Madame Adélaïde de France

Madame Adélaïde par Adélaïde Labille-Guiard (1787)

Marie Adélaïde de France, dite « Madame Adélaïde », puis à partir de 1752 « Madame », quatrième fille et sixième enfant de Louis XV (1710-1774) et de Marie Leszczyńska (1703-1768).

Louis XV par Maurice Quentin de La Tour

Le 23 mars 1732

A cinq heures de l’après-midi 

Naissance de Madame Adélaïde, Madame Troisième.

« La reine est accouchée d’une fille, en voilà quatre et deux garçons »

Pendant son accouchement, la Reine subit des saignées… Et après l’accouchement : de la purge, des bains et du jeûne.

Marie Leszczyńska par Pierre Gobert

Au bout de trois jours et pendant dix jours, deux bouillons et deux tranches de pain par jours. C’est seulement après les relevailles que la Reine pourra manger à sa faim. (Les relevailles c’est lorsqu’elle commence à récupérer un peu d’énergie -on se demande comment- et retourne à la messe).

Jusqu’à leur baptême en 1737, les filles de Louis XV porteront des numéros.

Le 19 février 1733

Décès de Madame Louise , Madame Troisième, née en 1728.

Le 7 avril 1733

Décès de Philippe, duc d’Anjou, né en 1730.

Philippe de France par Barrière

Le 11 mai 1733

Naissance de Madame Victoire, cinquième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska ( elle sera appelée Madame Quatrième) , dans la chambre de la Reine du château de Versailles.

Le 27  juillet 1734

Naissance de Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczynska, qu’on appellera Madame Sophie.

Le 16 mai 1736

Naissance de Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.

Adélaïde est élevée par la gouvernante des Enfants de France madame de Ventadour, celle-là même qui é éduqué Louis XV, remplacée peu à peu par sa petite-fille madame de Tallard, au château de Versailles, avec ses frères et sœurs . Elle est soumise, dès son plus jeune âge, à l’Étiquette, qui gère la vie quotidienne des princes, quel que soit leur âge. Madame Adélaïde a de nombreuses sœurs, qui encombrent peu à peu le château de Versailles, car la naissance répétée des filles de France fut une véritable tragédie pour l’Etat. Cette pouponnière royale coûte une dépense terrible si l’on juge l’énorme effectif de la « maison » des Enfants de France. Chaque princesse dispose, dès sa naissance, de huit femmes de chambre, soit rien qu’une cinquantaine de caméristes pour les seules filles du Roi !

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Le 27 avril 1737

Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand. Dès ce jour, les fillettes, que l’on cessait de désigner par un simple numéro, acquièrent véritablement leur statut d’être humain.

La petite princesse commence à montrer un caractère fort. Il n’y a pas à regretter de duc d’Anjou, qu’elle fait aussi bien l’affaire !

Le 15 juillet 1737

Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.

En juin 1738

Le Cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud. C’est aussi une question d’économie pécuniaire comme de place au château…

Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote.

Mais Madame Adélaïde réussit à attendrir son père et reste à Versailles, où elle sera élevée avec ses deux sœurs aînées Madame Elisabeth (1727-1759), qui épousera en 1739 l’infant Philippe d’Espagne , et Madame Henriette (1727-1752).

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Les trois fillettes y vivent dans l’ombre de leur frère le Dauphin Louis-Ferdinand. Louis XV, qui l’aime beaucoup, s’amuse à la surnommer «Madame Torchon» en raison de son goût pour les travaux domestiques.

Le 5 juin 1743

Pour la première fois Madame Adélaïde porte le grand habit. C’est le jour de sa confirmation.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Le soir, elle mange au Grand Couvert. Elle est rejoint par son frère le Dauphin et sa soeur, Madame (Henriette) qui y soupent depuis leur propre confirmation.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Le même mois

Au cavagnole de la Reine, Madame Adélaïde cache quatorze louis dans sa poche de l’argent qui lui est donné pour le jeu, sans que personne ne s’en aperçoive.

La jeune fille a en tête un plan qu’elle pense parfaitement organisé. A sept heures du matin elle se lève sans réveiller ni sa sous-gouvernante, ni sa femme de chambre qui dorment pourtant auprès de la princesse. Après s’être habillée seule d’un jupon et d’une robe, elle passe dans le cabinet qu’elle partage avec sa soeur aînée et tente avec difficulté d’en ouvrir la porte qui donne sur la galerie. Elle se blesse légèrement à la main mais accède enfin à la galerie. Seulement une de ses femmes de chambre s’y trouvant par hasard la ramène aussitôt dans son appartement.

« On lui demanda où elle avait intention d’aller ; elle dit qu’elle voulait aller se mettre à la tête de l’armée de Papa Roi, qu’elle battrait les ennemis et qu’elle amènerait le roi d’Angleterre aux pieds de Papa Roi. On lui demanda quel moyen elle avait pour exécuter ce projet ; elle répondit qu’elle connaissait un homme à qui elle avait obtenu une place à la Cour et qui irait avec elle. Mesdames n’ont point encore jusqu’à présent monté à cheval ; mais elles vont quelquefois se promener dans. le parc de Clagny montées sur des ânes, et l’on a chargé un petit garçon âgé de douze à quinze ans d’avoir soin des ânes. C’est là l’écuyer que Madame Adélaïde s’était imaginé de prendre pour faire le voyage avec elle.»

          Mémoires du duc de Luynes

Détail de Madame Adélaïde en Diane par Jean-Marc Nattier , huile sur toile, 1745, Louvre

Madame de Tallard, la gouvernante est prévenue à son réveil. Au lieu de sermonner l’enfant, elle s’en amuse et bientôt l’histoire fait le tour de Paris. Jusqu’à ce qu’on lui signifie qu’on pourrait la blâmer du manque de surveillance évident des princesses. Elle en parle donc au Roi seulement plusieurs jours après. Louis XV en rit beaucoup, la gouvernante se protégeant en affirmant avoir «sérieusement grondé» Madame Adélaïde.

Juillet 1743

Mais la jeune princesse fait encore parler d’elle de manière assez scandaleuse :

« J’appris il y a deux jours une petite aventure de Madame Adélaïde qui est assez singulière. En général Madame Adélaïde a une imagination vive et un caractère déterminé. Son instrument favori est le violon, et quoiqu’on n’ait pas cherché beaucoup à la perfectionner dans cet amusement, elle y a réussi d’une manière étonnante.»

          Mémoires du duc de Luynes

Suit l’épisode précédent.
                                              Puis quelques jours plus tard :

« En général Madame Adélaïde a une souveraine aversion pour les Anglais ; elle disait il y a quelque temps qu’elle avait trouvé le secret de détruire cette nation. On lui demanda quel pouvait être un pareil moyen : « Je manderai, dit-elle, aux principaux, l’un après l’autre, de venir coucher avec moi ; ils en seront sûrement fort honorés, et je les tuerai tous successivement. » Comme elle n’entendait pas. ce qu’elle disait, on ne jugea pas à propos de le lui faire entendre davantage. On lui représenta seulement que c’était un sentiment bas et cruel que de surprendre et de faire mourir de la manière dont elle se proposait ; qu’il y aurait plus de noblesse et de courage de se battre contre eux. « Cela est vrai, dit-elle, mais Papa Roi a défendu les duels, et d’ailleurs cela intéresserait ma conscience.»

            Mémoires du duc de Luynes

A onze ans, Madame Adélaïde se rêve en moderne Judith, à coucher puis à tuer les ennemis de son père !

Le 16 décembre 1743

A l’occasion du mariage entre le duc de Chartres (1725-1785)  et mademoiselle de Conti prévu pour le lendemain, Louis XV demande que les fastes soient un peu réduits comparés au mariage de Madame Infante sa fille aînée en 1739.

Le duc de Chartres en mai 1735 par Jean Daullé, gravure

 

 

Le 17 décembre 1743

La table des noces n’est pas carrée comme à son ordinaire mais en fer à cheval car toute la famille royal est réunie, princesses du sang compris (les princes n’ayant pas droit eux de se mettre à table avec la Reine et les princesses).

Louise-Henriette de Bourbon-Conti, duchesse de Chartres puis d'Orléans, d'après Jean-Marc Nattier, 1750

« Monsieur le Dauphin présenta la serviette au Roi. Le Roi et la Reine étaient au milieu de la table, Monsieur le Dauphin à la droite du Roi, Madame à la gauche de la Reine, Madame Adélaïde à la droite de Monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Chartres à la gauche de Madame, madame la princesse de Conti à la droite de Madame Adélaïde, madame de Modène à la gauche de madame la duchesse de Chartres, Mademoiselle à la droite de madame la princesse de Conti, mademoiselle de Sens la dernière à gauche, mademoiselle de La Roche-sur-Yon la dernière à droite. C’étaient les gentilshommes ordinaires qui servaient. Monsieur le comte de Charolais vit mettre le Roi à table, mais il ne fit aucune fonction. Monsieur de Livry avait le bâton. L’antichambre était éclairée de sept lustres, comme je l’ai déjà dit.»

           Mémoires du duc de Luynes

Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, princesse de Conti par Pierre Gobert, début XVIIIème siècle

 

 

Madame est la fille aînée de Louis XV depuis le départ de Madame Infante sa jumelle, qu’on connaît sous le nom de Madame Henriette.

Ce mariage est un véritable calvaire pour la princesse qui a longtemps cru possible pouvoir épouser le duc de Chartres lui aussi amoureux de la fille du Roi.

Madame Henriette par Jean-Marc Nattier, 1747

Toutes ces princesses d’âge mûr ne sont guère des exemples pour Mesdames et Marie Leszczyńska ne les supportent que par politesse. Le marquis de Livry est le Premier Maître d’Hôtel du Roi qui assure sa charge durant les grandes circonstances, ici un mariage princier. Il se tient à la gauche du fauteuil du Roi et ordonne au service. On constate, selon la règle immuable qu’aucun homme hors de la famille royale ne peut manger avec la Reine et les Filles de France, l’absence du marié à la table de ses noces ! Celui-ci soupe dans son appartement, en compagnie de son père, son beau-frère et tous les autres princes du sang et légitimés.
A la fin du Grand Couvert, ces princes se rendent à l’Antichambre afin de venir chercher le Roi et la Reine pour prendre part à la cérémonie du coucher des jeunes mariés.  Les Filles de France se retirent.

Le 9 février 1744

Louis XV se plie habituellement au Grand Couvert chaque dimanche. Mais ce jour-là il préfère l’annuler pour retrouver mesdames de Châteauroux et de Lauraguais dans ses petits appartements. 

C’est un véritable camouflet pour la famille royale et la Cour. 

Le 8 avril 1744

Le Dauphin et ses sœurs assurent seuls le Grand Couvert. Madame Adélaïde sort de table incommodée. 

Le 25 mai 1744, Pentecôte

Après la grande messe, la Reine s’installe au Grand Couvert entourée de ses enfants. Elle seule s’assoit dans un fauteuil au milieu de la table. Le Dauphin s’installe au bout à droite, Madame au bout à gauche et Madame Adélaïde à la droite de leur mère.
La gouvernante des Filles de France, madame de Tallard, se place derrière la plus jeune et madame de Luynes derrière la Reine. Le Dauphin a derrière lui un officier des gardes et son gouverneur monsieur de Châtillon. Les princesses et la Reine ont aussi un officier des gardes derrière chacune d’elles.
                                              La Cour est particulièrement nombreuse ce jour-là. 

Remise de l'ordre du Saint-Esprit sous Louis XV dans la chapelle du château de Versailles, le 3 mai 1724, par Nicolas Lancret, musée du Louvre

Juin 1744

Le mariage de son frère avec Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est imminent.
Tandis que le Dauphin est en conversation avec Madame Henriette sur ses projets de promenades avec sa future épouse, la jeune princesse assise sur un canapé et se sentant négligée par ses aînés, s’ennuie et du coup pointe l’insolence. Madame Henriette toujours douce et aimable dit à son frère combien elle a entendu parler des grâces de l’infante, de son air noble et de son beau teint.
A ces derniers mots, la benjamine intervient enfin : «Je crois bien qu’elle est blanche car elle est extrêmement rousse.» Et continue à brosser un affreux portrait.
Madame Henriette tente tant bien que mal à calmer sa sœur. Le Dauphin clôt le débat en disant qu’il savait que sa future épouse avait bon caractère et que cela lui suffit.

Le 17 juin 1744

Marie Leszczyńska part se reposer à Trianon. Ses filles la rejoignent pour le jeu mais repartent souper à Versailles tandis que la Reine soupe en compagnie de ses dames.

Le Grand Trianon, côté jardins

Le 8 juillet 1744

Marie Leszczyńska et la Cour doivent faire face à un sérieux problème à la fois d’étiquette et de sécurité. Le Roi étant parti avec l’essentiel de sa Maison, il n’y a plus assez de gardes pour elle et ses enfants. Pire : sa mère, la duchesse de Lorraine et reine de Pologne doit rendre visite à sa fille mais sans garde suffisante, la situation est très complexe. La Reine de France ne peut recevoir sa mère dignement à Versailles et la relègue à Saint-Cyr.

La situation devient cocasse quand un des gardes tombe malade et du coup, à Trianon, durant le souper de la Reine et de ses enfants, ceux encore présents derrière chaque membre de la famille royale doivent se relayer pour ne laisser ni le Dauphin ni Mesdames seuls et en plus de souper en même temps avant la promenade prévue dans les jardins.  Malgré ce manque d’effectifs, les gardes ne font pas attention pour autant : le même jour, un de sentinelle dans l’antichambre de Mesdames s’endort au balcon et tombe de la fenêtre. Il meurt sur le coup. 

Le 28 septembre 1744

Mort de sa sœur, Thérèse-Félicité, Madame Sixième

Le 14 novembre 1744

Marie Leszczyńska vient dîner aux Tuileries dans la chambre de la Reine donnant sur les jardins. Malgré l’étroitesse des lieux, toute la cour s’y presse, ambassadeurs compris, en attente de l’arrivée prochaine du Roi en guerre depuis plusieurs mois. 

Madame Adélaïde est interprétée par Aurore Auteuil dans la série Nicolas Le Floch
Château des Tuileries vers 1757 par Nicolas Jean-Baptiste Raguenet, musée Carnavalet

Ses enfants la rejoignent après leur propre dîner à Versailles. 

A neuf et quart du soir, la famille royale en son entier s’installe dans l’antichambre de l’appartement du Roi, bien plus spacieux, après l’arrivée de Louis XV à sept heures et le jeu dans la galerie.

L'appartement du Roi est celui en jaune, celui de la Reine à cette date correspond à ce qui deviendra l'appartement privé de Louis XVI et de ses enfants, Marie-Antoinette préférant finalement s'installer au rez-de-chaussée, juste en dessous.

