Marie Adélaïde de France, dite « Madame Adélaïde », puis à partir de 1752 « Madame », quatrième fille et sixième enfant de Louis XV (1710-1774) et de Marie Leszczyńska (1703-1768).
Le 23 mars 1732
A cinq heures de l’après-midi
Naissance de Madame Adélaïde, Madame Troisième.
« La reine est accouchée d’une fille, en voilà quatre et deux garçons »
Pendant son accouchement, la Reine subit des saignées… Et après l’accouchement : de la purge, des bains et du jeûne.
Au bout de trois jours et pendant dix jours, deux bouillons et deux tranches de pain par jours. C’est seulement après les relevailles que la Reine pourra manger à sa faim. (Les relevailles c’est lorsqu’elle commence à récupérer un peu d’énergie -on se demande comment- et retourne à la messe).
Jusqu’à leur baptême en 1737, les filles de Louis XV porteront des numéros.
Le 19 février 1733
Décès de Madame Louise , Madame Troisième, née en 1728.
Le 7 avril 1733
Décès de Philippe, duc d’Anjou, né en 1730.
Le 11 mai 1733
Naissance de Madame Victoire, cinquième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska ( elle sera appelée Madame Quatrième) , dans la chambre de la Reine du château de Versailles.
Le 27 juillet 1734
Naissance de Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczynska, qu’on appellera Madame Sophie.
Le 16 mai 1736
Naissance de Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.
Adélaïde est élevée par la gouvernante des Enfants de France madame de Ventadour, celle-là même qui é éduqué Louis XV, remplacée peu à peu par sa petite-fille madame de Tallard, au château de Versailles, avec ses frères et sœurs . Elle est soumise, dès son plus jeune âge, à l’Étiquette, qui gère la vie quotidienne des princes, quel que soit leur âge. Madame Adélaïde a de nombreuses sœurs, qui encombrent peu à peu le château de Versailles, car la naissance répétée des filles de France fut une véritable tragédie pour l’Etat. Cette pouponnière royale coûte une dépense terrible si l’on juge l’énorme effectif de la « maison » des Enfants de France. Chaque princesse dispose, dès sa naissance, de huit femmes de chambre, soit rien qu’une cinquantaine de caméristes pour les seules filles du Roi !
Le 27 avril 1737
Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand. Dès ce jour, les fillettes, que l’on cessait de désigner par un simple numéro, acquièrent véritablement leur statut d’être humain.
La petite princesse commence à montrer un caractère fort. Il n’y a pas à regretter de duc d’Anjou, qu’elle fait aussi bien l’affaire !
Le 15 juillet 1737
Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.
En juin 1738
Le Cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud. C’est aussi une question d’économie pécuniaire comme de place au château…
Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote.
Mais Madame Adélaïde réussit à attendrir son père et reste à Versailles, où elle sera élevée avec ses deux sœurs aînées Madame Elisabeth (1727-1759), qui épousera en 1739 l’infant Philippe d’Espagne , et Madame Henriette (1727-1752).
Les trois fillettes y vivent dans l’ombre de leur frère le Dauphin Louis-Ferdinand. Louis XV, qui l’aime beaucoup, s’amuse à la surnommer «Madame Torchon» en raison de son goût pour les travaux domestiques.
Le 5 juin 1743
Pour la première fois Madame Adélaïde porte le grand habit. C’est le jour de sa confirmation.
Le soir, elle mange au Grand Couvert. Elle est rejoint par son frère le Dauphin et sa soeur, Madame (Henriette) qui y soupent depuis leur propre confirmation.
Le même mois
Au cavagnole de la Reine, Madame Adélaïde cache quatorze louis dans sa poche de l’argent qui lui est donné pour le jeu, sans que personne ne s’en aperçoive.
La jeune fille a en tête un plan qu’elle pense parfaitement organisé. A sept heures du matin elle se lève sans réveiller ni sa sous-gouvernante, ni sa femme de chambre qui dorment pourtant auprès de la princesse. Après s’être habillée seule d’un jupon et d’une robe, elle passe dans le cabinet qu’elle partage avec sa soeur aînée et tente avec difficulté d’en ouvrir la porte qui donne sur la galerie. Elle se blesse légèrement à la main mais accède enfin à la galerie. Seulement une de ses femmes de chambre s’y trouvant par hasard la ramène aussitôt dans son appartement.
« On lui demanda où elle avait intention d’aller ; elle dit qu’elle voulait aller se mettre à la tête de l’armée de Papa Roi, qu’elle battrait les ennemis et qu’elle amènerait le roi d’Angleterre aux pieds de Papa Roi. On lui demanda quel moyen elle avait pour exécuter ce projet ; elle répondit qu’elle connaissait un homme à qui elle avait obtenu une place à la Cour et qui irait avec elle. Mesdames n’ont point encore jusqu’à présent monté à cheval ; mais elles vont quelquefois se promener dans. le parc de Clagny montées sur des ânes, et l’on a chargé un petit garçon âgé de douze à quinze ans d’avoir soin des ânes. C’est là l’écuyer que Madame Adélaïde s’était imaginé de prendre pour faire le voyage avec elle.»
Mémoires du duc de Luynes
Madame de Tallard, la gouvernante est prévenue à son réveil. Au lieu de sermonner l’enfant, elle s’en amuse et bientôt l’histoire fait le tour de Paris. Jusqu’à ce qu’on lui signifie qu’on pourrait la blâmer du manque de surveillance évident des princesses. Elle en parle donc au Roi seulement plusieurs jours après. Louis XV en rit beaucoup, la gouvernante se protégeant en affirmant avoir «sérieusement grondé» Madame Adélaïde.
Juillet 1743
Mais la jeune princesse fait encore parler d’elle de manière assez scandaleuse :
« J’appris il y a deux jours une petite aventure de Madame Adélaïde qui est assez singulière. En général Madame Adélaïde a une imagination vive et un caractère déterminé. Son instrument favori est le violon, et quoiqu’on n’ait pas cherché beaucoup à la perfectionner dans cet amusement, elle y a réussi d’une manière étonnante.»
Mémoires du duc de Luynes
Suit l’épisode précédent.
Puis quelques jours plus tard :
« En général Madame Adélaïde a une souveraine aversion pour les Anglais ; elle disait il y a quelque temps qu’elle avait trouvé le secret de détruire cette nation. On lui demanda quel pouvait être un pareil moyen : « Je manderai, dit-elle, aux principaux, l’un après l’autre, de venir coucher avec moi ; ils en seront sûrement fort honorés, et je les tuerai tous successivement. » Comme elle n’entendait pas. ce qu’elle disait, on ne jugea pas à propos de le lui faire entendre davantage. On lui représenta seulement que c’était un sentiment bas et cruel que de surprendre et de faire mourir de la manière dont elle se proposait ; qu’il y aurait plus de noblesse et de courage de se battre contre eux. « Cela est vrai, dit-elle, mais Papa Roi a défendu les duels, et d’ailleurs cela intéresserait ma conscience.»
Mémoires du duc de Luynes
A onze ans, Madame Adélaïde se rêve en moderne Judith, à coucher puis à tuer les ennemis de son père !
Le 16 décembre 1743
A l’occasion du mariage entre le duc de Chartres (1725-1785) et mademoiselle de Conti prévu pour le lendemain, Louis XV demande que les fastes soient un peu réduits comparés au mariage de Madame Infante sa fille aînée en 1739.
Le 17 décembre 1743
La table des noces n’est pas carrée comme à son ordinaire mais en fer à cheval car toute la famille royal est réunie, princesses du sang compris (les princes n’ayant pas droit eux de se mettre à table avec la Reine et les princesses).
« Monsieur le Dauphin présenta la serviette au Roi. Le Roi et la Reine étaient au milieu de la table, Monsieur le Dauphin à la droite du Roi, Madame à la gauche de la Reine, Madame Adélaïde à la droite de Monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Chartres à la gauche de Madame, madame la princesse de Conti à la droite de Madame Adélaïde, madame de Modène à la gauche de madame la duchesse de Chartres, Mademoiselle à la droite de madame la princesse de Conti, mademoiselle de Sens la dernière à gauche, mademoiselle de La Roche-sur-Yon la dernière à droite. C’étaient les gentilshommes ordinaires qui servaient. Monsieur le comte de Charolais vit mettre le Roi à table, mais il ne fit aucune fonction. Monsieur de Livry avait le bâton. L’antichambre était éclairée de sept lustres, comme je l’ai déjà dit.»
Mémoires du duc de Luynes
Madame est la fille aînée de Louis XV depuis le départ de Madame Infante sa jumelle, qu’on connaît sous le nom de Madame Henriette.
Ce mariage est un véritable calvaire pour la princesse qui a longtemps cru possible pouvoir épouser le duc de Chartres lui aussi amoureux de la fille du Roi.
Toutes ces princesses d’âge mûr ne sont guère des exemples pour Mesdames et Marie Leszczyńska ne les supportent que par politesse. Le marquis de Livry est le Premier Maître d’Hôtel du Roi qui assure sa charge durant les grandes circonstances, ici un mariage princier. Il se tient à la gauche du fauteuil du Roi et ordonne au service. On constate, selon la règle immuable qu’aucun homme hors de la famille royale ne peut manger avec la Reine et les Filles de France, l’absence du marié à la table de ses noces ! Celui-ci soupe dans son appartement, en compagnie de son père, son beau-frère et tous les autres princes du sang et légitimés.
A la fin du Grand Couvert, ces princes se rendent à l’Antichambre afin de venir chercher le Roi et la Reine pour prendre part à la cérémonie du coucher des jeunes mariés. Les Filles de France se retirent.
Le 9 février 1744
Louis XV se plie habituellement au Grand Couvert chaque dimanche. Mais ce jour-là il préfère l’annuler pour retrouver mesdames de Châteauroux et de Lauraguais dans ses petits appartements.
C’est un véritable camouflet pour la famille royale et la Cour.
Le 8 avril 1744
Le Dauphin et ses sœurs assurent seuls le Grand Couvert. Madame Adélaïde sort de table incommodée.
Le 25 mai 1744, Pentecôte
Après la grande messe, la Reine s’installe au Grand Couvert entourée de ses enfants. Elle seule s’assoit dans un fauteuil au milieu de la table. Le Dauphin s’installe au bout à droite, Madame au bout à gauche et Madame Adélaïde à la droite de leur mère.
La gouvernante des Filles de France, madame de Tallard, se place derrière la plus jeune et madame de Luynes derrière la Reine. Le Dauphin a derrière lui un officier des gardes et son gouverneur monsieur de Châtillon. Les princesses et la Reine ont aussi un officier des gardes derrière chacune d’elles.
La Cour est particulièrement nombreuse ce jour-là.
Juin 1744
Le mariage de son frère avec Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est imminent.
Tandis que le Dauphin est en conversation avec Madame Henriette sur ses projets de promenades avec sa future épouse, la jeune princesse assise sur un canapé et se sentant négligée par ses aînés, s’ennuie et du coup pointe l’insolence. Madame Henriette toujours douce et aimable dit à son frère combien elle a entendu parler des grâces de l’infante, de son air noble et de son beau teint.
A ces derniers mots, la benjamine intervient enfin : «Je crois bien qu’elle est blanche car elle est extrêmement rousse.» Et continue à brosser un affreux portrait.
Madame Henriette tente tant bien que mal à calmer sa sœur. Le Dauphin clôt le débat en disant qu’il savait que sa future épouse avait bon caractère et que cela lui suffit.
Le 17 juin 1744
Marie Leszczyńska part se reposer à Trianon. Ses filles la rejoignent pour le jeu mais repartent souper à Versailles tandis que la Reine soupe en compagnie de ses dames.
Le 8 juillet 1744
Marie Leszczyńska et la Cour doivent faire face à un sérieux problème à la fois d’étiquette et de sécurité. Le Roi étant parti avec l’essentiel de sa Maison, il n’y a plus assez de gardes pour elle et ses enfants. Pire : sa mère, la duchesse de Lorraine et reine de Pologne doit rendre visite à sa fille mais sans garde suffisante, la situation est très complexe. La Reine de France ne peut recevoir sa mère dignement à Versailles et la relègue à Saint-Cyr.
