Louis XV

Louis XV par Maurice Quentin de La Tour
Le mariage du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie

Le 7 décembre 1697

Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), surnommé le Petit Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie (1666-1732).

Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), par Joseph Vivien, pastel, début XVIIIe siècle, musée du Louvre
Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne (1685-1712) par François de Troy, huile sur toile, début XVIIIème siècle, musée des beaux-Arts de Pouchkine
Jeton représentant le duc et la duchesse de Bourgogne
Reconstitution 3D du projet VERSPERA de la troisième chapelle du château de Versailles D’importantes cérémonies s’y déroulent, comme les grandes réceptions dans l’ordre du Saint-Esprit en 1688-1689 ou le mariage du duc de Bourgogne en 1697.
Jeton, duchesse de Bourgogne, née princesse de Savoie
Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne
Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne

Fin novembre 1699

Le duc de Bourgogne décide qu’il ne ferait plus chambre à part avec son épouse, après la consommation de leur mariage le 22 octobre 1699.

En cette fin de règne de Louis XIV, Marie-Adélaïde distrait un Roi vieillissant. Il faut de la gaîté, de la jeunesse, de l’enfance répandue partout (recommandation de Louis XIV à Jules Hardouin Mansart pour l’aménagement de la Ménagerie de Versailles en 1699).

Le 7 mai 1701

La duchesse de Bourgogne a ses premières règles. La duchesse du Lude, sa dame d’honneur, demande une audience particulière, à Louis XIV, pour lui annoncer.

Le 21 Février 1702

En ce carnaval de 1702, Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne, vêtue d’un habit à l’espagnole que lui a offert sa sœur, la Reine d’ Espagne, Marie-Louise de Savoie (1688-1714) charme toute la Cour lors d’une soirée au Trianon. Cette tenue de carnaval de Marie-Adélaïde a été soigneusement préparée. A la demande de Louis XIV, la princesse passe le costume dont l’ajustement lui est très avantageux.
Elle se présente ainsi juste après le souper dans le cabinet du Roi.
Selon Dangeau, Sa Majesté la trouve «encore mieux qu’elle n’est dans son habit ordinaire».
Elle le portera donc à Trianon pour le bal et  «les dames qui en seront, feront ajuster leurs habits à l’espagnole sur ce modèle», dont voici le détail de «couleur de rose tout garni de franges et de dentelles et d’argent rangées par ondes et qui couvrent presque tout l’habit.
La coiffure y est aussi qui est la plus galante du monde, les cheveux séparés par devant et tombant par derrière à grosses boucles sous un bonnet garni de points et de rubans.»
 
Le mardi 28 février 1702, jour du Mardi gras
 
Toutes les dames vêtues magnifiquement à l’espagnole arrivent à Trianon sur les quatre ou cinq heures pour le bal qui commence à dix heures et demie, le souper ayant été avancé d’une heure.
Le bal se passe dans la salle de la comédie du Grand Trianon, dans l’aile droite en retour sur la cour d’honneur, à l’emplacement actuel du salon de famille de l’Empereur et de la chambre de la Reine des Belges se trouve un théâtre disparu en 1703, dont on a ôté l’orchestre.
Le Roi se place dans les tribunes pour observer les danseurs. Marie-Adélaïde séduit toute la Cour.
«La parure de Madame la duchesse de Bourgogne (est) superbe.
Tous ceux qui (voient) Madame avec son habit à l’espagnole (sont) charmés et l’empressement de la voir (est) grand, mais il faudrait entendre cette princesse parler espagnol, cette langue ne parait pas moins agréable dans sa bouche que l’habit espagnol sur son auguste personne.»
Cette soirée est une réussite. Lorsque le Roi se retire avant minuit, le bal bat encore son plein.

Marie-Louise de Savoie, Reine d'Espagne dans une robe à l'espagnole
Marie-Louise en 1708 par l’atelier de Melendez
Marie-Louise de Savoie à la mode espagnole

Le 25 juin 1704

Naissance de Louis de France, duc de Bretagne, qui meurt le 13 avril 1705

Le 8 janvier 1708

Naissance de Louis de France, nouveau duc de Bretagne puis Dauphin de France (pendant un mois!)  qui mourra le 8 mars 1712. Il est le troisième fils de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), surnommé le Petit Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712) et, à ce titre, le quatrième prince en ligne successorale.


 Le 15 février 1710
à six heures, trois minutes et trois secondes

Marie-Adélaïde de Savoie met au monde un fils que l’on prénomme Louis et que l’on titre duc d’Anjou, c’est le futur Louis XV.

 

Le soir du 19 mars 1711

Louis, Grand Dauphin fait un malaise… après avoir englouti trop de poisson. Il se remet, mais est contraint de garder le lit pendant plus d’une semaine. Louis XIV a eu bien peur, et tout Paris fête sa rémission.

Le 9 avril 1711

Le Grand Dauphin est victime d’un nouveau malaise au moment de son lever. Le diagnostic cette fois est sans appel : il est atteint par la petite vérole. On le transporte à Meudon, sa résidence privilégiée, où Louis XIV vient le rejoindre.

Louis XV bébé (détail)
Louis de France, Grand Dauphin

Le 12 avril 1711

Monseigneur commence à délirer et l’accès à sa chambre est interdit, sur ordre même de Louis XIV.

Au soir du 14 avril 1711

Monseigneur fait une dramatique rechute qui lui est fatale : il meurt à onze heures du soir. 

Dévasté, Louis XIV écrit quelques jours plus tard à son petit-fils devenu Philippe V d’Espagne :

« J’ai perdu mon fils et vous perdez en lui un père qui vous aimait aussi tendrement que je l’aimais lui-même. Il méritait toute mon amitié, par son attachement pour moi, par son attention continuelle à me plaire, et je le regardais comme un ami à qui je pouvais ouvrir mon cœur et donner toute ma confiance.»

Louis XIV par Hyacinthe Rigaud

Dès le 15 avril 1711

Le duc et la duchesse de Bourgogne reçoivent respectivement les titres et prérogatives de Dauphin et Dauphine de France.
Les obsèques sont organisées rapidement, par peur de la contagion.

Le 17 avril 1711

Le cercueil de l’héritier est conduit jusqu’à Saint-Denis pour y être enseveli.

Le 18 avril 1711

La cérémonie est présidée par Louis de France, duc de Bourgogne, fils aîné du défunt et nouvel héritier du royaume.

Le duc et la duchesse de Bourgogne

Dans la nuit du 7 au 8 février 1712

La Dauphine est prise de vomissements accompagnés de convulsions douloureuses qui ne cessent qu’au petit matin.

Le duc de Bourgogne dans l'Allée du Roi de Nina Companeez
La duchesse de Bourgogne dans l'Allée du Roi de Nina Companeez
Buste de Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, Dauphine de France (1710) par Coysevox

Le soir du 8 février 1712

Le verdict tombe : elle est atteinte de la rougeole. Tandis qu’elle se remet, aidée par des gouttes d’opium, le Dauphin à son tour se sent mal. Il se rétablit.

Le soir du 10 février 1712

Marie-Adélaïde est victime d’une terrible rechute.
Sept médecins se relaient à son chevet, et on peut facilement imaginer qu’ils aggravent le mal, ne trouvant évidemment rien de mieux à faire que de saigner leur illustre patiente. Sentant sa fin approcher, la Dauphine murmure, désabusée :

« Princesse aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée… »

Le 12 février 1712

Souffrant atrocement, la duchesse de Bourgogne perd connaissance et meurt dans la journée, tout juste âgée de vingt-six ans. Une autopsie pratiquée deux jours plus tard révèle qu’elle était enceinte de six semaines.
Louis XIV est très atteint par la mort de celle qui enchantait, par son humour et son esprit, sa vie quotidienne languissante. Le monarque voit disparaître l’unique plaisir de ses vieux jours, la seule qui était capable de l’égayer, en même temps qu’il voit s’effondrer tous les espoirs politiques qu’il plaçait en elle. Sa douleur est terrible.

Image de L'Allée du Roi (1995)

Réfugié à Marly, il est rejoint par son petit-fils, que l’on doit arracher à son appartement de Versailles dans lequel il s’est retranché, écrasé de douleur. Assommé par la perte de son épouse adorée, le dauphin ne parvient pas à reprendre ses esprits. Il s’affaiblit. Le Roi est épouvanté lorsqu’il découvre sur son visage les mêmes marques rougeâtres qui ont défiguré la Dauphine.

