Le 11 mai 1733
Naissance de Victoire Louise Marie Thérèse de France, dite Madame Quatrième puis Madame Victoire. Elle est la cinquième fille de Louis XV (1710-1774) et de Marie Leszczyńska (1703-1768).
Pendant son accouchement, la Reine subit des saignées… Et après l’accouchement : de la purge, des bains et du jeûne. Au bout de trois jours et pendant dix jours, deux bouillons et deux tranches de pain par jours. C’est seulement après les relevailles que la Reine pourra manger à sa faim. Les relevailles c’est lorsqu’elle commence à récupérer un peu d’énergie -on se demande comment- et retourne à la messe.
Jusqu’à leur baptême en 1737, les filles de Louis XV porteront des numéros.
Le 27 juillet 1734
Naissance de sa sœur Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska, qu’on appellera Madame Sophie.
Le 16 mai 1736
Naissance de sa sœur Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.
Victoire est élevée par la « gouvernante des Enfants de France » au château de Versailles, madame de Ventadour celle-ci même qui éleva le jeune Louis XV, jusqu’en 1735 remplacée peu à peu par sa petite-fille la duchesse Tallard, au château de Versailles, avec ses frères et sœurs . Elle est soumise, dès son plus jeune âge, à l’Étiquette, qui gère la vie quotidienne des princes, quel que soit leur âge. Madame Victoire a de nombreuses sœurs, qui encombrent peu à peu le château de Versailles, car la naissance répétée des filles de France fut une véritable tragédie pour l’Etat. Cette pouponnière royale coûte une dépense terrible si l’on juge l’énorme effectif de la « maison » des Enfants de France. Chaque princesse dispose, dès sa naissance, de huit femmes de chambre, soit rien qu’une cinquantaine de caméristes pour les seules filles du Roi !
Le 27 avril 1737
Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand. Dès ce jour, les fillettes, que l’on cesse de désigner par un simple numéro, acquièrent véritablement leur statut d’être humain.
La petite princesse commence à montrer un caractère fort. Il n’y a pas à regretter de duc d’Anjou, qu’elle fait aussi bien l’affaire !
Le 15 juillet 1737
Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.
En juin 1738
Le cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud. C’est aussi une question d’économie pécuniaire comme de place au château…
Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote.
Madame Victoire part donc avec ses petites sœurs, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748. L’abbesse de Fontevraud, Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Madame de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., «accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punissait en l’enfermant dans un caveau dit la « lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.
Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable :
Ainsi l’abbesse, la seconde madame de Mortemart, fille du maréchal duc de Vivonne, a été créée duchesse par brevet personnel afin d’avoir ses entrées et son tabouret chez les princesses ; elle-même, et, après elle, (L’Abbesse) madame de Montmorin Saint-Hérem, les servent debout à table. Le monastère touche de la Cour quinze mille livres de pension pour chacune de Mesdames, et chacune d’elles reçoit deux mille livres comme argent de poche ; elles ont à leur service dix femmes de chambre, un écuyer de bouche, un maître d’hôtel, douze gardes-du-corps payés extraordinairement dix sols par jour, un exempt, M. d’Autichamps, payé cinq livres par jour, un professeur de musique, M. de Caix, et un professeur de danse qui leur apprenait le Menuet couleur de rose, un piqueur de la petite écurie, deux carrosses et une voiture légère appelée gondole, avec cochers, postillons, palefreniers, valets de pied, trente-deux chevaux et quatre ânes harnachés pour les promenades… mais elles n’ont pas de médecin !
Le 28 septembre 1744
Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième
Le 23 février 1745
Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles sa cousine l’infante Marie-Thérèse, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée. C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour).
La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain.
Le 22 juillet 1746
La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
Le 9 février 1747
Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.
En mars 1748
Victoire revient à la Cour. A son retour à Versailles, elle est, un temps, la coqueluche de la Cour, créant une rivalité éphémère à Madame Adélaïde, à qui elle vole la vedette.
Jalousie passagère, à laquelle succède la plus franche amitié puis une profonde tendresse. Elle partage avec ses sœurs, leur «maison» et leur appartement, car dès lors, elles vivront toujours ensemble.
Madame Victoire est une jeune fille d’une très grande beauté brune qu’elle conservera, semble-t-il, bien plus longtemps que sa sœur Adélaïde. Elle est un peu grasse, et manque d’aisance. Elle possède cette bonté qui seul la fait aimer de tout le monde. Bonne, confiante, douce, elle reste attachée, malgré tout à sa sœur, au point d’y être totalement soumise.
« Ses yeux sombres ont une douceur inquiétante; la longue frange de ses cils ombre ses jours; la bouche est sensuelle, le menton étroit, le front large; les cheveux noirs s’harmonisent au teint mat et doré. La robe brodée d’or, l’écharpe de soie jaune, les dentelles blanches semblent parer un corps voluptueux.»
Pierre de Nolhac
Très proche de sa mère, la Reine Marie Lesczczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.
Elle n’en est pas moins une fille obéissante et dévouée que son père surnommait affectueusement « Coche ».
Victoire apprend comme son frère et ses sœurs à jouer de divers instruments de musique. Elle excelle au clavecin — plusieurs compositeurs comme Jacques Duphly (1715-1789) et Armand-Louis Couperin (1727-1789) lui dédièrent des pièces ou des recueils.
Un tableau de Drouais rappelle son intérêt pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier.
Madame Victoire doit s’adapter, au quotidien monotone d ’une princesse de France, c’est à dire des journées réglées par l’Étiquette interrompues par de rares distractions, où elle doit, entre autres, faire sa toilette et manger en public, changer plusieurs fois de robes, endurer le Grand habit de Cour, « faire sa cour » au Roi et à la Reine, recevoir les visites et les ambassadeurs, s’amuser sans joie dans des bals et divertissements réglés d’avance.
Elle montre un goût particulier pour les jardins et les plantes exotiques, un loisir à la mode.
Le 13 septembre 1751
Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles.
Le 29 novembre 1751
Mesdames, le Dauphin et son épouse soupent dans les délicieux petits appartements du Roi. C’est la première fois qu’il prend ce repas en ces lieux avec ses sept enfants réunis.
Le 10 février 1752
Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans.
Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.
En 1753
Sa sœur aînée, Elisabeth, mariée dès 1739 à un infant d’Espagne, souhaitait en 1753 que Victoire épouse son beau-frère, le Roi Ferdinand VI d’Espagne (1713-1746-1759). Mais la Reine d’Espagne, bien qu’affligée d’une santé des plus médiocres, ne meurt que cinq ans plus tard. Le Roi étant lui-même à la dernière extrémité, le mariage ne se fait pas.
Le 15 novembre 1753
Madame Victoire est très mal d’une fièvre maligne causée par des indigestions multiples.
Mesdames soupent peu à leur couvert public, puis commandent de petits soupers dans leurs cabinets. Elles se mettent à table, à minuit, et se crèvent de vin de viande.
Le 23 août 1754
Naissance de Louis-Auguste, futur Louis XVI.
Le 17 novembre 1755
Naissance de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.
Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.
Le 9 octobre 1757
Naissance de son neveu, Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.
Le 23 septembre 1759
Naissance de sa nièce, Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.
Le 6 décembre 1759
Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme.
Madame Victoire est si indolente qu’elle en plaisante elle-même. Un jour, une de ses dames lui demande si elle entrerait au couvent comme sa sœur, elle lui répondit «J’aime trop les commodités de la vie». Affable, elle vit avec la plus aimable simplicité dans une société qui la chérit car elle est adorée de toute sa maison.
Le 22 mars 1761
Mort de l’aîné de ses neveux, Louis-Joseph.
Le Grand Cabinet,
Le salon d’apparat de Madame Victoire
(texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion)
Il y eut d’abord ici le Grand Cabinet de l’appartement des bains de Louis XIV, appelé parfois «cabinet octogone» à cause de la forme de son plafond. Il était alors orné d’une peinture de Houasse représentant Apollon et Daphné et de douze figures symbolisant les mois et les signes du Zodiaque.
