
Louise de Polastron
Le 21 janvier 1762
Mariage de Louis François d’Esparbès de Lussan (1732-1811) et de Marie Catherine Julie Rougeot (1746-1764). La mariée a seize ans.
Le 19 octobre 1764
Naissance de Marie Louise Françoise d’Esparbès de Lussan à Bardigues. Elle est la fille de Louis François d’Esparbès de Lussan et de Marie Catherine Julie Rougeot.
Louise ne connaîtra jamais sa mère, morte six semaines après lui avoir donné le jour.
Le 27 décembre 1764
Décès de sa mère, Marie Catherine Julie Rougeot, qui n’a pas dix-huit ans.
Elle noue en revanche des liens très forts avec son grand-père maternel.
En 1770
Naissance de sa sœur, Henriette d’Esparbès de Lussan
En 1776
Elle intègre le couvent de l’abbaye de Pentemont, à Paris, aux côtés de nombreuses autres filles de l’aristocratie. Situé au cœur du faubourg Saint-Germain, il se compose de vastes bâtiments entourés de grands jardins à la française ombragés d’épaisses charmilles.
Images de Valmont (1989) de Milos Forman
Image de Jefferson à Paris (1995) de James Ivory

Façade de l’abbaye de Penthemont, sur la rue de Grenelle
Images de Jefferson à Paris (1995) de James Ivory
Marie-Catherine de Béthisy de Mézières est l’abbesse de Penthemont à Paris de 1743 à 1790.

Le couvent est devenu célèbre pour l’éducation des femmes de haute naissance, y compris les filles de protestants : alors qu’il était ambassadeur en France, Thomas Jefferson y envoie ses filles Martha et Mary.
Gwyneth Paltrow est Patsy Jefferson dans le film de James Ivory 
Les conditions de vie des religieuses sont spartiates et les règles sont strictes. L’abbaye fournit également des appartements aux femmes en quête d’indépendance vis-à-vis des familles ou des mariages difficiles.
Images de Valmont (1989) de Milos Forman

Pourtant le séjour de Louise est d’autant plus plaisant que les règles de vie, pour elle et ses comparses, sont loin d’être austères : lever tardif, choix de la toilette, promenades, exercices de piété, divertissements, musique, dessin et danse… Pas l’ombre d’une sévérité de cloître à l’horizon ! C’est que le couvent abrite de petits trésors dont il faut prendre soin…
« N’étaient-elles pas toutes, en effet, destinées par leur naissance à faire dans un temps rapproché le plus bel ornement de la Cour de Versailles ?»
Images de Jefferson à Paris (1995) de James Ivory


Images de Jefferson à Paris (1995) de James ivory 
Image de Valmont (1989) de Milos Forman
Louise peut parfois quitter le couvent pour rejoindre ses parents à Versailles.
Image de Jefferson à Paris (1885) de James Ivory
Les Polignac occupent, à Versailles, un très bel appartement, proche de ceux de la Reine. Louis XVI aime aussi à passer du temps avec les Polignac, mais sa présence rend les choses tout de suite plus guindées, et le Roi ayant pour habitude de se retirer vers dix heures du soir, il n’est pas rare que les horloges soient avancées pour hâter son départ.
Louise approche de ses quinze ans. Elle s’est métamorphosée en une gracieuse jeune fille. Une taille souple et élégante, un visage en ovale parfaite, des cheveux cendrés, des yeux bleu très pâle, timides et expressifs à la fois… Une physionomie d’une « naïve tendresse ».
Le comte de Tilly affirme : « Elle était d’une beauté accomplie, faite pour enchaîner ».
Les prétendants ne manquent pas, d’autant qu’elle est aussi une riche héritière.

La comtesse Yolande de Polignac (1749-1793), née Polastron, qui visite fréquemment Panthemont où elle a passé sa jeunesse, aperçoit un jour Louise et, conquise, sollicite aussitôt sa main pour son demi-frère Adhémar de Polastron.

Les Polastron sont de souche ancienne. Yolande, mariée au comte de Polignac, occupe une place de plus en plus importante à la Cour : son empire sur Marie-Antoinette croît de jour en jour.
Emmanuelle Béart est Marie-Antoinette pour Caroline Huppert. Léa Gabrielle est Madame de Lamballe et Isabelle Gélinas Madame de Polignac
Son frère a déjà bénéficié des largesses royales et son avenir militaire semble prometteur.
Le père de Louise comprend qu’une telle union est un gage de fortune et de puissance pour sa famille. Les futurs époux sont consultés et présentés, puis mariés dans la foulée.
Le 5 juin 1780
Le demi-frère de Yolande de Polignac, Adhémar de Polastron (1758-1821) épouse Louise d’Esparbès de Lussan (1764-1804) à Versailles.
Adhémar de Polastron et Louise d’Esparbès de Lussan

Louise, devenue comtesse de Polastron, a quinze ans et son époux dix-huit. La jeune mariée n’est pas nubile et doit regagner Penthemont… Mais l’harmonie règne entre les époux.
Louise quitte volontiers son couvent dès que sa présence est sollicitée à la Cour : elle se montre aux bals, soupers, concerts ou spectacles à Versailles, à la Muette, à Marly ou à Trianon. Et rapidement, elle conquiert son monde.
Louise est décrite comme «une femme douce et retirée». Personnalité touchante et discrète, coquette mais point ambitieuse.
En juillet 1780
Elle quitte définitivement son couvent pour venir assister au mariage de la fille de Yolande, Aglaé de Polignac, avec le comte de Guiche. Marie-Antoinette souhaite que les deux couples, Polastron et Guiche, s’installent à Versailles, et que les deux jeunes filles, à peu près du même âge, soient officiellement présentées à la Cour.