« On ne peut pas se représenter la foule excessive qui était dans la galerie et la salle où le Roi mange.»

        Mémoires du duc de Luynes

Les vingt-quatre violons jouent plus d’une demi-heure. 

Le Dauphin a perdu son gouverneur le duc de Châtillon en disgrâce après Metz, néanmoins un sous-gouverneur reste derrière lui. 

Après le repas, la famille royale se réunit seule une demi-heure.

Le 28 décembre 1744

Grand Couvert pour le mariage du duc de Penthièvre avec mademoiselle de Modène. 

Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, par Jean-Marc Nattier
Marie-Thérèse Félicité d'Este, princesse de Modène et duchesse de Penthièvre, anonyme, château de Bizy

La cérémonie suit celle à peu de choses près ce qui s’est passé pour le mariage du duc et de la duchesse de Chartres.  Le duc de Charolais fait fonction de grand maître, aidé par le maître d’hôtel de quartier. Il y a les mêmes princesses à table que la dernière fois, en plus de la famille royale, en y ajoutant désormais la nouvelle duchesse de Penthièvre. Madame Henriette est absente à cause d’une dent à arracher. Les princes du sang ne peuvent se mettre à table auprès de la Reine et de ses filles, marié compris.La foule, surtout populaire, est importante et des barrières doivent être installées dans l’Antichambre et la salle des gardes de la Reine. Mais aucune barrière ne doit être placée dans la grande salle des gardes, dite magasin.  Le Dauphin et Madame Adélaïde ne suivent pas leurs parents et les princes et princesses pour le coucher des mariés dans l’appartement du comte et de la comtesse de Toulouse. 

Le 30 décembre 1744

Louis XV offre à ses filles pour leurs étrennes, à l’une une paire de boucles d’oreilles de diamants et à l’autre une cave de cristal de roche. 

Début 1745

Débarrassée de la favorite du Roi, la duchesse de Châteauroux, la famille royale retrouve avec bonheur Louis XV plus assidu aux Grands Couverts et surtout prêt à reprendre la conversation qui les termine chez la comtesse de Toulouse.

Le 7 février 1745

Le Roi impose un bal masqué chez ses filles. Le Dauphin et Madame Henriette n’aiment pas danser mais Louis XV estime «que cela ne faisait rien, qu’à leur âge, on aimait toujours à danser.»

Quelques jours auparavant, le Roi est parti à un bal masqué  dans Versailles où la rumeur raconte qu’il y retrouva une dame qu’il ne quitta pas.  C’est sûrement la raison pour laquelle il veut ce bal.

Le Roi aime être costumé afin de pouvoir passer une soirée incognito. Son épouse vient aussi au bal de leurs enfants, jusqu’à quatre heures du matin mais estime qu’elle ne doit plus porter de masque à son âge. 

Louis XV fait réellement preuve de maladresse quand il s’agit de ses maîtresses vis-à-vis de sa famille. 

Le 14 février 1744

Nouveau bal masqué chez Mesdames. Le Roi est costumé en paysan mais celui à genoux auprès de la Reine toute la nuit fait certainement diversion pour laisser Sa Majesté incognito. 

Le 22 février 1745, Sceaux

Dîner de la famille royale, de dix-huit couverts : le Roi, le Dauphin à sa droite, la Dauphine à la gauche de la Reine, Madame Henriette à la droite de son frère, Madame Adélaïde à la gauche de la Dauphine, six princesses du sang et madame de Penthièvre, puis madame de Tallard, madame de Luynes et madame de Brancas (dame d’honneur de la Dauphine) et enfin une dame du palais de la Reine et une dame pour accompagner de la Dauphine à la place des deux dames d’atours qui ont refusé l’honneur du Grand Couvert. 

Le château de Sceaux, Hauts de Seine

Le 23  février 1745

Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles  sa cousine l’infante Marie-Thérèse Raphaëlle, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.

Dans l’après-midi, après la cérémonie religieuse

Grand Couvert dans le grand cabinet de Madame la Dauphine entre le Dauphin, son épouse et Mesdames, les quatre assis dans un fauteuil. 

Le Roi offre à cette occasion par l’intermédiaire du duc de Richelieu, premier gentilhomme de la Chambre, des médailles célébrant le mariage.

A cinq heures de l’après-midi

Louis XV vient chercher la Dauphine, accompagnée de son époux et de ses belles-sœurs, afin de la mener au manège assister au ballet La princesse de Navarre, musique de Rameau et livret de Voltaire.

L'infante Marie-Thérèse d’Espagne par Daniel Klein

Le château de Versailles ne dispose pas de salle de spectacle digne de ce nom et doit se contenter soit d’un théâtre dans le passage des Princes, soit pour de plus grandes festivités le manège de la Grande Ecurie.  La famille royale se rend à l’écurie dans un carrosse de la Reine : le Roi, la Reine, le Dauphin, la Dauphine, Mesdames.
Un deuxième carrosse de la Reine transporte six princesses du sang, un troisième les hautes charges féminines des maisons royales. Deux carrosses de la Dauphine accompagnent les dames pour accompagner quand les dames du palais ont déjà utiliser un carrosse de la Reine avant l’arrivée de la famille royale.
La presse est telle qu’on entend «Bourrez !». Louis XV ne réussit à s’installer qu’à sept heures du soir.
Le ballet ne finit qu’à dix heures du soir. Si la musique et le spectacle dansé sont hautement appréciés, ce n’est pas le cas de la pièce, l’histoire étant jugée trop en la faveur de la France, au détriment de l’Espagne. L’Amour qui écrase les Pyrénées est jugé ridicule.

Après le ballet

Grand Couvert dans l’antichambre de la Reine. 

Antichambre du Grand Couvert, château de Versailles, photographie RMN/Jean-Marc Manaï

Mesdames vont ensuite se coucher, ne pouvant assister à la bénédiction du lit nuptial. 

Louis XV a donné ordre pour cette soirée et les deux suivantes d’illuminer toutes les façades du château à l’aide de terrines. Les ailes des ministres et les écuries sont également éclairées.

 

Le 24 février 1745
A six heures du soir

Bal paré au manège. L’arrangement pour les carrosses est le même que la veille.  L’orchestre de cent cinquante musiciens joue sur la scène. Le Roi et la Reine sont du côté de la porte, les danseuses devant des deux côtés, les danseurs en face du Roi. C’est le Roi qui nomme les couples. Pendant une heure ce sont des menuets puis des contredanses. Le bal se termine avant dix heures pour le Grand Couvert. 

Dix heures du soir

Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine.     Il n’y a rien de prévu pour le reste de la soirée.

Le 25 février 1745

C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame Lenormant d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour) qu’il découvre dans le costume de Diane chasseresse.

 

A sept heures du soir

Appartement dans la grande galerie. 

Bal paré donné à Versailles pour la mariage du Dauphin en 1745, par Charles Nicolas Cochin, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de la Galerie des Glaces en 1745 lors du mariage du Dauphin Louis-Ferdinand, par Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Jeu du Roi dans la Galerie des Glaces, Charles Cochin

A sept heures du soir

Comme à l’accoutumé, il y a «soirée d’appartement» chez le Roi. Exceptionnellement, elle a lieu dans la Grande Galerie, où l’on a disposé, outre une grande quantité de tables de jeux diverses et variées, une grande table rectangulaire destinée à la partie de lansquenet du Roi dans le centre de la Galerie et une autre table, ronde plus petite, devant la porte du Salon de la Paix, réservée au cavagnole de la Reine.

Dans le Salon de la Guerre joue un orchestre d’une cinquantaine de musiciens, avec trompettes, timbales, tambourins…

A neuf heures du soir

Le Grand Couvert a lieu comme les autres soirs. Puis chacun se retire chez soi afin de se préparer pour un bal masqué qui doit se dérouler toute la nuit.

Durant cet intermède, les services des Menus Plaisirs et du Garde meuble font disparaître les tables de jeux de la Galerie afin de la préparer pour le bal.

Le Bal des Ifs, le jour Madame de Pompadour officialise son entrée à la Cour de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion)

Aucune invitation n’a été lancée : «On y entre, nous dit Barbier, sans distinction, en habit de masque à la main». Néanmoins, il a été prévu des filtrages aux deux entrées de ce bal : une à l’escalier de Marbre et l’autre à celui de l’Escalier du salon d’Hercule. Des huissiers demandent qu’une personne des groupes qui rentrent se démasque, se nomma et nommait les autres personnes. La foule devient telle et la bousculade si forte que les huissiers abandonnent et laissent tout le monde entrer. Il y a quatre grands buffets garnis de rafraîchissements de toutes sortes de vins, du saumon frais, des pâtés de truites, des poissons au bleu, des filets de sole et tout ce que l’on pouvait souhaiter la nuit d’un vendredi maigre. Les quantités sont si abondantes qu’on prétend que certains en fourrent plein leurs poches pour les revendre le lendemain au marché. Peu avant minuit, la Reine apparaît, sans masque revêtue d’une robe constellée de bouquets de perles avec sur sa tête, le Sancy et le Régent, les deux plus beaux diamants de la Couronne. Elle accompagne le couple de mariés, le Dauphin costumé en jardinier et la Dauphine en marchande de fleurs.

Un quadrille débute le bal avec le Dauphin, non masqué menant la Dauphine, le duc et la duchesse de Chartres, madame d’Andlau et monsieur de Ségur, tous costumés en bergers et bergères, en robes à paniers enguirlandées de fleurs, une corbeille fleurie à la main, puis on va s’asseoir sur une estrade préparée à leur intention afin de s’amuser à regarder les masques. Mais Louis XV n’est toujours pas là.

Un autre incident intervient au souper quand la princesse de Conti, fatiguée d’être restée debout, voulue s’asseoir sans trouver de sièges libres. Discrètement, elle se démasque, persuadée qu’en dévoilant son identité, elle trouvera aussitôt un siège mais personne ne se lève, feignant de ne pas reconnaître une princesse du sang. Furieuse, elle quitte le salon en déclarant haut et fort que de «sa vie qui est longue, elle n’avait vu des gens si malhonnêtes, il faut qu’on soit ici de bien mauvaise compagnie».
C’est au moment où la princesse quitte l’Œil-de-Bœuf que l’on peut assister à un surprenant spectacle : sept ifs exactement identiques, taillés en topiaires, s’avancent à la queue leu leu, tandis que la foule s’écarte pour les laisser passer. On a immédiatement deviné que le Roi se trouve parmi ces ifs.
C’est Louis XV qui, semble-t-il, a eu cette idée originale de déguisement, persuadé que personne ne pourrait le reconnaître.

 

Beaucoup d’indiscrétions ont couru sur les liaisons du Roi avec une mystérieuse inconnue et l’on sait que «le mouchoir” va être jeté ce soir-là. Beaucoup de dames meurent d’envie d’être la maîtresse du Roi et ce bal est une chance inespérée pour toutes les prétendantes à la succession de la duchesse de Châteauroux.

Madame d’Etiolles, costumée en Diane chasseresse, parle à un if : le règne de madame de Pompadour (1721-1764)  débute.

Ce fameux bal ne devait s’achever que le lendemain vers les huit heures du matin.

La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie  et irrévérence Maman Putain.

Jeanne-Antoinette de Pompadour par Boucher

Le 22 juillet 1746

La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.

Le 9 février 1747

Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe

Allégorie du mariage du dauphin et de la princesse Marie-Josèphe de Saxe
Madame Adélaïde dans le grand cabinet du Dauphin
Madame Adélaïde par Jean-Marc Nattier (1750)
Madame Adélaïde peinte par Nattier

 

En mars 1748

Victoire revient à la Cour. A son retour à Versailles, elle est, un temps, la coqueluche de la Cour, créant une rivalité éphémère à Madame Adélaïde, à qui elle vole la vedette. Jalousie passagère, à laquelle succède la plus franche amitié puis une profonde tendresse. Elle partage avec ses sœurs, leur «maison» et leur appartement, car dès lors, elles vivront toujours ensemble. Imbue de son sang, et quoiqu’elle reçût avec une certaine joie les hommages de son cousin le prince de Conti ainsi que ceux du prince François-Xavier de Saxe, Madame Adélaïde préfère rester célibataire.

Madame Victoire par Nattier
Léa Wiazemsky (à gauche et à droite en bas) interprète Madame Adélaïde dans Jeanne Poisson, marquise de Pompadour de Robin Davis (2006)
Madame Adélaïde par Maurice Quentin de La Tour
Madame Adélaïde (1750) peinte par Nattier

Dotée d’un caractère vif, Madame Adélaïde sait s’imposer comme un véritable chef de famille auprès de ses sœurs. Seule la benjamine Madame Louise, qui entrera au Carmel en 1770, échappe à son ascendant.
Très proche de sa mère, la Reine Marie Leszczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.

Un  tableau de Drouais rappelle l’intérêt de Mesdames pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier.

« Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.»

Mesdames Sophie, Victoire et Louise, cette dernière étant alors déjà retirée au Carmel
La Terre a les traits de Madame Elisabeth, L'Air ceux de Madame Adélaïde et L'Eau ceux de Madame Victoire
L'Air (1751) sous les traits de Madame Adélaïde

Madame Adélaïde a un quotidien monotone de princesse de France, c’est à dire des journées réglées par l’Étiquette interrompues par de rares distractions, où elle doit, entre autres, faire sa toilette et manger en public, changer plusieurs fois de robes, endurer le Grand habit de Cour, « faire sa cour » au Roi et à la Reine, recevoir les visites et les ambassadeurs, s’amuser sans joie dans des bals et divertissements réglés d’avance.

Sous la conduite des maîtres de musique, les enfants développent une pratique quasi professionnelle. Madame Victoire est d’ailleurs la plus douée de toutes et est largement célébrée par les compositeurs de l’époque : en 1751, Couperin lui dédicace son « Livre de pièces de clavecin ».

Jean-Marc Nattier : La Justice, sous les traits de Madame Adélaïde, punissant l'Injustice
Louis-Joseph de Bourgogne par Jean-Marc Nattier (1754)

 

Le 13 septembre 1751

Naissance de son neveu, Louis-Joseph-Xavier (1751-1761), duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles.

Le 10 février 1752

Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans. Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.

Madame Henriette (1727-1752) par Jean-Marc Nattier ; 1747
Image de Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006) de Robin Davis

C’est désormais Adélaïde  qui sera appelée simplement Madame en tant que fille aînée (en vie) du Roi. 

Madame Adélaïde par Liotard (1753)

Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.