Au centre de la pièce, les clavecins par Hans Rückers, du XVIIe siècle, et François-Etienne Blanchet, de 1746, permettent d’évoquer l’importance de la musique dans la vie de Mesdames.Madame Victoire est la plus douée au clavecin, guidée par la fille de Couperin, Marguerite-Antoinette. Elle enseigne aussi à ses sœurs et leur apprend à composer. A seize ans, Madame Victoire est capable d’interpréter des pièces «presque comme des maîtres». En 1750, le favori de Marie Leszczyńska, Luynes, remarque que Victoire qui sait déjà fort bien jouer du clavecin, se met à apprendre le violon et la basse viole. Elle devient particulièrement douée à la harpe, grâce aux leçons données par Beaumarchais.
Ce riche décor disparaît en 1763 à la demande de Mesdames et est remplacé par une élégante décoration dont il subsiste encore d’importants fragments: la corniche, quelques éléments de boiseries par Verberckt et la belle cheminée en griotte ornée de bronzes dorés. Ici, Madame Victoire reçoit les membres de la Cour pour des lectures, des concerts privés ou pour jouer aux cartes. C’est également ici que la famille se retrouve pour jouer de la musique.
« Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.»
Cette pièce centrale de l’appartement jouissant d’une double exposition sur le parterre d’eau et sur le parterre du Nord est essentiellement meublée de ployants. La pendule placée sur la cheminée, en bronze doré et patiné représentant l’Enlèvement d’Europe, est due au bronzier Jean-Joseph de Saint-Germain. Madame Victoire en possédait un exemplaire placé ici.
Dans la cheminée, la paire de chenets provient du grand salon de Mesdames à Bellevue. Elle a été achetée aux marchands-merciers Darnault en 1784.
A défaut de ces sièges d’étiquette, le château y présente le mobilier acheté par le Garde-Meuble de la Couronne en 1784 pour être placé dans l’appartement préparé à l’occasion de la visite de Gustave III de Suède.
Le Noël de Mozart à la Cour de Versailles,
24 décembre 1763 – 8 janvier 1764
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Dès son arrivée à Paris, Leopold Mozart, le père de Wolfgang, ne perd pas de temps pour établir des contacts. Une de ses premières relations est le baron Friedrich Melchior Grimm, un allemand qui vit à Paris depuis 1749. Grimm, une connaissance de beaucoup d’encyclopédistes et éditeur de la Correspondance littéraire, organise plusieurs concerts où Wolfgang et Nannerl se produisent. Il organise même leur présentation à la Cour française.
La Veille de Noël, les Mozart s’installent à Versailles pendant deux semaines, une période assez longue pour qu’ils prennent goût à la vie à la Cour la plus célèbre d’Europe. Comme on peut s’y attendre, Leopold se montre pragmatique et remarque surtout que toute chose est extrêmement chère. Toutefois, il trouve le temps de céder aux potins :
« Madame de Pompadour est encore une belle femme… Elle est extrêmement altière et a encore autorité sur tout».
Le couple royal invite les Mozart au dîner de la Cour pour le jour de l’An et insiste pour que la famille reste debout derrière eux pendant le repas.
« Pour mon Wolfgang, ce fut un joli privilège de rester debout derrière la Reine, de lui parler constamment, de lui tenir compagnie et de lui baiser les mains plusieurs fois, parfois en partageant les plats qu’elle lui passait de la table» écrit Leopold.
« J’étais tout à côté de lui et près du Roi… étaient ma femme et ma fille.» A cette occasion, Mozart joue en présence des souverains, Louis XV lui fait don d’une somme de cent vingt livres. Madame Victoire est alors aux côtés de ses sœurs pour écouter le petit prodige.
Le 15 avril 1764
Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.
Le 3 mai 1764
Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.
Suppression de l’ordre des Jésuites en France.
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand (1729-1765), son frère, meurt, à l’âge de trente-six ans.
Le 25 avril 1766
«Madame la Dauphine a été attaquée ces jours derniers par une toux opiniâtre à la suite de laquelle est survenu un crachement de sang. Cette princesse a été saignée deux fois...» lit-on dans la Gazette de France.
Le 11 mars 1767
Marie-Josèphe de Saxe revoit ses fils pour la dernière fois.
Elle confie ses enfants à Madame Adélaïde :
«Voilà mes orphelins, soyez, pour eux le père et la mère…»
Le 13 mars 1767
Mort de sa belle-sœur, Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).
A Madame Victoire, elle donne une boîte ayant appartenu à Louis-Ferdinand, de même qu’à Madame Sophie.
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), sa mère.
Le Cabinet Intérieur,
Dans l’intimité de Madame Victoire
( texte et photos de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette petite pièce et les deux suivantes n’en formaient qu’une seule à l’origine : c’était le vestibule dorique de l’Appartement des Bains, séparé en trois travées par deux rangées de colonnes en marbre de Rance, qui subsistent encore derrière les boiseries. Ce vestibule est cloisonné dès 1724 pour constituer deux antichambres pour le comte et la comtesse de Toulouse.
L’antichambre de cette princesse est à son tour divisée en 1767 pour former ce petit salon et la bibliothèque suivante. Antoine Rousseau est l’auteur des boiseries dont certains éléments ont pu être remis en place, ainsi que la cheminée en sérancolin.
Le bureau à cylindre est livré en 1768 par Foullet pour l’appartement de Madame Victoire. Il supporte une coupe d’albâtre qui a appartenu à la princesse. La table à écrire a été exécutée pour Marie-Antoinette à Fontainebleau.
La chambre de Madame Victoire
(Texte de Christophe Duarte – Versailles Passion et photographies de Christophe Duarte et Sarah Baach)
La chambre de Madame Sophie devient, en 1769, celle de Madame Victoire. Totalement détruite lors de l’installation du musée de Louis-Philippe, cette salle a retrouvé sa destination dans les années 1980 lors de la recréation des espaces. Lorsque Madame Victoire obtient en 1769 un appartement qui sera le sien jusqu’à la révolution dans le corps central du Château, un nouvel ameublement est commandé pour sa chambre qui comprend notamment une grande commode et deux encoignures «à placage en mosaïque à dessus de marbre griotte d’Italie».
L’ensemble est livré par l’ébéniste du Garde-Meuble Gilles Joubert mais la réalisation des encoignures a été confiée à un autre ébéniste parisien, Louis Peridiez. Ce dernier doit se conformer au style alors en faveur dans l’administration du mobilier royal, d’un néoclassicisme tempéré favorisant les fonds à croisillons «en mosaïque» agrémentés de rosettes de bronze doré. Il n’est pas impossible d’ailleurs que Peridiez ait fourni essentiellement le bâti et que le décor si particulier de bronze ait été apposé par Joubert, en accord avec celui de la commode.
Face à la cheminée, on trouve une commode à décor de laque du Japon livrée en 1744 par Antoine Gaudreaux pour la chambre de Louis XV au château de Choisy.
L’ensemble coûta 2640 livres. Les deux vases «flacons» sont des dépôts du Metropolitan Museum of Art de New York.
La première Antichambre de Madame Victoire,
L’ancien Cabinet des Bains de Louis XIV
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette pièce est l’ancien cabinet des bains de Louis XIV : les murs et le sol étaient alors revêtus d’une marqueterie de marbres polychromes, et l’on y voyait une grande piscine octogonale en marbre de Rance, qui se trouve aujourd’hui dans l’orangerie. Elle servit de cabinet intérieur au comte de Toulouse de 1692 à 1724, à la comtesse de Toulouse de 1724 à 1750 et enfin à Madame Adélaïde de 1752 à 1753. Chambre de Madame Sophie de 1755 à 1767, elle devient la première antichambre de cette princesse puis, en 1769, celle de Madame Victoire.
Les dessus-de-porte «Le repas de Tandale» et «Les noces de Persée et Andromède troublées par Phinée», ont été peints par Hugues Taraval en 1766 pour la salle à manger du château de Bellevue. Les trois grands portraits peints en 1787 par Adélaïde Labille-Guiard représentent les tantes de Louis XVI : «Madame Adélaïde», «Madame Elisabeth, Duchesse de Parme» et «Madame Victoire». La commode de Riesener provient du salon des Nobles de la comtesse d’Artois à Versailles.
