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La ConciergerieLa RévolutionUne journée de Marie-Antoinette

Marie Harel-Devaux

ou le quotidien de Marie-Antoinette à la Conciergerie

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Une Femme de ménage par Chardin

En 1760 environ

Naissance de Marie Devaux.

Vers 1780

Marie Devaux épouse François-Simon Harel, né en 1728 à Paris, garçon de bureau employé aux bureaux de la mairie pour l’administration de police.

Les Harel habitent Paris, maison de la mairie.

Le 21 janvier 1793

Exécution de Louis XVI.

Louis XVI et l'Abbé Edgeworth au pied de l'échafaud le 21 Janvier 1793 /  Auteur : Charles Benazech en 1793. | Art historique, Louis xvi, Révolution  française

Le 1er août 1793

Dans l’après-dîner, madame Richard dit à Rosalie Lamorlière, sa cuisinière, à voix basse :

« Rosalie, cette nuit, nous ne nous coucherons pas; vous dormirez sur une chaise; la Reine va être transférée du Temple dans cette prison-ci.»

Aussitôt, Madame Richard donne les ordres pour qu’on ôte Monsieur le général Custine (1742-1793) de la chambre du conseil, afin d’y placer la Princesse.

Cette cellule est une petite pièce voûtée du rez-de-chaussée, basse et froide, toute suintante d’humidité. Elle prend jour par une fenêtre armée de lourds barreaux, située presque au niveau du sol de la cour des femmes. Le sol de sa chambre est carrelé de rouge en briques sur champ. Sur les murs, on aperçoit encore les lambeaux d’un vieux papier bleu à fleurs de lys jaunes, rongé par le salpêtre.

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Albert Pilette fut Louis Larivière pour Robert Hossein
dans Je m’appelais Marie-Antoinette (1993)

Un porte-clefs, Larivière, est dépêché vers le tapissier de la prison, Bertaud, et lui demande un lit de sangle, deux matelas, l’un de crin et l’autre de laine, un traversin, une couverture légère, un fauteuil en canne servant de garde-robe et un « bidet de basane rouge garni de sa seringle » ; le tout est neuf.

Madame Richard ajoute une table et deux chaises de paille. Elle permet à Rosalie d’apporter un tabouret d’étoffe venant de sa propre chambre.

On apporte ce petit mobilier dans la chambre humide que délaisse Monsieur de Custine.

Marie Harel est interprétée par Léonor Bailleul dans Ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard

Le 2 août 1793, à deux heures quarante du matin

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie. Elle y est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848).

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Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

« Il est trois heures du matin, quand Elle arrive dans sa nouvelle prison. Il fait très chaud cette nuit ; de son mouchoir, Elle essuie, à trois reprises, la sueur qui glisse sur son front.»

Rosalie Lamorlière
L'exécution de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793 Captur10
La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur

Michonis accepte les demandes de mesdames Richard et Larivière afin de fournir à la prisonnière le linge et quelques objets nécessaires. Rappelons qu’elle n’a plus qu’un mouchoir et un flacon de sel, ainsi que sa montre, la robe et son linge sur elle depuis la veille ! Elle conserve également sur elle deux bagues de diamant et son alliance. Le petit sac qu’elle s’était préparé lors de son transfert lui a été confisqué pour être remis au tribunal. Mais Fouquier-Tinville refuse tout contact entre le Temple et la Conciergerie. Michonis passe outre et envoie ses ordres au conseil du Temple.

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Petit baluchon de Marie-Antoinette emballé la nuit du 1er au 2 août, contenant ce qu’elle considère de plus précieux ; elle ne reverra ses affaires que lors de son procès (photo extraite du film L’Autrichienne)
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Arrivée de Marie-Antoinette dans Sa cellule dans la série de Guy-André Lefranc (1975) 

Le guichetier Lui demande de décliner Son identité, Elle répond froidement:

« Regardez-moi.»

Elle devient la prisonnière n°280.  Elle est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison dirigée par la couple Richard, dont Rosalie Lamorlière (1768-1848), leur servante.

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Image de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

On La conduit directement dans la chambre qui Lui est destinée, sans passer par le greffe. On L’écrouera dans sa cellule. Elle parcoure un long corridor noir qui donne sur une porte de chêne massive garnie de deux énormes verrous. Une grosse clé tourne bruyamment dans une vieille serrure et l’on entre.

Serge Marquand fut Louis Richard pour Robert Hossein
dans Je m’appelais Marie-Antoinette (1993)
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Marie-Antoinette découvre une jeune fille «extrêmement douce», c’est Rosalie Lamorlière, chargée du «manger particulier de la Reine.»

Marie-Antoinette commence à se déshabiller pour se mettre au lit, quand la servante s’avance timidement et offre de L’aider.

« Je vous remercie, ma fille, lui dit-elle avec douceur, mais depuis que je n’ai plus personne, je me sers moi-même.»

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Image de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

Il fait jour, quand Madame Richard et Rosalie emportent les flambeaux.


Arrivée de Marie-Antoinette à la Conciergerie.

« Le 2 août, pendant la nuit, quand la reine arriva du Temple, je remarquai qu’on n’avait amené avec elle aucune espèce de hardes, ni de vêtements. Le lendemain, et tous les jours suivants, cette malheureuse princesse demandait du linge, et Madame Richard, craignant de se compromettre, n’osait lui en prêter, ni lui en fournir. Enfin, le municipal Michonis, qui, dans le cœur, était honnête homme, se transporta au Temple, et le dixième jour, on apporta du donjon, un paquet, que la reine ouvrit promptement. C’étaient de belles chemises de batiste, des mouchoirs de poche, des fichus, des bas de soie ou de filoselle noirs, un déshabillé blanc pour le matin, quelques bonnets de nuit, et plusieurs bouts de ruban blanc, de largeurs inégales.»

Rosalie Lamorlière, propos recueillis par Lafont d’Aussonne
Le transfert de Marie-Antoinette à la Conciergerie  Ma_con10
Marie-Antoinette dans Sa cellule de la Conciergerie

Le 2 août 1793 au matin

Marie-Antoinette se lève à sept heures, ce matin-là. Elle fait Sa toilette devant le petit miroir que Lui a prêté Rosalie.

Monsieur Richard Lui envoie, dès ce matin, la femme Larivière, ancienne concierge de l’Amirauté. Elle a près de quatre-vingt ans et Lui fait bonne impression. Pendant trente années, elle a été attachée à la Maison du duc de Penthièvre (1725-1793) pour lequel Sa Majesté avait une haute estime.

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Ute Lemper L’Autrichienne (1990) de Pierre Granier-Deferre

Marie-Antoinette est la seule prisonnière de l’ensemble de la prison à qui il est interdit de sortir de Sa cellule, tous les autres prisonniers ayant le droit de se promener, soit dans la cour pour prendre l’air, soit à se rendre visite les uns les autres dans les cellules.

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Prisonniers se promenant dans la cour des femmes de la Conciergerie

Les prisonniers, par la fenêtre qui donne sur la cellule de Marie-Antoinette peuvent ainsi L’observer, Lui parler. Soit à la soutenir car ils sont prisonniers pour leurs idées monarchiques, soit à L’insulter car La jugeant responsable de leur incarcération.

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La cour des femmes de la Conciergerie
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Isabelle Toris est Marie-Antoinette dans La Dernière Etreinte

Madame Larivière, après avoir rapiéceté et recousu fort proprement la robe noire de la Reine (qui en a une autre blanche), est jugée peu propre à son emploi, on la remplacera donc par Marie Harel, dont le mari est employé aux bureaux de police. Marie-Antoinette qui a témoigné de la confiance et de la considération à la vieille madame Larivière ne juge pas la nouvelle personne aussi favorablement : Elle ne lui adressera presque jamais la parole. Marie Harel est désignée pour donner des soins à Marie-Antoinette. Elle doit cette place à Jean-Baptiste Michonis (1735-1794), alors administrateur des prisons.