Le 11 juillet 1780
Aglaé de Polignac épouse, Antoine, duc de Gramont et de Guiche (1755-1836). La famille royale assiste au mariage et Aglaé reçoit une dot de 800 000 livres sur le trésor royal.
Elle devient ainsi duchesse de Guiche et est surnommée « Guichette » par sa famille. Le marié se voit décerner un brevet de capitaine et un an plus tard, une propriété qui rapporte 70.000 ducats de rentes.. Cela contribue à cimenter la position de la famille Polignac comme l’un des chefs de file de la haute société à Versailles.

La duchesse de Guiche en 1784 par Elisabeth Vigee Le Brun
Louise se prend, dès leur première rencontre, d’une vive amitié pour la fille de sa belle-sœur, la belle Aglaé de Guiche. Sentiment partagé : « La Guichette raffolait sa petite tante Polastron », tante que tout le monde surnomme Bichette tant elle est douce et bonne. Ensemble, elles se rendent chez Yolande, devenue la favorite officielle de Marie-Antoinette, où la société de la Reine se réunit.
À la fin de l’été 1780
Louise de Polastron tombe malade à tel point que l’on craint pour sa vie, et les présentations doivent être reportées. Marie-Antoinette, inquiète, vient souvent prendre de ses nouvelles. Le père de Louise écrit à son frère le comte de Lussan :
« La Reine a pris le plus tendre intérêt à elle, et quoiqu’elle fut logée hors du château, elle a été plusieurs fois passer des heures entières auprès de son lit avec le comte d’Artois.»
On remarque que le jeune frère du Roi Louis XVI se montre déjà soucieux de sa santé…
Le dimanche 3 décembre 1780
Louise est présentée à la Cour . Vêtue d’une robe de drap d’or, elle porte des diamants que Marie-Antoinette lui a prêtés pour l’occasion !
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789).

Le 24 octobre 1782
La Reine donne à Madame de Polignac la place de Gouvernante des Enfants de France en remplacement de Madame de Guéménée, victime de la faillite de son mari ( d’un passif de trente-trois millions de livres).

La princesse de Guéménée par Benjamin Warlop
Paris, 28 octobre 1782
« Sire
Madame la Duchesse de Polignac a été nommée Gouvernante des Enfants de France. Cette dame qui a toujours avec une modération rare joui de la haute faveur où elle est a peut-être beaucoup d’envieux mais pas un ennemi. Elle prêtera dimanche serment.»
Le comte de Creutz, ambassadeur de Suède à la cour de France

Le rez-de-chaussée de l’Aile du Midi où Madame de Polignac habite à partir de 1782 quand elle devient Gouvernante des Enfants de France.
La duchesse de Polignac vient habiter l’appartement de l’aile aux premiers jours de novembre 1782. On réserve au mari un petit logement comprenant antichambre, cabinet et chambre à coucher. La chambre de la gouvernante est séparée de celle du Dauphin par une porte de glace sans tain, qui permet de voir de l’une dans l’autre.
Le chevalier de l’Isle, écrivant au prince de Ligne que leur amie, madame de Polignac, reçoit « toute la France », les mardis, mercredis et jeudis, ajoutait : « On habite durant les trois jours, outre le salon toujours comble, la serre chaude dont on a fait une galerie, au bout de laquelle est un billard. »

Yolande de Polignac montant l’escalier de la Reine par Benjamin Warlop

Les enfants du comte d’Artois (Charles, Sophie and Louis) par Rosalie Filleul, en 1781
En 1782
Une grossesse de la comtesse d’Artois paraît suspecte. Les rapports entre les époux sont de longue date inexistants.
Le 1er novembre 1782
Louise, dix-sept ans seulement, est nommée dame du palais de la Reine. Pourvue d’une position officielle, elle partage la vie de toutes les princesses et duchesses attachées à Marie-Antoinette, évolue avec ses séduisantes compagnes dans les salons à la mode. Elle se lie avec Mesdames de Poulpry et de Laage, qui resteront de fidèles amies. Elle occupera ce poste jusqu’au déclenchement de la Révolution française en 1789.

Gabrielle de Polignac se comporte en belle-sœur attentive et affectueuse. Elle présente Louise à la Reine Marie-Antoinette, qui lui témoigne beaucoup de bonté. Faisant référence aux touchantes attentions de la souveraine à son égard, Louise écrit à son cher grand-père : « Il faut les voir pour les croire ».

Madame de Polignac et Marie-Antoinette par Benjamin Warlop
Marie-Antoinette la surnomme « la bonne Louise » .
Louise partage désormais son temps entre les somptueux appartements de sa belle-sœur, et le coin de paradis et d’élégance qu’est le Petit Trianon.