Le coffret de voyage de Madame Adélaïde
Stanislas Leszczyński par Girardet

Le coffret de voyage de Madame Adélaïde :

Ce coffret de voyage au couvercle légèrement bombé présente des pentures sur les angles et les coins. Il est muni de poignées latérales. Le couvercle est à décor «dentelle». Il est frappé au centre d’un cartouche aux armes de Madame Adélaïde, sous une couronne fleurdelisée et encadrée de palmes nouées.
L’intérieur est gainé d’un papier moiré bleu. Les archives des Menus-Plaisirs montrent que presque chaque année, Mesdames, filles de Louis XV, commandent un, voire plusieurs coffres en maroquin. Lorsqu’ils sont jugés abimés, ils sont transmis aux membres de leur suite.

Cartouche aux armes de Madame Adélaïde

 

Les filles de Louis XV se font livrer également de grandes malles armoriées destinées à contenir leurs effets lors de leurs déplacements. Chacune d’elles a sa couleur, le rouge pour Madame Adélaïde, Madame Sophie a le jaune, le bleu pour Madame Louise et Madame Victoire le vert. Simonneau livre en 1752 cinq coffres recouverts de maroquin rouge armorié à Madame Adélaïde, puis Sirois prend la relève jusqu’en 1768. Des compartiments et des sacs intérieurs permettent de disposer corbeilles de toilette, chapeaux, paniers, tabatières, diamants ou même pièces d’or ou d’argent.

Madame Victoire et Madame Adélaïde par Henry Walters

La chambre de Madame Adélaïde à Fontainebleau
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Fontainebleau , la vraie demeure des Rois )

Les dimensions actuelle de la pièce remontent à l’avancement la façade sur le Jardin de Diane en 1751 et la création de la rotonde en 1773. Elle fut d’abord la salle-à-manger du Roi en 1737. Madame Adélaïde en fait sa chambre en 1752 avant de devenir son grand cabinet en 1776. Louis XVI en fera son salon des jeux en 1783 et Madame Royale sa pièce des Nobles en 1786.

Les boiseries datent de Louis XV et la corniche de 1773. Les dessus-de-porte sont de Hubert en 1859.

Ce salon a conservé de nombreux meubles installés pour Marie-Louise en 1810. Il évoque ses principales activités : table à écrire, boîte à lettre, métier à brider et chevalet. Le piano-forte a appartenu à Hortense de Beauharnais. Les consoles en demi-lune et les chaises en acajou à dossier ajouré, de Jacob-Frères, proviennent de la Bibliothèque de l’Impératrice aux Tuileries et son installés en 1808 dans cette pièce.

La chambre de Madame Adélaïde à Fontainebleau

Le 23 novembre 1753

La petite terrasse intérieure et discrète de Madame Adélaïde
(Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion

Au retour de Fontainebleau, Madame Adélaïde prend possession de son nouvel appartement. Pour cela, on a détruit l’escalier des Ambassadeurs et la petite galerie de Mignard.

Plan de l'appartement de Madame Adélaïde en 1753

Voici comment le duc de Luynes le décrit :

« On détruit entièrement ce bel escalier dont les marbres ne pourront point servir. On entrera dans cet appartement par le palier de l’escalier qui doit être du coté de la chapelle. Ce palier formera la première pièce. Le reste de l’appartement sera pris sur la petite galerie dont on recule le mur pour lui donner plus de largeur. L’autre palier de l’escalier ferra les garde-robes et une petit cour dans le milieu pour donner du jour».

Plan de la terrasse et dessin de la fontaine et du treillage de la terrasse de Madame Adélaïde

 

La petite cour intérieure comporte une large terrasse avec un jardin suspendu, orné de treillage, d’une fontaine murale, des bancs et de plusieurs jardinières.

Au moment où Louis-Philippe décide de construire son escalier, il recouvre la cour. La terrasse se situait à l’emplacement de l’actuel escalier, face à la porte brute donnant sur le salon de Diane.

Au début de l’année 1770, cette terrasse sera recouverte pour agrandir l’appartement du Roi.

Être à côté de son père :
L’Appartement de Madame Adélaïde au Premier étage
(1754-1769)

( Texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Plan de l'appartement de Madame Adélaïde
Plan de l'Appartement : retombe avec entresol

Cet appartement est construit à l’emplacement de deux lieux mythiques de Louis XIV : l’Escalier des Ambassadeurs et la Petite Galerie de Mignard. La nécessité de logements et l’état de délabrement de l’Escalier incite Louis XV à le détruire et loger sa fille favorite, Marie-Adélaïde de France. Les travaux sont très rapide (à peine deux ans). Et c’est au retour de Fontainebleau, le 23 novembre 1753, que Madame prit possession de son nouvel appartement. Il est composé de sept pièces principales et deux en entresol. Il possède également sa cour privée avec balcons de service et terrasse privative ornée d’une fontaine et d’un treillage.

a) Première Antichambre, aujourd'hui Salon des Jeux de Louis XVI
d) Seconde Antichambre, aujourd'hui Salle-à-Manger des Salles Neuves

En 1769, les amours de Louis XV et madame du Barry incitent le Roi à récupérer cet appartement. Il l’annexe au sien et ces pièces deviennent «les salles neuves». Madame Adélaïde rejoindra alors ses sœurs au rez-de-chaussée.

e) Chambre à Coucher, aujourd'hui Bibliothèque de Louis XVI
f) Cabinet Intérieur dit cabinet doré
Cabinet Intérieur dit cabinet doré

Seul vestige de cet appartement fortement modifié, est le cabinet doré réputé avoir reçu le petit Mozart de passage en France.

g) Arrière Cabinet, aujourd'hui Cabinet de la Cassette
Commode en vernis Martin présente dans cet appartement
Louis-Auguste par Frédou

 

Le 23 août 1754

Naissance de son neveu, Louis-Auguste, futur Louis XVI, dont Adélaïde est la marraine.

Le 17 novembre 1755

Naissance de son neveu, Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.

Louis-Stanislas par Maurice Quentin de la Tour

Le 5 janvier 1757

Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.

Portrait de Madame Adélaïde tenant un livre de musique par Jean-Marc Nattier, huile sur toile, 1758, musée du Louvre
Le comte d'Artois et sa sœur Madame Clotilde par Drouais
Madame Victoire par Nattier (1756)

Le 9 octobre 1757

Naissance de son neveu,  Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.

Le 23 septembre 1759

Naissance de sa nièce,  Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.

L'adoration des Bergers par Castaglione (1645) placé dans son appartement en 1757

Le 6 décembre 1759

Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme, à Versailles.

Le 22 mars 1761

Mort de son neveu, Louis-Joseph, duc de Bourgogne (1751-1761).

Le 15 avril 1764

Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.

Dessin du duc de Bourgogne malade
Le duc de Bourgogne malade
Louise-Elisabeth, duchesse de Parme par Adélaïde Labille-Guiard

Le 3 mai 1764

Naissance de sa nièce Madame Élisabeth (1734-1794), future martyre de la révolution.

Suppression de l’ordre des Jésuites en France.

La petite Madame Babet avec son carlin, par Drouais, vers 1770
Madame Adélaïde par Drouais (1763)

Le Grand Cabinet de Madame Adélaïde
(texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Louis XV veut garder ses filles auprès de lui, prétextant l’incommensurabilité des dots à pourvoir. Pour ce faire, il n’hésite à faire quelques concessions, comme la destruction de l’Escalier des Ambassadeurs, pour y loger sa fille Adélaïde. Tandis que Victoire, Sophie et Louise investissent l’Appartement mitoyen de la favorite au rez-de-chaussée, précédemment occupé par la veuve du comte de Toulouse.
C’est Madame de Pompadour qui a donné au Grand Cabinet sa forme actuelle, et la cheminée de marbre sérancolin a été posée pour elle.

Les riches boiseries qui l’ornaient ont entièrement disparu, mais les corniches faites pour Madame Adélaïde ont pu être rétablies. Les grands tableaux représentent Madame Adélaïde par Jean Marc Nattier et Madame Victoire jouant de la harpe par Étienne Aubry.

Madame Adélaïde pratique le violon, le violoncelle, la guitare, et même des instruments aussi incongrus que le cor ou la guimbarde. Elle a un véritable talent pour le violon dès l’âge de onze ans. A dix-huit ans, elle s’érige en véritable professionnelle, supervisée par le célèbre Jean-Pierre Guignon, qui ne tarit pas d’éloges sur son élève dans la dédicace d’un recueil de Pièces de différents auteurs à deux violons amplifiées et doublées

« Je me ferais un scrupule de dissimuler que c’est elle qui m’a fourni les idées que j’y ai ajoutées pour toutes les agréables variations que la finesse de son goût, l’aisance de son jeu et la précision de son intelligence dont éclore de tous les morceaux qu’elle exécute.»

Les meubles en ébène et laque, par Martin Carlin, étaient dans le Grand Cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue, tandis que les sièges par Georges Jacob, proviennent du Salon des Jeux de Louis XVI à Saint-Cloud.

Plan de l'Appartement de Madame Adélaïde en 1789
Plan des entresols de l'Appartement de Madame Adélaïde en 1789
Buffet d'orgue en chêne sculpté peint et doré, sommé du chiffre «M.A.» (Marie Adélaïde) surmonté d'une couronne et flanqué de deux lévriers, cet orgue fut probablement l'un des trois orgues de cabinet commandés au facteur d'orgues Nicolas Sommer en 1747 pour le Dauphin, la Dauphine et Madame Adélaïde.

Madame Adélaïde chante comme un contralto, d’une façon presque masculine. Cette voix de baryton s’accorde parfaitement à son physique, celui d’un garçon manqué. 

En 1764

Mozart lui dédie son «Œuvre première de sonates».

Violon réputé avoir appartenu à Madame Adélaïde
Camille Grosjean prête ses traits à Madame Adélaïde dans Louis XV, le Soleil Noir (2009) de Thierry Binisti

Le 20 décembre 1765

Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand (1729-1765), son frère,  meurt, à l’âge de trente-six ans.

Allégorie de la mort du Dauphin de Lagrenée l'Aîné (1766): le petit duc de Bourgogne, décédé en 1761, lui présente la couronne de l'immortalité. On le voit entouré dans ses derniers instants par son épouse, Marie-Josèphe de Saxe et par ses fils , le duc de Berry (futur Louis XVI, agenouillé), le comte de Provence (futur Louis XVIII) et le comte d'Artois (futur Charles X).
Le Dauphin Louis-Ferdinand par Roslin

Le 25 avril 1766

«Madame la Dauphine a été attaquée ces jours derniers par une toux opiniâtre à la suite de laquelle est survenu un crachement de sang. Cette princesse a été saignée deux fois..

lit-on dans la Gazette de France.                                                    

Le 11 mars 1767

Marie-Josèphe de Saxe revoit ses fils pour la dernière fois.
Elle confie ses enfants à Madame Adélaïde :

«Voilà mes orphelins, soyez, pour eux le père et la mère…»

Marie-Josèphe de Saxe

A Madame Adélaïde, Marie-Josèphe lègue une boîte bleue émaillée ornée du portrait du Dauphin, une boîte de ses cheveux également avec son effigie, et la cassette où est contenu le «trésor», c’est-à-dire tous les papiers de Louis-Ferdinand.

Dernier réveillon de Marie Leszczyńska : Une coutume s'était instaurée dans la famille royale : chaque 31 décembre à minuit, Louis XV et son épouse, assis de part et d'autre de la pendule astronomique de Passemant, assistent au changement d'année entourés de leurs enfants et petits-enfants... composition de Benjamin Warlop

Le 24 juin 1768

Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), sa mère.

Madame Adélaïde par Maurice Quentin de La Tour
Marie Leszczyńska par Jean-Marc Nattier

En 1769

Après la destruction de l’Escalier des Ambassadeurs, en 1752 , il y a à cet emplacement le Cabinet de retraite de Madame Adélaïde. Il est décoré de vernis des frères Martin. Puis, elle en fait sa salle de bain (1769) décorée de carreaux de hollande fournis par le marbrier Deschamps. Le dallage était de pierre de Liais et cabochons de marbre noir.

La chambre de Madame Adélaïde
(  texte  et photographies de  Christophe  Duarte ; Versailles – passion )

Ce fut la chambre à coucher du comte de Toulouse de 1724 à 1737, du duc de Penthièvre de 1737 à 1744 et de la duchesse de Penthièvre de 1744 à 1750. Elle devint alors la chambre de la marquise de Pompadour qui y mourut le 15 avril 1764. Chambre de Marie-Josèphe de Saxe en 1766 mais la Dauphine mourut le 13 mars 1767 sans avoir pu s’y installer. Cependant, après sa mort, elle fut exposée ici sur un lit de parade. C’est la chambre de Madame Victoire de 1767 à 1769 et enfin celle de Madame Adélaïde de 1769 à 1789.

Les boiseries ont été exécutées pour la Dauphine en 1766 par Verbeerckt, à l’exception des bordures des dessus-de-porte qui sont un «réemploi» du décor de la chambre de madame de Pompadour : elles encadrent quatre peintures de Natoire représentant des allégories de la Peinture, la Sculpture, l’Architecture et la Musique. 

Il remplace le lit à la duchesse, c’est-à-dire placé perpendiculairement au mur, plus monumental, qui figurait dans cette vaste chambre jusqu’à la Révolution. L’appellation de ce type de lit changeait selon l’humeur des ornemanistes : «lit à trois dossier», «lit d’alcôve», «lit à niche», «lit à l’italienne» …
La pendule sur la cheminée correspond en tout point à celle livrée en décembre 1771 pour la chambre à coucher de la comtesse de Provence à Versailles. Le lit à trois dossiers a été associé à une impériale, ornée de fleurs telles que le pavot, associées au sommeil.

Stylistiquement, ce lit, qui provient d’un château normand, peut-être daté des années 1770-1775 dites de style «transition». En effet, si la répartition de la sculpture est parfaitement assimilée, il reste encore quelques «archaïsmes» comme ces ressauts sur la traverse basse, ou ces grandes feuilles d’acanthe placées maladroitement au milieu de chacune des traverses. De Georges Jacob, le Musée du Louvre le reçoit en legs par Isaac de Camondo en 1911. Le Louvre le dépose au château de Versailles en 2013.

La commode est livrée par Joubert en 1770 pour la chambre de Madame Adélaïde au château de Bellevue.