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Jean-Baptiste Michonis par Benjamin Warlop

Pour éviter toute communication de l’ex-souveraine avec l’extérieur, les autorités révolutionnaires prennent des dispositions : deux gendarmes, de garde près de la veuve Capet, toujours les mêmes, affectés à la gendarmerie nationale près des tribunaux, sont placés de garde dans Sa chambre même et non à la porte. Il s’agit du maréchal des logis, François Defresne (encore écrit Defraisne ou Dufresne) _ demeurant à Paris, 13 rue de l’Egout_ et du gendarme Jean-Guillaume Gilbert _ trente-et-un ans, demeurant à Paris, rue des Prêtres Saint-Paul au numéro 24.

Marie Harel est interprétée par Léonor Bailleul dans Ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard.
On sent qu’on a demandé à la comédienne de jouer la fourbe …

La Reine habite la partie du fond de la cellule et la plus rapprochée de la chapelle. Les deux gendarmes occupe,nt l’autre partie. Ils apportent leur nourriture, ne sortent que l’un après l’autre et la nuit dressent un lit de camp. Marie Harel, dans la journée «ne quitt(e) pas la fenêtre», donnant sur la cour et ne sort de la chambre que pour aller au greffe demander les objets dont la prisonnière a besoin.

Madame Harel dira n’être «point sortie» de la prison durant toute la durée de son service auprès de la prisonnière. La nuit, elle ne rentre pas à son domicile de la mairie mais elle dort à quelques centimètres de Marie-Antoinette car son lit est «à côté» du Sien. Ainsi, la captive est continuellement surveillée et n’est jamais «seule, même un moment» et «pas même lorsqu’elle avaient des besoins ou des soins naturels à se donner» dans le bidet «en basane rouge» (neuf) qui est mis à Sa disposition pour cela.

Toutes précautions sont donc prises pour rendre l’évasion de Marie-Antoinette et le contact avec Elle impossibles. Quand on Lui demandera :
« Ne vous aurait-on point remis un billet?», Elle s’exclamera à Son premier interrogatoire :

« Si je voulais faire quelque chose et m’en cacher je ne le pourrai pas, parce que je suis toujours vue par les personnes qui sont avec moi, même pendant la partie de cartes; pour avoir à faire une réponse à ce particulier il faudrait le connaître, avoir reçu quelque chose de lui, et les personnes qui sont avec moi.»

Ces quatre personnes vivent dans une réelle promiscuité, ensemble en permanence. Les repas rythment les journées : déjeuner, dîner et souper. Florentin Joly, traiteur, fournit la nourriture des gendarmes. Les repas de Marie-Antoinette comme ceux de Marie Harel sont préparés par Rosalie Lamorlière, la cuisinière des concierges Richard. Rosalie ne cessera jamais de préparer et parfois apporter les aliments à Marie-Antoinette, ce service ne sera jamais interrompu jusqu’aux derniers instants de la vie de la détenue, même lorsque tous les autres protagonistes que nous évoquons ici auront été écartés de Sa personne. Cepe,ndant, la nourriture de Marie-Antoinette coûtant 15 Livres par jour, Elle est mieux traitée et mange mieux que Sa servante dont la nourriture coûte 3 Livres par jour. Pas d’égalité républicaine ici. Eau-de-vie pour les gendarmes, vin pour madame Harel et eau de Ville d’Avray pour la Reine. Les nouveaux jacobins disent qu’Elle mange avec beaucoup d’appétit, le matin du chocolat et un petit pain, à dîner de la soupe et beaucoup de viande, poulets, côtelettes de veau et de mouton. On est surpris de voir la qualité des repas servis, à moins que cela ne soit que sur le papier car les gendarmes protestent qu’on serve à la Reine «de la carne».

Les journées sont mornes. Marie-Antoinette se lève tous les jours à sept heures et se couche à dix. Elle appelle Ses deux gendarmes Messieurs et Sa femme de message madame Harel. Les administrateurs de police et ceux qui L’approchent officiellement Lui disent Madame. Elle lit : Les révolutions d’Angleterre, Le voyage du jeune Anacharsis. Elle fait Sa toilette Elle-même.

Tous les matins, madame Harel coiffe la Reine en un chignon mouvant auquel Elle ajoute un grand bonnet de deuil.

L'exécution de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793 Captur10
La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur

Marie est régulièrement «à travailler» des travaux d’aiguille.

La couturière (1764) par James Watson

Quelques affaires réclamées parmi l’ensemble de la garde-robe de la Reine laissée au Temple arrivent enfin : une redingote, une jupe en basin, deux paires de bas de filoselle, une paire de chaussette, le tout renfermé dans une corbeille entourée d’une serviette de coton rouge marquée d’un M.

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Des bas à tricoter et les aiguilles ne lui sont pas donnés : on craint que la Reine «se fasse mal» avec les aiguilles. Cela reste largement insuffisant pour les besoins quotidiens de Marie-Antoinette.

Les administrateurs de police, Michonis en tête, écrivent de nouveau au Conseil du Temple :

« Nous, administrateurs au département de la police, après en avoir conféré avec le citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public du tribunal révolutionnaire, invitons nos collègues les membres du conseil général de la Commune formant le conseil du Temple, à faire porter chaque jour deux bouteilles d’eau de Ville d’Avray à la veuve Capet, détenue à la maison de Justice de la Conciergerie, et sur la provision qui vient tous les jours de cette eau au Temple.
Nous les invitons également à envoyer à la veuve Capet trois fichus pris dans la garde-robe qu’elle a au Temple, ainsi que tout ce qu’elle fera demander par la citoyenne Richard, concierge de la Conciergerie, et à faire cacheter chaque bouteille du cachet du conseil du Temple.»

En effet depuis des années, Marie-Antoinette ne boit que de l’eau – ainsi que Sa mère, dit-Elle, qui ne but jamais de vin- provenant d’une source coulant dans le village de Ville d’Avray, près de son domaine de Saint-Cloud. L’eau commune, provenant de la Seine, La rendant malade, les membres de la Commune depuis Son incarcération au Temple, jugent préférables de continuer de Lui fournir cette eau, nécessaire à Sa santé.

Fouquier-Tinville tolère aussi l’envoi supplémentaire de quatre chemises et une paire de souliers.

Arrive enfin du Temple l’ensemble du linge réclamé par Michonis.

« (…) on apporta du donjon un paquet que la Reine ouvrit promptement. C’était de belles chemises de batiste, des mouchoirs de poche, des fichus, des bas de soie ou de filoselle noirs, un déshabillé blanc pour le matin, quelques bonnets de nuit et plusieurs rubans de largeur inégale. Madame s’attendrit en parcourant ce linge, et se retournant vers madame Richard et moi elle dit : « A la manière soignée de tout ceci, je reconnais les attentions et la main de ma pauvre sœur Elisabeth. »»

Rosalie Lamorlière

Marie-Antoinette connaît enfin une petite joie, due aux soins donnés par Sa belle-sœur.

Seul le linge a été jugé nécessaire, tout le reste des vêtements et accessoires est resté au Temple. On se rappelle le zèle de Michonis pour récupérer le linge de la prisonnière, mais en plus de nouvelles du Temple, il lui amène aussi livres, menus objets de nécessité et même nourriture. Car d’après le témoignage d’un gendarme elle préfère encore jeûner plutôt que de s’abaisser à faire la moindre demande aux autres administrateurs. Avec la complicité de Richard à qui ils doivent demander autorisation, Michonis, comme ses collègues n’hésitent pas à venir accompagner.

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Image de Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc 

Marie-Antoinette affirmera qu’Elle n’a vu «personne» puis ensuite dira «il en vient tant», cela signifie des personnes qu’Elle connaît. Mais il y a fort à parier que jamais elle n’aurait cité les noms des rares personnes de sa connaissance qui auraient réussi à L’approcher.

