Le 27 juillet 1734
Naissance de Sophie Philippine Élisabeth de France (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska, qu’on appellera Madame Sophie. Jusqu’à leur baptême en 1737, les filles de Louis XV porteront des numéros.
Moins connue que ses sœurs, sa naissance passe quasi inaperçue après tant de couches de la Reine qui a déjà donné tant de filles…
Le 16 mai 1736
Naissance de sa soeur, Thérèse-Félicité, qui mourra le 28 septembre 1744.
Madame Sophie est élevée par la «gouvernante des Enfants de France » au château de Versailles, avec ses frères et sœurs . Elle est soumise, dès son plus jeune âge, à l’Étiquette, qui gère la vie quotidienne des princes, quel que soit leur âge. Madame Sophie a de nombreuses sœurs, qui encombrent peu à peu le château de Versailles, car la naissance répétée des filles de France fut une véritable tragédie pour l’Etat. Cette pouponnière royale coûte une dépense terrible si l’on juge l’énorme effectif de la « maison » des Enfants de France.
Chaque princesse dispose, dès sa naissance, de huit femmes de chambre, soit rien qu’une cinquantaine de caméristes pour les seules filles du Roi !
Le 27 avril 1737
Baptême des princesses jumelles de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand.
Le 15 juillet 1737
Naissance de sa sœur, Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.
En juin 1738
Le cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud. Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote. Fleury garde probablement une tenace rancune à la Reine d’avoir naïvement aidé le duc de Bourbon lorsque celui-ci tenta de l’évincer. Il se venge en exilant si cruellement les innocentes fillettes à une telle distance de Versailles, que compte tenu de l’Étiquette, une visite royale aurait été une expédition ruineuse, donc impossible.
Madame Sophie part donc avec ses sœurs, Madame Victoire, Madame Thérèse et Madame Louise, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748. L’abbesse de Fontevraud, Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Mme de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., « accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punissait en l’enfermant dans un caveau dit la « lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.
Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable :
Malgré les préoccupations parcimonieuses qui ont, dit-on, inspiré au cardinal de Fleury, alors ministre, la résolution de faire élever, par les Bénédictines de Fontevrault, les petites princesses, dont le séjour à Versailles aurait occasionné de plus grands frais en nécessitant un coûteux état de Maison, Mesdames de France ne laissent cependant pas d’être fort convenablement traitées à l’abbaye.
Ainsi l’abbesse, la seconde madame de Mortemart, fille du maréchal duc de Vivonne, a été créée duchesse par brevet personnel afin d’avoir ses entrées et son tabouret chez les princesses ; elle-même, et, après elle, (L’Abbesse) madame de Montmorin Saint-Hérem, les servent debout à table. Le monastère touche de la Cour quinze mille livres de pension pour chacune de Mesdames, et chacune d’elles reçoit deux mille livres comme argent de poche ; elles ont à leur service dix femmes de chambre, un écuyer de bouche, un maître d’hôtel, douze gardes-du-corps payés extraordinairement dix sols par jour, un exempt, M. d’Autichamps, payé cinq livres par jour, un professeur de musique, M. de Caix, et un professeur de danse qui leur apprenait le Menuet couleur de rose, un piqueur de la petite écurie, deux carrosses et une voiture légère appelée gondole, avec cochers, postillons, palefreniers, valets de pied, trente-deux chevaux et quatre ânes harnachés pour les promenades… mais elles n’ont pas de médecin !
Le 28 septembre 1744
Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième
Le 23 février 1745
Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles sa cousine l’infante Marie-Thérèse, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.
C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour).
Le 22 juillet 1746
La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
Le 9 février 1747
Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.
Le 14 octobre 1750
Madame Sophie revient à la Cour avec sa petite sœur, Madame Louise (1737-1787). D’un caractère réservé, voire effacé, elle n’a aucune influence à la Cour et se laisse dominer par Madame Adélaïde(1733-1800).
Madame Sophie est réputée laide et sans trop d’esprit.. Sa timidité ne semble pouvoir se briser, selon sa lectrice Madame Campan (1752-1822), que lors des orages, dont elle a une grande peur, et pendant lesquels elle se met à tenir de longues conversations afin de se calmer.