Mesdames de Provence, d’Artois, de Polignac, de Lamballe, Vigée Le Brun et de Bourbon par Benjamin Warlop
Le 6 janvier 1783
Naissance de Mademoiselle d’Angoulême. La petite fille paraît très chétive dès sa naissance…
Malgré le rythme soutenue des naissances successives, de celle du duc d’Angoulême, puis de Sophie (Mademoiselle d’Artois), celle de Charles Ferdinand duc de Berry, et enfin de la princesse Marie-Thérèse, la comtesse d’Artois sait très bien que son couple n’incarne en rien les vertus familiales. Le comte d’Artois continue d’honorer sa femme mais aussi les nombreuses autres. Lorsque la Comtesse d’Artois est enceinte et en pleine maternité, il est libre de faire ce que bon lui semble. L’Étiquette interdisant tout rapport dès le sixième mois et jusqu’au sixième mois après accouchement, il en profite allègrement pour courir les ballets, les fêtes, les demoiselles de l’Opéra, les actrices et les grandes dames de la bourgeoisie et de la Cour.
De mi-juin au 12 juillet 1783
Séjour de la Cour au château de La Muette.

Le 22 juin 1783
Mort de la dernière née de la comtesse d’Artois ( oserait-on désigner le comte comme le père?), Mademoiselle d’Angoulême, qui avait six mois.
Du 9 octobre au 24 novembre 1783
Long séjour de la Cour à Fontainebleau.

Al Weaver est Artois dans Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola

Le 5 décembre 1783
Décès de «Mademoiselle» Sophie d’Artois, née en 1776.
« Mademoiselle est morte hier, à dix heures du soir. M. le comte d’Artois en est dans le plus grand chagrin. Elle a souffert pour mourir autant qu’une grande personne et avec un courage étonnant; c’est ce qui la fait regretter encore davantage. Tout le château est dans une tristesse mortelle. La petite Madame a la fièvre tierce et hier le roi a été incommodé toute la journée. Comme c’est une chose qui ne lui est pas encore arrivée, on a craint qu’il ne tombât malade; mais ce matin il est très bien et ne souffre plus. Tu vois, ma chère, que tout était éclopé, sauf les personnes auxquelles tu t’intéresses le plus et qui se portent à merveille.
Madame de Polastron à Madame de Laage de Volude
Je crois que les soupers de ma sœur vont commencer mardi; tu serais charmante d’y venir pendant ton séjour à Saint-Germain.»
Le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.
Le 19 octobre 1785
Louise donne naissance à Louis-Henry de Polastron (1785-1804). Une grossesse très difficile : de constitution délicate et d’une santé peu florissante, Louise faillit perdre la vie. Le comte d’Artois a eu très peur… A madame de Laage, il dévoile les sentiments qui l’habitent :
« Mon âme est calme et tranquille. Le Ciel m’a rendu au bonheur… Ah ! Madame qu’il est pur, qu’il est ravissant ! Grands dieux ! Il est si vrai que dans l’univers entier je n’existe que par elle seule !»
Louis-Henry de Polastron a pour parrain et marraine le Roi et la Reine de France.
Il est le dernier mâle de la branche aînée de sa famille.
Yolande de Polignac, ses deux fils, Armand et Melchior, et Louise de Polastron … par Benjamin Warlop d’après Elisabeth Vigée Le Brun
Quelques mois plus tard
On remarque des refroidissements entre Louise et son époux.
Au fil des mois
Louise s’est rendue compte qu’elle est mariée à un homme médiocre, un militaire sans aucun génie, un mari peu délicat et un homme sans raffinement. Sauvage et gauche, habitué à la vie des camps, il ne prend pas part aux divertissements de cour et se montre indifférent aux faveurs qui pleuvent sur sa sœur et sa femme. Le comte de Tilly le surnomme « la nullité qui joue du violon » !
« Comment ce mari si peu sociable, désœuvré et maussade, dépaysé à Versailles, où il ne cachait pas son ennui, aurait-il pu soutenir la comparaison avec le prince séduisant et aimable qu’était alors le comte d’Artois !»
Le comte d’Artois, alors âgé de vingt-huit ans, est le dernier frère de Louis XVI et le plus gracieux prince de la famille. Il a hérité de cette beauté majestueuse qui n’a jamais quitté son grand-père Louis XV. Grand, gai, fantasque, aimable, la mine séduisante, rien ni personne ne lui résiste.

Charles d’Artois
Léger et gai compagnon de Marie-Antoinette, on ne compte plus ses conquêtes féminines ! Son épouse Marie-Thérèse de Savoie, intelligente mais toujours à l’écart, est bien incapable de le retenir. Louise prend l’intérêt que lui manifeste le comte d’Artois pour une simple amitié.