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Marie-Antoinette par Kucharski
 

Les visiteurs donc défilent, de l’ennemi le plus farouche au fidèle le plus courageux, en passant par le simple curieux venu observé la Reine déchue. Et forcément les témoignages pleuvent au début du siècle suivant. Marie-Antoinette s’attend à tout moment à être massacrée, lynchée dans Sa cellule même ou à être conduite directement à la guillotine si bien que «tous ceux qui entrent Lui font de l’effroi» constate madame Harel.

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Les soldats gardant la cellule de Marie-Antoinette dans Ils ont jugé la Reine (2019) d’Alain Brunard

Quels sont les rapports entre la Reine et Marie ? La femme Harel sera qualifiée comme «une espèce de poissarde dont elle se plai(nt) fort» par Rosalie Lamorlière non sans une probable teinte de jalousie. Marie-Antoinette garde Ses distances avec la «poissarde» même si Elle se laisse aller à lui parler de «Ses enfants et qu’on L’avait mortifiée au Temple» tandis Que madame Harel, pitoyable Rose Bertin de substitution, s’essaye à coudre «le ruban et la soie» livrés pour la «garniture du jupon» de la captive qui s’effiloche à traîner sur le sol humide. Très exceptionnellement, il arrive à Marie Harel de jouer aux cartes avec les gendarmes, notamment avec Gilbert.

Quant aux rapports de Marie-Antoinette avec les gendarmes, ils sont quelque part dans cette réponse qu’Elle fait lors d’un de Ses interrogatoires :

« Si j’étais seule je ne balancerais pas à tenter tous les moyens pour me réunir à ma famille, mais ayant trois personnes dans ma chambre, quoique je ne les connusse pas avant de venir ici, je ne les compromettrai jamais sur rien.»

Ils Lui apportent des fleurs, «la plupart sont des œillets ; il y a de la tubéreuse et des juliennes.»

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Image de Ils ont jugé la Reine (2019) d’Alain Brunard

Vers la mi-août 1793

Un jour, Madame Richard amène dans le cachot de la Reine son plus jeune enfant , qui est blond, qui a des yeux bleus fort agréables, et dont la figure est charmante, qu’on appelle Fanfan. Marie-Antoinette, en voyant ce beau petit garçon, tressaille visiblement; Elle le prend dans Ses bras, le couvre de baisers et de caresses et se met à pleurer en parlant de Son Chou d’amour, qui est à peu près du même âge,  à Marie-Anne Richard et Rosalie.

Marie Harel est caricaturée comme une poissarde grimaçante
sur ce tableau figurant Marie-Antoinette rêvant de Son fils.

Marie-Antoinette pense nuit et jours à Ses enfants. Cette circonstance Lui fait un mal horrible. Madame Richard dit à Rosalie qu’elle se gardera bien de ramener son fils dans le cachot…

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Madame Richard est interprétée par Nathalie Laroche
dans Ils ont jugé la Reine d’Alain Brunard
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Ute Lemper dans L’Autrichienne :
la Reine reprisait Ses affaires qui pourrissaient dans la cellule humide.
Marie Harel est interprétée par Léonor Bailleul dans Ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard
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La Reine est seule dans Sa cellule de la Conciergerie
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La Reine est seule dans Sa cellule de la Conciergerie
Marie Harel est interprétée par Léonor Bailleul dans Ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard :
on la montre acceptant des pots de vin pour ses rapports du quotidien de la Reine qu’elle assiste …
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Grâce à Lafont d’Aussonne, qui a recueilli le témoignage de Rosalie qui ne sait ni lire ni écrire, nous connaissons des traits du quotidien de Marie-Antoinette à la Conciergerie :

« Sa coiffure, depuis sont entrée à la Conciergerie, était des plus simples. Elle partageait ses cheveux sur le front, après y avoir mis un eu de poudre embaumée. Madame Harel, avec un bout de ruban blanc, les nouait avec force, et puis donnait les deux barbes de ce ruban à Madame, qui, les croisant elle-même, et les fixait sur le haut de sa tête, donnait à sa chevelure blonde la forme d’un chignon mouvant.»

Rosalie Lamorlière
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“ 18th Century Sweep - Old Fort Niagara, Youngstown, NY
”

Marie-Antoinette mange avec assez d’appétit, Elle coupe Sa volaille en deux : pour Lui servir deux jours. Elle découvre les os avec soin. Elle ne laisse pas de légumes, qui Lui font un second plat. Son mets préféré est le canard. Lorsqu’Elle a terminé Son repas, Elle récite tout bas Sa prière d’action de grâces, se lève et marche, c’est pour les servants le signal du départ.

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Pendant le mois d’août 1793

« Lady Charlotte Atkins (1757-1836) parvient à gagner un officier municipal, qui consent à lui ouvrir les portes de la Conciergerie, à la condition qu’aucune parole ne soit échangée entre elle et la royale prisonnière. De plus , l’étrangère prendra le costume d’un garde national. C`est revenir aux temps de Drury Lane ! Elle promet tout et se contente d’offrir un bouquet à la Reine, mais sous l’empire de l`émotion intense qui l’étreint, au contact des regards de celle qu’elle n’a pas revue depuis Versailles, elle laisse tomber un billet qu`elle tenait dans sa main qui devait accompagner le bouquet. Le municipal allait s`en emparer quand, plus prompte que lui Madame Atkins se précipite, le ramasse et l’avale. On la met à la porte brutalement.»

Doit-on croire ce récit qui ressemble un peu trop à l’Affaire de l’Œillet?

Une blanchisseuse qui repasse par Robert Henry Morland

Le mercredi 28 août 1793

Michonis donne rendez-vous à la Mairie (ancien hôtel du premier président du Parlement transformé en hôtel de police) à un certain Rougeville. Ils se rendent de là à la Conciergerie. Quand Michonis pousse la porte, Rougeville peut voir les gendarmes à leur table, jouant, Marie Harel occupée à son ouvrage et enfin la Reine, toujours aussi haute, toujours aussi majestueuse, mais tellement vieillie, tellement amaigrie, les cheveux blanchis, les yeux délavés et les joues creusées par les larmes ! Il ne L’avait pas revue depuis le 10 août 1792.

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Geneviève Casile (1976)

Marie-Antoinette reste impassible à la vue de Michonis. Elle l’a tellement vu Lui ramener des voyeurs ou des exaltés dont les projets d’évasion ne sont que chimères… La prisonnière se lève et dit :

« Ah ! C’est vous , Monsieur Michonis

Et là Elle voit le nouveau visiteur. Elle sursaute, un cri manque de Lui échapper. Elle le reconnaît malgré son déguisement ! Elle tressaille, extrêmement saisie «jusqu’au point de s’en trouver mal» et tombe dans Son fauteuil.

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Image de Marie-Antoinette (1976) de Guy-André Lefranc

Profitant que Michonis élève la voix pour donner des nouvelles du Temple, Rougeville montre d’un signe l’œillet à sa boutonnière, détache cette fleur et la jette derrière le poêle. Ni Michonis, ni les gendarmes, ni la dame Harel ne s’en aperçoivent. Rougeville reprend son air indifférent, faisant mine d’écouter les paroles de Michonis. Il sait que Marie-Antoinette n’a pas compris le message et tente de Lui parler discrètement. Il Lui dit de ramasser l’œillet tombé et Marie-Antoinette s’exécute aussitôt.

Personne dans la pièce n’a entendu l’échange. Les gendarmes ont seulement remarqué chez la Reine une vive émotion, des larmes Lui couler, Son visage changeant de couleur et Ses membres tremblants.

Ils pensent alors que cela est dû aux nouvelles données de Ses enfants. La dame Harel affirme que c’est l’attitude habituelle de Marie-Antoinette lors de chaque visite, tant Elle a peur.