« Tout ce cérémonial fut pour elle une véritable corvée et de moments plein d’appréhension, car elle était née insignifiante et d’une extrême timidité. Insignifiante et timide elle le demeura jusqu’au dernier jour de sa vie, même à l’age adulte. Les moindres prétextes qui pouvaient faire sortir Madame Sophie de ce train de vie emprisonnant , étaient saisis avec empressement par la princesse et ses sœurs.
Madame Sophie, dans sa jeunesse , avait eu un « air de beauté » ressemblant beaucoup à son père comme deux gouttes d’eau, du moins de profil. Mais cette beauté dut se faner rapidement, car on la décrira, ensuite, d’une rare laideur.
Selon Madame Campan, Madame Sophie avait un air si effarouché qu’elle marchait à une vitesse extrême et pour reconnaître les gens qui se rangeait sur son passage, elle avait pris l’habitude de les regarder à la manière des lièvres, c’est à dire, de côté. Elle était très renfermée, ne prononçait pas un mot pendant plusieurs jours, voir plusieurs semaines. On assurait, cependant, qu’elle avait de l’esprit et de l’amabilité dans la société de quelques dames préférées.
Elle s’instruisait beaucoup et lisait seule, la présence d’une lectrice l’eut infiniment gênée. Il y avait des occasions où la princesse, si sauvage ordinairement, devenait, tout à coup, affable, gracieuse et bonne, c’était lorsqu’il y avait de l’orage car elle en avait une peur panique. A ce moment là, elle posait milles questions, serrait les mains, mais le beau temps revenu, elle retrouvait sa froideur, son air et son air farouche. »
« Madame Sophie est moins formée (que ses sœurs Victoire et Louise);dans ces clairs paniers à grands ramages, son corps menu n’apparaît point; une guirlande de fleurs orne le corsage dont la pointe descend très bas. La main droite relève un voile léger posé sur la chevelure poudrée ; les grands yeux ont du rêve comme ceux de Louis XV, et le menton délicat achève l’ovale pur du plus joli visage du monde.»
Pierre de Nolhac
Très proche de sa mère, la Reine Marie Leszczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.
Louis XV la surnomme « Graille ».
Madame Sophie apprend comme son frère et ses sœurs à jouer de divers instruments de musique. Le portrait que « ce fantôme de princesse » commanda à Drouais, qui la représente moulée dans une riche robe rose brodée de fleurs, en train de déchiffrer un cahier de musique, laisse entendre qu’elle était aussi passionnée que ses trois sœurs. Nous ne disposons pas d’anecdotes précises sur sa passion pour la musique, même si l’on sait qu’elle jouait et composait.
Un tableau de Drouais rappelle son intérêt pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier (voir en fin d’article).
« Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.»
Madame Sophie doit s’adapter, au quotidien monotone d’une princesse de France, c’est à dire des journées réglées par l’Étiquette interrompues par de rares distractions, où elle doit, entre autres, faire sa toilette et manger en public, changer plusieurs fois de robes, endurer le Grand habit de Cour, « faire sa cour » au Roi et à la Reine, recevoir les visites et les ambassadeurs, s’amuser sans joie dans des bals et divertissements réglés d’avance.
Malgré sa solitude, elle participe aux joies de la vie familiale : chaque matin, elle participe au fameux café matinal chez Madame Adélaïde.
Le 13 septembre 1751
Naissance de son neveu, Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne à Versailles.
Le 29 novembre 1751
Mesdames, le Dauphin et son épouse soupent dans les délicieux petits appartements du Roi. C’est la première fois qu’il prend ce repas en ces lieux avec ses sept enfants réunis.
Le 10 février 1752
Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans.
Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.
En 1753
Sa sœur aînée, Elisabeth, mariée dès 1739 à un infant d’Espagne, souhaitait en 1753 que Victoire épouse son beau-frère, le Roi Ferdinand VI d’Espagne (1713-1746-1759). Mais la Reine d’Espagne, bien qu’affligée d’une santé des plus médiocres, ne meurt que cinq ans plus tard. Le Roi étant lui-même à la dernière extrémité, le mariage ne se fait pas.
Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.
Le 23 août 1754
Naissance de son neveu, Louis-Auguste, futur Louis XVI.
Le 17 novembre 1755
Naissance de son neveu, Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.
