Madame Victoire de France

Madame Victoire par Anne Valayer-Coster

Le 11 mai 1733

Naissance de Victoire Louise Marie Thérèse de France, dite Madame Quatrième puis Madame Victoire. Elle est la cinquième fille de Louis XV (1710-1774) et de Marie Leszczyńska (1703-1768).

Louis XV par Maurice Quentin de La Tour

 

 

Pendant son accouchement, la Reine subit des saignées… Et après l’accouchement : de la purge, des bains et du jeûne. Au bout de trois jours et pendant dix jours, deux bouillons et deux tranches de pain par jours. C’est seulement après les relevailles que la Reine pourra manger à sa faim. Les relevailles c’est lorsqu’elle commence à récupérer un peu d’énergie -on se demande comment- et retourne à la messe.

Marie Leszczyńska par Alexis Belle

Jusqu’à leur baptême en 1737, les filles de Louis XV porteront des numéros.

Le 27  juillet 1734

Naissance de sa sœur Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska, qu’on appellera Madame Sophie.

Le 16 mai 1736

Naissance de sa sœur  Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.

Victoire est élevée par la « gouvernante des Enfants de France » au château de Versailles, madame de Ventadour celle-ci même qui éleva le jeune Louis XV, jusqu’en 1735 remplacée peu à peu par sa petite-fille la duchesse Tallard,  au château de Versailles, avec ses frères et sœurs . Elle est soumise, dès son plus jeune âge, à l’Étiquette, qui gère la vie quotidienne des princes, quel que soit leur âge. Madame Victoire a de nombreuses sœurs, qui encombrent peu à peu le château de Versailles, car la naissance répétée des filles de France fut une véritable tragédie pour l’Etat. Cette pouponnière royale coûte une dépense terrible si l’on juge l’énorme effectif de la « maison » des Enfants de France. Chaque princesse dispose, dès sa naissance, de huit femmes de chambre, soit rien qu’une cinquantaine de caméristes pour les seules filles du Roi !

Le 27 avril 1737

Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand. Dès ce jour, les fillettes, que l’on cesse de désigner par un simple numéro, acquièrent véritablement leur statut d’être humain.
La petite princesse commence à montrer un caractère fort. Il n’y a pas à regretter de duc d’Anjou, qu’elle fait aussi bien l’affaire !

Le 15 juillet 1737

Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.

En juin 1738

Le cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud. C’est aussi une question d’économie pécuniaire comme de place au château…

Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote.

Départ de Mesdames Cadettes pour l'abbaye de Fontevraud (Louis XV, le Soleil noir de Thierry Binisti, 2009)
Image de Louis XV, le Soleil noir (2009) de Thierry Binisti

Madame Victoire part donc avec ses petites sœurs, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748. L’abbesse de Fontevraud,  Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Madame de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., «accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punissait en l’enfermant dans un caveau dit la « lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.

Adèle Leprêtre (à gauche) interprète la jeune Madame Victoire dans Nannerl, la Sœur de Mozart de René Féret (2010)

Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable :

Ainsi l’abbesse, la seconde madame de Mortemart, fille du maréchal duc de Vivonne, a été créée duchesse par brevet personnel afin d’avoir ses entrées et son tabouret chez les princesses ; elle-même, et, après elle, (L’Abbesse) madame de Montmorin Saint-Hérem, les servent debout à table. Le monastère touche de la Cour quinze mille livres de pension pour chacune de Mesdames, et chacune d’elles reçoit deux mille livres comme argent de poche ; elles ont à leur service dix femmes de chambre, un écuyer de bouche, un maître d’hôtel, douze gardes-du-corps payés extraordinairement dix sols par jour, un exempt, M. d’Autichamps, payé cinq livres par jour, un professeur de musique, M. de Caix, et un professeur de danse qui leur apprenait le Menuet couleur de rose, un piqueur de la petite écurie, deux carrosses et une voiture légère appelée gondole, avec cochers, postillons, palefreniers, valets de pied, trente-deux chevaux et quatre ânes harnachés pour les promenades… mais elles n’ont pas de médecin !

Adèle Leprêtre dans Nannerl, la Sœur de Mozart de René Féret
Image de Nannerl, la Sœur de Mozart de René Féret (2010)
L'abbaye royale de Fontevraud

Le 28 septembre 1744

Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième

Le 23  février 1745

Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles  sa cousine l’infante Marie-Thérèse, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée. C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour).

Bal masqué donné par le roi Louis XV dans la Grande Galerie à l'occasion du mariage de Louis, Dauphin de France, avec Marie-Thérèse, infante d'Espagne, du 25 au 26 février 1745
Jeanne-Antoinette de Pompadour par Boucher

La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie  et irrévérence Maman Putain.

Marie-Thérèse-Raphaëlle de Bourbon, infante d'Espagne, Dauphine de France en 1745, par Daniel Klein

 

 

Le 22 juillet 1746

La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.

Le 9 février 1747

Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.

Marie-Josèphe de Saxe par Jean-Marc Nattier
Allégorie du mariage du dauphin et de la princesse Marie-Josèphe de Saxe

En mars 1748

Victoire revient à la Cour.  A son retour à Versailles, elle est, un temps, la coqueluche de la Cour, créant une rivalité éphémère à Madame Adélaïde, à qui elle vole la vedette.

Madame Louise et Madame Sophie par Henry Walters
Madame Victoire et Madame Adélaïde par Henry Walters

Jalousie passagère, à laquelle succède la plus franche amitié puis une profonde tendresse. Elle partage avec ses sœurs, leur «maison» et leur appartement, car dès lors, elles vivront toujours ensemble.

Madame Adélaïde par Jean-Marc Nattier (1750)

Madame Victoire est une jeune fille d’une très grande beauté brune qu’elle conservera, semble-t-il, bien plus longtemps que sa sœur Adélaïde. Elle est un peu grasse, et manque d’aisance. Elle possède cette bonté qui seul la fait aimer de tout le monde. Bonne, confiante, douce, elle reste attachée, malgré tout à sa sœur, au point d’y être totalement soumise.

« Ses yeux sombres ont une douceur inquiétante; la longue frange de ses cils ombre ses jours; la bouche est sensuelle, le menton étroit, le front large; les cheveux noirs s’harmonisent au teint mat et doré. La robe brodée d’or, l’écharpe de soie jaune, les dentelles blanches semblent  parer un corps voluptueux.»

          Pierre de Nolhac

Mesdames Victoire et Sophie dans Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti
Madame Victoire par Nattier
Madame Victoire par Jean-Marc Nattier, huile sur toile, 1748, château de Versailles

Très proche de sa mère, la Reine Marie Lesczczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.

L'eau (1751) sous les traits de Madame Victoire par Jean-Marc Nattier
La Terre a les traits de Madame Elisabeth, L'Air ceux de Madame Adélaïde et L'Eau ceux de Madame Victoire
Madame Victoire par Jean-Marc Nattier

 

Elle n’en est pas moins une fille obéissante et dévouée que son père surnommait affectueusement « Coche ».

 

Victoire apprend comme son frère et ses sœurs à jouer de divers instruments de musique. Elle excelle au clavecin — plusieurs compositeurs comme Jacques Duphly (1715-1789) et Armand-Louis Couperin (1727-1789) lui dédièrent des pièces ou des recueils.

 

Madame Victoire jouant du clavecin par Nivelon

Un tableau de Drouais rappelle son intérêt pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier.

Mesdames Sophie, Victoire et Louise, cette dernière étant alors déjà retirée au Carmel

Madame Victoire doit s’adapter, au quotidien monotone d ’une princesse de France, c’est à dire des journées réglées par l’Étiquette interrompues par de rares distractions, où elle doit, entre autres, faire sa toilette et manger en public, changer plusieurs fois de robes, endurer le Grand habit de Cour, « faire sa cour » au Roi et à la Reine, recevoir les visites et les ambassadeurs, s’amuser sans joie dans des bals et divertissements réglés d’avance.

Elle montre un goût particulier pour les jardins et les plantes exotiques, un loisir à la mode.

 

Le 13 septembre 1751

Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles.

 

Le 29 novembre 1751

Mesdames, le Dauphin et son épouse soupent dans les délicieux petits appartements du Roi. C’est la première fois qu’il prend ce repas en ces lieux avec ses sept enfants réunis.

Louis-Joseph de Bourgogne par Jean-Marc Nattier (1754)
Image de Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour (2006)
Madame Henriette (1727-1752) par Jean-Marc Nattier

Le 10 février 1752

Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans.
Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.

En 1753

Sa sœur aînée, Elisabeth, mariée dès 1739 à un infant d’Espagne, souhaitait en 1753 que Victoire épouse son beau-frère, le Roi Ferdinand VI d’Espagne (1713-1746-1759). Mais la Reine d’Espagne, bien qu’affligée d’une santé des plus médiocres, ne meurt que cinq ans plus tard. Le Roi étant lui-même à la dernière extrémité, le mariage ne se fait pas.

Le 15 novembre 1753

Madame Victoire est très mal d’une fièvre maligne causée par des indigestions multiples.

Mesdames soupent peu à leur couvert public, puis commandent de petits soupers dans leurs cabinets. Elles se mettent à table, à minuit, et se crèvent de vin de viande.

Image de Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006) de Robin Davis
Louis-Auguste par Frédou

 

Le 23 août 1754

Naissance de Louis-Auguste, futur Louis XVI.

Le 17 novembre 1755

Naissance de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.

Louis-Stanislas par Maurice Quentin de la Tour
Stanislas Leszczyński par Girardet

 

Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.

 

 

Le 5 janvier 1757

Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.

 

Le 9 octobre 1757

Naissance de son neveu,  Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.

 

Le 23 septembre 1759

Naissance de sa nièce, Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.

 

Le 6 décembre 1759

Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme.

Le comte d'Artois et sa sœur Madame Clotilde par Drouais
Louise-Elisabeth, duchesse de Parme par Adélaïde Labille-Guiard

Madame Victoire est si indolente qu’elle en plaisante elle-même. Un jour, une de ses dames lui demande si elle entrerait au couvent comme sa sœur, elle lui répondit «J’aime trop les commodités de la vie». Affable, elle vit avec la plus aimable simplicité dans une société qui la chérit car elle est adorée de toute sa maison.

Le 22 mars 1761

Mort de l’aîné de ses neveux, Louis-Joseph.

