Le lieutenant de Busne

Je m’appelais Marie-Antoinette (1993)
Vers 1742
Naissance de Louis-François de Busne, dans le Haut Rhin.
Vers 1760
Louis-François de Busne commence une longue carrière militaire au service du Roi.
Il épouse Élisabeth André Portebois.
En 1767
Louis-François de Busne porte l’uniforme du Dauphin-Infanterie. Il est donc dans la garde de Louis-Auguste, futur Louis XVI.


En 1786
Selon le registre de clôture d’inventaire après décès de son épouse Élisabeth André Portebois, il est alors : « Officier de la garde de la connétable de la gendarmerie et de la maréchaussée de France et des camps et armées du Roi ».
En septembre 1791
Louis-François de Busne intègre l’éphémère Garde Constitutionnelle de Louis XVI sous les ordres du duc de Cossé-Brissac. Cette nouvelle garde du Roi décrétée par l’Assemblée Nationale , puis supprimée fin mai 1792, préoccupe beaucoup Marie-Antoinette comme en témoigne Sa correspondance avec Barnave. Le choix des hommes n’est pas simple, ils doivent appartenir à différents milieux, venir de toute la France sans être soupçonnables de royalisme tout en étant fiables et droits pour entourer le Roi.
Homme au cœur républicain, il garde pourtant une certaine sensibilité royaliste.
Il assume avec humanité la discipline au sein de la Conciergerie.

Dans la nuit du 1er au 2 août 1793,
à deux heures quarante du matin
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

En arrivant à la Conciergerie, le guichetier Lui demande de décliner Son identité, Elle répond froidement :
« Regardez-moi.»

Elle devient la prisonnière n°280. Elle est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison dirigée par la couple Richard, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848), leur servante.

Grâce à Michonis Marie-Antoinette obtient qu’on Lui envoie du Temple un colis de la part de Madame Élisabeth contenant des chemises, deux paires de bas de soie noire, une cape et une paire de chaussures à la «Saint-Huberty », dont Elle avait besoin d’urgence, car les Siennes étaient pourries par l’humidité…

Le 31 août 1793
De garde, le lieutenant de Busne signale à dix heures du soir dans une lettre à l’accusateur public que la veuve Capet « s’est trouvée mal deux fois dans la soirée et que dans ce moment elle a sûrement de la fièvre », pour qu’un officier de santé soit avisé de son état le plus tôt possible.
(Répertoire général des sources manuscrites, Alexandre Tuetey – AN., W 151)

Il est interprété par Patrick Cagdas Dgn
Le 3 septembre 1793
Révélation du complot de l’Œillet par le gendarme Gilbert :
Un royaliste, le chevalier de Rougeville ( 1761-1814) introduit dans la cellule de la Reine avec Michonis (1735-1794), un membre de la Commune, y avait laissé un message secret dissimulé au cœur d’un œillet.

Le 6 ou 7 octobre 1793
Le colonel général de gendarmerie du Ménis choisit le lieutenant de Busne, âgé entre cinquante et cinquante-deux ans, comme surveillant de la cellule de la Reine.




Je m’appelais Marie-Antoinette (1993)


Laffont d’Aussonne rapporte que Louis-François aurait reçu secrètement de la Reine un message à remettre à Ses enfants.


Notons que Marie-Antoinette a toute confiance envers le lieutenant de Busne.

Le 12 octobre 1793 au soir

Deux heures après le coucher de Marie-Antoinette, les juges du tribunal révolutionnaire viennent Lui faire subir le grand interrogatoire secret destiné à préparer l’audience devant débuter le surlendemain.

Entourée de deux gendarmes et d’un huissier, Elle traverse la cour des hommes puis, par l’escalier Bonbec, pénètre dans la salle d’audience du Tribunal révolutionnaire. Cette «salle de la Liberté» (Grand’chambre) est la salle dans laquelle les Rois tenaient jadis leurs lits de justice.

La Reine est invitée à s’asseoir sur une banquette, devant le bureau du jeune président du tribunal, Martial Joseph Armand Herman (1759-1795) qui fait office de juge d’instruction, et en présence de l’accusateur public Fouquier-Tinville (1746-1795).

Herman par ses questions ne fait que reprendre ce que lui dicte Fouquier-Tinville :
« Ce jourd’huy vingt-unième jour du premier mois de l’an second de la République française, six heures de relevée, nous Amant-Martial-Joseph Herman, président du tribunal criminel révolutionnaire établi à Paris par la loi du 10 mars 1793, sans recours au tribunal de cassation, et encore en vertu des pouvoirs délégués au tribunal par la loi du 5 avril de la même année, assisté de Nicolas-Joseph Fabricius, greffier du tribunal, en l’une des salles de l’auditoire au Palais, et en présence d’Antoine-Quentin Fouquier, accusateur public, avons fait amener de la maison de la Conciergerie Marie-Antoinette, veuve Capet, à laquelle avons demandé ses noms, âge, profession, pays et demeure.»

