
Marie Leszczyńska (1703-1768), pas moins que Marie-Antoinette, a dansé toute sa vie aux bals de la Cour, car c’était son devoir.

sous les ordres de M. le duc de Duras Bal donné à l’ancienne comédie
Marie-Antoinette y a trouvé du plaisir, aussi Lui reprochera-t-on de remplir la fonction qu’on exige d’Elle par Son mariage.
Le 25 janvier 1765
Le mariage de Joseph II avec Maria Josepha de Bavière.
Lors de cette cérémonie, les Archiducs et Archiduchesses donnent un spectacle :

Détail du tableau peint par Johann Georg Weickert: l’Archiduchesse Antonia

C’est sans doute la première fois que Marie-Antoinette danse en public.
A partir de 1767
Marie-Antoinette apprend la danse avec Jean-Georges Noverre (1727-1910), un français devenu maître des ballets de la Cour de Vienne, qu’Elle nommera Maître des ballets de l’Opéra en 1775.

dans Marie-Antoinette (1976) de Guy-André Lefranc
Le Maître-à-danser de la future Dauphine Lui fournit alors une véritable arme de séduction ainsi qu’en témoignera Horace Walpole, cela s’avérera même un outil politique car le prestige de Son attitude dans ces festivités sera la vitrine de la France !




En 1778, Son page, Tilly, en constatera les résultats dans Sa démarche :
« Elle avait deux espèces de démarches, l’une ferme et un peu pressée et toujours noble, l’autre plus molle, plus balancée, je dirais presque caressante, mais n’inspirant pas l’oubli du respect. On n’a jamais fait la révérence avec tant de grâce, saluant dix personnes en se ployant une seule fois et donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revenait.»
Alexandre de Tilly
Le 16 mai 1770
Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin Louis-Auguste est célébré dans la chapelle royale de Versailles.





A la nuit
« Quand, en peu de temps, on (a) tout illuminé, les habits (sont) beaucoup plus brillants à la lumière… Ce nouvel éclat, joint à celui de l’illumination de la Galerie, (fait) un très grand effet. La table de jeu du Roi surtout , entourée de trois ou quatre rangs de dames superbement habillées, et la masse des diamants (font) un coup d’œil remarquable.»
Le duc de Croÿ
![Versailles
[credit: © EPV / Thomas Garnier]](https://66.media.tumblr.com/4323584eadef6979b3a7048107f16b48/tumblr_nhkbd2a0t31qatfdco1_500.jpg)



A dix heures
Le Roi passe au festin royal dans la grande salle d’Opéra royal, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel, qui est alors inaugurée.

L’opéra Royal du château de Versailles
(Texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion)
L’opéra de Versailles est inauguré à l’occasion du festin des noces du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette. Envisagée dès le règne de Louis XIV, la construction de l’Opéra Royal est finalement menée à bien par son successeur, Louis XV. Les architectes du Roi Soleil ont travaillé sur les plans d’une grande salle de spectacles située à l’extrémité de l’aile du Nord, à l’emplacement de l’actuel Opéra Royal. La construction n’a cependant pas démarré sous son règne. A partir de 1748, Ange-Jacques Gabriel reprend les plans de ses prédécesseurs. Les premiers de travaux de gros œuvre sont exécutés. Les difficultés financières et les atermoiements quant à l’aménagement intérieur conduisent à les interrompre en 1756. Ils reprennent entre 1763 et 1765 avant d’être à nouveau arrêtés.

La décision de terminer l’Opéra Royal est prise en 1768, lorsqu’est conclu le mariage du Dauphin, futur Louis XVI, et de Marie-Antoinette. Un lieu doit être trouvé pour célébrer les festivités. Assisté du machiniste Blaise-Henri Arnoult, Gabriel met la touche finale aux plans de l’Opéra Royal. Celui-ci est achevé en deux ans au terme d’un chantier pharaonique sur lequel travaillent nuit et jour des centaines d’ouvriers.
Arnoult le conçoit de manière à accueillir soit des spectacles soit des festivités. Lors des grandes réceptions, le plancher de la salle est rehaussé au niveau de la scène par des crics toujours en place, formant un gigantesque plateau d’environ cinquante mètres sur vingt. En revanche, dans la configuration spectacles, l’Opéra Royal accueille jusqu’à 1336 spectateurs. Une machinerie répartie sur trente-cinq mètres de hauteur permet d’effectuer des changements de décors spectaculaires à la vue du public. La salle, entièrement exécutée en bois, dispose en outre d’une acoustique exceptionnelle.
L’Opéra royal est une œuvre majeure de l’architecte Ange-Jacques Gabriel . Plus grande salle de spectacles d’Europe lors de son inauguration en 1770, il constitue une véritable prouesse de technique et de raffinement décoratif. Théâtre de la vie monarchique puis républicaine, il accueillera au long de son histoire des festivités, des spectacles et des débats parlementaires.

L’aménagement intérieur combine innovation et classicisme. En remplaçant les loges par des balcons superposés, Gabriel améliore le confort visuel et l’acoustique de la salle. Au dernier étage, des miroirs reflètent des demi-lustres, créant un effet de profondeur et de légèreté. De grands artistes contemporains participent au chantier : Augustin Pajou est chargé du décor sculpté et exécute lui-même les boiseries des loges tandis que Louis-Jacques Durameau supervise le décor peint et réalise le grand plafond, Apollon préparant des couronnes aux hommes illustres dans les Arts.

Louis XV laisse Gabriel mûrir son projet et accepte l’envoi d’architectes français en Italie dans le but de procéder à une véritable tournée d’inspection des plus belles salles de la péninsule : il s’agit de ramener en France toutes les informations et données techniques qui permettront à Versailles de se doter d’un théâtre parfait ( à l’instar de François Ier en son temps…) , conçu dès le départ pour servir non pas à l’ordinaire (les spectacles donnés régulièrement à la Cour pour un nombre relativement restreint de spectateurs) mais pour les grandes solennités réunissant un public nombreux (près de 1 500 personnes). De cette façon, on pourra renoncer aux dispendieuses et peu satisfaisantes salles provisoires qu’il faut construire à chaque fois que l’occasion se présente (notamment lors des mariages princiers).


Convaincu par Gabriel, Louis XV, considérant la perspective des mariages prochains de ses trois petits-fils, ordonne finalement la construction de l’Opéra royal. L’architecture générale de la salle et du bâtiment est confiée à Gabriel. Celui-ci, après bien des modifications, livre un théâtre qui reprend les avancées les plus significatives de son temps : plan en ellipse tronquée, niveaux en retraits les uns par rapport aux autres, loges à la française (sans cloisons). En renonçant au dernier moment quatrième rang de loges, remplacé par une colonnade, l’architecte achève de donner à l’ensemble une élégance et un équilibre parfaits. La décoration sculptée a été confiée à Augustin Pajou et les peintures commandées à Louis-Jacques Durameau.

A la grande loge royale d’apparat initialement prévue par Gabriel, qui devait, par un faut baldaquin, marquer le centre de la salle, Louis XV demande expressément à bénéficier d’une loge grillée, au niveau des deuxièmes loges.


Contraint d’adapter ses plans aux exigences royales, Gabriel aménage donc, au centre du rang des secondes loges, trois loges à l’italienne, c’est-à-dire cloisonnées de haut en bas, et pouvant à volonté s’ouvrir ou se fermer, au moyen de grilles de bronze doré, sur une étroite avant-loge découverte.

Contraint d’adapter ses plans aux exigences royales, Gabriel aménage donc, au centre du rang des secondes loges, trois loges à l’italienne, c’est-à-dire cloisonnées de haut en bas, et pouvant à volonté s’ouvrir ou se fermer, au moyen de grilles de bronze doré, sur une étroite avant-loge découverte.

Juste en dessous sont représentées la Comédie, la Tragédie et la Musique reconnaissables à leurs attributs : le masque pour la Comédie, un poignard, un sceptre et une couronne pour la tragédie qui mêle pouvoir, vengeance et mort, une lyre et une harpe pour la Musique.
Plus bas encore, sur la droite, au bord du cadre, un groupe d’artiste se livre à l’écriture, à la lecture ou semble chercher l’inspiration en implorant Apollon.
A droite, on distingue un autre groupe formé par la Poésie pastorale tenant une houlette et une flûte de Pan, la Poésie lyrique reconnaissable à la lyre et à la trompette qu’elle tient, et la Danse s’accompagnant de ses cymbales et de la flûte que joue l’enfant à ses pieds.
A la toute gauche, un groupe isolé représente la Peinture entourée de l’Architecture et de la Mécanique (allusion évidente aux talents de Blaise-Henri Arnoult, machiniste de la salle de la scène). Enfin, au bas de la composition, l’Ignorance au bandeau sur les yeux, un flambeau éteint à la main, et l’Envie, le cœur dévoré par un serpent, sont toutes deux précipitées du séjour des muses et des arts. Enfin, au-dessus, dans les nuits et de façon charmante, des colombes et des putti volettent en tenant un ruban d’union évoquant les Plaisirs et les Ris auprès du dieu des arts.
Pour accéder à sa loge, le Roi passe directement par la porte du bout de la Galerie Haute, surmontée d’un groupe de Pajou.



L’aménagement de la machinerie et de tout ce qui regarde la scène échoit à Blaise-Henri Arnoult, premier machiniste du Roi, qui signe là un chef-d’œuvre. En effet, ce que l’on pourrait qualifier de cahier des charges prévoyait une utilisation multiple des lieux : ceux-ci devaient servir à la fois de salle de théâtre mais aussi de salle de bal ou de salle de festin.

Au moyen d’un complexe système de planchers mobiles mus par des treuils, Arnoult parvient ainsi à créer une salle modulable pérenne. Certes, la transformation des lieux nécessitait presque deux jours de travail, mais il ne s’agissait plus de refaire en permanence de nouvelles décorations ni de nouvelles machines : tout pouvait être réutilisé à l’infini en fonction des besoins.

L’Opéra Royal est, au moment de sa construction, doté d’une machinerie permettant les effets les plus courants. Les cinq niveaux de dessous ont chacun une fonction particulière.


Le 19 mai 1770
A six heures du soir
Un bal paré est donné en l’honneur du mariage royal.

par Jean-Michel Moreau le Jeune, Château de Versailles

Musées nationaux de Berlin, Bibliothèque d’art

En plantation, le décor d’Émile Bertin de 1957 évoquant le décor du bal paré.
Source : « Architectures de Théâtre à Versailles, lieux présents et lieux disparus », B. Saule, V. Pruchnicki, S. Castelluccio, J. C. le Guillou, J. P. Gousset, J. de la Gorce, R. Masson
La plupart des duchesses et des «grands d’Espagne femelles» n’y assistent pas. Louis XV a, en effet, consenti, à la demande de Marie-Thérèse, à ce que cette fois seulement Mademoiselle de Lorraine, la cousine française de la Dauphine, soit admise à danser tout de suite après les princesses du sang. Et les duchesses ont protesté en refusant d’assister au bal paré.
Le mariage vu par Sofia Coppola (2006)
Il y a cependant foule à la salle d’Opéra, illuminée comme le 16 , et le Dauphin et la Dauphine dansent le premier menuet, «tout le monde se tenant debout ou grimpé sur des banquettes».

lors des fêtes du mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette, le 19 mai 1770,
par Jean-Michel Moreau le Jeune, Château de Versailles
« Madame la Dauphine dans(e) de très bonne grâce et comme bien habituée à représenter. Monsieur le Dauphin à cause de sa vue ( le duc de Croÿ fait partie des gens qui ont cru le Dauphin myope lors des derniers sacrements de sa mère; la vue obscurcie par les larmes. Il ne tardera pas à changer d’avis devant l’adresse du jeune prince au tiré.) et qu’il n’est pas dans sa force, ne danse pas si bien. Les jeunes princes dans(ent) de bon cœur sans se gêner.»
Le duc de Croÿ
A dix heures
Le Roi se place à la croisée du milieu de la Galerie des Glaces et donne le signal du feu d’artifice.
![Versailles
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Un peu d’une heure plus tard


On assiste à la grande illumination du jardin et la fête pour le peuple qui danse à son tour dans les salles de bal aménagées au Salon de Musique et au Salon des Orangers.