Buste de Louis XV enfant
On reconnaît dans ce profil des traits que Louis XV héritera de sa mère

Dès le 15 février 1712

                                                                Le duc de Bourgogne doit s’aliter.

Dans la nuit du 17 au 18 février 1712

Le mal empire, il est même victime d’une crise de délire : ses domestiques doivent s’y mettre à plusieurs pour le maintenir sur son lit. 

Le matin du 18 février 1712

Résigné, le duc de Bourgogne se laisse mourir et rend son âme à Dieu, âgé de vingt-neuf ans, « six jours après l’épouse qu’il avait passionnément aimée » au château de Marly (on croit à tort qu’il a été empoisonné).»

Image de L'Allée du Roi (1995) de Nina Companeez

Les cœurs du Dauphin et de la Dauphine sont déposés au Val-de-Grâce, leurs corps conduits à Saint-Denis pour une cérémonie commune, dans la consternation et la tristesse générale. Louis de Bourgogne (1682-1712) a été l’élève du doux Fénelon, qui écrivit pour lui le célèbre «Télémaque» . Il a épousé Marie-Adélaïde de Savoie qui lui a donné trois enfants: Louis de France, duc de Bretagne; un deuxième Louis de France, duc de Bretagne et dauphin de France, et Louis de France, duc d’Anjou, qui deviendra par la suite le Roi Louis XV. Le duc de Bourgogne succombe de la rougeole, qu’il a contracté en soignant sa femme chérie.

Dès le 20 février 1712

Louis XIV confère au duc de Bretagne, fils aîné du couple défunt, un beau garçon vigoureux de cinq ans et demi, le titre de Dauphin. Le pauvre enfant s’exclame alors, se tournant vers sa gouvernante :

« Oh ! maman, ne me donnez pas ce nom, il est trop triste. »

Le 26 février 1712

                                                           Une forte fièvre se déclare chez le nouveau Dauphin.

 

Le 7 mars 1712

Le Dauphin et son petit frère le duc d’Anjou portent les marques de la rougeole… On se hâte de les baptiser en leur conférant le prénom de Louis à tous les deux. Les médecins s’acharnent sur l’aîné dans l’espoir de sauver celui qui représente l’avenir de la dynastie. Saignées et purges le précipitent dans la tombe.

Dans la nuit du 8 mars 1712

Louis, duc de Bretagne, frère aîné du futur Louis XV, qui à la mort de son père, était devenu  héritier du trône de France, s’éteint. Il ne lui survit que peu de temps, emporté comme lui et sa mère par la rougeole.  Cette tragédie familiale terrasse le Roi Louis XIV (1738-1715) , leur aïeul, et bouleverse la Cour. Le lendemain, le spectacle de son petit chien prostré gémissant à la place ordinaire de son maître dans la chapelle arracha des sanglots à toute la Cour.

Louis, duc de Bretagne, brièvement Dauphin de France, frère aîné du futur Louis XV
Didier Sandre est Louis XIV dans L'Allée du Roi (1995) de Nina Companeez

Son frère Louis lui succède comme Dauphin de France. Il est aussi gravement atteint. Cependant sa gouvernante, Madame de Ventadour, épouvantée par le décès de l’aîné, s’oppose vigoureusement à la saignée. Elle obtient gain de cause. Assistée de la sous-gouvernante madame de Villefort, elle soigne le petit Louis en lui faisant ingurgiter biscuits et vin, le gardant bien au chaud.
Ce même jour, le futur Louis XV est d’ailleurs baptisé dans l’appartement des Enfants de France du château de Versailles par Henri-Charles de Cambout, duc de Coislin (1665-1732) , évêque de Metz, premier aumônier du Roi.

Son parrain est Louis Marie de Prie, marquis de Planes, et sa marraine est Marie Isabelle Gabrielle Angélique de La Mothe-Houdancourt (1654-1726), la mère de sa gouvernante, madame de Ventadour. Baptisé en même temps que son frère, Louis de France, qui meurt le jour-même, et les deux enfants étant en danger de mort, le Roi avait ordonné qu’on prenne pour parrains et marraines ceux qui se trouvaient alors dans la chambre.

Louis Marie de Prie, marquis de Planes
Louis, alors duc d'Anjou, et son frère aîné le duc de Bretagne, avec leur gouvernante (et sa marraine), Marie-Isabelle de la Mothe-Houdancourt, duchesse de la Ferté, par De Troy

Le 10 mars 1712

Tandis que le corps du duc de Bretagne rejoint ceux de ses parents à Saint-Denis, son frère, soustrait aux médecins, se rétablit. Il se voit attribuer le titre de Dauphin par Louis XIV. Épithète qui semble porter malheur : le duc d’Anjou est le quatrième prince de la maison de Bourbon à porter ce titre en moins d’un an !

Dès le 12 mars 1712

Le nouveau Dauphin semble définitivement guéri, grâce aux bons soins de Madame de Ventadour, qui refuse toujours obstinément de le laisser approcher par les médecins : « Elle sauva ainsi d’une mort certaine le futur Louis XV ».

Louis XIV, entouré de ses héritiers, son fils le Grand Dauphin, son petit-fils le duc de Bourgogne et son arrière-petit-fils le duc de Bretagne accompagné de sa gouvernante  la duchesse de Ventadour. Tableau de Largillière (1710)

En 1714

Louis est confié à un précepteur, l’abbé Perot. Celui-ci lui apprend à lire et à écrire, et lui enseigne des rudiments d’histoire et de géographie et lui donne l’enseignement religieux nécessaire au futur Roi.


En 1715

Le jeune dauphin reçoit également un maître à danser, puis un maître à écrire. Son confesseur est le père Le Tellier.

Le 9 août 1715

Au retour de Marly, le Roi apparaît brusquement très abattu.

Le 10 août 1715

Il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que son premier médecin Fagon diagnostique deux jours plus tard : il attribue la douleur à une sciatique et préconise une médecine.  Les jours passent, les nuits sont agitées, le Roi se nourrit de moins en moins et il paraît à tous, de plus en plus affaibli …

Jean-Pierre Léaud est le Roi dans La mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

Au cœur de l’été 1715

Louis XIV approche de ses soixante-dix-sept ans. Le souverain souffre de multiples maux, en particulier de crises de goutte.

Le 14 août 1715

Il ressent un grand état de fatigue et le marquis de Dangeau (1638-1720) évoque son épuisement :
« Il me parut en se déshabillant un homme mort. Jamais le dépérissement d’un corps vigoureux n’est venu avec une précipitation semblable à la maigreur dont il était devenu en peu de temps. Il semblait, à voir son corps nu, qu’on en avait fait fondre les chairs. »

Le crépuscule du Roi Soleil

( texte des frères Antoine et images de Christophe Duarte – Versailles passion

Latone qui voit son fils se coucher, la plus belle intervention de Mansart qui a eu cette riche idée de retourner la statue de Gaspard Marsy

Dimanche 18 août 1715 

« Les maux augmentent le dimanche 18 août, neuvième jour de la maladie. Sa Majesté a passé toute le nuit dans un grand abattement. Elle ne permet l’entrée de sa chambre qu’à dix heures, fatiguée du lit et des sueurs. Elle veut se lever pour changer de linge. Elle ne demeure qu’un quart d’heure dans son fauteuil, la faiblesse l’oblige de se remettre au lit. […].»

« Les ducs d’Orléans, du Maine et de Toulouse rendent visite au Roi […] La surprise, la tristesse et la consternation sont peintes sur leurs visages […]. Le Roi entend la Messe, prend quelque nourriture et sur les quatre heures se fait lever pour se délasser […].»

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

Lundi 19 août 1715 

« La nuit n’est pas meilleure que la précédente. Le Roi n’a aucun repos […].Sur les sept heures, Monsieur Fagon (premier médecin du Roi) et le reste de la faculté, trouvent la fièvre fort augmentée […]. Ils trouvent un grand changement sur la jambe du Roi. Elle est enflée. M. le Maréchal remarque une petite noirceur sur le pied qui lui semble de mauvaise augure […].Sa Majesté profite de ce petit relâchement pour entendre la messe. Elle prend ensuite un bouillon […], elle passe la journée doucement.La visite des Princes qui voient quelques petites lueur d’espérance de santé le contient au même état jusqu’au coucher qui est public».