La chambre de Madame Sophie,
L’ancien Cabinet des Bains de Louis XIV
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette pièce est l’ancien Cabinet des Bains de Louis XIV : les murs et le sol étaient alors revêtus d’une marqueterie de marbres polychromes, et l’on y voyait une grande piscine octogonale en marbre de Rance, qui se trouve aujourd’hui dans l’orangerie.
Elle servit de cabinet Intérieur au comte de Toulouse de 1692 à 1724, à la comtesse de Toulouse de 1724 à 1750 et enfin à Madame Adélaïde de 1752 à 1753. C’est la chambre de Madame Sophie de 1755 à 1767, date à laquelle elle devient la première antichambre de cette Princesse.
Les dessus-de-porte Le repas de Tandale et Les noces de Persée et Andromède troublées par Phinée, ont été peints par Hugues Taraval en 1766 pour la salle à manger du château de Bellevue.
Les trois grands portraits peints en 1787 par Adélaïde Labille-Guiard représentent les tantes de Louis XVI : Madame Adélaïde, Madame Elisabeth, duchesse de Parme et Madame Victoire.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.
Le 9 octobre 1757
Naissance de Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.
Le 23 septembre 1759
Naissance de sa nièce, Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.
Le 6 décembre 1759
Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme
Le 22 mars 1761
Mort de son neveu, Louis-Joseph de Bourgogne.
Le 15 avril 1764
Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.
Le 3 mai 1764
Naissance de sa nièce, Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.
Suppression de l’ordre des Jésuites en France.
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand, son frère, meurt, à l’âge de trente-six ans.
Cette commode est livrée par Gilles Joubert, fournisseur du Garde-Meuble de la Couronne, le 6 mars 1767 pour la chambre à coucher de l’Appartement de Madame Sophie.
Le 13 mars 1767
Mort de Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731), sa belle-sœur.
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska, sa mère.
La maisonnette de la Cour des Cerfs,
L’entrée de l’Appartement de Mesdames
( texte et illustration de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette maisonnette constitue l’entrée des Appartements de Mesdames Sophie et Louise qui vivent dans cette partie du château.
En 1769
Cette pièce fut d’abord la chambre de Madame Louise en 1754, puis de Madame Sophie en 1769
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Prévenue contre madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie.
Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, madame Du Barry se rend, comme convenu, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travailkle, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
Le 7 août 1770
« Madame la Dauphine … soupa avec le Roi et prit occasion de lui demander son consentement pour qu’une nommée Thierry, femme du premier valet de chambre de M. le Dauphin, fut placée chez Mme la Dauphine en qualité d’une des premières femmes de chambre, ce que le Roi accorda sur-le-champ. Cette Thierry, ainsi que son mari, sont créatures du duc de La Vauguyon et par conséquent conviennent peu au service de Mme la Dauphine. S.A.R. en paraissait même persuadée à la suite des représentations que je lui avais faites à ce sujet ; mais Mme l’archiduchesse s’est enfin déterminée par deux motifs dont elle m’a dit le premier et dont j’ai deviné le second. Le premier a été que Mesdames, peu instruites des choses, ont désiré contre toute raison que cette femme fût placée, et ont tourmenté Mme l’archiduchesse a consisté Mme la Dauphine pour qu’elle la demandât au Roi. Le second motif de Mme l’archiduchesse a consisté en ce que la dite Thierry a un enfant de quatre ans assez vif et joli, et que S.A.R. est bien aise de rapprocher d’elle en vertu de la passion qu’elle a pour les enfants.»
Mercy d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse
Le 5 septembre 1770
«La future première femme de chambre a occasionné un petit mouvement d’aigreur entre Mme la Dauphine et sa dame d’honneur. Mme la Dauphine a trouvé qu’on différait trop longtemps de mettre la survivancière en exercice. Je ne sais qui l’a conseillée, elle a cru avoir le droit de la mettre en possession quoiqu’elle n’eût pas de brevet ni prêté serment. Elle n’en avait pas parlé à Mme de Noailles et lui a fait seulement dire par cette femme de chambre ( madame Thierry ). Mme la Dauphine ne m’en a parlé qu’après avoir donné cette mauvaise commission… J’ai eu à essuyer les plaintes de Mme de Noailles plus piquée qu’elle ne l’a encore été et reparlant plus que jamais de quitter Mme la Dauphine à qui cette menace est revenue, apparemment par Mesdames, a pris son parti à cet égard. Elle ne serait pas fâchée que Mme de Noailles quittât dans un an ou deux, et s’était déjà fait un petit système pour la remplacer… J’ai représenté à Mme la Dauphine … que dans l’état actuel, on lui donnerait sûrement une des dames en faveur. L’ascendant des tantes est plus fort que jamais , je me casserais le nez si je voulais la combattre directement.»
