’impose en paravent de la Reine pour Sa dernière toilette de représentation ultime.

Michèle Morgan (1956)
« Selon le gendarme Lèger, alors dans la cellule, la condamnée « demande […] de changer de chemise, parce que la sienne l’incommode beaucoup, par une perte de sang dont elle est affaiblie depuis plusieurs jours. La femme du concierge lui procura ce soulagement. » (G. Lenotre, ouvr. cité, p. 368-370). Ainsi, Lèger signale, sans détours, que la reine souffrait effectivement d’hémorragies et confirme donc le témoignage de Rosalie.»
Cécile Berly


Marie-Antoinette quitte la chemise ensanglantée qu’Elle tente de dissimuler dans un recoin du mur qui jouxte le lit. Elle est prête.
« Son corps ne porte plus, désormais, ce linge mais elle doit s’en débarrasser de façon à ce qu’il ne soit pas immédiatement visible par ceux qui pénètreront dans son cachot au moment de l’emmener à l’échafaud et par ceux qui ramasseront ses hardes, une fois exécutée. Rosalie Lamorlière décrit avec émotion ce que la reine fit de ce linge : « il me fut aisé de voir qu’elle roulait soigneusement sa pauvre chemise ensanglantée ; elle la renferma dans une de ses manches comme dans un fourreau, et puis serra ce linge dans un espace qu’elle aperçut entre l’ancienne toile à papier et la muraille. » (Relation de Rosalie Lamorlière, p. 254).»
Cécile Berly
Rosalie La quitte pour toujours….




A neuf heures
Bault entre :
« -Madame, il y a là un curé de Paris qui demande si vous voulez vous confesser.
-Un curé de Paris? Il n’y en a guère»

Le prêtre s’avance , vêtu en laïque, il s’incline et se présente:
« Madame, je suis l’abbé Girard, curé de Saint-Landry, dans la Cité, et je suis venu vous offrir l’aide de mon ministère…»

La Reine secoue la tête :
« -Je vous remercie, je n’ai besoin de personne…
–Mais que dira-t-on, Madame, lorsqu’on saura que vous avez refusé les secours de la religion dans ces suprêmes moments?
–Vous direz à ceux qui vous en parleront que Dieu y a pourvu dans Sa miséricorde.»


L’abbé Girard

L’Abbé insiste encore :
« -Ne voulez-vous pas que je vous accompagne?
–Comme vous voudrez…»
Et sans plus se préoccuper de l’abbé, Elle retourne à Ses pensées et à Ses prières… L’abbé Girard constate que Marie-Antoinette grelotte… Elle a surtout froid aux pieds… Le prêtre assermenté Lui couvre donc les pieds avec Son traversin.
« Elle avait un jupon blanc dessus, un noir dessous, une espèce de camisole de nuit blanche, un ruban de faveur noir aux poignets, un fichu de mousseline unie blanc ; un bonnet avec un bout de ruban noir […] ».
Gosselin Lenotre, Captivité et mort de Marie-Antoinette

« Ce linge noir permettrait que le sang hémorragique ne soit pas visible aux yeux de tous, alors que celui-ci se répandant sur le jupon blanc pourrait révéler la défaillance gynécologique de la reine. Ce jupon noir permet, dans une certaine mesure, de conduire à la mort une femme maladive et chétive sans que cela puisse être attribué à une faiblesse due à son sexe. Le sang hémorragique ne pourrait, ainsi, trahir les émotions de la future guillotinée : faillir, alors, serait avouer les crimes pour lesquels on l’a condamnée.»
Cécile Berly
A dix heures

Ute Lemper

Ce sont d’abord les juges qui arrivent et lisent à la Reine la sentence, en présence de Louis Larivière, le porte-clefs de la Conciergerie.


« –Cette lecture est inutile , je ne connais que trop cette sentence.
-Il n’importe, il faut qu’elle vous soit lue une seconde fois.»
Les pesantes formules n’en tombent pas moins de la bouche du greffier. Mais à peine a-t-Elle subi ce premier supplice d’un homme jeune et athlétique fait son entrée. C’est Henri Sanson, le fils de l’exécuteur qui, neuf mois plus tôt, a guillotiné Louis XVI. A lui revient aujourd’hui d’exercer l’office de bourreau. Il voudrait se montrer courtois, mais Hermann le rappelle à l’ordre :
« Fais ton devoir !»
Il s’incline, demande à la condamnée de présenter ses mains.
« – Oh ! mon Dieu ! Voulez-vous les lier ? On ne les a point liées à mon mari…
– J’y suis obligé.»