Le cabinet Intérieur de Madame Adélaïde
(  texte  et photographies de  Christophe  Duarte ; Versailles – passion )

Cette pièce fut créée en 1724 par le cloisonnement du vestibule dorique pour servir de seconde antichambre au comte de Toulouse. Madame de Pompadour en fit son cabinet particulier qu’elle décora de panneaux de laque à fond rouge. La pièce était alors moins profonde et elle ouvrait, au fond, sur un arrière-cabinet obscur, où aboutissait l’escalier particulier de Louis XV. L’aménagement actuel date de Madame Adélaïde, mais seuls subsistent les panneaux sculptés des dessus-de-porte : ils encadrent des peintures de Jean-Bernard Restout représentant «Les quatre Saisons» et proviennent du château de Bellevue. Les portraits ovales sont ceux des neveux et nièces de Madame Adélaïde : le comte de Provence et le comte d’Artois, tous deux par Louis-Michel Van Loo, et Madame Clotilde par Joseph Ducreux.

Le 22 avril 1769

Madame la comtesse du Barry (1743-1793) est présentée à la Cour.

Louis XV par Drouais, 1773

Le 16 mai 1770

Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793).

Louis-Auguste, Dauphin de France par Louis-Michel Van Loo
Gravure du mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin, le 16 mai 1770
Marie-Antoinette Dauphine, huile sur toile de Joseph Ducreux, 1770

Le 30 mai 1770

Durant le feu d’artifice qui clôt les festivités à Paris, un incendie s’est déclaré rue Royale, créant un mouvement de panique ; de nombreux passants ont été écrasés par des voitures et piétinés par des chevaux. Le bilan officiel fait état de cent trente-deux morts et des centaines de blessés.

Les jeunes époux sont atterrés. Le Dauphin écrit aussitôt au lieutenant de police, Sartine :

« J’ai appris les malheurs arrivés à mon occasion ; j’en suis pénétré. On m’apporte en ce moment ce que le Roi me donne tous les mois pour mes menus plaisirs. Je ne puis disposer que de cela. Je vous l’envoie : secourez les plus malheureux. »

La lettre est accompagnée d’une somme de 6 000 livres. La Dauphine et Madame Adélaïde suivent cet exemple honorable.

Prévenue contre Madame du Barry dès Son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie.

Le conflit Dauphine/ favorite vue dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

Encouragée par le clan Choiseul et Madame Adélaïde et ses sœurs, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.

Le 12 juillet 1770

Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :

« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travailkle, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»

           Marie-Antoinette

Portrait de Marie-Antoinette envoyé à la Cour de France pour Ses fiançailles, Ducreux, Versailles
Marie-Antoinette et Ses tantes vues par Sofia Coppola (2006)

« Madame la Dauphine … soupa avec le Roi et prit occasion de lui demander son consentement pour qu’une nommée Thierry, femme du premier valet de chambre de M. le Dauphin, fut placée chez Mme la Dauphine en qualité d’une des premières femmes de chambre, ce que le Roi accorda sur-le-champ. Cette Thierry, ainsi que son mari, sont créatures du duc de La Vauguyon et par conséquent conviennent peu au service de Mme la Dauphine. S.A.R. en paraissait même persuadée à la suite des représentations que je lui avais faites à ce sujet ; mais Mme l’archiduchesse s’est enfin déterminée par deux motifs dont elle m’a dit le premier et dont j’ai deviné le second. Le premier a été que Mesdames, peu instruites des choses, ont désiré contre toute raison que cette femme fût placée, et ont tourmenté Mme l’archiduchesse a consisté Mme la Dauphine pour qu’elle la demandât au Roi. Le second motif de Mme l’archiduchesse a consisté en ce que la dite Thierry a un enfant de quatre ans assez vif et joli, et que S.A.R. est bien aise de rapprocher d’elle en vertu de la passion qu’elle a pour les enfants.»

          Mercy d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse

Madame Adélaïde (1763) par Ducreux
Madame Adélaïde par Ducreux, telle qu'elle apparaît à Marie-Antoinette qui arrive en France

« La future première femme de chambre a occasionné un petit mouvement d’aigreur entre Madame la Dauphine et sa dame d’honneur. Madame la Dauphine a trouvé qu’on différait trop longtemps de mettre la survivancière en exercice. Je ne sais qui l’a conseillée, elle a cru avoir le droit de la mettre en possession quoiqu’elle n’eût pas de brevet ni prêté serment. Elle n’en avait pas parlé à Madame de Noailles et lui a fait seulement dire par cette femme de chambre ( madame Thierry ). Madame la Dauphine ne m’en a parlé qu’après avoir donné cette mauvaise commission… J’ai eu à essuyer les plaintes de Mme de Noailles plus piquée qu’elle ne l’a encore été et reparlant plus que jamais de quitter Madame la Dauphine à qui cette menace est revenue, apparemment par Mesdames, a pris son parti à cet égard. Elle ne serait pas fâchée que Madame de Noailles quittât dans un an ou deux, et s’était déjà fait un petit système pour la remplacer… J’ai représenté à Madame la Dauphine … que dans l’état actuel, on lui donnerait sûrement une des dames en faveur. L’ascendant des tantes est plus fort que jamais , je me casserais le nez si je voulais la combattre directement.»

            L’abbé de Vermond à Mercy

Le Boudoir de Louis XV,
Pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames de France à l’Opéra
(  Texte  et  illustrations  de Christophe Duarte – Versailles Passion )

Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel  prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…
Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y  rendre discrètement.  Toujours dans ce soucis de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer. De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel.
Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.

Boudoir du Roi : porte donnant sur la Galerie du premier étage de l'Aile du Nord
L'amour des arts par Jacques Louis Touzé

Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.

Le 10 septembre 1770

Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise qui devient Sœur Thérèse de Saint-Augustin.

Madame Louise de France en Mère Thérèse de Saint-Augustin

Le 14 février 1771

Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.

Louis-Stanislas de Provence par Drouais
Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence, par François-Hubert Drouais

Le 16 avril 1771

« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»

            Mercy à Marie-Thérèse

Visite de Louis XV à Sœur Thérèse de Saint-Augustin par Maxime Le Boucher (1882)

Le 12 septembre 1771

Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.

Le 11 août 1772

Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.

Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola 

Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :

« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»

Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.

Mesdames influençant la Dauphine dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc

Le 1er janvier 1772

Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :

« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »

C’est tout.

C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
La frivole Dauphine déplaît bientôt à Sa tante et c’est dans les salons de celle-ci qu’elle fut pour la première fois surnommée « l’Autrichienne », surnom qui La poursuivra jusque sur l’échafaud.

Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire dans Marie-Antoinette, la Véritable Histoire (2006)
La scène dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Jacqueline Jehanneuf est Madame Adélaïde
Jacqueline Jehanneuf est Madame Adélaïde (série Marie-Antoinette de Guy Lefranc, 1975-76)

 

 

 

 

 

La princesse a du caractère mais  il semble, selon les dires de Mercy-d’Argenteau qu’elle se fasse influencer par sa dame d’atours, la comtesse de Narbonne (1734-1821), qui a été la maîtresse de son royal père :

Françoise de Chalus, duchesse de Narbonne-Lara, dame d'atours puis d'honneur de Madame Adélaïde

« La comtesse de Narbonne, dame d’atours de Madame Adélaïde, gouverne entièrement cette princesse, et voudrait aussi par son moyen gouverner Mme la dauphine; elle y a déjà réussi en bien des choses, mais la présence de l’abbé de Vermond met un obstacle à l’entière exécution de son projet, et cela me fait craindre que cette dame d’atours pourrait bien s’occuper des moyens d’écarter l’abbé.»

Le 16 novembre 1773

Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.

Charles-Philippe, comte d'Artois par Callet
Marie-Thérèse d'Artois par Gautier d'Agoty

Le 29 avril 1774

Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père. Elles attraperont d’ailleurs la petite vérole…

Marcelle Arnold est Madame Adélaïde dans Marie-Antoinette de Jean Delannoy - 1956
Mesdames au chevet de Louis XV dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola
Mesdames au chevet de leur père dans Jeanne du Barry (2023) de Maywenn

Le 30 avril 1774

Le visage du Roi est couvert de pustules.

Dans la nuit du 7 mai 1774

Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.

Jeanne du Barry quitte Versailles . 

Le 9 mai 1774 au soir

L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV.

Le 10 mai 1774

Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Louis XV par Armand-Vincent de Montpetit
Mort de Louis XV dans Madame du Barry de 1919

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.

À la mort du Dauphin (1765) puis de la Dauphine (1767), Madame Adélaïde est dépositaire de leurs papiers, ainsi que d’une instruction destinée au futur Roi. Ce document est ouvert le 12 mai 1774 dans un petit conseil de famille, en présence de Louis XVI. Il désigne trois premiers ministres possibles : Maurepas (1701-1781), d’Aiguillon (1720-1788) et Machault (1701-1794).

C’est Maurepas que Louis XVI choisit.

Molly Shannon, bien qu'appelée Victoire dans le film de Sofia Coppola, interprète Madame Adélaïde (2006)
Madame Adélaïde par Anne Vallayer-Coster

En 1774

Louis XVI fait donc à ses tantes du domaines de Bellevue à Meudon.

Le château de Bellevue

Le château de madame de Pompadour puis de Mesdames
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )

Madame de Pompadour revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.

Reconstitution 3D du château de Bellevue en 1757
Reconstitution du château de Bellevue vers 1757 de Patrick Devédjan, 2012

Au décès de Louis XV, en 1774, le château est attribué par Louis XVI et Marie-Antoinette aux filles du Roi défunt, et tantes du nouveau monarque, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Bien que logeant principalement au Château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames viennent à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette. Celles-ci font transformer le décor intérieur par Richard Mique et font agrandir les jardins vers le Sud.

Porte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Porte feinte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Quatre candélabres en bronze doré pour le grand salon de Bellevue
Paire de vases vers 1775, attribuées à Gouthière, petit salon et grand salon de Mesdames, château de Bellevue, puis palais des Tuileries, horloge à cadran annulaire "Les Trois Grâces", vers 1770, d'après un modèle du sculpteur Falconet, photographie de Christophe Duarte, Versailles Passion
Fauteuil à la Reine provenant de Bellevue

Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier.

Commode de Martin Carlin pour le grand cabinet de Madame Victoire au château de Bellevue
Bureau plat de Martin Carlin pour le grand cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue
Encoignure de Martin Carlin pour le Grand Cabinet de Madame Victoire au Château de Bellevue
Canapé «à confidents» de Mesdames au château de Bellevue - Musée Gulbenkian, Lisbinne

Le château sera vendu à M. Testu-Brissy, qui le fera abattre

Vase de Bellevue

Dimanche 11 juin 1775

Louis XVI est sacré à Reims.

 

Le 20 août 1775

Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.

Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie dans Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn Le Besco

Service à thé chinois,
Dans les collections de Mesdames Adélaïde et Victoire

Il s’agit du cabaret chinois vendu à Louis XVI en décembre 1774, puis rendu l’année suivante et ensuite cédé à ses tantes Madame Adélaïde et Madame Victoire en décembre 1775. Chaque cartel, bordé d’une dentelle d’or régulière, montre des scènes animées avec des petits personnages, des oiseaux, des haies et des rochers fleuris traités en ors. Les visages et les vêtements colorés sont soulignés d’un trait d’or. Une tasse présentant un décor dans un médaillon provient d’un réassortiment. Fait exceptionnel, l’artiste Louis-François Lécot a signé son patronyme en or. Le service à thé chinois est racheté par Versailles en vente publique le 7 juillet 1992.

Cabaret chinois de madame Victoire ou Madame Adélaïde de Louis-François Lécot acheté en 1774 par Louis XVI puis offert en 1775 à ses tantes, porcelaine dure, manufacture royale de Sèvres, château de Versailles, photographie de Christian Jean
Marina Tomé incarne Madame Adélaïde dans Louis XVI, l'Homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti, 2011
Marina Tomé en Madame Adélaïde (Louis XVI, l'homme qui ne voulait pas être roi de Thierry Binisti, 2011)
Buste de Madame Adélaïde par Houdon (1777)

 

 

 

Le bureau à cylindre de Madame Adélaïde

Conservé à Waddesdon Manor, ce meuble n’est pas estampillé, mais, au cours d’une restauration, il a été possible de déchiffrer les vestiges d’une étiquette sur laquelle apparaissent les éléments suivants : «R./ sterie… ronzes./ … Princes…», d’où l’on peut déduire en clair «Riesener, Ebénisterie, Bronzes, Cour des Princes à l’arsenal», indication correspondant à la référence

« Livré Pour Le Service de Madame Victoire de France dans son Cabinet de retrait au Château de Versailles un Bureau à cylindre de marqueterie même forme que le Bureau de Madame fait en 1773. ayant 3 Pieds 8 Pouce de large sur 2 pieds de profondeur et 3 pieds 4 Pouce de haut composé de 5 tiroirs au corps du Bureau, et un serre-papier contenant 3 tablettes et six tiroirs, dont un est garni d’un Ecritoire de 3 pièce argenté, et un Coffre fort a Segrêt, fermant par une clef particulière. La table garni de velours noir environne d’un cadran ajusté de façon de Pouvoir L’avancé ou reculer. avoir ajusté au-dessus du Bureau une table a pupitre Servant a Ecrire debout, avec deux tiroirs garni d’un Ecritoire de trois Pièces argenté, La fermeture Consiste a des ressorts mécanique Lesquels moyennant une tour de Clef se développent font ouvrir Le cylindre découvrent tous les Papiers, et ouvrent en même tems tous les tiroirs. La marqueterie composé de vingt Panneaux en façon de tableaux de différents grandeur, représentant des trophées, des guirlandes, et Grouppes de fleurs, des fruits et Plusieurs attributs de la Poésie et Littéraire, Les armes et Chiffre de la princesse, Le tout en Piece de Rapport et en marqueterie ombré imitant la peinture incrusté dans un fond de satiné gris, environné des filet blanc et noires, et des frises d’amarante, Pour faire fond à la dorure. Ornée très Riche de quantités de moulures qui Environnent tous les Panneaux de marqueterie, des grands Cadres et balustrade uni et ciselé régnant au Pourtour du Bureau, des Grands Consols dont La partie d’en haut représente des branches d’olivier, et sont supporté en bas par des griffes de lions deux grands girandoles à 2 Branche Chacun Portant Les Bougis Pour Eclairer le bureau. Plusieur frises en feuilles d’ornements, des médaillons qui servent de portants aux tiroirs, Le tout de bronze ciselé et ajusté avec La dernière précision et doré en or-moulu. Pour… 15 680 (livres) (réduit à 14000 livres)».

Une mauvaise interprétation des lettres MA en marqueterie, entrelacées dans un cercle sur les côtés, a longtemps fait considérer cette pièce comme provenant du mobilier de Marie-Antoinette. Cette hypothèse reprise dans divers descriptifs anciens des collections de Waddesdon, fut remise en cause par les recherches de Pierre Verlet, qui suggéra que le bureau à cylindre avait pu être destiné à l’une des tantes du Roi.
En date du 7 septembre 1776, on trouve la description d’un bureau très similaire livré pour Madame Victoire.