En janvier 1771
« Je fus à Versailles, au bal de Madame la Dauphine et j’y fis événement. Tout le monde m’entoura pour me demander des nouvelles de Chanteloup et tout le monde semblait me savoir gré de mon courage. Je ne jouai de ma vie un plus beau rôle. Madame la Dauphine vint à moi avec cette grâce déjà inséparable de ses actions et me dit :
» Comment se porte Monsieur de Choiseul? Quand vous le reverrez, dites-lui que je n’oublierai jamais ce que je lui dois et que je prendrai toujours pour lui l’intérêt le plus sincère.«
Je retournai à Chanteloup après ma garde pour raconter cela à Monsieur de Choiseul et j’y passai tout le reste du temps où je n’étais pas de service.»
Armand-Louis , duc de Lauzun
Le 23 janvier 1771
« Quant aux grâces naturelles , il est impossible de les posséder à un degré plus marqué et d’en faire un meilleur usage : en cela S.A.R. ne s’est jamais oubliée ou démentie un instant. A l’occasion des bals qui se donnent tous les lundis à Versailles, il n’est sorte d’attention ou de bonté que Madame la Dauphine ne fasse éprouver à ceux qui s’y trouvent. Personne n’est oublié, tout le monde sort enchanté de ces petites fêtes.»
L’abbé de Vermond à Marie-Thérèse
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.

Le mariage occasionne des festivités dont des bals…
Le 14 octobre 1771
Bal à Fontainebleau

Le 28 octobre 1771
Bal à Fontainebleau

Le 4 novembre 1771
Bal à Fontainebleau

Le 11 novembre 1771
Bal à Fontainebleau

Le 16 janvier 1773
« Madame la Dauphine se montre à ces bals avec toutes les grâces possibles.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 11 février 1773
La Dauphine se rend incognito à Paris avec son époux et le comte et la comtesse de Provence au bal masqué de l’Opéra.

Le bal de l’opéra est tourné dans l’opéra Garnier, qui ne sera inauguré qu’un siècle plus tard
par celle pour qui ce choix est peut-être un hommage,
l’Impératrice Eugénie…


Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.

A nouveau, des festivités pleines de bals et de feux d’artifice…
Le 19 novembre 1773
Bal paré et feu d’artifices au château de Versailles.

Marie-Antoinette qui avait, depuis deux jours, une légère indisposition, assiste à ce divertissement d’une loge accompagnée de Madame Elisabeth.

Le 24 novembre 1773
Bal masqué au château de Versailles.

Le 19 janvier 1774
Aux bals données par Madame de Noailles:
« Madame l’Archiduchesse y est toujours remplie de grâces et de bonté et enchante tous ceux qui sont admis à lui faire leur cour.»
Mercy à Marie-Thérèse

Le 30 janvier 1774
Marie-Antoinette rencontre Axel de Fersen lors d’un bal à l’Opéra.





Reine d’un Seul Amour (1988) de Caroline Huppert



Le 10 mai 1774
Louis XV meurt à trois heures et quart de l’après-midi

Louis XV
Les fêtes de Versailles sont une faute trop souvent reprochée à Marie-Antoinette, comme si Elle avait sacrifié à Ses goûts d’amusement ou d’amitié privée les devoirs mêmes de la Couronne. C’est pourtant Louis XVI qui Lui en confie le ministère officieux, car prévenu contre Elle par sa marraine, Madame Adélaïde qui redoute la politique autrichienne, il espère La noyer dans ces distractions afin de L’éloigner du cabinet du Conseil…

La ceinture de la Reine Marie-Antoinette
« Il existait encore chez les Français un sage antique et galant, dont les reines de France avaient désiré la conservation. A la mort du roi, les Français payaient à la nouvelle reine un droit connu sous le nom de ceinture de la reine. Marie-Antoinette apprend que ce droit pèse sur les classes les plus infortunées; que les privilégiés ont trouvé moyen de ne pas y contribuer : elle supplie le roi de s’opposer à sa perception. Cet acte généreux plaît à Louis XVI ; et l’universalité de la nation applaudit au désintéressement, à la bienfaisance de la jeune reine. La poésie devait conserver le souvenir de ce sacrifice. Le comte de Coutourelle se fit l’organe du peuple reconnaissant; il adressa à la reine le quatrain que nous citons :
Mémoires de Weber, frère de lait de Marie-Antoinette, reine de France
« Vous renoncez, charmante souveraine. Au plus beau de vos revenus. A quoi vous servirait la ceinture de reine ? Vous avez celle de Vénus. »
Pendant l’hiver
Les bals de l’Opéra font passer beaucoup de nuits à la Reine qui s’y rend avec une seule dame du palais et Ses deux beaux-frères. Elle croit n’être jamais reconnue mais Elle l’est par toute l’assemblée, dès Son entrée dans la salle : feignant de ne pas La reconnaître, on établit toujours quelque intrigue de bal pour Lui procurer le plaisir de l’incognito.
Le 15 décembre 1774
« Les spectacles recommencent à la Cour sur le petit théâtre, le jeudi 15, lendemain du deuil quitté.»
Le 19 Décembre 1774
« Les bals commencent chez la Reine aujourd’hui lundi 19, & auront lieu à pareil jour chaque semaine. L’uniforme est pour les Dames un domino de taffetas blanc, garni de gaze. Les hommes doivent avoir un habit de velours bleu, une veste blanche, brodée en bleu.»
Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un observateur … par Louis Petit de Bachaumont (1777)

Le 9 janvier 1775
Bal chez la Reine.


Le 20 janvier 1775
Le comte de Mercy rapporte à Marie-Thérèse :
« Les bals de la reine continuent à avoir lieu le lundi ; ils deviennent plus nombreux et plus brillants ; Sa Majesté a commencé le 9 du mois, à établir des quadrilles de masques : le premier a été établi sous des costumes norvégiens et lapons. Le bal a été ouvert par une marche et une contredanses analogues à la mascarade, dont l’ajustement était du meilleur goût. Le roi n’a point encore dansé à ces bals, quoiqu’il en eût d’abord formé le projet ; il y vient communément vers les neuf heures ; il s’y promène, parle à tout le monde et ne se fixe à aucune place. Dans l’intervalle des contredanses, la reine prend, de son côté, le moment de donner à chacun quelque marque de bonté. Elle distingue particulièrement les dames étrangères auxquelles elle permet de venir voir les bals, quoiqu’elles n’aient pas été présentées à la cour. Trois dames anglaises, au nombre desquelles était milady Elsbury, se sont trouvées au bal du 26 décembre ; elles y ont été traitées par la reine avec une grâce et une bonté qui ont été fort remarquées et généralement applaudies. Je réunirai tout en un mot, en disant que la reine ajoute journellement quelque nouveau degré de perfection à la tenue de sa cour, et que tout le monde est enchanté du traitement qu’il y éprouve.»
Florimond de Mercy

« Rien n'(est) oublié. Deux femmes de chambre se t(iennent) dans un cabinet de toilette pour réparer le désordre que la vivacité de la danse p(eu)t amener dans le costume. Et comme la disposition de la salle n’(a) pu laisser pour ce cabinet qu’une demi-circonférence, on y (a) adapté des glaces qui rend(ent) l’illusion parfaite et lui donn(ent) la forme d’une rotonde.»
Félix d’Hézècques

Marie-Antoinette désire donner de l’éclat, du charme, de l’animation à Ses fêtes, auxquelles Elle agrémente Son art de recevoir. Elle reconnaît tout le monde, Elle dit à chacun une parole gracieuse, Ses questions et Ses réponses sont pleines de tacts et d’à-propos.

« Il fallait monter dans les carrosses, c’est-à-dire être présenté, pour avoir l’entrée de ces bals et y danser. Tout ce qui était de service y entrait sans danser ni se mettre à table. Il n’y avaient même pas d’exceptions pour les officiers des gardes ; aussi plusieurs nous faisaient-ils la cour pour venir souper à la table qu’on nous préparait dans une salle particulière.»
Félix d’Hézècques

A minuit

On sert le souper dans l’ancienne salle de spectacle. Chaque table compte douze couverts et l’on s’y réunit avec sa société. Les valets de pied du Roi et de la Reine servent. Les mets les plus recherchés et les plus délicats y sont offerts avec profusion.
« Malgré la simplicité et la bonhommie de Louis XVI, son rang et ses vertus en impos(ent) toujours un peu. Il se retir(e) de bonne heure parce qu’il s(ait) qu’une fois parti le bal s’égay(e) et s’anim(e) davantage. L’étiquette dev(ient) moins sévère »
Félix d’Hézècques

Le point du jour met fin à ces nuits brillantes. Les pages, les poches pleines de bonbons et d’oranges (vestige du magnifique souper qu’on leur a servi) reconduisent alors les dames à leurs voitures, après leur avoir présenté des bouillons et des en-cas.





« Louis XVI voulut une fois aller avec la reine à un bal masqué ; il fut convenu que le roi ferait non seulement son coucher public, mais même son petit coucher. La reine se rendit chez lui par les corridors intérieurs du palais, suivie d’une de ses femmes qui portait un domino noir ; elle aida à l’en revêtir, et oils s’en furent seuls gagner la cour de la chapelle où une voiture les attendait avec le capitaine des gardes et une dame du palais. Le roi s’amusa peu, ne parla qu’à deux ou trois personnes qui le reconnurent à l’instant, et ne trouva d’aimable dans le bal que les pierrots et les arlequins ; ce que la famille royale s’amusait souvent à lui reprocher.»
Henriette Campan

Le 23 janvier 1775
Mercy donne un bal auquel assiste le Roi.

dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico
La famille royale soupe souvent au bal, le Roi n’y arrive qu’après avoir soupé à neuf heures. Il y reste jusqu’à une heure et va se coucher, après avoir fait un tric-trac dans un petit salon destiné à ce jeu.

Fin janvier 1775
La comtesse de Brionne, née Rohan-Rochefort (1734-1815), et veuve d’un grand seigneur de Lorraine (qui l’apparente donc à la Reine), donne dans son hôtel, un bal qui commence après minuit.

