Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans,
bisaïeule de Marie-Antoinette
Elisabeth-Charlotte de Bavière, souvent appelée «Liselotte» ou «La Palatine», est une princesse allemande d’éducation protestante.
Le 22 février 1650
Mariage de Charles Ier Louis, électeur palatin (1617-1680), le fils du défunt «roi d’hiver» de Bohême et de Charlotte de Hesse-Kassel (1627-1686).
Le 27 mai 1652
Naissance d’Elisabeth Charlotte au château de Heideberg.

Le château de Heideberg
Elle est le deuxième enfant et fille unique de Charles Ier Louis, électeur palatin, et de son épouse Charlotte de Hesse-Kassel. Nommée d’après sa grand-mère paternelle Elizabeth Stuart (1596-1662) et sa propre mère, dès son plus jeune âge, elle a été surnommée Liselotte , un diminutif de ses deux prénoms. Un baptême d’urgence est pratiqué peu de temps après sa naissance car elle est très faible et maigre.
« Elle est providentiellement placée entre deux frères complètement dissemblables, dont l’aîné compense l’incapacité fondamentale de son frère cadet par son appréciation et l’amitié : aimer quelqu’un d’autre qu’elle-même, elle leur témoigne son affection à tous les deux, de tout son cœur et sans arrière-pensée, et accepte sans se plaindre la puissance écrasante de l’un ainsi que les penchants italiens de l’autre, comme destinés par le destin. »
Dirk Van der Cruysse
Ses parents :

Charles Ier Louis, électeur palatin

Charlotte de Hesse-Kassel
Charlotte est considérée comme difficile et têtue. Sa belle-sœur Sophia, la décrit comme vaniteuse, superficielle et intellectuellement peu exigeante. Le mariage des parents de Liselotte se transforme rapidement en catastrophe et Liselotte est souvent témoin d’actes de violence domestique.
Liselotte est élevée dans la foi protestante réformée, la dénomination la plus répandue dans le Palatinat électoral à cette époque. Liselotte est une enfant pleine de vie qui aime courir et grimper aux arbres pour grignoter des cerises. Elle prétend parfois qu’elle aurait préféré être un garçon et se réfère dans ses lettres à une « enfant sauvage».

Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, enfant, gravure d’après Vaillant
Le 14 avril 1657
Charles Ier Louis, en tant que propriétaire du plus haut pouvoir exécutif et judiciaire du Palatinat électoral, décide finalement de divorcer unilatéralement et officiellement de sa femme et le proclame publiquement.
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, enfant
Le 6 janvier 1658
Son père contracte un mariage morganatique avec Marie-Luise von Degenfeld (1634-1677) ,qui devient ainsi la belle-mère de Liselotte. Liselotte la perçoit comme une intruse, mais entretenait de bonnes relations avec plusieurs de ses treize demi-frères et sœurs, les Raugrafen. Avec deux de ses demi-sœurs, Louise (1661-1733) et Amalie Elisabeth, dite Amelise (1663-1709), elle entretiendra une correspondance toute sa vie. Son demi-frère Charles-Louis (1658-1688), dit Karllutz, est l’un de ses préférés ; elle l’appelle aussi « Black Head » ( Schwarzkopfel ) à cause de sa couleur de cheveux. et était ravie quand il lui rendra visite plus tard (1673) à Paris.
En 1659
Le père de Liselotte l’envoie à la Cour de sa tante à Hanovre pour tenter de la séparer de son ex-épouse Charlotte. Liselotte se souviendra plus tard de ce temps comme le plus heureux de sa vie.

Sa tante Sophie princesse palatine, épouse d’Ernest Augustus, électeur de Hanovre
L’électrice Sophie (1630–1714) devient une figure maternelle importante pour sa nièce et restera sa confidente et correspondante la plus importante tout au long de sa vie. Au cours de cette période, elle effectue également trois voyages à La Haye, où Liselotte rencontre sa grand-mère paternelle Elizabeth Stuart (1596-1662), la « Reine d’Hiver » de Bohême, qui vit toujours en exil.

Sa grand-mère paternelle, Elizabeth Stuart
Elizabeth n’aime pas particulièrement les enfants, mais elle s’attache à sa petite-fille, qu’elle trouve semblable à sa propre famille, les Stuarts :
«Elle n’est pas comme la Maison de Hesse… elle est comme la nôtre».
En 1661
Ses parents à La Haye comprennent également Guillaume d’Orange-Nassau légèrement plus âgé, qui est son camarade de jeu et doit plus tard devenir Roi d’Angleterre, Guillaume III d’Angleterre (1650-1702). Liselotte parle couramment le français dès 1661, lorsqu’une Française, Madame Trelon, qui ne comprend pas l’allemand, est nommée gouvernante.
Le 13 février 1662
Décès de sa grand-mère paternelle Elizabeth Stuart (1596-1662), la «Reine d’Hiver» de Bohême, d’une pneumonie. Sa mort a provoqué peu d’émoi dans le public car à ce moment-là, sa «principale, sinon la seule, prétention à la renommée était celle de la mère de Rupert du Rhin (1619-1682), le légendaire Cavalier général». Le soir du 17 février, lorsque son cercueil (dans lequel ses restes avaient été placés la veille) quitte Somerset House, Rupert (oncle de Liselotte) est le seul de ses fils à suivre le cortège funèbre jusqu’à l’abbaye de Westminster.
En septembre 1662
Lorsque le duc Ernest Auguste de Brunswick prend ses fonctions de prince-évêque d’Osnabrück en septembre 1662, Liselotte déménage avec Sophie au château d’Ibourg .
Le château d’Ibourg
En 1663
L’électeur Charles Ier Louis accorde à la mère de Liselotte, Charlotte, une compensation monétaire en échange de son départ de la résidence de Heidelberg. Immédiatement après, l’électeur ramène sa fille au tribunal de Heidelberg. Liselotte reçoit désormais une éducation courtoise coutumière des maisons princières à l’époque, consistant en des cours de français, de danse, de jeu d’épinette, de chant, d’artisanat et d’histoire. De plus, on lui lit régulièrement la Bible «en deux langues, allemand et français».
Sa nouvelle gouvernante, Maria Ursula Kolb von Wartenberg, dite «la Kolbin», la met en garde contre « toute haine ou préjugé contre quelqu’un parce qu’il appartient à une religion différente». Cette tolérance religieuse est assez inhabituelle en son temps et découle de l’attitude relativement décontractée de son père Charles Ier Louis, qui est calviniste, mais fait construire à Mannheim une église Concordia (Konkordienkirche ), où les adeptes du calvinisme (ou réformés), des confessions luthérienne et catholique peuvent célébrer leurs rituels. Liselotte bénéficie de cette attitude religieuse relativement ouverte tout au long de sa vie ; elle a appris l’existence de la dénomination luthérienne à la Cour de Hanovre et, des décennies plus tard, elle saura encore chanter par cœur des chœurs luthériens.

Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, jeune fille, par Jean-Baptiste de Ruel

Philippe d’Orléans (Franck de Lapersonne) et sa première épouse, Henriette d’Angleterre (Marianne Basler)
Le 30 juin 1670
Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans, Madame, meurt d’une péritonite biliaire au château de Saint-Germain.
« Ô nuit désastreuse ! Ô nuit effroyable, où retentit tout à coup un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! »
Extrait de l’oraison funèbre composée par Jacques-Bénigne Bossuet

Veuf, le frère du Roi Louis XIV, est contraint de se remarier avec Elisabeth-Charlotte de Bavière, qui a dix-neuf ans et qui se trouve être une petite-cousine d’Henriette d’Angleterre du côté Stuart.

Pour obtenir l’accord de son frère, le Roi lui promet de rappeler à la Cour le chevalier de Lorraine (1643-1702) qu’il a exilé à Rome à la demande de feue Henriette. Philippe de Lorraine sera, en quelque sorte, le rival de Liselotte dans le coeur de son mari. On le dit beau comme un ange mais dénué de tout sens moral. Il avait été l’amant du frère du Roi (son aîné de trois ans) dès 1665 et fut logé par celui-ci à Paris, au Palais-Royal.

Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans
Etienne Polier, son premier maître d’écurie et intendant, devient un confident à vie, qu’elle emmène avec elle en France lors de son mariage et qui restera à son service à vie.
Le 16 novembre 1671
Liselotte épouse Philippe, duc d’Orléans (1640-1701), fils cadet de Louis XIII (1601-1610-1643) et d’Anne d’Autriche (1601-1666), dit « Monsieur », dont le frère aîné est le « Roi Soleil», Louis XIV (1638-1715). En tant qu’épouse du duc d’Orléans, Liselotte prend le titre de Madame.
Jessica Clark est Liselotte dans la série Versailles (2017) sur Canal+, Alexander Vlahos est Philippe d’Orléans
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans
Cette union politique est conçue par Anna Gonzaga (1616-1684), la tante de Liselotte (en tant que veuve d’Edward, comte palatin de Simmern, frère cadet de Charles Ier Louis) et vieil ami du duc d’Orléans ; elle négocie le contrat de mariage, y compris les conditions entourant la conversion requise de Liselotte au catholicisme. Avant son mariage, elle doit, en effet, se convertir à la foi catholique pour des raisons dynastiques. La veille, elle renonce donc solennellement à sa vieille foi réformée et se convertit à la foi catholique romaine. Elle reste cependant sceptique quant au dogmatisme tout au long de sa vie et critiquera souvent «les prêtres», même en assistant à la messe quotidiennement. Elle restera convaincue de la doctrine calviniste de la prédestination et critiquera la vénération catholique des saints.
Anna escorte Liselotte de Heidelberg à Paris. Le mariage par procuration a lieu le 16 novembre 1671 à la cathédrale Saint-Etienne de Metz ; le duc de Plessis-Praslin représente le marié.
Le 20 novembre 1671
Liselotte rencontre son mari, de douze ans son aîné, pour la première fois, à Châlons.
Jessica Clark est Liselotte dans la série Versailles (2017) sur Canal+
Monsieur, affublé de bagues, bracelets et pierreries, ne peut dire que ceci :
« Comment pourrais-je coucher avec elle ?»
Philippe de France, Monsieur, duc d’Orléans

Alexanbder Vlahos est Philippe d’Orléans dans la série Versailles (2016-2018) pour Canal +
« Dans la fraîcheur de ses vingt ans, Madame n’est pas désagréable à regarder »,
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans
Pétillante d’esprit, indépendante, la princesse se consacre alors à une correspondance très abondante qui lui vaut le surnom d’« Océan d’encre ». Ses lettres, au nombre de 60 000 (un dixième est conservé), rédigées dans un style savoureux, constituent une source d’informations précieuse sur la vie à la cour de France. La princesse reste allemande de cœur et elle abhorre la cour et l’étiquette. Si on l’en croit ses lettres, la dépravation attribuée à la Régence règne déjà dans toute la seconde moitié du grand règne.
Écrivain passionné, sa correspondance couvre les grands événements de la journée ainsi que les aspects les plus banals de la vie à la cour. De son bureau du Palais-Royal, du château de Saint-Cloud ou du château de Versailles, elle s’acharne sur les personnages principaux du drame incessant qu’est la vie à la cour.
«Cette princesse était fagotée comme une sorte d’Amazone, avec un pourpoint d’homme en drap galonné sur toutes les coutures ; elle avait la jupe assortie, la perruque en trois écheveaux, comme celle de S.M., avec un chapeau tout-à-fait semblable à celui du roi, lequel chapeau ne fut ni dérangé ni soulevé par elle pendant qu’elle nous fit ses révérences, dont elle se tira, du reste, avec assez d’aisance et de ponctualité. Il est bon d’ajouter que cette vilaine Altesse Royale avait les pieds dans des bottines et qu’elle avait un fouet à la main. Elle était mal taillée, mal tournée, mal disposée pour toute chose et contre tout le monde. C’était une figure de pomme de locart, courte, large et colorée ; peu de nez, point de menton, les pommettes rouges, les yeux noirs et animés sans aucun air d’esprit : on a vu cette figure-là partout.
La marquise de Créquy : Souvenirs
Mme de Froulay demanda au Roi la permission de me nommer à Madame qui me fit un salut à la cavalière et qui se mit à me questionner sur la santé, sur l’âge et sur les projets du Grand-Prieur de Froulay, dont je n’avais encore eu ni vent ni nouvelles ; de sorte que je restai muette comme une tanche, et que Madame a soutenu jusqu’à sa mort que j’étais plus bête qu’une
carpe. Elle aura peut-être pris la peine de l’écrire à ses commères et ses cousines allemandes, et ce sera toujours moins faux que tout ce qu’elle osait leur mander contre Mme de Maintenon, contre Madame la duchesse de Bourgogne, et de plus, contre ma bonne grand’mère qu’elle a fort mail traitée dans son ignoble correspondance avec ses belles-sœurs de Hesse et de Mecklembourg. Elle aurait voulu rabaisser la maison de France au niveau de ses comtes-Palatins. elle ne parlait et rêvait que du Saint-Empire Germanique, où plût à Dieu qu’elle fût restée toute sa vie ! Nous en aurions eu de moins la contrariété du Régent et de sa triste progéniture ! Il est à remarquer que dans toute la postérité de cette Bavaroise, il ne s’est pas trouvé une seule personne qui n’ait fait peine ou déshonneur à la maison royale de France. A partir de la reine Isabeau, c’est une famille allemande avec qui les alliances de nos princes ont toujours été funestes à la monarchie française.»