Seconde Antichambre de Madame Victoire
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette pièce est l’ancienne chambre des bains, dont le sol et les murs étaient revêtus de marbre. Au fond, dans une alcôve encadrée de colonnes de marbre, était placé un lit de repos. Les volets intérieur, au décor de dauphins et de congélations, sont les seuls vestiges de cette pièce qui fut ensuite la chambre du comte de Toulouse, puis celle de la comtesse de Toulouse, puis de Madame Adélaïde et enfin de Madame Victoire lorsqu’elle partageait cet appartement avec ses sœurs Sophie et Louise.
En 1767, on supprime l’alcôve et la pièce devint la seconde antichambre du nouvel appartement de Madame Victoire.
Les boiseries ont été faites pour Madame Victoire par Jacques Verberckt. Les tableaux des dessus-de-porte, représentant des Fables de La Fontaine, ont été peints par Oudry pour le cabinet intérieur du Dauphin en 1747.
Livrée en 1767 pour la chambre de l’appartement de Madame Sophie à Versailles, la commode est placée après 1769 dans l’antichambre des Nobles du nouvel appartement de la princesse.
La seconde commode fut livrée en 1745 par Gaudreaus qui sous traita la commande à François Mondon, pour le Second Cabinet des entresols de Mesdames au château de Marly.
Le tapis de la manufacture de la Savonnerie tissé en 1761 ; du modèle de celui, tissé pour la première fois en 1745, ayant figuré dans la salle-à-manger du Trianon de marbre puis en 1788 dans la seconde antichambre de Madame Victoire au château de Versailles. Acheté en 1766 à la manufacture par Charles Lennox, troisième Duc de Richmond, ambassadeur extraordinaire de Grande-Bretagne à la Cour de Louis XVI de 1765 à 1766.
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Prévenue contre madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie. Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travailkle, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
Le 7 août 1770
« Madame la Dauphine … soupa avec le Roi et prit occasion de lui demander son consentement pour qu’une nommée Thierry, femme du premier valet de chambre de M. le Dauphin, fut placée chez Mme la Dauphine en qualité d’une des premières femmes de chambre, ce que le Roi accorda sur-le-champ. Cette Thierry, ainsi que son mari, sont créatures du duc de La Vauguyon et par conséquent conviennent peu au service de Mme la Dauphine. S.A.R. en paraissait même persuadée à la suite des représentations que je lui avais faites à ce sujet ; mais Mme l’archiduchesse s’est enfin déterminée par deux motifs dont elle m’a dit le premier et dont j’ai deviné le second. Le premier a été que Mesdames, peu instruites des choses, ont désiré contre toute raison que cette femme fût placée, et ont tourmenté Mme l’archiduchesse a consisté Mme la Dauphine pour qu’elle la demandât au Roi. Le second motif de Mme l’archiduchesse a consisté en ce que la dite Thierry a un enfant de quatre ans assez vif et joli, et que S.A.R. est bien aise de rapprocher d’elle en vertu de la passion qu’elle a pour les enfants.»
Mercy d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse
Le 5 septembre 1770
« La future première femme de chambre a occasionné un petit mouvement d’aigreur entre Madame la Dauphine et sa dame d’honneur. Madame la Dauphine a trouvé qu’on différait trop longtemps de mettre la survivancière en exercice. Je ne sais qui l’a conseillée, elle a cru avoir le droit de la mettre en possession quoiqu’elle n’eût pas de brevet ni prêté serment. Elle n’en avait pas parlé à Madame de Noailles et lui a fait seulement dire par cette femme de chambre ( madame Thierry ). Madame la Dauphine ne m’en a parlé qu’après avoir donné cette mauvaise commission… J’ai eu à essuyer les plaintes de Madame de Noailles plus piquée qu’elle ne l’a encore été et reparlant plus que jamais de quitter Madame la Dauphine à qui cette menace est revenue, apparemment par Mesdames, a pris son parti à cet égard. Elle ne serait pas fâchée que Madame de Noailles quittât dans un an ou deux, et s’était déjà fait un petit système pour la remplacer… J’ai représenté à Madame la Dauphine … que dans l’état actuel, on lui donnerait sûrement une des dames en faveur. L’ascendant des tantes est plus fort que jamais , je me casserais le nez si je voulais la combattre directement.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Le Boudoir de Louis XV,
Pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames de France à l’Opéra
( Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…
Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y rendre discrètement. Toujours dans ce souci de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer.
De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel. Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.
Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 16 avril 1771
« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame Du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1772
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père. Elles attraperont d’ailleurs la petite vérole…
Le 30 avril 1774
Le visage du Roi est couvert de pustules.
Dans la nuit du 7 mai 1774
Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.
Jeanne du Barry quitte Versailles .
Le 9 mai 1774 au soir
L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
À la mort du Dauphin (1765) puis de la Dauphine (1767), Madame Adélaïde est dépositaire de leurs papiers, ainsi que d’une instruction destinée au futur Roi. Ce document est ouvert le 12 mai 1774 dans un petit conseil de famille, en présence de Louis XVI. Il désigne trois premiers ministres possibles : Maurepas (1701-1781), d’Aiguillon (1720-1788) et Machault (1701-1794).
C’est Maurepas que Louis XVI choisit.
En 1774
Louis XVI fait donc à ses tantes du domaines de Bellevue à Meudon
Le château de Bellevue
Le château de Madame de Pompadour puis de Mesdames
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Madame de Pompadour revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.
Au décès de Louis XV, en 1774, le château est attribué par Louis XVI et Marie-Antoinette aux filles du Roi défunt, et tantes du nouveau monarque, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Bien que logeant principalement au château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames viennent à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette. Celles-ci font transformer le décor intérieur par Richard Mique et font agrandir les jardins vers le Sud.
Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier. Le château sera vendu à M. Testu-Brissy, qui le fera abattre.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.
Service à thé chinois,
Dans les collections de Mesdames Adélaïde et Victoire
Il s’agit du cabaret chinois vendu à Louis XVI en décembre 1774, puis rendu l’année suivante et ensuite cédé à ses tantes Madame Adélaïde et Madame Victoire en décembre 1775. Chaque cartel, bordé d’une dentelle d’or régulière, montre des scènes animées avec des petits personnages, des oiseaux, des haies et des rochers fleuris traités en ors. Les visages et les vêtements colorés sont soulignés d’un trait d’or. Une tasse présentant un décor dans un médaillon provient d’un réassortiment. Fait exceptionnel, l’artiste Louis-François Lécot a signé son patronyme en or.
Le service à thé chinois est racheté par Versailles en vente publique le 7 juillet 1992.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
La princesse de Guéménée (1743-1807), malgré sa réputation douteuse, est la gouvernante des Enfants Royaux de Louis XVI dès la naissance de Madame Royale.
La Reine l’entoure alors d’égards :
« J’espère que vous serez contente du logement quoique petit, le Roi en a été occupé toute la matinée dès neuf heures du matin et il en a fait décamper mes tantes qui y étaient établies.»
En 1780
Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789),premier Dauphin.
Le 2 mars 1782
Mort de Madame Sophie, sa sœur.
Début septembre 1782
Leurs Majestés viennent de partir à Compiègne. Le Roi va se tuer pendant quatre jours à la chasse. Puis il reviendra à Versailles. La Reine restera deux journées à Louvois, en Champagne, dans la magnifique maison de campagne de Mesdames Adélaïde et Victoire. De là, Elle ira à la Muette où le Roi ira également passer quelques temps.
Le 3 avril 1784
De Madame Victoire à Madame Adélaïde,
Le déplacement incessant des bibliothèques des Filles de France
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
A l’instar de ses sœurs Mesdames Adélaïde, Sophie et Louise, Madame Victoire souhaite une nouvelle bibliothèque dans son appartement. Gabriel l’établit dans un espace contigu au cabinet intérieur et annexé sur l’ancien appartement de jour de la comtesse de Toulouse, décédée en septembre 1766. Éclairée par une croisée sur le parterre et entresolée, la bibliothèque est chauffée par une cheminée surmontée d’une glace. Les travaux de la bibliothèque sont achevés au mois de novembre, puisque à la date du 16 novembre 1767 Pitoin livre un nouveau feu à figure dans le «cabinet en bibliothèque».