Dessin du duc de Bourgogne malade
Louis-Joseph, duc de Bourgogne
Madame Victoire en Hébé par Nattier

Le Grand Cabinet,
Le salon d’apparat de Madame Victoire
(texte  et  photographies  de Christophe Duarte – Versailles Passion)

Il y eut d’abord ici le Grand Cabinet de l’appartement des bains de Louis XIV, appelé parfois «cabinet octogone» à cause de la forme de son plafond. Il était alors orné d’une peinture de Houasse représentant Apollon et Daphné et de douze figures symbolisant les mois et les signes du Zodiaque.

Au centre de la pièce, les clavecins par Hans Rückers, du XVIIe siècle, et François-Etienne Blanchet, de 1746, permettent d’évoquer l’importance de la musique dans la vie de Mesdames.Madame Victoire est la plus douée au clavecin, guidée par la fille de Couperin, Marguerite-Antoinette. Elle enseigne aussi à ses sœurs et leur apprend à composer. A seize ans, Madame Victoire est capable d’interpréter des pièces «presque comme des maîtres». En 1750, le favori de Marie Leszczyńska, Luynes, remarque que Victoire qui sait déjà fort bien jouer du clavecin, se met à apprendre le violon et la basse viole. Elle devient particulièrement douée à la harpe, grâce aux leçons données par Beaumarchais.

Boiseries par le sculpteur Verberckt du Grand Cabinet de l'appartement de Madame Victoire, 1763, portraits de Mesdames par Jean-Marc Nattier ou François-Hubert Drouais, mobilier commandé par le comte de Gamaches en 1778, acheté par le Garde-Meuble de la Couronne en 1784, servant pour l'aménagement de l'appartement de Gustave III lors de sa visite au château de Versailles puis récupéré par Louis XVI pour son Cabinet à Compiègne, deux clavecins par Hans Rückers et François-Etienne Blanchet, de 1746 ayant appartenu à la princesse, photographie de Christophe Duarte, Versailles Passion

Ce riche décor disparaît en 1763 à la demande de Mesdames et est remplacé par une élégante décoration dont il subsiste encore d’importants fragments: la corniche, quelques éléments de boiseries par Verberckt et la belle cheminée en griotte ornée de bronzes dorés. Ici, Madame Victoire reçoit les membres de la Cour pour des lectures, des concerts privés ou pour jouer aux cartes. C’est également ici que la famille se retrouve pour jouer de la musique.

« Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.»

Cette pièce centrale de l’appartement jouissant d’une double exposition sur le parterre d’eau et sur le parterre du Nord est essentiellement meublée de ployants. La pendule placée sur la cheminée, en bronze doré et patiné représentant l’Enlèvement d’Europe, est due au bronzier Jean-Joseph de Saint-Germain. Madame Victoire en possédait un exemplaire placé ici.

Dans la cheminée, la paire de chenets provient du grand salon de Mesdames à Bellevue. Elle a été achetée aux marchands-merciers Darnault en 1784.
A défaut de ces sièges d’étiquette,  le château y présente le mobilier acheté par le Garde-Meuble de la Couronne en 1784 pour être placé dans l’appartement préparé à l’occasion de la visite de Gustave III de Suède.

Trois vases à fond vert et décor pastoral, peints par Charles Nicolas Dodin (1734-1803) et acquis par Madame Victoire pour sa chambre-à-coucher
Madame Victoire par Jean-Marc Nattier, 1748

Le Noël de Mozart à la Cour de Versailles,
24 décembre 1763 – 8 janvier 1764
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Dès son arrivée à Paris, Leopold Mozart, le père de Wolfgang, ne perd pas de temps pour établir des contacts. Une de ses premières relations est le baron Friedrich Melchior Grimm, un allemand qui vit à Paris depuis 1749. Grimm, une connaissance de beaucoup d’encyclopédistes et éditeur de la Correspondance littéraire, organise plusieurs concerts où Wolfgang et Nannerl se produisent. Il organise même leur présentation à la Cour française.

Image de Nannerl, la Sœur de Mozart (2010) de René Féret
Wolfgang Mozart en 1763

La Veille de Noël, les Mozart s’installent à Versailles pendant deux semaines, une période assez longue pour qu’ils prennent goût à la vie à la Cour la plus célèbre d’Europe.  Comme on peut s’y attendre, Leopold se montre pragmatique et remarque surtout que toute chose est extrêmement chère. Toutefois, il trouve le temps de céder aux potins :

« Madame de Pompadour est encore une belle femme… Elle est extrêmement altière et a encore autorité sur tout».

Le couple royal invite les Mozart au dîner de la Cour pour le jour de l’An et insiste pour que la famille reste debout derrière eux pendant le repas.

Présentation de Mozart à madame de Pompadour

« Pour mon Wolfgang, ce fut un joli privilège de rester debout derrière la Reine, de lui parler constamment, de lui tenir compagnie et de lui baiser les mains plusieurs fois, parfois en partageant les plats qu’elle lui passait de la table» écrit Leopold.

« J’étais tout à côté de lui et près du Roi… étaient ma femme et ma fille.» A cette occasion, Mozart joue en présence des souverains, Louis XV lui fait don d’une somme de cent vingt livres. Madame Victoire est alors aux côtés de ses sœurs pour écouter le petit prodige.

Versailles enneigé

Le 15 avril 1764

Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.

Madame Victoire par Drouais
Image de Louis XV, le soleil noir de Thierry Binisti
Buste de Madame Victoire de France, par Louis-Claude Vasse, Musée National d'Ecosse, à Edimbourg

Le 3 mai 1764

Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.

La petite Madame Babet avec son carlin, par Drouais, vers 1770
Madame Victoire (1773) par Etienne Aubry

Suppression de l’ordre des Jésuites en France.

Le 20 décembre 1765

Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand (1729-1765), son frère,  meurt, à l’âge de trente-six ans.

 

Allégorie de la mort du Dauphin de Lagrenée l'Aîné (1766): le petit duc de Bourgogne, décédé en 1761, lui présente la couronne de l'immortalité. On le voit entouré dans ses derniers instants par son épouse, Marie-Josèphe de Saxe et par ses fils , le duc de Berry (futur Louis XVI, agenouillé), le comte de Provence (futur Louis XVIII) et le comte d'Artois (futur Charles X).
Le Dauphin Louis-Ferdinand par Roslin
Jacqueline Staub est Madame Victoire dans Marie-Antoinette (1976)

Le 25 avril 1766

«Madame la Dauphine a été attaquée ces jours derniers par une toux opiniâtre à la suite de laquelle est survenu un crachement de sang. Cette princesse a été saignée deux fois...» lit-on dans la Gazette de France.

Le 11 mars 1767

Marie-Josèphe de Saxe revoit ses fils pour la dernière fois.

Elle confie ses enfants à Madame Adélaïde :
«Voilà mes orphelins, soyez, pour eux le père et la mère…»

Le 13 mars 1767

Mort de sa belle-sœur, Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).

A Madame Victoire, elle donne une boîte ayant appartenu à Louis-Ferdinand, de même qu’à Madame Sophie.

Marie-Josèphe de Saxe
Dernier réveillon de Marie Leszczyńska : Une coutume s'était instaurée dans la famille royale : chaque 31 décembre à minuit, Louis XV et son épouse, assis de part et d'autre de la pendule astronomique de Passemant, assistent au changement d'année entourés de leurs enfants et petits-enfants... composition de Benjamin Warlop

Le 24 juin 1768

Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), sa mère.

Marie Leszczyńska, lisant la Bible (1748) par Jean-Marc Nattier

Le Cabinet Intérieur,
Dans l’intimité de Madame Victoire
( texte et photos de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette petite pièce et les deux suivantes n’en formaient qu’une seule à l’origine : c’était le vestibule dorique de l’Appartement des Bains, séparé en trois travées par deux rangées de colonnes en marbre de Rance, qui subsistent encore derrière les boiseries. Ce vestibule est cloisonné dès 1724 pour constituer deux antichambres pour le comte et la comtesse de Toulouse.

L’antichambre de cette princesse est à son tour divisée en 1767 pour former ce petit salon et la bibliothèque suivante. Antoine Rousseau est l’auteur des boiseries dont certains éléments ont pu être remis en place, ainsi que la cheminée en sérancolin.

Le bureau à cylindre est livré en 1768 par Foullet pour l’appartement de Madame Victoire. Il supporte une coupe d’albâtre qui a appartenu à la princesse. La table à écrire a été exécutée pour Marie-Antoinette à Fontainebleau.

La chambre de Madame Victoire
(Texte de Christophe Duarte – Versailles Passion et photographies de Christophe Duarte et Sarah Baach)

La chambre de Madame Sophie devient, en 1769, celle de Madame Victoire. Totalement détruite lors de l’installation du musée de Louis-Philippe, cette salle a retrouvé sa destination dans les années 1980 lors de la recréation des espaces. Lorsque Madame Victoire obtient en 1769 un appartement qui sera le sien jusqu’à la révolution dans le corps central du Château, un nouvel ameublement est commandé pour sa chambre qui comprend notamment une grande commode et deux encoignures «à placage en mosaïque à dessus de marbre griotte d’Italie».

Chambre de Madame Sophie en 1767 puis celle de Madame Victoire en 1769, lit à la turque de Jean-Baptiste Tilliard, 1755, meuble d'été reconstitué dans les années 1980, taffetas chiné, fauteuils à la Reine de Jean-Baptiste Tilliard, 1740, tapis de Pierre-Josse Perrot en 1738 pour la salle à manger du château de Choisy, portraits de Madame Henriette et de Madame Adélaïde par Jean-Marc Nattier

L’ensemble est livré par l’ébéniste du Garde-Meuble Gilles Joubert mais la réalisation des encoignures a été confiée à un autre ébéniste parisien, Louis Peridiez. Ce dernier doit se conformer au style alors en faveur dans l’administration du mobilier royal, d’un néoclassicisme tempéré favorisant les fonds à croisillons «en mosaïque» agrémentés de rosettes de bronze doré. Il n’est pas impossible d’ailleurs que Peridiez ait fourni essentiellement le bâti et que le décor si particulier de bronze ait été apposé par Joubert, en accord avec celui de la commode. 

Face à la cheminée, on trouve une commode à décor de laque du Japon livrée en 1744 par Antoine Gaudreaux pour la chambre de Louis XV au château de Choisy.
L’ensemble coûta 2640 livres. Les deux vases «flacons» sont des dépôts du Metropolitan Museum of Art de New York.

Sur la cheminée est installée une garniture de vases en porcelaine de Sèvres. Ces cinq vases sont achetés en décembre 1772 par Madame Victoire lors des ventes de la manufacture de Sèvres qui se déroulent à Versailles, dans l’appartement intérieur du Roi.  On les trouve mentionnés dans les registres de la Manufacture royale, accompagnés de deux vases «flacons» avec lesquels ils formant une garniture de cinq pièces à fond vert, toutes peintes par Charles Nicolas Dodin.