La marquise de Laage par Carmontelle
Elle écrit à son amie madame de Laage :
« Je suis si souvent avec cette personne ou pour mieux dire je passe si peu de jours sans LE voir qu’il est impossible que l’habitude ne nous donne pas une sorte de familiarité que l’on prendrait volontiers de sa part pour autre chose.»
Lorsque le comte déclare son amour à la jeune femme, elle prend peur et, comme une biche effarouchée, se refuse à lui. Ce qui ne fait qu’aiguillonner le désir du comte d’Artois !
Parmi les éclatantes beautés qui papillonnent dans les décors somptueux de Versailles, Louise de Polastron se détache, par son charme simple et tendre, sa bonté naturelle. Une belle fleur délicate et précieuse. Pour ce coureur de jupons impénitent, c’est le coup de foudre. Flattée mais intimidée, puis touchée des sentiments persistants du comte, Louise finit par se donner à lui.
« La chute de la douce Louise dans les bras de son vainqueur sera presque inconsciente et dès le lendemain de cette défaite qui pour tant d’autres eût été un triomphe, elle n’aura plus qu’un désir, c’est de vivre dans la retraite pour se consacrer tout entière à son amour.»
Pour la première fois, le comte, lassé de ses conquêtes facile, éprouve un amour mêlé de respect pour une femme. Il lui avoue : « Je ne me sens plus le même quand je suis auprès de vous ».
« Au milieu de cette Cour raffinée et galante, où toutes les femmes voulaient plaire, où tous les hommes voulaient aimer, on regardait avec indulgence cette liaison ennoblie par une affection si sincère et une si constante fidélité.»

Image de La grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
En 1785
Le comte d’Artois et Louise entament une relation à vie. Il s’attache si durablement à elle qu’il en a fait sa «favorite » en titre. Ils n’auront pas d’enfants. Ce grand amateur de femmes particulièrement frivole, sait reconnaître en Louise des qualités de cœur qui inspirent à ses contemporains éloges et compliments poétiques. Leur amour n’est guère troublé par les bouleversements qui secouent la France. Pourtant, les calomnies contre la Reine et Son petit groupe de favoris se font de plus en plus virulentes.

En 1786
Artois commence à s’intéresser à la politique à l’âge de vingt-neuf ans avec la première grande crise de la monarchie après laquelle il prend la tête de la faction réactionnaire à la cour de Louis XVI. Le comte d’Artois devient le chef de file des réformateurs de ce que Jean-Christian Petitfils appelle la « révolution royale », c’est-à-dire le projet radical de Calonne. Le comte d’Artois coûte un certain prix à l’État : ses menus plaisirs (2 400 000 de francs), ses achats de domaines et de propriétés (7 231 372 livres), ses écuries (1 million de livres), ses vêtements et ses dettes représentent un important coût dans le trésor de l’État.
Du 10 octobre au 16 novembre 1787
Dernier séjour de la Cour de Louis XVI à Fontainebleau.

Jany Gastaldi a des airs de Louise de Polastron dans ce rôle (fictif) de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)

Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le 11 juillet 1789
En liaison avec le baron de Breteuil, Artois noue des alliances politiques pour chasser Necker. Ce plan échoue quand Charles essaie de le faire renvoyer, sans que Breteuil soit au courant, beaucoup plus tôt que prévu à l’origine. C’est le début d’une brouille qui se change en haine réciproque. Artois rencontre Talleyrand à la demande de ce dernier, qui propose de dissoudre l’assemblée et de convoquer de nouvelles élections avec un autre mode de scrutin. Si l’évêque d’Autun n’est pas suivi sur cette mesure, il semble avoir fait effet puisque Louis XVI rassemble des troupes dans et autour de Paris. Pour le comte d’Artois, il s’agit avant tout d’une démonstration de force plus que d’une nécessité…

Romain Sandère incarne Charles d’Artois
dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
Le 14 juillet 1789
Le peuple prend la Bastille.

Le 15 juillet 1789
On met le Roi au courant.
Le 16 juillet 1789
Louis XVI se rend à l’assemblée, en compagnie de ses deux frères. Il revient au château à pied, entouré des députés et du peuple qui l’accompagnent jusque dans la Cour de Marbre.

A droite , Francis Leplay incarne le comte d’Artois dans Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot (2012)

Départ des Polignac dans Les Années Lumières (1989)
Madame de Polignac quitte Versailles et la France parce que c’est que le Roi le lui ordonne. Et en s’éloignant de Marie-Antoinette qui lui donne une bourse de 500 louis, elle croit sincèrement que les esprits échauffés contre la Reine vont se calmer.

Yolande Folliot / de Polignac quittant Versailles
C’est ainsi que, le 16 juillet au soir, la famille Polignac quitte le château dans un désordre indescriptible. Comme la Reine sait Ses amis désargentés, en dépit de leurs charges, Elle fait porter à Yolande une bourse de 500 louis.
Tout le monde s’entasse dans une berline. Il n’avaient pu emporter chacun que le strict nécessaire. A minuit, un courrier apporte à la duchesse un mot d’adieu de Marie Antoinette :

« Adieu la plus tendre des amies, le mot est affreux ; voilà l’ordre pour les chevaux. Adieux. Je n’ai que la force de vous embrasser.»

par Alexandre Kucharski vers 1789
Le 17 juillet 1789
Enfin les Polignac, quittant Versailles, s’imaginent s’éloigner quelques mois, puis rentrer paisiblement une fois le calme revenu .
Ils n’imaginent pas qu’ils partent pour toujours ! Du reste n’emportent-ils rien, ou pas grand-chose . Le duc de Polignac est muni de faux papiers, d’un passeport signé par la main du Roi.