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

La Mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

Mardi 20 août 1715 :

« La nuit du 19 au 20, le Roi la passe dans des douleurs et dans des agitations terribles. Les médecins qui viennent au grand matin, le trouvent encore dans cet état […].
Ce Prince n’a jamais répugné à ce qu’on lui ordonne jusqu’à lui faire des incisions ou même d’en faire l’amputation si il est jugé nécessaire […].
Les médecins viennent ce jour le plus fréquemment toucher le pouls de leur malade. Ils paraissent plus abattus et intrigués. Le Roi le remarque et sans s’émouvoir, leur dit : «Je vois bien Messieurs par vos manières que vous me trouvez plus mal. Je suis véritablement abattu, mais comment voulez-vous que je fusse autrement, souffrant jour et nuit sans relâche […]».
Le Roi entend la messe et, sa jambe lui donnant un peu de relâche, ordonne de laisser l’entrée de la chambre libre […].
La foule dure jusqu’au soir que le Roi ordonne que l’on fasse retirer tout le monde.»

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Jeudi 22 août 1715 

« La nuit est aussi fâcheuse qu’aucune autre. Le Roi n’a aucun repos et souffre cruellement. Les médecins entrent de grand matin.
Sur les neuf heures arrivent dix médecins de Paris. Sa Majesté les prévient de manière affable : «Vous me voyez dans un fâcheux état de maladie depuis le dix de ce mois sans pouvoir trouver aucun secours. Je vous ai mandé pour savoir de vous si vous pouvez me procurer quelques soulagement aux maux qu’il plait au Seigneur de m’envoyer. Ils sont grands mais je m’y soumets puisque c’est sa volonté».
Le Roi prend ensuite du lait d’ânesse et entend la messe. Après le dîné, le Roi qui se trouve un peu mieux se fait porter dans son grand cabinet ou se rendent les Princes de Sang. Le plaisir qu’elle prend à voir l’empressement et l’amour de ses courtisans lui donne de la satisfaction.

Après avoir pris un bouillon, sa Majesté congédie tout le monde et se couche».

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Vendredi 23 août 1715 

« Sur les six heures, le Roi prend du lait d’ânesse […] et se rendort jusqu’à neuf heures. Il se réveille alors dans une sueur copieuse […].
Le Roi prend un bouillon et se fait raser comme tous les trois jours […].
Les duc du Maine, d’Orléans et de Toulouse conversent quelques temps avec sa Majesté. Après qu’ils sont partis, il se fait remettre au lit après avoir bu deux grands verres d’eau […].»

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Georges Mareschal (1658-1736), Premier chirurgien du Roi depuis 1703 et Guy-Crescent Fagon (1638-1718), Premier médecin du Roi à partir de 1693, peinent à établir un diagnostic, estimant qu’il s’agit d’une sciatique ou d’un mauvais érysipèle (infection de la peau), à cause de rougeurs aux jambes. Des massages, des bains d’herbes aromatiques, du quinquina ou du lait d’ânesse sont prescrits, mais ils ne calment ni la douleur, ni la fièvre.

Image du tournage de La Mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

« Monsieur Maréchal débande sa jambe, il est surpris de la voir en si mauvais état […] Le Roi demeure seul avec le père Le Tellier jusqu’à onze heures. Il fait ensuite appeler Madame de Maintenon.»

Tout l’après-midi est violente : les médecins se rendent assidus mais sans succès.

Image de La Mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

« Sur les sept heures, pour faire diversion de sa douleur, le Roi ordonne de faire venir quelques un de ses musiciens chanter dans sa chambre. Il prend beaucoup de plaisir à entendre chanter des airs italiens jusqu’à neuf heures».

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Samedi 24 août 1715

« La nuit suivante, le Roi est attaqué de vapeurs qui incommodent fort […].
Les médecins visitent la jambe affligée et y observent une noirceur au dessous de la jarretière : c’était une marque de mauvaise augure qui menace la gangrène […].»

 La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Image de La Mort de Louis XIV (2016) d'Albert Serra

« Le Roi entend la messe, prend un bouillon et malgré les douleurs, il tient conseil de finances jusqu’à onze heures […].
Quelque soin que l’on prend de divertir le Roi de sa mélancolie, on ne réussit cette fois. Il juge apparemment du péril, il mande le Père Le Tellier et s’enferme seul avec lui pour se réconcilier et se disposer à la mort. La nouvelle s’en répand et alarme la Cour.
Sur les huit heures, on recouche le Roi qui n’a pris qu’un seul bouillon et depuis ce jour-là, le père Le Tellier ne le quitte plus».

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Le duc de Saint-Simon (1675-1755) observe qu’on « visita sa jambe, où il parut des marques noirs » : la gangrène est diagnostiquée. Le roi est perdu ! Il reste alité, agonisant.

Dimanche 25 août 1715

« Le lendemain est la fête de la Saint Louis […] Ce jour a été jusque là un jour de fête et de triomphe : c’est un jour de tristesse et de consternation. Le Roi y reçoit les compliments des princes et des seigneurs […]. En ce jour, il ne s’y refuse pourtant pas […].
Sa Majesté qui n’a pas bien reposé et fatiguée de tant de visite a un grand besoin de repos. Elle a le visage rouge et enflammé. Sur les dix heures, le premier Gentilhomme de la Chambre vient dire au Roi qu’à l’occasion de sa fête, les hautbois, les vingt-quatre violons et les musiciens viennent donner aubade à Sa Majesté qui, quoique malade, ne veut point interrompre ce qui est de coutume […].
Après les fanfares, le Roi entend la messe avec un redoublement d’attention et de dévotion […].

Sur les dix heures du soir, le Cardinal de Rohan apporte les Saints Sacrements dans la chambre […] Monsieur le Cardinal lui administre les Saints Viatiques et l’Extrême-Onction qu’il reçoit avec une grande démonstration de piété, répétant plusieurs fois ces paroles entrecoupées de sanglots et de larmes : « Mon Dieu ayez pitié de moi, j’espère votre miséricorde ».

Il parle ensuite au duc d’Orléans : « Mon cher neveu, j’ai fait un testament ou je vous ai conservé tous les droits que vous donne votre naissance. Je vous recommande le Dauphin, servez le aussi bien et aussi fidèlement que vous m’avez servi […]« .
Il aperçoit de son lit Madame de Maintenon qui fond en larme de le voir dans un état si déplorable : « Quoi Madame ? vous vous affligez de me voir en état de bientôt mourir ? n’ai-je pas assez vécu ? M’avez-vous cru immortel ? non non, je sais très bien qu’il faut tout quitter. Il y a longtemps que j’y ai pensé et que je m’y suis préparé ».»


 
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Le 26 août 1715

« La nuit du 26 de cette cruelle maladie, le Roi ne dort que par intervalle et ses forces diminuent tellement qu’on est obligé de lui lever la tête pour lui faire prendre quelque chose et lui porter et soutenir les membres quand il faut le remuer.
Sur les huit heures, il souhaite entendre la messe […]. Après celle-ci, Sa Majesté fait appeler les princes et princesses qui attendent dans le cabinet : « Je vous dis adieu Messieurs et Mesdames puisqu’il faut mourir et nous quitter, m’ayant plus de remèdes. Je vous conjure de vous souvenir de moi et de vivre tous en grande union. Je vous recommande le Dauphin très particulièrement« .

[…] Le Roi a fait des efforts extraordinaires pour parler assez haut pour se faire entendre de tout le monde, il a les yeux rouges et étincelants mais le corps si abattu que les médecins lui ayant touché le pouls trouvent une fièvre très violente et le pouls convulsif. Ils visitent sa jambe où la gangrène a fait de nouveau progrès […].
Un moment après que les chirurgiens sont retirés, le Roi commande qu’on lui emmène le Dauphin. Après qu’on l’a placé dans un fauteuil au chevet du lit, le Roi lui dit : 
 » Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c’est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela ; j’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets. »

Le reste de ce jour se passe dans de grandes inquiétudes.»

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Madame de Maintenon

Mardi 27 août 1715

« Sa Majesté ressent des douleurs inconcevable par tout le corps excepté à la jambe où elle n’a point de sentiment […]. Sur les dix heures, les chirurgiens exécutent ce qu’ils ont résolu : la scarification […] Sa Majesté n’en ressent aucune douleur.
Ces diverses opérations occupent tout le temps jusqu’à quatre heures que Madame de Maintenon arrive pour voir dans quel état est le Roi. Elle le trouve si abattu qu’à peine peut-il parler.
Sa Majesté ordonne d’apporter toutes les cassettes de son petit cabinet […] On ne sait point ce qui se passe dans cette occasion. Les officiers de la chambre s’aperçoivent qu’on a brûlé beaucoup de papiers.»