Philippe de France, Monsieur, duc d’Orléans, atelier de Mignard



Joseph Werner, Madame, duchesse d’Orléans, en tenue de chasse, vers 1671
Monsieur n’a pas l’air ignoble, mais il est très petit, a des cheveux, des sourcils et des paupières d’un noir absolu, de grands yeux bruns, un visage long et plutôt étroit, un gros nez, une bouche trop petite et des dents laides, plus féminin que masculin, n’aime ni les chevaux ni la chasse, rien que les jeux, tenir cercle, bien manger, danser et s’habiller, en un mot, tout ce qu’aiment les dames… ainsi le décrira Liselotte en 1716. Monsieur fait preuve de qualités d’homme de goût et de mécène dans ses résidences du Palais Royal et de Saint Cloud qu’il ne cesse d’embellir et qui lui permettent de s’échapper de Versailles et de son frère. Louis ne lui a même pas permis d’obtenir, à la mort de Gaston d’Orléans (1608-1660), le gouvernement de Languedoc qui lui revenait pourtant de droit, le Roi déclare même à ce sujet :
« Les princes de sang ne sont jamais bien en France ailleurs qu’à la cour.»
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, en habit de chasse
C’est le second mariage du duc d’Orléans, sa première épouse et cousine Henriette d’Angleterre (1644-1670) mourut subitement et dans des circonstances mystérieuses en 1670. Il amena deux filles dans son nouveau mariage, Marie-Louise(1662-1689), neuf ans, avec qui Liselotte pourra construire une relation chaleureuse et fraternelle) et Anne-Marie (1669-1728), deux ans, qui n’aura aucun souvenir de sa mère biologique et que Liselotte aimera comme son propre enfant.

Henriette d’Angleterre tenant un chien, en 1665
Liselotte est décrite comme solide et masculine. Elle possède l’endurance nécessaire pour chasser toute la journée, refusant de porter le masque (de velours) que les Françaises ont l’habitude de porter pour protéger leur peau à l’extérieur. En conséquence, son visage développe un aspect vermeil et battu par les intempéries. Elle marche rapidement et la plupart des courtisans sont incapables de suivre, à l’exception du Roi. Elle a une attitude «sans fioritures».
Le mariage de Liselotte et Philippe est difficile, car il est bisexuel (ou plutôt homosexuel mais il consent à assurer le devoir conjugal avec ses épouses) et vit assez ouvertement comme tel. Il mène une vie largement indépendante, et influencé par son amant de longue date, le chevalier de Lorraine (1643-1702). Il a beaucoup de favoris et de nombreuses affaires avec des hommes plus jeunes, commet Antoine Morel de Volonne (dont Monsieur a fait le Hofmarschall (fonctionnaire administratif en charge d’une cour princière) de Liselotte pendant de 1673–à 1683 ). Morel a une très mauvaise réputation même selon les normes de l’époque: « Il volait, il mentait, il jurait, était athée et sodomite et vendait des garçons comme des chevaux.» Liselotte n’a d’autre choix que d’accepter ces conditions, et elle devient finalement une femme exceptionnellement éclairée pour son temps, quoique d’une manière résignée.
Liselotte est en butte aux persécutions des familiers de son mari qui souhaitent conserver leur influence sur le faible prince et certains ragots attiseront la jalousie maladive de son mari. Le duc d’Orléans, menant un train de vie dispendieux (elle a souvent du mal à payer les deux cent cinquante personnes au service de sa maison) et indifférent aux charmes féminins, ne lui montre que l’empressement strictement nécessaire pour assurer une descendance. Il préfère en effet ses favoris, le chevalier de Lorraine (1643-1702) et le marquis d’Effiat (1638-1719), qui sont pour Madame des ennemis.
À son arrivée à la cour, Madame doit d’abord affronter la comparaison avec sa devancière, la pétulante Henriette d’Angleterre. Elle déjoue certains pièges de courtisans qui souhaitent entrer dans ses faveurs en l’entraînant dans la vie mondaine qu’appréciait la « première Madame ». La princesse de Monaco essaie même de l’initier aux plaisirs saphiques, mais Liselotte est trop sérieuse pour apprécier ces comportements et, soucieuse de la dignité de son rang, s’entoure d’un cercle de personnes de confiance pour lesquelles elle éprouvera une véritable amitié et qui fournira au Roi Louis XIV, bien malgré elle, certaines de ses maîtresses, comme Mademoiselle de Ludres (1647-1726).
Liselotte devient très proche de son beau-frère Louis XIV. Il est «… enchanté par le fait que c’est une femme pleine d’esprit et adorable, qu’elle danse bien …». Il est souvent très amusé par sa nature ouverte, pleine d’humour et d’une simplicité rafraîchissante. Ils vont souvent chasser ensemble, occupation plutôt inhabituelle pour une dame de l’époque. Son habitude de faire de longues promenades est également remarquée par la Cour de France et a d’abord été moquée (elle va même se promener dans le parc la nuit) mais le Roi est ravi : « Le Roi disait : il n’y a que Vous qui jouissez des beautés de Versailles».
Malgré le fait qu’elle n’est pas particulièrement belle (la beauté est considérée comme un atout important à la cour de France) et a des manières quelque peu non conventionnelles, Liselotte fait bonne impression sur les courtisans. À l’origine, ils s’attendent à une étrangère « rugueuse » et « inculte ». Madame de Sévigné (1626-1696) remarque «Quel bonheur d’avoir à nouveau une femme qui ne sait pas parler français!», en référence à la Reine Marie-Thérèse (1638-1683), qui n’a jamais vraiment appris à parler français et est sensible aux taquineries et blagues des Précieuses. Plus tard, cependant, la marquise louera la « charmante franchise » de Liselotte et déclarera : « J’ai été étonnée de ses blagues, non pas de ses plaisanteries adorables, mais de son bon sens… Je vous assure qu’on ne peut pas mieux l’exprimer. C’est une personne très déterminée et qui a certainement du goût.»
Jusqu’à la mort de son mari en 1701, Liselotte résidera dans ses propres appartements dans les résidences de son mari, le Palais-Royal à Paris, et le château de Saint-Cloud. Le couple vit principalement à la Cour royale, où ils doivent être présents environ les trois quarts de l’année, d’abord au château de Saint-Germain-en-Laye et, après son achèvement en 1682, au palais de Versailles, où ils possèdent deux appartements contigus dans l’aile principale. Ils ont également des appartements au château de Fontainebleau, où la Cour se rend en automne pour la saison de la chasse. Liselotte (contrairement à son mari) participe à cette tradition avec enthousiasme. Elle chevauche souvent avec le Roi à travers les bois et les champs toute la journée, du matin au soir, sans être découragée par des chutes ou des coups de soleil occasionnels. De Fontainebleau, le couple a fait des visites régulières au Château de Montargis, qui appartient à Monsieur et qui, selon leur contrat de mariage, tombera plus tard à Madame comme un siège de veuve. Liselotte maintient sa propre cour de deux cent cinquante personnes, qui coûte 250 000 livres annuellement, pendant que son mari en maintient une encore plus grande.
En 1673
Liselotte est ravie d’accueillir à Paris son demi-frère préféré, Charles-Louis (1658-1688).
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, en 1673, en habit de chasse, par Elle l’Ancien
Le 2 juillet 1673
Liselotte accouche au château de Saint-Cloud de son premier fils, Alexandre Louis d’Orléans , duc de Valois ( 1673-1676).
Jessica Clark est Liselotte dans la série Versailles (2017) sur Canal+
Le 2 août 1674
Elle accouche de Philippe (1674-1723) au château de Saint-Cloud, il est titré duc de Chartres de sa naissance jusqu’à devenir duc d’Orléans en 1701. C’est le futur Régent.

Elisabeth Charlotte, duchesse d’Orléans, par Pierre Mignard, 1675.
Le château de Saint-Cloud
Le 27 décembre 1674
Son ennemie, Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, achète pour 150 000 livres, avec l’argent de sa revente, le château et le titre de Maintenon à Françoise d’Angennes, épouse d’Odet de Riantz marquis de Villeroy, et héritière de Charles François d’Angennes, marquis de Maintenon, qui fut gouverneur de Marie-Galante (le titre qu’avait convoité le père de Françoise). Les enfants bâtards du Roi, d’abord élevés rue de Vaugirard, le sont ensuite aussi au château de Maintenon.



Le 3 juillet 1675

Madame de La Vallière, avant d’entrer au couvent, vient se jeter aux pieds de la reine pour obtenir son pardon, en 1670
peinture d’histoire de Louise-Adélaïde Desnos, 1838
Louise de La Vallière (1644-1710) prononce ses vœux perpétuels, prenant le nom de Louise de la Miséricorde. Au couvent, elle recevra plusieurs fois la visite de la reine, de Bossuet, de la marquise de Sévigné et de Liselotte à qui elle a confié l’éducation de son fils, le comte de Vermandois.

Le 16 mars 1676
Décès de son fils aîné, Alexandre Louis d’Orléans , duc de Valois ) avant son troisième anniversaire. Sa mort est attribuée à une effusion de sang par les médecins de la famille d’Orléans. Liselotte est dévastée par la mort prématurée de son fils aîné Elle le pleure pendant six mois avant la naissance de sa fille, qui l’aidera apparemment à surmonter cette terrible perte.
«Je ne pense pas qu’on puisse mourir d’une tristesse excessive, sinon je serais sans doute mort, car ce que j’ai ressenti à l’intérieur est impossible à décrire.»
Liselotte en avril 1676

Le 13 septembre 1676
Liselotte donne le jour à sa fille Elisabeth Charlotte d’Orléans (1676-1644) au château de Saint-Cloud. Titrée Mademoiselle de Chartres, elle sera la grand-mère de Marie-Antoinette.

La princesse Palatine par Nicolas de Largillière

Le château de Saint-Cloud
En 1679
Lorsque l’électrice Sophie et sa fille rendent visite à Liselotte à Paris et Versailles, elle déclare :
« Liselotte… vit très librement, et avec plus d’innocence : sa gaieté réjouit le Roi. Je n’ai pas remarqué que son pouvoir va plus loin que le faire rire, ni qu’elle essaie de le porter plus loin.»
Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans, avec ses enfants Philippe et Élisabeth-Charlotte, d’après Mignard

À partir de 1680
Des problèmes massifs surgissent dans le mariage d’Orléans, le chevalier de Lorraine, le marquis d’Effiat et d’autres favoris de son mari intriguent contre Liselotte afin d’éliminer son influence sur le duc. Entre autres choses, ses ennemis conspirent pour faire renvoyer de la cour ses confidentes, dont sa bien-aimée dame d’honneur Lydie de Théobon-Beuvron et son mari, le chambellan comte de Beuvron.

Lydie de Théobon-Beuvron
Après ces départs, elle est sans défense contre les intrigues des favoris et les caprices arbitraires de son mari. Pour aggraver les choses, sa relation personnelle avec le Roi s’était refroidie à mesure que sa maîtresse, Madame de Maintenon (1635-1719), gagne en influence conduisant Louis XIV à être de moins en moins enclin à intervenir dans les querelles de Liselotte avec son frère. Liselotte s’isole, se retire de plus en plus dans son cabinet d’écriture.

Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon
Liselotte méprise la marquise en raison de son faible rang social et de sa soif de pouvoir perçue. Elle la décrit dans de nombreuses lettres avec des épithètes comme « la ripopée », « la vieille conne » «la vieille terne du roi», «vieille pute», «vieille sorcière», «Magaera», «Pantocrat » ou comme « la crasse de souris mélangée aux grains de poivre».
Comment ne pas songer à l’arrière petite-fille de Liselotte, Marie-Antoinette, qui, arrivant en tant que Dauphine à la Cour de Louis XV, s’opposera farouchement à Madame du Barry, sa dernière maîtresse. Ses propos seront assurément moins orduriers que ceux de Sa bisaïeule. Mais l’on constatera le même rapport de rang, de rivalité entre la chair et le sang (la naissance).
Elle ne recule pas, on le voit, devant le mot trivial. Méprisant la famille illégitime du Roi, à l’exception de son neveu le comte de Vermandois (1667-1683), pour qui elle a une grande affection étant sa tutrice, elle surnomme par exemple le comte de Toulouse (fils du Roi et de Madame de Montespan) « la chiure de souris ».