La Reine, suivie de Ses deux beaux-frères et de Sa belle-sœur, la comtesse de Provence, y arrive à l’improviste. Il y a quatre quadrilles, le premier en costume Henri IV, le second en saltimbanques, le troisième en tyroliens (c’est celui de la Reine), le quatrième en Indiens.

en 1774, 1775 et 1776


Les entrées et les danses ont un tel succès que la Reine veut faire répéter toute cette mascarade la semaine suivante, au bal de la Cour, qui a lieu le 23 janvier, dans la petite salle de spectacle (cette salle, qui n’existe plus, occupait, dans l’aile du sud du château de Versailles, l’emplacement du vestibule qui conduit aujourd’hui de la cour des Princes au jardin). Le Roi ouvre le bal. Il a un costume du temps de Henri IV.





Il reste au bal jusqu’à trois heures et demie du matin ; la Reine y danse jusqu’à sept heures du matin, puis Elle va entendre la messe.

Petit rappel, la Reine ne buvait que de l’eau … de Ville d’Avray !
Le 6 février 1775
Il y a bal chez la Reine.


La Reine aime le bal avec tout l’entrain d’une jeune et jolie femme.

Le 20 février 1775
Un bal de nuit est donné dans le salon d’Hercule.

Mercy rapporte à Marie-Thérèse :
« Sacrée Majesté,
Florimond de Mercy
depuis le 18 janvier, jusqu’au jour de l’arrivée de Mgr l’archiduc Maximilien, il n’y a eu qu’un seul objet qui puisse donner matière à mon très-humble rapport. Cet objet est celui des bals qui se sont succédé à la cour, et qui ont tellement rempli tout le loisir et toute l’attention de la reine que je n’ai pu obtenir que quelques moments, très rares et très courts, à recevoir les ordres de Sa Majesté et à lui rendre compte de ce que j’avais à lui dire. La raison de cette occupation si suivie tient à la nouvelle forme que la reine a donnée à ses bals, où il s’agit toujours de nouveaux quadrilles composés de différentes sortes de mascarades. La composition des habillements, les contredanses figurées en ballets, les répétitions journalières qu’elles exigent, tout cela n’a pas laissé un moment de vide, et à peine le temps suffit-il d’un lundi à l’autre pour effectuer en ce genre les projets de la semaine.»

huit ans avant l’arrivée de Marie-Antoinette en France…
« Il est vrai que la reine a recueilli le fruit de ses soins par le très grand succès qu’ont eu les fêtes qui se sont données chez elle, et les grâces personnelles de Sa Majesté, l’attention et la bonté avec laquelle elle traite un chacun, ont donné à ces fêtes un degré d’agrément dont on avait perdu le souvenir à la cour. Il en résulte plus d’éloges et plus d’attachements que jamais pour la reine, et de ce côté-là, il est certain qu’elle tire un très grand parti des objets de ses amusements.»
Florimond de Mercy

Le 23 février 1775
Souper et bal la nuit chez la comtesse de Noailles.

ce qui paraît incongru lorsqu’on connaît le personnage !


Le 27 février 1775
Il y a bal et fête de nuit à la Grande Ecurie.



Le 17 mars 1775
« Quoique le Carnaval m’ait bien amusée, je conviens qu’il était temps qu’il finît. Nous sommes remis à cette heure dans notre train ordinaire, et j’en profiterai pour causer davantage avec le Roi qui est toujours de très bonne amitié avec moi.»
Marie-Antoinette à Marie-Thérèse
En juin 1775
La Reine donne au château de Versailles une fête qui ouvre la saison d’été. Ce soir-là, le beau-père de Yolande de Polignac (1749-1793) l’emmène au château de Versailles. Il fait une chaleur étouffante. Dans un coin du salon, Marie-Antoinette remarque des jeunes gens qui ne dansent pas. Agacée comme peut l’être une maîtresse de maison qui s’occuperait du bon déroulement du bal, Elle les invite un peu brusquement à sortir. L’intervention jette un froid, si bien que même ceux qui dansaient s’arrêtent. Marie-Antoinette semble ne pas comprendre cette soudaine bouderie. Yolande, qui a assisté à la scène, s’approche de la Reine et Lui explique avec naturel et douceur :
« – Madame, Votre Majesté, en faisant à ces dames l’honneur de les admettre à ces bals n’a sûrement pas eu l’intention de leur donner la mortification, comme elle vient de le faire, d’en chasser leurs maris et leurs frères dont la plupart sont des danseurs.
– Non, madame, je n’ai pas dit cela pour eux, mais pour beaucoup de personnes qui ne dansent pas. »
Se rendant compte de sa bévue, la Reine s’empresse de rappeler les jeunes gens. Le salon se remplit à nouveau. L’incident est clos. Reconnaissante, Marie-Antoinette va vers Yolande de Polignac, Elle prend ses mains dans les Siennes :
–Je n’oublierai jamais que vous m’avez donné une marque d’estime et d’attachement en me faisant apercevoir d’une action qu’on aurait pu interpréter contrairement à mon action… Je désire votre amitié, faites-moi le plaisir de venir demain déjeuner avec moi. »

dans la série de Guy-André Lefranc (1975)
« Bientôt après, elle fut remarquée par la Reine à une partie de barre, frappée par cette figure angélique, par sa grâce et son air de simplicité, elle s’informa de son nom . Alors elle lui parla pour lui reprocher de se montrer rarement à Versailles en l’engageant à y venir plus souvent, qu’elle la verrait avec plaisir . C’était un ordre assez flatteur… Dans les premiers temps votre mère allait un peu plus souvent faire sa cour, mais pas autant que la Reine l’aurait voulu, s’attachant de plus en plus à votre mère dont elle appréciait les qualités.»
Madame de la Tour Landhorte
Dès 1774, des bruits courent sur les préférences de la Reine, « la Reine serait une femme à femme. »

Dimanche 11 juin 1775
C’est le jour de la Sainte Trinité

Louis XVI est sacré à Reims.
A six heures du matin
« La cérémonie commence à six heures du matin. Dès quatre heures du matin, on se rend à la grande église. A six heures et demie nos six princes arrivent en cérémonie représentant les trois anciens ducs et les trois anciens comtes du royaume, la couronne en tête. Cela est très beau et très imposant… Les deux frères du Roi représentent les deux premiers ducs, celui de Bourgogne et celui de Normandie, et les quatre princes de sang, les quatre autres. Monsieur et le comte d’Artois (sont) très jolis dans cet habillement qui (va) aussi à merveille au gros duc d’Orléans.»
Le duc de Croÿ

La cérémonie est présidée par l’archevêque de Reims, Mgr de La Roche-Aymon, celui-là même qui avait baptisé et marié le Dauphin. Les archevêques de Laon et de Beauvais l’assistent. Le chantre et le Grand Maître des Cérémonies les précèdent, lorsqu’ils arrivent devant la porte de la chambre de parade. Le chantre frappant à la porte avec son bâton, le Grand Chambellan répond sans ouvrir :
«Qui demandez-vous?
L’évêque de Laon répond : « Le Roi».
Le Grand Chambellan dit « Le Roi dort.»
Il évoque alors Louis XV qui demeure Roi même après qu’il est mort tant que le sacre de Louis XVI n’est pas accompli. Deux fois le petit dialogue se répète. A la troisième fois, l’évêque de Laon répond :
« Nous demandons Louis XVI que Dieu nous a donné pour roi.»
Alors la porte s’ouvre à deux battants et Louis XVI apparaît étendu sur le lit de parade, où il figure non pas lui-même, personne distincte et définie, mais l’entité roi morte, endormie dans le Seigneur par la mort de Louis XV, et sur le point de ressusciter par le sacre. Il est en robe longue d’étoffe d’argent ; sur la tête un chapeau de velours gris garni d’un bouquet de plumes blanches surmontées d’une plume noire de héron, avec au retroussis du chapeau, sous le bouquet de plumes, une agrafe de diamants ; à ses pieds, des mules d’argent. Ses cheveux blonds ne sont pas noués en catogan, épars, tombant en boucles libres sur ses épaules et dans son dos.

L’évêque de Laon lui présente l’eau bénite, puis l’aide à se lever ; alors le rituel de la résurrection du Roi étant terminé, la procession s’organise et traverse la galerie couverte et la nef de la cathédrale en chantant l’antienne du sacre et le psaume Domine in virtute.

A sept heures et demie

« Le Roi arriv(e) … cette entrée où l’archevêque et le clergé vont au-devant, et que les fanfares militaires annoncent, est très noble. Le Connétable, que représent(e) le maréchal de Tonnerre, doyen du Tribunal, âgé de quatre-vingt-huit ans, le suit et se place seul, loin et en bas. Derrière lui, le Chancelier représenté par M. de Miromesnil, alors Garde des Sceaux, et le prince de Soubise représentant le Grand Maître, se placent seuls, l’un derrière l’autre. Ils ont leur grand habit et la couronne ; le Chancelier sa toque ou mortier doré. Cela est des plus majestueux. Le duc de Bouillon Grand Chambellan, le maréchal de Duras Premier Gentilhomme de la Chambre, et le duc de Liancourt Grand Maître (de la Garde Robe), ayant aussi la couronne, se placent dans le même rang, derrière vers le milieu du chœur. Cela fait en tout douze couronnes dont trois de ducs et le reste de comtes qui, avec de grands manteaux d’hermine sur la longue veste d’or fait un effet d’autant plus majestueux qu’on ne le voit que ce jour-là. Les capitaines des gardes qui sont en veste et en manteau de réseau d’or se tiennent à côté. De même plusieurs hoquetons, massiers et autres en manteau de satin blanc, et tout ce costume ancien est imposant. L’archevêque de Reims, successeur de Saint Rémi, assisté des évêques de Soissons et d’Amiens, et pour cette fois du coadjuteur, sont assis vis à vis le Roi, tournant le dos à l’autel, et de leurs grandes mitres, ainsi que leurs superbes ornements d’or éclatant, de même que tous les assistants qui les entourent, et la ligne des cardinaux et prélats qui sont tout du long du côté de l’Epître, se montrent là avec plus grand éclat des pompes de l’Eglise. Le Roi est seul, sur un fauteuil à bras, sous le grand dais élevé au milieu du sanctuaire. Chacun est à sa place, en silence. Le fond en rond-point, derrière le chœur, est une colonnade d’or, avec un amphithéâtre cintré , très élevé, qui fai(t) au mieux mais trop en spectacle d’Opéra. La tribune de la Reine en décoration théâtrale des plus brillantes, celle des ambassadeurs vis à vis, toutes les travées et entrecolonnements garnis, en amphithéâtre, de dames couvertes de diamants et de personnes richement habillées, fai(t) l’effet le plus majestueux, et la décoration (est) d’autant plus frappante qu’elle (est) réelle. L’archevêque donn(e) ensuite l’eau bénite, puis entonn(e) le Veni Creator.»
Le duc de Croÿ

par Théophile Vauchelet, d’après Nicolas-André Monsiau, 1835

La procession qui accompagne les quatre barons de la Sainte-Ampoule en satin noir et blanc fait alors son entrée. Les quatre otages sont vêtus d’étoffe d’or «légèrement rayée de noir qui répondent sur leur vie de la sécurité de la Sainte-Ampoule, et sous son dais de moire d’argent bordée de franges unies aussi d’argent et surmonté de quatre fleurs de lys de cuivre argenté, monté sur une haquenée blanche couverte d’une housse de moire d’argent relevée d’une broderie très riche d’argent avec frange autour», Dom Debar, Grand Prieur de l’abbaye bénédictine de Saint-Rémi, «en aube, étole pendante et chape», portant dans un reliquaire suspendu à son cou la Sainte-Ampoule, la petite bouteille en forme de larme que Saint Rémi aurait reçue, d’après la légende de la main d’un ange pour le sacre de Clovis.