La première Antichambre de Madame Victoire,
L’ancien Cabinet des Bains de Louis XIV
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette pièce est l’ancien cabinet des bains de Louis XIV : les murs et le sol étaient alors revêtus d’une marqueterie de marbres polychromes, et l’on y voyait une grande piscine octogonale en marbre de Rance, qui se trouve aujourd’hui dans l’orangerie. Elle servit de cabinet intérieur au comte de Toulouse de 1692 à 1724, à la comtesse de Toulouse de 1724 à 1750 et enfin à Madame Adélaïde de 1752 à 1753. Chambre de Madame Sophie de 1755 à 1767, elle devient la première antichambre de cette princesse puis, en 1769, celle de Madame Victoire.

Les dessus-de-porte «Le repas de Tandale» et «Les noces de Persée et Andromède troublées par Phinée», ont été peints par Hugues Taraval en 1766 pour la salle à manger du château de Bellevue. Les trois grands portraits peints en 1787 par Adélaïde Labille-Guiard représentent les tantes de Louis XVI : «Madame Adélaïde», «Madame Elisabeth, Duchesse de Parme» et «Madame Victoire». La commode de Riesener provient du salon des Nobles de la comtesse d’Artois à Versailles.

Seconde Antichambre de Madame Victoire
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette pièce est l’ancienne chambre des bains, dont le sol et les murs étaient revêtus de marbre. Au fond, dans une alcôve encadrée de colonnes de marbre, était placé un lit de repos. Les volets intérieur, au décor de dauphins et de congélations, sont les seuls vestiges de cette pièce qui fut ensuite la chambre du comte de Toulouse, puis celle de la comtesse de Toulouse, puis de Madame Adélaïde et enfin de Madame Victoire lorsqu’elle partageait cet appartement avec ses sœurs Sophie et Louise.

En 1767, on supprime l’alcôve et la pièce devint la seconde antichambre du nouvel appartement de Madame Victoire.

Plan actuel du rez-de-chaussée
Le cerf se mirant dans l’eau par Jean-Baptiste Oudry
Le Loup et l’agneau par Jean-Baptiste Oudry
Les deux chèvres par Jean-Baptiste Oudry
La Lice et sa compagne par jean-Baptiste Oudry

Les boiseries ont été faites pour Madame Victoire par Jacques Verberckt. Les tableaux des dessus-de-porte, représentant des Fables de La Fontaine, ont été peints par Oudry pour le cabinet intérieur du Dauphin en 1747.
Livrée en 1767 pour la chambre de l’appartement de Madame Sophie à Versailles, la commode est placée après 1769 dans l’antichambre des Nobles du nouvel appartement de la princesse. 
La seconde commode fut livrée en 1745 par Gaudreaus qui sous traita la commande à François Mondon, pour le Second Cabinet des entresols de Mesdames au château de Marly.

Commode de la chambre de Madame Sophie par Gilles Jobert, livrée en 1767

Le tapis de la manufacture de la Savonnerie tissé en 1761 ; du modèle de celui, tissé pour la première fois en 1745, ayant figuré dans la salle-à-manger du Trianon de marbre puis en 1788 dans la seconde antichambre de Madame Victoire au château de Versailles. Acheté en 1766 à la manufacture par Charles Lennox, troisième Duc de Richmond, ambassadeur extraordinaire de Grande-Bretagne à la Cour de Louis XVI de 1765 à 1766.

Chenet au sanglier, 1830 par Bouhon
Chenet au cerf, 1830 par Bouhon
Pendule-Cartel

Le 22 avril 1769

                                               Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.

Louis XV par Drouais, 1773
Madame du Barry par Drouais

Le 16 mai 1770

Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

Louis-Auguste, Dauphin de France par Louis-Michel Van Loo
Gravure du mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin, le 16 mai 1770
Marie-Antoinette par Ducreux

Prévenue contre madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie. Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.

Le conflit Dauphine/ favorite vue dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

Le 12 juillet 1770

Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :

« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travailkle, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»

          Marie-Antoinette

Marie-Antoinette et Ses tantes vues par Sofia Coppola (2006)

Le 7 août 1770

« Madame la Dauphine … soupa avec le Roi et prit occasion de lui demander son consentement pour qu’une nommée Thierry, femme du premier valet de chambre de M. le Dauphin, fut placée chez Mme la Dauphine en qualité d’une des premières femmes de chambre, ce que le Roi accorda sur-le-champ. Cette Thierry, ainsi que son mari, sont créatures du duc de La Vauguyon et par conséquent conviennent peu au service de Mme la Dauphine. S.A.R. en paraissait même persuadée à la suite des représentations que je lui avais faites à ce sujet ; mais Mme l’archiduchesse s’est enfin déterminée par deux motifs dont elle m’a dit le premier et dont j’ai deviné le second. Le premier a été que Mesdames, peu instruites des choses, ont désiré contre toute raison que cette femme fût placée, et ont tourmenté Mme l’archiduchesse a consisté Mme la Dauphine pour qu’elle la demandât au Roi. Le second motif de Mme l’archiduchesse a consisté en ce que la dite Thierry a un enfant de quatre ans assez vif et joli, et que S.A.R. est bien aise de rapprocher d’elle en vertu de la passion qu’elle a pour les enfants.»

           Mercy d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse

Le 5 septembre 1770

« La future première femme de chambre a occasionné un petit mouvement d’aigreur entre Madame la Dauphine et sa dame d’honneur. Madame la Dauphine a trouvé qu’on différait trop longtemps de mettre la survivancière en exercice. Je ne sais qui l’a conseillée, elle a cru avoir le droit de la mettre en possession quoiqu’elle n’eût pas de brevet ni prêté serment. Elle n’en avait pas parlé à Madame de Noailles et lui a fait seulement dire par cette femme de chambre ( madame Thierry ). Madame la Dauphine ne m’en a parlé qu’après avoir donné cette mauvaise commission… J’ai eu à essuyer les plaintes de Madame de Noailles plus piquée qu’elle ne l’a encore été et reparlant plus que jamais de quitter Madame la Dauphine à qui cette menace est revenue, apparemment par Mesdames, a pris son parti à cet égard. Elle ne serait pas fâchée que Madame de Noailles quittât dans un an ou deux, et s’était déjà fait un petit système pour la remplacer… J’ai représenté à Madame la Dauphine … que dans l’état actuel, on lui donnerait sûrement une des dames en faveur. L’ascendant des tantes est plus fort que jamais , je me casserais le nez si je voulais la combattre directement.»

          L’abbé de Vermond à Mercy

Le Boudoir de Louis XV,
Pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames de France à l’Opéra
(  Texte  et  illustrations  de Christophe Duarte – Versailles Passion )


 

Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel  prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…
Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y rendre discrètement. Toujours dans ce souci de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer.
De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel. Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.
Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.

Le 10 septembre 1770

Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.

Boudoir du Roi : porte donnant sur la Galerie du premier étage de l'Aile du Nord
Madame Louise de France en Mère Thérèse de Saint-Augustin
Bibliothèque de Madame Victoire du château de Versailles
Madame Victoire en vestale, par Anne-Batiste Nivelon
Jacqueline Staup en Madame Victoire (série Marie-Antoinette de Guy Lefranc, 1975-76)
Madame Victoire par Drouais

Le 14 février 1771

Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.

Louis-Stanislas de Provence par Drouais
Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence, par François-Hubert Drouais

Le 16 avril 1771

« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»

          Mercy à Marie-Thérèse

Le 12 septembre 1771

Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.

Le 11 août 1772

Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.

Madame Du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :

« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»

Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.

Visite de Louis XV à Sœur Thérèse de Saint-Augustin par Maxime Le Boucher (1882)

Le 1er janvier 1772

Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :

« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »

C’est tout.

La scène dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Mesdames influençant la Dauphine dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.

Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire dans Marie-Antoinette, la Véritable Histoire (2006)

Le 16 novembre 1773

Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.

Charles-Philippe, comte d'Artois par Antoine Callet d'après Duplessis, huile sur toile, 1775, château de Compiègne
Miniature ovale dans son cadre en argent et or bordé de cailloux du Rhin taillés à facettes. Marie Thérèse de Savoie comtesse d'Artois autrefois identifié comme portrait de Marie Antoinette et signé Vestier, 1778.  Copie d'après une miniature de François Dumont au musée national de Cracovie.

Le 29 avril 1774

Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père. Elles attraperont d’ailleurs la petite vérole…

Jane Marken est Madame Victoire dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Mesdames au chevet de Louis XV dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola
Mesdames au chevet de leur père dans Jeanne du Barry (2023) de Maywenn

Le 30 avril 1774

Le visage du Roi est couvert de pustules.

Dans la nuit du 7 mai 1774

Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.

Jeanne du Barry quitte Versailles . 

Le 9 mai 1774 au soir

L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV.

Le 10 mai 1774

Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Louis XV par Armand-Vincent de Montpetit
Mort de Louis XV dans Madame du Barry de 1919

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.

À la mort du Dauphin (1765) puis de la Dauphine (1767), Madame Adélaïde est dépositaire de leurs papiers, ainsi que d’une instruction destinée au futur Roi. Ce document est ouvert le 12 mai 1774 dans un petit conseil de famille, en présence de Louis XVI. Il désigne trois premiers ministres possibles : Maurepas (1701-1781), d’Aiguillon (1720-1788) et Machault (1701-1794).

C’est Maurepas que Louis XVI choisit.

En 1774

Louis XVI fait donc à ses tantes du domaines de Bellevue à Meudon

Le château de Bellevue

Le château de Madame de Pompadour puis de Mesdames
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )

Madame de Pompadour revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.

Reconstitution 3D du château de Bellevue en 1757

Au décès de Louis XV, en 1774, le château est attribué par Louis XVI et Marie-Antoinette aux filles du Roi défunt, et tantes du nouveau monarque, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Bien que logeant principalement au château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames viennent à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette. Celles-ci font transformer le décor intérieur par Richard Mique et font agrandir les jardins vers le Sud.