La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV d'Albert Serra (2016)
Louis XV au chevet de son arrière-grand-père

Mercredi 28 août 1715 

« Les désordres augmentent durant la nuit. Le Roi la passe dans une disposition encore plus mauvaise que les précédentes, dans des agitations terribles sans vouloir prendre aucune nourriture.
Cependant, on entend ce pauvre Prince prier sans cesse le Seigneur de lui donner la force de souffrir ses maux pour l’amour de lui. Le Père Le Tellier, l’exhortant de se soumettre à la volonté de Dieu dans cette extrémité. Il lui demande s’il n’a pas de regret de quitter son royaume et toutes les grandeurs du monde, Sa Majesté répond d’un ton ferme : « Non mon Père, je les ai oubliés et je suis bien persuadé que la grandeur de Dieu est infiniment élevée au dessus des Rois de la Terre ».»

           La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Jeudi 29 août 1715

« Les chirurgiens et médecins viennent de grand matin visiter le Roi. Ils le trouvent dans une faiblesse extrême avec tous les symptômes d’une mort prochaine. Dans cet état, un médecin venu de Marseille s’adresse au duc d’Orléans disant qu’il a un remède spécifique pour toutes sortes de gangrènes extérieures et intérieures et pour purifier le sang. Il le conduit au lit du Roi, lui tâte le pouls qu’il trouve comme celui d’une personne mourante […]. On lui ordonne de le faire prendre à Sa Majesté s’il peut encore lui être utile. Il en verse quelques gouttes dans un petit verre de vin de Bourgogne et le présente au Roi lui disant : «Sire, c’est un très bon remède qui fera du bien à Votre Majesté« . A ces paroles, le Roi se réveille comme en sursaut et prend le remède sans peine. Peu après, le Roi se trouve plus tranquille, la vue plus claire et la parole plus libre et plus ferme. Un changement si peu espéré donne une grande idée de la capacité du médecin de Marseille qui ajoute à son élixir des bouillons qu’il fait prendre d’heure en heure au Roi et qui lui donnent de la force et même de l’appétit […].
Monsieur Maréchal visite plusieurs fois la jambe du Roi et la fait voir au médecin de Marseille qui est bien surpris de la voir entièrement gangrenée. Ce qui fait juger que quel qu’excellent remède que ce soit, il ne peut pas guérir un si grand mal.
L’effet néanmoins qu’il a produit donne quelques espérances […] le bruit se répand dans Paris que Sa Majesté est hors de danger».

           La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Vendredi 30 août 1715

« La nuit est très mauvaise. La deuxième dose d’élixir ne fait pas un si bon effet que la première. Elle ne fait que réveiller un peu l’esprit et soutenir la nature qui défaille. Le mal se trouve plus fort que le remède.
Pendant toute la nuit, le Roi pousse des soupirs fréquents qui font perdre l’espérance de la vie, il ne perd point la parole ni la connaissance comme il a fait les jours précédents […].
Sur les deux heures, Madame de Maintenon arrive de Saint-Cyr pour voir le Roi. C’est inutilement car elle le trouve sans parole, sans sentiment, les yeux ouverts et fixes et sans aucun mouvement. Ce qui l’oblige de retourner dans sa retraite […] pour y passer le reste de sa vie a prier le repos de l’âme du Prince.
Le pauvre Prince flotte entre la vie et la mort. On l’entend de temps en temps prier d’une voix faible et tremblante. […] On attend plus que le moment de sa mort que l’on envisage comme très prochaine».

           La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Buste de Georges Mareschal, premier chirurgien de Louis XIV, par Girardon
La Mort de Louis XIV d'Albert Serra
Les derniers sacrements de Louis XIV dans L'Allée du Roi (1995) de Nina Companeez
Le portrait de cire est un relief en cire d’abeille blanche (chargée de sel de plomb et de terre) peinte avec un œil de verre peint, des cheveux (bruns à l’origine), de la dentelle blanche, de la soie (bleue à l’origine), du velours cramoisi, des épingles et clous de fixation et un cadre en bois doré recouvert d’une glace. En 1833, il est attesté dans la collection de Pauline Knip comme provenant de celle du comte de Maurepas.
Image de L'Allée du Roi : Louis XIV confie le royaume à son neveu, Philippe d'Orléans

Samedi 31 août 1715 

« Le Roi semble être un peu mieux. Sur le matin, il paraît fort tranquille, tranquillité pourtant qui ne vient que d’un abattement et non d’un changement réel car pendant toute la nuit, il a perdu toute connaissance et tout usage de ses sens.
Monsieur Maréchal visite la jambe de Sa Majesté […]. Il la trouve toute noire jusqu’en haut de la cuisse.
Le Roi demeure en cet état jusqu’à midi qu’il tombe dans une espèce d’assoupissement léthargique […]
On lui fait prendre de temps en temps quelques gouttes de gelée.
Ainsi se passe le triste jour que l’on croyait être le dernier de la vie de Louis XIV».

            La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Le 1er septembre 1715
à huit heures un quart du matin

 « Louis XIV meurt d’une ischémie aiguë du membre inférieur, causée par une embolie liée à une arythmie complète, compliquée de gangrène aux alentours de huit heures un quart du matin, entouré de ses chiens, après cette agonie de plusieurs jours.»

           La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Son règne a duré soixante-douze années et cent jours.

« Aussitôt qu’il est expiré, Monsieur Maréchal aidé des garçons de chambre tire le corps du lit pour le changer de linge et le mettre sur son séant dans le même lit afin qu’il puisse être vu à découvert de tout le monde tout ce jour. Et comme il est demeuré la bouche et les yeux ouverts, Tartillière (garçon de chambre) rend à son maître les derniers services en lui fermant.
Son visage est jaunâtre et décharné mais peu changé et les yeux fixes et aussi beaux que pendant sa vie.»

           La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

« Le corps ainsi posé sur son lit, on ouvre les portes des appartements et aussitôt, les princes et seigneurs de la Cour, les officiers qui s’y trouvent, viennent rendre les derniers devoirs au corps du défunt Roi et sont suivis d’un grand nombre de peuple […].
Monsieur le duc d’Orléans étant arrivé après avoir rendu les derniers devoirs au corps du Roi défunt, entre dans l’appartement où l’on annonce à haute voix la mort de Louis XIV. Et en même temps, on proclame Louis XV.»

            La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Le lendemain du décès

« De la chambre du Roi, le corps est transporté dans l’antichambre de l’Œil-de-bœuf pour être autopsié, triparti (séparation du corps, du cœur et des entrailles) puis embaumé avant d’être enfermé dans un double cercueil, de plomb et de chêne.»

          La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

 

Voici le procès verbal cette l’autopsie du corps du Roi Soleil :

Le petit Louis XV

« Aujourd’huy, deuxième septembre de l’année 1715, nous nous sommes assemblés à neuf heures du matin, dans le Château de Versailles, pour y faire l’ouverture du corps du roy, où nous avons trouvé ce qui suit :
A l’extérieur, tout le côté gauche nous parut gangrené depuis l’extrémité du pied jusqu’au sommet de la tête. L’épiderme s’enlevait généralement par tout le corps des deux côtés le côté droit était gangrené, en plusieurs endroits, mais beaucoup moins que le gauche, et le ventre paraissait extrêmement bouffi.
A l’ouverture du bas-ventre, les intestins se sont trouvés altérés avec quelques marques d’inflammation ; principalement ceux qui étaient situés du côté gauche, et les gros intestins, prodigieusement dilatés. Les reins étaient assez dans leur état naturel. On a trouvé seulement dans le gauche une petite pierre de pareille grosseur à celle qu’il a rendue par les urines plusieurs fois pendant la vie, sans aucun signe seulement de douleur.
Le foie, la rate, l’estomac, la vessie étaient absolument sains et dans leur état naturel, tant au-dedans qu’au dehors.
A l’ouverture de la poitrine, nous avons trouvé les poumons sains, aussi bien que le cœur dont les extrémités des vaisseaux et quelques valvules étaient osseuses ; mais tous les muscles de la gorge étaient gangrenés.
A l’ouverture de la tête, toute la dure-mère s’est trouvée en adhérence au crâne, et la pie-mère avait deux ou trois taches purulentes le long de la faux au reste du cerveau était dans l’état naturel tant au-dedans qu’au dehors.
La cuisse gauche, dans l’intérieur, s’est trouvée gangrenée, aussi bien que les muscles du bas-ventre et cette gangrène montait jusqu’à la gorge.
Le sang et la lymphe étaient dans une entière dissolution, universellement dans les vaisseaux».