Louis, comte de Vermandois
A l’instigation de Madame de Maintenon, de plus en plus puissante, les contacts entre Liselotte et son beau-frère se restreignent aux occasions formelles, et si le Roi se retire dans ses appartements privés avec quelques parents choisis après le dîner, elle n’y est plus admise. En 1686, elle écrit à sa tante Sophie :
« Là où le diable ne peut y arriver, il envoie une vieille femme, que nous voulons tous découvrir, faisant partie de la famille royale… »
Depuis la correspondance de Liselotte secrètement surveillée, le Roi et le Maintenon sont au courant de ses insultes, ce qui dégrade davantage ses relations avec le Roi.
Après l’ Affaire des Poisons (1677-1682)
La précédente maîtresse royale, Madame de Montespan (1640-1707) étant impliquée- Louis XIV, sous l’influence de la bigote Madame de Maintenon, subit une transformation en un homme obsédé par la morale, la piété et la religion.

Françoise-Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan
Le 20 juillet 1683
Au retour d’une tournée royale des forteresses édifiées par Vauban en Bourgogne, un abcès au bras gauche de la Reine Marie-Thérèse (1638-1683) est découvert. Violacé et purulent, il n’est pas incisé mais combattu vainement par des saignées et des emplâtres humides, qui affaiblissent Marie-Thérèse
Marie-Thérèse d’Autriche, Infante d’Espagne, Reine de France, par Nocret
Le 26 juillet 1683
Marie-Thérèse a de la fièvre, elle va de plus en plus mal, demande les derniers sacrements.
Le 30 juillet 1683
A trois heures de l’après-midi
Après une nuit de souffrance, sa belle-sœur, la Reine, succombe sans qu’on ait eu le temps de lui administrer l’extrême onction. Ses derniers mots sont : « Depuis que je suis reine, je n’ai eu qu’un seul jour heureux ».
Louis XIV dit de cette mort : « Voilà le premier chagrin qu’elle me cause »,
marquant ainsi sa reconnaissance pour son respect scrupuleux de ses devoirs envers lui et la couronne, la formule trahissant son peu d’attachement.


Peu de personnes assistent à la cérémonie de ses funérailles. C’est dire à quel point la cour regrette peu cette reine si effacée…

La princesse Palatine Elisabeth Charlotte, duchesse d’Orléans, avec un page maure, par François de Troy, 1680
Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683

Avec le soutien actif de l’Église catholique en France, Louis XIV épouse secrètement Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, âgée de près de quarante-huit ans, ce mariage secret ne choquant ainsi ni la cour, ni l’Église. Selon un article publié sur le blog de la Bibliothèque nationale de France en 2014, « il n’existe apparemment aucune preuve écrite du mariage de Madame de Maintenon avec le roi Louis XIV. »


À la Cour, on sait bien ce qu’il en est : le Roi passe une grande partie de son temps dans les appartements de sa femme et, lorsque Madame de Maintenon se déplace en chaise à porteurs, les princesses doivent suivre immédiatement derrière. Ce qui fera dire à Madame de Maintenon : « Mon bonheur est éclatant ». La question de ce mariage gardé secret agite la cour française et les cours étrangères. À sa tante, Sophie de Hanovre, qui lui en demande des nouvelles, la princesse Palatine, grande ennemie de Madame de Maintenon, admet toutefois :
« […] il est impossible de savoir ce qu’il en est. En tout cas, ce qu’il y a de certain, c’est que le roi n’a jamais eu pour aucune maîtresse la passion qu’il a pour celle-ci [Madame de Maintenon] ; c’est quelque chose de curieux à voir quand ils sont ensemble ».
La princesse Palatine
Le mariage doit être tenu secret pour que l’épouse ne soit pas titrée reine, le sacrement du mariage donnant en France à l’épouse la condition et le rang de son mari, contrairement aux mariages dits morganatiques qui se pratiquaient dans les dynasties allemandes.
Madame de Maintenon fera planer sur la Cour à la fin du règne de Louis XIV une ère de dévotion et d’austérité. On lui prête une grande influence sur le Roi et sur la Cour.
Le 18 novembre 1783
Son neveu bienaimé Louis de Vermandois qui avait été envoyé à la guerre, en raison de ses mœurs (il avait été séduit par le chevalier de Lorraine et Liselotte obtint de Louis XIV pour son pupille qu’il puisse combattre en Flandre afin de racheter ses erreurs et tenter de rentrer en grâce), meurt de maladie à seize ans pendant le siège de Courtrai, aux côtés de Vauban.

Paula Paul est la Princesse Palatine dans Les Jardins du Roi (2015) d’Alan Rickman

Stanley Tucci y est Philippe, duc d’Orléans
En mai 1684
«Je suis toute triste aujourd’hui, car un petit chien que j’ai et qui est intelligent comme une personne humaine est à l’agonie. Il veut être toujours auprès de moi et son mal le fait pleurer comme un enfant. Cela me rend terriblement triste, car j’aime de tout cœur la pauvre petite bête qui a dormi depuis quatre ans avec moi, et qui ne m’a jamais quittée.»
Liselotte
Son appartement dans l’Aile du Midi
(texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Louis XIV et Marie-Thérèse sont installés dans le Corps Central. La Reine dispose d’un appartement au sud, le Roi au Nord. Au rez-de-chaussée, Louis XIV a installé son frère, Monsieur et sa seconde épouse, Charlotte-Elisabeth, Princesse Palatine.

Ce logement est une place de choix puisqu’il se trouve à proximité du Grand Appartement tout en disposant de larges ouvertures donnant sur les jardins.
A la mort de la Reine en juillet 1683, l’héritier de la Couronne, Monseigneur, gagne le rez-de-chaussée du Corps Central alors que son oncle et sa tante récupèrent le sien.

La Palatine y vivra de 1684 à 1722, date de son décès.
Il est difficile de savoir avec précision combien de pièces comptait cet appartement. Cependant, certains travaux d’aménagement permettent de savoir que Madame disposait à titre personne d’une antichambre, une chambre et un cabinet.
L’appartement est situé au premier étage de l’Aile du Midi, donnant sur le Parterre du Midi.
En 1685
Louis XIV publie l’ édit de Fontainebleau , qui met fin à la tolérance religieuse de l’ édit de Nantes et la persécution renouvelée des Protestants, connus en France sous le nom de Huguenots. De nombreux protestants français émigrent en Hollande et en Allemagne, dont la tante de Liselotte, Emilie de Hesse-Kassel. Les émigrants sont soutenus par l’ambassadeur de Brandebourg, Ezekiel Spanheim, dont Liselotte est très proche car il a été jadis le précepteur de son père et de son frère. Puisque Liselotte elle-même était à l’origine protestante et (contrairement à la demi-huguenote Maintenon) n’est devenue qu’une catholique sans enthousiasme, elle se sent impliquée par cette réforme. Elle attribue la situation à l’influence de Madame de Maintenon.
Image de L’Allée du Roi (1995) de Nina Companeez : Liselotte figure aux côtés du couple royal pour la messe. Seulement à cette époque elle n’a pas encore la silhouette massive qu’on lui connaîtra plus tard…
Le 26 mai 1685
Décès de son frère, Charles II (1651-1685) : la lignée Wittelsbach du Palatinat-Simmern prend fin, Louis XIV lève une revendication au Palatinat électoral au nom de Liselotte, contrairement à son contrat de mariage, et commence la guerre du Palatinat de Succession. Heideberg (dont le palais électoral) et Mannheim sont systématiquement détruits. L’expérience est extrêmement traumatisante pour Liselotte : la mort de son demi-frère bien-aimé Karllutz et la dévastation de sa patrie par son beau-frère en son propre nom.
« … dès que je me suis un peu remis de la mort du pauvre Karllutz, la misère terrible et pathétique du pauvre Palatinat a commencé, et ce qui me fait le plus mal, c’est que mon nom est utilisé pour plonger les pauvres dans le malheur le plus total… Alors je ne peux m’empêcher de regretter et de pleurer d’être, pour ainsi dire, la ruine de ma patrie… »
Liselotte à sa tante Sophie de Hanovre
Pour couronner le tout, son mari Philippe distribue généreusement le butin de guerre qui lui revenait (l’argent dit d’Orléans) à ses favoris, notamment au chevalier de Lorraine.

Le 26 mars 1686
Décès de sa mère, Charlotte de Hesse-Kassel.
Lorsqu’elle est habillée pour l’enterrement, Sophia a commente :
« …Ce sera la première fois qu’elle s’habille sans attaquer ou frapper quelqu’un.»
Le 18 novembre 1686
Louis XIV est opéré avec succès d’une fistule anale. C’est son chirurgien Charles-François Félix qui l’opère après la mise au point d’un instrument particulier et l’entraînement sur plusieurs dizaines d’indigents. La guérison du Roi a un retentissement considérable en France et en Europe et donne lieu à de nombreuses célébrations civiles et religieuses à travers le royaume.



C’est pour soutenir Louis XIV dans cette épreuve que Madame de Maintenon fait composer par Lully un hymne, dont le texte écrit écrit par madame de Brinon, la supérieure de la maison royale de Saint-Louis : God Save The King. Les demoiselles de Saint-Cyr entonnent ce chant pendant l’opération et à chaque visite du Roi.
Depuis, il est devenu pour les Anglais le mondialement connu God Save The Queen !
Le 14 avril 1688
« Saint-Cloud, lettre à la duchesse de Hanovre.
[…] Je n’ai pas pu savoir si le roi a oui ou non épousé la Maintenon. Il y en a beaucoup qui assurent qu’elle est sa femme, et que l’archevêque de Paris les a unis en présence du confesseur du roi et du frère de la Maintenon ; mais d’autres disent que ce n’est pas vrai, et il est impossible de savoir ce qu’il en est. En tout cas, ce qu’il y a de certain, c’est que le roi n’a jamais eu pour aucune maîtresse la passion qu’il a pour celle-ci ; c’est quelque chose de curieux à voir quand ils sont ensemble. Si elle est quelque part, il ne peut pas y tenir un quart d’heure sans aller lui parler à l’oreille et l’entretenir en secret, bien qu’il ait été toute la journée auprès d’elle. Cette femme est un méchant diable que chacun recherche et craint fort, mais elle est peu aimée. […] »
Elisabeth Charlotte, duchesse d’Orléans, princesse Palatine
Le 12 août 1688
Décès de son demi-frère préféré, (1658-1688) au combat, Liselotte est profondément attristée par cette perte précoce.

Karl Ludwig von der Pfalz
Philippe de France, Monsieur, duc d’Orléans, par Michel Corneille

Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, Madame, duchesse d’Orléans
Élisabeth-Charlotte, duchesse de Lorraine et de Bar, fille de Madame.
En 1691
La princesse Palatine, connue pour ses traits d’humour et remarques acides sur la Cour de France, est moins connue pour ses gestes d’humeur, comme celui qui se déroule en plein cœur de la galerie des Glaces. La princesse Palatine vient d’apprendre que son fils, duc de Chartres, qu’elle a eu avec Monsieur frère du Roi, est sommé par Louis XIV lui-même d’épouser Françoise-Marie de Bourdon (1677-1749) la fille bâtarde qu’il a eue avec Madame de Montespan. La cour, alors réunie dans la galerie des Glaces, où le duc de Chartres vient d’accepter l’alliance, est dérangée par la princesse Palatine, qui gifle son fils devant la foule réunie, avant de tourner le dos au Roi, ce que jamais personne n’avait fait !