Porte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Porte feinte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Quatre candélabres en bronze doré pour le grand salon de Bellevue
Paire de vases vers 1775, attribuées à Gouthière, petit salon et grand salon de Mesdames, château de Bellevue, puis palais des Tuileries, horloge à cadran annulaire "Les Trois Grâces", vers 1770, d'après un modèle du sculpteur Falconet, photographie de Christophe Duarte, Versailles Passion
Fauteuil à la Reine provenant de Bellevue
Commode de Martin Carlin pour le grand cabinet de Madame Victoire au château de Bellevue
Bureau plat de Martin Carlin pour le grand cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue
Encoignure de Martin Carlin pour le Grand Cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue
Canapé «à confidents» de Mesdames au château de Bellevue - Musée Gulbenkian, Lisbinne

Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier. Le château sera vendu à M. Testu-Brissy, qui le fera abattre.

Vase de Bellevue

Dimanche 11 juin 1775

Louis XVI est sacré à Reims.

Louis XVI lors de son sacre à Reims par Benjamin Warlop

 

 

Le 20 août 1775

Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.

Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie dans Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn Le Besco

Service à thé chinois,
Dans les collections de Mesdames Adélaïde et Victoire

Il s’agit du cabaret chinois vendu à Louis XVI en décembre 1774, puis rendu l’année suivante et ensuite cédé à ses tantes Madame Adélaïde et Madame Victoire en décembre 1775. Chaque cartel, bordé d’une dentelle d’or régulière, montre des scènes animées avec des petits personnages, des oiseaux, des haies et des rochers fleuris traités en ors. Les visages et les vêtements colorés sont soulignés d’un trait d’or. Une tasse présentant un décor dans un médaillon provient d’un réassortiment. Fait exceptionnel, l’artiste Louis-François Lécot a signé son patronyme en or.

Cabaret chinois de madame Victoire ou Madame Adélaïde de Louis-François Lécot acheté en 1774 par Louis XVI puis offert en 1775 à ses tantes, porcelaine dure, manufacture royale de Sèvres, château de Versailles, photographie de Christian Jean

Le service à thé chinois est racheté par Versailles en vente publique le 7 juillet 1992.

Le 19 décembre 1778

Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.

Madame  Victoire par Ducreux

La princesse de Guéménée (1743-1807), malgré sa réputation douteuse, est la gouvernante des Enfants Royaux de Louis XVI dès la naissance de Madame Royale.

La Reine l’entoure alors d’égards :

« J’espère que vous serez contente du logement quoique petit, le Roi en a été occupé toute la matinée dès neuf heures du matin et il en a fait décamper mes tantes qui y étaient établies.»

En 1780

Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.

La salle-à-manger de la comtesse de Provence par Benjamin Warlop

Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.

Le 22 octobre 1781

Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789),premier Dauphin.

Naissance du Dauphin par Jean-Michel Moreau, le jeune

 

 

Le 2 mars 1782

Mort de Madame Sophie, sa sœur.

Début septembre 1782

Leurs Majestés viennent de partir à Compiègne. Le Roi va se tuer pendant quatre jours à la chasse. Puis il reviendra à Versailles. La Reine restera deux journées à Louvois, en Champagne, dans la magnifique maison de campagne de Mesdames Adélaïde et Victoire. De là, Elle ira à la Muette où le Roi ira également passer quelques temps.

Madame Sophie vers 1778 par Anne Vallayer-Coster
La grille armoriée du château de Louvois, devant les fossés vue depuis la place d'armes.

Le 3 avril 1784

Le bailli de Suffren, héros de l’Inde, est mandé à Versailles par Louis XVI.
Le maréchal de Castries, secrétaire d’état à la Marine le conduit dans les petits appartements, où Louis XVI et Marie-Antoinette dînent avec Monsieur, le comte d’Artois et Madame. Dès que le premier gentilhomme de la chambre l’a annoncé, ils quittent tous leurs sièges pour aller à la rencontre du bailli de Suffren. Louis XVI, l’ayant pris par la main, le présente à Marie-Antoinette. Monsieur et le comte d’Artois l’embrassent. Louis XVI lui annonce qu’il est fait cordon bleu.
Après cette entrevue, Marie-Antoinette retourne dans Son appartement où le bailli de Suffren Lui est présenté une seconde fois et officiellement par le maréchal de Castries. Elle lui dit les choses les plus affectueuses et les plus obligeantes. Pendant ce temps, la duchesse de Polignac, gouvernante des Enfants de France, amène le Dauphin et Madame Royale. Marie-Antoinette présente Elle-même, le bailli de Suffren, à Ses enfants. Une réception aussi flatteuse l’attend chez Monsieur où ce dernier embrasse le bailli de Suffren et le presse contre son sein.
Le comte de Provence est interprété par Pierre Gérard dans Beaumarchais , l'Insolent (1996) d'Edouard Molinaro 

De Madame Victoire à Madame Adélaïde,
Le déplacement incessant des bibliothèques des Filles de France
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )

A l’instar de ses sœurs Mesdames Adélaïde, Sophie et Louise, Madame Victoire souhaite une nouvelle bibliothèque dans son appartement. Gabriel l’établit dans un es­pace contigu au cabinet intérieur et an­nexé sur l’ancien appartement de jour de la comtesse de Toulouse, décédée en sep­tembre 1766. Éclairée par une croisée sur le parterre et entresolée, la bibliothèque est chauffée par une cheminée surmon­tée d’une glace. Les travaux de la bibliothèque sont ache­vés au mois de novembre, puisque à la date du 16 novembre 1767 Pitoin livre un nouveau feu à figure dans le «cabinet en bibliothèque».

Emplacement de la Bibliothèque en 1783

Au printemps de 1780, quelques change­ments sont précisés dans la bibliothèque de Madame Adélaïde. Manquant de plus en plus de place pour disposer ses ou­vrages, la princesse demande la dépose et la suppression de la glace entre les deux croisées afin de créer un nouveau corps de bibliothèque «avec sailli à hauteur d’appui avec un dessus de marbre». A la suite des nombreux retards, le marbre de Sicile nécessaire à cette ta­blette et à deux encoignures de la pièce n’est délivré que le 5 avril 1781. Une nouvelle porte est également percée dans le corridor longeant le mur de la biblio­thèque afin de le faire communiquer avec les cabinets du tour.
Alors qu’aucune modification n’est appor­tée à son appartement en 1782, Madame Adélaïde exige le retour de ses bains sur la Cour royale l’année suivante. La des­truction de la bibliothèque entraîne l’édi­fication d’une nouvelle bibliothèque en lieu et place des anciens bains sur la cour des Cerfs, dont les travaux débutent le 21 février 1781. Les cloisons entre la chambre des bains, le passage et la pièce des chaudières doivent être abattues pour ne former qu’une seule grande pièce rectangulaire. La cheminée en marbre d’Antin, surmontée d’un trumeau de glace, est conservée. La pièce des bains doit devenir un supplément de biblio­thèque chauffé par un poêle disposé sous l’appui de la fenêtre. De simples corps de bibliothèque vitrés se développent sur le pourtour des deux pièces. La conception assez simple de cette bibliothèque per­met un achèvement rapide des travaux puisqu’en avril 1783 les dernières fini­tions sont apportées à cette pièce.

Cour ouvrant le bibliothèque de 1783

Après le mois de juin 1774, Madame Adélaïde laisse la jouissance de sa bibliothèque sur le Parterre nord à Madame Vic­toire qui dispose ainsi de deux biblio­thèques. On mure le passage avec le ca­binet intérieur, et Madame Adélaïde se fait établir une nouvelle bibliothèque à deux croisées à la place de ses bains sur la Cour royale. On accède à cette nouvelle bibliothèque par un long corridor prolongé à ce moment­ là, qui part de sa chambre à coucher et qui est pris en partie sur le passage me­nant de la Cour royale à la petite cour du Roi.

Les travaux s’échelonnent de septembre à octobre 1774 pour établir cette grande pièce rectangulaire après la destruction de la cloison centrale. Le même mois, Guesnon et Clicot demandent 15 000 livres pour des travaux exécutés en menuiserie chez Mesdames, durant le voyage de la famille royale à Fontai­nebleau, tandis que les frères Rousseau interviennent également dans ces pièces, sans que l’on sache quoi que ce soit du décor. A la fin du mois d’oc­tobre 1774, les principaux travaux sont presque achevés puisque « le sculpteur vient de rendre tout ce qu’il avait entre les mains pour l’appartement de cette princesse », et il ne reste qu’à poser, fer­rer et peindre la menuiserie de la bibliothèque. Le 6 novembre 1774, on délivre trente glaces blanches pour les ar­moires de la bibliothèque qui recouvrent tous les murs de la pièce.

Emplacement de la Bibliothèque en 1783
Plan et élévation de la nouvelle bibliothèque de Madame Victoire à exécuter pendant l’année 1783

Le déménagement des bains de la Cour royale permet à Madame Adélaïde de développer considérablement sa bi­bliothèque dans trois pièces distinctes. Accessibles uniquement depuis le corridor de service vitré, deux premières bibliothèques à une croisée chacune prennent les emplacements des anciennes chambre et pièce des bains.

Le bailli de Suffren en grand uniforme d’officier général de la Marine par Pompeo Batoni

En 1786

Pierre-André de Suffren (1729-1788)aurait rendu visite, dans sa chambre, à Madame Victoire. Pendant l’entretien, il aurait eu un malaise. Comme cette visite dans la chambre d’une princesse royale semblait inconvenante, on aurait inventé l’histoire d’un duel pour dissimuler la vérité. Elle a cinquante-trois ans, Suffren cinquante-neuf. Suffren a fait la connaissance de Madame Victoire à son retour des Indes, en 1784. 
Madame Victoire aime entendre Suffren raconter ses campagnes héroïques. Il le fait avec l’accent provençal que, paraît-il, il garda toute sa vie.

Certains situent cette anecdote à la veille de la mort de l’amiral en décembre 1788 : à la suite de son malaise, un médecin aurait été appelé et aurait procédé à des saignées. D’où les taches de sang sur la chemise de Suffren à son retour chez lui. On possède le témoignage du docteur personnel de Suffren, Alfonse Leroy, venu le voir chez lui à son retour.

« Suffren était allé faire sa cour à Madame Victoire. Celle-ci frappée de sa mauvaise mine, voulut qu’il consultât son propre médecin. Celui-ci, ne connaissant pas son tempérament, le saigna: à peine piqué, il perdit connaissance. La goutte fit une métastase rapide sur la poitrine.»

L’état du blessé, une fois rentré chez lui, s’aggrava. Le docteur Leroy constata le décès dans l’après-midi du 8 décembre 1788.

En 1787

Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.

« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »

            Mémoires du comte d’Hézecques

Madame de Victoire en gaulle, devant le château de Bellevue, composition de Benjamin Warlop

 

Le 23 décembre 1787

Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui se nomme désormais Sœur Thérèse de Saint-Augustin.