Le bureau apparaît à nouveau dans le journal du Garde-Meuble en 1777, mais avec une description moins détaillée. La lecture du chiffre figurant sur les côtés n’ayant jamais vraiment été résolue, on peut s’en tenir à l’hypothèse selon laquelle le bureau aurait appartenu à l’une des deux tantes de Louis XVI, soit Madame Victoire, soit Madame Adélaïde, connues toutes deux pour leur prédilection à posséder des meubles de qualité, de prix élevé, et, avant tout, à la pointe de la mode.
La marqueterie est d’une exécution parfaite et les attributs de Minerve, de la poésie et de la littérature, ainsi que les motifs de fleurs semblent indiquer un destinataire féminin.

Le bureau à cylindre de Madame Adélaïde apparaît comme une version réduite du bureau du Roi réalisé par Œben et Riesener, livré en 1769. Ses pieds cambrés appartiennent au style Louis XV. Les deux bureaux à cylindre de Waddesdon, celui du musée Gulbenkian et celui de Buckingham Palace montrent les mêmes bras de lumière en bronze, inspirés des modèles créés par Jean Claude Thomas Duplessis dit Chambellan pour le bureau du Roi.

La petite Cour de Mesdames en forme une à part : on l’appelait la vielle Cour. Les habitudes y sont fort régulières. Les princesses passent tout l’été à Bellevue où leurs neveux et nièces viennent sans cesse leur demander à dîner familièrement et sans être attendus. Le coureur qui les précède de quelques minutes les annonce. Lorsque c’est le coureur de Monsieur, on avertit à la bouche, et le dîner est plus soigné et plus copieux. Pour les autres, on ne dit rien, pas même pour le Roi qui avait un gros appétit mais n’est pas à beaucoup près aussi gourmant que son frère. La famille royale, à Bellevue, dîne avec tout ce qui s’y trouve, les personnes attachées à Mesdames, leurs familles, quelques commensaux ; en général cela forme de vingt à trente personnes. Madame Adélaïde, sans comparaison, la plus spirituelle des filles de Louis XV, est commode et facile à vivre dans l’intérieur, quoique d’une extrême hauteur. Lorsqu’il arrive à un étranger de l’appeler Altesse Royale, elle se courrouce, faisait tancer l’introducteur des ambassadeurs, même le ministre des affaires étrangères, et s’entretient longtemps de l’incroyable négligence de ces messieurs, Elle veut être Madame, et n’admet pas que les Fils de France prennent l’Altesse Royale. Elle av l’horreur du vin dont elle ne boit jamais, et les personnes qui se trouvent placées près d’elle à table se détournent d’elle pour en boire. Ses neveux ont toujours cet égard. Si on y manquait, elle ne dirait rien, mais on ne se trouverait plus dans son voisinage à table et la dame d’honneur vous indiquerait de vous éloigner de la princesse. En ménageant quelques-unes de ses susceptibilités, et surtout en ne crachant pas par terre, ce qui la provoque presque à des brutalités, rien n’était plus doux que son commerce.

Madame Victoire a fort peu d’esprit mais une extrême bonté. C’est elle qui dit, les larmes aux yeux, dans un temps de disette où on parlait des souffrances des malheureux manquant de pain :

« Mais, mon Dieu, s’ils pouvaient se résigner à manger de la croûte de pâté ! »

A Bellevue, on vit tous ensemble, on se réunit pour dîner à deux heures, à cinq chacun rentre chez soi jusqu’à huit. On retourne au salon et, après le souper, la soirée se prolonge selon qu ‘on s’amuse plus ou moins. Il vient du monde de Paris et de Versailles ; on fait un loto ainsi qu’après le dîner. On aura peine à croire qu’à ce loto les comptes étaient rarement exacts et que, dans une pareille réunion, plusieurs personnes étaient notées pour être la cause de ces mécomptes. Il y a, entre autres, un saint évêque qui était le plus aumônier des hommes, une vieille maréchale, enfin assez de monde pour que ma mère m ‘ait dit qu’elle s’était décidée à jouer sur les mêmes numéros, sous prétexte de faire des nœuds de sorte que tout le monde savait son jeu d’avance, rapporte la comtesse de Boigne.

Après le loto, les princesses et leurs dames travaillent dans le salon, et la liberté y est assez grande.

A Versailles, c’est une tout autre vie. Mesdames entendent la messe chacune de leur côté : Madame Adélaïde à la chapelle, Madame Victoire, plus tard, dans son oratoire. Elles se réunissent chez l’une ou chez l’autre pendant la matinée, mais tout à fait dans leur intérieur et dînent tête à tête. A six heures, le jeu de Mesdames se tient chez Madame Adélaïde ; c’est alors qu’on lui fait sa cour. Souvent les princes et princesses assistent à ce jeu ; c’est toujours le loto.

A neuf heures, toute la famille royale se réunit pour souper chez Madame, femme de Monsieur. Ils y sont exclusivement entre eux et ne manquent que bien rarement à ce souper. Il faut des raisons positives, autrement cela déplaît au Roi. Le comte d’Artois lui-même, que cela ennuie beaucoup, n’ose guère s’en affranchir. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.

Le 19 décembre 1778

Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.

La princesse de Guéménée (1743-1807), malgré sa réputation douteuse, est la gouvernante des Enfants Royaux de Louis XVI dès la naissance de Madame Royale. La Reine l’entoure alors d’égards :

« J’espère que vous serez contente du logement quoique petit, le Roi en a été occupé toute la matinée dès neuf heures du matin et il en a fait décamper mes tantes qui y étaient établies.»

En 1780

Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.

La salle-à-manger de la comtesse de Provence par Benjamin Warlop

Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.

La cheminée de Madame Adélaïde
en marbre bleu turquin (1780)

Cette cheminée est exécutée pour le cabinet de Madame Adélaïde en 1780 au château de Fontainebleau. 

 

 

Son cabinet se situe au rez-de-chaussée de l’avancement de la façade sur le jardin de Diane en 1751 et la création de la rotonde en 1773. Elle est d’abord la chambre de Madame Adélaïde en 1752 avant de devenir son grand cabinet en 1776. Louis XVI la transformera en salon des jeux en 1783 avant de la céder à nouveau à Madame Adélaïde qui en fera sa pièce des Nobles en 1786.

Le 22 octobre 1781

Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François premier Dauphin.

Naissance du Dauphin par Jean-Michel Moreau, le jeune

La commode de Madame Adélaïde (1776)
par  Jean-Henri Riesener
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )

Commandée le 5 octobre 1776 par le Garde-Meuble de la Couronne à Jean-Henri Riesener, la commode est livrée le 18 décembre 1776, sous le numéro 2881, inscrit sur les panneaux arrière. Elle est ainsi décrite :

« une commode de marqueterie de 4 pieds 2 pouces de large 22 pouces de profondeur et 34 pouces de haut à dessus de marbre blanc veiné, et 5 tiroirs fermant à clef, représentant par devant au milieu un vase de jaspe sanguin garni de fleurs dans un fond de satin gris, orné de moulures, cadres, consoles, chutes, feuilles d’ornements, soupente et guirlandes ; le tout de bronze ciselé doré d’or moulu».

D’un modèle riche, de marqueterie losangée et de couleurs, elle figure parmi les premières productions que l’ébéniste fournit à la Famille Royale, alors qu’il vient, en 1774, d’être nommé ébéniste ordinaire du Garde-Meuble de la Couronne.
Il livre en 1776 trois commodes de ce type pour des membres de la Famille Royale. Le modèle plaît par la puissance de son architecture, l’élégance de ses bronzes et le jeu de ses bois. Sa marqueterie de couleurs s’appuie sur un dessin de treillage très architecturé. Les ovales cantonnant les losanges étaient teints en bleu et au centre de ces derniers apparaît la fleur de tournesol, motif cher à Riesener.
Quant au dessin de marqueterie du panneau central à décor de vases de fleurs, il relève de l’une des deux sources d’inspiration généralement utilisées par l’ébéniste qui alterne entre trophées allégoriques et sujets pastoraux.
Enfin la commode se remarque par le traitement riche de ses bronzes, de très grande qualité, et leur mouvement, comme celui des chutes encadrant le panneau central, qui accompagne et souligne avec élégance l’architecture du meuble selon les formules mises au point par le célèbre ébéniste.

 

Le 2 mars 1782

Mort de Madame Sophie, sa sœur.

 

Début septembre 1782

Leurs Majestés viennent de partir à Compiègne. Le Roi va se tuer pendant quatre jours à la chasse. Puis il reviendra à Versailles. La Reine restera deux journées à Louvois, en Champagne, dans la magnifique maison de campagne de Mesdames Adélaïde et Victoire. De là, Elle ira à la Muette où le Roi ira également passer quelques temps.

Madame Sophie vers 1778 par Anne Vallayer-Coster
La grille armoriée du château de Louvois, devant les fossés vue depuis la place d'armes.

De Madame Victoire à Madame Adélaïde,
Le déplacement incessant des bibliothèques des Filles de France
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )

A l’instar de ses sœurs Mesdames Adélaïde, Sophie et Louise, Madame Victoire souhaite une nouvelle bibliothèque dans son appartement. Gabriel l’établit dans un es­pace contigu au cabinet intérieur et an­nexé sur l’ancien appartement de jour de la Comtesse de Toulouse, décédée en sep­tembre 1766. Éclairée par une croisée sur le parterre et entresolée, la bibliothèque est chauffée par une cheminée surmon­tée d’une glace. Les travaux de la bibliothèque sont ache­vés au mois de novembre, puisque à la date du 16 novembre 1767 Pitoin livre un nouveau feu à figure dans le «cabinet en bibliothèque».

Emplacement de la Bibliothèque en 1783
Cour ouvrant le bibliothèque de 1783
Emplacement de la Bibliothèque en 1783

Après le mois de juin 1774, Madame Adélaïde laisse la jouissance de sa bibliothèque sur le Parterre nord à Madame Vic­toire qui dispose ainsi de deux biblio­thèques. On mure le passage avec le ca­binet intérieur, et Madame Adélaïde se fait établir une nouvelle bibliothèque à deux croisées à la place de ses bains sur la Cour royale. On accède à cette nouvelle bibliothèque par un long corridor prolongé à ce moment­ là, qui part de sa chambre à coucher et qui est pris en partie sur le passage me­nant de la Cour royale à la petite cour du Roi.

Les travaux s’échelonnent de septembre à octobre 1774 pour établir cette grande pièce rectangulaire après la destruction de la cloison centrale. Le même mois, Guesnon et Clicot demandent 15 000 livres pour des travaux exécutés en menuiserie chez Mesdames, durant le voyage de la famille royale à Fontai­nebleau, tandis que les frères Rousseau interviennent également dans ces pièces, sans que l’on sache quoi que ce soit du décor. A la fin du mois d’oc­tobre 1774, les principaux travaux sont presque achevés puisque « le sculpteur vient de rendre tout ce qu’il avait entre les mains pour l’appartement de cette princesse », et il ne reste qu’à poser, fer­rer et peindre la menuiserie de la bibliothèque. Le 6 novembre 1774, on délivre trente glaces blanches pour les ar­moires de la bibliothèque qui recouvrent tous les murs de la pièce.

Plan et élévation de la nouvelle bibliothèque de Madame Adélaïde à exécuter pendant l’année 1783
Plan de l'Appartement de Madame Adélaïde en 1789

Au printemps de 1780, quelques change­ments sont précisés dans la bibliothèque de Madame Adélaïde. Manquant de plus en plus de place pour disposer ses ou­vrages, la princesse demande la dépose et la suppression de la glace entre les deux croisées afin de créer un nouveau corps de bibliothèque «avec sailli à hauteur d’appui avec un dessus de marbre». A la suite des nombreux retards, le marbre de Sicile nécessaire à cette ta­blette et à deux encoignures de la pièce n’est délivré que le 5 avril 1781. Une nouvelle porte est également percée dans le corridor longeant le mur de la biblio­thèque afin de le faire communiquer avec les cabinets du tour.

Alors qu’aucune modification n’est appor­tée à son appartement en 1782, Madame Adélaïde exige le retour de ses bains sur la Cour royale l’année suivante. La des­truction de la bibliothèque entraîne l’édi­fication d’une nouvelle bibliothèque en lieu et place des anciens bains sur la cour des Cerfs, dont les travaux débutent le 21 février 1781. Les cloisons entre la chambre des bains, le passage et la pièce des chaudières doivent être abattues pour ne former qu’une seule grande pièce rectangulaire. La cheminée en marbre d’Antin, surmontée d’un trumeau de glace, est conservée. La pièce des bains doit devenir un supplément de biblio­thèque chauffé par un poêle disposé sous l’appui de la fenêtre. De simples corps de bibliothèque vitrés se développent sur le pourtour des deux pièces. La conception assez simple de cette bibliothèque per­met un achèvement rapide des travaux puisqu’en avril 1783 les dernières fini­tions sont apportées à cette pièce.

Le déménagement des bains de la cour royale permet à Madame Adélaïde de développer considérablement sa bi­bliothèque dans trois pièces distinctes. Accessibles uniquement depuis le corridor de service vitré, deux premières bibliothèques à une croisée chacune prennent les emplacements des anciennes chambre et pièce des bains.

Plan de l'Appartement de Madame Adélaïde en 1789 1. Vestibule et escalier des Salles Neuves 2. Première antichambre 3. Seconde antichambre 4. Grand cabinet 5. Chambre 6. Cabinet intérieur 7. Pièce des bains avec la pièce de la chaudière 8 et 9. Emplacement de pièces pour les bains et du cabinet du tour 10. Cabinet de chaise 11. Bibliothèques 12. Garde-robe aux habits 13. Pièces de service

On pénètre en­ suite dans une belle pièce rectangulaire à trois croisées formée par la réunion des deux anciens cabinets du tour, dont les co­lonnes soutenant l’entresol sont dissimu­lées dans un coffrage. Possédant trois belles biblio­thèques, Madame Adélaïde demande également la suppression du petit sup­plément de bibliothèque aménagé dans le petit passage menant à l’appartement de Madame Victoire. Devenus inutiles, ces rayonnages sont démolis.

Emplacement des bibliothèques en 1789

En 1787

Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.

« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »

            Mémoires du comte d’Hézecques

Madame Adélaïde par Adélaïde Labille-Guiard (1787)

Madame Adélaïde admoneste son royal neveu :

« Vous êtes incapable de porter de grands coups ; votre cœur s’y oppose. Je tremble pour l’avenir ! »

Le 23 décembre 1787

Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui se nomme désormais Sœur Thérèse de Saint-Augustin.