A propos Mademoiselle de Blois (1677-1749), que son fils Philippe épouse, elle écrit :
« Ma belle-fille ressemble à un cul comme deux gouttes d’eau ».
Elle s’indigne d’ailleurs fortement de ce mariage, Mademoiselle de Blois, bien que fille légitimée du Roi, étant issue de l’union doublement adultérine de ce dernier avec Madame de Montespan.
Saint-Simon trace un remarquable portrait de Monsieur, alors que le Prince est âgé d’une cinquantaine d’années :
« c’était un petit homme ventru, monté sur des échasses tant ses souliers étaient hauts, toujours paré comme une femme, plein de bagues, de bracelets et de pierreries partout, avec une longue perruque toute étalée devant, noire et poudrée et des rubans partout où il pouvait mettre, plein de sortes de parfums et en toutes choses la propreté même…».
De fait le frère de Louis XIV apparaît comme un être complexé, fort occupé d’amitiés masculines, le vice italien comme on dit alors, ombrageux, grand amateur d’intrigues et nourrissant un culte maladif pour l’étiquette, seul pouvoir qu’on lui laisse pour ainsi dire à la Cour de France.
En 1693
Liselotte tombe malade d’une vérole potentiellement mortelle. Elle défie les instructions des médecins et réussit à survivre à la maladie, mais se retrouve avec un visage grêlé. Elle ne s’en préoccupe pas, puisqu’elle s’est toujours considérée comme laide (à outrance, comme le prouvent les portraits) et n’a aucun intérêt pour le maquillage.
A partir de 1694
Conséquence supplémentaire de la maladie, elle a pris tellement de poids, qu’elle commence à interférer avec ses promenades. Son appétit copieux lui fera prendre du poids au fil des années, et en se décrivant elle-même, elle a dit un jour qu’elle serait aussi bonne à manger qu’un cochon de lait rôti. Elle continue à chasser avec des chevaux assez forts pour supporter son poids. Le changement externe de son apparence est clairement documenté dans les portraits de cette période.
Dans une de ses lettres, elle se dépeint ainsi :
« Il faut que vous ne vous souveniez guère de moi si vous ne me rangez pas au nombre des laides ; je l’ai toujours été et je le suis devenue encore plus des suites de la petite vérole ; ma taille est monstrueuse de grosseur […] J’ai la bouche grande, les dents gâtées, et voilà le portrait de mon joli visage. »
« De Fontainebleau, le 9 d’octobre 1694,
«Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n’en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir ; il n’y a point de frottoir aux maisons du côté de la forêt. J’ai le malheur d’en habiter une, et par conséquent le chagrin d’aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j’aime chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien. Item, tout le monde nous voit chier ; il y passe des hommes, des femmes, des filles, des garçons, des abbés et des suisses. Vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et que, si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l’eau.
Il est très chagrinant que mes plaisirs soient traversés par des étrons. Je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier ne pût chier, lui et toute sa race, qu’à coups de bâton ! Comment, mordi !, qu’il faille qu’on ne puisse vivre sans chier ? Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde ; qu’il vous prenne envie de chier, il faut aller chier. Soyez avec une jolie fille ou femme qui vous plaise ; qu’il vous prenne envie de chier, il faut aller chier ou crever. Ah ! maudit chier ! Je ne sache point de plus vilaine chose que de chier. Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre ; vous vous récriez : Ah ! que cela serait joli si cela ne chiait pas !
Je le pardonne à des crocheteurs, à des soldats aux gardes, à des porteurs de chaise et à des gens de ce calibre-là. Mais les empereurs chient, les impératrices chient, les rois chient, les reines chient, le pape chie, les cardinaux chient, les princes chient, les archevêques et les évêques chient, les généraux d’ordre chient, les curés et les vicaires chient. Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens ! Car enfin, on chie en l’air, on chie sur la terre, on chie dans la mer. Tout l’univers est rempli de chieurs, et les rues de Fontainebleau de merde, principalement de la merde de suisse, car ils font des étrons gros comme vous, Madame.
Si vous croyez baiser une belle petite bouche avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin à merde. Tous les mets les plus délicieux, les biscuits, les pâtés, les tourtes, les farcis, les jambons, les perdrix, les faisans, etc., le tout n’est que pour faire de la merde mâchée, etc..»
La Palatine à sa tante Sophie, duchesse de Hanovre
Son fils cadet Philippe lui ressemble en apparence et partage ses intérêts littéraires, artistiques et scientifiques. Cependant, sa relation avec sa mère est lointaine sous l’influence de son père et de ses favoris, et sa mère critique souvent ses débauches. Mais plus tard, leur relation s’améliore.
« … S’il est vrai que vous redevenez vierge si vous n’avez pas couché avec un homme depuis de longues années, alors je dois être redevenu vierge, car depuis dix-sept ans, Monseigneur et moi n’avons pas couché ensemble, mais nous nous sommes bien aimés, sachant qu’il ne tombera pas entre les mains de ces messieurs les Tatars (groupes ethniques). Les Tatars doivent tenir plus du ressenti que du visage dans les 5 sens car ils préfèrent les vieilles femmes aux jeunes femmes… »
Liselotte von der Pfalz : Dans une lettre du 15 mai 1695 à sa tante Sophie de Hanovre
Philippe d’Orléans dans L’Allée du Roi (1995) de Nina Companeez 

Le 20 août 1695
Naissance de sa première petite-fille, Marie Louise Élisabeth d’Orléans (1695-1719). Elle obtiendra le titre de duchesse de Berry en 1710.
Le 21 août 1695
« Versailles, le 21 août 1695.
La Palatine
… J’attacherais certes beaucoup de prix à la grandeur, si l’on avait aussi tout ce qui doit l’accompagner, c’est-à-dire de l’or en abondance pour être magnifique, et le pouvoir de faire du bien aux bons et de punir les méchants; mais n’avoir de la grandeur que le nom sans l’argent, être réduit au plus strict nécessaire, vivre dans une perpétuelle contrainte sans qu’il vous soit possible d’avoir aucune société, cela me semble, à vrai dire, parfaitement insipide, et je n’y tiens pas du tout. J’estime davantage une condition dans laquelle on peut s’amuser avec de bons amis sans embarras de grandeur, et faire de son bien l’usage qu’il vous plaît.»
Le 7 mars 1696
« Monsieur… n’a plus au monde en tête que ses jeunes garçons pour manger et boire avec eux toutes les nuits et leur donne des sommes d’argent inouïes, rien ne lui coûte ni n’est trop cher devant ses garçons; en attendant, ses enfants et moi avons à peine ce dont nous avons besoin.»
Liselotte à la duchesse Sophie de Hanovre
Philippe de France, Monsieur, duc d’Orléans
Le 7 décembre 1697

Le mariage du duc de Bourgogne avec Marie-Adélaïde de Savoie par Antoine Dieu
Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), surnommé le Petit Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie (1666-1732).


Le duc et la duchesse de Bourgogne


Les mêmes dans L’Allée du Roi (1995) de Nina Companeez
Le 13 août 1698
Sa bru, Françoise-Marie d’Orléans accouche de Marie Louise Adélaïde d’Orléans, dite « Mademoiselle d’Orléans » (1698-1743).
Le 13 octobre 1698
Sa fille Elisabeth-Charlotte d’Orléans épouse Léopold Ier (1679-1729), duc effectif de Lorraine, à Fontainebleau.
En 1699
Naissance de son petit-fils, Léopold (1699-1700).
En septembre 1700
Liselotte se plaint à sa tante Sophie :
« Être Madame est un grand métier, je l’aurais vendu comme les lots ici à la campagne, je l’aurais depuis longtemps porté à la vente ».
Le 20 octobre 1700
Sa bru, Françoise-Marie d’Orléans accouche de Charlotte-Aglaé d’Orléans (1700-1761), future duchesse de Modène.
Le 21 octobre 1700
Sa fille, Elisabeth-Charlotte, accouche de Élisabeth Charlotte Gabrièle de Lorraine (1700-1711) , princesse de Lorraine. Elle est la fille ainée du duc Léopold Ier et de son épouse.
Au printemps 1701
Sophie de Hanovre est déclarée héritière du trône britannique par l Act of Settlement, Liselotte (qui aurait eu une meilleure prétention si elle n’était pas devenue catholique) commente le 15 mai dans une lettre à sa demi-sœur Raugräfin Luise : «J’aimerais mieux être électeur que roi en Angleterre. L’humour anglais et leur parlement ne sont pas mes affaires, ma tante est meilleure que moi; elle saura aussi mieux les traiter que moi».
Le 9 juin 1701
Le duc d’Orléans meurt d’un accident vasculaire cérébral au à Saint-Cloud. Auparavant, il a eu une vive dispute avec son frère au château de Marly au sujet de la conduite de son fils, qui est également le gendre de Louis XIV. Il ne laisse que des dettes, et Liselotte renonce sagement à leur bien commun. Dans son testament, publié publiquement dans le Mercure galant et la Gazette d’Amsterdam , il ne mentionne pas sa femme. Liselotte brûle les lettres d’amour qu’il a échangées avec ses amants pour qu’elles ne tombent pas entre les mains des notaires : «… dans les cartons j’ai enfermé toutes les lettres que les garçons lui écrivaient, puis je les ai passées non lues afin afin qu’il n’entre pas en contact avec d’autres».
Elle écrit à sa tante Sophie : «Je dois avouer que j’étais beaucoup plus attristée que je ne le suis si Monsieur n’avait pas fait ainsi böße officien (c’est-à-dire ‘mauvais services’) au Roi». Son attitude envers les favoris du défunt n’est plus prude, mais plutôt sereine : lorsqu’on lui rapporta en 1702 que le comte d’Albemarle, amant du Roi Guillaume III d’Angleterre, récemment décédé, est presque mort de chagrin d’amour, elle remarque sèchement : « Nous n’avons pas vu de tels amis ici avec monseigneur… »
Après la mort de son mari
Liselotte craint que le Roi ne l’envoie au couvent (comme le stipulait son contrat de mariage ), ce qui la pousse à tenter une réconciliation avec Madame de Maintenon. Au Roi, elle explique franchement et librement :
« Si je ne vous avais pas aimé, alors je n’aurais pas tant haï Madame de Maintenon, précisément parce que je croyais qu’elle me volait votre faveur ».
Madame de Maintenon confronte Liselotte avec des copies faites en secret des lettres franches de Liselotte aux correspondants à l’étranger, qui éclatent d’injures contre elle et étaient lues avec délectation dans les tribunaux étrangers. Liselotte est avertie de changer d’attitude envers Madame de Maintenon, mais la paix entre les deux femmes est éphémère, et Liselotte est « plus tolérée qu’aimée ». Sauf lors d’occasions officielles, elle était rarement admise dans le cercle restreint du Roi.
Elle est punie avec mépris surtout par Marie-Adélaïde de Savoie, petite-fille de Monsieur de son premier mariage et petite-fille de Louis XIV, qui est une enfant gâtée, et une favorite déclarée du monarque et de sa maîtresse.
Le château de Fontainebleau
Liselotte habite son ancien appartement de Versailles et participe à des visites à la cour de Marly ou de Fontainebleau. Elle est toujours autorisée à participer aux chasses de la Cour, au cours desquelles elle et le Roi ne montent plus à cheval, mais s’assoient et tirent ensemble à partir d’une calèche.

Le pavillon de Marly
Le 29 décembre 1701
Lettres de la princesse Palatine à la duchesse de Hanovre :
« … Je suis convaincue que vous n’avez pas autant de rides que moi… mais je ne m’en soucie nullement : n’ayant jamais été belle, je n’y ai pas perdu grand chose. Puis je vois que celles que j’ai connues belles jadis sont, à cette heure, plus laides que moi : âme qui vive ne reconnaîtrait plus Madame de la Vallière ; Mme de Montespan a la peau comme quand les enfants s’ amusent à jouer avec du papier, à le plier et à le replier : tout son visage est recouvert de petites rides si rapprochées des unes des autres que c’en est étonnant ; ses beaux cheveux sont blancs comme la neige, et toute la figure est rouge… »
Pour la Palatine, les jardins de Marly sont l’œuvre des fées
La princesse Palatine fait partie des voyages à Marly. Elle partage avec Louis XIV l’amour de la chasse mais aussi des jardins, et aime particulièrement ceux de Marly. Dans une lettre datée du 6 juillet 1702, elle confie, encore enchantée :

« Ce matin, je suis allée me promener avec le roi. On dirait que ce sont des fées qui travaillent ici, car là où j’avais laissé un grand étang, j’ai trouvé un bois ou un bosquet ; là où j’avais laissé une grande place et une escarpolette, j’ai trouvé un réservoir plein d’eau, dans lequel on jettera ce soir cent et quelques poissons de diverses espèces et trente grandes carpes admirablement belles. »

Point de fées, bien sûr, mais une armée de jardiniers, qui œuvrent en permanence à l’entretien et à l’embellissement des jardins du Roi. Le plus beau jardin du monde.

En février 1702
La robe espagnole de la duchesse de Bourgogne pour le carnaval de 1702
(texte d’Emma Defontaine ; Versailles – passion )
En ce carnaval de 1702, Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne, vêtue d’un habit à l’espagnole que lui a offert sa petite sœur, Marie-Louise (1688-1714), Reine d’Espagne, charme toute la Cour lors d’une soirée au Trianon. En cette fin de règne de Louis XIV, Marie-Adélaïde distrait un Roi vieillissant. Il faut de la gaîté, de la jeunesse, de l’enfance répandue partout ( recommandation de Louis XIV à Jules Hardouin Mansart pour l’aménagement de la Ménagerie de Versailles en 1699).Quant au thème espagnol du bal, il renvoie au contexte diplomatique, centré sur la guerre de succession d’Espagne. La tenue de carnaval de Marie-Adélaïde a été soigneusement préparée. Le 21 Février à la demande de Louis XIV, la princesse passe le costume dont l’ajustement lui est très avantageux. Elle se présente ainsi juste après le souper dans le cabinet du Roi.