Le 8 août 1788

Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.

Portrait de Madame Louise de France en Mère Thérèse de Saint-Augustin
Procession des Etats Généraux

 

Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…

 

La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.

N'est-ce pas Madame Victoire derrière sa soeur Adélaïde représentée ici aux côtés de la Reine et du Roi lors de la procession des Etats Généraux?
Ouverture des Etats Généraux

Le 4 juin 1789

Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Le 20 juin 1789

Serment du Jeu de paume

Le 27 juin 1789

A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.

Le 14 juillet 1789

Prise de la Bastille.

La prise de la Bastille dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Le 16 juillet 1789

Le comte d’Artois émigre sous les conseils de la Reine.

Le 4 août 1789

Abolition des privilèges.

La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)

Le 26 août 1789

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789

Des milliers de parisiennes marchent sur Versailles pour réclamer du pain.

La famille royale se replie dans le château…

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Le matin du 6 octobre 1789 par Benjamin Warlop

Mesdames Adélaïde et Victoire, qui logent pourtant au rez-de-chaussée sont éveillées par des domestiques et non par la foule qui gronde. Elles rejoignent la famille Royale dans la chambre d’apparat du Roi qui domine la cour de marbre où s’est amassée la foule parisienne.

Image de Louis XVI, l'homme qui ne voulait pas être Roi (2012) de Thierry Binisti
Volet intérieur de la chambre de Madame Adélaïde
La famille royale au balcon de la cour de marbre le matin du 6 octobre 1789 dans L'Enfant-Roi de Jean Kemm
La famille royale et La Fayette au balcon de la chambre du Roi à Versailles, le 6 octobre 1789 (film Marie-Antoinette par Jean Delannoy, 1956)

La famille royale est ramenée de force à Paris.

Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
Les Tuileries dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Mesdames rejoignent leur domaine de Bellevue.

Le 14 juillet 1790

 Fête de la Fédération.

Jean-François Balmer et Jane Seymour dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

En 1791

Le 1er janvier 1791

Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …

Vendredi 21 janvier 1791

Madame Adélaïde adresse une missive à son neveu Louis XVI pour un avis sur le choix de leur futur pays de résidence :

« Comment puis-je, mon cher neveu, vous exprimer les différents sentiments qui sont dans mon âme ? Votre lettre m’a achevé, votre amitié fait mon bonheur et augmente encore ; si cela peut, tous mes regrets de vous quitter. Avant de recevoir votre lettre, j’avais déjà renoncé au projet de Bruxelles auquel j’avais vu tous les inconvénients dont vous me parlez ; il reste encore l’Espagne ou Rome. Si vous voyez que nous puissions vous être utiles en Espagne, je ne balance pas un seul instant ; mais, c’est seulement pour l’argent, Rome devant être beaucoup meilleur marché, si je ne trouve quelqu’un qui puisse faire des avances et attendre des moments plus heureux, je crois que ce lieu-là serait sujet à moins d’inconvénients ; et peut-être, même de là, pourrions-nous vous être utilise pour l’Espagne. Si vous n’avez donc pas d’autres raisons de préférences que pour l’argent, je vous demande trois jours pour faire mon choix, mais toujours soumis à ce qui pourra vous être plus utile et plus agréable, c’est de quoi vous êtes, j’espère, bien persuadé. Adieu, mon cher neveu, pardonnez-moi si je suis troublée, mon amitié pour vous, seule, en est la cause. Conservez-moi la vôtre, elle fera mon soutien et mon bonheur ».

Mardi 25 janvier 1791

Dans une nouvelle lettre à Louis XVI, Madame Adélaïde discute et fait bien voir que, en dépit des conseils, elle tient à aller à Rome. Mesdames y ont un ami sûr : le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome.
Elle indique aussi qu’elle a trouvé un homme qui prend l’engagement de faire toucher à Rome l’argent don elles auront besoin pendant tout le temps que les paiements ici ne seront pas interrompus, et s’ils venaient à l’être, à faire l’avance jusqu’à concurrence de 1 200 000 livres.

Le 31 janvier 1791

Mesdames, tantes du Roi, écrivent au comte de Montmorin, ministre et secrétaire d’état aux affaires étrangères. Elles lui demandent les passeports pour aller à Rome, Louis XVI ayant permis ce voyage. Louis XVI a ordonné au comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de leur donner des passeports, et de les signer lui-même.
Les passeports sont signés, non sans grand débat, par le Commune de Paris.

Le 3 février 1791

Mesdames allaient partir quand une dénonciation sur leur résolution est transmise au club des jacobins.

Nouvelle lettre de Madame Adélaïde à Louis XVI, où elle se montre touchée par ses inquiétudes au sujet de leur départ, suite au bruit que cela fait. Elle lui indique que leur parti est pris.

Le  9 février 1791
 
M. de Lessart, ministre de l’Intérieur, sur ordre de Louis XVI, avertit les autorités des grandes communes du prochain voyage de Mesdames. Il communique également la liste des personnes qui accompagneront Mesdames.
 
Le samedi 12 février 1791
 
Mesdames arrivent de leur château de Bellevue pour le château des Tuileries. Leurs appartements, au Pavillon Marsan, ne sont pas prêts à leur arrivée.
 
Le 14 février 1791

Une députation de la Commune de Paris se rend auprès du Roi pour qu’il s’oppose au départ de ses tantes.
Louis XVI répond l’allocution, qu’il avait écouté avec peine :
 
« Je suis sensible à la démarche de la commune. J’ai déjà répondu à la municipalité que mes tantes, étant maîtresses de leurs personnes, avaient le droit d’aller partout où bon leur semblait. Je connais trop leur cœur pour croire qu’on puisse concevoir des inquiétudes sur les motifs de leur voyage ».

Des agitateurs font partager leur colère chaque jour, dans le jardin du Palais Royal, car ils n’avaient pas été satisfaits de la réponse du Roi.
Déjà une députation des dames des halles étaient venues, au château de Bellevue, prier Mesdames de ne pas quitter la France.
D’autres envisageaient aussi de se transporter à au château de Bellevue. Cela hâte le départ de Mesdames.
 
Le 16 février 1791
Les médecins de Madame Victoire déclarent que l’état de sa santé ne lui permet pas d’entreprendre ce voyage pendant cette saison rigoureuse.

Le 17 février 1791


                  ​La duchesse d’Orléans a fait ses adieux à Mesdames.

« Notre tendresse pour vous, mon cher neveu, et notre sentiment patriotique, dont nous ne nous sommes jamais écartées, doivent être connus depuis trop longtemps pour que nous puissions être affectées de ce qui a été dit hier à l’Assemblée; mais d’après la délibération prise, ou on décidera que nous sommes, comme tout le monde, soumises à la Loi, – et cette discussion sera en notre faveur, puisque la Loi prononce la liberté de l’homme – ou on décidera que vous devez avoir une autorité directe sur toute votre famille. Vous nous avez déjà donné votre permission pour voyager, je vous demande celle de partir. Vous connaissez nos motifs et la pureté de nos intentions, vous les avez approuvés. C’est à notre grand regret que nous nous éloignons de vous, mon cher neveu; vous connaissez assez notre tendresse pour n’avoir pas besoin de cette nouvelle assurance: tant que nous vivions, nous conserverons ces sentiments dans notre coeur.
Marie-Adélaïde Victoire»

Vendredi 18 février 1791


​Faute de ressources, Mesdames veulent emprunter 200 000 livres sur la terre de Louvois. La duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde, écrit à M. Aillot de Mussey, trésorier des princesses :

« Il faut absolument que cette affaire soit terminée très promptement. »


Madame Adélaïde a acheté cette terre, avec feue sa sœur Madame Sophie, en 1776. A la mort de cette dernière, Madame Adélaïde en est devenue l’unique propriétaire. La terre de Louvois appartenait à la famille Le Tellier, et se situait en Champagne.

​Dans la journée, Mesdames font leurs adieux à Louis XVI et à la Famille Royale. C’est la dernière fois qu’ils se voient.
Mesdames craignent qu’on ne cherche à les arrêter en leur château de Bellevue ; elles quittent dans la nuit le château des Tuileries, où elles sont depuis le 12, pour retourner au château de Bellevue. Elles persistent dans leur projet de voyage, et comptent se mettre en route soit le dimanche 20 soit le lundi 21.

Samedi 19 février 1791


​​Le départ a été fixé au 20 février.

A cinq heures du soir, le comte de Virieu, colonel du régiment Royal Limousin, apprend, à Paris, que les « mégères d’octobre » prennent le pont de Sèvres. Celui-ci étant à l’Assemblée nationale, il la quitte pour aller au château de Bellevue.
Au château, il entre dans la salle-à-manger où Mesdames allaient se mettre à table pour souper. Elles sont inquiètes.
Rien n’est prévu : pas de chevaux, pas de voitures. Les équipages sont à Meudon. Personne ne donne d’ordre.
La nuit étant venue, depuis la terrasse, on voit approcher une forêt de torches.
Le comte de Virieu voit une voiture attelée dans une cour écartée. Elle appartient à une visiteuse venue de Paris.

Madame Adélaïde écrit une lettre à Louis XVI où elle réitère l’indispensable nécessité de partir. A la fin de la lettre, elle ajoute un mot à l’attention de Marie Antoinette :

« Embrassez bien la Reine de notre part à toutes les deux, et dites-lui bien combien nous sommes désolées de ne pouvoir pas la voir, comme nous lui avions dit, et que nous l’aimons de tout notre cœur. Nous partons dans le moment ».

A dix heures du soir, le comte de Virieu pousse Mesdames à prendre la fuite, et ordonne au cocher de partir au galop par la grille de Meudon. Celle-ci est fermée, personne n’a la clé. Le suisse est parti. On s’adosse à la portière : la serrure saute.
Dans la voiture, il y a Mesdames et la duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde. Le comte de Narbonne, son chevalier d’honneur, et dix-huit personnes suivent dans d’autres équipages : il y a le comte de Chastellux, chevalier d’honneur de Madame Victoire, et la comtesse de Chastellux, sa dame d’honneur, et leurs enfants ; l’abbé Madier, confesseur de Madame Adélaïde et de Madame Elisabeth, et de M. Couture, architecte du Roi. M. François Croiset, en charge de la comptabilité de Mesdames depuis 1783, émigre avec elles. Il continuera à les servir jusqu’à leurs décès.

Quand ils rejoignent la grande route de Fontainebleau, Mesdames changent de voitures, et partent à toute vitesse.