La situation devient cocasse quand un des gardes tombe malade et du coup, à Trianon, durant le souper de la Reine et de ses enfants, ceux encore présents derrière chaque membre de la famille royale doivent se relayer pour ne laisser ni le Dauphin ni Mesdames seuls et en plus de souper en même temps avant la promenade prévue dans les jardins. Malgré ce manque d’effectifs, les gardes ne font pas attention pour autant : le même jour, un de sentinelle dans l’antichambre de Mesdames s’endort au balcon et tombe de la fenêtre. Il meurt sur le coup.
Le 28 septembre 1744
Mort de sa sœur, Thérèse-Félicité, Madame Sixième
Le 14 novembre 1744
Marie Leszczyńska vient dîner aux Tuileries dans la chambre de la Reine donnant sur les jardins. Malgré l’étroitesse des lieux, toute la cour s’y presse, ambassadeurs compris, en attente de l’arrivée prochaine du Roi en guerre depuis plusieurs mois.
Ses enfants la rejoignent après leur propre dîner à Versailles.
A neuf et quart du soir, la famille royale en son entier s’installe dans l’antichambre de l’appartement du Roi, bien plus spacieux, après l’arrivée de Louis XV à sept heures et le jeu dans la galerie.
« On ne peut pas se représenter la foule excessive qui était dans la galerie et la salle où le Roi mange.»
Mémoires du duc de Luynes
Les vingt-quatre violons jouent plus d’une demi-heure.
Le Dauphin a perdu son gouverneur le duc de Châtillon en disgrâce après Metz, néanmoins un sous-gouverneur reste derrière lui.
Après le repas, la famille royale se réunit seule une demi-heure.
Le 28 décembre 1744
Grand Couvert pour le mariage du duc de Penthièvre avec mademoiselle de Modène.
La cérémonie suit celle à peu de choses près ce qui s’est passé pour le mariage du duc et de la duchesse de Chartres. Le duc de Charolais fait fonction de grand maître, aidé par le maître d’hôtel de quartier. Il y a les mêmes princesses à table que la dernière fois, en plus de la famille royale, en y ajoutant désormais la nouvelle duchesse de Penthièvre. Madame Henriette est absente à cause d’une dent à arracher. Les princes du sang ne peuvent se mettre à table auprès de la Reine et de ses filles, marié compris.La foule, surtout populaire, est importante et des barrières doivent être installées dans l’Antichambre et la salle des gardes de la Reine. Mais aucune barrière ne doit être placée dans la grande salle des gardes, dite magasin. Le Dauphin et Madame Adélaïde ne suivent pas leurs parents et les princes et princesses pour le coucher des mariés dans l’appartement du comte et de la comtesse de Toulouse.
Le 30 décembre 1744
Louis XV offre à ses filles pour leurs étrennes, à l’une une paire de boucles d’oreilles de diamants et à l’autre une cave de cristal de roche.
Début 1745
Débarrassée de la favorite du Roi, la duchesse de Châteauroux, la famille royale retrouve avec bonheur Louis XV plus assidu aux Grands Couverts et surtout prêt à reprendre la conversation qui les termine chez la comtesse de Toulouse.
Le 7 février 1745
Le Roi impose un bal masqué chez ses filles. Le Dauphin et Madame Henriette n’aiment pas danser mais Louis XV estime «que cela ne faisait rien, qu’à leur âge, on aimait toujours à danser.»
Quelques jours auparavant, le Roi est parti à un bal masqué dans Versailles où la rumeur raconte qu’il y retrouva une dame qu’il ne quitta pas. C’est sûrement la raison pour laquelle il veut ce bal.
Le Roi aime être costumé afin de pouvoir passer une soirée incognito. Son épouse vient aussi au bal de leurs enfants, jusqu’à quatre heures du matin mais estime qu’elle ne doit plus porter de masque à son âge.
Louis XV fait réellement preuve de maladresse quand il s’agit de ses maîtresses vis-à-vis de sa famille.
Le 14 février 1744
Nouveau bal masqué chez Mesdames. Le Roi est costumé en paysan mais celui à genoux auprès de la Reine toute la nuit fait certainement diversion pour laisser Sa Majesté incognito.
Le 22 février 1745, Sceaux
Dîner de la famille royale, de dix-huit couverts : le Roi, le Dauphin à sa droite, la Dauphine à la gauche de la Reine, Madame Henriette à la droite de son frère, Madame Adélaïde à la gauche de la Dauphine, six princesses du sang et madame de Penthièvre, puis madame de Tallard, madame de Luynes et madame de Brancas (dame d’honneur de la Dauphine) et enfin une dame du palais de la Reine et une dame pour accompagner de la Dauphine à la place des deux dames d’atours qui ont refusé l’honneur du Grand Couvert.
Le 23 février 1745
Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles sa cousine l’infante Marie-Thérèse Raphaëlle, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.
Dans l’après-midi, après la cérémonie religieuse
Grand Couvert dans le grand cabinet de Madame la Dauphine entre le Dauphin, son épouse et Mesdames, les quatre assis dans un fauteuil.
Le Roi offre à cette occasion par l’intermédiaire du duc de Richelieu, premier gentilhomme de la Chambre, des médailles célébrant le mariage.
A cinq heures de l’après-midi
Louis XV vient chercher la Dauphine, accompagnée de son époux et de ses belles-sœurs, afin de la mener au manège assister au ballet La princesse de Navarre, musique de Rameau et livret de Voltaire.
Le château de Versailles ne dispose pas de salle de spectacle digne de ce nom et doit se contenter soit d’un théâtre dans le passage des Princes, soit pour de plus grandes festivités le manège de la Grande Ecurie. La famille royale se rend à l’écurie dans un carrosse de la Reine : le Roi, la Reine, le Dauphin, la Dauphine, Mesdames.
Un deuxième carrosse de la Reine transporte six princesses du sang, un troisième les hautes charges féminines des maisons royales. Deux carrosses de la Dauphine accompagnent les dames pour accompagner quand les dames du palais ont déjà utiliser un carrosse de la Reine avant l’arrivée de la famille royale.
La presse est telle qu’on entend «Bourrez !». Louis XV ne réussit à s’installer qu’à sept heures du soir.
Le ballet ne finit qu’à dix heures du soir. Si la musique et le spectacle dansé sont hautement appréciés, ce n’est pas le cas de la pièce, l’histoire étant jugée trop en la faveur de la France, au détriment de l’Espagne. L’Amour qui écrase les Pyrénées est jugé ridicule.
Après le ballet
Grand Couvert dans l’antichambre de la Reine.
Mesdames vont ensuite se coucher, ne pouvant assister à la bénédiction du lit nuptial.
Louis XV a donné ordre pour cette soirée et les deux suivantes d’illuminer toutes les façades du château à l’aide de terrines. Les ailes des ministres et les écuries sont également éclairées.
Le 24 février 1745
A six heures du soir
Bal paré au manège. L’arrangement pour les carrosses est le même que la veille. L’orchestre de cent cinquante musiciens joue sur la scène. Le Roi et la Reine sont du côté de la porte, les danseuses devant des deux côtés, les danseurs en face du Roi. C’est le Roi qui nomme les couples. Pendant une heure ce sont des menuets puis des contredanses. Le bal se termine avant dix heures pour le Grand Couvert.
Dix heures du soir
Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine. Il n’y a rien de prévu pour le reste de la soirée.
Le 25 février 1745
C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame Lenormant d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour) qu’il découvre dans le costume de Diane chasseresse.
A sept heures du soir
Appartement dans la grande galerie.
A sept heures du soir
Comme à l’accoutumé, il y a «soirée d’appartement» chez le Roi. Exceptionnellement, elle a lieu dans la Grande Galerie, où l’on a disposé, outre une grande quantité de tables de jeux diverses et variées, une grande table rectangulaire destinée à la partie de lansquenet du Roi dans le centre de la Galerie et une autre table, ronde plus petite, devant la porte du Salon de la Paix, réservée au cavagnole de la Reine.
Dans le Salon de la Guerre joue un orchestre d’une cinquantaine de musiciens, avec trompettes, timbales, tambourins…
A neuf heures du soir
Le Grand Couvert a lieu comme les autres soirs. Puis chacun se retire chez soi afin de se préparer pour un bal masqué qui doit se dérouler toute la nuit.
Durant cet intermède, les services des Menus Plaisirs et du Garde meuble font disparaître les tables de jeux de la Galerie afin de la préparer pour le bal.
Le Bal des Ifs, le jour Madame de Pompadour officialise son entrée à la Cour de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion)
Aucune invitation n’a été lancée : «On y entre, nous dit Barbier, sans distinction, en habit de masque à la main». Néanmoins, il a été prévu des filtrages aux deux entrées de ce bal : une à l’escalier de Marbre et l’autre à celui de l’Escalier du salon d’Hercule. Des huissiers demandent qu’une personne des groupes qui rentrent se démasque, se nomma et nommait les autres personnes. La foule devient telle et la bousculade si forte que les huissiers abandonnent et laissent tout le monde entrer. Il y a quatre grands buffets garnis de rafraîchissements de toutes sortes de vins, du saumon frais, des pâtés de truites, des poissons au bleu, des filets de sole et tout ce que l’on pouvait souhaiter la nuit d’un vendredi maigre. Les quantités sont si abondantes qu’on prétend que certains en fourrent plein leurs poches pour les revendre le lendemain au marché. Peu avant minuit, la Reine apparaît, sans masque revêtue d’une robe constellée de bouquets de perles avec sur sa tête, le Sancy et le Régent, les deux plus beaux diamants de la Couronne. Elle accompagne le couple de mariés, le Dauphin costumé en jardinier et la Dauphine en marchande de fleurs.
Un quadrille débute le bal avec le Dauphin, non masqué menant la Dauphine, le duc et la duchesse de Chartres, madame d’Andlau et monsieur de Ségur, tous costumés en bergers et bergères, en robes à paniers enguirlandées de fleurs, une corbeille fleurie à la main, puis on va s’asseoir sur une estrade préparée à leur intention afin de s’amuser à regarder les masques. Mais Louis XV n’est toujours pas là.
Un autre incident intervient au souper quand la princesse de Conti, fatiguée d’être restée debout, voulue s’asseoir sans trouver de sièges libres. Discrètement, elle se démasque, persuadée qu’en dévoilant son identité, elle trouvera aussitôt un siège mais personne ne se lève, feignant de ne pas reconnaître une princesse du sang. Furieuse, elle quitte le salon en déclarant haut et fort que de «sa vie qui est longue, elle n’avait vu des gens si malhonnêtes, il faut qu’on soit ici de bien mauvaise compagnie».
C’est au moment où la princesse quitte l’Œil-de-Bœuf que l’on peut assister à un surprenant spectacle : sept ifs exactement identiques, taillés en topiaires, s’avancent à la queue leu leu, tandis que la foule s’écarte pour les laisser passer. On a immédiatement deviné que le Roi se trouve parmi ces ifs.
C’est Louis XV qui, semble-t-il, a eu cette idée originale de déguisement, persuadé que personne ne pourrait le reconnaître.
Beaucoup d’indiscrétions ont couru sur les liaisons du Roi avec une mystérieuse inconnue et l’on sait que «le mouchoir” va être jeté ce soir-là. Beaucoup de dames meurent d’envie d’être la maîtresse du Roi et ce bal est une chance inespérée pour toutes les prétendantes à la succession de la duchesse de Châteauroux.
Madame d’Etiolles, costumée en Diane chasseresse, parle à un if : le règne de madame de Pompadour (1721-1764) débute.
Ce fameux bal ne devait s’achever que le lendemain vers les huit heures du matin.
La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain.
Le 22 juillet 1746
La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
Le 9 février 1747
Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe
En mars 1748
Victoire revient à la Cour. A son retour à Versailles, elle est, un temps, la coqueluche de la Cour, créant une rivalité éphémère à Madame Adélaïde, à qui elle vole la vedette. Jalousie passagère, à laquelle succède la plus franche amitié puis une profonde tendresse. Elle partage avec ses sœurs, leur «maison» et leur appartement, car dès lors, elles vivront toujours ensemble. Imbue de son sang, et quoiqu’elle reçût avec une certaine joie les hommages de son cousin le prince de Conti ainsi que ceux du prince François-Xavier de Saxe, Madame Adélaïde préfère rester célibataire.