Selon Dangeau, Sa Majesté la «trouva encore mieux qu’elle n’est dans son habit ordinaire». Elle le portera donc à Trianon pour le bal et «les dames qui en seront, feront ajuster leurs habits à l’espagnole sur ce modèle», dont voici le détail de «couleur de rose tout garni de franges et de dentelles et d’argent rangées par ondes et qui couvrent presque tout l’habit. La coiffure y est aussi qui est la plus galante du monde, les cheveux séparés par devant et tombant par derrière à grosses boucles sous un bonnet garni de points et de rubans.»
Le mardi 28 février 1702, jour du Mardi gras, toutes les dames vêtues magnifiquement à l’espagnole sont arrivées à Trianon sur les quatre ou cinq heures pour le bal qui a commencé à dix heures et demie, le souper ayant été avancé d’une heure. Le bal se passe dans la salle de la comédie ( A Grand Trianon, dans l’aile droite en retour sur la cour d’honneur, à l’emplacement actuel du salon de famille de l’Empereur et de la chambre de la reine des Belges se trouva un théâtre disparu en 1703), dont on avait ôté l’orchestre. Le roi se place dans les tribunes pour observer les danseurs. Marie-Adélaïde séduit toute la cour.
« La parure de Madame la duchesse de Bourgogne était superbe. Tous ceux qui ont vu Madame avec son habit à l’espagnole ont été charmés et l’empressement de la voir a été grand, mais il faudrait entendre cette princesse parler espagnol, cette langue ne parait pas moins agréable dans sa bouche que l’habit espagnol sur son auguste personne.»
Cette soirée est une réussite. Lorsque le roi se retire avant minuit, le bal bat encore son plein.
Le 23 juillet 1702
Dans une lettre , Madame se plaint de, ne pouvoir, sortir de sa chambre sans se heurter à un monsieur occupé à arroser le parquet sans arrosoir.
Le 9 août 1702
Toujours depuis Marly, Madame écrit encore :
« Hier nous avons été avec le roi au jardin, avant et après le dîner, pour voir mettre en place de fort belles statues : elles coûtent cent mille franc les deux. L’une est la Renommée : elle est assise sur un coursier ailé ; le tout est d’un seul bloc de marbre blanc ; l’autre est un Hercule à cheval aussi. On ne peut rien voir de plus beau. Je ne crois pas que dans le monde entier il soit possible de trouver un plus beau jardin que celui d’ici. »
Pardonnons à Madame son erreur, il ne s’agit pas d’un Hercule mais de Mercure. Les deux groupes équestres dont elle nous parle sont évidemment la « Renommée » et « Mercure », chacun chevauchant Pégase, œuvres d’Antoine Coysevox installées, à l’époque, de part et d’autre de la balustrade surplombant l’Abreuvoir.
Pour finir, laissons notre imagination vagabonder dans ces merveilleux jardins disparus, où nous croiserons peut-être, un soir d’été, des fées aux mains vertes. Et avec Madame (lettre du 24 août 1709 à Marly), disons : « Je voudrais que vous pussiez être ici avec nous pour voir comment les jardins sont beaux. »

Le 4 août 1703
Françoise-Marie d’Orléans accouche de Louis d’Orléans (1703-1752).
Le 28 janvier 1704
Naissance de son petit-fils, Louis de Lorraine (1704-1711), prince héritier présomptif des trônes de Lorraine et de Bar. Il est le cinquième enfant et second fils du duc Léopold Ier de Lorraine et d’Elisabeth-Charlotte d’Orléans.
Le 24 juin 1704
Baptême de son petit-fils, Louis de Lorraine.

En 1705
Sa fille accouche de Josèphe Gabrièle (1705-1708).
Le 17 octobre 1705
Mort de l’épistolière du règne de Louis XIV, l’ardente Ninon de Lenclos (1620-1705), à Paris.

En 1706
Sa fille accouche de Gabrièle Louise (1706-1709)
Le 27 avril 1707
Sa fille accouche de Léopold-Clément de Lorraine (1707-1723).
Le 8 décembre 1708
Naissance de son petit-fils, François-Etienne de Lorraine (1708-1765) à Nancy.
François-Etienne est le fils de Léopold, duc de Lorraine (1679-1729) et de Elisabeth-Charlotte d’Orléans (1676-1744), la fille de Liselotte.


François-Etienne sera le père de Marie-Antoinette.

« J’ai été moche dans ma vie, donc je n’ai pas pu prendre le plaisir de regarder mon visage de singe ours dans le miroir, donc ce n’est pas étonnant que je ne me sois pas souvent regardé.»
Liselotte von der Pfalz : Dans une lettre du 26 octobre 1704 à sa tante Sophie de Hanovre.

Les Épagneuls de la Princesse Palatine
Observatrice féroce et souvent très drôle des personnalités qu’elle a l’occasion de croiser à Versailles, la princesse Palatine compare volontiers les courtisans à des animaux. De l’Abbé Dubois, qu’elle n’apprécie que modérément, elle écrira : « C’est un petit chien qui fait comme les grands ; il pisse contre les murs parce qu’il les voit pisser». Le comte de Toulouse, fils légitimé de louis XIV est qualifié de «crotte de souris». Jean-Baptiste Colbert de Torcy, diplomate est assimilé à un crapaud ! La princesse Palatine a toujours des chiens dans ses jupes volumineuses. Dans ses lettres, elle évoque le nom des compagnons à poils : « Le parfum des chiens n’est pas ce qui manque ici dans mon cabinet. J’en ai toujours sept autour de moi : Spatou, Charmante, Charmion, Toubille…. ».
« Titi se couche à côté de moi sur la table où j’écris ; MilleMillette se couche sous ma jupe ; Charmion, sa mère, aboie jusqu’à ce qu’on lui place une chaise à côté de moi sur laquelle elle s’installe ; Charmante se couche de l’autre côté de ma jupe ; Stodille est assise en face de moi et Charmille est couché sous mon bras. Ils passent ainsi presque toute la journée ».



« Je vous puis dire ensuite à propos de cette mère du Régent, qu’elle ne vivait que de soupe à la bière et de bœuf salé, et qu’elle usait notamment d’un certain ragoût de chou fermenté qu’elle se faisait envoyer du Palatinat, et qui, chaque fois qu’elle en faisait servir devant elle, exhalait la plus mauvais odeur dans tout le quartier du château qu’elle habitait. Elle appelait ceci du Schaucraout, et comme elle en voulait faire goûter à tous ceux qui l’allaient voir dîner, c’était à qui s’enfuirait. Elle en faisait une sorte de persécution patriotique, en y mettant la vanité la plus inconcevable. Quoiqu’elle écrivît contre ma grand’mère, elle ne lui faisait pas moins des politesses et des amitiés dont celle-ci n’était pas dupe, et c’était au point de la retenir quelquefois à souper. C’était avec des poires tapées et des pruneaux fricassées pêle-mêle avec du lard et des oignons, c’était des salades avec des tranches de harengs crus, de poireaux crus et de pommes crues, assaisonnés à l’huile et à la moutarde ; enfin c’était des galimafrées de colimaçons, qu’elle faisait venir de Bavière, et je vous puis affirmer qu’elle avait la coutume de saupoudrer les tranches de melon qu’elle mangeait avec du tabac d’Espagne. On lui faisait aussi des confitures de panais avec du vin rouge et du miel ; et si vous étiez malade après un tel souper, elle avait de la conserve de momie, toute prête. Rien n’était plus admirablement salutaire que l’usage de la momie, elle ne tarissait pas sur les bons effets de la momie, et soit dit en passant, on en met beaucoup dans la thériaque, ainsi que mon père me l’a dit souvent. Pendant son ambassade à Venise, il avait demandé qu’on lui fabriquât de la thériaque en en retranchant ce vilain ingrédient-là ; mais on lui répliqua qu’il était indispensable, et que depuis la première formule de cette confection stomachique, inventée par Andromachus, médecin de Néron, on n’avait jamais omis d’y faire entrer une certaine dose de cette chair humaine embaumée.»
Madame de Créquy

Le 11 décembre 1709
Sa bru, Françoise-Marie, accouche de Louise-Elisabeth d’Orléans (1709-1742), future Reine d’Espagne.
En 1710
Sa fille accouche d’Éléonore (1710 † 1710) qui meurt à la naissance.

Le 15 février 1710
A huit heures trois minutes et trois secondes
Naissance de Louis (futur Louis XV) à Versailles, titré duc d’Anjou, par le Roi.

Le 6 juin 1710
Décès de Louise de La Vallière, à l’âge de soixante-cinq ans, après trente-six ans de vie religieuse. Elle est inhumée dans le cimetière de son couvent, loin de son duché-pairie, où rien n’atteste qu’elle soit venue un jour.

Le duc de Saint-Simon (1675-1755) écrit : « elle mourut […] avec toutes les marques d’une grande sainteté ».
Le 17 août 1710
« Il y a un peintre ici, Rigo (il s’agit de Hyacinthe Rigaud) qui bégaye si horriblement qu’il lui faut un quart d’heure pour chaque mot. Il chante dans la perfection et en chantant il ne bégaye pas le moins du monde. Il en est de même de ma petite-fille Mademoiselle de Chartres (Louise-Adélaïde, demoiselle d’Orléans, future abbesse de Chelles) mais j’espère que cela lui passera: notre duchesse de Berry bégayait aussi quand elle était petite, tandis qu’à présent elle parle franchement sans à coup
La princesse Palatine à la duchesse de Hanovre, sa tante
L’apanage du duc de Berry n’est pas encore réglé. Les Enfants de France ne possèdent pas de charges, mais ils ont de grosses pensions pour entretenir leur maisons; leurs femmes également pour leurs maisons à elles, et ces pensions ne sont pas comptées dans l’apanage. Entre nous soit dit, je préfèrerais bien être un comte souverain de l’Empire riche et indépendant qu’un enfant, car dans le fait nous ne sommes autre chose que des esclaves couronnées. Si je ne vous avais pas dit cela, j’eusse étouffé… »
Le soir du 19 mars 1711
Louis, Grand Dauphin fait un malaise… après avoir englouti trop de poisson. Il se remet, mais est contraint de garder le lit pendant plus d’une semaine. Louis XIV a eu bien peur, et tout Paris fête sa rémission.

Le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, en 1693
(détail d’une peinture de Jérémie Delutel d’après Mignard)
Le 9 avril 1711
Le Grand Dauphin est victime d’un nouveau malaise au moment de son lever. Le diagnostic cette fois est sans appel : il est atteint par la petite vérole. On le transporte à Meudon, sa résidence privilégiée, où Louis XIV vient le rejoindre.
Le 12 avril 1711
Monseigneur commence à délirer et l’accès à sa chambre est interdit, sur ordre même de Louis XIV.
Au soir du 14 avril 1711
Monseigneur fait une dramatique rechute qui lui est fatale : il meurt à onze heures du soir.
Mort de Louis, Grand Dauphin (né en 1661), au château de Meudon. Fils aîné de Louis XIV (1638-1715) et de Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683).


Dès le 15 avril 1711
Le duc et la duchesse de Bourgogne reçoivent respectivement les titres et prérogatives de Dauphin et Dauphine de France.
Les obsèques sont organisées rapidement, par peur de la contagion.
Le 17 avril 1711
Le cercueil de l’héritier est conduit jusqu’à Saint-Denis pour y être enseveli.
Le 18 avril 1711
La cérémonie est présidée par Louis de France, duc de Bourgogne, fils aîné du défunt et nouvel héritier du royaume.
Le 4 mai 1711
Décès de sa petite fille Élisabeth Charlotte Gabrièle de Lorraine (1700-1711).
Le 15 octobre 1711
Sa fille accouche d’Elisabeth-Thérèse de Lorraine (1711-1741), future Reine de Sardaigne.
Dans la nuit du 7 au 8 février 1712
La Dauphine est prise de vomissements accompagnés de convulsions douloureuses qui ne cessent qu’au petit matin.
Le soir du 8 février 1712
Le verdict tombe : elle est atteinte de la rougeole. Tandis qu’elle se remet, aidée par des gouttes d’opium, le Dauphin à son tour se sent mal. Il se rétablit.
Le soir du 10 février 1712
Marie-Adélaïde est victime d’une terrible rechute.
Sept médecins se relaient à son chevet, et on peut facilement imaginer qu’ils aggravent le mal, ne trouvant évidemment rien de mieux à faire que de saigner leur illustre patiente. Sentant sa fin approcher, la Dauphine murmure, désabusée :
« Princesse aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée… »
Le 12 février 1712
Souffrant atrocement, la duchesse de Bourgogne perd connaissance et meurt dans la journée, tout juste âgée de vingt-six ans. Une autopsie pratiquée deux jours plus tard révèle qu’elle était enceinte de six semaines.
Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne
Louis XIV est très atteint par la mort de celle qui enchantait, par son humour et son esprit, sa vie quotidienne languissante. Le monarque voit disparaître l’unique plaisir de ses vieux jours, la seule qui était capable de l’égayer, en même temps qu’il voit s’effondrer tous les espoirs politiques qu’il plaçait en elle. Sa douleur est terrible.

Image de L’Allée du Roi (1995)
Réfugié à Marly, il est rejoint par son petit-fils, que l’on doit arracher à son appartement de Versailles dans lequel il s’est retranché, écrasé de douleur. Assommé par la perte de son épouse adorée, le dauphin ne parvient pas à reprendre ses esprits. Il s’affaiblit. Le Roi est épouvanté lorsqu’il découvre sur son visage les mêmes marques rougeâtres qui ont défiguré la Dauphine.