          La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine

Les entrailles ont été portées sans cérémonie à Notre-Dame de Paris par deux aumôniers du roi, dans l’un de ses carrosses.

Le cœur, lui, fut remis au supérieur des Jésuites de la rue Saint-Antoine pour rejoindre celui de Louis XIII.

Pots et bouteilles de l’apothicairerie royale de Saint-Germain-en-Laye

Le 3 septembre 1715

Le cercueil est exposé pour une semaine dans une pièce plus grande, le Salon de Mercure du Grand Appartement pour y recevoir les honneurs. On installe sur une estrade un lit formé de banquettes, avec ciel et pentes de drap d’or, couverts d’un grand poêle de velours noir croisé de satin blanc, et par-dessus un autre drap d’or bordé d’hermine.

« Le cercueil est posé dessus et il est couvert de la couverture de ce même lit et le cœur est mis sous cette courte pointe sur le cercueil, de cette manière que le Roi est censé être dans son lit de trépas dans lequel on l’aurait effectivement laissé à découvert si ça avait été chose possible de le garder (la décomposition due à la gangrène), à l’imitation de ce qui fut fait pour Louis XIII».

            Desgranges

Les entrailles sont placées au pied du lit, sous la crédence. Le corps est donc au complet.  Le dispositif est le même que celui du premier jour

dans la chambre de trépas : la crédence avec un crucifix et quatre chandeliers aux armes autour du lit.

Une chapelle ardente en grand apparat montre le faste et la vanité cultivés par Louis XIV jusque dans la mise en scène théâtrale de ses funérailles.

Le 8 septembre 1715 

Le convoi funèbre quitte Versailles à sept heures du soir pour arriver le lendemain à la basilique Saint-Denis. Le rituel veut qu’il se déroule la nuit mais selon une légende tenace, ce cortège funèbre se serait fait en catimini afin d’éviter qu’il ne soit l’objet de railleries de la part de la population. En réalité, le cortège est formé de plus de mille personnes, dont huit cents à cheval et portant un flambeau de cire blanche.

 

Arrivé à Saint-Denis le 10 septembre à l’aube, le corps du Roi est d’abord déposé dans le chœur de l’église puis, du 27 septembre au 21 octobre 1715, dans le chevet, pour laisser l’espace libre aux travaux d’aménagement des Menus-Plaisirs.

Le 9 septembre 1715

La dépouille mortelle embaumée du Grand Roi est inhumée en la basilique de Saint-Denis.

Les parois sont tendues de noir avec des rangées d'écussons aux armes et au chiffre du Roi

Le cercueil est placé sur une estrade, couvert d’un drap de deuil noir croisé d’argent, sur lequel repose la couronne, le sceptre et la main de justice.

Orant de Louis XIV – Antoine Coysevox (1715) 

Le 23 octobre 1715

La messe de funérailles est prononcée  à Saint-Denis par le Cardinal de Rohan alors que des cérémonies sont aussi organisées ailleurs en France et à l’étranger.

Orphelin de père et de mère, privé de fratrie, le petit Louis trouve un peu de chaleur maternelle auprès de Madame de Ventadour (1654-1744), sa gouvernante, qu’il appelle Maman Ventadour.

Son cousin, Philippe d’Orléans (1674-1723), le Régent, dirige les affaires jusqu’en 1723.

Dans son testament, Louis XIV tente de limiter les pouvoirs du duc d’Orléans, son neveu, et indique alors la composition du conseil de régence, véritable conseil de gouvernement. Il confie ainsi au duc du Maine (1670-1736), un de ses bâtards légitimés, la garde et la tutelle du jeune Louis XV en le nommant régent du royaume. Philippe d’Orléans, adulte de la famille royale le plus proche du Roi, qui dispose alors de la charge, purement honorifique, de « président du conseil de régence », s’efforce, et obtient, de faire casser un testament qui le prive de prérogatives qu’il juge dues à sa naissance. Le Parlement le reconnaît donc comme seul Régent, ce qui lui permet de réorganiser le Conseil à son gré et d’évincer le duc du Maine, bientôt exclu de la succession au trône que son père lui avait accordée. Toutefois, le Régent doit, pour rallier le Parlement de Paris à sa cause, lui restituer le droit de remontrance supprimé par Louis XIV, ce qui ne sera pas sans conséquence au XVIIIe siècle.

Il tente de séduire les Français par une politique nouvelle : la paix est rétablie. Il soutient les jansénistes, abandonne la cause des Stuarts, tente de rétablir les finances et l’économie avec les audaces de Law (1671-1729). Le jeune souverain a la chance de recevoir pour précepteur un homme de qualité, le Cardinal Fleury (1653-1743).

Louis XV en costume de sacre par Rigaud

Le 4 octobre 1715

En entamant sa régence, il adresse une « Lettre à Mrs les intendants commissaires départis dans les provinces », dans laquelle il déclare que sa préoccupation majeure est le poids excessif des différentes taxes et annonce son intention d’établir un système d’imposition plus juste et plus égalitaire. Sur le plan de l’organisation du gouvernement, le Régent entame la politique de polysynodie, sans doute sous l’influence de son ami le duc de Saint-Simon : le remplacement des ministres par des conseils rassemblant des grands seigneurs et des techniciens.

En 1716

L’installation du Roi aux Tuileries en 1716


Avant de mourir, Louis XIV a ordonné que l’on conduise le petit Louis XV à Vincennes où lui-même a été élevé. Ce château abandonné depuis longtemps, étant cerné par la forêt, éloigné de toute rivière et de toute eau croupissante passe pour être au bon air. Le 9 septembre 1715, à deux heures, le petit Louis XV quitte donc Versailles. Mais à la fin de septembre 1716, on apprit que la Cour s’établissait aux Tuileries. Vincennes était alors un simple hameau où personne ne trouvait à se loger. L’obligation de s’y rendre chaque jour incommodait fort les fonctionnaires, médecins, courtisans ou autres à qui leur charge imposait ce devoir et il fut déclaré que l’air y était bien moins pur qu’à Paris où le jeune roi aurait toutes ses aises.
Louis XV retrouve les Tuileries telles que les a délaissées Louis XIV. Il est logé au premier étage et l’on aménage, pour ses appartements particuliers, les pièces prenant jour sur le jardin, celles mêmes qu’a occupées naguère la Reine Marie-Thérèse. Les vastes salles donnant sur le Carrousel composent le grand appartement du Roi.

Le Régent par Jean-Baptiste Santerre (1717)
Louis XV enfant, atelier de Pierre Gobert vers 1716
Philippe d'Orléans et Louis XV
Louis XV, en 1716, accordant des lettres de noblesse à des échevins de la Ville de Paris, en présence de son cousin Philippe, duc d'Orléans, Régent de France, par Louis de Boulogne

Germain Brice nous fait une description détaillée de cet appartement :

Il nous conduit par le grand escalier de Levau à la salle des Gardes, immense pièce de près de 60 pieds en toutes dimensions, occupant tout l’étage du pavillon central. Le plafond, très élevé, est peint de quatre grands motifs en grisaille, figurant des bas-reliefs. Autant de tableaux ornent les murs. Ils représentent une armée en marche, une bataille, un triomphe, un sacrifice.

On passe de là dans la première antichambre «dont le plafond paraît véritablement ouvert. Il est peint avec tant d’art qu’il semble que le jour entre par cette ouverture feinte». On y voit le Soleil assis sur son char qui s’élève à l’horizon. Le Temps, figuré par un vieillard, les ailes au dos, indique la course qu’il doit parcourir. La Renommée embouche ses trompettes. Elle est entourée des heures du jour sous la forme de nymphes légèrement vêtues. De semblables allégories décorent les panneaux séparant les douze fenêtres de la salle dont six ouvrent sur la cour et six sur la terrasse de Philibert Delorme. Cette belle décoration, œuvre de Nicolas Loir, est datée de 1668.