Dotée d’un caractère vif, Madame Adélaïde sait s’imposer comme un véritable chef de famille auprès de ses sœurs. Seule la benjamine Madame Louise, qui entrera au Carmel en 1770, échappe à son ascendant.
Très proche de sa mère, la Reine Marie Leszczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.
Un tableau de Drouais rappelle l’intérêt de Mesdames pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier.
« Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.»
Madame Adélaïde a un quotidien monotone de princesse de France, c’est à dire des journées réglées par l’Étiquette interrompues par de rares distractions, où elle doit, entre autres, faire sa toilette et manger en public, changer plusieurs fois de robes, endurer le Grand habit de Cour, « faire sa cour » au Roi et à la Reine, recevoir les visites et les ambassadeurs, s’amuser sans joie dans des bals et divertissements réglés d’avance.
Sous la conduite des maîtres de musique, les enfants développent une pratique quasi professionnelle. Madame Victoire est d’ailleurs la plus douée de toutes et est largement célébrée par les compositeurs de l’époque : en 1751, Couperin lui dédicace son « Livre de pièces de clavecin ».
Le 13 septembre 1751
Naissance de son neveu, Louis-Joseph-Xavier (1751-1761), duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles.
Le 10 février 1752
Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans. Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.
C’est désormais Adélaïde qui sera appelée simplement Madame en tant que fille aînée (en vie) du Roi.
Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.
Le coffret de voyage de Madame Adélaïde :
Ce coffret de voyage au couvercle légèrement bombé présente des pentures sur les angles et les coins. Il est muni de poignées latérales. Le couvercle est à décor «dentelle». Il est frappé au centre d’un cartouche aux armes de Madame Adélaïde, sous une couronne fleurdelisée et encadrée de palmes nouées.
L’intérieur est gainé d’un papier moiré bleu. Les archives des Menus-Plaisirs montrent que presque chaque année, Mesdames, filles de Louis XV, commandent un, voire plusieurs coffres en maroquin. Lorsqu’ils sont jugés abimés, ils sont transmis aux membres de leur suite.
Les filles de Louis XV se font livrer également de grandes malles armoriées destinées à contenir leurs effets lors de leurs déplacements. Chacune d’elles a sa couleur, le rouge pour Madame Adélaïde, Madame Sophie a le jaune, le bleu pour Madame Louise et Madame Victoire le vert. Simonneau livre en 1752 cinq coffres recouverts de maroquin rouge armorié à Madame Adélaïde, puis Sirois prend la relève jusqu’en 1768. Des compartiments et des sacs intérieurs permettent de disposer corbeilles de toilette, chapeaux, paniers, tabatières, diamants ou même pièces d’or ou d’argent.
La chambre de Madame Adélaïde à Fontainebleau
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Fontainebleau , la vraie demeure des Rois )
Les dimensions actuelle de la pièce remontent à l’avancement la façade sur le Jardin de Diane en 1751 et la création de la rotonde en 1773. Elle fut d’abord la salle-à-manger du Roi en 1737. Madame Adélaïde en fait sa chambre en 1752 avant de devenir son grand cabinet en 1776. Louis XVI en fera son salon des jeux en 1783 et Madame Royale sa pièce des Nobles en 1786.
Les boiseries datent de Louis XV et la corniche de 1773. Les dessus-de-porte sont de Hubert en 1859.
Ce salon a conservé de nombreux meubles installés pour Marie-Louise en 1810. Il évoque ses principales activités : table à écrire, boîte à lettre, métier à brider et chevalet. Le piano-forte a appartenu à Hortense de Beauharnais. Les consoles en demi-lune et les chaises en acajou à dossier ajouré, de Jacob-Frères, proviennent de la Bibliothèque de l’Impératrice aux Tuileries et son installés en 1808 dans cette pièce.
Le 23 novembre 1753
La petite terrasse intérieure et discrète de Madame Adélaïde
(Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Au retour de Fontainebleau, Madame Adélaïde prend possession de son nouvel appartement. Pour cela, on a détruit l’escalier des Ambassadeurs et la petite galerie de Mignard.
Voici comment le duc de Luynes le décrit :
« On détruit entièrement ce bel escalier dont les marbres ne pourront point servir. On entrera dans cet appartement par le palier de l’escalier qui doit être du coté de la chapelle. Ce palier formera la première pièce. Le reste de l’appartement sera pris sur la petite galerie dont on recule le mur pour lui donner plus de largeur. L’autre palier de l’escalier ferra les garde-robes et une petit cour dans le milieu pour donner du jour».
La petite cour intérieure comporte une large terrasse avec un jardin suspendu, orné de treillage, d’une fontaine murale, des bancs et de plusieurs jardinières.
Au moment où Louis-Philippe décide de construire son escalier, il recouvre la cour. La terrasse se situait à l’emplacement de l’actuel escalier, face à la porte brute donnant sur le salon de Diane.
Au début de l’année 1770, cette terrasse sera recouverte pour agrandir l’appartement du Roi.
Être à côté de son père :
L’Appartement de Madame Adélaïde au Premier étage
(1754-1769)
( Texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cet appartement est construit à l’emplacement de deux lieux mythiques de Louis XIV : l’Escalier des Ambassadeurs et la Petite Galerie de Mignard. La nécessité de logements et l’état de délabrement de l’Escalier incite Louis XV à le détruire et loger sa fille favorite, Marie-Adélaïde de France. Les travaux sont très rapide (à peine deux ans). Et c’est au retour de Fontainebleau, le 23 novembre 1753, que Madame prit possession de son nouvel appartement. Il est composé de sept pièces principales et deux en entresol. Il possède également sa cour privée avec balcons de service et terrasse privative ornée d’une fontaine et d’un treillage.
En 1769, les amours de Louis XV et madame du Barry incitent le Roi à récupérer cet appartement. Il l’annexe au sien et ces pièces deviennent «les salles neuves». Madame Adélaïde rejoindra alors ses sœurs au rez-de-chaussée.
Seul vestige de cet appartement fortement modifié, est le cabinet doré réputé avoir reçu le petit Mozart de passage en France.
Le 23 août 1754
Naissance de son neveu, Louis-Auguste, futur Louis XVI, dont Adélaïde est la marraine.
Le 17 novembre 1755
Naissance de son neveu, Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.
Le 9 octobre 1757
Naissance de son neveu, Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.
Le 23 septembre 1759
Naissance de sa nièce, Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.
Le 6 décembre 1759
Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme, à Versailles.
Le 22 mars 1761
Mort de son neveu, Louis-Joseph, duc de Bourgogne (1751-1761).
Le 15 avril 1764
Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.
Le 3 mai 1764
Naissance de sa nièce Madame Élisabeth (1734-1794), future martyre de la révolution.
Suppression de l’ordre des Jésuites en France.
Le Grand Cabinet de Madame Adélaïde
(texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Louis XV veut garder ses filles auprès de lui, prétextant l’incommensurabilité des dots à pourvoir. Pour ce faire, il n’hésite à faire quelques concessions, comme la destruction de l’Escalier des Ambassadeurs, pour y loger sa fille Adélaïde. Tandis que Victoire, Sophie et Louise investissent l’Appartement mitoyen de la favorite au rez-de-chaussée, précédemment occupé par la veuve du comte de Toulouse.
C’est Madame de Pompadour qui a donné au Grand Cabinet sa forme actuelle, et la cheminée de marbre sérancolin a été posée pour elle.
Les riches boiseries qui l’ornaient ont entièrement disparu, mais les corniches faites pour Madame Adélaïde ont pu être rétablies. Les grands tableaux représentent Madame Adélaïde par Jean Marc Nattier et Madame Victoire jouant de la harpe par Étienne Aubry.
Madame Adélaïde pratique le violon, le violoncelle, la guitare, et même des instruments aussi incongrus que le cor ou la guimbarde. Elle a un véritable talent pour le violon dès l’âge de onze ans. A dix-huit ans, elle s’érige en véritable professionnelle, supervisée par le célèbre Jean-Pierre Guignon, qui ne tarit pas d’éloges sur son élève dans la dédicace d’un recueil de Pièces de différents auteurs à deux violons amplifiées et doublées :
« Je me ferais un scrupule de dissimuler que c’est elle qui m’a fourni les idées que j’y ai ajoutées pour toutes les agréables variations que la finesse de son goût, l’aisance de son jeu et la précision de son intelligence dont éclore de tous les morceaux qu’elle exécute.»
Les meubles en ébène et laque, par Martin Carlin, étaient dans le Grand Cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue, tandis que les sièges par Georges Jacob, proviennent du Salon des Jeux de Louis XVI à Saint-Cloud.
Madame Adélaïde chante comme un contralto, d’une façon presque masculine. Cette voix de baryton s’accorde parfaitement à son physique, celui d’un garçon manqué.
En 1764
Mozart lui dédie son «Œuvre première de sonates».
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand (1729-1765), son frère, meurt, à l’âge de trente-six ans.
Le 25 avril 1766
«Madame la Dauphine a été attaquée ces jours derniers par une toux opiniâtre à la suite de laquelle est survenu un crachement de sang. Cette princesse a été saignée deux fois...»
lit-on dans la Gazette de France.
Le 11 mars 1767
Marie-Josèphe de Saxe revoit ses fils pour la dernière fois.
Elle confie ses enfants à Madame Adélaïde :
«Voilà mes orphelins, soyez, pour eux le père et la mère…»
A Madame Adélaïde, Marie-Josèphe lègue une boîte bleue émaillée ornée du portrait du Dauphin, une boîte de ses cheveux également avec son effigie, et la cassette où est contenu le «trésor», c’est-à-dire tous les papiers de Louis-Ferdinand.
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), sa mère.
En 1769
Après la destruction de l’Escalier des Ambassadeurs, en 1752 , il y a à cet emplacement le Cabinet de retraite de Madame Adélaïde. Il est décoré de vernis des frères Martin. Puis, elle en fait sa salle de bain (1769) décorée de carreaux de hollande fournis par le marbrier Deschamps. Le dallage était de pierre de Liais et cabochons de marbre noir.
La chambre de Madame Adélaïde
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Ce fut la chambre à coucher du comte de Toulouse de 1724 à 1737, du duc de Penthièvre de 1737 à 1744 et de la duchesse de Penthièvre de 1744 à 1750. Elle devint alors la chambre de la marquise de Pompadour qui y mourut le 15 avril 1764. Chambre de Marie-Josèphe de Saxe en 1766 mais la Dauphine mourut le 13 mars 1767 sans avoir pu s’y installer. Cependant, après sa mort, elle fut exposée ici sur un lit de parade. C’est la chambre de Madame Victoire de 1767 à 1769 et enfin celle de Madame Adélaïde de 1769 à 1789.
Les boiseries ont été exécutées pour la Dauphine en 1766 par Verbeerckt, à l’exception des bordures des dessus-de-porte qui sont un «réemploi» du décor de la chambre de madame de Pompadour : elles encadrent quatre peintures de Natoire représentant des allégories de la Peinture, la Sculpture, l’Architecture et la Musique.
Il remplace le lit à la duchesse, c’est-à-dire placé perpendiculairement au mur, plus monumental, qui figurait dans cette vaste chambre jusqu’à la Révolution. L’appellation de ce type de lit changeait selon l’humeur des ornemanistes : «lit à trois dossier», «lit d’alcôve», «lit à niche», «lit à l’italienne» …
La pendule sur la cheminée correspond en tout point à celle livrée en décembre 1771 pour la chambre à coucher de la comtesse de Provence à Versailles. Le lit à trois dossiers a été associé à une impériale, ornée de fleurs telles que le pavot, associées au sommeil.
Stylistiquement, ce lit, qui provient d’un château normand, peut-être daté des années 1770-1775 dites de style «transition». En effet, si la répartition de la sculpture est parfaitement assimilée, il reste encore quelques «archaïsmes» comme ces ressauts sur la traverse basse, ou ces grandes feuilles d’acanthe placées maladroitement au milieu de chacune des traverses. De Georges Jacob, le Musée du Louvre le reçoit en legs par Isaac de Camondo en 1911. Le Louvre le dépose au château de Versailles en 2013.