La dame entre Auguste (en rouge) et le roi est Liselotte.
Le 12 décembre 1712
Sa fille accouche de Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780), futur gouverneur général des Pays-Bas autrichiens.
Le 22 novembre 1714
« Je ne peux supporter le café, le chocolat et le thé, et je ne puis comprendre qu’on en fasse ses délices ; un bon plat de choucroute et des saucissons fumés font, selon moi, un régal digne d’un roi, et auquel rien n’est préférable : une soupe aux choux et au lard fait bien mieux mon affaire que toutes les délicatesses dont on raffole ici.»
Liselotte
LE 18 décembre 1714
Sa bru, Françoise-Marie, accouche de Philippine-Elisabeth d’Orléans (1714-1734). On la fiancera à l’infant Don Carlos (1716-1788), fils de Philippe V d’Espagne et de sa seconde femme, Elisabeth Farnèse.
Jusqu’en 1715
Liselotte évite le Palais Royal et Saint Cloud pour ne pas être à la charge de son fils et de sa femme. Elle se rend rarement dans la résidence de son mari éloignée, le château de Montargis ; mais elle s’abstient de le vendre au cas où le Roi se lasserait de sa présence à Versailles, ce à quoi Maintenon œuvre :
« …elle me fait tous les jours (Madame de Maintenon) brusquement, me faire enlever les bols que je veux manger du nez à la table du Roi; quand je vais chez elle, elle me regarde à travers un axel et ne me dit rien ou se moque de moi avec ses dames ; La vieille ordonna cet exprès, espérant que je me fâcherais et que je m’arrangerais pour qu’ils disent qu’ils ne pouvaient pas vivre avec moi et m’envoyaient à Montargis. Mais je remarque la farce, alors riez de tout ce que vous commencez et ne vous plaignez pas, ne dites pas un mot; mais pour avouer la vérité, je mène donc une vie misérable ici, mais mon jeu est réglé, je laisse tout aller comme ça va et m’amuse comme je peux, pense : l’ancien n’est pas immortel et tout finit dans le monde ; ils ne me sortiront pas d’ici sauf par la mort. Cela vous désespère du mal… »

Le 17 mai 1714
Sa fille accouche d’Anne-Charlotte de Lorraine (1714-1773), future abbesse séculière à l’abbaye de Remiremont, que Marie-Antoinette rencontrera en 1770 en venant épouser le Dauphin en France.
En mai 1715
Liselotte aime également offrir des animaux ou les mettre en scène pour amuser les enfants. Dans une lettre à sa demi-sœur Louise :
« Après dîner, quand mon petit fils, le duc de Chartres, est venu chez moi, je lui ai donné un spectacle approprié à son âge. Trois chiens, trois pigeons et un chat. Un char de Triomphe où est assise une chienne nommée Adrienne. Un gros chat traîne le char, un pigeon fait le cocher, deux autres font les pages et un chien le laquais. Le chien s’appelle Picquard, et quand la dame descend de la voiture, Picquard lui apporte sa traîne… »
.Joie, distraction, affection voilà ce que les animaux apportent à la princesse Palatine.
Le 9 août 1715
Au retour de Marly, le Roi apparaît brusquement très abattu.
Le 10 août 1715
Il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que son premier médecin Fagon diagnostique deux jours plus tard : il attribue la douleur à une sciatique et préconise une médecine.
Les jours passent, les nuits sont agitées, le Roi se nourrit de moins en moins et il paraît à tous, de plus en plus affaibli …

Dimanche 18 août 1715
« Les maux augmentent le dimanche 18 août, neuvième jour de la maladie. Sa Majesté a passé toute le nuit dans un grand abattement. Elle ne permet l’entrée de sa chambre qu’à dix heures, fatiguée du lit et des sueurs. Elle veut se lever pour changer de linge. Elle ne demeure qu’un quart d’heure dans son fauteuil, la faiblesse l’oblige de se remettre au lit. […].»

« Les ducs d’Orléans, du Maine et de Toulouse rendent visite au Roi […] La surprise, la tristesse et la consternation sont peintes sur leurs visages […].
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le Roi entend la Messe, prend quelque nourriture et sur les quatre heures se fait lever pour se délasser»
Lundi 19 août 1715
« La nuit n’est pas meilleure que la précédente. Le Roi n’a aucun repos […].
Sur les sept heures, Monsieur Fagon ( premier médecin du Roi) et le reste de la faculté, trouvent la fièvre fort augmentée […]. Ils trouvent un grand changement sur la jambe du Roi. Elle est enflée. M. le Maréchal remarque une petite noirceur sur le pied qui lui semble de mauvaise augure […].
Sa Majesté profite de ce petit relâchement pour entendre la messe. Elle prend ensuite un bouillon […], elle passe la journée doucement.
La visite des Princes qui voient quelques petites lueur d’espérance de santé le contient au même état jusqu’au coucher qui est public».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Mardi 20 août 1715
« La nuit du 19 au 20, le Roi la passe dans des douleurs et dans des agitations terribles. Les médecins qui viennent au grand matin, le trouvent encore dans cet état […].
Ce Prince n’a jamais répugné à ce qu’on lui ordonne jusqu’à lui faire des incisions ou même d’en faire l’amputation si il est jugé nécessaire […].
Les médecins viennent ce jour le plus fréquemment toucher le pouls de leur malade. Ils paraissent plus abattus et intrigués. Le Roi le remarque et sans s’émouvoir, leur dit : « Je vois bien Messieurs par vos manières que vous me trouvez plus mal. Je suis véritablement abattu, mais comment voulez-vous que je fusse autrement, souffrant jour et nuit sans relâche […] ».
Le Roi entend la messe et, sa jambe lui donnant un peu de relâche, ordonne de laisser l’entrée de la chambre libre […].
La foule dure jusqu’au soir que le Roi ordonne que l’on fasse retirer tout le monde.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Jeudi 22 août 1715
« La nuit est aussi fâcheuse qu’aucune autre. Le Roi n’a aucun repos et souffre cruellement. Les médecins entrent de grand matin.
Sur les neuf heures arrivent dix médecins de Paris. Sa Majesté les prévient de manière affable : « Vous me voyez dans un fâcheux état de maladie depuis le dix de ce mois sans pouvoir trouver aucun secours. Je vous ai mandé pour savoir de vous si vous pouvez me procurer quelques soulagement aux maux qu’il plait au Seigneur de m’envoyer. Ils sont grands mais je m’y soumets puisque c’est sa volonté« .
Le Roi prend ensuite du lait d’ânesse et entend la messe. Après le dîné, le Roi qui se trouve un peu mieux se fait porter dans son grand cabinet ou se rendent les Princes de Sang. Le plaisir qu’elle prend à voir l’empressement et l’amour de ses courtisans lui donne de la satisfaction.»
La Mort de Louis XIV (2016) d’Albert Serra
« Après avoir pris un bouillon, sa Majesté congédie tout le monde et se couche».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Vendredi 23 août 1715
« Sur les six heures, le Roi prend du lait d’ânesse […] et se rendort jusqu’à neuf heures. Il se réveille alors dans une sueur copieuse […].
Le Roi prend un bouillon et se fait raser comme tous les trois jours […].
Les duc du Maine, d’Orléans et de Toulouse conversent quelques temps avec sa Majesté. Après qu’ils sont partis, il se fait remettre au lit après avoir bu deux grands verres d’eau […].»
Image de La Mort de Louis XIV (2016) d’Albert Serra
« Monsieur Maréchal débande sa jambe, il est surpris de la voir en si mauvais état[…]
Le Roi demeure seul avec le père Le Tellier jusqu’à onze heures. Il fait ensuite appeler Madame de Maintenon.»

Image de La Mort de Louis XIV (2016) d’Albert Serra
Tout l’après-midi est violente : les médecins se rendent assidus mais sans succès.
Sur les sept heures, pour faire diversion de sa douleur, le Roi ordonne de faire venir quelques un de ses musiciens chanter dans sa chambre. Il prend beaucoup de plaisir à entendre chanter des airs italiens jusqu’à neuf heures».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Samedi 24 août 1715
« La nuit suivante, le Roi est attaqué de vapeurs qui incommodent fort […].
Les médecins visitent la jambe affligée et y observent une noirceur au dessous de la jarretière : c’était une marque de mauvaise augure qui menace la gangrène […].»
La Mort de Louis XIV (2016) d’Albert Serra
Liselotte écrit :
« Onzième jour de la maladie du roi
Sa Majesté soupant en public dans sa chambre à coucher, comme elle avait fait depuis le mardi 13ème du même mois, elle se trouva plus mal, et ayant eu une assez grande faiblesse après souper
Sa Majesté demanda à ses confesser, et le fut sur les onze heurs du soir: mais ayant un peu dormi le matin, Sa Majesté s’est trouvé encore assez de force et de courage pour faire entrer le public à son dîner
Comme c’est aujourd’hui la Saint-Louis, qui est le jour de sa fête, les tambours sont venus lui donner des aubades.
Elle les a fait avancer sous son balcon pour les entendre mieux, parce que son lit en est assez reculé: et les 24 violons et les hautbois ont joué pendant son dîner, dans son antichambre de l’Œil de Bœuf, dont il a fait ouvrir la porte pour les entendre mieux
La petite Musique, qu’il avait accoutumée depuis quelque temps d’entendre sur le soir chez Madame de Maintenon et depuis très peu de jours dans sa chambre, était prête à y entrer sur les sept heurs du soir, quand Sa Majesté, qui s’était endormie, se réveilla avec un pouls fort mauvais et une absence d’esprit qui effraya les médecins et qui fit résoudre à lui donner sur-le-champ le viatique, au lieu que Sa Majesté avait la veille, en se confessant déterminé d’entendre la messe à minuit et d’y communier
Le Roi, revenu de l’embarras qu’il eut dans l’esprit près d’un quart d’heure après son réveil et craignant de retomber dans un pareil état, pensa lui-même qu’il lui restait peu d’heures à vivre, il agit et donna ordre à tout comme un homme qui va mourir, mais avec une fermeté, une présence d’esprit et une grandeur d’âme dont il n’y a jamais eu d’exempleLe cardinal de Rohan, grand aumônier de France, accompagné de deux aumôniers de quartier et du curé de la paroisse de Versailles Claude Huchon ont apporté le viatique et les saintes huiles un peu avant huit heures, par le degré dérobé (escalier aujourd’hui disparu, à l’emplacement de l’actuelle antichambre des chiens et donnant accès à l’appartement intérieur du roi) par lequel on entre dans les cabinets de Sa Majesté, et cela s’est fait avec tant de précipitation que cette pieuse et triste fonction devait être faite avec plus de décoration pour le moindre citoyen il n’y avait que sept ou huit flambeaux, portés par les frotteurs du château et par deux laquais du premier médecin et un laquais de Madame de Maintenon
Monsieur le duc d’Orléans et ceux des princes du sang Louis-Henri, duc de Bourbon; Charles de Bourbon-Condé, comte de Charolais; Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti; Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine et Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse qui ont été assez tôt avertis ont accompagné Notre Seigneur et, pendant qu’on L’alla quérir, toutes les princesses et leurs dames d’honneur sont venues par les derrières de l’appartement du Roi, où les grands officiers de sa maison se sont rendus aussi
Il n’y est point entré d’autres personnes
Les prières pour le viatique et les cérémonies de l’extrême-onction ont duré plus d’une demi-heure
Les princes et les officiers de la Maison qui se sont trouvés les plus proches de la chambre du Roi y sont entrés pendant tout ce temps-là, mais les princesses sont demeurées dans le cabinet du Conseil
Les princes et plusieurs officiers ont reconduit Notre Seigneur»

Ces exemples soulignent l’arrêt des courtisans à la porte de la chambre du malade: c’est que la chambre devient un véritable sanctuaire où se déroule la liturgie des derniers moments. Il faut imaginer, une fois l’extrême-onction administrée, le futur défunt se préparant à la mort en compagnie de son aumônier, qui lui fait réciter les prières des agonisants. Pour Louis XIV, Breteuil mentionne les messes dites dans la chambre du Roi, les entretiens du Roi avec le Père Le Tellier et madame de Maintenon, la récitation des prières des agonisants.
« Le Roi entend la messe, prend un bouillon et malgré les douleurs, il tient conseil de finances jusqu’à onze heures […].
Quelque soin que l’on prend de divertir le Roi de sa mélancolie, on ne réussit cette fois. Il juge apparemment du péril, il mande le Père Le Tellier et s’enferme seul avec lui pour se réconcilier et se disposer à la mort. La nouvelle s’en répand et alarme la Cour.
Sur les huit heures, on recouche le Roi qui n’a pris qu’un seul bouillon et depuis ce jour-là, le père Le Tellier ne le quitte plus».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Dimanche 25 août 1715
« Le lendemain est la fête de la Saint Louis […] Ce jour a été jusque là un jour de fête et de triomphe : c’est un jour de tristesse et de consternation. Le Roi y reçoit les compliments des princes et des seigneurs […]. En ce jour, il ne s’y refuse pourtant pas […].
Sa Majesté qui n’a pas bien reposé et fatiguée de tant de visite a un grand besoin de repos. Elle a le visage rouge et enflammé.
Sur les dix heures, le premier Gentilhomme de la Chambre vient dire au Roi qu’à l’occasion de sa fête, les hautbois, les vingt-quatre violons et les musiciens viennent donner aubade à Sa Majesté qui, quoique malade, ne veut point interrompre ce qui est de coutume […].
Après les fanfares, le Roi entend la messe avec un redoublement d’attention et de dévotion […].
Sur les dix heures du soir, le Cardinal de Rohan apporte les Saints Sacrements dans la chambre […] Monsieur le Cardinal lui administre les Saints Viatiques et l’Extrême-Onction qu’il reçoit avec une grande démonstration de piété, répétant plusieurs fois ces paroles entrecoupées de sanglots et de larmes : « Mon Dieu ayez pitié de moi, j’espère votre miséricorde« .
Il parle ensuite au duc d’Orléans : « Mon cher neveu, j’ai fait un testament ou je vous ai conservé tous les droits que vous donne votre naissance. Je vous recommande le Dauphin, servez le aussi bien et aussi fidèlement que vous m’avez servi […] ».
Il aperçoit de son lit Madame de Maintenon qui fond en larme de le voir dans un état si déplorable : « Quoi Madame ? vous vous affligez de me voir en état de bientôt mourir ? n’ai-je pas assez vécu ? M’avez-vous cru immortel ? non non, je sais très bien qu’il faut tout quitter. Il y a longtemps que j’y ai pensé et que je m’y suis préparé».