Lorsque les deux hommes sortent, d’une voix émue, Marie-Antoinette fait mine de s’adresser à Michonis :

« Je vous fais donc un adieu éternel.»

Michonis surpris tente de La rassurer :

« Point du tout, si je ne suis plus administrateur de la police, étant officier municipal, j’aurai le droit de venir et de vous faire visite tant qu’elle vous sera agréable.»

Marie-Antoinette s’adresse en réalité à Rougeville, n’ayant pas encore pu regarder ce que contient l’œillet. Michonis part donc tout content et flatté.

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Marie-Antoinette à l’Œillet par Benjamin Warlop

Une fois sortis de la cellule, Rougeville ne doutant plus de la réussite de ses projets, doit continuer à suivre Michonis lui faire les honneurs de la prison. Michonis donne ses ordres, puis dit au revoir à madame Richard et sort enfin.

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Image de Ils ont jugé la Reine (2019) d’Alain Brunard

Pendant ce temps, Marie-Antoinette se sachant observée par les gendarmes, doit trouver un moyen pour relever l’œillet. En entendant les voix de Michonis et Rougeville dans la cour des Femmes, Elle profite de l’occasion et parle à Gilbert de Ses réclamations concernant la nourriture. Le gendarme à la fenêtre, Elle se baisse, ramasse la fleur et voit qu’elle contient un billet.

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L’affaire de l’Œillet dans Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

Profitant ensuite que Marie Harel et les gendarmes jouent aux cartes, elle se cache derrière son paravent, déplie le papier et lit :

« Ma protectrice, je ne vous oublierai jamais, je chercherai toujours le moyen de vous marquer mon zèle ; si vous avez besoin de trois à quatre cents louis pour ce qui vous entoure, je vous les porterai vendredi prochain.»

Vite, Elle déchire en cent morceaux le billet de Rougeville et sur Sa toilette prend un bout de chiffon et une épingle et trace quelques mots qui pourraient être :

« Je suis gardée à vue, je ne parle à personne; je me fie à vous; je viendrai »

André Castelot rapporte que le billet piqué d’épingles aurait été « traduit » bien plus tard mais il est tellement perforé que la phrase transcrite en clair doit être prise avec la plus extrême circonspection …

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Le comte Gustave de Reiset (1821-1905) a tenté une retranscription
grâce au procédé d’Adam-Joseph Pilinski (1810-1887)

La prisonnière demande ensuite à Sa femme de chambre de Lui apporter un verre d’eau. Aussitôt Marie Harel part aux cuisines.

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L’affaire de l’Œillet dans Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

Marie-Antoinette, gagnée par l’émotion, s’approche du gendarme Gilbert et lui dit :

« Voyez comme je suis tremblante ; ce particulier que vous venez de voir est un ci-devant chevalier de Saint-Louis, employée aux armées auquel je suis redevable de ne pas m’avoir abandonnée dans une affaire très périlleuse. Vous ne vous douteriez pas de la manière dont il s’y est pris pour me faire passer un billet ; il m’a fait signe de l’œil et, ne comprenant pas ce qu’il voulait exprimer, il s’est approché de moi et m’a dit à voix très basse : «Ramassez donc l’œillet qui est à terre et qui renferme mes vœux les plus ardents ; je viendrai vendredi.» Et vous savez le reste. Après m’avoir ainsi parlé, je me suis baissée et j’ai relevé l’œillet qui m’était indiqué, dans lequel j’ai trouvé le billet qui renfermait le désir sincère du particulier.»

Extrait de l’interrogatoire du gendarme Gilbert du 3 septembre 1793
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Image de Ils ont jugé la Reine d’Alain Brunard

Le 29 août 1793

Le gendarme Gilbert, n’osant avouer qu’il L’a trahie, Lui raconte «qu’étant sorti», le billet «est tombé entre les mains de la femme du concierge qui le lui a pris dans sa poches avec plusieurs autres papiers». Marie-Antoinette est atterrée, Elle ne sait ce qu’en fera madame Richard.

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Image de Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

Le 30 août 1793

Michonis se présente à la Conciergerie. Madame Richard, discrètement, lui explique la situation. La concierge est persuadée que l’administrateur a mis en contact un chevalier de Saint-Louis avec la Reine à son insu. Elle le rassure en lui disant que c’est elle qui conserve le billet écrit par Marie-Antoinette. Michonis ne s’alarme pas en regardant le chiffon piqué de trous : il est illisible. Il promet à madame Richard de ne plus ramener personne.

Rougeville affirme qu’il est bien retourné à la Conciergerie, cette fois-ci avec un autre administrateur gagné à sa cause, le nommé Jobert ou Jaubert. Là il lui offre 400 louis en or et 10 000 livres en assignats. De quoi largement corrompre Marie Harel, les gendarmes et les Richard. Michonis ne recevra jamais rien et s’y refuse. Ses collègues de la police ne sont pas aussi scrupuleux.

Il demande surtout à la Reine si Elle est en capacité physique de sortir de Sa prison. Malgré Son état physique délabré, Elle se sent assez de force pour se libérer.

Cette deuxième visite n’existe que dans la version des faits donnée par Rougeville des années plus tard. Rien ne l’indique une seule fois dans les interrogatoires suivants. Sauf que les mesures prises par la suite montrent bien que les autorités ont réellement pris peur d’une possible évasion de «la veuve Capet» et pas d’une simple visite d’un ancien garde du corps venu lui apporter des fleurs, même avec un tendre billet.

A dix heures du soir

Defresnes prévient son supérieur Louis-François de Busne, lieutenant de garde de la prison, précisant que la prisonnière a de la fièvre. Celui-ci avertit Fouquier-Tinville seul habilité à faire envoyer un médecin.

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Image de Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

A la Conciergerie, le médecin Thierry examine Marie-Antoinette et Lui prescrit une «potion calmante, composée d’eau de tilleul, de fleurs d’oranger, de sirop de capillaire et de liqueur d’Hoffmann», à quoi on Lui rajoute «un bouillon rafraîchissant avec maigre de veau, chair de poulet et plantes diverses.»

A note for a prescription given to the Marie Antoinette, here designated as the “widow Capet,” in September of 1793. The prescription included: two bottles with smelling salts; a calming potion made with linden water, orange blossom, Hofman’s liqueur...
Mémoire des médicaments livrés
à la ci-devant famille royale au mois de septembre 1793

La nuit du 2 au 3 septembre 1793

Selon Rougeville, c’est à ce moment que tout se joue.

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Image de Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

Marie-Antoinette, accompagnée du chevalier, de Michonis et des gendarmes de garde dans Sa chambre, sort de Sa cellule.

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Image d’Ils ont jugé la Reine (2018) d’Alain Brunard

« Nous avions déjà passé tous les guichets et n’avions plus que la porte de la rue, lorsqu’un des deux gardes, à qui j’avais donné 50 louis en or, s’opposa avec menace à la sortie de la reine.»

Souvenirs du chevalier de Rougeville dans SAPORI, Michelle, Rougeville de Marie-Antoinette à Alexandre Dumas, le vrai chevalier de Maison-Rouge, édition de la Bisquine,Paris, 2016, p. 135.
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Image de Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc

Selon Rosalie Lamorlière et le porte-clefs Larivière, ou plutôt Lafont d’Aussonne, c’est Marie Harel qui dénonce le complot à Fouquier-Tinville.

Le mardi 3 septembre 1793

Le gendarme Gilbert constate que ni Michonis, ni les Richard ne préviennent les autorités, et en particulier Fouquier-Tinville qui en temps normal n’ignore rien de ce qui se passe dans «sa» prison.