La commode est livrée par Joubert en 1770 pour la chambre de Madame Adélaïde au château de Bellevue.
Le cabinet Intérieur de Madame Adélaïde
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette pièce fut créée en 1724 par le cloisonnement du vestibule dorique pour servir de seconde antichambre au comte de Toulouse. Madame de Pompadour en fit son cabinet particulier qu’elle décora de panneaux de laque à fond rouge. La pièce était alors moins profonde et elle ouvrait, au fond, sur un arrière-cabinet obscur, où aboutissait l’escalier particulier de Louis XV. L’aménagement actuel date de Madame Adélaïde, mais seuls subsistent les panneaux sculptés des dessus-de-porte : ils encadrent des peintures de Jean-Bernard Restout représentant «Les quatre Saisons» et proviennent du château de Bellevue. Les portraits ovales sont ceux des neveux et nièces de Madame Adélaïde : le comte de Provence et le comte d’Artois, tous deux par Louis-Michel Van Loo, et Madame Clotilde par Joseph Ducreux.
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry (1743-1793) est présentée à la Cour.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793).
Le 30 mai 1770
Durant le feu d’artifice qui clôt les festivités à Paris, un incendie s’est déclaré rue Royale, créant un mouvement de panique ; de nombreux passants ont été écrasés par des voitures et piétinés par des chevaux. Le bilan officiel fait état de cent trente-deux morts et des centaines de blessés.
Les jeunes époux sont atterrés. Le Dauphin écrit aussitôt au lieutenant de police, Sartine :
« J’ai appris les malheurs arrivés à mon occasion ; j’en suis pénétré. On m’apporte en ce moment ce que le Roi me donne tous les mois pour mes menus plaisirs. Je ne puis disposer que de cela. Je vous l’envoie : secourez les plus malheureux. »
La lettre est accompagnée d’une somme de 6 000 livres. La Dauphine et Madame Adélaïde suivent cet exemple honorable.
Prévenue contre Madame du Barry dès Son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie.
Encouragée par le clan Choiseul et Madame Adélaïde et ses sœurs, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travailkle, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
« Madame la Dauphine … soupa avec le Roi et prit occasion de lui demander son consentement pour qu’une nommée Thierry, femme du premier valet de chambre de M. le Dauphin, fut placée chez Mme la Dauphine en qualité d’une des premières femmes de chambre, ce que le Roi accorda sur-le-champ. Cette Thierry, ainsi que son mari, sont créatures du duc de La Vauguyon et par conséquent conviennent peu au service de Mme la Dauphine. S.A.R. en paraissait même persuadée à la suite des représentations que je lui avais faites à ce sujet ; mais Mme l’archiduchesse s’est enfin déterminée par deux motifs dont elle m’a dit le premier et dont j’ai deviné le second. Le premier a été que Mesdames, peu instruites des choses, ont désiré contre toute raison que cette femme fût placée, et ont tourmenté Mme l’archiduchesse a consisté Mme la Dauphine pour qu’elle la demandât au Roi. Le second motif de Mme l’archiduchesse a consisté en ce que la dite Thierry a un enfant de quatre ans assez vif et joli, et que S.A.R. est bien aise de rapprocher d’elle en vertu de la passion qu’elle a pour les enfants.»
Mercy d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse
« La future première femme de chambre a occasionné un petit mouvement d’aigreur entre Madame la Dauphine et sa dame d’honneur. Madame la Dauphine a trouvé qu’on différait trop longtemps de mettre la survivancière en exercice. Je ne sais qui l’a conseillée, elle a cru avoir le droit de la mettre en possession quoiqu’elle n’eût pas de brevet ni prêté serment. Elle n’en avait pas parlé à Madame de Noailles et lui a fait seulement dire par cette femme de chambre ( madame Thierry ). Madame la Dauphine ne m’en a parlé qu’après avoir donné cette mauvaise commission… J’ai eu à essuyer les plaintes de Mme de Noailles plus piquée qu’elle ne l’a encore été et reparlant plus que jamais de quitter Madame la Dauphine à qui cette menace est revenue, apparemment par Mesdames, a pris son parti à cet égard. Elle ne serait pas fâchée que Madame de Noailles quittât dans un an ou deux, et s’était déjà fait un petit système pour la remplacer… J’ai représenté à Madame la Dauphine … que dans l’état actuel, on lui donnerait sûrement une des dames en faveur. L’ascendant des tantes est plus fort que jamais , je me casserais le nez si je voulais la combattre directement.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Le Boudoir de Louis XV,
Pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames de France à l’Opéra
( Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…
Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y rendre discrètement. Toujours dans ce soucis de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer. De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel.
Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.
Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise qui devient Sœur Thérèse de Saint-Augustin.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 16 avril 1771
« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1772
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
La frivole Dauphine déplaît bientôt à Sa tante et c’est dans les salons de celle-ci qu’elle fut pour la première fois surnommée « l’Autrichienne », surnom qui La poursuivra jusque sur l’échafaud.
La princesse a du caractère mais il semble, selon les dires de Mercy-d’Argenteau qu’elle se fasse influencer par sa dame d’atours, la comtesse de Narbonne (1734-1821), qui a été la maîtresse de son royal père :
« La comtesse de Narbonne, dame d’atours de Madame Adélaïde, gouverne entièrement cette princesse, et voudrait aussi par son moyen gouverner Mme la dauphine; elle y a déjà réussi en bien des choses, mais la présence de l’abbé de Vermond met un obstacle à l’entière exécution de son projet, et cela me fait craindre que cette dame d’atours pourrait bien s’occuper des moyens d’écarter l’abbé.»
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père. Elles attraperont d’ailleurs la petite vérole…
Le 30 avril 1774
Le visage du Roi est couvert de pustules.
Dans la nuit du 7 mai 1774
Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.
Jeanne du Barry quitte Versailles .
Le 9 mai 1774 au soir
L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
À la mort du Dauphin (1765) puis de la Dauphine (1767), Madame Adélaïde est dépositaire de leurs papiers, ainsi que d’une instruction destinée au futur Roi. Ce document est ouvert le 12 mai 1774 dans un petit conseil de famille, en présence de Louis XVI. Il désigne trois premiers ministres possibles : Maurepas (1701-1781), d’Aiguillon (1720-1788) et Machault (1701-1794).
C’est Maurepas que Louis XVI choisit.
En 1774
Louis XVI fait donc à ses tantes du domaines de Bellevue à Meudon.
Le château de Bellevue
Le château de madame de Pompadour puis de Mesdames
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Madame de Pompadour revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.
Au décès de Louis XV, en 1774, le château est attribué par Louis XVI et Marie-Antoinette aux filles du Roi défunt, et tantes du nouveau monarque, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Bien que logeant principalement au Château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames viennent à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette. Celles-ci font transformer le décor intérieur par Richard Mique et font agrandir les jardins vers le Sud.
Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier.
Le château sera vendu à M. Testu-Brissy, qui le fera abattre
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.
Service à thé chinois,
Dans les collections de Mesdames Adélaïde et Victoire
Il s’agit du cabaret chinois vendu à Louis XVI en décembre 1774, puis rendu l’année suivante et ensuite cédé à ses tantes Madame Adélaïde et Madame Victoire en décembre 1775. Chaque cartel, bordé d’une dentelle d’or régulière, montre des scènes animées avec des petits personnages, des oiseaux, des haies et des rochers fleuris traités en ors. Les visages et les vêtements colorés sont soulignés d’un trait d’or. Une tasse présentant un décor dans un médaillon provient d’un réassortiment. Fait exceptionnel, l’artiste Louis-François Lécot a signé son patronyme en or. Le service à thé chinois est racheté par Versailles en vente publique le 7 juillet 1992.
Le bureau à cylindre de Madame Adélaïde
Conservé à Waddesdon Manor, ce meuble n’est pas estampillé, mais, au cours d’une restauration, il a été possible de déchiffrer les vestiges d’une étiquette sur laquelle apparaissent les éléments suivants : «R./ sterie… ronzes./ … Princes…», d’où l’on peut déduire en clair «Riesener, Ebénisterie, Bronzes, Cour des Princes à l’arsenal», indication correspondant à la référence
« Livré Pour Le Service de Madame Victoire de France dans son Cabinet de retrait au Château de Versailles un Bureau à cylindre de marqueterie même forme que le Bureau de Madame fait en 1773. ayant 3 Pieds 8 Pouce de large sur 2 pieds de profondeur et 3 pieds 4 Pouce de haut composé de 5 tiroirs au corps du Bureau, et un serre-papier contenant 3 tablettes et six tiroirs, dont un est garni d’un Ecritoire de 3 pièce argenté, et un Coffre fort a Segrêt, fermant par une clef particulière. La table garni de velours noir environne d’un cadran ajusté de façon de Pouvoir L’avancé ou reculer. avoir ajusté au-dessus du Bureau une table a pupitre Servant a Ecrire debout, avec deux tiroirs garni d’un Ecritoire de trois Pièces argenté, La fermeture Consiste a des ressorts mécanique Lesquels moyennant une tour de Clef se développent font ouvrir Le cylindre découvrent tous les Papiers, et ouvrent en même tems tous les tiroirs. La marqueterie composé de vingt Panneaux en façon de tableaux de différents grandeur, représentant des trophées, des guirlandes, et Grouppes de fleurs, des fruits et Plusieurs attributs de la Poésie et Littéraire, Les armes et Chiffre de la princesse, Le tout en Piece de Rapport et en marqueterie ombré imitant la peinture incrusté dans un fond de satiné gris, environné des filet blanc et noires, et des frises d’amarante, Pour faire fond à la dorure. Ornée très Riche de quantités de moulures qui Environnent tous les Panneaux de marqueterie, des grands Cadres et balustrade uni et ciselé régnant au Pourtour du Bureau, des Grands Consols dont La partie d’en haut représente des branches d’olivier, et sont supporté en bas par des griffes de lions deux grands girandoles à 2 Branche Chacun Portant Les Bougis Pour Eclairer le bureau. Plusieur frises en feuilles d’ornements, des médaillons qui servent de portants aux tiroirs, Le tout de bronze ciselé et ajusté avec La dernière précision et doré en or-moulu. Pour… 15 680 (livres) (réduit à 14000 livres)».
Une mauvaise interprétation des lettres MA en marqueterie, entrelacées dans un cercle sur les côtés, a longtemps fait considérer cette pièce comme provenant du mobilier de Marie-Antoinette. Cette hypothèse reprise dans divers descriptifs anciens des collections de Waddesdon, fut remise en cause par les recherches de Pierre Verlet, qui suggéra que le bureau à cylindre avait pu être destiné à l’une des tantes du Roi.
En date du 7 septembre 1776, on trouve la description d’un bureau très similaire livré pour Madame Victoire.
Le bureau apparaît à nouveau dans le journal du Garde-Meuble en 1777, mais avec une description moins détaillée. La lecture du chiffre figurant sur les côtés n’ayant jamais vraiment été résolue, on peut s’en tenir à l’hypothèse selon laquelle le bureau aurait appartenu à l’une des deux tantes de Louis XVI, soit Madame Victoire, soit Madame Adélaïde, connues toutes deux pour leur prédilection à posséder des meubles de qualité, de prix élevé, et, avant tout, à la pointe de la mode.
La marqueterie est d’une exécution parfaite et les attributs de Minerve, de la poésie et de la littérature, ainsi que les motifs de fleurs semblent indiquer un destinataire féminin.
Le bureau à cylindre de Madame Adélaïde apparaît comme une version réduite du bureau du Roi réalisé par Œben et Riesener, livré en 1769. Ses pieds cambrés appartiennent au style Louis XV. Les deux bureaux à cylindre de Waddesdon, celui du musée Gulbenkian et celui de Buckingham Palace montrent les mêmes bras de lumière en bronze, inspirés des modèles créés par Jean Claude Thomas Duplessis dit Chambellan pour le bureau du Roi.