Dimanche 20 février 1791

​Au matin, les femmes de Paris arrivent au château de Bellevue, puis retournent à Paris donner l’alarme.
De nouveau, des hommes et des femmes retournent au château de Bellevue, pour tenter de s’opposer au départ des fourgons contenant les bagages de Mesdames. Au château de Bellevue, ils trouvent Alexandre Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, qui a été prévenu dans la nuit du départ de Mesdames.
Il donne ordre aux Chasseurs de Lorraine de faire des patrouilles à l’extérieur de Bellevue, et de rentrer à Versailles si tout est tranquille.
Jusqu’au 5 mars, M. Berthier fera envoyer, chaque jour, une garde de quinze gardes nationaux et de trente soldats commandés par un major de la garde nationale pour assurer la sécurité du château de Bellevue.

Mesdames Adélaïde et Victoire partent pour Rome Leur fuite est incités par les lois de France contre l’Église.

Le soir, Mesdames relaient, sans encombre, à Fontainebleau, et partent pour Moret.

Après le départ de Mesdames

Le château de Bellevue est tenu comme si leur absence n’était pas définitive. L’abbé de Ruallem, chef du conseil et intendant général des Maisons des princesses, agit au nom de Mesdames.

Madame Adélaïde par Johann Heinsius
Madame Victoire par Johann Heinsius

 

 

Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.

Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez

Leur départ suscite une certaine émotion et elles sont arrêtées et retenues onze jours à Arnay-le-Duc ( en Bourgogne), le comte de Narbonne, chevalier d’honneur de Madame Adélaïde doit revenir à Paris pour obtenir de nouveaux passeports, mais Mirabeau (1749-1791) les défend devant l’Assemblée et elle peuvent parvenir en Savoie, à Turin, où vit leur nièce Clotilde, épouse du prince de Piémont…

Le 3 mars 1791

Après onze jours de captivité, durant laquelle elles ont reçu des visites dont celle du marquis de Damas d’Antigny, Mesdames quittent Arnay-le-Duc. Elles ont joué au tric-trac et au piquet avec le curé d’Arnay.

Le Roi de Sardaigne avait tout disposé pour que Mesdames trouvent sur leur passage et à sa Cour, tous les honneurs dus à leur rang.

Le 12 mars 1791

Victor-Amédée III se fait un devoir d’accueillir les tantes de sa belle-fille. L’arrivée des filles survivantes de Louis XV avive la curiosité intéressée des Turinois car «un peuple immense et plus d’un millier de carrosses bordaient le chemin des princesses» ! Toutefois, les vicissitudes d’un voyage éprouvant altèrent beaucoup leur bonhomie et leur spontanéité, le duc de Genevois ayant remarqué «qu’elles parlèrent peu et parurent fort embarrassées.»

Mesdames passent quelques jours à Turin avec le comte d’Artois et ses fils.

Madame Clotilde
Le comte d’Artois à son bureau durant son exil au d’Holyrood (1797)  par Danloux

Puis elles arrivent à Rome, protégées par le pape Pie VI qui les héberge au palais Farnèse.

Madame Adélaïde et Madame Victoire présentées au pape Pie VI en 1791

 

Elles se réfugient de plus en plus loin en Italie et arrivent bientôt à Parme.

 

Le 2 avril 1791

Décès de Mirabeau

Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau par Joseph Boze

Le 20 juin 1791

Évasion de la famille royale.

Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.

Les Provence passent la frontière.

Le 25 juin 1791

La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Le 21 juin 1791

 Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Chez l'épicier Sauce à Varennes, par Prieur
Madame Victoire par Elisabeth Vigée Le Brun (1791)

Le Roi est suspendu.

Le 29 novembre 1791

Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».

Le 19 décembre 1791

Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.

Le 27 mai 1792

Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.

Le 29 mai 1792 

Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.

Le 20 juin 1792

                 La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le Roi refuse.                                                     

Escalier monumental des Tuileries (juste avant sa destruction)
Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine, elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.

Le 11 juillet 1792

«La patrie en danger» en France.

Le 25 juillet 1792

Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.

Le 10 août 1792

Sac des Tuileries.

La prise des Tuileries le 10 août 1792
Arrivée de la famille royale au Temple dans Les Années Terribles de Richard Heffron

 

Le Roi est suspendu de ses fonctions.

 

Le 13 août 1792

La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.

La Tour du Temple

Le 20 septembre 1792

Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.

Le 21 septembre 1792

Abolition de la royauté.

Le 6 novembre 1792

Victoire de Jemappes.

Le 14 novembre 1792

Les troupe françaises entrent à Bruxelles.

Le 11 décembre 1792

Début du procès de Louis XVI.

Le 21 janvier 1793

Exécution de Louis XVI.

 

 

Le 4 mai 1793

N’étant pas rentré en France, après son rappel de mars 1791, pour avoir refusé de prêter le serment civique conformément au décret du 27 novembre 1790, le cardinal de Bernis est déclaré émigré. Néanmoins, il continue à être consulté sur les affaires de la France.
Il a été l’ambassadeur de France à Rome depuis 1769 jusqu’en 1791.
Le cardinal de Bernis

Le 3 juillet 1793

Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).

Dans la nuit du 2 au 3 août 1793

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

Le 14 octobre 1793

Marie-Antoinette comparaît devant Herman, le président du tribunal révolutionnaire.

Le 16 octobre 1793 

Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .

Mesdames Adélaïde et Victoire ne sauront pas que la Reine a eu une pensée pour elles ainsi qu’en témoigne la lettre adressée à Madame Elisabeth qui ne la recevra jamais :

« Je dis adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis, l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant, qu’ils sachent au moins que, jusqu’au dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur ; puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours !»

Le 6 novembre 1793

Exécution du duc d’Orléans qu’on appelait alors Philippe Égalité.

Le 10 mai 1794

Exécution de Madame Élisabeth.

Le 17 juillet 1794

                                                  Condamnation à mort des seize Carmélites de Compiègne.

Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)

La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco, née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.

Image du film de Benoît Jacquot Sade (2000) : l'arrestation de Robespierre

Cinq cent détenus forment une haie, explosant de joie.

 

Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort. Robespierre, blessé par balle au visage et gisant sur un brancard, rejoint ses compagnons à la Conciergerie emprisonnés dans la nuit ou en début de matinée.

Le 3 novembre 1794

                         Décès du cardinal de Bernis, le plus fidèle et dévoué ami de Mesdames.

Le cardinal de Bernis
Louis XVII agonisant

Le 8 juin 1795

Mort de Louis XVII à l’âge de dix ans. Il était atteint de tuberculose osseuse.

Le 18 décembre 1795

Madame Royale quitte la prison du Temple pour être remise  à sa famille autrichienne… pourtant elle ne reverra jamais ses grand-tantes.

Le 16 octobre 1796

Mort du Roi Victor-Amédée III.

Charles-Emmanuel (1751-1819),époux de Madame Clotilde de France, qui s’est vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne, estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin.

Le 24 février 1797

Lors de l’arrivée des troupes françaises, Mesdames rejoignent Naples, où règne la sœur préférée de Marie-Antoinette, Marie-Caroline (1752-1814), fort peu ravie de les voir.

Victor-Amédée III
Arrivée à Naples dans Le Fabuleux Destin d'Elisabeth Vigée Le Brun d'Arnaud Xainte
Marie-Caroline de Naples par Elisabeth Vigée Le Brun (1790)

Mesdames restent à Rome jusqu’en 1798, les armées françaises étant entrées en Italie, et beaucoup d’agitation se manifestant, elles se rendent à Caserte où elles sont reçues avec toutes les attentions possibles par la famille Royale. Le Roi fait préparer le vieux Palais pour elles et leur suite, qui est encore nombreuse.

Le palais de Caserte à côté duquel logent Mesdames, dans l'ancien palais

« Mesdames de France habitaient le château de Caserte, maison de plaisance royale de la cour de Naples. Malgré leur infortune, elles avaient encore une suite fort nombreuse autour d’elles. Parfaitement bonnes, elles cherchaient à distraire les personnes de leur service de l’austérité de la vie retirée que l’on menait à Caserte. Elles donnaient de petits bals dans l’intérieur de leurs appartements, mais où l’on n’admettait jamais que les personnes de la suite et du service d’honneur. Il y avait alors peu de femmes autour d’elles. Mademoiselle de Narbonne, mesdames de Chastellux, madame la duchesse de Narbonne, qui n’était plus guère de mise dans une contredanse, mais qui s’entendait admirablement à la nommer, et puis une ou deux autres personnes dont j’ai oublié le nom, voilà à peu près ce qui composait la cour de Mesdames, dont mademoiselle Louise de Narbonne , aujourd’hui madame de Bramcamp, était le plus bel ornement, comme elle l’eût été à Versailles. »…
La duchesse de Narbonne avait perdu toute sa fortune dans la tourmente révolutionnaire.

            Mémoires de la duchesse d’Abrantès

Mesdames espéraient y terminer leurs jours; mais après y avoir passé dix-huit mois elles reçoivent de Naples un courrier qui les prévient que par suite des nouvelles de la marche de l’armée française et de la révolte des peuples, la famille Royale s’embarque pour se rendre à Palerme.

Palerme

Plusieurs émigrés avaient trouvé près de Mesdames un asile honorable et partent de Caserte avec elles ; on compte parmi eux l’évêque d’Ath  la
comtesse de Calan, la marquise de Roquefeuil, sa fille etc.
L’évêque de Carcassonne a pris une autre direction, et rejoint Mesdames à Corfou sur un vaisseau portugais.

Le 21 octobre 1798

Mesdames écrivent à la Reine pour lui demander ce qu’elles doivent penser des préparatifs militaires du Roi, et quel parti elles doivent prendre. Marie-Caroline leur répond quatre lignes par le même courrier annonçant que dans peu d’heures elle leur écrira plus en détail. On publie, le même jour, que les républicains ont été repoussés dans la région des Abbruzzes (région d’Italie centrale s’étendant du cœur des Apennins jusqu’ à la mer Adriatique), et que les ordres pour le départ du Roi ont été retirés.

Images de La Nuit de Varennes (1982) d'Etore Scolla : Andréa Ferréol peut faire penser à Madame Adélaïde (son rôle est Adélaïde Gagnon, elle n'a rien à voir avec la tante du Roi...) et Laura Betty à Madame Victoire

Le 23 octobre 1798
à deux heures du matin

Après avoir fait leurs dévotions à la messe, qui leur est dite à minuit et demi les deux vieilles dames doivent de nouveau fuir. Elles ont dans leur carrosse, la duchesse de Narbonne, la comtesse, le comte, et le comte César de Chastellux ; dans un second carrosse sont la comtesse de Narbonne, Mesdemoiselles de Chastellux, l’évêque de Pergame, le médecin et le chirurgien de Mesdames. Les autres voitures doivent suivre de douze en douze heures.