Madame de Maintenon
Le 26 août 1715
« La nuit du 26 de cette cruelle maladie, le Roi ne dort que par intervalle et ses forces diminuent tellement qu’on est obligé de lui lever la tête pour lui faire prendre quelque chose et lui porter et soutenir les membres quand il faut le remuer.
Sur les huit heures, il souhaite entendre la messe […]. Après celle-ci, Sa Majesté fait appeler les princes et princesses qui attendent dans le cabinet : « Je vous dis adieu Messieurs et Mesdames puisqu’il faut mourir et nous quitter, m’ayant plus de remèdes. Je vous conjure de vous souvenir de moi et de vivre tous en grande union. Je vous recommande le Dauphin très particulièrement« .
[…] Le Roi a fait des efforts extraordinaires pour parler assez haut pour se faire entendre de tout le monde, il a les yeux rouges et étincelants mais le corps si abattu que les médecins lui ayant touché le pouls trouvent une fièvre très violente et le pouls convulsif. Ils visitent sa jambe où la gangrène a fait de nouveau progrès […].
Un moment après que les chirurgiens sont retirés, le Roi commande qu’on lui emmène le Dauphin. Après qu’on l’a placé dans un fauteuil au chevet du lit, le Roi lui dit :
« Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c’est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela ; j’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets. »
Le reste de ce jour se passe dans de grandes inquiétudes.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

« A midi et demi, le Roi entend la messe dans sa chambre avec la même attention qu’il a accoutumé de l’entendre le jour qu’il a pris médecine, les yeux toujours ouverts, en priant Dieu avec une ferveur surprenante» .

Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV d’Albert Serra (2016)

Mardi 27 août 1715
« Sa Majesté ressent des douleurs inconcevable par tout le corps excepté à la jambe où elle n’a point de sentiment […]. Sur les dix heures, les chirurgiens exécutent ce qu’ils ont résolu : la scarification […] Sa Majesté n’en ressent aucune douleur.
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Ces diverses opérations occupent tout le temps jusqu’à quatre heures que Madame de Maintenon arrive pour voir dans quel état est le Roi. Elle le trouve si abattu qu’à peine peut-il parler.
Sa Majesté ordonne d’apporter toutes les cassettes de son petit cabinet […] On ne sait point ce qui se passe dans cette occasion. Les officiers de la chambre s’aperçoivent qu’on a brûlé beaucoup de papiers.»
Mercredi 28 août 1715
« Les désordres augmentent durant la nuit. Le Roi la passe dans une disposition encore plus mauvaise que les précédentes, dans des agitations terribles sans vouloir prendre aucune nourriture.
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Cependant, on entend ce pauvre Prince prier sans cesse le Seigneur de lui donner la force de souffrir ses maux pour l’amour de lui. Le Père Le Tellier, l’exhortant de se soumettre à la volonté de Dieu dans cette extrémité. Il lui demande s’il n’a pas de regret de quitter son royaume et toutes les grandeurs du monde, Sa Majesté répond d’un ton ferme : « Non mon Père, je les ai oubliés et je suis bien persuadé que la grandeur de Dieu est infiniment élevée au dessus des Rois de la Terre« .»


Georges Mareschal, Premier chirurgien du Roi – École française

Jeudi 29 août 1715
« Les chirurgiens et médecins viennent de grand matin visiter le Roi. Ils le trouvent dans une faiblesse extrême avec tous les symptômes d’une mort prochaine.
Dans cet état, un médecin venu de Marseille s’adresse au duc d’Orléans disant qu’il a un remède spécifique pour toutes sortes de gangrènes extérieures et intérieures et pour purifier le sang. Il le conduit au lit du Roi, lui tâte le pouls qu’il trouve comme celui d’une personne mourante […].
On lui ordonne de le faire prendre à Sa Majesté s’il peut encore lui être utile. Il en verse quelques gouttes dans un petit verre de vin de Bourgogne et le présente au Roi lui disant : « Sire, c’est un très bon remède qui fera du bien à Votre Majesté« . A ces paroles, le Roi se réveille comme en sursaut et prend le remède sans peine. Peu après, le Roi se trouve plus tranquille, la vue plus claire et la parole plus libre et plus ferme.
Un changement si peu espéré donne une grande idée de la capacité du médecin de Marseille qui ajoute à son élixir des bouillons qu’il fait prendre d’heure en heure au Roi et qui lui donnent de la force et même de l’appétit […].
Monsieur Maréchal visite plusieurs fois la jambe du Roi et la fait voir au médecin de Marseille qui est bien surpris de la voir entièrement gangrenée. Ce qui fait juger que quel qu’excellent remède que ce soit, il ne peut pas guérir un si grand mal.
L’effet néanmoins qu’il a produit donne quelques espérances […] le bruit se répand dans Paris que Sa Majesté est hors de danger».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Le portrait de cire est un relief en cire d’abeille blanche (chargée de sel de plomb et de terre) peinte avec un œil de verre peint, des cheveux (bruns à l’origine), de la dentelle blanche, de la soie (bleue à l’origine), du velours cramoisi, des épingles et clous de fixation et un cadre en bois doré recouvert d’une glace. En 1833, il est attesté dans la collection de Pauline Knip comme provenant de celle du comte de Maurepas.

Vendredi 30 août 1715
« La nuit est très mauvaise. La deuxième dose d’élixir ne fait pas un si bon effet que la première. Elle ne fait que réveiller un peu l’esprit et soutenir la nature qui défaille. Le mal se trouve plus fort que le remède.
Pendant toute la nuit, le Roi pousse des soupirs fréquents qui font perdre l’espérance de la vie, il ne perd point la parole ni la connaissance comme il a fait les jours précédents […].Sur les deux heures, Madame de Maintenon arrive de Saint-Cyr pour voir le Roi. C’est inutilement car elle le trouve sans parole, sans sentiment, les yeux ouverts et fixes et sans aucun mouvement. Ce qui l’oblige de retourner dans sa retraite […] pour y passer le reste de sa vie a prier le repos de l’âme du Prince.
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le pauvre Prince flotte entre la vie et la mort. On l’entend de temps en temps prier d’une voix faible et tremblante. […] On attend plus que le moment de sa mort que l’on envisage comme très prochaine».

Latone qui voit son fils se coucher, la plus belle intervention de Mansart qui a eu cette riche idée de retourner la statue de Gaspard Marsy.

Liselotte est l’une des dernières personnes que le Roi reçoit à son chevet.



Samedi 31 août 1715
« Le Roi semble être un peu mieux. Sur le matin, il paraît fort tranquille, tranquillité pourtant qui ne vient que d’un abattement et non d’un changement réel car pendant toute la nuit, il a perdu toute connaissance et tout usage de ses sens.
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Monsieur Maréchal visite la jambe de Sa Majesté […]. Il la trouve toute noire jusqu’en haut de la cuisse.
Le Roi demeure en cet état jusqu’à midi qu’il tombe dans une espèce d’assoupissement léthargique […]
On lui fait prendre de temps en temps quelques gouttes de gelée.
Ainsi se passe le triste jour que l’on croyait être le dernier de la vie de Louis XIV».


Le 1er septembre 1715

« Louis XIV meurt d’une ischémie aiguë du membre inférieur, causée par une embolie liée à une arythmie complète, compliquée de gangrène aux alentours de huit heures un quart du matin, entouré de ses chiens, après cette agonie de plusieurs jours.»
Son règne a duré soixante-douze années et cent jours.
Le 1er septembre 1715
Louis XIV meurt après un règne de soixante-douze ans.

Dans son testament, Louis XIV tente de limiter les pouvoirs du duc d’Orléans, son neveu, et indique alors la composition du conseil de régence, véritable conseil de gouvernement. Il confie ainsi au duc du Maine (1670-1736), un de ses bâtards légitimés, la garde et la tutelle du jeune Louis XV en le nommant régent du royaume. Philippe d’Orléans, adulte de la famille royale le plus proche du Roi, qui dispose alors de la charge, purement honorifique, de « président du conseil de régence », s’efforce, et obtient, de faire casser un testament qui le prive de prérogatives qu’il juge dues à sa naissance. Le Parlement le reconnaît donc comme seul Régent, ce qui lui permet de réorganiser le Conseil à son gré et d’évincer le duc du Maine, bientôt exclu de la succession au trône que son père lui avait accordée. Toutefois, le Régent doit, pour rallier le Parlement de Paris à sa cause, lui restituer le droit de remontrance supprimé par Louis XIV, ce qui ne sera pas sans conséquence au XVIIIe siècle.
Liselotte devient la première dame de la Cour.


Un mois seulement après la mort de Louis XIV
Bien qu’elle n’ait pas pris l’habitude de s’immiscer dans la politique, Liselotte milite avec succès pour la libération des huguenots envoyés aux galères depuis de nombreuses années en raison de leurs croyances. Cent quatre-vingt-quatre personnes, dont de nombreux prédicateurs, sont relâchées.

En 1717
Liselotte réussit à libérer trente autres huguenots.
Malgré son élévation de statut, Liselotte ne partage pas le soulagement du pays après le long règne de Louis XIV ; elle « est incapable de déchiffrer les signes des temps ; elle ne voit que déclin et décadence de la morale, où en réalité naît une nouvelle société, vive, irrespectueuse, avide de se mouvoir et de vivre librement, curieuse des joies des sens et les aventures de l’esprit ».
Par exemple, elle refuse strictement de recevoir des visiteurs qui ne sont pas correctement habillés en tenue de cour :
« Parce que les dames ne peuvent se résoudre à porter des corsets et à se lacer… avec le temps elles paieront cher leur paresse ; car compt encore une fois une reine, vous devrez tous être habillés comme avant ce jour, qui sera une agonie pour vous ; – « Tu ne sais plus ce qui était ferme »…il n’y a plus de ferme dans toute la France. Les Maintenon ont inventé cela le premier ; car, comme elle a vu que le Roi ne voulait pas la déclarer devant la reine, elle a fait que la jeune Dauphine (empêchée) tienne une cour, comme vous gardez dans votre chambre où il n’y a ni rang ni dignité; oui, les princes et la Dauphine devaient attendre cette dame à sa toilette et à table sous prétexte que ça allait être un jeu.»
Liselotte von der Pfalz : Lettre à sa demi-sœur Raugräfin Luise du 23 mai 1720


La Cour de Versailles se dissout jusqu’à ce que le nouveau Roi atteigne la majorité, comme l’a ordonné feu Louis XIV, et Liselotte peut bientôt retourner dans son bien-aimé Saint-Cloud, où elle passe désormais sept mois de l’année, avec ses anciennes dames d’honneur lui tenant compagnie : la « Maréchale » Louise-Françoise de Clérambault et l’Allemande Eleonore von Venningen (par alliance von Rathsamshausen). Elle n’aime pas passer l’hiver au Palais Royal (résidence de fonction de son fils et de sa famille) à cause du mauvais air parisien dû à la fumée des nombreuses cheminées (et « parce que le matin on ne sent que la nuit qui vide chaises et pot de chambre« ) et les mauvais souvenirs de son mariage :
« Malheureusement, je dois retourner dans un Paris morose, où je n’ai que peu de repos. Mais il faut faire son devoir ; Je suis dans la grâce parisienne que cela vous attristerait si je n’y habitais plus; doit donc sacrifier plusieurs mois pour le bon peuple. Ils (le) méritent de moi, me préfèrent à leurs princes et princesses nés ; ils vous maudissent et me donnent des bénédictions quand je conduis à travers la ville. J’aime aussi les Parisiens, ce sont des gens bien. Je l’aime moi-même que je déteste tellement votre air et votre maison.»
Liselotte von der Pfalz : Lettre à sa demi-sœur Raugräfin Luise du 28 novembre 1720.