La petite Cour de Mesdames en forme une à part : on l’appelait la vielle Cour. Les habitudes y sont fort régulières. Les princesses passent tout l’été à Bellevue où leurs neveux et nièces viennent sans cesse leur demander à dîner familièrement et sans être attendus. Le coureur qui les précède de quelques minutes les annonce. Lorsque c’est le coureur de Monsieur, on avertit à la bouche, et le dîner est plus soigné et plus copieux. Pour les autres, on ne dit rien, pas même pour le Roi qui avait un gros appétit mais n’est pas à beaucoup près aussi gourmant que son frère. La famille royale, à Bellevue, dîne avec tout ce qui s’y trouve, les personnes attachées à Mesdames, leurs familles, quelques commensaux ; en général cela forme de vingt à trente personnes. Madame Adélaïde, sans comparaison, la plus spirituelle des filles de Louis XV, est commode et facile à vivre dans l’intérieur, quoique d’une extrême hauteur. Lorsqu’il arrive à un étranger de l’appeler Altesse Royale, elle se courrouce, faisait tancer l’introducteur des ambassadeurs, même le ministre des affaires étrangères, et s’entretient longtemps de l’incroyable négligence de ces messieurs, Elle veut être Madame, et n’admet pas que les Fils de France prennent l’Altesse Royale. Elle av l’horreur du vin dont elle ne boit jamais, et les personnes qui se trouvent placées près d’elle à table se détournent d’elle pour en boire. Ses neveux ont toujours cet égard. Si on y manquait, elle ne dirait rien, mais on ne se trouverait plus dans son voisinage à table et la dame d’honneur vous indiquerait de vous éloigner de la princesse. En ménageant quelques-unes de ses susceptibilités, et surtout en ne crachant pas par terre, ce qui la provoque presque à des brutalités, rien n’était plus doux que son commerce.
Madame Victoire a fort peu d’esprit mais une extrême bonté. C’est elle qui dit, les larmes aux yeux, dans un temps de disette où on parlait des souffrances des malheureux manquant de pain :
« Mais, mon Dieu, s’ils pouvaient se résigner à manger de la croûte de pâté ! »
A Bellevue, on vit tous ensemble, on se réunit pour dîner à deux heures, à cinq chacun rentre chez soi jusqu’à huit. On retourne au salon et, après le souper, la soirée se prolonge selon qu ‘on s’amuse plus ou moins. Il vient du monde de Paris et de Versailles ; on fait un loto ainsi qu’après le dîner. On aura peine à croire qu’à ce loto les comptes étaient rarement exacts et que, dans une pareille réunion, plusieurs personnes étaient notées pour être la cause de ces mécomptes. Il y a, entre autres, un saint évêque qui était le plus aumônier des hommes, une vieille maréchale, enfin assez de monde pour que ma mère m ‘ait dit qu’elle s’était décidée à jouer sur les mêmes numéros, sous prétexte de faire des nœuds de sorte que tout le monde savait son jeu d’avance, rapporte la comtesse de Boigne.
Après le loto, les princesses et leurs dames travaillent dans le salon, et la liberté y est assez grande.
A Versailles, c’est une tout autre vie. Mesdames entendent la messe chacune de leur côté : Madame Adélaïde à la chapelle, Madame Victoire, plus tard, dans son oratoire. Elles se réunissent chez l’une ou chez l’autre pendant la matinée, mais tout à fait dans leur intérieur et dînent tête à tête. A six heures, le jeu de Mesdames se tient chez Madame Adélaïde ; c’est alors qu’on lui fait sa cour. Souvent les princes et princesses assistent à ce jeu ; c’est toujours le loto.
A neuf heures, toute la famille royale se réunit pour souper chez Madame, femme de Monsieur. Ils y sont exclusivement entre eux et ne manquent que bien rarement à ce souper. Il faut des raisons positives, autrement cela déplaît au Roi. Le comte d’Artois lui-même, que cela ennuie beaucoup, n’ose guère s’en affranchir. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
La princesse de Guéménée (1743-1807), malgré sa réputation douteuse, est la gouvernante des Enfants Royaux de Louis XVI dès la naissance de Madame Royale. La Reine l’entoure alors d’égards :
« J’espère que vous serez contente du logement quoique petit, le Roi en a été occupé toute la matinée dès neuf heures du matin et il en a fait décamper mes tantes qui y étaient établies.»
En 1780
Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.
La cheminée de Madame Adélaïde
en marbre bleu turquin (1780)
Cette cheminée est exécutée pour le cabinet de Madame Adélaïde en 1780 au château de Fontainebleau.
Son cabinet se situe au rez-de-chaussée de l’avancement de la façade sur le jardin de Diane en 1751 et la création de la rotonde en 1773. Elle est d’abord la chambre de Madame Adélaïde en 1752 avant de devenir son grand cabinet en 1776. Louis XVI la transformera en salon des jeux en 1783 avant de la céder à nouveau à Madame Adélaïde qui en fera sa pièce des Nobles en 1786.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François premier Dauphin.
La commode de Madame Adélaïde (1776)
par Jean-Henri Riesener
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Commandée le 5 octobre 1776 par le Garde-Meuble de la Couronne à Jean-Henri Riesener, la commode est livrée le 18 décembre 1776, sous le numéro 2881, inscrit sur les panneaux arrière. Elle est ainsi décrite :
« une commode de marqueterie de 4 pieds 2 pouces de large 22 pouces de profondeur et 34 pouces de haut à dessus de marbre blanc veiné, et 5 tiroirs fermant à clef, représentant par devant au milieu un vase de jaspe sanguin garni de fleurs dans un fond de satin gris, orné de moulures, cadres, consoles, chutes, feuilles d’ornements, soupente et guirlandes ; le tout de bronze ciselé doré d’or moulu».
D’un modèle riche, de marqueterie losangée et de couleurs, elle figure parmi les premières productions que l’ébéniste fournit à la Famille Royale, alors qu’il vient, en 1774, d’être nommé ébéniste ordinaire du Garde-Meuble de la Couronne.
Il livre en 1776 trois commodes de ce type pour des membres de la Famille Royale. Le modèle plaît par la puissance de son architecture, l’élégance de ses bronzes et le jeu de ses bois. Sa marqueterie de couleurs s’appuie sur un dessin de treillage très architecturé. Les ovales cantonnant les losanges étaient teints en bleu et au centre de ces derniers apparaît la fleur de tournesol, motif cher à Riesener.
Quant au dessin de marqueterie du panneau central à décor de vases de fleurs, il relève de l’une des deux sources d’inspiration généralement utilisées par l’ébéniste qui alterne entre trophées allégoriques et sujets pastoraux.
Enfin la commode se remarque par le traitement riche de ses bronzes, de très grande qualité, et leur mouvement, comme celui des chutes encadrant le panneau central, qui accompagne et souligne avec élégance l’architecture du meuble selon les formules mises au point par le célèbre ébéniste.
Le 2 mars 1782
Mort de Madame Sophie, sa sœur.
Début septembre 1782
Leurs Majestés viennent de partir à Compiègne. Le Roi va se tuer pendant quatre jours à la chasse. Puis il reviendra à Versailles. La Reine restera deux journées à Louvois, en Champagne, dans la magnifique maison de campagne de Mesdames Adélaïde et Victoire. De là, Elle ira à la Muette où le Roi ira également passer quelques temps.
De Madame Victoire à Madame Adélaïde,
Le déplacement incessant des bibliothèques des Filles de France
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
A l’instar de ses sœurs Mesdames Adélaïde, Sophie et Louise, Madame Victoire souhaite une nouvelle bibliothèque dans son appartement. Gabriel l’établit dans un espace contigu au cabinet intérieur et annexé sur l’ancien appartement de jour de la Comtesse de Toulouse, décédée en septembre 1766. Éclairée par une croisée sur le parterre et entresolée, la bibliothèque est chauffée par une cheminée surmontée d’une glace. Les travaux de la bibliothèque sont achevés au mois de novembre, puisque à la date du 16 novembre 1767 Pitoin livre un nouveau feu à figure dans le «cabinet en bibliothèque».
Après le mois de juin 1774, Madame Adélaïde laisse la jouissance de sa bibliothèque sur le Parterre nord à Madame Victoire qui dispose ainsi de deux bibliothèques. On mure le passage avec le cabinet intérieur, et Madame Adélaïde se fait établir une nouvelle bibliothèque à deux croisées à la place de ses bains sur la Cour royale. On accède à cette nouvelle bibliothèque par un long corridor prolongé à ce moment là, qui part de sa chambre à coucher et qui est pris en partie sur le passage menant de la Cour royale à la petite cour du Roi.
Les travaux s’échelonnent de septembre à octobre 1774 pour établir cette grande pièce rectangulaire après la destruction de la cloison centrale. Le même mois, Guesnon et Clicot demandent 15 000 livres pour des travaux exécutés en menuiserie chez Mesdames, durant le voyage de la famille royale à Fontainebleau, tandis que les frères Rousseau interviennent également dans ces pièces, sans que l’on sache quoi que ce soit du décor. A la fin du mois d’octobre 1774, les principaux travaux sont presque achevés puisque « le sculpteur vient de rendre tout ce qu’il avait entre les mains pour l’appartement de cette princesse », et il ne reste qu’à poser, ferrer et peindre la menuiserie de la bibliothèque. Le 6 novembre 1774, on délivre trente glaces blanches pour les armoires de la bibliothèque qui recouvrent tous les murs de la pièce.
Au printemps de 1780, quelques changements sont précisés dans la bibliothèque de Madame Adélaïde. Manquant de plus en plus de place pour disposer ses ouvrages, la princesse demande la dépose et la suppression de la glace entre les deux croisées afin de créer un nouveau corps de bibliothèque «avec sailli à hauteur d’appui avec un dessus de marbre». A la suite des nombreux retards, le marbre de Sicile nécessaire à cette tablette et à deux encoignures de la pièce n’est délivré que le 5 avril 1781. Une nouvelle porte est également percée dans le corridor longeant le mur de la bibliothèque afin de le faire communiquer avec les cabinets du tour.
Alors qu’aucune modification n’est apportée à son appartement en 1782, Madame Adélaïde exige le retour de ses bains sur la Cour royale l’année suivante. La destruction de la bibliothèque entraîne l’édification d’une nouvelle bibliothèque en lieu et place des anciens bains sur la cour des Cerfs, dont les travaux débutent le 21 février 1781. Les cloisons entre la chambre des bains, le passage et la pièce des chaudières doivent être abattues pour ne former qu’une seule grande pièce rectangulaire. La cheminée en marbre d’Antin, surmontée d’un trumeau de glace, est conservée. La pièce des bains doit devenir un supplément de bibliothèque chauffé par un poêle disposé sous l’appui de la fenêtre. De simples corps de bibliothèque vitrés se développent sur le pourtour des deux pièces. La conception assez simple de cette bibliothèque permet un achèvement rapide des travaux puisqu’en avril 1783 les dernières finitions sont apportées à cette pièce.
Le déménagement des bains de la cour royale permet à Madame Adélaïde de développer considérablement sa bibliothèque dans trois pièces distinctes. Accessibles uniquement depuis le corridor de service vitré, deux premières bibliothèques à une croisée chacune prennent les emplacements des anciennes chambre et pièce des bains.
On pénètre en suite dans une belle pièce rectangulaire à trois croisées formée par la réunion des deux anciens cabinets du tour, dont les colonnes soutenant l’entresol sont dissimulées dans un coffrage. Possédant trois belles bibliothèques, Madame Adélaïde demande également la suppression du petit supplément de bibliothèque aménagé dans le petit passage menant à l’appartement de Madame Victoire. Devenus inutiles, ces rayonnages sont démolis.
En 1787
Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.
« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »
Mémoires du comte d’Hézecques
Madame Adélaïde admoneste son royal neveu :
« Vous êtes incapable de porter de grands coups ; votre cœur s’y oppose. Je tremble pour l’avenir ! »
Le 23 décembre 1787
Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui se nomme désormais Sœur Thérèse de Saint-Augustin.
Le 8 août 1788
Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.
Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…
La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.
Madame Adélaïde se voulait brusquement à l’unisson du sentiment national et pensait qu’il sortirait peut-être quelque chose de bon de cette assemblée . Il rappelle bien sûr la réponse du duc d’Osmond à Madame Adélaïde qui lui demandait s’il avait apprécié le beau coup d’œil de la salle des Menus Plaisirs .
Il n’y était pas car il n’aimait pas les enterrements et celui de la monarchie moins encore que tout autre .