« Mesdames continuent leur route jour et nuit. Le 24 octobre 1798 elles éprouvent un vent, un froid, une neige, qu’on ne connaît guère en Italie il faut employer onze heures pour faire douze milles et les valets-de-pied sont presque gelés sur les sièges des voitures.»

            Mesdames de Chastellux

Le 27 octobre 1798

Le Roi Ferdinand IV leur propose de venir le rejoindre pour le suivre, mais il les prévient qu’il n’a à leur disposition que peu de places, et leur laisse le choix de se rendre à Manfredonia où elles trouveront un bâtiment de guerre entièrement à leur disposition pour les mener où elles préféreront. Elles choisissent cette dernière proposition, ne voulant pas se séparer des personnes qui leur sont restées dévouées.

Le 30 octobre 1798

Lorsque Mesdames arrivent à Manfredonia après avoir souffert de la rigueur de la saison et éprouvé beaucoup de craintes par l’état de délabrement des lieux par où elles sont passées, elles ne trouvent pas le vaisseau qui leur a été annoncé ; elles l’attendent inutilement, et par suite des craintes que leur donne l’avancement des troupes françaises, elles se décident à embarquer sur une barque de pêcheur (une barque à huile) où elles et leur suite peuvent à peine se remuer.

Une barque des naufragés du Titanic qui fait songer à l'embarcation de Mesdames

Obligés d’entrer à Bari par la violence de la tempête, tous ont la frayeur de sentir couper les câbles de leur faible barque; pendant la nuit tandis que le tocsin sonne à force dans la ville qui est en pleine insurrection.

« Nous avons vu Madame Victoire atteinte d’une maladie mortelle, privée des remèdes et du repos qui lui étalent si nécessaires, réduite à accepter pour nourriture des poissons salés et du pain albanais cuit sous la cendre, ou du biscuit de matelot.»

            Mesdames de Chastellux

Le temps heureusement se calme, l’équipage peut remettre à la voile et  arrive à Brindisi sans nouveau malheur.

Brindisi

Mesdames expédient un courrier à Corfou où sont réunies les flottes Turques et Russes, pour demander des transports. Mesdames de Chastellux attestent qu’à travers tant de souffrances elles n’ont pas entendu Mesdames proférer une seule fois la moindre plainte.

« La suite de Mesdames était composée, Pour Madame Adélaïde, de la duchesse de Narbonne-Lara, dame d’honneur, de son fils le comte Louis de Narbonne, chevalier d’honneur, depuis ministre de la guerre ; pour Madame Victoire, du comte de Chastellux, chevalier d’honneur, de la comtesse de Chastellux, dame d’honneur, de leurs enfants, et de plusieurs personnes du service. M. Couture, architecte de Louis XVI, et chevalier de Saint-Michel, accompagnait aussi Mesdames. »

           Mémoires de la duchesse d’Abrantès

 

Au bout de vingt-deux jours

Une frégate Russe et un Brique Turc paraissent. Mesdames montent immédiatement à bord de la frégate, et dans la même matinée un petit corsaire français qui venait pour s’emparer de la misérable barque, est capturé par le bâtiment Russe.

Françoise de Narbonne-Lara (1734-1821) fait partie de la suite de Mesdames. Elle fut maîtresse de Louis XV mais devint dame d'honneur de Madame Adélaïde à la mort de Madame Infante (en 1759). En 1764, elle devint sa dame d’atours en succession de la marquise de Civrac. En 1781, la duchesse de Narbonne-Lara succéda à la duchesse de Beauvillier comme dame d'honneur de Madame Adélaïde.

Les deux escadres, la Russe et la Turque, rendent l’aspect de la rade imposant. En même temps, entre aussi le Bâtiment que l’on a supposé français et voulant les capturer ; il était au contraire à la recherche de Mesdames pour les secourir et était envoyé par la Cour de Naples qui l’a demandé au marquis de Niza commandant l’escadre Portugaise qui stationnait à Palerme. Le Bâtiment est La Reine de Portugal

Au bout de quarante-deux jours de séjour à bord les passagers ont la jouissance de se trouver à terre, mais dans une ville qui a supporté un des sièges les plus affreux et ne présente plus qu’un aspect de ruine de dévastation et de misère.

Mesdames sont dans un palais appartenant au Roi mais elles se trouvent fort mal logées; les appartements sont incommodes et très froids la neige couvre longtemps la terre, et Madame Victoire qui a beaucoup souffert de la rigueur de la saison dans la journée du 24 décembre 1798 est fort incommodée pendant son séjour dans cette ville.

Portrait d'une vieille femme, en buste, la tête enveloppée d'une coiffe par A. Carrier

Le comte de Chastellux s’occupe sans cesse des moyens de faire sortir Mesdames d’un pays qui devient, de jour en jour, plus dangereux ; ces princesses ne peuvent rien espérer d’idéal. Leur âge et leur santé ne permettent aucun parti hasardé leur suite, d’environ soixante personnes -parmi lesquelles se trouvent vingt-cinq femmes- est difficile à transporter.

Le comte de Chastellux ne peut se déterminer à exposer, sans une nécessité absolue, Mesdames en pleine mer sur un lougre. Elles craignent cet élément : un tel bâtiment à la merci du moindre corsaire, visité par tous les vaisseaux qu’il rencontre rend aussi, pour sa petitesse, l’image des dangers de la navigation plus vive et plus rapprochée.  Mesdames sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains.

Début janvier 1799

Madame Adélaïde est obligée de prendre la triste résolution de se remettre à bord avec la pauvre Victoire sur le bâtiment portugais, pour Trieste . Les escadres Russes et Turques reçoivent l’ordre de se rendre à Ancône, et l’état du pays ne permet pas de rester après leur départ. On part donc pour Trieste avec une frégate russe et un brique turc.

Plusieurs accidents rendent la traversée périlleuse mais l’équipage arrive à bon port. Mesdames couchent à Cérignola, terre qui appartient au comte d’Egmont. Elles sont reçues avec transport par les habitants attachés à leur Roi.

Le 16 janvier 1799

Mesdames arrivent à Trani, ville qui poursuit les jacobins et ferme ses portes aux déserteurs.

Le 26 janvier 1799

Mesdames quittent Trani. La ville de Bari les reçoit avec de très bonnes dispositions. Le comte de Chastellux juge que Mesdames ne doivent pas descendre dans une ville ou elles peuvent se trouver enfermées ; d’ailleurs elles sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains. Les malheureuses princesses, Madame Victoire souffrant d’un cancer, n’osent pas débarquer ; il y a plus de soixante personnes à bord les unes sur les autres allant sur terre pendant la journée mais revenant s’entasser dans leur triste gîte pendant la nuit.

Image de La Nuit de Varennes (1981) d'Etorre Scolla

Chacun n’a d’espace, dans ce bâtiment, que la largeur de son corps on n’a d’air que par l’ouverture du pont qu’on ferme le soir. Les uns sont couchés sur une natte, d’autres sur un coussin de voiture fort peu dorment sur un matelas. Soixante personnes -prêtres, vieillards, femmes et enfants- y sont entassées : tous les genres d’incommodités et de souffrances éprouvent leur courage.

Le 6 février 1799

On revient dans la rade de Brindisi.

Mesdames n’ont qu’une chambre avec deux petits lits ; leurs deux dames d’honneur couchent par terre sur un matelas qu’on relève le jour pour servir de siège. Il faut passer dans cette ambiance trente-et-un jours sans se déshabiller !

Intérieur d'une frégate, on imagine combien celle de Mesdames devait être fractionnée en cellules flottantes !

Il serait difficile de se faire une juste idée des désagréments de toute espèce que ce lugubre séjour réunit. Une seule ouverture placée au milieu du bâtiment, y répand avec un froid glacial une triste lumière qui n’en dissipe qu’imparfaitement l’obscurité. L’entrepont est si bas, qu’on ne peut y marcher que courbé, ni s’y asseoir qu’à terre sur une natte, un matelas ou un coussin de voiture, si on a pu se le procurer.

Bien avant le lever du soleil, les matelots commencent à laver le bâtiment, et y rendent tout sommeil impossible. Le bruit et la fraîcheur piquante du matin réveillent ceux qui souvent ne se sont endormis que peu d’instants auparavant, et le besoin de respirer un air moins étouffé les conduit sur le pont, ou du moins vers cette ouverture où l’on est exposé à toutes les inclémences de l’air.

Le moment des repas était peut-être plus triste encore que celui du réveil : les ustensiles nécessaires manquant, et la manière dont on distribue successivement à chacun sa portion tout autour de ce lieu si incommode et si sombre, est bien faite pour ôter l’appétit.

Tous les soirs un chapelain de Mesdames, à genoux près d’une lampe qui n’éclaire que lui, récite des prières auxquelles chacun répond du triste lit sur lequel il s’est retiré. Ensuite on cherche à dormir mais les longues heures de la nuit dont tant d’inquiétudes et de malaise se réunissent pour troubler le repos, sot encore plus cruelles que celles qui se sont écoulées pendant la journée. On aura peine à croire, qu’à travers tant de souffrances morales et de privations de tous genres Madame Adélaïde, dont la santé n’était pas altérée, conserve constamment sa vivacité, et sa gaîté même, et n’est occupée qu’à ranimer la fermeté quelquefois ébranlée des personnes qui l’entourent.

Le 15 mars 1799

On profite d’un vent favorable pour sortir de la rade de Brindisi ; bientôt le vent tourne au sud, et se soutient dans cette direction jusqu’au lendemain. Le capitaine de la frégate veut traverser le golfe, dans l’espérance de trouver à Valona un vent du nord qui y est presque périodique.

Dans la soirée du 16 mars 1799

Le vent devient très fort.

La nuit du 17 mars 1799

On traverse une véritable tempête qui dure les 17 et 18 mars et n’est pas encore calmée le 19 mars lorsque la frégate est approchée par un vaisseau de soixante-quatorze canons que l’on observe à une assez grande distance depuis la soirée de la veille. Les cordages qui amarrent les canons dans la chambre de poupe, où Mesdames sont couchées, ne peuvent suffire à les retenir dans cet ébranlement continuel, et plusieurs fois on craint qu’ils ne se détachent et ne viennent écraser les personnes qui sont étendues sur des matelas auprès des lits de Mesdames. Madame Victoire, qui était déjà bien malade, montre un courage dont l’effort lui est très nuisible.