L’abbé de Vermond à Mercy
Le Boudoir de Louis XV,
Pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames de France à l’Opéra
( Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux… Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y rendre discrètement. Toujours dans ce soucis de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer. De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel. Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.
Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de sa sœur, Madame Louise.
La phrase de Madame Louise : « Moi carmélite, et le roi tout à Dieu », témoigne de la foi sincère de sa soeur et de sa volonté de racheter par ce sacrifice en accord avec sa vocation l’âme de son père, en vue d’expier les péchés de ce dernier.
Avant même son entrée au Carmel, elle commence, en cachette, à porter l’habit de religieuse au palais, et vivre, comme elle le peut une vie monacale.
Comme nom de religieuse, elle choisit « Thérèse de Saint-Augustin » en hommage à sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), mystique et réformatrice de l’Ordre du Carmel. C’est la jeune Dauphine, qui vient d’épouser le futur Louis XVI qui lui remet son voile, et elle reçoit en cadeau «la pièce d’estomac» de la robe de la princesse.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 16 avril 1771
« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, adame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1772
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Inséparable de ses deux sœurs aînées, Madame Sophie semble cependant proche de la comtesse d’Artois, timide et effacée comme elle. Dans son testament, elle en fait son exécutrice testamentaire si ses sœurs venaient à disparaître avant elle.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père. Elles attraperont d’ailleurs la petite vérole…
Le 30 avril 1774
Le visage du Roi est couvert de pustules.
Dans la nuit du 7 mai 1774
Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.
Jeanne du Barry quitte Versailles
Le 9 mai 1774 au soir
L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
En 1774
Louis XVI fait don à ses tantes du domaines de Bellevue à Meudon
Le château de Bellevue
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Madame de Pompadour revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.
Au décès de Louis XV, en 1774, le château est attribué par Louis XVI et Marie-Antoinette aux filles du Roi défunt, et tantes du nouveau monarque, Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire. Bien que logeant principalement au Château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames viennent à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette. Celles-ci font transformer le décor intérieur par Richard Mique et font agrandir les jardins vers le Sud.
Sous la Révolution, Mesdames Adélaïde et Victoire quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier. Le château de Bellevue sera vendu à M. Testu-Brissy, qui le fera abattre.
Le dernier appartement de Madame Sophie à Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Après avoir partagé plusieurs appartements avec ses sœurs, Madame Sophie obtient enfin un appartement à elle en 1774. Louis XVI étant devenu Roi, la comtesse de Provence quitte cette partie du château pour rejoindre son époux dans l’appartement de la Dauphine. Une nouvelle distribution des pièces est organisée et le sens de circulation est inversé. Ainsi, la chambre devient antichambre et toute une suite de cabinets donnant sur le parterre d’eau (actuelle galerie basse) sont modifiés. Elle conserve malgré tout sa bibliothèque ainsi que sa salle de bain sur la cour de marbre. La décoration est assez simple et, par mesure d’économie, on réemploie les boiseries et le mobilier déjà existantes.
A partir de 1775
Madame Sophie vit complètement retirée, présente uniquement aux grandes cérémonies comme une simple figurante. A ces exceptions près, elle habite l’été avec ses sœurs, aux château de Bellevue et de Louvois et l’hiver son bel appartement du château de Versailles sous la grande galerie.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
La princesse de Guéménée (1743-1807), malgré sa réputation douteuse, est la gouvernante des Enfants Royaux de Louis XVI dès la naissance de Madame Royale. La Reine l’entoure alors d’égards :
«J’espère que vous serez contente du logement quoique petit, le Roi en a été occupé toute la matinée dès neuf heures du matin et il en a fait décamper mes tantes qui y étaient établies.»
En 1780
Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.