Le 8 août 1788

Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.

Portrait de Madame Louise de France en Mère Thérèse de Saint-Augustin, huile sur toile, vers 1771, peintre inconnu, localisation inconnue

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.

Procession des Etats Généraux
N'est-ce pas Madame Adélaïde représentée ici aux côtés de la Reine et du Roi lors de la procession des Etats Généraux?
Madame Adélaïde par Johann Heinsius (1788)

 

Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…

Ouverture des Etats Généraux

La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi. Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.

Madame Adélaïde se voulait brusquement à l’unisson du sentiment national et pensait qu’il sortirait peut-être quelque chose de bon de cette assemblée .  Il rappelle bien sûr la réponse du duc d’Osmond à Madame Adélaïde qui lui demandait s’il avait apprécié le beau coup d’œil de la salle des Menus Plaisirs .
Il n’y était pas car il n’aimait pas les enterrements et celui de la monarchie moins encore que tout autre .

« Eh moi, réplique la vieille princesse piquée au vif, je n’aime pas qu’à votre âge on se croie plus habile que tout le monde !»

Marina Tomé incarne Madame Adélaïde dans Louis XVI, l'Homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti, 2011

A Marie-Antoinette qui déplore, les yeux gonflés de larmes : «Ces Français ! Ils sont indignes !»
Madame Adélaïde réplique de sa voix dure :                          «Dites plutôt indignés, Madame !»

Le 4 juin 1789

Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Le 20 juin 1789

Serment du Jeu de paume

Le 27 juin 1789

A Versailles, la nouvelle de l’acceptation par le Roi de la réunion des Trois Ordres en Assemblée nationale amène le peuple fou de joie, à envahir les cours du château où, sur la terrasse de Midi la Reine présente le nouveau Dauphin, Louis-Charles.

Le 14 juillet 1789

Prise de la Bastille.

La prise de la Bastille dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

 

Le 16 juillet 1789

Le comte d’Artois émigre sous les conseils de la Reine.

Le 4 août 1789

Abolition des privilèges.

La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)
J'ai toujours pensé à Madame Adélaïde en voyant Tsilla Chelton, l'interprète de Tatie Danielle (1990), costumée en XVIIIe dans La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez

Le 26 août 1789

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789

Des milliers de parisiennes marchent sur Versailles pour réclamer du pain.

La famille royale se replie dans le château…

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Mesdames Adélaïde et Victoire, qui logent pourtant au rez-de-chaussée sont éveillées par des domestiques et non par la foule qui gronde. Elles rejoignent la famille Royale dans la chambre d’apparat du Roi qui domine la cour de marbre où s’est amassée la foule parisienne.

Image de Louis XVI, l'homme qui ne voulait pas être Roi (2012) de Thierry Binisti
Volet intérieur de la chambre de Madame Adélaïde
Tous les membres la famille royale, Mesdames comprises, sortent sur le balcon de la chambre du Roi et sont acclamés par la foule rassurée
La famille royale et La Fayette au balcon de la chambre du Roi à Versailles, le 6 octobre 1789 (film Marie-Antoinette par Jean Delannoy, 1956)

La famille royale est ramenée de force à Paris. Mesdames rejoignent leur domaine de Bellevue.

Les Tuileries dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 1er janvier 1791

Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …

Le 14 juillet 1790

 Fête de la Fédération.

Jean-François Balmer et Jane Seymour dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Vendredi 21 janvier 1791

Madame Adélaïde adresse une missive à son neveu Louis XVI pour un avis sur le choix de leur futur pays de résidence :

« Comment puis-je, mon cher neveu, vous exprimer les différents sentiments qui sont dans mon âme ? Votre lettre m’a achevé, votre amitié fait mon bonheur et augmente encore ; si cela peut, tous mes regrets de vous quitter. Avant de recevoir votre lettre, j’avais déjà renoncé au projet de Bruxelles auquel j’avais vu tous les inconvénients dont vous me parlez ; il reste encore l’Espagne ou Rome. Si vous voyez que nous puissions vous être utiles en Espagne, je ne balance pas un seul instant ; mais, c’est seulement pour l’argent, Rome devant être beaucoup meilleur marché, si je ne trouve quelqu’un qui puisse faire des avances et attendre des moments plus heureux, je crois que ce lieu-là serait sujet à moins d’inconvénients ; et peut-être, même de là, pourrions-nous vous être utilise pour l’Espagne. Si vous n’avez donc pas d’autres raisons de préférences que pour l’argent, je vous demande trois jours pour faire mon choix, mais toujours soumis à ce qui pourra vous être plus utile et plus agréable, c’est de quoi vous êtes, j’espère, bien persuadé. Adieu, mon cher neveu, pardonnez-moi si je suis troublée, mon amitié pour vous, seule, en est la cause. Conservez-moi la vôtre, elle fera mon soutien et mon bonheur ».

Mardi 25 janvier 1791

Dans une nouvelle lettre à Louis XVI, Madame Adélaïde discute et fait bien voir que, en dépit des conseils, elle tient à aller à Rome. Mesdames y ont un ami sûr : le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome.
Elle indique aussi qu’elle a trouvé un homme qui prend l’engagement de faire toucher à Rome l’argent don elles auront besoin pendant tout le temps que les paiements ici ne seront pas interrompus, et s’ils venaient à l’être, à faire l’avance jusqu’à concurrence de 1 200 000 livres.

Le 31 janvier 1791

Mesdames, tantes du Roi, écrivent au comte de Montmorin, ministre et secrétaire d’état aux affaires étrangères. Elles lui demandent les passeports pour aller à Rome, Louis XVI ayant permis ce voyage. Louis XVI a ordonné au comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de leur donner des passeports, et de les signer lui-même.
Les passeports sont signés, non sans grand débat, par le Commune de Paris.

Le 3 février 1791

Mesdames allaient partir quand une dénonciation sur leur résolution est transmise au club des jacobins.

Nouvelle lettre de Madame Adélaïde à Louis XVI, où elle se montre touchée par ses inquiétudes au sujet de leur départ, suite au bruit que cela fait. Elle lui indique que leur parti est pris. 

Le  9 février 1791
 
M. de Lessart, ministre de l’Intérieur, sur ordre de Louis XVI, avertit les autorités des grandes communes du prochain voyage de Mesdames. Il communique également la liste des personnes qui accompagneront Mesdames.
 
Le samedi 12 février 1791
 
Mesdames arrivent de leur château de Bellevue pour le château des Tuileries. Leurs appartements, au Pavillon Marsan, ne sont pas prêts à leur arrivée.
 
Le 14 février 1791

Une députation de la Commune de Paris se rend auprès du Roi pour qu’il s’oppose au départ de ses tantes.
Louis XVI répond l’allocution, qu’il avait écouté avec peine :
 
« Je suis sensible à la démarche de la commune. J’ai déjà répondu à la municipalité que mes tantes, étant maîtresses de leurs personnes, avaient le droit d’aller partout où bon leur semblait. Je connais trop leur cœur pour croire qu’on puisse concevoir des inquiétudes sur les motifs de leur voyage ».

Des agitateurs font partager leur colère chaque jour, dans le jardin du Palais Royal, car ils n’avaient pas été satisfaits de la réponse du Roi.
Déjà une députation des dames des halles étaient venues, au château de Bellevue, prier Mesdames de ne pas quitter la France.
D’autres envisageaient aussi de se transporter à au château de Bellevue. Cela hâte le départ de Mesdames.

Le 17 février 1791


                  ​La duchesse d’Orléans a fait ses adieux à Mesdames.

« Notre tendresse pour vous, mon cher neveu, et notre sentiment patriotique, dont nous ne nous sommes jamais écartées, doivent être connus depuis trop longtemps pour que nous puissions être affectées de ce qui a été dit hier à l’Assemblée; mais d’après la délibération prise, ou on décidera que nous sommes, comme tout le monde, soumises à la Loi, – et cette discussion sera en notre faveur, puisque la Loi prononce la liberté de l’homme – ou on décidera que vous devez avoir une autorité directe sur toute votre famille. Vous nous avez déjà donné votre permission pour voyager, je vous demande celle de partir. Vous connaissez nos motifs et la pureté de nos intentions, vous les avez approuvés. C’est à notre grand regret que nous nous éloignons de vous, mon cher neveu; vous connaissez assez notre tendresse pour n’avoir pas besoin de cette nouvelle assurance: tant que nous vivions, nous conserverons ces sentiments dans notre coeur.
Marie-Adélaïde Victoire»

Vendredi 18 février 1791


​Faute de ressources, Mesdames veulent emprunter 200 000 livres sur la terre de Louvois. La duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde, écrit à M. Aillot de Mussey, trésorier des princesses :

« Il faut absolument que cette affaire soit terminée très promptement. »


Madame Adélaïde a acheté cette terre, avec feue sa sœur Madame Sophie, en 1776. A la mort de cette dernière, Madame Adélaïde en est devenue l’unique propriétaire. La terre de Louvois appartenait à la famille Le Tellier, et se situait en Champagne.

​Dans la journée, Mesdames font leurs adieux à Louis XVI et à la Famille Royale. C’est la dernière fois qu’ils se voient.
Mesdames craignent qu’on ne cherche à les arrêter en leur château de Bellevue ; elles quittent dans la nuit le château des Tuileries, où elles sont depuis le 12, pour retourner au château de Bellevue. Elles persistent dans leur projet de voyage, et comptent se mettre en route soit le dimanche 20 soit le lundi 21.

Samedi 19 février 1791


​​Le départ a été fixé au 20 février.

A cinq heures du soir, le comte de Virieu, colonel du régiment Royal Limousin, apprend, à Paris, que les « mégères d’octobre » prennent le pont de Sèvres. Celui-ci étant à l’Assemblée nationale, il la quitte pour aller au château de Bellevue.
Au château, il entre dans la salle-à-manger où Mesdames allaient se mettre à table pour souper. Elles sont inquiètes.
Rien n’est prévu : pas de chevaux, pas de voitures. Les équipages sont à Meudon. Personne ne donne d’ordre.
La nuit étant venue, depuis la terrasse, on voit approcher une forêt de torches.
Le comte de Virieu voit une voiture attelée dans une cour écartée. Elle appartient à une visiteuse venue de Paris.

Madame Adélaïde écrit une lettre à Louis XVI où elle réitère l’indispensable nécessité de partir. A la fin de la lettre, elle ajoute un mot à l’attention de Marie Antoinette :

« Embrassez bien la Reine de notre part à toutes les deux, et dites-lui bien combien nous sommes désolées de ne pouvoir pas la voir, comme nous lui avions dit, et que nous l’aimons de tout notre cœur. Nous partons dans le moment ».

A dix heures du soir, le comte de Virieu pousse Mesdames à prendre la fuite, et ordonne au cocher de partir au galop par la grille de Meudon. Celle-ci est fermée, personne n’a la clé. Le suisse est parti. On s’adosse à la portière : la serrure saute.
Dans la voiture, il y a Mesdames et la duchesse de Narbonne, dame d’honneur de Madame Adélaïde. Le comte de Narbonne, son chevalier d’honneur, et dix-huit personnes suivent dans d’autres équipages : il y a le comte de Chastellux, chevalier d’honneur de Madame Victoire, et la comtesse de Chastellux, sa dame d’honneur, et leurs enfants ; l’abbé Madier, confesseur de Madame Adélaïde et de Madame Elisabeth, et de M. Couture, architecte du Roi. M. François Croiset, en charge de la comptabilité de Mesdames depuis 1783, émigre avec elles. Il continuera à les servir jusqu’à leurs décès.

Quand ils rejoignent la grande route de Fontainebleau, Mesdames changent de voitures, et partent à toute vitesse.

Dimanche 20 février 1791

​Au matin, les femmes de Paris arrivent au château de Bellevue, puis retournent à Paris donner l’alarme.
De nouveau, des hommes et des femmes retournent au château de Bellevue, pour tenter de s’opposer au départ des fourgons contenant les bagages de Mesdames. Au château de Bellevue, ils trouvent Alexandre Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, qui a été prévenu dans la nuit du départ de Mesdames.
Il donne ordre aux Chasseurs de Lorraine de faire des patrouilles à l’extérieur de Bellevue, et de rentrer à Versailles si tout est tranquille.
Jusqu’au 5 mars, M. Berthier fera envoyer, chaque jour, une garde de quinze gardes nationaux et de trente soldats commandés par un major de la garde nationale pour assurer la sécurité du château de Bellevue.

Mesdames Adélaïde et Victoire partent pour Rome Leur fuite est incités par les lois de France contre l’Église.

Le soir, Mesdames relaient, sans encombre, à Fontainebleau, et partent pour Moret.

Après le départ de Mesdames

Le château de Bellevue est tenu comme si leur absence n’était pas définitive. L’abbé de Ruallem, chef du conseil et intendant général des Maisons des princesses, agit au nom de Mesdames.

Madame Adélaïde par Élisabeth Vigée Le Brun
Madame Adélaïde par Johann Heinsius
Madame Victoire par Johann Heinsius

Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.

Images de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez qui illustrent bien le périple qu'a dû être le départ de Mesdames Adélaïde et Victoire

Leur départ suscite une certaine émotion et elles sont arrêtées et retenues onze jours à Arnay-le-Duc ( en Bourgogne), le comte de Narbonne, chevalier d’honneur de Madame Adélaïde doit revenir à Paris pour obtenir de nouveaux passeports, mais Mirabeau (1749-1791) les défend devant l’Assemblée et elle peuvent parvenir en Savoie, à Turin, où vit leur nièce Clotilde, épouse du prince de Piémont…

Le 3 mars 1791

Après onze jours de captivité, durant laquelle elles ont reçu des visites dont celle du marquis de Damas d’Antigny, Mesdames quittent Arnay-le-Duc. Elles ont joué au tric-trac et au piquet avec le curé d’Arnay.

Le Roi de Sardaigne avait tout disposé pour que Mesdames trouvent sur leur passage et à sa Cour, tous les honneurs dus à leur rang.

 

Le 12 mars 1791

Victor-Amédée III se fait un devoir d’accueillir les tantes de sa belle-fille. L’arrivée des filles survivantes de Louis XV avive la curiosité intéressée des Turinois car «un peuple immense et plus d’un millier de carrosses bordaient le chemin des princesses» ! Toutefois, les vicissitudes d’un voyage éprouvant altèrent beaucoup leur bonhomie et leur spontanéité, le duc de Genevois ayant remarqué «qu’elles parlèrent peu et parurent fort embarrassées.»

 

Mesdames passent quelques jours à Turin avec le comte d’Artois et ses fils.