La pièce suivante, éclairée par huit fenêtres (quatre sur la cour, quatre sur la terrasse) est la grande chambre du Roi. Le plafond, soutenu par des brasiers de stuc, présente une grande figure de «la Religion tenant un cartouche destiné pour un portrait».

Le grand cabinet qui suit est abondamment décoré d’emblèmes de la guerre, de l’abondance et des quatre éléments. On arrive ainsi à la galerie dite des Ambassadeurs où Louis XIV recevait les envoyés des puissances étrangères : à la voûte est peinte, en différents tableaux, l’histoire de Psyché, copiée sur le plafond d’Annibal Carache à la galerie Farnèse. Mais, depuis 1715, on a dû diviser par des cloisons cette galerie afin d’assurer des locaux aux différents services du jeune Roi et ces aménagements n’ont pu être effectués sans grand dommage pour le décor dont elle était enrichie. 

Les appartements régnant du côté du jardin contenaient quelques peintures de Noël Coypel, de Philippe de Champaigne, de Mignard d’Avignon et de Nocret et la décoration n’en avait pas été modifiée depuis 1668. De ce côté, se trouvaient, de niveau avec les grands appartements, les cabinets où le jeune Louis XV vivait habituellement, sous la surveillance de sa gouvernante, madame de Ventadour. C’est pourquoi stationnaient continuellement, dans le jardin, des oisifs désireux de l’apercevoir.

Un chroniqueur note que, un dimanche, comme le petit Roi jouait, avec d’autres enfants de son âge sur le balcon «une foule de monde, massée dans le jardin, regardait, le nez en l’air, les puérilités du Maître de la France. Il y avait là des vieillards, des religieux, de graves bourgeois et de toutes sortes de gens qui tinrent levés leurs yeux durant deux heures entières…».

Le château des Tuileries ne reçut, durant les sept années du séjour de Louis XV, d’autres transformations que celles exigées par le nombre de logements qu’il fallut créer pour les personnes attachées à la Cour.

Le Cardinal André-Hercule Fleury par Hyacinthe Rigaud
Chasse à courre de Louis XV enfant, par Pierre-Denis Martin

En 1717

La Triple alliance de La Haye est formalisée, cela lie France, Pays-Bas et Angleterre. Ce retournement d’alliance du Régent est même complété en 1718, par une alliance innovante avec l’Autriche des Habsbourg (quadruple alliance).

Du 24 au 27 mai 1717 et du 3 au 12 juin 1717

Visite de Pierre-le-Grand (1672-1725), héritier de la dynastie des Romanov, qui gouverne la Russie depuis vingt-huit ans.

Réputé indomptable et fantasque, Pierre le Grand bafoue l’Étiquette à plusieurs reprises, installant des filles de joie dans l’ancien appartement de la prude madame de Maintenon (1635-1719) qu’il a tenu à rencontrer malgré son âge avancé.

En un geste spontané qui a marqué l’Histoire, il saisit le jeune Louis XV dans ses bras, manifestant une affection quasi-paternelle. Séduit par « l’enfant roi », il aurait souhaité lui offrir sa fille en mariage, mais le projet échoue.

Louis XV, accueillant au Palais des Tuileries Pierre le Grand, tsar de Russie, en visite en France en 1717, par Gorski
Détail du portrait de Madame de Maintenon par Louis Elle le Père  (1688)

 

En 1718

Le Régent renonce à la polysynodie et reprend le type de gouvernement en vigueur sous Louis XIV. Il opère aussi un changement dans sa politique religieuse.  Le régent est particulièrement satisfait de sa politique et déclare avec son humour habituel : 

« J’ai bridé mes ânes !»

La personnalité de l’abbé Dubois (1656-1723), l’ancien précepteur du Régent, devenu archevêque, cardinal et ministre, s’impose de plus en plus auprès de Philippe, le fonctionnement de la polysynodie devenant de plus en plus difficile.

Louis XV par Gobert
Jean Rochefort incarne l'abbé Dubois dans Que la Fête Commence de Bertrand Tavernier (1975)
Philippe Noiret y interprète le Régent
L'abbé Guillaume Dubois par Rigaud
Igor Van Dessel (Louis XV) et Catherine Mouchet (Madame de Ventadour) dans L'Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain

Le Régent réside au Palais-Royal qui devient, de 1715 à 1723, le cœur de la vie politique et artistique, supplantant Versailles.

Le Palais-Royal

Lorsque les calamités fondent sur le royaume — incendies, peste de Marseille, effondrement du système de Law —, le pays souffre et gémit, on accuse l’irréligion du Régent. Cependant, la sagacité et la finesse du cardinal Dubois dans les affaires, l’énergie intermittente de Philippe d’Orléans et l’absence de toute opposition organisée permettent à la monarchie de rester debout.

Louis XV, en costume royal, en 1718, par Jean Ranc
Le Régent par Jean-Baptiste Santerre (1717)

En 1719

Le Roi Philippe V d’Espagne (1683-1746) est si alerté par la politique de Quadruple Alliance du Régent qu’il tente de le faire renverser par le duc du Maine et que cela entraîne une courte guerre entre la France et l’Espagne.

Louis XV, vers 1720, par De Troy
Louis XV par Pierre Gobert (1721)
Louis XV, en costume royal, en 1721, par Rigaud
Dimanche 21 juillet 1720
 
Louis XV va, l’après-midi, se promener au bois de Boulogne, où il tire et tue trois lapins au courant, deux tourterelles sur des arbres, et des faisandeaux à qui on avait coupé les ailes et qui couraient dans les allées du bois.

La victoire des puissances européennes contraint l’Espagne à rejoindre leur alliance et à organiser des fiançailles ou des mariages franco-espagnols.

Louis XV contemplant le portrait de l'infante Marie-Anne

Le 9 janvier 1722

Arrivée en France de Marie-Anne-Victoire d’Espagne (1718-1781), fille de Philippe V, future Reine du Portugal et future marraine de Marie-Antoinette, qui est fiancée à Louis XV.
Marie-Anne-Victoire est élevée par madame de Ventadour, l’ancienne gouvernante du Roi.

Catherine Mouchet (madame de Ventadour) et Juliane Lepoureau (Marie-Anne-Victoire)  dans L'Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain
Charlotte de La Mothe Houdancourt, duchesse de Ventadour par Pierre Mignard
Louis XV et sa première fiancée, l'infante Marie-Anne
Louis XV interprété par Igor Van Dessel dans L'Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain
Juliane Lepoureau interprète la petite Marie-Anne d'Espagne dans L'Echange des Princesses (2017) de Marc Dugain
Fiançailles de Louis XV et Marie-Anne-Victoire

Le 15 juin 1722

Le jeune Louis XV revient pour la première fois au château de Versailles, abandonné depuis la mort de Louis XIV. Son premier souci est d’achever les travaux de son arrière-grand-père mais aussi de se constituer des espaces plus intimes et retirés pour parfaire son éducation. Sa timidité le poussera à multiplier ces petits cabinets dans lesquels il se sent plus à son aise que dans les espaces publics de Louis XIV.
Respectueux du lieu, Louis XV n’est pas pourtant un grand résident de Versailles, qu’il déserte souvent en préférant s’échapper – outre les séjours habituels à Fontainebleau, Marly ou Compiègne – dans des résidences périphériques comme Choisy, la Muette, Saint-Hubert ou Bellevue.

Louis XV réinstalle le gouvernement et la Cour à Versailles.

En fin d’après-midi

Le Roi arrive à Versailles. À sa descente de carrosse, Louis XV se rend d’abord à la chapelle royale  pour prier le Saint-Sacrement, acte symbolique d’un « Roi très chrétien ». Il se précipite ensuite dans les jardins. Malgré la chaleur, il en parcourt passionnément tous les bosquets. Son entourage peine à le suivre. Il se rend ensuite dans les grands appartements. Dans la galeries des Glaces, il s’étend sur le parquet afin d’admirer la voûte de Le Brun relatant les actes héroïques de son bisaïeul. À côté du Versailles officiel de Louis XIV, viendra un Versailles intime, conforme à ses aises. Endormie pendant sept ans, la ville s’éveille au retour du Roi et attire de nouveau la curiosité de tous.

Il confirme le cardinal Dubois comme principal ministre.