Au printemps de 1780, quelques changements sont précisés dans la bibliothèque de Madame Adélaïde. Manquant de plus en plus de place pour disposer ses ouvrages, la princesse demande la dépose et la suppression de la glace entre les deux croisées afin de créer un nouveau corps de bibliothèque «avec sailli à hauteur d’appui avec un dessus de marbre». A la suite des nombreux retards, le marbre de Sicile nécessaire à cette tablette et à deux encoignures de la pièce n’est délivré que le 5 avril 1781. Une nouvelle porte est également percée dans le corridor longeant le mur de la bibliothèque afin de le faire communiquer avec les cabinets du tour.
Alors qu’aucune modification n’est apportée à son appartement en 1782, Madame Adélaïde exige le retour de ses bains sur la Cour royale l’année suivante. La destruction de la bibliothèque entraîne l’édification d’une nouvelle bibliothèque en lieu et place des anciens bains sur la cour des Cerfs, dont les travaux débutent le 21 février 1781. Les cloisons entre la chambre des bains, le passage et la pièce des chaudières doivent être abattues pour ne former qu’une seule grande pièce rectangulaire. La cheminée en marbre d’Antin, surmontée d’un trumeau de glace, est conservée. La pièce des bains doit devenir un supplément de bibliothèque chauffé par un poêle disposé sous l’appui de la fenêtre. De simples corps de bibliothèque vitrés se développent sur le pourtour des deux pièces. La conception assez simple de cette bibliothèque permet un achèvement rapide des travaux puisqu’en avril 1783 les dernières finitions sont apportées à cette pièce.
Après le mois de juin 1774, Madame Adélaïde laisse la jouissance de sa bibliothèque sur le Parterre nord à Madame Victoire qui dispose ainsi de deux bibliothèques. On mure le passage avec le cabinet intérieur, et Madame Adélaïde se fait établir une nouvelle bibliothèque à deux croisées à la place de ses bains sur la Cour royale. On accède à cette nouvelle bibliothèque par un long corridor prolongé à ce moment là, qui part de sa chambre à coucher et qui est pris en partie sur le passage menant de la Cour royale à la petite cour du Roi.
Les travaux s’échelonnent de septembre à octobre 1774 pour établir cette grande pièce rectangulaire après la destruction de la cloison centrale. Le même mois, Guesnon et Clicot demandent 15 000 livres pour des travaux exécutés en menuiserie chez Mesdames, durant le voyage de la famille royale à Fontainebleau, tandis que les frères Rousseau interviennent également dans ces pièces, sans que l’on sache quoi que ce soit du décor. A la fin du mois d’octobre 1774, les principaux travaux sont presque achevés puisque « le sculpteur vient de rendre tout ce qu’il avait entre les mains pour l’appartement de cette princesse », et il ne reste qu’à poser, ferrer et peindre la menuiserie de la bibliothèque. Le 6 novembre 1774, on délivre trente glaces blanches pour les armoires de la bibliothèque qui recouvrent tous les murs de la pièce.
Le déménagement des bains de la Cour royale permet à Madame Adélaïde de développer considérablement sa bibliothèque dans trois pièces distinctes. Accessibles uniquement depuis le corridor de service vitré, deux premières bibliothèques à une croisée chacune prennent les emplacements des anciennes chambre et pièce des bains.
En 1786
Pierre-André de Suffren (1729-1788)aurait rendu visite, dans sa chambre, à Madame Victoire. Pendant l’entretien, il aurait eu un malaise. Comme cette visite dans la chambre d’une princesse royale semblait inconvenante, on aurait inventé l’histoire d’un duel pour dissimuler la vérité. Elle a cinquante-trois ans, Suffren cinquante-neuf. Suffren a fait la connaissance de Madame Victoire à son retour des Indes, en 1784.
Madame Victoire aime entendre Suffren raconter ses campagnes héroïques. Il le fait avec l’accent provençal que, paraît-il, il garda toute sa vie.
Certains situent cette anecdote à la veille de la mort de l’amiral en décembre 1788 : à la suite de son malaise, un médecin aurait été appelé et aurait procédé à des saignées. D’où les taches de sang sur la chemise de Suffren à son retour chez lui. On possède le témoignage du docteur personnel de Suffren, Alfonse Leroy, venu le voir chez lui à son retour.
« Suffren était allé faire sa cour à Madame Victoire. Celle-ci frappée de sa mauvaise mine, voulut qu’il consultât son propre médecin. Celui-ci, ne connaissant pas son tempérament, le saigna: à peine piqué, il perdit connaissance. La goutte fit une métastase rapide sur la poitrine.»
L’état du blessé, une fois rentré chez lui, s’aggrava. Le docteur Leroy constata le décès dans l’après-midi du 8 décembre 1788.
En 1787
Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.
« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »
Mémoires du comte d’Hézecques
Le 23 décembre 1787
Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui se nomme désormais Sœur Thérèse de Saint-Augustin.
Le 8 août 1788
Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.
Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…
La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Le 27 juin 1789
A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le 16 juillet 1789
Le comte d’Artois émigre sous les conseils de la Reine.
Le 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 5 octobre 1789
Des milliers de parisiennes marchent sur Versailles pour réclamer du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
Mesdames Adélaïde et Victoire, qui logent pourtant au rez-de-chaussée sont éveillées par des domestiques et non par la foule qui gronde. Elles rejoignent la famille Royale dans la chambre d’apparat du Roi qui domine la cour de marbre où s’est amassée la foule parisienne.
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Mesdames rejoignent leur domaine de Bellevue.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
En 1791
Le 1er janvier 1791
Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …
Vendredi 21 janvier 1791
Madame Adélaïde adresse une missive à son neveu Louis XVI pour un avis sur le choix de leur futur pays de résidence :
« Comment puis-je, mon cher neveu, vous exprimer les différents sentiments qui sont dans mon âme ? Votre lettre m’a achevé, votre amitié fait mon bonheur et augmente encore ; si cela peut, tous mes regrets de vous quitter. Avant de recevoir votre lettre, j’avais déjà renoncé au projet de Bruxelles auquel j’avais vu tous les inconvénients dont vous me parlez ; il reste encore l’Espagne ou Rome. Si vous voyez que nous puissions vous être utiles en Espagne, je ne balance pas un seul instant ; mais, c’est seulement pour l’argent, Rome devant être beaucoup meilleur marché, si je ne trouve quelqu’un qui puisse faire des avances et attendre des moments plus heureux, je crois que ce lieu-là serait sujet à moins d’inconvénients ; et peut-être, même de là, pourrions-nous vous être utilise pour l’Espagne. Si vous n’avez donc pas d’autres raisons de préférences que pour l’argent, je vous demande trois jours pour faire mon choix, mais toujours soumis à ce qui pourra vous être plus utile et plus agréable, c’est de quoi vous êtes, j’espère, bien persuadé. Adieu, mon cher neveu, pardonnez-moi si je suis troublée, mon amitié pour vous, seule, en est la cause. Conservez-moi la vôtre, elle fera mon soutien et mon bonheur ».
Mardi 25 janvier 1791
Dans une nouvelle lettre à Louis XVI, Madame Adélaïde discute et fait bien voir que, en dépit des conseils, elle tient à aller à Rome. Mesdames y ont un ami sûr : le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome.
Elle indique aussi qu’elle a trouvé un homme qui prend l’engagement de faire toucher à Rome l’argent don elles auront besoin pendant tout le temps que les paiements ici ne seront pas interrompus, et s’ils venaient à l’être, à faire l’avance jusqu’à concurrence de 1 200 000 livres.
Le 31 janvier 1791
Mesdames, tantes du Roi, écrivent au comte de Montmorin, ministre et secrétaire d’état aux affaires étrangères. Elles lui demandent les passeports pour aller à Rome, Louis XVI ayant permis ce voyage. Louis XVI a ordonné au comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de leur donner des passeports, et de les signer lui-même.
Les passeports sont signés, non sans grand débat, par le Commune de Paris.
Le 3 février 1791
Mesdames allaient partir quand une dénonciation sur leur résolution est transmise au club des jacobins.
Nouvelle lettre de Madame Adélaïde à Louis XVI, où elle se montre touchée par ses inquiétudes au sujet de leur départ, suite au bruit que cela fait. Elle lui indique que leur parti est pris.
Une députation de la Commune de Paris se rend auprès du Roi pour qu’il s’oppose au départ de ses tantes.