Après avoir été la recevoir des mains du Grand Prieur et s’être engagé à la lui remettre aussitôt après la cérémonie, tandis qu’on dit sexte, l’archevêque s’habille pour la messe avec les ornements d’argent dont François Ier (1494-1515-1547) a commandé le dessin à Raphaël (1483-1520). Le duc de Croÿ reprend :
« L’archevêque et tous ses assistants s’approchent du Roi qui est dans son fauteuil ; ils lui font les demandes de sûreté et de protection de l’Eglise. Le Roi prononce tout haut la promesse de continuer et de conserver les privilèges de l’Eglise. Alors les évêques de Laon et de Beauvais soulèvent le Roi qui regarde l’assistance. Ils demandent aux seigneurs assistants et au peuple s’ils acceptent Louis XVI pour leur roi, à quoi on acquiesce par un respectueux silence, le fait est qu’ils ne disent rien. Je les interrogeai ensuite ; ils me dirent que cela n’était pas dans leur instruction, et que ce soulèvement qu’ils font du Roi est ce qui reste de cet ancien usage. Ainsi, voilà le vrai, cette fameuse demande ne se fait plus.»
Selon la tradition, le prélat prononce la formule suivante en posant la couronne de Charlemagne sur la tête du souverain :
« Que Dieu vous couronne de la gloire et de la justice, et vous arriverez à la couronne éternelle »
Le Roi lit le serment haut et ferme, en latin, appuyant sur les mots avec respect et attention, comme s’il disait à chaque mot: «Je m’engage à cela de bon cœur ! Et pendant toute la cérémonie, il conserve la même ferveur.
Ensuite, il prononce de même haut et ferme, et comme s’engageant bien, le serment de l’Ordre du Saint-Esprit. Il prête aussi le serment de l’Ordre Militaire de Saint Louis et le serment de l’édit contre les duels.


Gravures aquarellées Osenat, Maison de vente aux enchères à Versailles.
La Reine n’est qu’assistante lors de cette cérémonie.


Pendant que le Roi prête le serment
On a placé sur l’autel tous les ornements royaux. Les évêques de Laon et de Beauvais conduisent le Roi au pied de l’autel, le Premier Gentilhomme de la Chambre lui ôte sa robe, dessous «de satin cramoisi, garnie de petits galons d’or à jour sur toutes les coutures et ouverte, de même que la chemise, aux endroits ménagés pour les onctions, ces ouvertures fermées par des petits cordons d’or et de soie». Le Grand Chambellan lui met les «bottines de satin violet parsemé de fleurs de lys d’or», et les «éperons garnis en or» que Monsieur, représentant le duc de Bourgogne, lui retire aussitôt.

Et c’est la bénédiction de l’épée, dite de Charlemagne, mais en réalité beaucoup plus moderne, en forme de croix dans son fourreau de velours violet parsemé de fleurs de lys d’or.
« L’archevêque lui ceint l’épée de Charlemagne, apportée du trésor de Saint Denis, pour protéger l’Eglise, la veuve et l’orphelin. Le Roi tient l’épée élevée, l’offre à Dieu en la posant sur l’autel. L’archevêque la reprend, le Roi la reçoit à genoux et la remet au connétable qui la tient toujours de même, nue et la pointe haute.»
Le duc de Croÿ


Louis XVI et Marie-Antoinette couronnés par l’Amour, 1775
(craie avec encre et peinture à l’eau), par Gabriel Jacques de Saint-Aubin
Les préliminaires étant achevés
« L’archevêque met, sur le milieu de l’autel, la patène d’or de saint Rémi. Le Prieur de Saint Rémi, ayant ouvert la Sainte-Ampoule, la donne à l’archevêque lequel, avec une aiguille d’or, en tire la « grosseur d’un grain de froment, le met sur la patène, puis la remet au Prieur. Ensuite il y mêle le Saint Chrême. Après cela le Roi se prosterne à plat sur un long carreau de velours violet, et l’archevêque, malgré son grand âge et ses infirmités, se prosterne à côté. Les quatre évêques disent des litanies des saints : cette position et ce moment est touchant et imposant… La consécration du Roi se fait ensuite à genoux aux pieds de l’archevêque qui l’oint sur la tête avec ce qui a été mis sur la patène … (la robe et la chemise du Roi) sont ouvertes, et jusqu’à la chair, dans tous les endroits, et l’archevêque lui fait de même six onctions, de sorte que le Roi reçoit tous les premiers ordres de l’Eglise et les a presque tous hormis la prêtrise, tout cela dans l’esprit de l’Ancien Testament, dont l’origine est du temps de Saül.»
Le duc de Croÿ

A chaque onction, sur le front, sur le sein gauche, à la jointure des bras, l’archevêque répète la formule:
« Je vous sacre roi avec cette huile sanctifiée au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.»
Et les chanoines chantent l’antienne propre :
« Le prêtre Sadoch et le prophète Nathan sacrèrent Salomon dans Sion ; et s’approchant de lui, ils lui dirent avec joie : Vive le Roi éternellement !»

L’onction sur les mains, la plus sainte de toutes, se fait à part, et l’archevêque dit en même temps la prière spéciale :
« Que ces mains soient ointes de l’huile sanctifiée de laquelle les rois et les prophètes ont été oints, et de la même manière que Samuel sacra le roi David, afin que vous soyez béni et établi dans ce royaume que Dieu vous a donné à régir. Que Dieu qui vit et règne aux siècles des siècles vous accorde cette grâce.»
Un à un, les ornements royaux sont alors bénis, et le Roi en est revêtu :
- la tunique et la dalmatique «de satin violet, doublées de taffetas couleur de feu, parsemées de fleurs de lys d’or sans nombre», bordées «d’un galon d’or en broderie» ;
- le manteau ouvert sur le côté droit, en velours violet de fleurs de lys d’or sans nombre, doublé d’hermine et une agrafe en forme de fleur de lys d’or «chargée de rubis, de diamants et de grosses perles orientales» ;
- les gants que l’oraison compare à la peau de chevreau dont Jacob avait couvert ses mains le jour «où ayant offert à son père une nourriture et un breuvage qui lui furent agréables, il en reçut la bénédiction» ;
- l’anneau «qui est le signe de la foi et de la dignité royale, la marque de la puissance», cet anneau que Louis XVI ne quittera plus jamais, pas même pour mourir ;
- le Sceptre d’or de cinq pieds dix pouces, surmonté d’un lys d’or émaillé où est représenté Charlemagne sur son trône ;
- la main de justice «dont le bâton est d’or et la main faite d’ivoire», « verge de vertu et de justice».



Détail du collier de l’Ordre du Saint-Esprit
Le couronnement

Monsieur de Miromesnil, faisant office de Chancelier, monte à l’autel contre l’Evangile, et là, tourné vers l’assemblée, d’une voix très claire et haute, fait l’appel en criant avec emphase:
« Monsieur qui représentez le duc de Bourgogne, présentez-vous à cet acte! Il en dit de même aux cinq autres qui se lèvent à mesure et s’approchent du Roi. Il appelle ensuite les cinq pairs ecclésiastiques. L’archevêque prend, sur l’autel, la grande couronne de Charlemagne, il la soutient seul à deux mains sur la tête du Roi, en disant:
« Que Dieu vous couronne de la couronne de gloire et de justice.»

Image du film de Sofia Coppola (2007)
Ensuite, il met seul la couronne sur la tête du Roi, les pairs laïques et ecclésiastiques portent tous la main pour la soutenir à un doigt de la tête du Roi, et ce moment superbe fait la plus grande sensation.

Image du film de Sofia Coppola (2007)

Couronne de Louis XVI (appelée par erreur couronne de Louis XV) : « une couronne d’or enrichies de rubis, de saphirs et d’émeraudes, montée sur un bonnet de satin cramoisi brodé d’or avec quelques perles, doublé de taffetas jaune« . Elle n’a rien à voir avec celle de Charlemagne qui est un bandeau surmontée d’une croix sur le devant , celle du sacre est une couronne fermée à huit branches jaillissant de huit lys en se rejoignant au sommet pour former un lys.
L’archevêque couronne le Roi en disant :
« Recevez la couronne de votre royaume au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, afin que rejetant les prestiges de l’ancien ennemi des hommes, et vous gardant de la contagion de tous les vices, vous soyez si zélé pour la justice, si accessible à la compassion et si équitable dans vos jugements, que vous méritez de recevoir de N.S.J.C. la couronne du royaume éternel dans la société des Saints. Recevez dans cette couronne, et faites qu’elle porte les marques glorieuses et honorables de votre piété et de votre courage, et sachez que c’est par elle que vous participez à notre ministère ; et que de même qu’on nous regarde comme les pasteurs et les conducteurs des âmes dans les choses spirituelles, de même vous preniez notre défense contre les ennemis de l’Eglise, que par le ministère de notre bénédiction et tandis que nous faisons en cette partie la fonction des apôtres et de tous les saints, au milieu de nos cantiques, vous vous montriez le protecteur et le ministre fidèle du royaume qui est confié à vos soins ; afin qu’orné de toutes les vertus qui brilleront en vous comme autant de pierres précieuses et couronné comme un vaillant athlète de la récompense du bonheur éternel, vous régniez glorieusement avec Jésus-Christ notre rédempteur et notre sauveur dont vous êtes l’oint et dont vous êtes regardé comme l’intendant.»

Image du film de Sofia Coppola (2007)
L’archevêque, ôtant ensuite sa mitre, dit au Roi toujours à genoux , plusieurs prières et bénédictions.
L’intronisation
« L’archevêque prend le Roi par le bras droit… et il est mené ainsi majestueusement sur le beau trône qui est très élevé sur la décoration du jubé, où est un fauteuil semé de fleurs de lys, entre les quatre grandes colonnes qui supportent le grand pavillon royal, et d’où il peut être vu de partout. On ouvre la grande porte, le peuple entre en foule, on lâche les oiseaux, toutes les trompettes annoncent le Maître par leurs sons éclatants.»
Le duc de Croÿ

C’est à ce moment où l’émotion qui étreint le Roi est à son comble, où il est présenté à son peuple ayant reçu l’onction qui fait de lui, suivant l’expression du pape Grégoire IX, «l’évêque du dehors».

« Je sais que je n’ai jamais connu autant d’enthousiasme avant. J’ai été totalement surpris de me retrouver en larmes et de voir tous les autres dans le même état… Le Roi semblait vraiment ému par ce beau moment… Notre Roi habillé avec toute la brillance de la royauté, sur le vrai trône, était une vue Tellement impressionnant qu’il est difficile à décrire.»
Le duc de Croÿ (1718-1784)



« Les mains de la Divinité
Vers écrit en l’honneur du sacre de Louis XVI, 1775
Louis, t’envoient la couronne
Le sceptre, l’épée, la loi te donne
Mais ce sont tes vertus et ta bonté
Qui t’assurent le trône dans nos cœurs.»