Louis XV accorde alors l’ancien appartement des bains au comte et à la comtesse de Toulouse ; Mgr de Fleury, précepteur du Roi, loge dans l’ancien appartement de la marquise de Maintenon ; et M. le duc d’Orléans, occupe celui de feu Monseigneur au rez de chaussée du corps central.

Le 15 août 1722

Le jeune Louis XV se rend à la messe de l’Assomption à Notre-Dame de Versailles, paroisse de la famille royale, et y fait sa première communion. 

Le 25 octobre 1722

                                                                                   Louis XV est sacré à Reims.

Entrée de Louis XV à Reims
Sacre de Louis XV
La couronne du Sacre de Louis XV
Le sacre de Louis XV
Louis XV, en costume royal, en 1721, par Rigaud

A partir de 1722, lors du sacre de Louis XV, trois couronnes interviennent dans la cérémonie du sacre à Reims : la couronne dite de Charlemagne conservée dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis, avec laquelle l’archevêque de Reims couronne le Roi, et deux couronnes personnelles, qui seront propres à chaque souverain, que celui-ci ceint à la fin de la cérémonie et au festin qui suit, la première en or émaillé, la seconde en argent doré et ornée pour la première fois des diamants les plus prestigieux de la collection royale.

Sacre de Louis XV, à Reims, le 25 octobre 1722, par Subleyras

La couronne personnelle de Louis XV est réalisée par Augustin Duflot, d’après les dessins de Claude Rondé, le joaillier de la Couronne, qui utilise les diamants de la collection de Mazarin, le diamant le Sancy acheté par Nicolas Harley de Sancy, surintendant d’Henri IV, le fameux régent acquis en 1717 par le régent Philippe d’Orléans pour son neveu, le diamant Hortensia acquis par Louis XIV et taillé en 1678, 282 diamants, 64 pierres de couleur (saphirs, rubis, topazes et émeraudes) et 230 perles. En 1729, perles et pierres précieuses seront remplacées par des copies à la demande de Louis XV.

Image de Louis XV, le Soleil Noir de Thierry Binisti

Le 8 décembre 1722

Elisabeth Charlotte du Palatinat, duchesse d’Orléans, décède à trois heures et demie du matin au château de Saint-Cloud, âgée de soixante-dix ans. Elle était le dernier fantôme de la vieille cour de Louis XIV. Elle est inhumée dans la nécropole royale de la basilique Saint-Denis, à côté de son époux et sa première épouse. Son fils la pleure profondément.

Le 22 février 1723

Le lit de justice par lequel le Roi ordonne la déclaration de sa majorité en la grande chambre du Parlement.

Philippe Noiret incarne Philippe d'Orléans dans Que la Fête Commence de Bertrand Tavernier (1975)

Le 2 décembre 1723
après souper vers sept heures du soir

Mort du Régent, Philippe d’Orléans, à Versailles, assoupi dans son fauteuil sur l’épaule d’une de ses favorites, la duchesse de Phalaris.

Majeur à treize ans, marié à quinze ans, père à dix-sept ans, Louis est bien accueilli par la nation.

En 1724

Alexis Simon Belle réalise en 1724 ce double portrait commandé par les Bâtiments du Roi.

L'Amour présentant à Louis XV le portrait de l'Infante d'Espagne Marie-Anne Victoire C'est comme peintre que l'Amour, palette et pinceaux en main, présente à Louis XV sa fiancée. Le jeune couple est assorti par le coloris, leurs tenues se répondent dans un jaune d'or rayonnant tandis que l’œillet rouge (symbole d'amour) fait écho à la veste du Roi, dont le geste let à l'honneur tout autant le peintre que la petite fiancée.

Le 7 juin 1724

Louis XV reçoit dans l’Ordre du Saint-Esprit son cousin Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont.

               Louis XV recevant dans l’Ordre du Saint-Esprit Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont par Jean-Baptiste Van Loo

Le 31 août 1724

Le frère aîné de Marie-Anne-Victoire, Louis Ier (1707-1724) meurt de la variole. Louis XV annonce le décès à sa jeune fiancée espagnole en ces termes :

« Je ne sais, madame, qui est le plus à plaindre. Votre frère qui est mort ou moi qui vis dans la terreur de mourir.»

Louis Ier d'Espagne
Marie Leszczyńska
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est portrait-presume-de-madame-de-prie.png.
Jeanne-Agnès Berthelot de Pléneuf, marquise de Prie

En 1725

Le duc de Bourbon rompt les fiançailles du Roi avec Marie-Anne-Victoire qui retourne en Espagne. Elle épousera le 19 janvier 1729, Joseph Ier (1714-1777), Roi du Portugal, le futur parrain de Marie-Antoinette.
La recherche d’une autre fiancée parmi les princesses d’Europe est dictée par la santé fragile du Roi, qui nécessite une rapide descendance.
Après avoir dressé une liste des cent princesses d’Europe à marier, le choix ( du duc de Bourbon et d’Agnès de Prie [1698-1727], sa maîtresse) se porte sur Marie Leszczyńska, née le 23 juin 1703, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczyński (1677-1766). Certains s’offusquent d’une telle mésalliance avec une famille n’appartenant même pas à la haute noblesse polonaise. Les ragots colportent l’image d’une femme laide, malade, sotte, scrofuleuse, épileptique ou stérile.

Image de Louis XV, le soleil noir de Thierry Binisti

Le 15 août 1725

En la cathédrale de Strasbourg, le duc d’Orléans, en sa qualité de premier prince de sang, épouse Marie par procuration.

Dès le lendemain

Le cortège prend la direction de Fontainebleau.

Le 4 septembre 1725

Après trois semaines d’un périple ralenti par l’état catastrophique des routes détrempées, Marie découvre enfin son royal époux.

Le 5 septembre 1725

Louis XV épouse Marie Leszczyńska à Fontainebleau.

Louis XV, en 1727, par Jean-Baptiste Van Loo
Marie Leszczyńska par Jean-Baptiste van Loo, vers 1725

Marie, parée d’un manteau de velours violet semé de fleurs de lys et de pierreries, embellie d’une traîne de près de dix mètres, porte une couronne sertie de diamants. Louis, vêtu d’un habit de brocart et d’un riche manteau, arbore un chapeau à plumes blanches agrémenté d’un imposant diamant.

Après une cérémonie de plusieurs heures…

…la journée se poursuit autour d’un festin ponctué par la représentation du « Médecin malgré lui » de Molière, et d’éblouissantes illuminations.

Mariage de Louyis XV et Marie Leszczyńska
Maître-autel (1633) de Bordoni
Mariage royal à Fontainebleau (image de la série Marie-Antoinette de Deborah Davis)

A dix heures

Le couple royal peut enfin jouir d’une relative intimité …

Le lendemain

Le duc de Bourbon savoure sa victoire lorsque le Roi avoue avoir accordé à la Reine « sept preuves de tendresses » au cours de la nuit.
De fait, le duc peut être rassuré : Louis XV sera, en 1727, père à dix-sept ans et demi, et le sera neuf autres fois au cours des dix années suivantes.

Médaille frappée à l'occasion du mariage de Louis XV et de Marie Leszczyńska, en 1725

Dès 1726

La Reine Marie commence à s’aliéner son époux dès le début de son mariage en se mêlant de politique, malgré les mises en garde de son père. N’étant pas née à la cour, ne connaissant pas encore tout à fait les usages ni l’étiquette de Versailles, elle « convoque » le Roi dans ses appartements pour lui demander de conserver le ministère à son bienfaiteur, l’impopulaire duc de Bourbon qui risquait alors la disgrâce. Dès cet instant, elle perd toute influence politique sur son mari.

Physiquement, Louis XV est beau, grand (il mesure 1,77 mètre selon ses médecins), d’une constitution athlétique, la taille cambrée et le maintien droit ; il émane de sa personne une autorité naturelle qui impressionne fortement ceux qui le voient pour la première fois. Passionné de chasse, il s’y rend chaque jour, sauf les dimanches et fêtes.

Il connaît parfaitement tous les chiens de sa meute, à laquelle il prodigue des soins attentifs, au point de faire aménager dans ses appartements du château de Versailles le cabinet des chiens. Louis XV est malheureusement

plusieurs fois par jour, passant d’une meute à l’autre dès que les hommes, chiens et chevaux sont fatigués.