Louis XVI répond l’allocution, qu’il avait écouté avec peine :
« Je suis sensible à la démarche de la commune. J’ai déjà répondu à la municipalité que mes tantes, étant maîtresses de leurs personnes, avaient le droit d’aller partout où bon leur semblait. Je connais trop leur cœur pour croire qu’on puisse concevoir des inquiétudes sur les motifs de leur voyage ».
Des agitateurs font partager leur colère chaque jour, dans le jardin du Palais Royal, car ils n’avaient pas été satisfaits de la réponse du Roi.
Déjà une députation des dames des halles étaient venues, au château de Bellevue, prier Mesdames de ne pas quitter la France.
D’autres envisageaient aussi de se transporter à au château de Bellevue. Cela hâte le départ de Mesdames.
Le 17 février 1791
La duchesse d’Orléans a fait ses adieux à Mesdames.
« Notre tendresse pour vous, mon cher neveu, et notre sentiment patriotique, dont nous ne nous sommes jamais écartées, doivent être connus depuis trop longtemps pour que nous puissions être affectées de ce qui a été dit hier à l’Assemblée; mais d’après la délibération prise, ou on décidera que nous sommes, comme tout le monde, soumises à la Loi, – et cette discussion sera en notre faveur, puisque la Loi prononce la liberté de l’homme – ou on décidera que vous devez avoir une autorité directe sur toute votre famille. Vous nous avez déjà donné votre permission pour voyager, je vous demande celle de partir. Vous connaissez nos motifs et la pureté de nos intentions, vous les avez approuvés. C’est à notre grand regret que nous nous éloignons de vous, mon cher neveu; vous connaissez assez notre tendresse pour n’avoir pas besoin de cette nouvelle assurance: tant que nous vivions, nous conserverons ces sentiments dans notre coeur.
Marie-Adélaïde Victoire»
Vendredi 18 février 1791
Faute de ressources, Mesdames veulent emprunter 200 000 livres sur la terre de Louvois. La duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde, écrit à M. Aillot de Mussey, trésorier des princesses :
« Il faut absolument que cette affaire soit terminée très promptement. »
Madame Adélaïde a acheté cette terre, avec feue sa sœur Madame Sophie, en 1776. A la mort de cette dernière, Madame Adélaïde en est devenue l’unique propriétaire. La terre de Louvois appartenait à la famille Le Tellier, et se situait en Champagne.
Dans la journée, Mesdames font leurs adieux à Louis XVI et à la Famille Royale. C’est la dernière fois qu’ils se voient.
Mesdames craignent qu’on ne cherche à les arrêter en leur château de Bellevue ; elles quittent dans la nuit le château des Tuileries, où elles sont depuis le 12, pour retourner au château de Bellevue. Elles persistent dans leur projet de voyage, et comptent se mettre en route soit le dimanche 20 soit le lundi 21.
Samedi 19 février 1791
Le départ a été fixé au 20 février.
A cinq heures du soir, le comte de Virieu, colonel du régiment Royal Limousin, apprend, à Paris, que les « mégères d’octobre » prennent le pont de Sèvres. Celui-ci étant à l’Assemblée nationale, il la quitte pour aller au château de Bellevue.
Au château, il entre dans la salle-à-manger où Mesdames allaient se mettre à table pour souper. Elles sont inquiètes.
Rien n’est prévu : pas de chevaux, pas de voitures. Les équipages sont à Meudon. Personne ne donne d’ordre.
La nuit étant venue, depuis la terrasse, on voit approcher une forêt de torches.
Le comte de Virieu voit une voiture attelée dans une cour écartée. Elle appartient à une visiteuse venue de Paris.
Madame Adélaïde écrit une lettre à Louis XVI où elle réitère l’indispensable nécessité de partir. A la fin de la lettre, elle ajoute un mot à l’attention de Marie Antoinette :
« Embrassez bien la Reine de notre part à toutes les deux, et dites-lui bien combien nous sommes désolées de ne pouvoir pas la voir, comme nous lui avions dit, et que nous l’aimons de tout notre cœur. Nous partons dans le moment ».
A dix heures du soir, le comte de Virieu pousse Mesdames à prendre la fuite, et ordonne au cocher de partir au galop par la grille de Meudon. Celle-ci est fermée, personne n’a la clé. Le suisse est parti. On s’adosse à la portière : la serrure saute.
Dans la voiture, il y a Mesdames et la duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde. Le comte de Narbonne, son chevalier d’honneur, et dix-huit personnes suivent dans d’autres équipages : il y a le comte de Chastellux, chevalier d’honneur de Madame Victoire, et la comtesse de Chastellux, sa dame d’honneur, et leurs enfants ; l’abbé Madier, confesseur de Madame Adélaïde et de Madame Elisabeth, et de M. Couture, architecte du Roi. M. François Croiset, en charge de la comptabilité de Mesdames depuis 1783, émigre avec elles. Il continuera à les servir jusqu’à leurs décès.
Quand ils rejoignent la grande route de Fontainebleau, Mesdames changent de voitures, et partent à toute vitesse.
Dimanche 20 février 1791
Au matin, les femmes de Paris arrivent au château de Bellevue, puis retournent à Paris donner l’alarme.
De nouveau, des hommes et des femmes retournent au château de Bellevue, pour tenter de s’opposer au départ des fourgons contenant les bagages de Mesdames. Au château de Bellevue, ils trouvent Alexandre Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, qui a été prévenu dans la nuit du départ de Mesdames.
Il donne ordre aux Chasseurs de Lorraine de faire des patrouilles à l’extérieur de Bellevue, et de rentrer à Versailles si tout est tranquille.
Jusqu’au 5 mars, M. Berthier fera envoyer, chaque jour, une garde de quinze gardes nationaux et de trente soldats commandés par un major de la garde nationale pour assurer la sécurité du château de Bellevue.
Mesdames Adélaïde et Victoire partent pour Rome Leur fuite est incités par les lois de France contre l’Église.
Le soir, Mesdames relaient, sans encombre, à Fontainebleau, et partent pour Moret.
Après le départ de Mesdames
Le château de Bellevue est tenu comme si leur absence n’était pas définitive. L’abbé de Ruallem, chef du conseil et intendant général des Maisons des princesses, agit au nom de Mesdames.
Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.
Leur départ suscite une certaine émotion et elles sont arrêtées et retenues onze jours à Arnay-le-Duc ( en Bourgogne), le comte de Narbonne, chevalier d’honneur de Madame Adélaïde doit revenir à Paris pour obtenir de nouveaux passeports, mais Mirabeau (1749-1791) les défend devant l’Assemblée et elle peuvent parvenir en Savoie, à Turin, où vit leur nièce Clotilde, épouse du prince de Piémont…
Le 3 mars 1791
Après onze jours de captivité, durant laquelle elles ont reçu des visites dont celle du marquis de Damas d’Antigny, Mesdames quittent Arnay-le-Duc. Elles ont joué au tric-trac et au piquet avec le curé d’Arnay.
Le Roi de Sardaigne avait tout disposé pour que Mesdames trouvent sur leur passage et à sa Cour, tous les honneurs dus à leur rang.
Le 12 mars 1791
Victor-Amédée III se fait un devoir d’accueillir les tantes de sa belle-fille. L’arrivée des filles survivantes de Louis XV avive la curiosité intéressée des Turinois car «un peuple immense et plus d’un millier de carrosses bordaient le chemin des princesses» ! Toutefois, les vicissitudes d’un voyage éprouvant altèrent beaucoup leur bonhomie et leur spontanéité, le duc de Genevois ayant remarqué «qu’elles parlèrent peu et parurent fort embarrassées.»
Mesdames passent quelques jours à Turin avec le comte d’Artois et ses fils.
Puis elles arrivent à Rome, protégées par le pape Pie VI qui les héberge au palais Farnèse.
Elles se réfugient de plus en plus loin en Italie et arrivent bientôt à Parme.
Le 2 avril 1791
Décès de Mirabeau
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.
Les Provence passent la frontière.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le Roi est suspendu.
Le 29 novembre 1791
Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Le 27 mai 1792
Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 20 juin 1792
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger» en France.
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 10 août 1792
Sac des Tuileries.
Le Roi est suspendu de ses fonctions.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.