« Eh moi, réplique la vieille princesse piquée au vif, je n’aime pas qu’à votre âge on se croie plus habile que tout le monde !»
A Marie-Antoinette qui déplore, les yeux gonflés de larmes : «Ces Français ! Ils sont indignes !»
Madame Adélaïde réplique de sa voix dure : «Dites plutôt indignés, Madame !»
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Le 27 juin 1789
A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le 16 juillet 1789
Le comte d’Artois émigre sous les conseils de la Reine.
Le 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 5 octobre 1789
Des milliers de parisiennes marchent sur Versailles pour réclamer du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
Mesdames Adélaïde et Victoire, qui logent pourtant au rez-de-chaussée sont éveillées par des domestiques et non par la foule qui gronde. Elles rejoignent la famille Royale dans la chambre d’apparat du Roi qui domine la cour de marbre où s’est amassée la foule parisienne.
La famille royale est ramenée de force à Paris. Mesdames rejoignent leur domaine de Bellevue.
Le 1er janvier 1791
Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Vendredi 21 janvier 1791
Madame Adélaïde adresse une missive à son neveu Louis XVI pour un avis sur le choix de leur futur pays de résidence :
« Comment puis-je, mon cher neveu, vous exprimer les différents sentiments qui sont dans mon âme ? Votre lettre m’a achevé, votre amitié fait mon bonheur et augmente encore ; si cela peut, tous mes regrets de vous quitter. Avant de recevoir votre lettre, j’avais déjà renoncé au projet de Bruxelles auquel j’avais vu tous les inconvénients dont vous me parlez ; il reste encore l’Espagne ou Rome. Si vous voyez que nous puissions vous être utiles en Espagne, je ne balance pas un seul instant ; mais, c’est seulement pour l’argent, Rome devant être beaucoup meilleur marché, si je ne trouve quelqu’un qui puisse faire des avances et attendre des moments plus heureux, je crois que ce lieu-là serait sujet à moins d’inconvénients ; et peut-être, même de là, pourrions-nous vous être utilise pour l’Espagne. Si vous n’avez donc pas d’autres raisons de préférences que pour l’argent, je vous demande trois jours pour faire mon choix, mais toujours soumis à ce qui pourra vous être plus utile et plus agréable, c’est de quoi vous êtes, j’espère, bien persuadé. Adieu, mon cher neveu, pardonnez-moi si je suis troublée, mon amitié pour vous, seule, en est la cause. Conservez-moi la vôtre, elle fera mon soutien et mon bonheur ».
Mardi 25 janvier 1791
Dans une nouvelle lettre à Louis XVI, Madame Adélaïde discute et fait bien voir que, en dépit des conseils, elle tient à aller à Rome. Mesdames y ont un ami sûr : le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome.
Elle indique aussi qu’elle a trouvé un homme qui prend l’engagement de faire toucher à Rome l’argent don elles auront besoin pendant tout le temps que les paiements ici ne seront pas interrompus, et s’ils venaient à l’être, à faire l’avance jusqu’à concurrence de 1 200 000 livres.
Le 31 janvier 1791
Mesdames, tantes du Roi, écrivent au comte de Montmorin, ministre et secrétaire d’état aux affaires étrangères. Elles lui demandent les passeports pour aller à Rome, Louis XVI ayant permis ce voyage. Louis XVI a ordonné au comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de leur donner des passeports, et de les signer lui-même.
Les passeports sont signés, non sans grand débat, par le Commune de Paris.
Le 3 février 1791
Mesdames allaient partir quand une dénonciation sur leur résolution est transmise au club des jacobins.
Nouvelle lettre de Madame Adélaïde à Louis XVI, où elle se montre touchée par ses inquiétudes au sujet de leur départ, suite au bruit que cela fait. Elle lui indique que leur parti est pris.
Une députation de la Commune de Paris se rend auprès du Roi pour qu’il s’oppose au départ de ses tantes.
Louis XVI répond l’allocution, qu’il avait écouté avec peine :
« Je suis sensible à la démarche de la commune. J’ai déjà répondu à la municipalité que mes tantes, étant maîtresses de leurs personnes, avaient le droit d’aller partout où bon leur semblait. Je connais trop leur cœur pour croire qu’on puisse concevoir des inquiétudes sur les motifs de leur voyage ».
Des agitateurs font partager leur colère chaque jour, dans le jardin du Palais Royal, car ils n’avaient pas été satisfaits de la réponse du Roi.
Déjà une députation des dames des halles étaient venues, au château de Bellevue, prier Mesdames de ne pas quitter la France.
D’autres envisageaient aussi de se transporter à au château de Bellevue. Cela hâte le départ de Mesdames.
Le 17 février 1791
La duchesse d’Orléans a fait ses adieux à Mesdames.
« Notre tendresse pour vous, mon cher neveu, et notre sentiment patriotique, dont nous ne nous sommes jamais écartées, doivent être connus depuis trop longtemps pour que nous puissions être affectées de ce qui a été dit hier à l’Assemblée; mais d’après la délibération prise, ou on décidera que nous sommes, comme tout le monde, soumises à la Loi, – et cette discussion sera en notre faveur, puisque la Loi prononce la liberté de l’homme – ou on décidera que vous devez avoir une autorité directe sur toute votre famille. Vous nous avez déjà donné votre permission pour voyager, je vous demande celle de partir. Vous connaissez nos motifs et la pureté de nos intentions, vous les avez approuvés. C’est à notre grand regret que nous nous éloignons de vous, mon cher neveu; vous connaissez assez notre tendresse pour n’avoir pas besoin de cette nouvelle assurance: tant que nous vivions, nous conserverons ces sentiments dans notre coeur.
Marie-Adélaïde Victoire»
Vendredi 18 février 1791
Faute de ressources, Mesdames veulent emprunter 200 000 livres sur la terre de Louvois. La duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde, écrit à M. Aillot de Mussey, trésorier des princesses :
« Il faut absolument que cette affaire soit terminée très promptement. »
Madame Adélaïde a acheté cette terre, avec feue sa sœur Madame Sophie, en 1776. A la mort de cette dernière, Madame Adélaïde en est devenue l’unique propriétaire. La terre de Louvois appartenait à la famille Le Tellier, et se situait en Champagne.
Dans la journée, Mesdames font leurs adieux à Louis XVI et à la Famille Royale. C’est la dernière fois qu’ils se voient.
Mesdames craignent qu’on ne cherche à les arrêter en leur château de Bellevue ; elles quittent dans la nuit le château des Tuileries, où elles sont depuis le 12, pour retourner au château de Bellevue. Elles persistent dans leur projet de voyage, et comptent se mettre en route soit le dimanche 20 soit le lundi 21.
Samedi 19 février 1791
Le départ a été fixé au 20 février.
A cinq heures du soir, le comte de Virieu, colonel du régiment Royal Limousin, apprend, à Paris, que les « mégères d’octobre » prennent le pont de Sèvres. Celui-ci étant à l’Assemblée nationale, il la quitte pour aller au château de Bellevue.
Au château, il entre dans la salle-à-manger où Mesdames allaient se mettre à table pour souper. Elles sont inquiètes.
Rien n’est prévu : pas de chevaux, pas de voitures. Les équipages sont à Meudon. Personne ne donne d’ordre.
La nuit étant venue, depuis la terrasse, on voit approcher une forêt de torches.
Le comte de Virieu voit une voiture attelée dans une cour écartée. Elle appartient à une visiteuse venue de Paris.
Madame Adélaïde écrit une lettre à Louis XVI où elle réitère l’indispensable nécessité de partir. A la fin de la lettre, elle ajoute un mot à l’attention de Marie Antoinette :
« Embrassez bien la Reine de notre part à toutes les deux, et dites-lui bien combien nous sommes désolées de ne pouvoir pas la voir, comme nous lui avions dit, et que nous l’aimons de tout notre cœur. Nous partons dans le moment ».
A dix heures du soir, le comte de Virieu pousse Mesdames à prendre la fuite, et ordonne au cocher de partir au galop par la grille de Meudon. Celle-ci est fermée, personne n’a la clé. Le suisse est parti. On s’adosse à la portière : la serrure saute.
Dans la voiture, il y a Mesdames et la duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde. Le comte de Narbonne, son chevalier d’honneur, et dix-huit personnes suivent dans d’autres équipages : il y a le comte de Chastellux, chevalier d’honneur de Madame Victoire, et la comtesse de Chastellux, sa dame d’honneur, et leurs enfants ; l’abbé Madier, confesseur de Madame Adélaïde et de Madame Elisabeth, et de M. Couture, architecte du Roi. M. François Croiset, en charge de la comptabilité de Mesdames depuis 1783, émigre avec elles. Il continuera à les servir jusqu’à leurs décès.
Quand ils rejoignent la grande route de Fontainebleau, Mesdames changent de voitures, et partent à toute vitesse.
Dimanche 20 février 1791
Au matin, les femmes de Paris arrivent au château de Bellevue, puis retournent à Paris donner l’alarme.
De nouveau, des hommes et des femmes retournent au château de Bellevue, pour tenter de s’opposer au départ des fourgons contenant les bagages de Mesdames. Au château de Bellevue, ils trouvent Alexandre Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, qui a été prévenu dans la nuit du départ de Mesdames.
Il donne ordre aux Chasseurs de Lorraine de faire des patrouilles à l’extérieur de Bellevue, et de rentrer à Versailles si tout est tranquille.
Jusqu’au 5 mars, M. Berthier fera envoyer, chaque jour, une garde de quinze gardes nationaux et de trente soldats commandés par un major de la garde nationale pour assurer la sécurité du château de Bellevue.
Mesdames Adélaïde et Victoire partent pour Rome Leur fuite est incités par les lois de France contre l’Église.
Le soir, Mesdames relaient, sans encombre, à Fontainebleau, et partent pour Moret.
Après le départ de Mesdames
Le château de Bellevue est tenu comme si leur absence n’était pas définitive. L’abbé de Ruallem, chef du conseil et intendant général des Maisons des princesses, agit au nom de Mesdames.
Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.
Leur départ suscite une certaine émotion et elles sont arrêtées et retenues onze jours à Arnay-le-Duc ( en Bourgogne), le comte de Narbonne, chevalier d’honneur de Madame Adélaïde doit revenir à Paris pour obtenir de nouveaux passeports, mais Mirabeau (1749-1791) les défend devant l’Assemblée et elle peuvent parvenir en Savoie, à Turin, où vit leur nièce Clotilde, épouse du prince de Piémont…
Le 3 mars 1791
Après onze jours de captivité, durant laquelle elles ont reçu des visites dont celle du marquis de Damas d’Antigny, Mesdames quittent Arnay-le-Duc. Elles ont joué au tric-trac et au piquet avec le curé d’Arnay.
Le Roi de Sardaigne avait tout disposé pour que Mesdames trouvent sur leur passage et à sa Cour, tous les honneurs dus à leur rang.
Le 12 mars 1791
Victor-Amédée III se fait un devoir d’accueillir les tantes de sa belle-fille. L’arrivée des filles survivantes de Louis XV avive la curiosité intéressée des Turinois car «un peuple immense et plus d’un millier de carrosses bordaient le chemin des princesses» ! Toutefois, les vicissitudes d’un voyage éprouvant altèrent beaucoup leur bonhomie et leur spontanéité, le duc de Genevois ayant remarqué «qu’elles parlèrent peu et parurent fort embarrassées.»
Mesdames passent quelques jours à Turin avec le comte d’Artois et ses fils.
Puis elles arrivent à Rome, protégées par le pape Pie VI qui les héberge au palais Farnèse.
Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.
Les Provence passent la frontière.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le Roi est suspendu.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le 29 novembre 1791
Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Le 27 mai 1792
Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 20 juin 1792
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger» en France.
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 10 août 1792
Sac des Tuileries.
Le Roi est suspendu de ses fonctions.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.
Le 20 septembre 1792
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 6 novembre 1792
Victoire de Jemappes.
Le 14 novembre 1792
Les troupe françaises entrent à Bruxelles.
Le 11 décembre 1792
Début du procès de Louis XVI.
Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI.
Le 4 mai 1793
Le 3 juillet 1793
Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 14 octobre 1793
Marie-Antoinette comparaît devant Herman, le président du tribunal révolutionnaire.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .
Mesdames Adélaïde et Victoire ne sauront pas que la Reine a eu une pensée pour elles ainsi qu’en témoigne la lettre adressée à Madame Elisabeth qui ne la recevra jamais :
« Je dis adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis, l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant, qu’ils sachent au moins que, jusqu’au dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur ; puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours !»
Marie-Antoinette
Le 6 novembre 1793
Exécution du duc d’Orléans qu’on appelait alors Philippe Égalité.
Le 10 mai 1794
Exécution de Madame Élisabeth.
Le 17 juillet 1794
Condamnation à mort des seize Carmélites de Compiègne.
Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)
La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco, née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.
Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort. Robespierre, blessé par balle au visage et gisant sur un brancard, rejoint ses compagnons à la Conciergerie emprisonnés dans la nuit ou en début de matinée.
Cinq cent détenus forment une haie, explosant de joie.
Le 3 novembre 1794
Décès du cardinal de Bernis, le plus fidèle et dévoué ami de Mesdames.
Le 8 juin 1795
Mort de Louis XVII à l’âge de dix ans. Il était atteint de tuberculose osseuse.
Le 18 décembre 1795
Madame Royale quitte la prison du Temple pour être remise à sa famille autrichienne… pourtant elle ne reverra jamais ses grand-tantes.
Le 16 octobre 1796
Mort du Roi Victor-Amédée III.
Charles-Emmanuel (1751-1819),époux de Madame Clotilde de France, qui s’est vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne, estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin.
Le 24 février 1797
Lors de l’arrivée des troupes françaises, Mesdames rejoignent Naples, où règne la sœur préférée de Marie-Antoinette, Marie-Caroline (1752-1814), fort peu ravie de les voir.
Mesdames restent à Rome jusqu’en 1798, les armées françaises étant entrées en Italie, et beaucoup d’agitation se manifestant, elles se rendent à Caserte où elles sont reçues avec toutes les attentions possibles par la famille Royale. Le Roi fait préparer le vieux Palais pour elles et leur suite, qui est encore nombreuse.
« Mesdames de France habitaient le château de Caserte, maison de plaisance royale de la cour de Naples. Malgré leur infortune, elles avaient encore une suite fort nombreuse autour d’elles. Parfaitement bonnes, elles cherchaient à distraire les personnes de leur service de l’austérité de la vie retirée que l’on menait à Caserte. Elles donnaient de petits bals dans l’intérieur de leurs appartements, mais où l’on n’admettait jamais que les personnes de la suite et du service d’honneur. Il y avait alors peu de femmes autour d’elles. Mademoiselle de Narbonne, mesdames de Chastellux, madame la duchesse de Narbonne, qui n’était plus guère de mise dans une contredanse, mais qui s’entendait admirablement à la nommer, et puis une ou deux autres personnes dont j’ai oublié le nom, voilà à peu près ce qui composait la cour de Mesdames, dont mademoiselle Louise de Narbonne , aujourd’hui madame de Bramcamp, était le plus bel ornement, comme elle l’eût été à Versailles. »…
La duchesse de Narbonne avait perdu toute sa fortune dans la tourmente révolutionnaire.
Mémoires de la duchesse d’Abrantès
Mesdames espéraient y terminer leurs jours; mais après y avoir passé dix-huit mois elles reçoivent de Naples un courrier qui les prévient que par suite des nouvelles de la marche de l’armée française et de la révolte des peuples, la famille Royale s’embarque pour se rendre à Palerme.
Plusieurs émigrés avaient trouvé près de Mesdames un asile honorable et partent de Caserte avec elles ; on compte parmi eux l’évêque d’Ath la
comtesse de Calan, la marquise de Roquefeuil, sa fille etc.
L’évêque de Carcassonne a pris une autre direction, et rejoint Mesdames à Corfou sur un vaisseau portugais.
Le 21 octobre 1798
Mesdames écrivent à la Reine pour lui demander ce qu’elles doivent penser des préparatifs militaires du Roi, et quel parti elles doivent prendre. Marie-Caroline leur répond quatre lignes par le même courrier annonçant que dans peu d’heures elle leur écrira plus en détail. On publie, le même jour, que les républicains ont été repoussés dans la région des Abbruzzes (région d’Italie centrale s’étendant du cœur des Apennins jusqu’ à la mer Adriatique), et que les ordres pour le départ du Roi ont été retirés.
Le 23 octobre 1798
à deux heures du matin
Après avoir fait leurs dévotions à la messe, qui leur est dite à minuit et demi les deux vieilles dames doivent de nouveau fuir. Elles ont dans leur carrosse, la duchesse de Narbonne, la comtesse, le comte, et le comte César de Chastellux ; dans un second carrosse sont la comtesse de Narbonne, Mesdemoiselles de Chastellux, l’évêque de Pergame, le médecin et le chirurgien de Mesdames. Les autres voitures doivent suivre de douze en douze heures.
« Mesdames continuent leur route jour et nuit. Le 24 octobre 1798 elles éprouvent un vent, un froid, une neige, qu’on ne connaît guère en Italie il faut employer onze heures pour faire douze milles et les valets-de-pied sont presque gelés sur les sièges des voitures.»
Mesdames de Chastellux
Le 27 octobre 1798
Le Roi Ferdinand IV leur propose de venir le rejoindre pour le suivre, mais il les prévient qu’il n’a à leur disposition que peu de places, et leur laisse le choix de se rendre à Manfredonia où elles trouveront un bâtiment de guerre entièrement à leur disposition pour les mener où elles préféreront. Elles choisissent cette dernière proposition, ne voulant pas se séparer des personnes qui leur sont restées dévouées.
Le 30 octobre 1798
Lorsque Mesdames arrivent à Manfredonia après avoir souffert de la rigueur de la saison et éprouvé beaucoup de craintes par l’état de délabrement des lieux par où elles sont passées, elles ne trouvent pas le vaisseau qui leur a été annoncé ; elles l’attendent inutilement, et par suite des craintes que leur donne l’avancement des troupes françaises, elles se décident à embarquer sur une barque de pêcheur (une barque à huile) où elles et leur suite peuvent à peine se remuer.
Obligés d’entrer à Bari par la violence de la tempête, tous ont la frayeur de sentir couper les câbles de leur faible barque; pendant la nuit tandis que le tocsin sonne à force dans la ville qui est en pleine insurrection.
« Nous avons vu Madame Victoire atteinte d’une maladie mortelle, privée des remèdes et du repos qui lui étalent si nécessaires, réduite à accepter pour nourriture des poissons salés et du pain albanais cuit sous la cendre, ou du biscuit de matelot.»
Mesdames de Chastellux
Le temps heureusement se calme, l’équipage peut remettre à la voile et arrive à Brindisi sans nouveau malheur.
Mesdames expédient un courrier à Corfou où sont réunies les flottes Turques et Russes, pour demander des transports. Mesdames de Chastellux attestent qu’à travers tant de souffrances elles n’ont pas entendu Mesdames proférer une seule fois la moindre plainte.
« La suite de Mesdames était composée, Pour Madame Adélaïde, de la duchesse de Narbonne-Lara, dame d’honneur, de son fils le comte Louis de Narbonne, chevalier d’honneur, depuis ministre de la guerre ; pour Madame Victoire, du comte de Chastellux, chevalier d’honneur, de la comtesse de Chastellux, dame d’honneur, de leurs enfants, et de plusieurs personnes du service. M. Couture, architecte de Louis XVI, et chevalier de Saint-Michel, accompagnait aussi Mesdames. »
Mémoires de la duchesse d’Abrantès
Au bout de vingt-deux jours
Une frégate Russe et un Brique Turc paraissent. Mesdames montent immédiatement à bord de la frégate, et dans la même matinée un petit corsaire français qui venait pour s’emparer de la misérable barque, est capturé par le bâtiment Russe.
Les deux escadres, la Russe et la Turque, rendent l’aspect de la rade imposant. En même temps, entre aussi le Bâtiment que l’on a supposé français et voulant les capturer ; il était au contraire à la recherche de Mesdames pour les secourir et était envoyé par la Cour de Naples qui l’a demandé au marquis de Niza commandant l’escadre Portugaise qui stationnait à Palerme. Le Bâtiment est La Reine de Portugal…
Au bout de quarante-deux jours de séjour à bord les passagers ont la jouissance de se trouver à terre, mais dans une ville qui a supporté un des sièges les plus affreux et ne présente plus qu’un aspect de ruine de dévastation et de misère.
Mesdames sont dans un palais appartenant au Roi mais elles se trouvent fort mal logées; les appartements sont incommodes et très froids la neige couvre longtemps la terre, et Madame Victoire qui a beaucoup souffert de la rigueur de la saison dans la journée du 24 décembre 1798 est fort incommodée pendant son séjour dans cette ville.
Le comte de Chastellux s’occupe sans cesse des moyens de faire sortir Mesdames d’un pays qui devient, de jour en jour, plus dangereux ; ces princesses ne peuvent rien espérer d’idéal. Leur âge et leur santé ne permettent aucun parti hasardé leur suite, d’environ soixante personnes -parmi lesquelles se trouvent vingt-cinq femmes- est difficile à transporter.
Le comte de Chastellux ne peut se déterminer à exposer, sans une nécessité absolue, Mesdames en pleine mer sur un lougre. Elles craignent cet élément : un tel bâtiment à la merci du moindre corsaire, visité par tous les vaisseaux qu’il rencontre rend aussi, pour sa petitesse, l’image des dangers de la navigation plus vive et plus rapprochée. Mesdames sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains.
Début janvier 1799
Madame Adélaïde est obligée de prendre la triste résolution de se remettre à bord avec la pauvre Victoire sur le bâtiment portugais, pour Trieste . Les escadres Russes et Turques reçoivent l’ordre de se rendre à Ancône, et l’état du pays ne permet pas de rester après leur départ. On part donc pour Trieste avec une frégate russe et un brique turc.
Plusieurs accidents rendent la traversée périlleuse mais l’équipage arrive à bon port. Mesdames couchent à Cérignola, terre qui appartient au comte d’Egmont. Elles sont reçues avec transport par les habitants attachés à leur Roi.
Le 16 janvier 1799
Mesdames arrivent à Trani, ville qui poursuit les jacobins et ferme ses portes aux déserteurs.
Le 26 janvier 1799
Mesdames quittent Trani. La ville de Bari les reçoit avec de très bonnes dispositions. Le comte de Chastellux juge que Mesdames ne doivent pas descendre dans une ville ou elles peuvent se trouver enfermées ; d’ailleurs elles sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains. Les malheureuses princesses, Madame Victoire souffrant d’un cancer, n’osent pas débarquer ; il y a plus de soixante personnes à bord les unes sur les autres allant sur terre pendant la journée mais revenant s’entasser dans leur triste gîte pendant la nuit.
Chacun n’a d’espace, dans ce bâtiment, que la largeur de son corps on n’a d’air que par l’ouverture du pont qu’on ferme le soir. Les uns sont couchés sur une natte, d’autres sur un coussin de voiture fort peu dorment sur un matelas. Soixante personnes -prêtres, vieillards, femmes et enfants- y sont entassées : tous les genres d’incommodités et de souffrances éprouvent leur courage.
Le 6 février 1799
On revient dans la rade de Brindisi.
Mesdames n’ont qu’une chambre avec deux petits lits ; leurs deux dames d’honneur couchent par terre sur un matelas qu’on relève le jour pour servir de siège. Il faut passer dans cette ambiance trente-et-un jours sans se déshabiller !
Il serait difficile de se faire une juste idée des désagréments de toute espèce que ce lugubre séjour réunit. Une seule ouverture placée au milieu du bâtiment, y répand avec un froid glacial une triste lumière qui n’en dissipe qu’imparfaitement l’obscurité. L’entrepont est si bas, qu’on ne peut y marcher que courbé, ni s’y asseoir qu’à terre sur une natte, un matelas ou un coussin de voiture, si on a pu se le procurer.