Le mauvais état de la frégate ajoute encore aux inquiétudes que cette tempête donne au capitaine. Anciennement construite et toujours en courses depuis son départ de la Mer Noire, elle est pleine d’avaries et fait eau partout. Les pompes toujours en activité ne peuvent empêcher l’eau de croître d’une manière sensible. Les passagers sont relâchés en Albanie dans le petit port de Durazzo. Le Commandant y demande des réparations parce que le fort n’a pas entretenu la Frégate… car le Commandant du fort était absent et avait emporté la clef du magasin à poudre.

Le 24 mars 1799

On arrive à Durazzo. Cette entrée à Durazzo est un grand événement car il y a quarante ans qu’on ne voit plus dans ce port aucun vaisseau de guerre. On aperçoit alors aux jambes de Madame Victoire quelques taches de scorbut ; ses forces diminuent chaque jour.

On repart immédiatement de Durazzo.

 Le 28 mars 1799

L’équipage arrive à Corfou dans la matinée, après avoir employé quatorze jours à un trajet qui n’exige ordinairement que trente-six heures. Afin de prévenir toute incertitude de cérémonial le comte de Chastellux n’attend pas l’arrivée de la frégate pour se rendre à bord de l’amiral Outchakov (1744-1817).

L’amiral le reçoit avec la plus grande distinction la garde du vaisseau prend les armes. Le comte de Chastellux apprend alors que le vaisseau qui avait donné tant d’inquiétude est portugais, envoyé pour le service de Mesdames par lord Nelson et parti de Messine le 10 mars, c’est-à-dire cinq jours après l’arrivée à Brindisi, du secours que le comte de Chastellux, malgré tant de contradiction, a obtenu des Russes. Ce vaisseau est aussi chargé de porter a Trieste S. A. R. le cardinal duc d’York, les cardinaux Brasch et Pignatelli et les membres du gouvernement provisoire qui a été établi à Rome par le Roi de Naples ainsi que plusieurs autres personnes de la suite de Mesdames que les circonstances extraordinaires de leur départ avaient portées en Sicile. 

L'amiral Ouchakov

Après quelques moments d’entretien l’amiral Outchakoff montre son empressement de faire sa cour à Mesdames, et, offrant une place dans son canot au comte de Chastellux. L’amiral arrive à bord de la frégate de Mesdames avant quelle soit parvenue au mouillage et déjà l’anliral Cadir-Bey, commandant l’escadre turque s’y soit rendu de son côté. L’amiral Fiodor Outchakov complimente Mesdames avec le respect, avec les sentiments de zèle et d’attachement pour la bonne cause que Fon retrouve dans tous les généraux et officiers russes. Il s’occupe sur-le-champ de faire préparer, pour loger les princesses, le palais de l’archevêque, qui ne sera prêt que le Ier avril.
Le comte de Chastellux va le lendemain rendre visite à Cadir-Bey, qui parle assez bien italien et montre beaucoup de simplicité et de  bonhommie ; par une singularité remarquable, il y prend du café et fuma une pipe avec deux cardinaux des prélats, des moines romains et des membres du gouvernement provisoire établi à Rome par le Roi de Naples.

La ville de Corfou a été dévastée par les Français deux faubourgs très beaux et un quartier tout entier ont été détruits. Malgré leur ruine, les habitants donnent de grandes marques de respect et de zèle à Mesdames et des députés de la noblesse se tiennent presque toujours dans leur antichambre pour attendre leurs ordres leur garde est de quarante hommes, commandés par un officier.
On fait en même temps les arrangements nécessaires pour que Mesdames aient une escorte convenable lorsqu’elles partiront. Le vaisseau portugais envoyé  par lord Nelson prétend à l’honneur de les conduire  àTrieste. L’amiral Outchakov le désire aussi, pour ne pas se priver d’un vaisseau. Le comte de Chastellux est vivement touché de tous les témoignages d’attachement que Mesdames reçoivent des Russes. Il sait ce que Paul Ier prépare pour le salut de l’Europe et pour le rétablissement de la France.  Il assura constamment l’amiral Ouchakov que Mesdames n’accepteront le vaisseau portugais. L’amiral joindra à ce vaisseau deux frégates russes de cinquante canons dont l’une servira à transporter les cardinaux et les princes italiens.

II ne reste rien à désirer pour la sûreté ni pour la dignité de Mesdames. Après trois mois d’une responsabilité pénible par sa durée et par ses difficultés le comte de Chastellux aurait pu jouir de quelques dédommagements pour tant d’inquiétudes et de soins si la santé de Madame Victoire ne lui donnait les alarmes les plus vives.

Le 1er mai 1799

Le docteur Lavite décide que Madame Victoire est en état de partir, et qu’il faut qu’elle parte le 6 mai car il redoute pour elle l’air chaud et humide de Corfou, et il n’y trouve pas les remèdes nécessaires à son traitement. Il est convenu avec l’amiral Ouchakov, que la petite escadre destinée au service de Mesdames sera escortée jusqu’à la hauteur d’Ancône par le contre-amiral Pustokin, qui doit se porter dans le fond du golfe avec deux vaisseaux de ligne russes un vaisseau et quatre frégates turcs pour bloquer ou attaquer Ancône, suivant les circonstances.

Cependant, l’escadre du contre-amiral ne serait pas prête avant le 10 mai.

Le 6 mai 1799

Mesdames rembarquent sur le vaisseau la Reine de Portugal, après avoir fait en chaloupe le trajet de plus d’une lieue le commodore n’a pas cru pouvoir se rapprocher. Le soir même de l’embarquement les enflures reparaissent et ne cesseront plus. Le temps est en général très beau pendant la traversée.  L’escadre du contre-amiral quitte Mesdames à la hauteur des îles de Dalmatie pour se porter sur Ancône.

Trieste

Le 18  mai 1799

Au soir, le vaisseau portugais mouille à peu de distance de Trieste.  Le lendemain à neuf heures du matin, on entra dans la rade de Trieste. Aussitôt M. le comte de Brigido, gouverneur de la ville vient offrir ses respects à Mesdames avec chevalier Leilis, consul de Sa Majesté Catholique. Ils ne montent pas dans le vaisseau que l’on ne peut dispenser de quatorze jours de quarantaine, on les fait commencer du jour où, partant de Corfou, il avait cessé d’avoir des rapports avec les Turcs. La maison du consul d’Espagne, dans laquelle Mesdames doivent loger, servira pour leur quarantaine ; on l’entoure de gardes.

Carte reprenant l'odyssée de Mesdames Adélaïde et Victoire, itinéraire par Benjamin Warlop

Le lundi 20 mai 1799

Mesdames descendent à terre. Elles font ce trajet séparément, et chacune d’elles reçoit le salut royal de vingt-un coups de canon du vaisseau la Reine de Portugal, des deux frégates russes, d’un petit bâtiment de la même nation et d’un brick portugais. Madame Victoire reste levée assez longtemps le jour de son arrivée à terre; mais les enflures se trouvent considérablement augmentées.

L’Empereur a désigné, pour la résidence de Mesdames, la ville d’Agram en Croatie, comme la plus éloignée des inquiétudes que pouvaient causer les événements de la campagne qui vient de commencer. Les princesses ont souffert beaucoup pendant cette lamentable odyssée. Victoire surtout ; elle périssait du même mal que sa sœur Sophie, éprouve de continuelles nausées, sent venir l’angoisse suprême.

Madame Victoire (détail)
Portrait de vieille dame qui ressemble à l'allure de Mesdames de France durant leur périple
Madame Victoire par Adélaïde Labille-Guiard, 1787

Madame Victoire à peine débarquée est au plus mal, et reçoit tous les sacrement.

Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, Madame Victoire s’éteint doucement, ainsi qu’elle a vécu, sans colère ni rancœur.

Début juin 1799

L’état de Madame Victoire empire de jour en jour, elle succombe tout-à-fait à ses souffrances et expire à Trieste.

Le 7 juin 1799

Madame Victoire meurt à Trieste, d’un cancer du sein. Madame Victoire est enterrée à la cathédrale de Trieste, avec tous les honneurs dus à son rang. Des émigrés français portent le cercueil. Le comte de Chastellux fait dresser un acte de dépôt de ces restes précieux, afin que, dans des temps plus heureux, ils puissent être rendus aux tombeaux de nos rois, à Saint-Denis.

 

Madame Adélaïde par Heinsius
Vieille dame à l'agonie à laquelle Madame Victoire peut ressembler 

 

Neuf mois après, Madame Adélaïde termine sa vie… entourée de la duchesse de Narbonne, sa dame d’honneur, et de son fils Louis. On sait que Mesdames de Chastellux, faisant partie de la suite de Madame Victoire, quittent sa sœur, puisque leur relation s’achève à la mort de Madame Victoire. Madame Adélaïde est entourée jusqu’à la fin d’une suite de trente personnes.

Le 27 février 1800

Madame Adélaïde meurt, quelques mois plus tard, à l’âge de soixante-huit ans, à Trieste. C’est dans la cathédrale de Trieste qu’on l’ensevelit selon le rang qu’on lui reconnaît, aux côtés de sa sœur.

En 1815

Un des premiers soins du Roi, leur neveu Louis XVIII, après son retour en France, est d’envoyer l’évêque de Moulins à Trieste, pour réclamer le dépôt sacré qui avait été confié à la cathédrale de la ville. Une frégate française amène les restes de Mesdames à Toulon. Le zèle du curé de cette ville contribue à les faire respecter pendant les jours de deuil et d’erreurs qui souillent les fastes de 1815. De nouveaux ordres viennent de régler le transport de ces deux précieux cercueils qui doivent arriver le 20 janvier suivant à Saint-Denis.

 

Crypte dédiée à Mesdames Adélaïde, Victoire et Elisabeth, basilique saint-Denis, carte postale avant 1945

Sources :

  • Mémoires de la duchesse d’Abrantès
  • Louis XV (1989) de Michel Antoine, chez Fayard
  • Relation du Voyage de Mesdames, Tantes du Roi , de Caserte à Trieste, au moment de la mort de Madame Victoire par Mesdames de Chastellux
  • Mesdames de France (1989) de Bruno Cortequisse, aux éditions Perrin, Paris
  • Versailles passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Louis XV (1984) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
  • Madame Louis XV (1987) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
  • Les lettres de Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara
  • Louis XV (2014) de Jean-Christian Petitfils, aux éditions Perrin, Paris

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Content is protected !!
Retour en haut