Le 20 septembre 1792
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 6 novembre 1792
Victoire de Jemappes.
Le 14 novembre 1792
Les troupe françaises entrent à Bruxelles.
Le 11 décembre 1792
Début du procès de Louis XVI.
Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI.
Le 4 mai 1793
Le 3 juillet 1793
Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 14 octobre 1793
Marie-Antoinette comparaît devant Herman, le président du tribunal révolutionnaire.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .
Mesdames Adélaïde et Victoire ne sauront pas que la Reine a eu une pensée pour elles ainsi qu’en témoigne la lettre adressée à Madame Elisabeth qui ne la recevra jamais :
« Je dis adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis, l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant, qu’ils sachent au moins que, jusqu’au dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur ; puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours !»
Le 6 novembre 1793
Exécution du duc d’Orléans qu’on appelait alors Philippe Égalité.
Le 10 mai 1794
Exécution de Madame Élisabeth.
Le 17 juillet 1794
Condamnation à mort des seize Carmélites de Compiègne.
Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)
La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco, née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.
Cinq cent détenus forment une haie, explosant de joie.
Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort. Robespierre, blessé par balle au visage et gisant sur un brancard, rejoint ses compagnons à la Conciergerie emprisonnés dans la nuit ou en début de matinée.
Le 3 novembre 1794
Décès du cardinal de Bernis, le plus fidèle et dévoué ami de Mesdames.
Le 8 juin 1795
Mort de Louis XVII à l’âge de dix ans. Il était atteint de tuberculose osseuse.
Le 18 décembre 1795
Madame Royale quitte la prison du Temple pour être remise à sa famille autrichienne… pourtant elle ne reverra jamais ses grand-tantes.
Le 16 octobre 1796
Mort du Roi Victor-Amédée III.
Charles-Emmanuel (1751-1819),époux de Madame Clotilde de France, qui s’est vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne, estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin.
Le 24 février 1797
Lors de l’arrivée des troupes françaises, Mesdames rejoignent Naples, où règne la sœur préférée de Marie-Antoinette, Marie-Caroline (1752-1814), fort peu ravie de les voir.
Mesdames restent à Rome jusqu’en 1798, les armées françaises étant entrées en Italie, et beaucoup d’agitation se manifestant, elles se rendent à Caserte où elles sont reçues avec toutes les attentions possibles par la famille Royale. Le Roi fait préparer le vieux Palais pour elles et leur suite, qui est encore nombreuse.
« Mesdames de France habitaient le château de Caserte, maison de plaisance royale de la cour de Naples. Malgré leur infortune, elles avaient encore une suite fort nombreuse autour d’elles. Parfaitement bonnes, elles cherchaient à distraire les personnes de leur service de l’austérité de la vie retirée que l’on menait à Caserte. Elles donnaient de petits bals dans l’intérieur de leurs appartements, mais où l’on n’admettait jamais que les personnes de la suite et du service d’honneur. Il y avait alors peu de femmes autour d’elles. Mademoiselle de Narbonne, mesdames de Chastellux, madame la duchesse de Narbonne, qui n’était plus guère de mise dans une contredanse, mais qui s’entendait admirablement à la nommer, et puis une ou deux autres personnes dont j’ai oublié le nom, voilà à peu près ce qui composait la cour de Mesdames, dont mademoiselle Louise de Narbonne , aujourd’hui madame de Bramcamp, était le plus bel ornement, comme elle l’eût été à Versailles. »…
La duchesse de Narbonne avait perdu toute sa fortune dans la tourmente révolutionnaire.
Mémoires de la duchesse d’Abrantès
Mesdames espéraient y terminer leurs jours; mais après y avoir passé dix-huit mois elles reçoivent de Naples un courrier qui les prévient que par suite des nouvelles de la marche de l’armée française et de la révolte des peuples, la famille Royale s’embarque pour se rendre à Palerme.
Plusieurs émigrés avaient trouvé près de Mesdames un asile honorable et partent de Caserte avec elles ; on compte parmi eux l’évêque d’Ath la
comtesse de Calan, la marquise de Roquefeuil, sa fille etc.
L’évêque de Carcassonne a pris une autre direction, et rejoint Mesdames à Corfou sur un vaisseau portugais.
Le 21 octobre 1798
Mesdames écrivent à la Reine pour lui demander ce qu’elles doivent penser des préparatifs militaires du Roi, et quel parti elles doivent prendre. Marie-Caroline leur répond quatre lignes par le même courrier annonçant que dans peu d’heures elle leur écrira plus en détail. On publie, le même jour, que les républicains ont été repoussés dans la région des Abbruzzes (région d’Italie centrale s’étendant du cœur des Apennins jusqu’ à la mer Adriatique), et que les ordres pour le départ du Roi ont été retirés.
Le 23 octobre 1798
à deux heures du matin
Après avoir fait leurs dévotions à la messe, qui leur est dite à minuit et demi les deux vieilles dames doivent de nouveau fuir. Elles ont dans leur carrosse, la duchesse de Narbonne, la comtesse, le comte, et le comte César de Chastellux ; dans un second carrosse sont la comtesse de Narbonne, Mesdemoiselles de Chastellux, l’évêque de Pergame, le médecin et le chirurgien de Mesdames. Les autres voitures doivent suivre de douze en douze heures.
« Mesdames continuent leur route jour et nuit. Le 24 octobre 1798 elles éprouvent un vent, un froid, une neige, qu’on ne connaît guère en Italie il faut employer onze heures pour faire douze milles et les valets-de-pied sont presque gelés sur les sièges des voitures.»
Mesdames de Chastellux
Le 27 octobre 1798
Le Roi Ferdinand IV leur propose de venir le rejoindre pour le suivre, mais il les prévient qu’il n’a à leur disposition que peu de places, et leur laisse le choix de se rendre à Manfredonia où elles trouveront un bâtiment de guerre entièrement à leur disposition pour les mener où elles préféreront. Elles choisissent cette dernière proposition, ne voulant pas se séparer des personnes qui leur sont restées dévouées.
Le 30 octobre 1798
Lorsque Mesdames arrivent à Manfredonia après avoir souffert de la rigueur de la saison et éprouvé beaucoup de craintes par l’état de délabrement des lieux par où elles sont passées, elles ne trouvent pas le vaisseau qui leur a été annoncé ; elles l’attendent inutilement, et par suite des craintes que leur donne l’avancement des troupes françaises, elles se décident à embarquer sur une barque de pêcheur (une barque à huile) où elles et leur suite peuvent à peine se remuer.
Obligés d’entrer à Bari par la violence de la tempête, tous ont la frayeur de sentir couper les câbles de leur faible barque; pendant la nuit tandis que le tocsin sonne à force dans la ville qui est en pleine insurrection.
« Nous avons vu Madame Victoire atteinte d’une maladie mortelle, privée des remèdes et du repos qui lui étalent si nécessaires, réduite à accepter pour nourriture des poissons salés et du pain albanais cuit sous la cendre, ou du biscuit de matelot.»
Mesdames de Chastellux
Le temps heureusement se calme, l’équipage peut remettre à la voile et arrive à Brindisi sans nouveau malheur.
Mesdames expédient un courrier à Corfou où sont réunies les flottes Turques et Russes, pour demander des transports. Mesdames de Chastellux attestent qu’à travers tant de souffrances elles n’ont pas entendu Mesdames proférer une seule fois la moindre plainte.
« La suite de Mesdames était composée, Pour Madame Adélaïde, de la duchesse de Narbonne-Lara, dame d’honneur, de son fils le comte Louis de Narbonne, chevalier d’honneur, depuis ministre de la guerre ; pour Madame Victoire, du comte de Chastellux, chevalier d’honneur, de la comtesse de Chastellux, dame d’honneur, de leurs enfants, et de plusieurs personnes du service. M. Couture, architecte de Louis XVI, et chevalier de Saint-Michel, accompagnait aussi Mesdames. »
Mémoires de la duchesse d’Abrantès
Au bout de vingt-deux jours
Une frégate Russe et un Brique Turc paraissent. Mesdames montent immédiatement à bord de la frégate, et dans la même matinée un petit corsaire français qui venait pour s’emparer de la misérable barque, est capturé par le bâtiment Russe.