« -Fais ton devoir , bourreau.»
Alors, comme elle esquisse une résistance, il lui saisit les deux bras qu’il attache fortement derrière le dos, à la hauteur des coudes. Il sert si fort que Marie-Antoinette ne peut réprimer Sa douleur. Puis il sort de gros ciseaux. Elle blêmit… Va-t-il L’achever ici dans la prison? Puis, Sanson qui domine Marie-Antoinette de sa haute taille Lui enlève brusquement Son bonnet qu’Elle a mis tant de soin à arranger et armé d’une grosse paire de ciseaux, taille à grands coups les cheveux devenus blancs, mais où se devinent encore des reflets blond cendré.

Ute Lemper

Caroline Sihol



Rosalie raconte que la Reine se rend à l’échafaud avec des chaussures couleur prune à la Saint-Huberty (du nom de l’actrice qui avait lancé le modèle). La couleur actuelle n’est pas vraiment « Prune » mais ce doit être à cause du temps…

Une des chaussures que la Reine portait le jour de Son exécution. Elle est conservée au musée des beaux-Arts de Caen. D’après le récit d’un témoin oculaire, la Reine monta les escaliers de l’échafaud avec beaucoup de précipitation « à la bravade » , a perdu une de Ses chaussures et marcha sur le pied du bourreau. Elle demande excuse au bourreau… Ce sont Ses derniers mots… La chaussure a été récupérée par un individu qui l’a vendue le jour même, pour un louis, au comte de Guernon-Ranville, qui la garda comme une relique.


La Reine croit qu’on va L’exécuter là à la hache… Sanson enfouit Sa chevelure dans sa poche, elle sera brûlé tout à l’heure… pour ne pas créer de reliques royales…

De ses grosses mains, le bourreau replace le bonnet très haut sur la tête de la Reine. Des mèches coupées irrégulièrement encadrent la nuque dégagée.

Les ultimes échanges de Rosalie (Véronique Leblanc) et Marie-Antoinette (Jane Seymour)
dans Les Années Terribles (1989) de Richard Heffron
Maud Wyler (Marie-Antoinette) et Sophie Breyer (Rosalie) dans Marie-Antoinette, ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard

Le départ de la Reine pour mourir dans Les Années Terribles de Richard Heffron
Rosalie quitte Marie-Antoinette sans oser Lui faire des adieux, ni une seule révérence, de peur de La compromettre et de L’affliger. Elle s’en va pleurer dans son cabinet et prier Dieu pour Elle.
Elle passe devant le porte-clefs :
« Larivière, vous savez qu’on va me faire mourir?»



Vers onze heures
La Reine sort de la Conciergerie.

« Ses augustes mains augustes, nous dit le gendarme Léger, lui avaient déjà été attachées dans le dos, lorsqu’elle se plaignit d’un besoin pressant qui obligea de les lui délier, et qu’elle satisfit dans un réduit obscur nommé « la souricière », dont l’entrée se trouve à l’angle gauche du greffe, après quoi ses mains, qu’elle tendit encore une fois, furent liées à nouveau.»
Sanson tient un bout de la corde qui lie les poignets de la Reine. Marie-Antoinette semble ainsi tenue en laisse comme une chienne…


« Une Marie-Antoinette sans couleurs ou décolorée, condamnée à la peine de mort, une femme malade qui doit réunir ses dernières forces pour affronter le peuple de Paris qui l’a tant haïe et, enfin, l’échafaud. Elle va mourir presque mourante. Un portrait de la reine qui est, en fait, une sorte de bilan clinique, décrit avec plus de détails les différentes parties de son corps soumis à des maux violents. Dans ce cas, les seules hémorragies ne sont pas les causes physiologiques uniques qui expliquent l’aspect maladif, voire cadavérique de la condamnée : « Elle est très maigre, et pouvait à peine se tenir sur ses jambes. […] Le chagrin, le mauvais air, le défaut d’exercice avaient profondément altéré sa santé. Elle eut de grandes hémorragies. » (Imbert de Saint-Amand, art. cité, p. 833-834).»
Cécile Berly

Pourtant, Elle fait preuve d’un courage, d’une résignation qui ne laissent transparaître aucune défaillance de son corps et en impose même à Ses ennemis (Hébert, Prudhomme, pour ne citer qu’eux, soulignent avec une ironie mordante Sa dignité). Mais pour que le corps ne trahisse pas Marie-Antoinette, il a fallu que celle-ci le prépare.
Elle monte les marche de la Conciergerie… Et c’est là que Marie-Antoinette ne peut réprimer une nouveau sursaut d’épouvante.