d’après le livret de Marcelle Maurette
Le dimanche 13 octobre 1793
Au soir
Chauveau-Lagarde se rend à la Conciergerie, s’entretient brièvement avec Marie-Antoinette et prend connaissance de Ses interrogatoires et de l’acte d’accusation dressé par Fouquier-Tinville.
« En me présentant à la reine avec respectueuse dévotion, j’ai senti mes genoux trembler sous moi et mes yeux se remplir de larmes. Je ne pouvais pas cacher mon émotion, mon embarras était beaucoup plus grand que ce que je pourrais ressentir en étant présenté à Sa Majesté au milieu de sa cour, assise sur un trône et entourée des ornements précieuses de la royauté. Son accueil, majestueux et gentil à la fois, m’a mis à l’aise et m’a fait sentir, pendant que je parlais et qu’elle écoutait, qu’elle m’honorait de sa confiance.»

Il relève que ce dernier retient trois principaux chefs d’accusation :
la dilapidation des deniers publics avant la Révolution, intelligences et correspondances avec les ennemis de la République et conspirations et complots contre la sûreté intérieure et extérieure de la France.
Après avoir visité le greffe du tribunal pour examiner les preuves présentées contre la Reine, Chauveau-Lagarde a réalisé que le mélange de documents nécessiterait des semaines pour être lu complètement.

« Lorsque j’ai informé la Reine qu’il n’y aurait pas eu de connaissance de tous ces documents en si peu de temps et qu’il était indispensable de demander une mise à jour pour nous donner le temps de les examiner, la Reine a demandé : « À qui devons-nous postuler pour cela ? »
Je craignais l’effet de ma réponse, et alors que je répondais à voix basse :
« À la Convention Nationale »,
la Reine, tournant la tête sur le côté, a dit : « Non, jamais !»
J’ai ajouté que nous devions défendre en la personne de Sa Majesté non seulement la Reine de France, mais aussi la veuve de Louis XVI, mère de ses enfants et belle-sœur de notre Princesse, cités avec elle dans l’acte d’accusation.»
Cette dernière considération a gagné ses scrupules. Aux mots, sœur, épouse et mère, les sentiments naturels s’élevèrent plus que la fierté d’un souverain. Sans dire un mot, bien qu’il ait laissé échapper un soupir, la Reine a pris la plume et a écrit à l’Assemblée en notre nom, quelques lignes pleines de noble dignité dans lesquelles elle se plaignait de ne pas nous avoir donné suffisamment de temps pour examiner les preuves en revendiquant en notre nom la trêve nécessaire.

« Il présente le document signé à Fouquier-Tinville, mais rien n’en est sorti ; son procès a commencé le lendemain matin.»
Devant l’étendue et la gravité de l’accusation, le défenseur ne recevra pas de réponse.



Louis-François est interprété par Théo Pano
Le lendemain, les débats commencent.
Le 14 octobre 1793, à huit heures du matin


« Pour paraître devant le tribunal révolutionnaire Marie-Antoinette arrangea ses cheveux, ajouta à son bonnet de linon bordé d’une garniture plissée, deux barbes volantes qu’elle avait dans un carton, et sous ces barbes de deuil ajusta un crêpe noir, ce qui lui faisait une coiffure de veuve.»
Déclaration de Rosalie Lamorlière, servante des époux Richard, et ensuite du concierge Bault



Une série de témoins défile sans apporter de preuves convaincantes de Sa culpabilité, et pour cause.

Au cours du procès de la Reine
Le lieutenant de Busne a un geste qui le fait entrer dans l’Histoire : il Lui donne un verre d’eau.


Hébert accuse Marie-Antoinette d’avoir conspiré jusque dans sa prison. Il insiste sur la dépravation du petit Capet, qui a signé un acte accusant sa mère d’inceste envers lui.
Calme, Elle écoute les mots de mensonge et d’ordure qui veulent La souiller.
Dégoûté sans doute, le président Herman n’ose relever l’imputation d’immoralité.
Un juré ( Pierre-Antoine Antonelle?) La rappelle :
« Citoyen président, je vous invite à vouloir bien observer à l’accusée qu’elle n’a pas répondu sur le fait dont a parlé le citoyen Hébert, à l’égard de ce qui s’est passé entre elle et son fils.»
La Reine alors se lève et, le bras tendu vers l’auditoire, Elle dit d’une voix plus haute et qui frappe les murs avant de frapper les cœurs :
« Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature se refuse à répondre à une pareille question faite à une mère… J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici.»

Sans l’avoir cherché, Elle a atteint le sublime.





Sous couleur de résumer le procès, Hermann prononce un nouveau et violent réquisitoire.