Portraits de Marie-Antoinette dans les prisons du Temple et de la Conciergerie - Page 2 12036410

Le gendarme n’est pas à l’aise. Il souhaite se couvrir. Sait-il quelque chose sur le projet de la prise du corps entier de la gendarmerie du Palais ? Il doit un rapport hebdomadaire à son supérieur. Il avoue. Tout ou cache-t-il d’autres choses ? Le colonel Du Mesnil envoie le rapport au greffe du tribunal. Aussitôt le complot sort de la prison.

A quatre heures de l’après-midi, un représentant du comité de sûreté générale Jean-Pierre André Amar (1755-1816), accompagné du policier Cailleux et Sevestre viennent à la Conciergerie mener l’enquête.

A la Conciergerie, six gendarmes entrent avec les enquêteurs dans la cellule de Marie-Antoinette. On imagine Son angoisse. Ni les deux gendarmes en poste habituellement, ni Marie Harel ne peuvent communiquer.
Marie-Antoinette est tout de suite amenée au tribunal criminel lui-même si l’on se fie à la suite des interrogatoires :

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Images de L’Autrichienne de Pierre Granier-Deferre

« Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale.
Du trois septembre 1793, l’an second de la République française une et indivisible, quatre heures après-midi. Nous, Représentants du peuple, députés à la Convention nationale, chargés par le Comité de sûreté générale de nous transporter à la Conciergerie pour y prendre des renseignements relatifs à la dénonciation faite ce jour d’hui par le citoyen Dumessin (Dusmesnil), lieutenant-colonel de la gendarmerie près les tribunaux, nous sommes arrivés dans ladite maison accompagnés du citoyen Aigron, aide de camp de la force armée de Paris, que nous avons requis de nous accompagner et du citoyen François Bax, secrétaire commis du Comité de sûreté générale.
En entrant nous avons appelé l’officier de poste, et l’avons requis de nous donner six gendarmes, l’un desquels nous avons fait placer dans la pièce
où se trouve en arrestation la veuve de Louis Capet, avec ordre donné audit gendarme de ne laisser entrer ni sortir personne, et nous étant retirés dans
une pièce particulière de ladite maison, nous avons envoyé appeler auprès de nous le citoyen Michonis, ensuite d’un arrêté que nous avons pris en conséquence et que nous lui avons fait porter par un gendarme; ensuite nous avons donné ordre que l’on conduisit près de nous la veuve de Louis Capet.

Entrée, nous lui avons fait les interrogations suivantes :
D. Est-ce vous qui vous nommez la veuve Capet?
R. Oui.
D. Ne voyez-vous personne dans la maison où vous êtes détenue?
R. Personne que ceux qu’on a placé auprès de moi, et des administrateurs qui sont venus avec des personnes que je ne connais pas.
D. N’avez-vous pas vu il y a quelques jours un ci-devant chevalier de Saint-Louis?
R. Il est possible que j’aie vu quelque visage connu, il en vient tant.
D. Ne sauriez-vous le nom d’aucun de ceux qui sont venus avec les administrateurs?
R. Je ne me rappelle pas le nom d’aucun d’eux.
D. Parmi ceux qui sont entrés dans votre appartement, n’en avez-vous pas reconnu aucun particulièrement?
R. Non.

D. N’y a-t-il pas quelque jour que vous en avez vu un que vous avez reconnu ?
R. Je ne m’en rappelle pas.
D. Ce même homme ne vous aurait-il pas fait tenir un œillet ?
R. Il y en a dans ma chambre.
D. Ne vous aurait-on point remis un billet?
R. Comment pourrais-je en recevoir, avec les personnes qui sont dans ma chambre, et la femme qui est avec moi ne quitte pas la fenêtre.
D. N’est-il pas possible qu’en vous présentant un œillet, il y eut quelque chose dedans et qu’en l’acceptant un billet soit tombé, ou qu’on ait pu le
ramasser ?

R. Personne ne m’a présenté d’œillet, aucun billet n’est tombé par terre que j’aie vu ; il a pu tomber quelque chose mais je n’ai rien vu; mais j’en doute, parce que la femme qui est avec moi aurait pu le voir, et elle ne m’en a rien dit.
D. N’avez vous rien écrit depuis quelque jour?
R. Je n’ai pas même de quoi écrire.
D. Ne vous seriez-vous servie d’aucun instrument ou d’aucun moyen pour transmettre vos idées ?
R. N’étant pas seule, même un moment, je ne le pourrais pas.
D. Il y a quelque jour qu’un chevalier de Saint-Louis est entré dans votre logement, vous avez tressailli en le voyant ; nous vous demandons de répondre si vous le connaissez ?
R. Il est possible que j’aie vu des visages connus, comme je l’ai dit plus haut, et que dans l’état de crispation de nerfs où je me trouve j’ai tressailli sans savoir ni quel jour, ni pour qui, ni pour quoi.
D. Nous vous observons cependant qu’il a été déclaré que vous connaissiez le ci-devant chevalier de Saint-Louis, et que vous trembliez qu’il ne fut reconnu, ce sont les expressions dont on dépose que vous vous êtes servie ?
R. Il est à croire que si j’avais tremblé qu’il ne fut reconnu je n’en aurais pas parlé, ou j’aurais eu un intérêt à le cacher.
D. N’avez-vous pas déclaré que ce même chevalier de Saint-Louis qui vous avait présenté un œillet devait revenir un vendredi?
R. J’ai déclaré au commencement que personne ne m’avait rien présenté, si je devais croire que quelqu’un dut revenir je ne l’aurais pas dit.
D. N’avez-vous pas profité du moment que votre femme de chambre était à jouer une partie de cartes pour écrire avec une épingle à ce même particulier qui avait présenté l’œillet dans lequel devait être le billet, afin qu’il fut remis à ce particulier ?
R. J’ai commencé à dire et je répète que je n’ai écrit d’aucune manière. Si je voulais faire quelque chose et m’en cacher je ne le pourrai pas, parce
que je suis toujours vue par les personnes qui sont avec moi, même pendant la partie de cartes; pour avoir à faire une réponse à ce particulier il faudrait
le connaître, avoir reçu quelque chose de lui, et les personnes qui sont avec moi, je ne les chargerais pas de la commission, parce que je crois qu’elles
remplissent assez leur devoir pour ne pas s’en charger.

D. Dans la position où vous êtes, il serait naturel de profiter de tous les moyens qui vous seraient offerts pour vous échapper et pour transmettre vos idées à ceux dans lesquels vous croiriez avoir confiance. Il ne serait donc pas étonnant que ce chevalier de Saint-Louis fut une personne qui pourrait vous être affidée et dont par là même, vous auriez
interêt de ne pas parler?

R. Il serait bien malheureux que les gens qui m’intéressent m’eussent frappée aussi peu ; si j’étais seule je ne balancerai pas à tenter tous les moyens pour me réunir à ma famille, mais ayant trois personnes dans ma chambre, quoique je ne les connusse pas avant de venir ici, je ne les compromettrai jamais sur rien.
D. N’avez-vous aucune connaissance des événements actuels et de la situation des affaires politiques ?
R. Vous devez savoir qu’au Temple nous ne savions rien, et que je n’en sais pas d’avantage ici (1).
D. Vous avez eu connaissance sans doute de l’affaire de Custine. Ne connaissiez-vous rien de relatif à ses projets?
R. J’ai su qu’il était dans la même prison que moi, et je n’en connais les raisons ni les causes.
D. Ne vous est-il venu aucune relation par voie indirecte, de ce qui se passe dans votre famille ?
R. Aucunement, je sais que mes enfants se portent bien, voilà tout ce que j’en ai su.
D. Par qui avez-vous eu des nouvelles de vos enfants ?