Elle s’était imaginée qu’Elle serait transportée dans un carrosse semblable à celui qui avait emmené le Roi le matin du 21 janvier. Or c’est une grossière charrette qu’Elle aperçoit, une charrette destinée à véhiculer des ordures, crottée jusqu’à l’essieu et tirée par un cheval de laboure.

« Selon le témoignage du gendarme Lèger, à la vue de cette charrette, celle infâme des condamnés (rappelons que Louis XVI fut conduit à l’échafaud dans un carrosse noir), Marie-Antoinette aurait été prise d’une violente colique, demandant alors qu’on lui délie les mains afin qu’elle puisse se vider : » Ses mains augustes lui avaient été déjà attachées derrière le dos, lorsqu’elle se plaignit d’un besoin pressant qui obligea de les lui délier, et qu’elle satisfit dans un réduit obscur nommé la ‘Souricière’ […] « . (Relation du gendarme Lèger, ouvr. cité, p. 368-370). À ce témoignage, l’historien Frantz Funck-Brentano propose une toute autre version de cette réaction excrémentielle : » […] elle dut aller dans le coin de la chambre, devant tout le monde. » (Frantz Funck-Brentano, ouvr. cité, p. 210-212). Dans ce cas, la reine se soulageant étant encore présente dans sa chambre, ce n’est pas la vue de la charrette qui la contraint de se vider une fois pour toutes, mais ce moment crucial au cours duquel la condamnée doit rassembler ses dernières forces et son courage pour affronter le peuple parisien et la mort. Sous les linges blancs et noirs de ses jupes, le sang hémorragique se mêle à la matière fécale, expression organique de son effroi.»

La Sortie de la Conciergerie de William Hamilton
Elle est saisie d’une faiblesse à la vue de la charrette…

Lorsque la Reine est sortie de la Conciergerie, le premier huissier du tribunal, accompagné de trois ou quatre personnes de même emploi, vient quérir Rosalie chez le concierge et lui ordonne de le suivre dans le cachot. Il la laisse reprendre le miroir et le carton. Quant aux autres objets qui ont appartenu à Marie-Antoinette ils lui commandent de les serrer dans un drap de lit et ils emportent cette misérable dépouille.

« Ses mains augustes lui avaient déjà été attachées derrière le dos, lorsqu’elle se plaignit d’un besoin pressant qui obligea de les lui délier, et qu’elle satisfit dans un réduit obscur nommé la Souricière, dont l’entrée se trouve à l’angle gauche du greffe, après quoi ses mains, qu’elle tendit encore une fois, furent liées à nouveau.»
Le gendarme Lèger

A onze heures un quart

Ute Lemper redonne vie au croquis de David dans L’Autrichienne de P. Granier-Deferre


Le cortège funèbre se met en route… Assise du côté opposé au sens de la marche, Marie-Antoinette est flanquée à Sa gauche de l’abbé Girard qui ne dit mot, et à Sa droite du bourreau, tenant d’une main son tricorne, de l’autre la corde qui lie les bras de la Reine.
« -Madame, Lui dit l’abbé Girard, voilà le moment de vous armer de courage.
-Du courage, il y a si longtemps que j’en fais l’apprentissage qu’il n’est pas à craindre que j’en manque aujourd’hui ! »
Le curé n’entendra plus la voix de la Reine..

Ceux qui observent la Reine ignorent son sang malade mais soulignent toujours, d’une part, Sa grande pâleur (une des conséquences directes de ces hémorragies) et, d’autre part, les quelques couleurs qui renforcent Sa blancheur :
« les cheveux tout blancs (…) le teint pâle, un peu rouge aux pommettes, les yeux injectés de sang. »
Récit du vicomte Desfossés

Michèle Morgan
« Elle avait un jupon blanc dessus, un noir dessous, une espèce de camisole-de-nuit blanche, un ruban de faveur noire aux poignets, un fichu de mousseline unie blanc, un bonnet avec un bout de ruban noir; les cheveux tout blancs, coupés ras autour du bonnet; le teint pâle, un peu rouge aux pommettes, les yeux injectés de sang, les cils immobiles et roides. Ce portrait fut tracé en rentrant chez moi comme le reste de cette description.»
Témoignage du vicomte Charles DESFOSSEZ, rapporté par Alcide de BEAUCHESNE, Louis XVII : sa vie, son agonie, sa mort.