Madame Sophie est proche de la comtesse d’Artois (1756-1805) et elle spécifie une clause spécifiant la donation de ses biens au cas où ses sœurs aînées décéderaient avant elles, ce qui ne sera pas le cas.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François premier Dauphin
Le 2 mars 1782
Mort de Madame Sophie, veillée seulement par ses sœurs Madame Adélaïde et Madame Victoire. Elle était dans sa quarante-huitième année. Plutôt que de se faire autopsier, comme la coutume l’exigeait, elle demanda à ce qu’on lui ouvre le pied pour vérifier son décès.
«Elle a tourné à la mort le 2 au matin. On croyait que les souffrances venaient de l’effet des remèdes, et on était si persuadé qu’elle ne mourrait pas encore que, le soir même, il y avait spectacle au château. En sortant, on est venu avertir le Roi et la Reine que Madame Sophie était très mal. Ils y ont été ainsi que Monsieur, M. le comte d’Artois et Madame Élisabeth, et ils y sont restés jusqu’à son dernier moment. Cette pauvre princesse a eu toute sa connaissance jusqu’à une demi-heure avant sa mort. C’est son hydropisie qui a remonté dans la poitrine et s’est jetée sur le cœur qui l’a tuée. Elle est morte étouffée de la même mort à peu près que l’Impératrice. Elle est partie ce soir pour Saint-Denis. Elle a demandé, en mourant, de n’être pas ouverte et d’être enterrée sans cérémonies. Madame Élisabeth est extrêmement affligée et frappée de l’horrible spectacle de la mort de Madame sa tante. Je ne l’ai presque pas quittée depuis ce moment, et je t’écris de chez elle. Elle a beaucoup pleuré aujourd’hui, elle est plus calme, et, quoiqu’indisposée depuis plusieurs jours, elle n’a pas eu de contre-coup de cette mort, mais elle est très triste. Elle veut absolument faire son testament, elle n’est occupée que de la mort. Il n’est pas étonnant qu’avec la tête aussi vive elle soit aussi frappée; mais j’espère que d’ici à quelques jours son esprit se tranquillisera, et qu’elle n’aura l’idée de la mort qu’autant qu’elle nous est nécessaire pour bien vivre. Mesdames sont dans un état affreux, elles sont véritablement bien à plaindre. M. de Montmorin est au désespoir, ainsi que toutes les femmes qui appartenaient à cette pauvre princesse et dont elle était adorée. Elle a fait par son testament Mesdames ses légataires universelles. Elle a donné une partie de ses diamants à Mme de Montmorin, sa bibliothèque à Mme de Riantz et plusieurs de ses bijoux à différentes de ses dames. Le deuil est de trois semaines…»
Angélique de Bombelles à son époux, Marc
« Je demande au Roi, mon neveu, que mon corps ne soit point ouvert après ma mort, qu’il soit gardé pendant vingt-quatre heures ( après m’avoir ouvert les pieds ) par les Filles de la Charité et par des prêtres, et qu’ensuite il soit porté à Saint-Denis sans aucunes pompes ni cérémonies quelconques, pour y être réuni à ceux de mes père et mère, comme une marque de mon respectueux attachement à leurs personnes; je demande encore au Roi, mon neveu, de ne pas faire de service ici, mais de m’en fonder un à perpétuité à l’abbaye de Fontevrault.
Je me recommande à ses prières, et je le prie de me faire dire quelques messes de temps en temps .»Madame Sophie
Ce qui est frappant, c’est de voir à quel point Madame Elisabeth est marquée par le décès de Madame Sophie, sa tante : une vieille fille morte dans l’indifférence générale (il y avait un spectacle au château ce soir-là). C’est un point d’horreur pour Madame Elisabeth, elle aussi promise à un sort de vieille fille.
Madame Sophie demanda à sa sœur, Madame Louise, devenue carmélite, de faire dire des prières pour elle. Celle-ci laissera un témoignage bouleversant sur sa sœur, la disant très bonne et intelligente. Comme tous les membres de la Maison royale, Madame Sophie est inhumée à l’abbaye de Saint-Denis.
En son honneur, le comte et la comtesse d’Artois avaient appelé leur fille Sophie (1776-1783). Marie-Antoinette et Louis XVI les imiteront pour leur seconde fille (1786-1787).
Son tombeau sera pillé et détruit lors de la révolution français qui éclatera sept ans après sa mort: son tombeau sera profané par les révolutionnaires. Son corps en putréfaction sera insulté et outrageusement bafoué avant d’être jeté dans la fosse commune et recouvert de chaux.
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