Bien avant le lever du soleil, les matelots commencent à laver le bâtiment, et y rendent tout sommeil impossible. Le bruit et la fraîcheur piquante du matin réveillent ceux qui souvent ne se sont endormis que peu d’instants auparavant, et le besoin de respirer un air moins étouffé les conduit sur le pont, ou du moins vers cette ouverture où l’on est exposé à toutes les inclémences de l’air.
Le moment des repas était peut-être plus triste encore que celui du réveil : les ustensiles nécessaires manquant, et la manière dont on distribue successivement à chacun sa portion tout autour de ce lieu si incommode et si sombre, est bien faite pour ôter l’appétit.
Tous les soirs un chapelain de Mesdames, à genoux près d’une lampe qui n’éclaire que lui, récite des prières auxquelles chacun répond du triste lit sur lequel il s’est retiré. Ensuite on cherche à dormir mais les longues heures de la nuit dont tant d’inquiétudes et de malaise se réunissent pour troubler le repos, sot encore plus cruelles que celles qui se sont écoulées pendant la journée. On aura peine à croire, qu’à travers tant de souffrances morales et de privations de tous genres Madame Adélaïde, dont la santé n’était pas altérée, conserve constamment sa vivacité, et sa gaîté même, et n’est occupée qu’à ranimer la fermeté quelquefois ébranlée des personnes qui l’entourent.
Le 15 mars 1799
On profite d’un vent favorable pour sortir de la rade de Brindisi ; bientôt le vent tourne au sud, et se soutient dans cette direction jusqu’au lendemain. Le capitaine de la frégate veut traverser le golfe, dans l’espérance de trouver à Valona un vent du nord qui y est presque périodique.
Dans la soirée du 16 mars 1799
Le vent devient très fort.
La nuit du 17 mars 1799
On traverse une véritable tempête qui dure les 17 et 18 mars et n’est pas encore calmée le 19 mars lorsque la frégate est approchée par un vaisseau de soixante-quatorze canons que l’on observe à une assez grande distance depuis la soirée de la veille. Les cordages qui amarrent les canons dans la chambre de poupe, où Mesdames sont couchées, ne peuvent suffire à les retenir dans cet ébranlement continuel, et plusieurs fois on craint qu’ils ne se détachent et ne viennent écraser les personnes qui sont étendues sur des matelas auprès des lits de Mesdames. Madame Victoire, qui était déjà bien malade, montre un courage dont l’effort lui est très nuisible.
Le mauvais état de la frégate ajoute encore aux inquiétudes que cette tempête donne au capitaine. Anciennement construite et toujours en courses depuis son départ de la Mer Noire, elle est pleine d’avaries et fait eau partout. Les pompes toujours en activité ne peuvent empêcher l’eau de croître d’une manière sensible. Les passagers sont relâchés en Albanie dans le petit port de Durazzo. Le Commandant y demande des réparations parce que le fort n’a pas entretenu la Frégate… car le Commandant du fort était absent et avait emporté la clef du magasin à poudre.
Le 24 mars 1799
On arrive à Durazzo. Cette entrée à Durazzo est un grand événement car il y a quarante ans qu’on ne voit plus dans ce port aucun vaisseau de guerre. On aperçoit alors aux jambes de Madame Victoire quelques taches de scorbut ; ses forces diminuent chaque jour.
On repart immédiatement de Durazzo.
Le 28 mars 1799
L’équipage arrive à Corfou dans la matinée, après avoir employé quatorze jours à un trajet qui n’exige ordinairement que trente-six heures. Afin de prévenir toute incertitude de cérémonial le comte de Chastellux n’attend pas l’arrivée de la frégate pour se rendre à bord de l’amiral Outchakov (1744-1817).
L’amiral le reçoit avec la plus grande distinction la garde du vaisseau prend les armes. Le comte de Chastellux apprend alors que le vaisseau qui avait donné tant d’inquiétude est portugais, envoyé pour le service de Mesdames par lord Nelson et parti de Messine le 10 mars, c’est-à-dire cinq jours après l’arrivée à Brindisi, du secours que le comte de Chastellux, malgré tant de contradiction, a obtenu des Russes. Ce vaisseau est aussi chargé de porter a Trieste S. A. R. le cardinal duc d’York, les cardinaux Brasch et Pignatelli et les membres du gouvernement provisoire qui a été établi à Rome par le Roi de Naples ainsi que plusieurs autres personnes de la suite de Mesdames que les circonstances extraordinaires de leur départ avaient portées en Sicile.
Après quelques moments d’entretien l’amiral Outchakoff montre son empressement de faire sa cour à Mesdames, et, offrant une place dans son canot au comte de Chastellux. L’amiral arrive à bord de la frégate de Mesdames avant quelle soit parvenue au mouillage et déjà l’anliral Cadir-Bey, commandant l’escadre turque s’y soit rendu de son côté.
L’amiral Fiodor Outchakov complimente Mesdames avec le respect, avec les sentiments de zèle et d’attachement pour la bonne cause que Fon retrouve dans tous les généraux et officiers russes. Il s’occupe sur-le-champ de faire préparer, pour loger les princesses, le palais de l’archevêque, qui ne sera prêt que le Ier avril.
Le comte de Chastellux va le lendemain rendre visite à Cadir-Bey, qui parle assez bien italien et montre beaucoup de simplicité et de bonhommie ; par une singularité remarquable, il y prend du café et fuma une pipe avec deux cardinaux des prélats, des moines romains et des membres du gouvernement provisoire établi à Rome par le Roi de Naples.
La ville de Corfou a été dévastée par les Français deux faubourgs très beaux et un quartier tout entier ont été détruits. Malgré leur ruine, les habitants donnent de grandes marques de respect et de zèle à Mesdames et des députés de la noblesse se tiennent presque toujours dans leur antichambre pour attendre leurs ordres leur garde est de quarante hommes, commandés par un officier.
On fait en même temps les arrangements nécessaires pour que Mesdames aient une escorte convenable lorsqu’elles partiront. Le vaisseau portugais envoyé par lord Nelson prétend à l’honneur de les conduire àTrieste. L’amiral Outchakov le désire aussi, pour ne pas se priver d’un vaisseau. Le comte de Chastellux est vivement touché de tous les témoignages d’attachement que Mesdames reçoivent des Russes. Il sait ce que Paul Ier prépare pour le salut de l’Europe et pour le rétablissement de la France. Il assura constamment l’amiral Ouchakov que Mesdames n’accepteront le vaisseau portugais. L’amiral joindra à ce vaisseau deux frégates russes de cinquante canons dont l’une servira à transporter les cardinaux et les princes italiens.
II ne reste rien à désirer pour la sûreté ni pour la dignité de Mesdames. Après trois mois d’une responsabilité pénible par sa durée et par ses difficultés le comte de Chastellux aurait pu jouir de quelques dédommagements pour tant d’inquiétudes et de soins si la santé de Madame Victoire ne lui donnait les alarmes les plus vives.
Le 1er mai 1799
Le docteur Lavite décide que Madame Victoire est en état de partir, et qu’il faut qu’elle parte le 6 mai car il redoute pour elle l’air chaud et humide de Corfou, et il n’y trouve pas les remèdes nécessaires à son traitement. Il est convenu avec l’amiral Ouchakov, que la petite escadre destinée au service de Mesdames sera escortée jusqu’à la hauteur d’Ancône par le contre-amiral Pustokin, qui doit se porter dans le fond du golfe avec deux vaisseaux de ligne russes un vaisseau et quatre frégates turcs pour bloquer ou attaquer Ancône, suivant les circonstances.
Cependant, l’escadre du contre-amiral ne serait pas prête avant le 10 mai.
Le 6 mai 1799
Mesdames rembarquent sur le vaisseau la Reine de Portugal, après avoir fait en chaloupe le trajet de plus d’une lieue le commodore n’a pas cru pouvoir se rapprocher. Le soir même de l’embarquement les enflures reparaissent et ne cesseront plus. Le temps est en général très beau pendant la traversée. L’escadre du contre-amiral quitte Mesdames à la hauteur des îles de Dalmatie pour se porter sur Ancône.
Le 18 mai 1799
Au soir, le vaisseau portugais mouille à peu de distance de Trieste. Le lendemain à neuf heures du matin, on entra dans la rade de Trieste. Aussitôt M. le comte de Brigido, gouverneur de la ville vient offrir ses respects à Mesdames avec chevalier Leilis, consul de Sa Majesté Catholique. Ils ne montent pas dans le vaisseau que l’on ne peut dispenser de quatorze jours de quarantaine, on les fait commencer du jour où, partant de Corfou, il avait cessé d’avoir des rapports avec les Turcs. La maison du consul d’Espagne, dans laquelle Mesdames doivent loger, servira pour leur quarantaine ; on l’entoure de gardes.
Le lundi 20 mai 1799
Mesdames descendent à terre. Elles font ce trajet séparément, et chacune d’elles reçoit le salut royal de vingt-un coups de canon du vaisseau la Reine de Portugal, des deux frégates russes, d’un petit bâtiment de la même nation et d’un brick portugais. Madame Victoire reste levée assez longtemps le jour de son arrivée à terre; mais les enflures se trouvent considérablement augmentées.
L’Empereur a désigné, pour la résidence de Mesdames, la ville d’Agram en Croatie, comme la plus éloignée des inquiétudes que pouvaient causer les événements de la campagne qui vient de commencer. Les princesses ont souffert beaucoup pendant cette lamentable odyssée. Victoire surtout ; elle périssait du même mal que sa sœur Sophie, éprouve de continuelles nausées, sent venir l’angoisse suprême.
Madame Victoire à peine débarquée est au plus mal, et reçoit tous les sacrement.
Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, Madame Victoire s’éteint doucement, ainsi qu’elle a vécu, sans colère ni rancœur.
Début juin 1799
L’état de Madame Victoire empire de jour en jour, elle succombe tout-à-fait à ses souffrances et expire à Trieste.
Le 7 juin 1799
Madame Victoire meurt à Trieste, d’un cancer du sein. Madame Victoire est enterrée à la cathédrale de Trieste, avec tous les honneurs dus à son rang. Des émigrés français portent le cercueil. Le comte de Chastellux fait dresser un acte de dépôt de ces restes précieux, afin que, dans des temps plus heureux, ils puissent être rendus aux tombeaux de nos rois, à Saint-Denis.
Neuf mois après, Madame Adélaïde termine sa vie… entourée de la duchesse de Narbonne, sa dame d’honneur, et de son fils Louis. On sait que Mesdames de Chastellux, faisant partie de la suite de Madame Victoire, quittent sa sœur, puisque leur relation s’achève à la mort de Madame Victoire. Madame Adélaïde est entourée jusqu’à la fin d’une suite de trente personnes.
Le 27 février 1800
Madame Adélaïde meurt, quelques mois plus tard, à l’âge de soixante-huit ans, à Trieste. C’est dans la cathédrale de Trieste qu’on l’ensevelit selon le rang qu’on lui reconnaît, aux côtés de sa sœur.
En 1815
Un des premiers soins du Roi, leur neveu Louis XVIII, après son retour en France, est d’envoyer l’évêque de Moulins à Trieste, pour réclamer le dépôt sacré qui avait été confié à la cathédrale de la ville. Une frégate française amène les restes de Mesdames à Toulon. Le zèle du curé de cette ville contribue à les faire respecter pendant les jours de deuil et d’erreurs qui souillent les fastes de 1815. De nouveaux ordres viennent de régler le transport de ces deux précieux cercueils qui doivent arriver le 20 janvier suivant à Saint-Denis. Mesdames Adélaïde et Victoire reposent éternellement dans une chapelle au côté de leur petit-neveu, le duc de Berry, et du coeur de Louis XIV, un détail qui sied bien à l’orgueil naturel de la princesse.
Sources :
- Mémoires de la duchesse d’Abrantès
- Louis XV (1989) de Michel Antoine, chez Fayard
- Relation du Voyage de Mesdames, Tantes du Roi , de Caserte à Trieste, au moment de la mort de Madame Victoire par Mesdames de Chastellux
- Mesdames de France (1989) de Bruno Cortequisse, aux éditions Perrin, Paris
- Versailles passion, groupe FB de Christophe Duarte
- Louis XV (1984) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Madame Louis XV (1987) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Les lettres de Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara
- Louis XV (2014) de Jean-Christian Petitfils, aux éditions Perrin, Paris