« [Les] liens qui meurtrissent, rendent bleuâtres les mains de la victime ».

« Elle arrive sur l’échafaud à midi quelques minutes»

Jane Seymour
« […] elle tourna les yeux du côté du jardin des Tuileries ; ce fut alors qu’elle changea de couleurs et devint beaucoup plus pâle qu’elle ne l’avait été jusqu’à ce moment. » .
Récit de Deressarts



Norma Shearer
Peu après midi
La charrette arrive au pied de l’échafaud. Marie-Antoinette en monte les marche « à la bravade », avec légèreté et promptitude… dans Sa hâte, Elle marche sur le pied du bourreau …


Jane Seymour
« Faites excuses, Monsieur le bourreau, je ne l’ai pas fait exprès … »




A douze heures et quart
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .


Jane Seymour

« Sa contenance est la même; seulement, lorsque l’exécuteur lui ôte violemment le fichu de mousseline commune qui recouvre son sein, lorsqu’il rabat le haut de sa camisole, l’auguste victime secoue fortement la tête et l’indignation anime ses traits. Sa tête tombe sous la hache.»




« Chaque étape de la vie de la reine est marquée par la présence du sang : celui des premières règles, celui de l’hymen, celui des couches, celui de la maladie. Pourtant, seul ce sang malade permet une écriture qui réhabilite Marie-Antoinette. Ce n’est donc peut-être pas tant le sang de Marie-Antoinette que le couperet a déversé dans le panier de la guillotine, que ce sang, imaginaire ou réel, qui permet aux mémorialistes de décrire le supplice carcéral que les révolutionnaires ont fait subir à cette illustre condamnée.»
Cécile Berly




Madame Tussaud aurait moulé le visage de Marie-Antoinette à peine suppliciée…
Sources :
- https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
- Le sang malade de Marie-Antoinette dans les sources des mémorialistes : comment déconstruire une écriture de la Terreur ? par Cécile Berly
- La Reine Scandaleuse, Idées reçues sur Marie-Antoinette (2012) de Cécile Berly, éditions Le Cavalier Bleu
- Marie-Antoinette L’insoumise (2002) de Simone Bertière
- Mémoires de Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette d’Henriette Campan
- Jean-Louis Fargeon, Parfumeur de Marie-Antoinette (2004) d’Élisabeth de Feydeau , chez Perrin
- LE MARIAGE FORCE ou Marie-Antoinette humiliée (avril 2015), de Jean-Pierre Fiquet ; chez Tallandier
- La Mort de la Reine (les suites de l’affaire du Collier) de Frantz Funck-Brentano, Paris, Hachette, 1904
- Louis XVI et Marie-Antoinette vie conjugale – vie politique (1990) de Paul et Pierrette Girault de Coursac ; chez l’O.E.I.L.
- La dernière année de Marie-Antoinette (1993) de Paul et Pierrette Girault de Coursac ; chez F.X. de Guibert (1993)
- Imbert de Saint-Amand, La dernière année de Marie-Antoinette, Paris, 1879
- Mémoires Secrets et Universels des Malheurs et de la Mort de la Reine de France (1824) de L’abbé Gaspard-Louis Lafont d’Aussonne ; aux Editions Petit, Paris : Une référence !
- Gosselin Lenotre, Captivité et mort de Marie-Antoinette, Paris, Perrin, 1897
- Gérard Ousset, Lecture et analyse de La dernière lettre de Marie-Antoinette, deux cents ans plus tard (1993)
- Un prince méconnu, le dauphin Louis-Joseph fils aîné de Louis XVI de Reynald Secher et Yves Murat ; collection Portrait d’Hommes
- Marie-Antoinette Anthologie de Catriona Seth
- La Reine scélérate (1989) de Chantal Thomas
- Juger la reine (2016) d’ Emmanuel de Marie-Antoinette La Fuite en Belgique (2003) de Dominique Zachary ; Les Racines de l’Histoire
- Marie-Antoinette (1933) de Stefan Zweig
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