Jane Seymour est Marie-Antoinette dans Les Années Lumière (1989)

La voiture s’en va dans la nuit, avec à son bord le duc et la duchesse de Polignac, la comtesse Diane, l’abbé de la Balivière et Guichette qui vient d’accoucher.

Louise de Polastron

Yolande et Jules de Polignac dans Les Adieux à la Reine (2012) de Benoît Jacquot

Yolande duchesse de Polignac par Elisabeth Vigée Le Brun ; Pastel sur papier
Louise de Polastron quitte la France avec son fils, ses parents, mesdames de Poulpry et de Laage et le comte d’Artois.

Images de La Grande cabriole (1989) de Nina Companeez 
De septembre 1789 à juillet 1791
Artois se trouve à Turin— chez son beau-père et son beau-frère — , où il porte alors le titre de « marquis de Maisons » (et où il crée le Comité de Turin qui a pour vocation essentielle d’organiser la contre-révolution depuis l’étranger), ainsi qu’à Bruxelles, résidence de son oncle maternel l’archevêque-électeur de Trêves et Liège. A son épouse effacée et morose, Charles préfère la compagnie distrayante de Louise de Polastron (1764-1804) et quitte sa femme pour ne plus la revoir qu’en de rares occasions.
Louise, elle, est Installée à Berne, puis à Rome…
Parcourant les Cours européennes, loin de sa bien aimée, le comte d’Artois ne cesse de solliciter son ami le comte de Vaudreuil, qui doit lui raconter en détail les journées de Louise, et le tenir informé de ses moindres soucis de santé.

Sur les routes d’Europe : image de La Grande cabriole (1989) de Nina Companeez
Il meurt d’envie de la rejoindre, mais ne faut pas qu’il paraisse dominé par ses passions amoureuses en ces temps troublés. Vaudreuil lui tient ce langage :
« Il faut que l’amour soit la récompense et le dédommagement des grandes peines ; mais il ne faut pas que quelques jours de bonheur et de jouissance l’emportent sur les devoirs les plus importants.»
Elle et Artois continuent, malgré tout, à vivre ensemble en exil.

Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Les deux amants ne peuvent résister bien longtemps, et lorsque le comte d’Artois et toute sa petite Cour se transportent à Coblence, devenue la capitale de l’émigration, madame de Polastron s’installe avec son fils dans une maison louée pour elle.
Le 25 septembre 1789
La famille du comte d’Artois se trouve au complet dans le château de Moncalieri. « Le Roi, — écrit dans son journal Charles-Félix, alors duc de Gênes, — nous envoya ce jour-là, Montferrier, Maurienne et moi, au bas de l’escalier, pour recevoir les enfants d’Artois. Le comte d’Artois les conduisit lui-même ; nous les avons embrassés, et nous les avons conduits en haut. Quoiqu’ils fussent dans le plus grand déshabillé, ces deux enfants sont charmants. D’Angoulême, qui est l’aîné, a quatorze ans ; il n’est pas fort grand pour son âge, mais il est bien fait, il se présente bien, et parle, raisonne comme un homme fait. Berry, qui est le cadet, n’est âgé que de onze ans et demi ; il est fort petit, gras et très joli. Il est aussi bien aimable. »

Dès le 26 septembre 1789
Le prince héritier du trône de Sardaigne se plaint «de la trop grande familiarité du comte d’Artois» tandis que le duc de Genevois reconnaît «s’être horriblement emporté sur l’impertinence des Français»!
La Maison de Savoie supporte mal le ton et les manières du frère de Louis XVI qu’elle considère comme désinvolte, hautain, «étourdi et insolent.» D’ailleurs, la présence de sa maîtresse, la comtesse de Polastron, pose d’insolubles problèmes et le comte d’Espinchal prévient que
« le prince doit user de beaucoup de ménagements. Il se trouve au milieu d’une Cour très sévère sur le chapitre des mœurs. Le séjour de Madame de Polastron ferait un mauvais effet s’il se prolongeait trop longtemps. Tout cela est très embarrassant.»
Quelques jours après
Le malencontreux effet de l’arrivée du comte d’Artois se fait déjà sentir autour de lui. « Jusqu’à l’arrivée des Français, écrit le duc de Gênes, nous avons vécu en union et sans alarmes. Mais l’impertinence de cet étranger (le comte d’Artois), et le dessus qu’il prit d’abord sur l’esprit de Piémont (le prince de Piémont), nous choqua tout à fait et nous fit lever le masque. Nous n’avons plus témoigné de respect pour lui, en laissant même apercevoir que sa liaison avec cet étranger nous offensait beaucoup. Les Condés parurent pendant quelque temps humbles et respectueux ; aussi j’étois plutôt bien avec le duc d’Enghien ; mais voyant que le comte d’Artois, avec toute son effronterie, avait si bien réussi, ils voulurent l’imiter et devinrent aussi abandonnés ; et nous ne leur avons plus fait aucune politesse. »