Du couple royal, il n’y a eu qu’une personne en scène, le Roi, l’héritier de Charlemagne et de Louis XIV, l’être exceptionnel que l’onction de Reims renvoie à Versailles sacré par Dieu lui-même, maître d’un peuple et digne de le gouverner.
« La belle journée que celle du sacre ! : je ne l’oublierai de ma vie .»
Marie-Antoinette
Le Roi est paru seul dans les cavalcades et les cérémonies, la Reine n’en a été que spectatrice. Cependant on La cherche partout et à toutes les cérémonies de ces journées rémoises.
Le 21 août 1775
Il assiste au mariage de Madame Clotilde (1759-1802), sœur de Louis XVI, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne (1751-1819), frère des comtesses de Provence et d’Artois.

Horace Walpole laisse un témoignage sur cette grande fête versaillaise, on devine à travers ses mots l’éblouissement de la soirée :
« La nuit dernière, je me suis glissé au bal paré et comme j’ai une foule d’amis, on m’a placé sur le banc des ambassadeurs, juste derrière la famille royale. Le bal avait lieu dans la salle de spectacles la plus brillante de l’univers et où le goût l’emporte encore sur la richesse… Quant à la nouvelle princesse de Piémont, son visage est éclatant de fraîcheur et le reste à peu près de la dimension de lord Holland, ce qui ne fait pas bien dans une robe à corsage raide…»


Le 22 août 1775
La Reine ouvre un grand bal paré avec le comte de Provence.
Manifestement, c’est Marie-Antoinette, souveraine parmi les souveraines qui retient tous les regards :
«On ne pouvait avoir des yeux que pour la Reine. Les Hébé et les Flores, les Hélène et les Grâces ne sont que des coureuses de rue à coté d’elle. (…)
Horace Walpole
Quand elle est debout ou assise, c’est la statue de la beauté ; quand elle se meut, c’est la grâce en personne. (…) Elle avait une robe d’argent semée de lauriers-roses, peu de diamants et de grandes plumes.
(…) On dit qu’elle ne danse pas en mesure, mais alors, c’est la mesure qui a tort (…)»

En fait de beautés, je n’en ai vu aucune, ou bien la Reine les éclipsait toutes …
Horace Walpole

Il n’y a que huit menuets, et, outre la Reine et les princesses, huit dames seulement figurent à ce bal.
« Dans les intervalles de la danse, on présent(e) à la famille royale et aux danseurs des corbeilles de pêches, d’oranges mandarines, des biscuits, des glaces, du vin et de l’eau. Le bal ne dure que jusque deux heures. Le monarque ne danse pas ; mais dans les deux premiers tours de menuet, la reine elle-même ne doit pas lui tourner le dos ; elle a, du reste, exécuté tout cela avec une aisance divine.»
Horace Walpole
Lors d’un bal de la Reine donné dans le grand salon d’Hercule, le Roi parvient à peine à se frayer un chemin à travers la foule. Selon Véri, «il ne trouv(e) de siège pour s’asseoir que parce qu’une dame lui donn(e) la moitié de son tabouret». A la suite de cet incident, Maurepas sermonne Louis XVI qui ne se fait pas respecter et n’ose pas remettre les pendules à l’heure.

Le 4 décembre 1775
Les bals de la Reine reprennent mais chez la princesse de Lamballe. Marie-Antoinette y impose ses invités. Ces bals, et les soupers qui suivent seront moins contraignants que chez elle.

Le 17 décembre 1775
«Les bals chez la reine ont recommencé ; ils se donnent chaque lundi ; ils durent depuis six heures du soir ; les dames y viennent en dominos parés ou sous tel autre habillement de caractère qui leur convient. Les hommes dansants ont leurs habillements ordinaires ; ils ne sont plus astreints à un uniforme, mais il est interdit aux personnes des deux sexes d’avoir ni or ni argent dans leurs ajustements. Ces petites fêtes se passent toujours avec le même agréments pour ceux qui ont l’honneur d’y assister ; la reine traite tout le monde avec grâce et bonté, personne n’a lieu de se plaindre à cet égard, à moins de prétentions injustes et déplacées, ce à quoi on est beaucoup plus sujet qu’ailleurs.»
Florimond de Mercy

Ces lundis de Marie-Antoinette s’appellent des bals d’avant-soirée, par opposition aux bals d’après minuit. Ces lundis sont des réunions intimes qui ne durent que quatre heures, de six heures à dix heures du soir, et qui sont bien plus remarquables par le haut rang des invités que par l’éclat des préparatifs et par la richesse des costumes.

Les bals d’après minuit ne se donnent que rarement, ils sont magnifiques.
En 1776
Marie-Antoinette change le jour de Ses petits bals : ils ont désormais lieu le mercredi à la place du lundi. Pendant ce carnaval, il y aussi un bal tous les samedis au château de Versailles, dans l’appartement de la princesse de Guéménée, gouvernante des Enfants de France.



En février 1776
La Reine organise, dans la Galerie des Glaces, un bal masqué pour le carnaval dont le thème est le règne d’Henri IV.


Le 28 février 1776
« Ces bals (de la princesse de Guéménée sont) plus vifs, mais un peu trop bruyants, par le gros jeu qu’on y jou(e), et qui y avait été établi pour plaire à M. le comte d’Artois. La reine n’y a jamais joué, et le roi qui arriv(e) toujours à ces bals vers les dix heures, y ram(ène) le bon ordre. On (a) soin, un quart d’heure auparavant, de faire disparaître les tables de jeu et les cartes ; ces bals finiss(ent) vers les onze heures. »
Florimond de Mercy

En 1777
Le carnaval est moins brillant que de coutume. La noblesse, jalouse de la faveur des Polignac et de leurs amis, montre moins d’empressement que par le passé.
Le 15 février 1777
« Sacrée Majesté,
Florimond de Mercy
le carnaval de cet hiver n’a point, à Versailles, la même tournure qu’il avait eue dans les années précédentes, et, quoiqu’il n’y eût rien de changé au genre ni à la fréquence des amusements ordinaires à cette saison, ils ont langui, par un défaut de disposition à la gaieté, à l’exception du dernier bal chez la reine ; les précédents avaient été peu nombreux, on cherchait des prétextes pour se dispenser d’y aller. Depuis longtemps, on n’a vu Versailles si désert qu’il l’a été pendant cet hiver, et il pourrait le devenir encore davantage, si on laisse subsister les causes de l’humeur et des jalousie qui ont occasionné cet inconvénient. »
On reproche à la Reine d’avoir trop d’égard pour les étrangers et la susceptibilité française s’en plaint.
« Il arrive quelquefois que la reine daigne se promener au bal avec des hommes, mais toujours des personnes connues et de distinction. Sa Majesté a fait le même honneur à quelques étrangers, nommément au duc Dorset, cavalier anglais que la reine traite particulièrement bien. Il y a toujours ici un nombre d’étrangers de cette nation, et comme ils ont plus que les autres le goût et l’habitude de la danse et qu’ils devenaient pour cette raison des acteurs utiles pour les bals de la reine, cela a attiré des distinctions, des préférences. Les nationaux en ont conclu que la reine avait une prédilection pour les Anglais ; au reste, comme cette faveur devait finir avec les bals, les remarques que l’on avait faites ont fini de même, et cela n’a tiré à d’autres conséquences que celles d’occasionner des propos toujours déplacés et injustes, mais qui seraient d’autant plus faciles à éviter que la reine met réellement peu d’intérêt aux actions qui les font naître. »
Florimond de Mercy

Le 18 novembre 1777
Louis XVI et Marie-Antoinette inaugurent le théâtre Montansier de Versailles.

Le premier janvier 1778
Il n’y a pas à la Cour la moitié du monde qu’on était accoutumé à y voir autrefois. Si les bals de Versailles sont moins à la mode que par le passé, c’est peut-être que Marie-Antoinette s’est trop montrée au bal de l’Opéra de Paris.

En février 1778

« Un événement, tout simple en lui-même, attira des soupçons fâcheux sur la conduite de la Reine. Elle partit un soir avec la duchesse de Luynes, dame du palais : sa voiture cassa à l’entrée de Paris. Il fallut descendre ; la duchesse la fit entrer dans une boutique, tandis qu’un valet de pied fit avancer un fiacre. On était masqué, et en sachant garder le silence, l’événement n’aurait même pas été connu, mais aller en fiacre est pour une reine une aventure si bizarre, qu’à peine entrée dans la salle de l’Opéra, elle ne put s’empêcher de dire à quelques personnes qu’elle y rencontra :
Henriette Campan
» C’est moi en fiacre, n’est-ce pas bien plaisant ? »
De ce moment tout Paris fut instruit de l’aventure du fiacre : on dit que tout avait été mystère dans cette aventure de nuit ; que la reine avait donné un rendez-vous, dans une maison particulière, à un seigneur honoré de ses bontés ; on nommait hautement le duc de Coigny, à la vérité très bien vu à la cour, mais autant par le roi que par la reine.
Une fois que ces idées de galanterie furent éveillées, il n’y eut plus de bornes à toutes les sottes préventions désagréables du jour, encore moins aux calomnies qui circulaient à Paris sur le compte de la reine : si elle avait parlé à la chasse ou au jeu, à MM. Edouard de Dillon, de Lambertye, ou à d’autres dont les noms ne me sont pas présents, c’étaient autant d’amants favorisés. Paris ignorait que tous ces jeunes gens n’étaient pas admis dans l’intérieur de la reine, et n’avaient pas même le droit de s’y présenter ; mais la reine allait déguisée à Paris, elle s’y était servie d’un fiacre ; une légèreté porte malheureusement à en soupçonner d’autres, et la méchanceté ne manque pas de supposer ce qui ne peut même pas avoir lieu.»

dans La Comtesse de Charny (1989) de Marion Sarraut
Pendant le carnaval de 1778
Les bals de la Cour sont un peu plus suivis que l’année précédente. Les dames de Paris s’y rendent en assez grand nombre. Mais ce n’est plus l’élan, l’admiration des premiers jours du règne.

Félix d’Hézecques décrit, dans Ses souvenirs d’un page, les petits bals de la Reine, si animés :
« Les pages de la chambre (so)nt chargés d’en faire les honneurs. Arrivés les premiers, ils attend(ent) les dames pour les conduire à leur place, leur offrir des rafraîchissements et les reconduire au souper ou à leurs voitures. Habitués au grand monde, ils mett(ent) dans cette fonction la désinvolture de leur âge et la politesse de leur rang. Les étrangers (sont) toujours frappés de voir ces bons petits régents, dont la plupart port(ent) encore sur leurs visages les roses de l’enfance, se démener, courir, appeler, presser les gens du buffet, reconduire les dames, sans paraître étonnés de ces grandeurs, ni fatigués du poids de leurs superbes habits.»
Félix d’Hézecques

Les hommes dansent avec leurs chapeaux à plumes sur la tête. Les femmes, presque toujours en domino, ne portent que très peu de bijoux.

Lorsque Marie-Antoinette tente de s’occuper de politique et par là-même de répondre aux exigences maternelles, Louis XVI sollicite Madame de Polignac afin qu’elle détourne la Reine de cette présomption en La ramenant à ces amusements futiles … mais utiles aux adversaires de l’Autriche.