Après le verdict, La voyant épuisée, il La raccompagne dans Son cachot en Lui donnant le bras tout en gardant son chapeau à la main. Il est arrêté pour ces gestes de déférence et d’humanité.


dans Je m’appelais Marie-Antoinette (1993) de Robert Hossein





De Busne ne peut continuer à veiller sur les dernières heures de Marie-Antoinette.
Il se justifie dans une lettre au tribunal qui montre à quel point celui-ci, et en particulier son accusateur, terrorise n’importe qui :
« Quel délit m’impute ce citoyen (le gendarme Jourdeuil qui l’a dénoncé) ou ceux qui partagent ses opinions ? D’avoir donné un verre d’eau à l’accusée, et cela au défaut des citoyens huissiers qui, dans ce moment étaient absents pour le service du tribunal ; d’avoir tenu mon chapeau à la main, faisant chaud et pour ma commodité, et non par respect pour une femme condamnée dans mon opinion.
LENOTRE, G., Marie-Antoinette, La Captivité et la Mort, Perrin, Paris, 1930, p. 366
Le digne citoyen accusateur public s’était expliqué envers nous qu’il y avait un officier à la conduite de l’accusée, ainsi que cela se pratiquait dans le service de la prison. Comme la veuve Capet dérivait le corridor pour descendre l’escalier intérieur de la Conciergerie, elle me dit : je vois à peine à me conduire. Je lui présentai mon avant-bras droit, et elle descendit dans cette attitude l’escalier ; elle se reprit pour descendre les trois marches glissantes du préau. C’est pour lui éviter une chute que je pris cette mesure ; les hommes de bon sens ne pourront y voir d’autre intérêt ; car si elle fût tombée dans l’escalier, on eût crié à la conspiration, à la trahison, que la gendarmerie en était convaincue. Comment ose-t-on dénaturer ces intentions ? Les lois de la nature, ma mission, les lois de l’état le plus redoutable me prescrivaient le devoir de la conserver pour son parfait jugement.
Signé De Busne, lieutenant de gendarmerie près des tribunaux, membre de la Société populaire des Gardes françaises»
Il semble que Louis-François de Busne continuera sa carrière militaire puisqu’il aura droit d’être soigné aux Invalides. Comme il avait servi le Dauphin avant de servir la révolution, il servira Napoléon …
Le 8 juin 1795
L’annonce de la mort en prison du fils du défunt Roi Louis XVI âgé de dix ans, Louis XVII pour les royalistes, permet au comte de Provence de devenir le dépositaire légitime de la couronne de France et de se proclamer Roi sous le nom de Louis XVIII. Pour ses partisans, il est le légitime Roi de France.

Le 19 décembre 1795
Marie-Thérèse, l’Orpheline du Temple, quitte sa prison escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle, où elle est remise aux envoyés de l’Empereur François II.
A partir de la fin de l’année 1799
Napoléon Bonaparte (1769-1821) dirige la France.
Du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804
Bonaparte est Premier consul.

De 1802 à 1805
Napoléon Ier est aussi président de la République italienne.
Du 18 mai 1804 au 11 avril 1814
Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris et couronnement de Joséphine.


Du 17 mars 1805 au 11 avril 1814
Napoléon Ier est Roi d’Italie.
Louis-François de Busne prend-il part aux campagnes militaires de Napoléon ?
Sans doute pas, il est trop âgé.
En 1814
Avant que Louis XVIII ne monte sur le trône, Louis-François de Busne, alors âgé de cinquante ans, tente à plusieurs reprises de remettre le message transmis par la Reine en 1793 à la duchesse d’Angoulême. Et il lui réclame la croix de Saint-Louis. Mais Marie-Thérèse s’esquive toujours en prétextant qu’on le convoquera… Il mourra sans avoir pu remplir sa mission.


Louis-François termine sa vie aux Invalides.



Les Invalides , ou Hôtel National des Invalides, est un vaste complexe de structures et de cours du XVIIe siècle à Paris conçu pour les soins et le logement des anciens combattants handicapés et comme lieu de culte.


Louis XIV avait ordonné la construction des Invalides en reconnaissance des sacrifices consentis par les soldats qui avaient combattu dans ses guerres.

La plupart des bâtiments destinés aux soins et au logement des anciens combattants ont été achevés en cinq ans (1671-1676) par l’architecte Libéral Bruan . Cependant, il eut du mal à concevoir l’église qui devait servir à la fois les habitants et le Roi. La nef de Bruant devint par la suite la chapelle des soldats (Église des Soldats). À la suggestion de l’architecte Pierre Fontaine (1764-1838) , la nef est drapée de bannières ennemies capturées par les armées françaises victorieuses.

L’architecte Jules Hardouin-Mansart(1646-1708) a été amené à concevoir la chapelle royale, appelée l’église du Dôme. L’extérieur du dôme est enveloppé de feuilles d’or , et l’intérieur est décoré d’une fresque de Charles de La Fosse (1636-1716) représentant Louis IX (Saint-Louis) en train de présenter son épée au Christ. Les deux chapelles étaient reliées par un sanctuaire ovale ouvert aux deux. L’église hybride qui en résulta fut dédiée à Louis IX, le Roi-soldat le plus vénéré de France.

Le complexe fait face à une esplanade en pente douce, d’environ 450 mètres de long et 250 mètres de large, qui se termine au quai d’Orsay et au pont Alexandre III.

En 1814
Louis-François de Busne meurt peu de temps après sans avoir reçu la croix de Saint-Louis.