R. Par les administrateurs qui me l’ont dit.
D. N’avez-vous rien appris particulièrement des avantages que nous avions remportés sur les Autrichiens ?
R. J’ai entendu souvent au Temple les colporteurs crier « Grande victoire ! » tantôt d’un côté, tantôt d’un autre ; je n’en ai pas su d’avantage.
D. Ne s’est-il présenté aucune occasion de faire connaître à votre famille, votre position et de profiter des dispositions de vos amis ?
R. Jamais, depuis un an la position dont nous étions au Temple rendait la chose impossible.
D. Est-il bien vrai que vous n’ayez conservé aucune relation en dehors, par des moyens cachés ?
R. Aucune, il aurait fallu le pouvoir.
D. Vous intéressez vous au succès des armes des ennemis ?
R. Je m’intéresse au succès de celles de la nation de mon fils ; quand on est mère c’est la première parenté.
D. Quel est la nation de votre fils ?
R. Pouvez-vous en douter, n’est-il pas Français?

D. Votre fils n’étant qu’un simple particulier, vous déclarez donc avoir renoncé à tous les privilèges que lui donna jadis les vains titres de Roi ?
R. Il n’en a pas de plus beau et nous non plus que le bonheur de la France.
D. Vous êtes donc bien aise qu’il n’y ait plus ni Roi, ni royauté?
R. Que la France soit grande et heureuse, c’est tout ce qu’il nous faut.
D. Vous devez donc désirer que les peuples n’aient plus d’oppresseurs, et que tous ceux de votre famille qui jouissent d’une autorité arbitraire subissent le sort qu’ont subi les oppresseurs de la France ?
R. Je réponds de mon fils, de moi ; je ne suis point chargée des autres.
D. Vous n’avez donc jamais partagé les opinions de votre mari ?
R. J’ai rempli toujours mes devoirs.
D. Vous ne pouvez pas cependant vous dissimuler qu’à la cour il n’existât des hommes dont les interêts étaient en sens inverse de ceux du peuple ?
R. J’ai rempli mes devoirs en tout ce que j’ai fait, dans ces temps-là comme à présent.
D. Comment vos devoirs s’arrangeaient-ils donc avec la fuite que vous avez préméditée et qui s’exécutait du côté de Varennes ?
R. Si on nous eut laissé achever notre course, et que nous eussions pu faire ce que nous méditions, on nous aurait rendu justice.
D. Quel était donc votre objet en quittant le centre de la France ?
R. De nous donner une espèce de liberté que nous n’avions pas depuis le mois d’octobre 1789, mais jamais de quitter la France.
D. Pourquoi promettiez-vous donc au peuple à votre retour de Versailles de lui rester attaché et de vous plaire à vivre au milieu du peuple de Paris?
R. C’était pour revenir plus librement au milieu de lui que nous faisions notre course.
D. Comment cette fuite s’accordait-elle avec la question que vous faisiez à la municipalité la veille de votre fuite : « Eh bien, dit-on toujours que nous
voulons quitter Paris ? »

R. Ce n’est pas à la municipalité de Paris que j’ai fait cette question, c’est à un aide de camp de Lafayette, et devant suivre les personnes qui partaient ; jamais je n’ai dû en avoir l’air.
D. Comment, ayant tout préparé pour votre fuite du vingt et un, avez-vous pu répondre à ceux qui vous invitaient d’assister à la cérémonie de la Fête-
Dieu, que vous y auriez assisté et que vous y assisteriez?

R. Je ne me rappelle pas moi personnellement avoir fait cette réponse, je devais suivre mon époux et mes enfants, je n’avais rien à dire.
J’observe que je tiens beaucoup à ce qu’on ne croit pas à ce que c’est à un corps que j’ai fait l’interpellation relative à notre fuite. Ca toujours été nous qui avons donné dans tous les temps l’exemple du respect dû aux autorités.
D. Comment, ayant avoué que vous ne désirez que la prospérité et la grandeur de la nation française, avez-vous pu manifester un désir aussi vif
d’employer tous les moyens pour vous réunir à votre famille en guerre avec la nation française ?

R. Ma famille, c’est mes enfants, je ne peux qu’être bien qu’avec eux, et sans eux, nulle part.
D. Vous regardez donc comme vos ennemis ceux qui font la guerre à la France?
R. Je regarde comme mes ennemis tous ceux qui peuvent faire du tort à mes enfants.
D. De quelle nature sont les torts que l’on peut faire à vos enfants?
R. Toute espèce de torts quelconque.
D. Il est impossible que vous ne regardiez pas plus particulièrement comme tort, ceux qui auraient pu être faits d’après vos idées à votre fils relativement à l’abolition de la royauté; que répondez-vous ?
R. Si la France doit être heureuse avec un roi, je désire que ce soit mon fils, si elle doit l’être sans roi, j’en partagerai avec lui le bonheur.
D. La France étant constituée en république par le vœu prononcé par vingt-cinq millions d’hommes et par toutes les sections du peuple, vous déclarez donc désirer que vous et votre fils vous existiez comme de simples particuliers dans la république, et qu’elle repousse loin de son territoire tous les ennemis qui l’ont attaquée ?
R. Je n’ai d’autre réponse à faire que celle que j’ai faite à la question précédente.
Lecture faite de l’interrogatoire et des réponses actuelles, la veuve de Louis Capet y a persisté, elle a approuvé la radiation et l’apostille faite à la fin
de la seconde page, celles faites à la seconde ligne de la troisième page, deux interlignes à la troisième page, plusieurs mots rayés à la quatrième
page, plusieurs mots à la septième et à la huitième, et elle a signé avec nous et avec le citoyen Cailleux, membre du corps municipal et administrateur de police présent à l’interrogatoire.

Marie-Antoinette, Amar, J. Sëvestre, Cailleux, Bax, secrétaire commis.
(1) On lit en marge, de la main de Fouquier-Tinville : « Le contraire est prouvé par la déclaration de Capet fils. »

Premier interrogatoire de Marie-Antoinette, le 3 septembre 1793
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863
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Images de L’Autrichienne (1990) de Pierre Granioer-Deferre

Les enquêteurs semblent tout ignorer de ce qui s’est passé la veille, pourtant bien plus grave que tout le reste. Ne les intéresse que cette histoire d’œillet. Marie-Antoinette nie tout. Sa seule préoccupation est le sort de Ses enfants et de ne compromettre ni Rougeville, ni Michonis, ni les gendarmes ni Marie Harel, ces derniers étant surveillés et tenus au silence dans Sa cellule.

Suit l’interrogatoire de la femme de chambre à son tour amenée :

« Interrogatoire de la citoyenne qui est auprès de la femme veuve Louis Capet, ensuite des ordres de l’administration de police.
D. Comment vous appelez-vous?
R. Marie, femme Harel.
D. N’avez vous point vu venir un ci-devant chevalier de Saint Louis, accompagné d’un officier municipal ?
R. Je n’ai vu personne.
D. Ne connaissez-vous pas le citoyen Michonis?
R. Oui, je le connais.
D. Vous rappelez-vous le jour où il est venu ici ?
R. Non.
D. N’était-il pas accompagné de quelqu’un?
R. Il était seul.
D. Le citoyen Michonis n’est-il point venu, il y a quelques jours, accompagné de quelqu’un?
R. Oui, il y est venu accompagné d’un jeune homme que je ne connais pas.
D. Cet homme a-t-il parlé à la veuve Capet?
R. Il a resté à côté du gendarme et il n’a pas soufflé.
D. Le particulier qui était avec Michaudis (sic) a-t-il parlé à la femme Capet ?
R. Non.
D. Ne vous êtes-vous point aperçu que la présence de ce particulier avait causé de l’émotion à la veuve Capet?
R. Non : tous ceux qui entrent lui font de l’effroi : mais je ne m’en suis pas aperçue pour la personne dont il est question.
D. Comment était vêtu ce jeune homme?
R. Je ne peux pas bien dire comment.
D. Ne vous êtes-vous point aperçu que le même jour que ce jeune homme a été introduit avec Michonis, on ait fait parvenir un œillet à la femme Capet ?
R. Je n’ai pas vu ça.
D. Ne reçoit-elle pas des fleurs?
R. Oui.
D. Qui est ce qui les lui apporte?
R. Ce sont les gendarmes qui sont commis à sa garde.
D. Est-ce elle qui a demandé des fleurs?
R. Non.
D. Parmi les fleurs qui lui ont été présenté, y avait-il des œillets?
R. La plupart sont des œillets ; il y a de la tubéreuse et des juliennes.
D. Après que le jeune homme est sorti avec Michonis, la veuve de Louis Capet n’a-t-elle rien dit ?
R. Non, et les gendarmes m’ont demandé si ce n’était pas le fils de Michonis, et j’ai répondu que je n’en savais rien.
D. Pendant que Michaunis (sic) et ce particulier étaient dans l’appartement, n’étiez-vous pas occupée à faire une partie de cartes ?
R. Non.
D. N’avez vous jamais joué aux cartes avec aucun gendarme?
R. Oui, deux fois aux cartes avec des gendarmes dans l’appartement de la veuve Capet ?
D. Quels sont les gendarmes avec qui vous avez joué?
R. Avec le citoyen Gilbert.
D. Tandis que vous faisiez ces parties, ne vous êtes-vous point aperçue de quelque signe ou de quelque rapport entre Michonis et le particulier qui
l’accompagnait et la veuve Capet ?