Le 17 août 1778
Pendant l’affaire de Bavière, le comte de Mercy écrit :
« La comtesse de Polignac ayant dû se rendre chez ses parents à la campagne dans le moment même où la nouvelle de l’entrée de l’armée ennemie en Bohême causait à la Reine tant d’inquiétudes et de chagrin, le Roi crut devoir donner à son auguste épouse une marque d’attention en écrivant par un courrier exprès à la comtesse de Polignac de revenir sur-le-champ à la cour afin que la Reine eût le soulagement de pouvoir s’entretenir avec la personne à laquelle elle accorde le plus de confiance et d’amitié.»
Florimond de Mercy à Marie-Thérèse
Il remarque avec plus de détails encore le 17 avril 1780 :
« Ce qui affermit le plus la comtesse de Polignac dans sa position, c’est le Roi semble d’avoir contracté une sorte d’amitié pour elle, il lui sait gré d’être devenue une ressource essentielle pour la Reine, il s’habitue lui-même dans la société de cette favorite, lorsqu’elle est absente de Versailles, le monarque prend soin de lui faire écrire pour l’avertir des temps et des moments où sa présence peut devenir le plus nécessaire ou agréable à la Reine.»
Florimond de Mercy à Marie-Thérèse
Paul et Pierrette Girault de Coursac observent que Madame de Polignac en donne au Roi pour son argent, car il lui faut tenir table ouverte, organiser des bals, recevoir chez elle la société que Louis XVI a choisie pour sa femme, mais elle est tenue de rester de garde près de la Reine, de L’amuser, de La surveiller, de La diriger, de subir Ses sautes d’humeur et Ses caprices, sans jamais pouvoir quitter ce service écrasant pour plus de quelques jours qu’elle ne soit rappelée à la Cour par un message urgent du Roi.
« Ladite comtesse influe en effet souvent dans une partie des arrangements de la cour, il était décidé que se rendrait à Marly pour le 5 pour y rester jusqu’à la fin du mois, mais ce voyage n’a point eu lieu par la seule raison que la comtesse de Polignac, entrant dans le neuvième mois de sa grossesse, est venue à Paris pour y faire ses couches, et que la Reine qui se propose de la voir souvent, fera plus commodément ses petits voyages à Paris en partant de Versailles que si elle se trouvait à Marly.»
Florimond de Mercy à Marie-Thérèse
L’évolution du domaine de Trianon participe également à cette éloignement de la Reine du milieu politique que le Roi se réserve à lui seul.

Du 7 au 28 octobre 1778
Séjour de la Cour au château de Marly où ont lieu de nombreuses fêtes offertes par Louis XVI pour la grossesse de la Reine.

Le 18 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
Du 17 au 19 mai 1779
Fêtes au château de Marly.
Le 9 septembre 1779
« La Reine a bien voulu se trouver au feu d’artifice exécuté par Griel dans la salle de bal. Elle s’y est rendue en simple particulière, y a assisté de même, et l’on a admiré sa bonté de souffrir qu’une foule de femmes et d’hommes vînt se mettre debout devant elle et lui masquer le spectacle, sans que l’avertissement plusieurs fois répété à ces indiscrets, qu’ils empêchaient Sa Majesté de voir, les ait engagés à se déranger.»
Louis Petit de Bachaumont (1690-1771)


L’animation des bals de l’Opéra, dans une salle étincelante de lumières, remplie des costumes les plus variés, toute retentissante d’un orchestre entraînant, offre un amusant coup d’œil ; mais une jeune souveraine, objet de l’attention de tous, avide de saillies, en quête de mots piquants, excitée par le masque, sans provoquer des commentaires qui rapprochent trop les distances et nuisent à la réputation de Marie-Antoinette.

L’Impératrice Marie-Thérèse, inquiète des fatigues que sa fille peut éprouver lors de ces bals, ne les voit pas de meilleur œil que Joseph II.
Le 13 février 1780
Présentation à la Cour de Versailles du prince héréditaire Georges Guillaume de Hesse Darmstadt, frère du landgrave Louis IX de Hesse, voyageant incognito en France sous le nom de comte d’Epstein.
Le séjour est ponctué de réceptions quasi officielles malgré l’anonymat des illustres visiteurs et d’invitations plus ou moins privées, notamment à Trianon chez la Reine.

Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

La Reine a la joie de recevoir la visite des princes de Hesse : Elle avait grandi avec les princesses Louise et Charlotte:
« Nous avons ici un grand nombre de princes de Hesse, écrit la reine à sa mère, le 15 février. Le prince Georges y est avec tout sa famille : sa femme ( née princesse Louise de Leiningen ), son second fils (le prince Georges) , son gendre ( le prince héréditaire de Hesse futur landgrave Louis X de Hesse ), ses deux filles ( la princesse Louise Gabrielle de Hesse, future landgravine de Hesse Darmstadt et la princesse Charlotte Wilhemine de Hesse, princesse de Mecklembourg Streliz ) et sa belle-sœur. Je compte que les quatre femmes viendront à un de mes jours de cette semaine, me voir, pour les deux princes ils sont déjà venus. Le fils du prince Georges surtout réussit très bien ici. Il est très aimable. Pour le pauvre père, il est malade depuis qu’il est à Paris. »
Lettres conservées dans les archives de la famille de Hesse, publiées par Evelyne Lever

Le 19 mai 1781
Jacques Necker (1766-1817) démissionne. Après l’échec de Turgot, on attendait des miracles de cet étranger, ancien commis de banque et protestant de surcroît. Mais comment assainir les finances de l’État sans s’attirer la haine des parlements, des courtisans et… du Roi ?
« Je ne regrette que le bien que j’avais à faire et que j’aurais fait si l’on m’en eût laissé le temps. »
C’est sur ce regret vertueux que Necker, directeur général des Finances, prend congé de Louis XVI.
On accuse la Reine d’être responsable de la démission de Necker et de la faillite de l’Etat. C’est faux, bien entendu, Ses dépenses s’élevant tout au plus à 8% des revenus royaux. Or, on l’a vu, ces dépenses n’étaient pas personnelles seulement, elle s correspondent à un budget ministériel, tant pour la culture, les Arts que pour la politique extérieure.
Toujours est-il qu’Elle devient Madame Déficit.
Le 8 juin 1781 : incendie de l’Opéra au Palais-Royal
On donnait Orphée. A la fin du dernier ballet, qui est fort long, un des chefs de la danse s’étant aperçu que le feu était à une toile, eut la présence d’esprit de finir tout à coup la danse, et de faire baisser la toile, pour ne point effrayer le public, qui eut ainsi le temps de sortir sans obstacle et sans désordre.
Cette toile enflammée était une de celles qu’on appelle frises ; on demanda de l’eau, il n’y en avait pas ; on cria de couper les cordes auxquelles la toile était suspendue ; on ne le fit que d’un côté ; la toile penchant alors perpendiculairement, donna plus d’aliment à la flamme, qui embrasant la toile du fond, parvint bientôt au cintre, et se communiqua à toutes les frises ; en moins de deux minutes le théâtre fut embrasé, tout secours devint alors inutile, et les spectateurs, repoussés par la fumée, cherchèrent leur salut dans la fuite.

Le feu gagna toute la salle. A une vapeur noire, succéda une colonne de feu haute de plus de trois cents pieds ; la charpente de l’édifice s’affaissa vers les neuf heures et demie. Par bonheur il pleuvait ; le vent constamment au sud-est était très faible, en sorte que, quoique le feu prît, à différentes reprises, au comble, des bâtiments de la cour des Fontaines et à ceux du grand escalier, les pompiers parvinrent toujours à l’éteindre.

Il périt dans cet incendie vingt-et-une personnes, étouffées par la fumée ou consumées par les flammes. Au bout de quatre mois, on fit l’ouverture d’une nouvelle salle à la porte Saint-Martin, abandonnée depuis, la Révolution ayant transporté l’Opéra dans la rue de Richelieu.

L’Opéra détruit ne sera pas reconstruit, le duc de Chartres manquant de fonds et la Ville de Paris ne souhaitant pas investir dans une salle dont elle n’avait que la concession d’exploitation. Cet opéra succédait à une précédente salle de théâtre, elle-même ravagée par un incendie en 1763, dont la reconstruction confiée à l’architecte Moreau-Desproux s’est achevée en 1770 en même temps que les colonnes et les arcades du centre de la façade, remplacées par les grilles que l’on connait aujourd’hui.

En 1789, on construira la salle Richelieu qui abrite La Comédie Française.
Le 31 juillet 1781
Le Roi part à midi pour Saint-Hubert. L’Empereur et sa sœur vont à Trianon d’où ils reviennent pour le retour du Roi.

Utilisant Trianon comme lieu de retraite, Marie-Antoinette ouvre parfois Son domaine à l’occasion de fêtes qu’Elle donne à Ses hôtes de passage. C’est le cas en 1781, lorsqu’Elle reçoit Son frère, l’Empereur Joseph II, de passage à Versailles. Au programme de cette fête du 1er août, une représentation d’Iphigénie en Tauride de Gluck sur la scène du théâtre que la Reine a inauguré l’année précédente, un souper et une illumination des jardins, agrémentée d’un concert champêtre. L’illumination est une reprise (avec un certain nombre d’améliorations) de celle que Marie-Antoinette avait offerte quelques jours plus tôt (le 26 juillet) à son beau-frère, le comte de Provence.
Le tableau de Châtelet illustre l’une ou l’autre de ces illuminations
Illumination du Belvédère du Petit Trianon en 1781 par Claude-Louis Châtelet
Lors de ce séjour, Joseph II aurait contracté une union morganatique avec une jeune comtesse qui mourut en couches. Sa sœur aurait fait élever l’enfant du mariage, Whilhemine , à Versailles, dans une petite maison du parc où la comtesse de Gramont avait logé auparavant ; la baronne d’Oberkirch qui en parle, dit que la fille de l’Empereur est le portrait même de sa tante… est-ce elle qu’on appellera la Comtesse des Ténèbres?
Le 1er août 1781
Fête donnée en l’honneur du comte de Falkenstein, souper, spectacle et illumination à Trianon.


Le 2 août 1781
Pour remplacer l’Opéra ravagé par les flammes, Marie-Antoinette lance un concours à l’instar du challenge lancé à Charles d’Artois pour la construction de Bagatelle :
« Vous aurez le cordon de Saint-Michel, dit-Elle à l’architecte Nicolas Lenoir (1733-1810), si au soixante-quinzième jour j’ai la clef de ma loge.»

Une armée d’ouvriers travaille alors sans relâche, les uns le jour, les autres la nuit, au grand plaisir des Parisiens attirés par cette nouveauté. Le pari de la Reine don nait jusqu’au 309 octobre, tout est terminé le 27 octobre !
La salle de banquet et de bal pour la fête donnée à Marly
pour la naissance du Dauphin Louis Joseph en 1781
(texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

La fête offerte à la cour dans les jardins de Marly ne fait l’objet d’aucune relation. Seuls les dessins de Pâris conservent le souvenir. Alain-Charles Gruber proposait en 1972 de situer cette fête peu avant la naissance du Dauphin pour féliciter Marie-Antoinette de sa nouvelle grossesse. Les festivités pouvaient avoir été données en juillet 1781, lors du séjour de Joseph II à la cour.
Dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi, Pierre Adrien Pâris est naturellement chargé de fournir les projets des architectures éphémères. À en juger par les dessins conservés à Besançon, il apporte un soin extrême à l’élaboration de la salle de bal et de banquet installée entre la pièce d’eau des Gerbes et la grande pièce d’eau, et à celle du portique qui était destiné à masquer le feu d’artifice et épousait la courbe du bassin à l’extrémité de la grande pièce d’eau.