Quel est donc le crime du comte d’Artois ? Sa liaison avec le prince de Piémont n’a rien que de fort naturel : n’est-il pas doublement son parent ? Mais on lui en veut surtout de « faire des cancans », de mettre en circulation des « bruits malveillants ». A tort ou à raison, on l’accuse d’avoir transporté à la Cour de Savoie les petites intrigues de ce Versailles, que les Piémontais paraissent d’ailleurs s’être figuré comme un lieu fantastique de délices et de dépravation : car à tout moment les documents officiels constatent que, « bien qu’il fût habitué au luxe de la cour de Versailles », le comte d’Artois a pris un grand plaisir aux fêtes où il a assisté.
Ces fêtes cependant, ni les intrigues de la cour, ne consolent le prince de l’absence de sa chère maîtresse. En vain le fidèle Vaudreuil, à la garde de qui est confiée Madame de Polastron, il l’engage à se conduire avec grande mesure « pour ne point achever de perdre à Turin sa considération personnelle. » Il se résigne, prend patience ; mais bientôt sa passion l’entraîne à de nouvelles folies. Deux fois Vaudreuil doit consentir à lui amener Madame de Polastron à Turin, où chacun est aussitôt informé du scandale.

L’entourage du comte d’Artois ne pense pas s’éterniser à Turin, mais malgré tout Victor-Amédée III se montre très généreux envers son gendre en lui assurant une pension, la disposition du palais Cavaglia, des serviteurs, des voitures et des chevaux.

Artois n’est pas homme non plus à garder longtemps l’incognito, que son beau-père lui avait d’abord imposé.
« Hors de la cour, il se faisait toujours appeler le marquis des Maisons ; mais il avait établi dans son palais un train tout à fait princier. Il avait l’attitude non d’un fugitif qui a trouvé un asile, mais d’un prince qui entend se faire respecter. »
Une petite Cour se constitue autour de lui, bruyante et impertinente, qui achève d’exaspérer tout le monde. Et l’on n’est qu’à demi enchanté d’apprendre l’échec de la tentative d’assassinat dirigée contre lui par un certain sergent Cornes, natif de Cailloux en Languedoc.
« Cet homme a juré de purger la terre d’un prince qui a fait beaucoup de mal à sa patrie ; ajoutant qu’il étoit encouragé dans son dessein par quelqu’un qui pourroit un jour faire la loi aux puissans mômes. »
L’ambassadeur d’Espines
Mais rien ne sort de ce mystérieux projet, non plus que de plusieurs autres également « dirigés contre le comte d’Artois par la faction orléaniste. » Et le comte d’Artois reste toujours à Turin, détesté de la ville, détesté de la cour, où l’on avait même fini par l’exclure des fêtes officielles.
Le 4 janvier 1791
Artois comprend que sa situation devient impossible, et part.
« Ce matin le royal comte d’Artois est parti pour Milan ; l’incertitude de son retour à notre cour royale a rendu bien amère à tous la séparation d’avec lui, mais particulièrement à sa royale épouse et à ses tendres fils. »
Le journal d’un courtisan
Il va à Venise, où l’attend Madame de Polastron.
En 1791
Elle vit avec Artois à Coblence, où elle est désignée comme l’une des « reines de l’émigration » de la Cour française des émigrés en exil avec la maîtresse du prince de Condé, la princesse de Monaco et la maîtresse du comte de Provence, Anne de Balbi.
C’est à ce moment que, de façon tout à fait désintéressée, Louise offre à son amant l’intégralité de ce qu’il lui reste de dot non payée, le sachant en grande difficulté financière : elle souhaite aider à faire triompher la cause des Bourbons.

Un salon de la cour de Coblentz dans La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Le 21 juin 1791
La famille royale est reconnue et arrêtée à Varennes.
Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le Roi est suspendu
Elle partage la détresse du comte d’Artois lors de l’évasion manquée de Louis XVI et Marie-Antoinette, arrêtés à Varennes, et se réjouit de l’arrivée auprès d’eux du comte de Provence : les deux frères sont réunis pour tenter de sauver le troisième, leur aîné dont le trône vacille dangereusement. Louise encourage son amant dans tout ce qu’il entreprend.
« Sa vie entière n’a qu’un but, le contenter et lui plaire. Elle ne vit que par lui et pour lui ; et, en dehors de son prince, rien ne saurait exister.»
Certains jalousent sa proximité avec le comte d’Artois, l’envient et la calomnient. La plus grave accusation portée contre elle sera celle d’accaparer un homme qui lui est entièrement soumis au point de négliger les affaires importantes, les affaires politiques. Accusation sans fondement. Louise soutiendra toujours son amant dans ses entreprises pour la reconquête du trône.
Les salons de madame de Polastron et de madame de Balbi, amour platonique du comte de Provence, sont rivaux. Trop différentes, les deux femmes ne frayent pas entre elles. Quand madame de Balbi, intrigante diablement intelligente, aspire à diriger les affaires politiques par l’intermédiaire de son amant, Louise n’a pour seule ambition que de garder toujours Charles auprès d’elle. Et surtout, ne jamais se mêler de politique.