R. Ce n’était pas ce jour là; car le jour où Michonis et le particulier dont vous me parlez sont venus, je ne jouais pas, j’étais à travailler.
D. Tandis que vous étiez à jouer aux cartes, n’est-il entré personne?
R. Les citoyens Jaubert et Michonis sont entrés.
D. Depuis que vous êtes avec la veuve Capet, n’êtes-vous point sortie de la maison ?
R. Non.
D. Ne vous êtes vous jamais apperçue qu’il y eut quelque intelligence entre quelque particulier que ce fut et la veuve Capet ?
R. Non.
D. Depuis que vous êtes avec la veuve Capet, ne vous a-t-elle pas parlé de sa position ?
R. Elle m’a parlé de ses enfants, et qu’on l’avait mortifiée au Temple.
D. N’avez vous jamais aperçu, se servir d’une épingle ou de quelque autre chose pour écrire?
R. Non, jamais.
D. Connaissez-vous tous ceux qui se sont présentés devant la veuve Capet ?
R. Non.
D. En connaissez-vous quelques-uns?
R. Je ne connais que les administrateurs et les secrétaires.
D. Est-il venu quelquefois avec les administrateurs et les secrétaires d’autres personnes qu’eux ?
R. Oui, une fois ou deux ; mais je ne connais pas les personnes et je ne peux pas dire quelles sont ces personnes.
Lecture faite de l’interrogatoire, a déclaré contenir vérité et a signé avec nous.
Harel, Amar, Cailleux, J. Sévestre, Bax, secrétaire commis.»

Interrogatoire de Marie Harel, le 3 septembre 1793
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p. 13-17.

Le moins que l’on puisse dire c’est que «la mouche» envoyée par Fouquier-Tinville n’est pas prête à enfoncer «l’Autrichienne». Passer ses jours et ses nuits près d’Elle ont eu un sacré impact sur ses opinions.

Faut-il croire que Rosalie Lamorlière et à travers elle Lafont d’Aussonne ont menti sur le personnage ?

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Image extraite du docu-fiction Ils ont jugé la reine (2019)

Marie-Antoinette n’a qu’un seul souci lors de cette journée terriblement éprouvante pour Elle : espérer que le chevalier de Rougeville n’a pas été arrêter à cause d’Elle. Marie-Antoinette est prête à se sacrifier pour les personnes qui Lui sont dévouées. Même pour celui qui ne fut finalement pour Elle qu’un simple garde du corps particulièrement zélé.

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Les concierges Richard, la femme de journée Marie Harel sont dans le secret. Monsieur Richard, son épouse et leur fils aîné sont mis en prison et au cachot, les uns à Sainte-Pélagie, l’autre aux Madelonettes.

Portraits de Marie-Antoinette dans les prisons du Temple et de la Conciergerie - Page 3 Concie10

A une heure certainement avancée de la nuit (les enquêteurs sont arrivés à quatre heures de l’après-midi à la Conciergerie), Marie-Antoinette est de nouveau écoutée.

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Ute Lemper est Marie-Antoinette dans L’Autrichienne (1990)L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LAutrichienne-vers-linterrogatoire-1024x576.png.
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LAutrichienne-la-Reine-face-a-Ses-accusateurs-lors-de-linterrogatoire-de-nuit-1024x576.png.

Le sommeil de Marie Harel est donc perturbé.

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Ute Lemper dans L’Autrichienne (1990)

La Reine semble être transférée dans une autre cellule (les avis divergent) et Ses conditions de détention sont durcies, mais on retire les deux gendarmes du cachot de la Reine.

Il semble avoir été question de changer la Reine de cellule…  on envisagea de La transférer dans la pharmacie de la Conciergerie…. qui fut débarrassée.

Mais cela n’eut pas lieu…

L'exécution de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793 Captur10
La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur

Le 8 septembre 1793

Transfert de Jean-Baptiste Michonis à la prison de l’Abbaye.

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La prison de l’Abbaye

Le 9 septembre 1793

Les gendarmes Gilbert et Dufresnes doivent quitter la chambre de Marie-Antoinette. Ils ne sont apparemment pas remplacés. Marie-Antoinette est mise au secret jusqu’à l’ouverture de Son procès.

Portraits de Marie-Antoinette dans les prisons du Temple et de la Conciergerie - Page 3 15427812

Par décret de la Convention, la Reine est déférée au Tribunal révolutionnaire.

Le 11 septembre 1793

C’est au tour de Marie Harel de quitter les lieux après quarante et un jours et nuits passés en tête-à-tête avec la Reine. Elle aura été Sa dernière femme de chambre et celle qui aura le plus longtemps connu Son intimité. Marie-Antoinette est désormais totalement seule dans Sa cellule, complètement mise au secret, jusqu’à l’ouverture de Son procès.

Madame Harel reçoit cependant l’injonction de ne pas sortir de la Conciergerie. Le soir, Marie et les deux gendarmes soupent à un autre endroit de la prison où ils resteront en réserve jusqu’à fin septembre.

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Marie-Antoinette face à la citoyenne Harel et aux deux gendarmes

Marie Harel ne reparaîtra plus aux côtés de Marie-Antoinette.

Marie-Antoinette n’a plus personne près d’Elle, Elle est totalement isolée. S’en sent-Elle mieux ?

Rosalie n’a plus le droit de poser ne serait-ce qu’un seul verre d’eau et madame Saulieu la blanchisseuse ne peut faire passer Ses chemises qu’une par une et certainement auscultée par les autorités. Marie-Antoinette couche désormais toute habillée, prête à attendre la mort, ostensiblement en noir. Elle craint plus que jamais d’être assassinée dans la nuit.

Une nouvelle frayeur Lui est octroyée : Barassin, le frère de madame Richard, préposé aux pots de chambre de la prison et chargé du nettoyage de la cellule de la Reine depuis le départ de Marie Harel, entre quand il veut. Un bandit de grand chemin, un assassin, un galérien qui a échappé à sa peine… Voilà le dernier serviteur de la Reine de France.

Des journaux s’alarment de la presque évasion de la veuve Capet, dont celui d’Hébert qui réclame son retour au Temple où elle était semble-t-il mieux gardée avec moins de moyens. On s’y oppose : Marie-Antoinette est inculpée, elle doit donc rester incarcérée dans la prison du tribunal révolutionnaire.

Le nouveau concierge Bault, qui vient de la prison de la Force, et sa femme traitent la prisonnière avec moins d’égards que leurs prédécesseurs. Rosalie, cependant, reste en place, comme cuisinière au service du concierge parce qu’il n’y a aucun sujet de se méfier d’elle.