Chacune des constructions est extrêmement légère. La salle de bal et de banquet se caractérise par l’omniprésence de la verdure utilisée pour son décor. Le pavillon circulaire d’ordre ionique qui en constituait le centre disparaît sous les treillages feuillagés, les charmilles taillées et les fleurs. L’entrée en est soulignée par un grand arc enrichi de rideaux cramoisis et or.
À l’intérieur, le plan ménage de nombreux effets de surprise. Les loges en estrade permettent au public de prendre place. Pour le banquet, donné pendant la journée, le décor d’architecture ainsi que les absides latérales avaient été dissimulés par des treillages dorés de feuillages donnant au plafond l’aspect d’un bosquet de charmille. Chacune des loges était tendue de draperies cramoisies et or.

La nuit venue, pour le bal, tous les treillages étaient ôtés afin de laisser apparaître l’ordre corinthien rythmant de colonnes et de pilastres tout le pourtour de la salle, et les niches garnies de statues-torchères. Des buffets avaient été dressés dans l’hémicycle et des vasques agrémentées de jets d’eau avaient pris place dans les deux absides. Le plafond présentait un décor de ciel et, sur sa corniche, des figures allégoriques et des draperies.

Enfin au bout de la grande pièce d’eau, le portique en hémicycle formait nymphée avec fontaine, obélisque, parements à l’imitation des rochers et statues de dieux et de déesses aquatiques.

Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.
Lorsqu’il apprend que Marie-Antoinette attend un nouvel enfant, le Roi se souvient de l’enfer lors de la naissance de Madame Royale, et il refuse de Lui faire subir le même supplice. Il prend des libertés avec le protocole.
Le jour de l’accouchement, le 22 octobre 1781, seuls les membres de la famille royale, quelques dames de la Maison de la Reine et le garde des Sceaux sont autorisés à pénétrer dans la chambre de la Reine. Que les autres patientent dans le salon voisin ! Louis XVI accepte de les laisser entrer au tout dernier moment, et encore, ils restent bloqués au fond de la pièce, pour que l’air puisse circuler correctement.
Le 22 octobre 1781

Gravure qui représente Marie-Antoinette à Notre-Dame de Paris pour remercier pour la naissance de Son premier fils, Louis-Joseph
Passage de Marie-Antoinette place Louis XV à l’occasion de la naissance du Dauphin par Jean-Michel Moreau dit le Jeune
Salle provisoire construite à l’occasion des fêtes de la naissance du dauphin, place de l’Hôtel de Ville le 21 janvier 1782 par Pierre-Louis Moreau
Vue perspective de la décoration et du feu d’artifice tiré à l’Hôtel de ville de Paris en présence de leurs majestés à l’occasion de la naissance de monseigneur le dauphin le 21 janvier 1782 par Victor-Jean Nicolle
Fêtes données au Roi et à la Reine, par la ville de Paris le 21 janvier 1782 à l’occasion de la naissance de monseigneur le Dauphin
Le feu d’artifice. Estampe de Jean-Michel Moreau dit le Jeune
Intérieur de la Salle construite dans la Place de Grève, à l’occasion de la Naissance de M.gr le Dauphin, où Leurs Majestés ont diné et ont vu tirer le Feu d’Artifice le 21 Janvier 1782 et laquelle a ensuite servi pour le Bal masqué que la Famille Royale a honoré de sa présence
le mercredi 23 du même mois.
Feu d’artifice tiré sur la place de Grève, le 21 Janvier 1782, à l’occasion de la naissance du Dauphin.
Desrais ou Desray, Claude-Louis (1746-1816), dessinateur

Le festin Royal
Fêtes données au Roi et à la Reine par la Ville de Paris, Le 23 janvier 1782, à l’occasion de la Naissance de Monseigneur le Dauphin par Moreau le Jeune, graveur et dessinateur ; Estampe, 1782
J’aime le détail de la Reine se retournant vers le spectateur :

Le Bal Masqué Fêtes données au Roi et à la Reine par la Ville de Paris, Le 23 janvier 1782, à l’occasion de la Naissance de Monseigneur le Dauphin, par Moreau le Jeune


Le 27 octobre 1781

L’inauguration du théâtre de la Porte Saint-Martin est brillante avec la tragédie lyrique Adèle de Ponthieu de Jean-Paul Razins de Saint-Marc (1728-1818), sur une musique de Niccolo Piccini (1728-1800), professeur de chant de Marie-Antoinette.

Le 20 mai 1782
Le comte et la comtesse du Nord font leur arrivée, cette fois-ci officielle, à Versailles.


Le Grand Duc Paul de Russie (1754-1796-1801) et son épouse,
Maria Féodorovna, née Sophie-Dorothée de Wurtemberg-Montbéliard (1759-1828),
alias le comte et la comtesse du Nord.
Le 2 juin 1782
Le couple impérial et la Reine assistent au bal de l’Opéra. Dans la salle de l’opéra animée par une centaines de musiciens, deux mille femmes coiffées de plumes rivalisent de splendeur.
Le spectacle de cette foule en grande parure est «magnifique par la quantité et l’éclat des bijoux». Ouvrant le bal avec le comte d’Artois, la Reine est habillée à la Gabrielle d’Estrées :
« Une chapeau noir à plumes blanches, une masse de plumes de héron, rattachées par quatre diamants et une ganse de diamants, ayant pour bouton le diamant nommé Pitt, valant deux millions ; un devant de corps tout en diamants, une ceinture de diamants sur une robe de gaze d’argent, blanche, semée de paillettes, avec des bouillons en or rattachés par des diamants.»
Souvenirs du vicomte de Valfons



Au centre on reconnaît le couple royal :



Le 8 juin 1782
Le Roi chasse et revient bredouille. Il dîne et soupe à Trianon.

Grand bal en l’honneur du comte et de la comtesse du Nord puis souper chez la princesse de Lamballe, «où le respect ne gêne pas le plaisir». On y joue au loto, la Reine danse quelques contre-danses.

Le 9 août 1783
Fête et illumination à Trianon en l’honneur de la femme de l’ambassadeur d’Angleterre, la duchesse de Manchester.

Illumination du belvédère et de la grotte au Petit Trianon par Châtelet, 1785
Le 7 juin 1784
Le comte de Haga, alias le Roi Gustave III de Suède (1746-1792), arrive à la Cour incognito et à l’improviste.

Le 21 juin 1784
Fête donnée en l’honneur du comte de Haga (Gustave III), souper, spectacle et illumination à Trianon.
C’est une soirée fastueuse. Les invités, tout de blanc vêtus selon le désir de la souveraine, commencent par assister au Dormeur éveillé de Marmontel, puis ils se rendent par le parc illuminé jusqu’au temple de l’Amour. Là, une foule est massée, car la Reine a permis «à toutes les personnes honnêtes» d’entrer dans le parc à condition qu’elles aient un habit blanc.

Raphaëlle Agogué est Marie-Antoinette (2011) pour Thierry Binisti
Derrière le Temple de l’Amour, en vue de son illumination pour cette fête mémorable entre toutes ( la plus belle de toutes celles que Marie-Antoinette donna à Trianon ) , une tranchée avait été creusée dans laquelle un grand feu consuma le nombre prodigieux de 6400 fagots de bois !

« Soudain, une flamme s’éleva derrière le Temple et, en quelques secondes, le parc entier parut brûler. Des colonnes d’étincelles montaient vers la cime des arbres et les nuages s’empourprèrent. »
« Après l’embrasement du Temple, on servit un souper dans les pavillons du jardin français. Au petit matin, Gustave III, ravi par cette fête grandiose, remercia Marie-Antoinette. Il ignorait, le pauvre, que, sans l’amour, la France, n’eût certainement pas fait tant d’honneur à son pays.»
Illumination du belvédère et de la grotte au Petit Trianon par Châtelet, 1785
« A la table du Roi, on a servi quatre-vingts entrées et quarante-huit entremets. A la grande table d’honneur quarante-huit entrées et soixante-quatre entremets .
Journal du secrétaire Franc, cité par Félix Moeschlin dans Le beau Fersen
Menu : oreilles d’agneau à la Provençale, esturgeon à la broche, sauce à la glace, rôt de bif de chevreuil, d’un chevreuil tué par le Roi lui-même, compote de faisans … »
La Reine ne danse point … Elle a l’esprit ailleurs …
Gustave III fait le compte-rendu de cette réception :
« On a joué sur le petit théâtre le « Dormeur réveillé », par M. de Marmontel, musique de Grétry (c’est « le Dormeur éveillé » de Piccini) avec tout l’appareil des ballets de l’Opéra réunis à la Comédie Italienne. La décoration de diamants termina le spectacle. On soupa dans les pavillons des jardins et, après souper, le jardin anglais fut illuminé. C’était un enchantement parfait. La Reine avait permis de se promener aux personnes honnêtes qui n’étaient pas du souper et on avait prévenu qu’il fallait être habillé en blanc ce qui formait vraiment le spectacle des Champs-Élysées. La Reine ne voulut pas se mettre à table, mais fit les honneurs comme aurait pu faire la maîtresse de la Maison la plus honnête. Elle parla à tous les suédois, et s’occupa d’eux avec un soin et une attention extrêmes. Toute la famille royale y était, les charges de la cour, leurs femmes, les capitaines des gardes du corps, les chefs des autres troupes de la Maison du Roi les ministres et l’ambassadeur de Suède (M. de Staël). La princesse de Lamballe fut la seule des princesses de sang qui y était. La Reine avait exclu tous les princes, le Roi ayant été mécontent d’eux.»


Le 18 juillet 1784
Un bal en l’honneur du Roi Gustave III est donné dans l’Opéra royal.

dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.

Les 24, 26 et 29 juin 1785
Bals à Trianon , dans une tente dressée dans le jardin français.
Félix d’Hézecques évoque « certaines réformes qui (ont) pour effet d’amoindrir le respect que la magnificence et l’appareil des fêtes et des cérémonies entretiennent naturellement dans le cœur des sujets pour la majesté royale. Il note cependant que certaines fêtes auxquelles il assite lorsqu’il devient page du Roi, en 1786, semblent échapper à la proscription. On y vo(it) toujours briller cette noblesse et cette magnificence, dignes d’un grand roi, et cette galanterie, digne de la France.»
Le page ajoute qu’« on ne les vit disparaître qu’après M. de Calonne, ce ministre célèbre, plus capable encore que calomnié, qui ne laissa point s’éteindre les derniers rayons de la majesté royale. Si, par l’augmentation du déficit, il creusa davantage le précipice, il sut du moins, d’un bras vigoureux, retenir sur ses bords la Monarchie prête à y tomber, et il l’aurait sauvée si le courage et le désintéressement de chacun avait voulu appuyer ses projets. Les bals finirent en 1787 ; je ne les vis que deux hivers. C’était le roi qui les donnait à la reine les mercredis de chaque semaine depuis le commencement de l’année jusqu’au carême.»