Puis elles arrivent à Rome, protégées par le pape Pie VI qui les héberge au palais Farnèse.

Madame Clotilde
Madame Adélaïde et Madame Victoire présentées au pape Pie VI en 1791
Le comte d’Artois à son bureau durant son exil au d’Holyrood (1797)  par Danloux

 

Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau par Joseph Boze

Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.

Les Provence passent la frontière.

Le 25 juin 1791

La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Le Roi est suspendu.

Le 21 juin 1791

 Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Chez l'épicier Sauce à Varennes, par Prieur

Le 29 novembre 1791

Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des «suspects».

Le 19 décembre 1791

Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.

Le 27 mai 1792

Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.

Le 29 mai 1792

Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.

Le 20 juin 1792

La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Escalier monumental des Tuileries (juste avant sa destruction)

Le Roi refuse.

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine, elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.

Le 11 juillet 1792

«La patrie en danger» en France.

Le 25 juillet 1792

Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.

Le 10 août 1792

Sac des Tuileries.

La prise des Tuileries le 10 août 1792
Arrivée de la famille royale au Temple dans Les Années Terribles de Richard Heffron

 

Le Roi est suspendu de ses fonctions.

 

Le 13 août 1792

La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.

La Tour du Temple

Le 20 septembre 1792

Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.

Le 21 septembre 1792

Abolition de la royauté.

Le 6 novembre 1792

Victoire de Jemappes.

Le 14 novembre 1792

Les troupe françaises entrent à Bruxelles.

Le 11 décembre 1792

Début du procès de Louis XVI.

Le 21 janvier 1793

Exécution de Louis XVI.

 

 

Le 4 mai 1793

N’étant pas rentré en France, après son rappel de mars 1791, pour avoir refusé de prêter le serment civique conformément au décret du 27 novembre 1790, le cardinal de Bernis est déclaré émigré. Néanmoins, il continue à être consulté sur les affaires de la France.
Il a été l’ambassadeur de France à Rome depuis 1769 jusqu’en 1791.
Le cardinal de Bernis

Le 3 juillet 1793

Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).

Dans la nuit du 2 au 3 août 1793

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

Le 14 octobre 1793

Marie-Antoinette comparaît devant Herman, le président du tribunal révolutionnaire.

Le 16 octobre 1793 

Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .

Mesdames Adélaïde et Victoire ne sauront pas que la Reine a eu une pensée pour elles ainsi qu’en témoigne la lettre adressée à Madame Elisabeth qui ne la recevra jamais :

« Je dis adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis, l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant, qu’ils sachent au moins que, jusqu’au dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur ; puisse cette lettre vous arriver ! Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours !»

          Marie-Antoinette

Le 6 novembre 1793

Exécution du duc d’Orléans qu’on appelait alors Philippe Égalité.

Le 10 mai 1794

Exécution de Madame Élisabeth.

Le 17 juillet 1794

Condamnation à mort des seize Carmélites de Compiègne.

Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)

La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco, née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.

Image du film de Benoît Jacquot Sade (2000) : l'arrestation de Robespierre

Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort. Robespierre, blessé par balle au visage et gisant sur un brancard, rejoint ses compagnons à la Conciergerie emprisonnés dans la nuit ou en début de matinée.

Le cardinal de Bernis

Cinq cent détenus forment une haie, explosant de joie.

Le 3 novembre 1794

Décès du cardinal de Bernis, le plus fidèle et dévoué ami de Mesdames.

Le 8 juin 1795

Mort de Louis XVII à l’âge de dix ans. Il était atteint de tuberculose osseuse.

Le 18 décembre 1795

Madame Royale quitte la prison du Temple pour être remise  à sa famille autrichienne… pourtant elle ne reverra jamais ses grand-tantes.

Le 16 octobre 1796

Mort du Roi Victor-Amédée III.

Charles-Emmanuel (1751-1819),époux de Madame Clotilde de France, qui s’est vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne, estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin.

Le 24 février 1797

Lors de l’arrivée des troupes françaises, Mesdames rejoignent Naples, où règne la sœur préférée de Marie-Antoinette, Marie-Caroline (1752-1814), fort peu ravie de les voir.

Victor-Amédée III
Arrivée à Naples dans Le Fabuleux Destin d'Elisabeth Vigée Le Brun d'Arnaud Xainte
Marie-Caroline de Naples par Elisabeth Vigée Le Brun (1790)

Mesdames restent à Rome jusqu’en 1798, les armées françaises étant entrées en Italie, et beaucoup d’agitation se manifestant, elles se rendent à Caserte où elles sont reçues avec toutes les attentions possibles par la famille Royale. Le Roi fait préparer le vieux Palais pour elles et leur suite, qui est encore nombreuse.

Le palais de Caserte à côté duquel logent Mesdames, dans l'ancien palais

« Mesdames de France habitaient le château de Caserte, maison de plaisance royale de la cour de Naples. Malgré leur infortune, elles avaient encore une suite fort nombreuse autour d’elles. Parfaitement bonnes, elles cherchaient à distraire les personnes de leur service de l’austérité de la vie retirée que l’on menait à Caserte. Elles donnaient de petits bals dans l’intérieur de leurs appartements, mais où l’on n’admettait jamais que les personnes de la suite et du service d’honneur. Il y avait alors peu de femmes autour d’elles. Mademoiselle de Narbonne, mesdames de Chastellux, madame la duchesse de Narbonne, qui n’était plus guère de mise dans une contredanse, mais qui s’entendait admirablement à la nommer, et puis une ou deux autres personnes dont j’ai oublié le nom, voilà à peu près ce qui composait la cour de Mesdames, dont mademoiselle Louise de Narbonne , aujourd’hui madame de Bramcamp, était le plus bel ornement, comme elle l’eût été à Versailles. »…
La duchesse de Narbonne avait perdu toute sa fortune dans la tourmente révolutionnaire.

            Mémoires de la duchesse d’Abrantès

Mesdames espéraient y terminer leurs jours; mais après y avoir passé dix-huit mois elles reçoivent de Naples un courrier qui les prévient que par suite des nouvelles de la marche de l’armée française et de la révolte des peuples, la famille Royale s’embarque pour se rendre à Palerme.

Palerme

Plusieurs émigrés avaient trouvé près de Mesdames un asile honorable et partent de Caserte avec elles ; on compte parmi eux l’évêque d’Ath  la
comtesse de Calan, la marquise de Roquefeuil, sa fille etc.
L’évêque de Carcassonne a pris une autre direction, et rejoint Mesdames à Corfou sur un vaisseau portugais.

Le 21 octobre 1798

Mesdames écrivent à la Reine pour lui demander ce qu’elles doivent penser des préparatifs militaires du Roi, et quel parti elles doivent prendre. Marie-Caroline leur répond quatre lignes par le même courrier annonçant que dans peu d’heures elle leur écrira plus en détail. On publie, le même jour, que les républicains ont été repoussés dans la région des Abbruzzes (région d’Italie centrale s’étendant du cœur des Apennins jusqu’ à la mer Adriatique), et que les ordres pour le départ du Roi ont été retirés.

Images de La Nuit de Varennes (1982) d'Etore Scolla : Andréa Ferréol peut faire penser à Madame Adélaïde (son rôle est Adélaïde Gagnon, elle n'a rien à voir avec la tante du Roi...) et Laura Betty à Madame Victoire

Le 23 octobre 1798
à deux heures du matin

Après avoir fait leurs dévotions à la messe, qui leur est dite à minuit et demi les deux vieilles dames doivent de nouveau fuir. Elles ont dans leur carrosse, la duchesse de Narbonne, la comtesse, le comte, et le comte César de Chastellux ; dans un second carrosse sont la comtesse de Narbonne, Mesdemoiselles de Chastellux, l’évêque de Pergame, le médecin et le chirurgien de Mesdames. Les autres voitures doivent suivre de douze en douze heures.

« Mesdames continuent leur route jour et nuit. Le 24 octobre 1798 elles éprouvent un vent, un froid, une neige, qu’on ne connaît guère en Italie il faut employer onze heures pour faire douze milles et les valets-de-pied sont presque gelés sur les sièges des voitures.»

          Mesdames de Chastellux

Le 27 octobre 1798

Le Roi Ferdinand IV leur propose de venir le rejoindre pour le suivre, mais il les prévient qu’il n’a à leur disposition que peu de places, et leur laisse le choix de se rendre à Manfredonia où elles trouveront un bâtiment de guerre entièrement à leur disposition pour les mener où elles préféreront. Elles choisissent cette dernière proposition, ne voulant pas se séparer des personnes qui leur sont restées dévouées.

Le 30 octobre 1798

Lorsque Mesdames arrivent à Manfredonia après avoir souffert de la rigueur de la saison et éprouvé beaucoup de craintes par l’état de délabrement des lieux par où elles sont passées, elles ne trouvent pas le vaisseau qui leur a été annoncé ; elles l’attendent inutilement, et par suite des craintes que leur donne l’avancement des troupes françaises, elles se décident à embarquer sur une barque de pêcheur (une barque à huile) où elles et leur suite peuvent à peine se remuer.

Une barque des naufragés du Titanic qui fait songer à l'embarcation de Mesdames

Obligés d’entrer à Bari par la violence de la tempête, tous ont la frayeur de sentir couper les câbles de leur faible barque; pendant la nuit tandis que le tocsin sonne à force dans la ville qui est en pleine insurrection.

« Nous avons vu Madame Victoire atteinte d’une maladie mortelle, privée des remèdes et du repos qui lui étalent si nécessaires, réduite à accepter pour nourriture des poissons salés et du pain albanais cuit sous la cendre, ou du biscuit de matelot.»

            Mesdames de Chastellux

Le temps heureusement se calme, l’équipage peut remettre à la voile et  arrive à Brindisi sans nouveau malheur.

Brindisi

Mesdames expédient un courrier à Corfou où sont réunies les flottes Turques et Russes, pour demander des transports. Mesdames de Chastellux attestent qu’à travers tant de souffrances elles n’ont pas entendu Mesdames proférer une seule fois la moindre plainte.

« La suite de Mesdames était composée, Pour Madame Adélaïde, de la duchesse de Narbonne-Lara, dame d’honneur, de son fils le comte Louis de Narbonne, chevalier d’honneur, depuis ministre de la guerre ; pour Madame Victoire, du comte de Chastellux, chevalier d’honneur, de la comtesse de Chastellux, dame d’honneur, de leurs enfants, et de plusieurs personnes du service. M. Couture, architecte de Louis XVI, et chevalier de Saint-Michel, accompagnait aussi Mesdames. »

            Mémoires de la duchesse d’Abrantès

 

Au bout de vingt-deux jours

Une frégate Russe et un Brique Turc paraissent. Mesdames montent immédiatement à bord de la frégate, et dans la même matinée un petit corsaire français qui venait pour s’emparer de la misérable barque, est capturé par le bâtiment Russe.

Françoise de Narbonne-Lara (1734-1821) fait partie de la suite de Mesdames. Elle fut maîtresse de Louis XV mais devint dame d'honneur de Madame Adélaïde à la mort de Madame Infante (en 1759). En 1764, elle devint sa dame d’atours en succession de la marquise de Civrac. En 1781, la duchesse de Narbonne-Lara succéda à la duchesse de Beauvillier comme dame d'honneur de Madame Adélaïde.

Les deux escadres, la Russe et la Turque, rendent l’aspect de la rade imposant. En même temps, entre aussi le Bâtiment que l’on a supposé français et voulant les capturer ; il était au contraire à la recherche de Mesdames pour les secourir et était envoyé par la Cour de Naples qui l’a demandé au marquis de Niza commandant l’escadre Portugaise qui stationnait à Palerme. Le Bâtiment est La Reine de Portugal… 

Au bout de quarante-deux jours de séjour à bord les passagers ont la jouissance de se trouver à terre, mais dans une ville qui a supporté un des sièges les plus affreux et ne présente plus qu’un aspect de ruine de dévastation et de misère.

Mesdames sont dans un palais appartenant au Roi mais elles se trouvent fort mal logées; les appartements sont incommodes et très froids la neige couvre longtemps la terre, et Madame Victoire qui a beaucoup souffert de la rigueur de la saison dans la journée du 24 décembre 1798 est fort incommodée pendant son séjour dans cette ville.

Le comte de Chastellux s’occupe sans cesse des moyens de faire sortir Mesdames d’un pays qui devient, de jour en jour, plus dangereux ; ces princesses ne peuvent rien espérer d’idéal. Leur âge et leur santé ne permettent aucun parti hasardé leur suite, d’environ soixante personnes -parmi lesquelles se trouvent vingt-cinq femmes- est difficile à transporter.

Le comte de Chastellux ne peut se déterminer à exposer, sans une nécessité absolue, Mesdames en pleine mer sur un lougre. Elles craignent cet élément : un tel bâtiment à la merci du moindre corsaire, visité par tous les vaisseaux qu’il rencontre rend aussi, pour sa petitesse, l’image des dangers de la navigation plus vive et plus rapprochée.  Mesdames sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains.

Début janvier 1799

Madame Adélaïde est obligée de prendre la triste résolution de se remettre à bord avec la pauvre Victoire sur le bâtiment portugais, pour Trieste . Les escadres Russes et Turques reçoivent l’ordre de se rendre à Ancône, et l’état du pays ne permet pas de rester après leur départ. On part donc pour Trieste avec une frégate russe et un brique turc.

Portrait d'une vieille femme, en buste, la tête enveloppée d'une coiffe par A. Carrier

Plusieurs accidents rendent la traversée périlleuse mais l’équipage arrive à bon port. Mesdames couchent à Cérignola, terre qui appartient au comte d’Egmont. Elles sont reçues avec transport par les habitants attachés à leur Roi.

Le 16 janvier 1799

Mesdames arrivent à Trani, ville qui poursuit les jacobins et ferme ses portes aux déserteurs.

 

Le 26 janvier 1799

Mesdames quittent Trani. La ville de Bari les reçoit avec de très bonnes dispositions. Le comte de Chastellux juge que Mesdames ne doivent pas descendre dans une ville ou elles peuvent se trouver enfermées ; d’ailleurs elles sont décidées à se confier plutôt aux flots qu’aux républicains. Les malheureuses princesses, Madame Victoire souffrant d’un cancer, n’osent pas débarquer ; il y a plus de soixante personnes à bord les unes sur les autres allant sur terre pendant la journée mais revenant s’entasser dans leur triste gîte pendant la nuit.