Les deux escadres, la Russe et la Turque, rendent l’aspect de la rade imposant. En même temps, entre aussi le Bâtiment que l’on a supposé français et voulant les capturer ; il était au contraire à la recherche de Mesdames pour les secourir et était envoyé par la Cour de Naples qui l’a demandé au marquis de Niza commandant l’escadre Portugaise qui stationnait à Palerme. Le Bâtiment est La Reine de Portugal…
Au bout de quarante-deux jours de séjour à bord les passagers ont la jouissance de se trouver à terre, mais dans une ville qui a supporté un des sièges les plus affreux et ne présente plus qu’un aspect de ruine de dévastation et de misère.
Mesdames sont dans un palais appartenant au Roi mais elles se trouvent fort mal logées; les appartements sont incommodes et très froids la neige couvre longtemps la terre, et Madame Victoire qui a beaucoup souffert de la rigueur de la saison dans la journée du 24 décembre 1798 est fort incommodée pendant son séjour dans cette ville.
Le comte de Chastellux s’occupe sans cesse des moyens de faire sortir Mesdames d’un pays qui devient, de jour en jour, plus dangereux ; ces princesses ne peuvent rien espérer d’idéal. Leur âge et leur santé ne permettent aucun parti hasardé leur suite, d’environ soixante personnes -parmi lesquelles se trouvent vingt-cinq femmes- est difficile à transporter.
Le comte de Chastellux ne peut se déterminer à exposer, sans une nécessité absolue, Mesdames en pleine mer sur un lougre. Elles craignent cet élément : un tel bâtiment à la merci du moindre corsaire, visité par tous les vaisseaux qu’il rencontre rend aussi, pour sa petitesse, l’image des dangers de la navigation plus vive et plus rapprochée. Mesdames sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains.
Début janvier 1799
Madame Adélaïde est obligée de prendre la triste résolution de se remettre à bord avec la pauvre Victoire sur le bâtiment portugais, pour Trieste . Les escadres Russes et Turques reçoivent l’ordre de se rendre à Ancône, et l’état du pays ne permet pas de rester après leur départ. On part donc pour Trieste avec une frégate russe et un brique turc.
Plusieurs accidents rendent la traversée périlleuse mais l’équipage arrive à bon port. Mesdames couchent à Cérignola, terre qui appartient au comte d’Egmont. Elles sont reçues avec transport par les habitants attachés à leur Roi.
Le 16 janvier 1799
Mesdames arrivent à Trani, ville qui poursuit les jacobins et ferme ses portes aux déserteurs.
Le 26 janvier 1799
Mesdames quittent Trani. La ville de Bari les reçoit avec de très bonnes dispositions. Le comte de Chastellux juge que Mesdames ne doivent pas descendre dans une ville ou elles peuvent se trouver enfermées ; d’ailleurs elles sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains. Les malheureuses princesses, Madame Victoire souffrant d’un cancer, n’osent pas débarquer ; il y a plus de soixante personnes à bord les unes sur les autres allant sur terre pendant la journée mais revenant s’entasser dans leur triste gîte pendant la nuit.
Chacun n’a d’espace, dans ce bâtiment, que la largeur de son corps on n’a d’air que par l’ouverture du pont qu’on ferme le soir. Les uns sont couchés sur une natte, d’autres sur un coussin de voiture fort peu dorment sur un matelas. Soixante personnes -prêtres, vieillards, femmes et enfants- y sont entassées : tous les genres d’incommodités et de souffrances éprouvent leur courage.
Le 6 février 1799
On revient dans la rade de Brindisi.
Mesdames n’ont qu’une chambre avec deux petits lits ; leurs deux dames d’honneur couchent par terre sur un matelas qu’on relève le jour pour servir de siège. Il faut passer dans cette ambiance trente-et-un jours sans se déshabiller !
Il serait difficile de se faire une juste idée des désagréments de toute espèce que ce lugubre séjour réunit. Une seule ouverture placée au milieu du bâtiment, y répand avec un froid glacial une triste lumière qui n’en dissipe qu’imparfaitement l’obscurité. L’entrepont est si bas, qu’on ne peut y marcher que courbé, ni s’y asseoir qu’à terre sur une natte, un matelas ou un coussin de voiture, si on a pu se le procurer.
Bien avant le lever du soleil, les matelots commencent à laver le bâtiment, et y rendent tout sommeil impossible. Le bruit et la fraîcheur piquante du matin réveillent ceux qui souvent ne se sont endormis que peu d’instants auparavant, et le besoin de respirer un air moins étouffé les conduit sur le pont, ou du moins vers cette ouverture où l’on est exposé à toutes les inclémences de l’air.
Le moment des repas était peut-être plus triste encore que celui du réveil : les ustensiles nécessaires manquant, et la manière dont on distribue successivement à chacun sa portion tout autour de ce lieu si incommode et si sombre, est bien faite pour ôter l’appétit.
Tous les soirs un chapelain de Mesdames, à genoux près d’une lampe qui n’éclaire que lui, récite des prières auxquelles chacun répond du triste lit sur lequel il s’est retiré. Ensuite on cherche à dormir mais les longues heures de la nuit dont tant d’inquiétudes et de malaise se réunissent pour troubler le repos, sot encore plus cruelles que celles qui se sont écoulées pendant la journée. On aura peine à croire, qu’à travers tant de souffrances morales et de privations de tous genres Madame Adélaïde, dont la santé n’était pas altérée, conserve constamment sa vivacité, et sa gaîté même, et n’est occupée qu’à ranimer la fermeté quelquefois ébranlée des personnes qui l’entourent.
Le 15 mars 1799
On profite d’un vent favorable pour sortir de la rade de Brindisi ; bientôt le vent tourne au sud, et se soutient dans cette direction jusqu’au lendemain. Le capitaine de la frégate veut traverser le golfe, dans l’espérance de trouver à Valona un vent du nord qui y est presque périodique.
Dans la soirée du 16 mars 1799
Le vent devient très fort.
La nuit du 17 mars 1799
On traverse une véritable tempête qui dure les 17 et 18 mars et n’est pas encore calmée le 19 mars lorsque la frégate est approchée par un vaisseau de soixante-quatorze canons que l’on observe à une assez grande distance depuis la soirée de la veille. Les cordages qui amarrent les canons dans la chambre de poupe, où Mesdames sont couchées, ne peuvent suffire à les retenir dans cet ébranlement continuel, et plusieurs fois on craint qu’ils ne se détachent et ne viennent écraser les personnes qui sont étendues sur des matelas auprès des lits de Mesdames. Madame Victoire, qui était déjà bien malade, montre un courage dont l’effort lui est très nuisible.
Le mauvais état de la frégate ajoute encore aux inquiétudes que cette tempête donne au capitaine. Anciennement construite et toujours en courses depuis son départ de la Mer Noire, elle est pleine d’avaries et fait eau partout. Les pompes toujours en activité ne peuvent empêcher l’eau de croître d’une manière sensible. Les passagers sont relâchés en Albanie dans le petit port de Durazzo. Le Commandant y demande des réparations parce que le fort n’a pas entretenu la Frégate… car le Commandant du fort était absent et avait emporté la clef du magasin à poudre.
Le 24 mars 1799
On arrive à Durazzo. Cette entrée à Durazzo est un grand événement car il y a quarante ans qu’on ne voit plus dans ce port aucun vaisseau de guerre. On aperçoit alors aux jambes de Madame Victoire quelques taches de scorbut ; ses forces diminuent chaque jour.
On repart immédiatement de Durazzo.
Le 28 mars 1799
L’équipage arrive à Corfou dans la matinée, après avoir employé quatorze jours à un trajet qui n’exige ordinairement que trente-six heures. Afin de prévenir toute incertitude de cérémonial le comte de Chastellux n’attend pas l’arrivée de la frégate pour se rendre à bord de l’amiral Outchakov (1744-1817).