Liselotte s’inquiète des nombreuses intrigues et conspirations contre son fils.
Elle déteste le ministre des affaires étrangères et plus tard premier ministre, le père Guillaume Dubois (cardinal de 1721) et se méfie de l’économiste et contrôleur financier en chef John Law, qui provoque une dévaluation monétaire et une bulle spéculative :
« Je voulais que ce Law vienne à Blockula ( île légendaire où le diable tenait sa cour terrestre pendant un sabbat de sorcières) avec son art et son système et ne vienne jamais en France.»
Liselotte von der Pfalz : Lettre à sa demi-sœur Raugräfin Luise du 11 juillet 1720

Le 4 octobre 1715
En entamant sa régence, il adresse une « Lettre à Mrs les intendants commissaires départis dans les provinces », dans laquelle il déclare que sa préoccupation majeure est le poids excessif des différentes taxes et annonce son intention d’établir un système d’imposition plus juste et plus égalitaire. Sur le plan de l’organisation du gouvernement, le Régent entame la politique de polysynodie, sans doute sous l’influence de son ami le duc de Saint-Simon : le remplacement des ministres par des conseils rassemblant des grands seigneurs et des techniciens.

L’installation du Roi aux Tuileries en 1716
Avant de mourir, Louis XIV a ordonné que l’on conduise le petit Louis XV à Vincennes où lui-même a été élevé. Ce château abandonné depuis longtemps, étant cerné par la forêt, éloigné de toute rivière et de toute eau croupissante passe pour être au bon air. Le 9 septembre 1715, à deux heures, le petit Louis XV quitte donc Versailles. Mais à la fin de septembre 1716, on apprit que la Cour s’établissait aux Tuileries. Vincennes était alors un simple hameau où personne ne trouvait à se loger. L’obligation de s’y rendre chaque jour incommodait fort les fonctionnaires, médecins, courtisans ou autres à qui leur charge imposait ce devoir et il fut déclaré que l’air y était bien moins pur qu’à Paris où le jeune roi aurait toutes ses aises.Louis XV retrouve les Tuileries telles que les a délaissées Louis XIV. Il est logé au premier étage et l’on aménage, pour ses appartements particuliers, les pièces prenant jour sur le jardin, celles mêmes qu’a occupées naguère la Reine Marie-Thérèse. Les vastes salles donnant sur le Carrousel composent le grand appartement du Roi.

Le 27 juin 1716
Sa bru, Françoise-Marie, accouche de son dernier enfant, Louise-Diane d’Orléans (1716-1736), future princesse de Conti.


Le 1er septembre 1716
« Mon docteur n’est pas un charlatan et n’aime pas les remèdes ; mais mes gens qui sont très-intéressés craignent que ma mort ne leur fasse perdre leurs gages, de sorte qu’ils le tourmentent afin qu’il me donne des drogues.»
La princesse Palatine
Du 24 au 27 mai 1717 et du 3 au 12 juin 1717
Visite de Pierre-le-Grand (1672-1725), héritier de la dynastie des Romanov, qui gouverne la Russie depuis vingt-huit ans.

Réputé indomptable et fantasque, Pierre le Grand bafoue l’Étiquette à plusieurs reprises, installant des filles de joie dans l’ancien appartement de la prude Madame de Maintenon (1635-1719) qu’il a tenu à rencontrer malgré son âge avancé.

Détail du portrait de Madame de Maintenon par Louis Elle le Père (1688)
En un geste spontané qui a marqué l’Histoire, il saisit le jeune Louis XV dans ses bras, manifestant une affection quasi-paternelle. Séduit par « l’enfant roi », il aurait souhaité lui offrir sa fille en mariage, mais le projet échoue.

Le 17 septembre 1717
« Ce qui corrigea Madame la Dauphine, ce fut le mariage de Madame de Berri. Elle vit que cette jeune personne ne se faisait pas aimer, et que tout allait de travers ; elle conçut alors le désir de mener une autre conduite que sa cousine et de se faire estimer ; elle changea donc tout à fait sa conduite, se retira en elle-même, et devint aussi raisonnable que précédemment elle l’avait été peu.»
La princesse Palatine
Le 17 octobre 1717
« Le feu roi a contracté beaucoup de dettes, parce qu’il ne voulait rien retrancher de son luxe ; il a aussi emprunté beaucoup d’argent, et ceci a été la cause des plus grandes malversations de la part des gens d’affaires et des partisans, car lorsqu’un sou avait été prêté au roi, ils en faisaient, d’accord avec leurs créatures, une pistole ; grâce à leurs friponneries, qu’aucun frein ne retenait, ils se sont enrichis, mais le roi et le royaume sont devenus fort pauvres.»
La princesse Palatine
En 1718
Le Régent renonce à la polysynodie et reprend le type de gouvernement en vigueur sous Louis XIV. Il opère aussi un changement dans sa politique religieuse. Le régent est particulièrement satisfait de sa politique et déclare avec son humour habituel : « J’ai bridé mes ânes ! »
La personnalité de l’abbé Dubois (1656-1723), l’ancien précepteur du Régent, devenu archevêque, cardinal et ministre, s’impose de plus en plus auprès de Philippe, le fonctionnement de la polysynodie devenant de plus en plus difficile.

Jean Rochefort incarne l’abbé Dubois dans Que la Fête Commence de Bertrand Tavernier (1975)
Le Régent réside au Palais-Royal qui devient, de 1715 à 1723, le cœur de la vie politique et artistique, supplantant Versailles.
Le Palais-Royal
Lorsque les calamités fondent sur le royaume — incendies, peste de Marseille, effondrement du système de Law —, le pays souffre et gémit, on accuse l’irréligion du Régent. Cependant, la sagacité et la finesse du cardinal Dubois dans les affaires, l’énergie intermittente de Philippe d’Orléans et l’absence de toute opposition organisée permettent à la monarchie de rester debout.
Le Régent en 1717 par J.-B. Santerre
Louis XV, en costume royal, en 1718, par Jean Ranc
Dans ses lettres, Liselotte exprime également son aversion pour le style baroque pompeux devenu à la mode :
« Je pense que tout en Allemagne a tellement changé depuis que je suis en France que j’ai l’impression d’être dans un autre monde. J’ai vu des lettres… alors j’ai du mal à comprendre. À mon époque, on pensait qu’il était écrit lorsque les phrases étaient brièvement comprises et que vous disiez beaucoup en quelques mots, mais maintenant vous pensez que c’est bien quand vous mettez beaucoup de mots autour d’eux qui ne veulent rien dire. Je m’en fous, mais Dieu merci tous ceux avec qui je correspond n’ont pas accepté cette mode dégoûtante ; Je n’aurais pas pu répondre… »
Liselotte von der Pfalz : Lettre à Christian Friedrich von Harling du 22 juin 1721
Ses lettres nous offrent une perspective unique sur la vie de cour à l’époque baroque et une image vivante de sa personnalité. Néanmoins, elle écrit sans ambitions littéraires et pas non plus pour la postérité :
« J’écris comme je parle ; car je suis trop naturelle pour penser avant d’écrire. Après avoir répondu à une lettre, elle a brûlé la lettre qu’elle avait elle-même reçue et a probablement supposé que la même chose était arrivée à ses lettres après avoir été lues. Heureusement, un peu moins d’un dixième a échappé à ce sort.»


En 1719
Le Roi Philippe V d’Espagne (1683-1746) est si alerté par la politique de Quadruple Alliance du Régent qu’il tente de le faire renverser par le duc du Maine et que cela entraîne une courte guerre entre la France et l’Espagne.

Louis XV par Pierre Gobert (1721)
Le 15 avril 1719
Décès de Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon (1635-1719), son adversaire depuis près de quarante ans ! Elle meurt quatre ans après le Roi, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, à Saint-Cyr, le pensionnat chargé de l’éducation des jeunes filles nobles et désargentées fondé en 1686.

Madame de Maintenon est d’abord enterrée dans l’allée centrale de l’église de la Maison Royale de Saint-Louis, «sa» maison; celle dont elle avait pu dire en y venant pour la première fois: «Ce qui me fait plaisir, c’est que je vois ici ma retraite et mon tombeau».

On imagine la satisfaction de Liselotte d’avoir enterré sa rivale…
Le 20 juillet 1719
Décès de l’aînée de ses petits-enfants, Marie-Louise, duchesse de Berry (1695-1719) des suites d’un accouchement difficile à vingt-trois ans.

Louis XV, vers 1720, par De Troy
La victoire des puissances européennes contraint l’Espagne à rejoindre leur alliance et à organiser des fiançailles ou des mariages franco-espagnols.
Louis XV, en costume royal, en 1721, par Rigaud
Fin 1721
Sa petite-fille, Louise-Elisabeth quitte Paris pour partir épouser l’Infant d’Espagne.



L’échange entre Louise-Elisabeth d’Orléans et l’Infante Marie-Anne-Victoire d’Espagne

Le 9 janvier 1722
Arrivée en France de Marie-Anne-Victoire d’Espagne (1718-1781), fille de Philippe V, future Reine du Portugal et future marraine de Marie-Antoinette, qui est fiancée à Louis XV. Comme le fut la mère de Louis XV, Marie-Adélaïde de Savoie, dans la cour vieillissante du Roi soleil, la petite infante va illuminer la fin de vie de Liselotte qui l’accueille comme une grand-mère, aimante et protectrice.

Louis XV contemplant le portrait de l’infante Marie-Anne
Louis XV et sa première fiancée, l’infante Marie-Anne

Louis XV interprété par Igor Van Dessel et Anna-Maria-Victoire par Juliane Lepoureau dans L’Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain

Marie-Anne-Victoire est élevée par Madame de Ventadour, l’ancienne gouvernante du Roi.
Catherine Mouchet (Madame de Ventadour) et Juliane Lepoureau (Marie-Anne-Victoire)
dans L’Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain


Images de L’Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain

Le 20 janvier 1722
Sa petite-fille, Louise-Elisabeth d’Orléans épouse Louis Ier d’Espagne (1707-1724), à Lerme


Le 15 juin 1722
Le jeune Louis XV revient pour la première fois au château de Versailles, abandonné depuis la mort de Louis XIV. Son premier souci est d’achever les travaux de son arrière-grand-père mais aussi de se constituer des espaces plus intimes et retirés pour parfaire son éducation. Sa timidité le poussera à multiplier ces petits cabinets dans lesquels il se sent plus à son aise que dans les espaces publics de Louis XIV. Respectueux du lieu, Louis XV n’est pas pourtant un grand résident de Versailles, qu’il déserte souvent en préférant s’échapper – outre les séjours habituels à Fontainebleau, Marly ou Compiègne – dans des résidences périphériques comme Choisy, la Muette, Saint-Hubert ou Bellevue.
Louis XV réinstalle le gouvernement et la Cour à Versailles.
Le 25 octobre 1722
Louis XV est sacré à Reims.
Louis XV, en costume royal, en 1721, par Rigaud
Sacre de Louis XV, à Reims, le 25 octobre 1722, par Subleyras
A partir de 1722, lors du sacre de Louis XV, trois couronnes interviennent dans la cérémonie du sacre à Reims : la couronne dite de Charlemagne conservée dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis, avec laquelle l’archevêque de Reims couronne le Roi, et deux couronnes personnelles, qui seront propres à chaque souverain, que celui-ci ceint à la fin de la cérémonie et au festin qui suit, la première en or émaillé, la seconde en argent doré et ornée pour la première fois des diamants les plus prestigieux de la collection royale.

Le cardinal Guillaume Dubois par Hyacinthe Rigaud (1723)

Le 8 décembre 1722
Elisabeth Charlotte du Palatinat, duchesse d’Orléans, décède à trois heures et demie du matin au château de Saint-Cloud, âgée de soixante-dix ans. Elle est inhumée dans la nécropole royale de la basilique Saint-Denis, à côté de son époux et sa première épouse. Son fils la pleure profondément (seulement un an plus tard, il la suira dans la tombe) et ne participe pas à la messe commémorative du 18 mars 1723. Dans le sermon funéraire, elle est décrite comme suit :
« … Je ne connais personne qui ait été aussi fier et généreux et pourtant nullement hautain; Je ne connais personne qui ait été si attachant et aimable et pourtant nullement lâche et impuissant ; un mélange particulier de grandeur germanique et de sociabilité française se fait connaître, demande l’admiration. Tout en elle était dignité, mais dignité gracieuse. Tout naturel, simple et non pratiqué. Elle sentait ce qu’elle était et elle laissait les autres le ressentir. Mais elle le ressentait sans arrogance et laissait les autres le ressentir sans mépris.»

Dans ses mémoires, Saint-Simon la décrit :
« ...forte, courageuse, allemande de bout en bout, ouverte et directe, bonne et charitable, noble et grande dans tout son comportement, mais extrêmement mesquine quant au respect qu’elle mérite… »
A l’instar de Marie-Thérèse d’Autriche et de la Reine Victoria, après elle, Liselotte est véritablement une des grand-mères de l’Europe.