Le 4 octobre 1793

Marie-Antoinette est entendue par Fouquier-Tinville et les représentants du tribunal révolutionnaire en vue de Son prochain procès qui se déroulera les 14 et 15 octobre

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Marie Harel comparaît librement : elle est chez elle quand on frappe à sa porte et que le commissionnaire lui remet la convocation en mains propres. Marie-Antoinette et elle sont-elles émues de se revoir après un mois de séparation, alors qu’elles venaient de passer quarante jours ensemble ? Les témoins ne rapportent rien là-dessus. On imagine bien que la Reine se garde bien d’une quelconque expression émotive qui pourrait nuire à Sa femme de chambre …

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Le procès de Marie-Antoinette par André Castaigne, 1901

Marie-Antoinette est condamnée à mort.

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Tableau de Paul Delaroche

Le 16 octobre 1793

16 octobre - Le trajet de la charrette le 16 octobre 1793 2e038f10
Ute Lemper redonne vie au croquis de David dans L’Autrichienne de P. Granier-DeferreImage associée

Exécution de Marie-Antoinette.

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“ Sorrow had blanched the Queen’s once beautiful hair; but her features and air still commanded the admiration of all who beheld her; her cheeks, pale and emaciated, were occasionally tinged with a vivid colour at the mention of those...

Le 18 novembre 1793

Le tribunal révolutionnaire passe en jugement les protagonistes de l’affaire de l’Œillet. Devant Fouquier-Tinville, comparaissent Lepître, Jobert et Dangé qui redoutent de voir paraître Tison à la barre. Le servile dénonciateur est écarté comme témoin et l’accusation ne peut fournir aucune pièce décisive. Après deux jours de procès, tous les prévenus sont acquittés, à l’exception de Jean-Baptiste Michonis (1735-1794) qui a succédé à Toulan dans le projet de sauver la famille royale avec le chevalier de Rougeville. Michonis est alors jeté en prison.

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Image de L’Autrichienne (1990) de Pierre Granier-Deferre

Si Herman, président du tribunal révolutionnaire, refuse d’évoquer l’affaire de l’Œillet durant le procès qualifiée par lui «d’intrigue de prison», huit témoins sur les quarante-et-un sont liés à l’affaire : le couple Richard, Michonis et Fontaine sortis de leurs prisons respectives, Marie Harel, les gendarmes Dufresne, Gilbert et Lebrasse libres mais convoqués à la barre.

Le chef d’accusation retenu contre Rougeville (qui est absent), Michonis, Sophie Dutilleul et Pierre Fontaine est d’avoir conspiré «en fournissant à la veuve Capet les moyens d’entretenir des correspondances avec ses complices, pendant le temps qu’elle a été à la Conciergerie.»

Lors des débats, madame Harel reparaît , citée comme témoin à charge par Fouquier-Tinville. Pourtant, après sa déposition, elle est consignée «pour motif apparent de dissimulation dans son exposition» et mise sous surveillance du gendarme François Antoine.

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La Conciergerie

Le 19 novembre 1793

Le verdict tombe. Michonis est déclaré «complice» de la conspiration. Michonis est condamné «à être détenu … jusqu’à la paix», conformément à la loi des suspects du 17 septembre 1793 ainsi conçue :

« Les tribunaux civils et criminels pourront s’il y a lieu, faire revenir en état d’arrestation, comme gens suspects, et envoyer dans les maisons de détention les prévenus de délits, à l’égard desquels il serait déclaré n’y avoir pas lieu à accusation ou qui seraient acquittés des accusations portées contre eux

Le 8 juin 1794

Michonis est jugé et convaincu de trahison, il est condamné à mort par le tribunal révolutionnaire. Marie Harel n’a rien à voir avec cette condamnation puisqu’elle n’a plus été appelée à témoigner à la barre.

Le 17 juin 1794

Jean-Baptiste Michonis est guillotiné, barrière du Trône. Il a cinquante-neuf ans.

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Dès lors, Marie Harel retourne dans l’anonymat, on ne la mentionne plus dans les procès ni dans l’administration de la prison. Michonis qui lui avait permis d’entrée dans l’intimité de Marie-Antoinette a été exécuté, cela marque donc son retour chez elle, dans la maison de la mairie.

En trente-neuf jours auprès de Marie-Antoinette vingt-quatre heures sur vingt-quatre comme jamais aucune domestique de la Reine n’avait pu le faire jusqu’alors, Marie Harel aura partagé près de mille heures de la vie de Marie-Antoinette, elle précise n’être «point sortie» de la prison durant toute la durée de son service auprès de la prisonnière.

Rosalie Lamorlière, qui remplacera en quelque sorte madame Harel après le 11 septembre 1793, est la seule à avoir pu apporter son témoignage à Lafont d’Aussonne, elle s’accorde alors le beau rôle et fait porter le mauvais à sa rivale : elle prétend que Marie-Antoinette ne lui adressa presque jamais la parole. Pourtant dans un de ses interrogatoires, Marie révèle le contraire : la Reine lui parle de Ses enfants. C’est un sujet autrement plus intime que la politique ou la météorologie !

La femme Harel, telle qu’elle est nommée dans le livre de Gosselin Lenôtre et donc dans tous ceux qui s’en servent de source, ce qui marque un certain dénigrement pour dénoncer le rôle initial qu’elle semble avoir eu pour espionner Marie-Antoinette, dort à quelques centimètres de Marie-Antoinette car son lit est «à côté» du Sien. C’est une promiscuité que l’Etiquette de Versailles réservait au valet du Roi, mais à laquelle Marie-Antoinette avait jusqu’alors échappé.

Quand bien même, Marie aurait été convaincue de remplir consciencieusement sa mission, la simplicité même de Marie-Antoinette aura suffi à la convertir à Sa cause. A l’instar de la mpoissarde qui avait abordé la Reine le 20 juin 1792 :

« L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la Reine.

Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta :
« c’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la Reine ; on vous a trompée. Epouse d’un Roi de France, mère du Dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : «c’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne».

Comment Marie, qui a partagé la plus intense intimité avec Marie-Antoinette, aurait-elle pu rester insensible à Ses accablements, à Son malheur et à Son empathie à son endroit ainsi que celui des gendarmes qui partageaient leur cellule? Ses témoignages à charge contre la Reine sont si peu incriminants qu’elle est retenue en garde-à-vue (comme si le reste de son existence à la Conciergerie n’en était pas une) le temps qu’on avise si elle peut ne pas être arrêtée…
En somme, au recueil de Lafont d’Aussonne manque le témoignage de Marie Harel, car le seul aperçu qu’on a d’elle provient de Rosalie, la cuisinière qui n’approchait que moins la Reine et qui n’en pouvait qu’être jalouse.

D’où cet article, pour tenter de lui rendre justice.

Sources :

  • CASTELOT, André, Marie-Antoinette, Perrin, Paris, 1953, 588 p.
  • CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793), archives de l’empire, Jules Gay, Paris, 1863, 352 p. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62159775.texteImage
  • LAFONT D’AUSSONNE, Gaspard-Louis, Mémoires secrets et universels des malheurs et de la mort de la reine de France, édition en ligne Gallica, Paris, 1824, 442 p. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k680395/f270.item#
  • LENOTRE GOSSELIN, Louis Léon Théodore, Le Vrai Chevalier de Maison-Rouge, A.D.J. Gonzze de Rougeville (1761-1814), librairie académique Perrin, Paris, 1894, 331 p.
  • https://histoire-image.org/etudes/halles-paris-travers-histoire
  • MISEROLE, Ludovic, Rosalie Lamorlière : Dernière servante de Marie-Antoinette (2010) ; Les éditions du Préau
  • SAPORI, Michelle, Rougeville de Marie-Antoinette à Alexandre Dumas, Le vrai chevalier de Maison-Rouge, éditions de la Bisquine, Paris, 2016, 383 p.

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