Anne de Balbi
Louise est cependant tenue, par sa position, de répondre aux sollicitations et de recevoir avec régularité, car les courtisans fidèles au prince se groupent chez elle. Modeste et timide, elle rougit encore de sa situation, qui pourtant ne choque personne ! Comme chacun sait qu’un mot de la bouche de Louise vaut, pour le comte d’Artois, tout l’or du monde, elle est constamment importunée.
Si elle se refuse à favoriser les ambitions de chacun, elle fait toujours preuve de bonté et de bienfaisance. Louise s’émeut devant les sacrifices pour la cause bourbonienne, l’infortune et la détresse des femmes et des enfants… Elle promet sa protection.

Une robe en chemise à la Coblentz, publiée dans le magazine Journal de la Mode et du Goût, décembre 1791
En 1792
Louise de Polastron accompagne Artois à Édimbourg en Écosse, où elle vit avec lui à Holyrood.

Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple… Louise ne peut qu’imaginer sa belle-sœur à la place de la pauvre princesse si elle était restée en France….
Massacre de la princesse de Lamballe
Massacres dans les prisons.
A l’automne 1792
La petite Cour arrive bientôt à Ham.

La cour en exil se divertit de concerts ainsi que le montre cette image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le lundi 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI


Les nouvelles arrivant de France sont éprouvantes : image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.

En octobre 1793
La duchesse déchue dépérit, n’a plus le goût à rien, ne cesse de pleurer. Elle reçoit le coup, fatal lorsque la nouvelle de l’exécution de son amie lui parvient … On lui dit pourtant que la Reine est morte de privations dans Sa prison.

Madame de Polignac par Élisabeth Vigée Le Brun ( 1787)
Dans la nuit du 4 au 5 décembre 1793
Son agonie commence. Atteinte par un cancer, dévorée de douleur et de chagrin, Yolande Martine Gabrielle de Polignac s’éteint sans douleur ni bruit, veillée par Vaudreuil et Diane, deux mois après la mort de celle qui a été son amie.
Un témoin raconte sa mort : « Son dernier soupir n’était que son dernier souffle, et pour le dire en un mot, sa mort fut aussi douce qu’elle-même l’avait été.»
Le 9 décembre 1793
On enterre la duchesse de Polignac.
On grave sur sa pierre tombale «Morte de douleur».

Louise de Polastron est vivement affectée par la perte de ces deux femmes, qui lui ont toujours témoigné affection et bienveillance.
Le 8 mai 1794
Elle apprend encore la mort de son grand-père qu’elle adorait, sacrifié à la guillotine en même temps que le scientifique Antoine Lavoisier (1743-1794)…
Aux pertes des proches s’ajoutent des désastres militaires qui portent un coup au moral. Le comte d’Artois tient bon grâce à Louise, toujours présente à ses côtés. « Cette femme adorable fait plus que jamais le bonheur de ma vie » !
Les amants sont résolus à ne plus se séparer, ils affichent désormais leur relation et vivent en ménage. Au diable les convenances ! Louise suit vaillamment le prince dans tous ses déplacements, endurant les fatigues des voyages et des intempéries. La passion est trop forte, même si son âme lutte avec la honte d’usurper la position de l’épouse légitime, Marie-Thérèse de Savoie… qui n’a pas son mot à dire.
Le comte d’Artois à son bureau durant son exil au d’Holyrood (1797) par Danloux
Artois s’installe au château de Hollyrood en Ecosse, et Louise vient l’y rejoindre. Elle partage une demeure avec le duc et la duchesse de Guiche. Si le comte d’Artois ne reste pas inactif, la vie s’écoule lentement, un peu monotone pour Louise… Souvent elle envoie des lettres à madame de Laage, empreintes de nostalgie.
Pour sa « douce Luzy », Artois a toujours un amour inébranlable, et s’inquiète à chacune de ses indispositions, assez fréquentes. Il prend en considération tous ses conseils, écrit « nous » dans ses lettres lorsqu’il parle d’eux. Tous les émigrés composant la petite Cour du comte d’Artois se retrouvent chez Louise, car Charles aime s’y rendre tous les soirs pour sa partie de Whist habituelle.
Leur union est totale.

Elle s’occupe et chasse la monotonie en lisant des œuvres classique et modernes souvent judicieuses et donne parfois de modestes fêtes pour tirer la petite colonie de sa morosité.
Le 19 décembre 1795
Marie-Thérèse, l’Orpheline du Temple, sa nièce, quitte sa prison vers quatre heures du matin le jour de ses dix-sept ans, escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle, où elle est remise aux envoyés de l’empereur François II.

Le 30 août 1798
Louise improvise un petit théâtre dans les appartements du fils de son amant, où les courtisans sont les acteurs, comme aux beaux jours de Trianon !
En 1798