L’amiral le reçoit avec la plus grande distinction la garde du vaisseau prend les armes. Le comte de Chastellux apprend alors que le vaisseau qui avait donné tant d’inquiétude est portugais, envoyé pour le service de Mesdames par lord Nelson et parti de Messine le 10 mars, c’est-à-dire cinq jours après l’arrivée à Brindisi, du secours que le comte de Chastellux, malgré tant de contradiction, a obtenu des Russes. Ce vaisseau est aussi chargé de porter a Trieste S. A. R. le cardinal duc d’York, les cardinaux Brasch et Pignatelli et les membres du gouvernement provisoire qui a été établi à Rome par le Roi de Naples ainsi que plusieurs autres personnes de la suite de Mesdames que les circonstances extraordinaires de leur départ avaient portées en Sicile.
Après quelques moments d’entretien l’amiral Outchakoff montre son empressement de faire sa cour à Mesdames, et, offrant une place dans son canot au comte de Chastellux. L’amiral arrive à bord de la frégate de Mesdames avant quelle soit parvenue au mouillage et déjà l’anliral Cadir-Bey, commandant l’escadre turque s’y soit rendu de son côté. L’amiral Fiodor Outchakov complimente Mesdames avec le respect, avec les sentiments de zèle et d’attachement pour la bonne cause que Fon retrouve dans tous les généraux et officiers russes. Il s’occupe sur-le-champ de faire préparer, pour loger les princesses, le palais de l’archevêque, qui ne sera prêt que le Ier avril.
Le comte de Chastellux va le lendemain rendre visite à Cadir-Bey, qui parle assez bien italien et montre beaucoup de simplicité et de bonhommie ; par une singularité remarquable, il y prend du café et fuma une pipe avec deux cardinaux des prélats, des moines romains et des membres du gouvernement provisoire établi à Rome par le Roi de Naples.
La ville de Corfou a été dévastée par les Français deux faubourgs très beaux et un quartier tout entier ont été détruits. Malgré leur ruine, les habitants donnent de grandes marques de respect et de zèle à Mesdames et des députés de la noblesse se tiennent presque toujours dans leur antichambre pour attendre leurs ordres leur garde est de quarante hommes, commandés par un officier.
On fait en même temps les arrangements nécessaires pour que Mesdames aient une escorte convenable lorsqu’elles partiront. Le vaisseau portugais envoyé par lord Nelson prétend à l’honneur de les conduire àTrieste. L’amiral Outchakov le désire aussi, pour ne pas se priver d’un vaisseau. Le comte de Chastellux est vivement touché de tous les témoignages d’attachement que Mesdames reçoivent des Russes. Il sait ce que Paul Ier prépare pour le salut de l’Europe et pour le rétablissement de la France. Il assura constamment l’amiral Ouchakov que Mesdames n’accepteront le vaisseau portugais. L’amiral joindra à ce vaisseau deux frégates russes de cinquante canons dont l’une servira à transporter les cardinaux et les princes italiens.
II ne reste rien à désirer pour la sûreté ni pour la dignité de Mesdames. Après trois mois d’une responsabilité pénible par sa durée et par ses difficultés le comte de Chastellux aurait pu jouir de quelques dédommagements pour tant d’inquiétudes et de soins si la santé de Madame Victoire ne lui donnait les alarmes les plus vives.
Le 1er mai 1799
Le docteur Lavite décide que Madame Victoire est en état de partir, et qu’il faut qu’elle parte le 6 mai car il redoute pour elle l’air chaud et humide de Corfou, et il n’y trouve pas les remèdes nécessaires à son traitement. Il est convenu avec l’amiral Ouchakov, que la petite escadre destinée au service de Mesdames sera escortée jusqu’à la hauteur d’Ancône par le contre-amiral Pustokin, qui doit se porter dans le fond du golfe avec deux vaisseaux de ligne russes un vaisseau et quatre frégates turcs pour bloquer ou attaquer Ancône, suivant les circonstances.
Cependant, l’escadre du contre-amiral ne serait pas prête avant le 10 mai.
Le 6 mai 1799
Mesdames rembarquent sur le vaisseau la Reine de Portugal, après avoir fait en chaloupe le trajet de plus d’une lieue le commodore n’a pas cru pouvoir se rapprocher. Le soir même de l’embarquement les enflures reparaissent et ne cesseront plus. Le temps est en général très beau pendant la traversée. L’escadre du contre-amiral quitte Mesdames à la hauteur des îles de Dalmatie pour se porter sur Ancône.
Le 18 mai 1799
Au soir, le vaisseau portugais mouille à peu de distance de Trieste. Le lendemain à neuf heures du matin, on entra dans la rade de Trieste. Aussitôt M. le comte de Brigido, gouverneur de la ville vient offrir ses respects à Mesdames avec chevalier Leilis, consul de Sa Majesté Catholique. Ils ne montent pas dans le vaisseau que l’on ne peut dispenser de quatorze jours de quarantaine, on les fait commencer du jour où, partant de Corfou, il avait cessé d’avoir des rapports avec les Turcs. La maison du consul d’Espagne, dans laquelle Mesdames doivent loger, servira pour leur quarantaine ; on l’entoure de gardes.
Le lundi 20 mai 1799
Mesdames descendent à terre. Elles font ce trajet séparément, et chacune d’elles reçoit le salut royal de vingt-un coups de canon du vaisseau la Reine de Portugal, des deux frégates russes, d’un petit bâtiment de la même nation et d’un brick portugais. Madame Victoire reste levée assez longtemps le jour de son arrivée à terre; mais les enflures se trouvent considérablement augmentées.
L’Empereur a désigné, pour la résidence de Mesdames, la ville d’Agram en Croatie, comme la plus éloignée des inquiétudes que pouvaient causer les événements de la campagne qui vient de commencer. Les princesses ont souffert beaucoup pendant cette lamentable odyssée. Victoire surtout ; elle périssait du même mal que sa sœur Sophie, éprouve de continuelles nausées, sent venir l’angoisse suprême.
Madame Victoire à peine débarquée est au plus mal, et reçoit tous les sacrement.
Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, Madame Victoire s’éteint doucement, ainsi qu’elle a vécu, sans colère ni rancœur.
Début juin 1799
L’état de Madame Victoire empire de jour en jour, elle succombe tout-à-fait à ses souffrances et expire à Trieste.
Le 7 juin 1799
Madame Victoire meurt à Trieste, d’un cancer du sein. Madame Victoire est enterrée à la cathédrale de Trieste, avec tous les honneurs dus à son rang. Des émigrés français portent le cercueil. Le comte de Chastellux fait dresser un acte de dépôt de ces restes précieux, afin que, dans des temps plus heureux, ils puissent être rendus aux tombeaux de nos rois, à Saint-Denis.
Neuf mois après, Madame Adélaïde termine sa vie… entourée de la duchesse de Narbonne, sa dame d’honneur, et de son fils Louis. On sait que Mesdames de Chastellux, faisant partie de la suite de Madame Victoire, quittent sa sœur, puisque leur relation s’achève à la mort de Madame Victoire. Madame Adélaïde est entourée jusqu’à la fin d’une suite de trente personnes.
Le 27 février 1800
Madame Adélaïde meurt, quelques mois plus tard, à l’âge de soixante-huit ans, à Trieste. C’est dans la cathédrale de Trieste qu’on l’ensevelit selon le rang qu’on lui reconnaît, aux côtés de sa sœur.
En 1815
Un des premiers soins du Roi, leur neveu Louis XVIII, après son retour en France, est d’envoyer l’évêque de Moulins à Trieste, pour réclamer le dépôt sacré qui avait été confié à la cathédrale de la ville. Une frégate française amène les restes de Mesdames à Toulon. Le zèle du curé de cette ville contribue à les faire respecter pendant les jours de deuil et d’erreurs qui souillent les fastes de 1815. De nouveaux ordres viennent de régler le transport de ces deux précieux cercueils qui doivent arriver le 20 janvier suivant à Saint-Denis.
Sources :
- Mémoires de la duchesse d’Abrantès
- Louis XV (1989) de Michel Antoine, chez Fayard
- Relation du Voyage de Mesdames, Tantes du Roi , de Caserte à Trieste, au moment de la mort de Madame Victoire par Mesdames de Chastellux
- Mesdames de France (1989) de Bruno Cortequisse, aux éditions Perrin, Paris
- Versailles passion, groupe FB de Christophe Duarte
- Louis XV (1984) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Madame Louis XV (1987) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Les lettres de Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara
- Louis XV (2014) de Jean-Christian Petitfils, aux éditions Perrin, Paris