Image de La Nuit de Varennes (1981) d'Etorre Scolla

Chacun n’a d’espace, dans ce bâtiment, que la largeur de son corps on n’a d’air que par l’ouverture du pont qu’on ferme le soir. Les uns sont couchés sur une natte, d’autres sur un coussin de voiture fort peu dorment sur un matelas. Soixante personnes -prêtres, vieillards, femmes et enfants- y sont entassées : tous les genres d’incommodités et de souffrances éprouvent leur courage.

Le 6 février 1799

On revient dans la rade de Brindisi.

Mesdames n’ont qu’une chambre avec deux petits lits ; leurs deux dames d’honneur couchent par terre sur un matelas qu’on relève le jour pour servir de siège. Il faut passer dans cette ambiance trente-et-un jours sans se déshabiller !

Intérieur d'une frégate, on imagine combien celle de Mesdames devait être fractionnée en cellules flottantes !

Il serait difficile de se faire une juste idée des désagréments de toute espèce que ce lugubre séjour réunit. Une seule ouverture placée au milieu du bâtiment, y répand avec un froid glacial une triste lumière qui n’en dissipe qu’imparfaitement l’obscurité. L’entrepont est si bas, qu’on ne peut y marcher que courbé, ni s’y asseoir qu’à terre sur une natte, un matelas ou un coussin de voiture, si on a pu se le procurer.

Bien avant le lever du soleil, les matelots commencent à laver le bâtiment, et y rendent tout sommeil impossible. Le bruit et la fraîcheur piquante du matin réveillent ceux qui souvent ne se sont endormis que peu d’instants auparavant, et le besoin de respirer un air moins étouffé les conduit sur le pont, ou du moins vers cette ouverture où l’on est exposé à toutes les inclémences de l’air.

Le moment des repas était peut-être plus triste encore que celui du réveil : les ustensiles nécessaires manquant, et la manière dont on distribue successivement à chacun sa portion tout autour de ce lieu si incommode et si sombre, est bien faite pour ôter l’appétit.

Tous les soirs un chapelain de Mesdames, à genoux près d’une lampe qui n’éclaire que lui, récite des prières auxquelles chacun répond du triste lit sur lequel il s’est retiré. Ensuite on cherche à dormir mais les longues heures de la nuit dont tant d’inquiétudes et de malaise se réunissent pour troubler le repos, sot encore plus cruelles que celles qui se sont écoulées pendant la journée. On aura peine à croire, qu’à travers tant de souffrances morales et de privations de tous genres Madame Adélaïde, dont la santé n’était pas altérée, conserve constamment sa vivacité, et sa gaîté même, et n’est occupée qu’à ranimer la fermeté quelquefois ébranlée des personnes qui l’entourent.

Le 15 mars 1799

On profite d’un vent favorable pour sortir de la rade de Brindisi ; bientôt le vent tourne au sud, et se soutient dans cette direction jusqu’au lendemain. Le capitaine de la frégate veut traverser le golfe, dans l’espérance de trouver à Valona un vent du nord qui y est presque périodique.

Dans la soirée du 16 mars 1799

Le vent devient très fort.

La nuit du 17 mars 1799

On traverse une véritable tempête qui dure les 17 et 18 mars et n’est pas encore calmée le 19 mars lorsque la frégate est approchée par un vaisseau de soixante-quatorze canons que l’on observe à une assez grande distance depuis la soirée de la veille. Les cordages qui amarrent les canons dans la chambre de poupe, où Mesdames sont couchées, ne peuvent suffire à les retenir dans cet ébranlement continuel, et plusieurs fois on craint qu’ils ne se détachent et ne viennent écraser les personnes qui sont étendues sur des matelas auprès des lits de Mesdames. Madame Victoire, qui était déjà bien malade, montre un courage dont l’effort lui est très nuisible.

Le mauvais état de la frégate ajoute encore aux inquiétudes que cette tempête donne au capitaine. Anciennement construite et toujours en courses depuis son départ de la Mer Noire, elle est pleine d’avaries et fait eau partout. Les pompes toujours en activité ne peuvent empêcher l’eau de croître d’une manière sensible. Les passagers sont relâchés en Albanie dans le petit port de Durazzo. Le Commandant y demande des réparations parce que le fort n’a pas entretenu la Frégate… car le Commandant du fort était absent et avait emporté la clef du magasin à poudre.

Le 24 mars 1799

On arrive à Durazzo. Cette entrée à Durazzo est un grand événement car il y a quarante ans qu’on ne voit plus dans ce port aucun vaisseau de guerre. On aperçoit alors aux jambes de Madame Victoire quelques taches de scorbut ; ses forces diminuent chaque jour.

On repart immédiatement de Durazzo.            

Corfou, en Grèce

Le 28 mars 1799

L’équipage arrive à Corfou dans la matinée, après avoir employé quatorze jours à un trajet qui n’exige ordinairement que trente-six heures. Afin de prévenir toute incertitude de cérémonial le comte de Chastellux n’attend pas l’arrivée de la frégate pour se rendre à bord de l’amiral Outchakov (1744-1817).

L’amiral le reçoit avec la plus grande distinction la garde du vaisseau prend les armes. Le comte de Chastellux apprend alors que le vaisseau qui avait donné tant d’inquiétude est portugais, envoyé pour le service de Mesdames par lord Nelson et parti de Messine le 10 mars, c’est-à-dire cinq jours après l’arrivée à Brindisi, du secours que le comte de Chastellux, malgré tant de contradiction, a obtenu des Russes. Ce vaisseau est aussi chargé de porter a Trieste S. A. R. le cardinal duc d’York, les cardinaux Brasch et Pignatelli et les membres du gouvernement provisoire qui a été établi à Rome par le Roi de Naples ainsi que plusieurs autres personnes de la suite de Mesdames que les circonstances extraordinaires de leur départ avaient portées en Sicile. 

L'amiral Ouchakov

Après quelques moments d’entretien l’amiral Outchakoff montre son empressement de faire sa cour à Mesdames, et, offrant une place dans son canot au comte de Chastellux. L’amiral arrive à bord de la frégate de Mesdames avant quelle soit parvenue au mouillage et déjà l’anliral Cadir-Bey, commandant l’escadre turque s’y soit rendu de son côté.
L’amiral Fiodor Outchakov complimente Mesdames avec le respect, avec les sentiments de zèle et d’attachement pour la bonne cause que Fon retrouve dans tous les généraux et officiers russes. Il s’occupe sur-le-champ de faire préparer, pour loger les princesses, le palais de l’archevêque, qui ne sera prêt que le Ier avril.
Le comte de Chastellux va le lendemain rendre visite à Cadir-Bey, qui parle assez bien italien et montre beaucoup de simplicité et de  bonhommie ; par une singularité remarquable, il y prend du café et fuma une pipe avec deux cardinaux des prélats, des moines romains et des membres du gouvernement provisoire établi à Rome par le Roi de Naples.

La ville de Corfou a été dévastée par les Français deux faubourgs très beaux et un quartier tout entier ont été détruits. Malgré leur ruine, les habitants donnent de grandes marques de respect et de zèle à Mesdames et des députés de la noblesse se tiennent presque toujours dans leur antichambre pour attendre leurs ordres leur garde est de quarante hommes, commandés par un officier.
On fait en même temps les arrangements nécessaires pour que Mesdames aient une escorte convenable lorsqu’elles partiront. Le vaisseau portugais envoyé  par lord Nelson prétend à l’honneur de les conduire  àTrieste. L’amiral Outchakov le désire aussi, pour ne pas se priver d’un vaisseau. Le comte de Chastellux est vivement touché de tous les témoignages d’attachement que Mesdames reçoivent des Russes. Il sait ce que Paul Ier prépare pour le salut de l’Europe et pour le rétablissement de la France.  Il assura constamment l’amiral Ouchakov que Mesdames n’accepteront le vaisseau portugais. L’amiral joindra à ce vaisseau deux frégates russes de cinquante canons dont l’une servira à transporter les cardinaux et les princes italiens.
II ne reste rien à désirer pour la sûreté ni pour la dignité de Mesdames. Après trois mois d’une responsabilité pénible par sa durée et par ses difficultés le comte de Chastellux aurait pu jouir de quelques dédommagements pour tant d’inquiétudes et de soins si la santé de Madame Victoire ne lui donnait les alarmes les plus vives.

Le 1er mai 1799

Le docteur Lavite décide que Madame Victoire est en état de partir, et qu’il faut qu’elle parte le 6 mai car il redoute pour elle l’air chaud et humide de Corfou, et il n’y trouve pas les remèdes nécessaires à son traitement. Il est convenu avec l’amiral Ouchakov, que la petite escadre destinée au service de Mesdames sera escortée jusqu’à la hauteur d’Ancône par le contre-amiral Pustokin, qui doit se porter dans le fond du golfe avec deux vaisseaux de ligne russes un vaisseau et quatre frégates turcs pour bloquer ou attaquer Ancône, suivant les circonstances.

Cependant, l’escadre du contre-amiral ne serait pas prête avant le 10 mai.

Le 6 mai 1799

Mesdames rembarquent sur le vaisseau la Reine de Portugal, après avoir fait en chaloupe le trajet de plus d’une lieue le commodore n’a pas cru pouvoir se rapprocher. Le soir même de l’embarquement les enflures reparaissent et ne cesseront plus. Le temps est en général très beau pendant la traversée.  L’escadre du contre-amiral quitte Mesdames à la hauteur des îles de Dalmatie pour se porter sur Ancône.

Trieste

Le 18  mai 1799

Au soir, le vaisseau portugais mouille à peu de distance de Trieste.  Le lendemain à neuf heures du matin, on entra dans la rade de Trieste. Aussitôt M. le comte de Brigido, gouverneur de la ville vient offrir ses respects à Mesdames avec chevalier Leilis, consul de Sa Majesté Catholique. Ils ne montent pas dans le vaisseau que l’on ne peut dispenser de quatorze jours de quarantaine, on les fait commencer du jour où, partant de Corfou, il avait cessé d’avoir des rapports avec les Turcs. La maison du consul d’Espagne, dans laquelle Mesdames doivent loger, servira pour leur quarantaine ; on l’entoure de gardes.

Carte reprenant l'odyssée de Mesdames Adélaïde et Victoire, itinéraire par Benjamin Warlop

Le lundi 20 mai 1799

Mesdames descendent à terre. Elles font ce trajet séparément, et chacune d’elles reçoit le salut royal de vingt-un coups de canon du vaisseau la Reine de Portugal, des deux frégates russes, d’un petit bâtiment de la même nation et d’un brick portugais. Madame Victoire reste levée assez longtemps le jour de son arrivée à terre; mais les enflures se trouvent considérablement augmentées.

L’Empereur a désigné, pour la résidence de Mesdames, la ville d’Agram en Croatie, comme la plus éloignée des inquiétudes que pouvaient causer les événements de la campagne qui vient de commencer. Les princesses ont souffert beaucoup pendant cette lamentable odyssée. Victoire surtout ; elle périssait du même mal que sa sœur Sophie, éprouve de continuelles nausées, sent venir l’angoisse suprême.

Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez 
Anne Reid en Lady Denham dans Bienvenue à Sanditon (2019) série de la BBC ... elle a des airs qui font penser à Madame Adélaïde

Madame Victoire à peine débarquée est au plus mal, et reçoit tous les sacrement.

Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, Madame Victoire s’éteint doucement, ainsi qu’elle a vécu, sans colère ni rancœur.

Début juin 1799

L’état de Madame Victoire empire de jour en jour, elle succombe tout-à-fait à ses souffrances et expire à Trieste.

Portrait de vieille dame qui ressemble à l'allure de Mesdames de France durant leur périple
Madame Victoire par Adélaïde Labille-Guiard, 1787

Le 7 juin 1799

Madame Victoire meurt à Trieste, d’un cancer du sein. Madame Victoire est enterrée à la cathédrale de Trieste, avec tous les honneurs dus à son rang. Des émigrés français portent le cercueil. Le comte de Chastellux fait dresser un acte de dépôt de ces restes précieux, afin que, dans des temps plus heureux, ils puissent être rendus aux tombeaux de nos rois, à Saint-Denis.

Madame Adélaïde par Heinsius
Mildred Natwick est Madame de Rosemonde dans Les Liaisons Dangereuses (1988) de Stephen Frears. On imagine Madame Adélaïde ressemblant à cette vieille femme âgée, pieuse et gaie.

Neuf mois après, Madame Adélaïde termine sa vie… entourée de la duchesse de Narbonne, sa dame d’honneur, et de son fils Louis. On sait que Mesdames de Chastellux, faisant partie de la suite de Madame Victoire, quittent sa sœur, puisque leur relation s’achève à la mort de Madame Victoire. Madame Adélaïde est entourée jusqu’à la fin d’une suite de trente personnes.

Maggie Smith (1934-2024) dans Becoming Jane (2007) de Julian Jarrold peut ressembler à Madame Adélaïde à la fin de sa vie...

Le 27 février 1800

Madame Adélaïde meurt, quelques mois plus tard, à l’âge de soixante-huit ans, à Trieste. C’est dans la cathédrale de Trieste qu’on l’ensevelit selon le rang qu’on lui reconnaît, aux côtés de sa sœur.

Vieille dame à l'agonie à laquelle Madame Adélaïde peut ressembler 
Profil de Madame Adélaïde à Saint-Denis où est conservé son cercueil

En 1815

Un des premiers soins du Roi, leur neveu Louis XVIII, après son retour en France, est d’envoyer l’évêque de Moulins à Trieste, pour réclamer le dépôt sacré qui avait été confié à la cathédrale de la ville. Une frégate française amène les restes de Mesdames à Toulon. Le zèle du curé de cette ville contribue à les faire respecter pendant les jours de deuil et d’erreurs qui souillent les fastes de 1815. De nouveaux ordres viennent de régler le transport de ces deux précieux cercueils qui doivent arriver le 20 janvier suivant à Saint-Denis. Mesdames Adélaïde et Victoire reposent éternellement dans une chapelle au côté de leur petit-neveu, le duc de Berry, et du coeur de Louis XIV, un détail qui sied bien à l’orgueil naturel de la princesse.

Crypte dédiée à Mesdames Adélaïde, Victoire et Elisabeth, basilique saint-Denis, carte postale avant 1945

Sources :

  • Mémoires de la duchesse d’Abrantès
  • Louis XV (1989) de Michel Antoine, chez Fayard
  • Relation du Voyage de Mesdames, Tantes du Roi , de Caserte à Trieste, au moment de la mort de Madame Victoire par Mesdames de Chastellux
  • Mesdames de France (1989) de Bruno Cortequisse, aux éditions Perrin, Paris
  • Versailles passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Louis XV (1984) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
  • Madame Louis XV (1987) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
  • Les lettres de Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara
  • Louis XV (2014) de Jean-Christian Petitfils, aux éditions Perrin, Paris

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