Lettre autographe signée au comte Louis d’Hautefort à Constance. Édimbourg, 1798.
« Je me suis acquittée… de la commission que vous m’avés donnée et j’ai montré à Monsieur [le comte d’Artois] l’aimable lettre que vous avés [sic] bien voulu m’écrire ; d’après tout ce que contient cette lettre, et mils autres motifs, je prends avec autant de confiance que de plaisir le titre que vous me donnés, mais je dois vous avouer avec franchise que dans aucun moment je ne me suis trouvé[e] dans le cas de m’armer de se titre, et que je suis convaincue qu’une telle circonstance ne se présentera jamais. Tenés-moi toujours compte de ma bonne volonté, car s’est le seul mérite que je puisse avoir, ainsi que celui de savoir aprétier, et partager, comme ils doivent l’être, tous les sentiments de votre âme. Ceux qui m’attachent à vous, Monsieur, sont aussi sincères qu’ils seront durables… M… [le comte d’Artois] me charge de vous dire que la dernière lettre qu’il vous a écritte contenant la véritable expression de ces sentiments pour vous, il n’a rien à y ajouter en ce moment. »
A partir de 1799
Artois réside à Londres au 46 Baker Street.
À la fin de l’année 1799
Le comte d’Artois se rend à Londres avec Louise. Elle est logée dans un magnifique hôtel. Elle va y passer les trois dernières années de sa vie.
Le 10 juin 1799
Louis-Antoine, duc d’Angoulême épouse au palais de Mittau en Russie sa cousine germaine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI, en présence du comte de Provence et de son épouse. La cérémonie est célébrée par l’évêque de Metz, grand aumônier de France. Le couple n’aura pas d’enfants.


En 1899
Lors du séjour du comte de Provence à Varsovie, alors qu’il envisage de s’installer à Naples, le duc et la duchesse d’Angoulême répondent qu’ils sont alors contraints de rejoindre Artois en Ecosse, le comte d’Artois jugeant l’Italie trop dangereuse, ce qui fait avorter les plans, le comte de Provence faisant remarquer qu’il serait impossible (en raison des normes sociales contemporaines) à la duchesse d’Angoulême de résider à Holyrood en raison de la position qu’y occupe Louise de Polastron.

Depuis sa naissance, Louise est atteinte de malaises, migraines et vapeurs, conséquences de sa faible constitution. Constamment éprouvée par les morts, les désillusions et les angoisses perpétuelles, sa santé déjà fragile s’est altérée à cause de l’air humide de l’Ecosse. Sa position, qui la fait vivre dans le péché, est aussi source de souffrance morale, même si elle n’en laisse rien paraître. Elle est pourtant atteinte d’extrême langueur.
Le comte a beau se soucier constamment de sa santé, il en oublie les détails les plus élémentaires. Très proche de la malade, il ne voit rien. Madame de Gontaut écrit :
« les personnes les plus attachées aux malades sont celles qui quelquefois s’aveuglent le plus facilement sur leur danger ».
Tous les soirs, Louise quitte le salon surpeuplé et surchauffé où l’on étouffe, pour se rendre dans sa chambre située au nord, froide et malsaine. Une brusque transition qui lui fait contracter la maladie qui va l’emporter, certainement la tuberculose, qui se manifeste d’abord par une toux sèche et les pommettes brûlantes.
Comme elle ne se plaint jamais, personne ne remarque rien.
« On était accoutumé à son visage souffrant, à ses yeux brillants et mélancoliques ».
Et le mal empire : une fièvre lente qui la fatigue. Il faut bien se rendre à l’évidence, lorsqu’un médecin annonce qu’elle est à la dernière extrémité.
Le comte d’Artois est effaré. Il supplie le médecin de tout faire pour la sauver.

On installe Louise à Brompton Grave, petite campagne aujourd’hui absorbée par Londres. Il est trop tard et l’état de Louise empire. Artois passe ses journées seul avec elle. Il prend conscience du temps gaspillé en amours futiles, regrette ses dissipations de jeunesse. Aux côtés de la mourante qui le ramène dans le droit chemin, il s’imprègne d’une piété profondément dévote.
Louise craint pour le salut de son amant. Elle lui fait jurer de lui être fidèle par-delà la mort. Ses dernières paroles sont :
« Soyez à Dieu, tout à Dieu ! ».
Et Artois jure avant que Louise ne mette sa main dans celle de son directeur de conscience, l’abbé Latil, en lui recommandant l’âme de son amant.
Le 27 mars 1804
Louise meurt à Londres appartements au 18 Thayer Street. de la tuberculose à l’âge de trente-neuf ans.
Le comte d’Artois ferme les yeux de celle qui a été à ses côtés pendant vingt ans. Sa mort inaugure un nouvel homme. Le comte est si dévasté qu’il décide de faire vœu de chasteté perpétuelle. Il tiendra le vœu après sa mort et se consacrera à la religion, soutenant souvent avec enthousiasme le mouvement ultramontaniste ( c’est une conception politique cléricale au sein de l’Eglise catholique qui met fortement l’accent sur les prérogatives et les pouvoirs du Pape). Pour répondre aux dernières paroles de la mourante, s’en remettra entièrement à Dieu. Il deviendra ainsi le futur monarque très, trop chrétien Charles X….
L’abbé Latil, qui va prendre un ascendant exceptionnel sur lui, sera à l’origine de l’intransigeance du futur Charles X en matière religieuse… « De frivole, le prince devint austère. De libertin à la mode du XVIIIe siècle, il se fit dévot ».
« C’était la tendresse vivante » affirmera Lamartine.
Sources :
- Madame de Polignac et Marie-Antoinette : une Amitié fatale de Nathalie Colas des Francs
- Charles X, le Dernier Bourbon, de Jean-Paul Clément
- Louise de Polastron, Ange rédempteur du comte d’Artois, de Plume d’Histoire
- Louise d’Esparbès, comtesse de Polastron du vicomte de Reiset