Projet d’une salle à manger (élévation du petit côté) pour les bals de la Reine au château de Versailles,
dans une maison de bois dressée dans la cour royale, en 1785 par Pierre-Adrien Pâris

dans une maison de bois dressée dans la cour royale, en 1785, par Pierre-Adrien Pâris ; Bibliothèque municipale de Besançon

avec une salle de jeu plus commode et plus vaste
que celle qui sert actuellement et une salle de buffet placée dans des maisons de bois
qui formeront un tout avec la salle à manger
Collection Pierre-Adrien Pâris Dessins ; Bibliothèque municipale de Besançon

relatifs à une nouvelle disposition des bals de la Reine pendant le Carnaval, 1786
Collection Pierre Adrien Pâris ; Bibliothèque municipale de Besançon
Sous Louis XVI, le volume vide de l’Escalier Gabriel est utilisé comme théâtre par Marie-Antoinette.




Le 9 juillet 1786
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette. Selon les usages le bébé est immédiatement baptisé.

En 1787
La Reine supprime le petit bal de femmes de chambre de Trianon pour éviter les reproches du peuple.
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire éprouve la Reine qui s’inquiète aussi pour la santé de Son fils aîné.

Le 1er juillet 1787
La Reine préside un bal donné à Trianon. Mais Elle ne danse plus en public. Elle se contente tout au plus de rejoindre les «colonnes anglaises» de la fin des soirées mais Elle laisse dans les esprits le souvenir d’une bonne danseuse.

Michèle Morgan dans le film de Jean Delannoy (1956)
Quiconque sera «vêtu honnêtement» pourra entrer à Trianon a décidé Marie-Antoinette en annonçant les portes ouvertes de Son domaine le dimanche.
Les 5, 7 et 11 août 1787
Bals à Trianon.
Les salles de bals éphémères de Marie-Antoinette
( Texte de Jérôme de la Gorce ; les restitutions virtuelles sont de Hubert Naudeix, présentées à l’exposition «Fêtes et divertissements à la Cour» )
Marie-Antoinette décide d’élargir le cercle des personnes admises à participer à Ses réceptions, et d’ouvrir les portes du château de Versailles à toute une partie de la noblesse qu’Elle tenait jusqu’ici à l’écart de sa société.
Pour accueillir les bals de la Reine, il est décidé de réutiliser la petite salle de la comédie, située entre la cour des Princes et le Parterre du Midi, mais en raison de l’ampleur que l’on souhaite donner à ces manifestations.

Les maisons de bois peuvent être transportées d’un lieu de résidence à un autre, en fonction des besoins de la Cour.
En 1778, l’une d’elles a déjà été aménagée pour des spectacles à Marly et en octobre 1785, quatre d’entre elles servirent aussi à de semblables divertissements dans les jardins de l’Orangerie à Fontainebleau. Lors de ce dernier séjour, deux autres étaient utilisées comme salles à manger.


A Versailles, où le nombre de ces pavillons est supérieur, ils servent pour de grands buffets et pour le jeu, car les plaisirs proposés aux invités ne sont pas limités à ceux de la danse.

Pendant ces fêtes, un important service est sollicité. En plus des cinquante musiciens venus de Paris, les brigades de pompiers, ainsi que les sergents, caporaux et soldats des gardes françaises veillent à la sécurité.

Certaines personnes ne sont admises qu’à voir le «coup d’œil» à la salle de danse, sur présentation de billets où il est précisé si elles doivent le faire avant ou après le souper servi à minuit.

Le succès de ces manifestations est attesté par la baronne d’Oberkirch (1754-1803), qui, tout en se flattant de compter parmi les invités de droit, rapporte qu’elle revient à Paris à trois heures et demie du matin, après s’être trouvée dans une file de carrosses digne de celle qu’on voyait «à la promenade de Longchamp».

Les maisons de bois offrent de multiples avantages : outre leur mobilité et la rapidité avec laquelle elles peuvent être montées, leur aménagement provisoire incite à renouveler leur décoration intérieure, chaque fois qu’on le désire.

Les dépenses pour ces constructions sont folles : pour le seul carnaval de 1787, il en coûte plus de 191 511 livres, sans compter les sommes dues aux artistes.
Une partie de la collection des maisons de bois aurait été utilisée pour la construction de la salle des Etats généraux aux Menus Plaisirs. C’est là qu’elles étaient conservées après démontage
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.
On compte 1 214 députés, dont 308 du Clergé, 285 de la Noblesse et 621 du Tiers-État.

La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.

Louis XVI fait un discours dans lequel il fait preuve d’excellentes intentions et donne de bonnes promesses.

Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…

Pour Sa dernière représentation en majesté, la Reine est revêtue d’une robe de cour mauve et Sa coiffure est garnie de couronnes impériales. Au soleil, les diamants et la robe en tissu argenté de Marie Antoinette brillent d’une splendeur incomparable. Bien que le costume ait été calculé pour effacer Son image de la dame de Trianon vêtue d’une chemise, elle a en fait simplement montré la «richesse et la grandeur» que, selon La Fare, elle a continué à apprécier au détriment du peuple.

Elle est pâle et a les traits tirés : Elle s’inquiète pour la santé de Son fils aîné atteint de tuberculose osseuse.

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.

Cette sympathie devenue si rare depuis des mois émeut tant les souverains que le Roi, la Reine et le Dauphin, même, descendent rejoindre les convives. Dans l’euphorie générale, un Garde demande la permission de placer le petit Dauphin sur l’immense table en fer-à-cheval que celui-ci parcourt de bout en bout sans renverser le moindre verre. La famille royale fait le tour de la table, dit un mot aux uns et aux autres, puis rentre dans ses appartements.

L’alcool échauffant le cœur des militaires ceux-ci redoublent d’ardeur envers leur Roi et arrachent leurs cocardes tricolores pour les fouler aux pieds et les remplacer par des cocardes blanches, symboles de la monarchie ( j’ai aussi lu que ces cocardes étaient noires, à la couleur de la Reine…).


L’air «Ô Richard, ô mon Roi, l’univers t’abandonne», tiré d’un opéra de Grétry, est chanté par les soldats. Il devient un signe de ralliement royaliste.



Le peuple croit à une orgie antidémocratique…

« Le jeudi gras de cette année-là, le bal de l’Opéra fut très nombreux et rapporta 19 800 francs. Il y avait bal en même temps chez Mme la duchesse de Chartres, mais la Reine fut bien plus longtemps à celui de l’Opéra : elle y resta jusqu’à sept heures du matin . Monsieur y alla aussi. Un officier du régiment provincial se sentant poussé par Monsieur, et ayant même reçu, à ce qu’on raconta, un coup de poing, lui rendit un coup de pied et courut ensuite chercher l’officier pour le faire mener à la garde. Monsieur s’y laissait conduire tranquillement, en se divertissant à l’avance de l’effet que cela ne manquerait pas de produire, quand Mme de Luynes le trahit et arrêta l’exempt : elle était avec la Reine. L’officier qui avait eu la querelle était confondu. Il eut le temps de faire faire un mémoire pour lui-même, et le fit remettre à Monsieur dès le lendemain matin.
Mes Souvenirs de Jacob-Nicolas Moreau
Cette aventure amusa beaucoup le Roi qui demanda à Monsieur :
» – Qu’auriez-vous fait si vous aviez été à la garde ? «
» – Je me serais démasqué. »
» – Eh bien, reprit le Roi, pareille chose est arrivée à feu M. le duc d’Orléans; il se démasqua, et l’officier s’étant pris de querelle avec lui, ne le connaissant pas, lui dit : Je ne vois de plus à tout cela qu’un fort sot visage .»

Pour avoir offert à la France la plus prestigieuse des vitrines dans les réjouissances de Cour que sont les bals, pour s’y être impliquée au point qu’on La stigmatise encore avec ces fêtes, Marie-Antoinette a d’abord perdu en popularité puis Elle a même suscité la haine du peuple qui ira, en 1793, pe ndant le procès, Lui reprocher les dépenses de la construction du Petit Trianon, inauguré deux ans avant Son mariage. Les députés du Tiers-Etat, autorisés à visiter Son domaine lors des Etats généraux de mai 1789, cherchent en vain ces murs tapissés de diamants dont la rumeur a tant jasé. Or la rumeur avait oublié de préciser que ces murs étaient un décor théâtral et que les diamants étaient en verre … Pourtant, c’est pour remplir Son rôle imposé par Son mariage qu’Elle s’est investie dans des fastes auxquels Marie-Thérèse (1638-1683) comme Marie Leszczyńska, qui L’ont précédée à Versailles, ont été confrontées, dirons-nous, assez passivement.
Sacha Guitry a dit : « On nous dit que nos rois dépensaient sans compter, Qu’ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils. Mais quand ils construisaient de semblables merveilles, Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté ? »
Ne peut-on pas accorder le même sursis à la seule Reine qui a su magnifier le décor des ancêtres de Son époux ? Louis XVI n’est d’ailleurs pas innocent quant à l’impact de Marie-Antoinette dans ces festivités puisqu’il s’en est servi comme garde-fou pour éloigner sa femme de la vie politique.
Sources :
- https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
- CAMPAN Henriette, Mémoires de Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette
- COPPOLA Sofia, Marie-Antoinette (2006)
- DELANNOY Jean, Marie-Antoinette, Reine de France (1956)
- DUARTE, Christophe, Versailles passion , groupe Facebook
- ENRICO Robert, Les Années Lumières (1989)
- HEZECQUES, Félix (comte de), Souvenirs du comte d’Hézecques, page à la cour de Louis XVI , présentés par Emmanuel Bourrassin ; chez Tallandier
- GIRAULT de COURSAC Paul et Pierrette Louis XVI et Marie-Antoinette vie conjugale – vie politique (1990) ; chez l’O.E.I.L.
- LA TOUR DU PIN Henriette (de), Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin, cité par Pierre de Nolhac, Histoire du château de Versailles (1899)
- LE BRAS-CHAUVOT Sylvie, Marie-Antoinette l’Affranchie – Portrait inédit d’une icone de mode (février 2020), chez Armand Colin.
- Marie-Antoinette … racontée par ceux qui l’ont connue (2016) Les Cahiers Rouges ; chez Grasset
- NOLHAC Pierre (de), Le Château de Versailles au temps de Marie-Antoinette (1889)
- NOLHAC Pierre (de), La Reine Marie-Antoinette (1889)
- NOLHAC Pierre (de), Autour de la Reine (1929)
- REISET comte (de), Modes et Usages au Temps de Marie-Antoinette , deux tomes (1885)
- SAINT-AMAND Imbert (de), Les Beaux Jours de Marie-Antoinette (1885) ; Paris E. DENTU, Editeur
- Marie-Antoinette, Reine de France – Les plus beaux jours, la captivité, le martyre. Histoire complète d’après les mémorialistes de l’époque ; Librairie Saint-Paul (Paris) / Grammont (Belgique) Œuvre de Saint-Charles.
- SAPORI Michelle, Rose Bertin, couturière de Marie Antoinette (2010) ; chez Paris, Perrin (2010)