Afin de compléter l’équipage du cerf du Grand chenil de Versailles, le duc de Bourbon lui offrit en 1725 son équipage pour la chasse à courre du lièvre, que le Roi utilisa dès l’année suivante pour chasser le chevreuil.

De 1745 à 1774, Louis XV forcera 6400 cerfs...

En 1730, Louis XV crée un troisième équipage, la «petite meute du cerf».
En 1738, l’équipage du daim, appelé «équipage des chiens verts», commence ses activités.
De 1749 à 1758, le Roi dispose d’un second équipage du chevreuil. Ces différentes meutes chassent quotidiennement, même en l’absence du Roi, afin de maintenir les chiens en haleine. Sans oublier l’équipage du sanglier, ceux des «lévriers de Champagne et levrettes de la Chambre» et des «chiens couchants de la Chambre», qui servent pendant les chasses à tir, les trois équipages de chasse au faucon, de moins en moins souvent utilisés, et l’équipage de chasse au loup, traquant les «bêtes» qui sévissent encore aux quatre coins du royaume.
En tout, le Roi possède jusqu’à onze équipages de chasse, pour un budget annuel d’environ 1 200 000 livres.»

Misse et Turlu, chiens de chasse de Louis XV (1725) par Jean-Baptiste Oudry
Plaque de collier de chien en argent avec l'inscription gravée : «Je suis au Roy» - XVIIIe siècle - Musée Lambinet (Versailles)

« En 1774, le lieutenant ordinaire de la Vénerie royale est M. de Ville de la Bare, les lieutenants servant par quartier le Marquis de Magny, le Marquis de Saint-Brice, le Comte de Vignacourt et M. Picard. Les sous-lieutenants par quartier sont les ducs de la Borde, de la Curne de Sainte-Palaye et Delage. Les gentilshommes de la Vénerie sont MM. Clock, Clock de Soan, Pothenot, De Blois de la Suze, De la Serre, Larroque.
Le commandant de l’équipage du cerf est Jacques le Fournier d’Yauville, son second M. Cacqueray de la Salle, les pages De Boubers et d’Ardouville, les piqueurs Vinfrais, La Roche, Dubois, Augustin, F. Dubois, Nanteuil, Vattier, Flocard, les valets de limiers La Chenays, Renti, Cailleteau, Gaspard, Dauvert, Flocard, Verneuil et Tagarot.»

D’esprit vif, Louis XV a un jugement prompt et sûr. Sa mémoire est grande, et il se rappelle avec précision une foule de détails sur les Cours étrangères, qui étonnent les ambassadeurs.

Stanley Weber dans Louis XV, le soleil noir de Thierry Binisti (2009)
Jean Marais est Louis XV dans Si Versailles m'étais conté (1953) de Sacha Guitry
Aimé Clariond dans Marie-Antoinette de Jean Delannoy (1956)

Louis aime lire, et les résidences royales, Versailles, Choisy-le-Roi, Fontainebleau et Compiègne sont dotées de bibliothèques.

Méfiant voire méprisant à l’égard des gens de lettres, Louis est curieux des connaissances scientifiques et techniques. Il observe avec les astronomes les plus réputés les éclipses des planètes. Ses connaissances en médecine lui permettent d’avoir des conversations suivies avec les grands médecins de son temps sur les découvertes récentes.

Il fait aménager à Trianon un jardin botanique qui, avec quatre mille espèces, sera le plus important d’Europe.

Vincent Pérez est Louis XV dans Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour Robert Davis (2006)
Didier Bourdon campe Louis XV dans Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk (2002)
François Berléand est Louis XV dans Le jeune Casanova de Giacomo Battiato (2002)
André Luguet dans Madame du Barry (1954) de Christian-Jaque

Enfin, passionné de géographie, Louis XV encourage le travail des géographes, et est à l’origine de la réalisation de la carte de Cassini. Il possède, en outre, une grande connaissance de l’histoire du royaume, et étonne ses interlocuteurs par la précision de ses connaissances liturgiques.

Capable de beaucoup de bienveillance, Louis XV peut aussi se montrer cassant. Il est sujet à des accès de neurasthénie, où il s’enferme dans un mutisme complet. Il est rongé par la mélancolie et même la dépression. Son entourage est très attentif à l’humeur du Roi quand il faut traiter d’affaires importantes.

Sa voix, mal posée et rauque, l’encombre, et, lors des cérémonies officielles, il demande souvent que son discours soit lu par un de ses ministres. Il est d’une timidité quasi maladive, ce qui le fait paraître froid et distant ;  il redoute les nouveaux visages et préfère s’exprimer par écrit.
«Un homme impénétrable» dit de lui le comte d’Argenson (1696-1764). Louis XV est un mélange étrange d’indolence et de fermeté, d’autorité et de laisser-aller, il est également littéralement consumé par son goût des femmes et une sensualité impérieuse.

Johnny Depp est Louis XV dans le film Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn Le Besco
Rip Torn dans Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola


Le 14 février 1727

Naissance de Mesdames Elisabeth et Henriette (Mesdames Première et Seconde)

Louis XV par Van Loo

Le 28 juillet 1728

Naissance de Madame Louise , Madame Troisième

Accouchement de Marie Leszczyńska
Portrait de Marie-Louise de France par Pierre Gobert

Le 19 Février 1728

Mort à Versailles de Marie-Louise de France dite Madame Troisième.

« Âgée de quatre ans et demi, Madame Troisième contracta un mauvais rhume. Un certain Bouillac, un gueux débarqué de nulle part, qui avait à la Cour la protection d’un grand personnage, obtint la charge de Médecin des Enfants de France.
La fièvre de Madame Troisième montait en flèche ; après une saignée au bras, trois saignées au pied, des ventouses et des vomitifs, le «traitement» du «médecin» accomplit son œuvre ; la petite Marie-Louise expira à quatre heure du matin. »

          Mesdames de France de Bruno Cortequisse

Le samedi 3 septembre 1729

Marie Leszczyńska sent, vers onze heures du soir, quelques douleurs qui font croire qu’elle va accoucher. Mais celles-ci ne continuant pas, les princes et les princesses du sang, qui se sont rendus auprès de la Reine, se retirent, et la Reine prend un peu de repos.

Le dimanche 4 septembre 1729

Naissance du Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765), futur père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.

A deux heures, Marie Leszczyńska commence à souffrir beaucoup ; le Roi s’étant levé, on envoie chercher les princes et les princesses du sang, le cardinal de Fleury, le Chancelier de France, M. d’Aguesseau, et le Garde des Sceaux, M. Chauvelin, qui se rendent aussitôt dans la chambre de la Reine. Son appartement est dans l’instant rempli de seigneurs et dames de la Cour.

La Reine sent de grandes douleurs pendant une heure et demie.

A trois heures quarante

La Reine accouche heureusement d’un prince, dont la santé et la force donnent de grandes espérances pour la conservation de ses jours.

Louis XV, en costume royal, en 1728, par Jean-Baptiste Van Loo
Marie Leszczyńska, Reine de France, et le Dauphin Louis-Ferdinand par Alexis Belle

Louis XV, qui n’a pas quitté la Reine pendant ses douleurs, et qui lui a donné des preuves de sa tendresse, paraît dans le moment de la naissance de Mgr le Dauphin, touché d’une vive joie ; et toutes les personnes qui sont dans la chambre ou dans l’appartement de la Reine, en apprenant cette nouvelle, font paraître leur amour au Roi, et la sincérité de leurs vœux pour la satisfaction de Leurs Majestés.

Aussitôt que Mgr le Dauphin fût né, il est ondoyé par le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, en présence du curé de la paroisse de Versailles. Louis XV assiste à cette cérémonie, après laquelle la duchesse de Ventadour, Gouvernante des Enfants de France, accompagnée des trois sous-gouvernantes, porte Mgr le Dauphin dans l’appartement qui lui avait été préparé, et dans lequel les personnes, destinées à le servir, se trouvent.

Lorsque Mgr le Dauphin est arrivé dans son appartement, le marquis de Breteuil, commandeur-prévôt et maître des cérémonies des Ordres du Roi, lui porte le cordon et la croix de l’Ordre du Saint-Esprit, qui ne lui avait pas été donné dans la chambre de la Reine, parce que Louis XV, par attention pour la santé de celle-ci, n’avait pas voulu qu’elle peut apprendre trop tôt qu’elle était accouchée d’un prince. Le marquis de Breteuil fait cette fonction à cause l’absence du Grand Trésorier.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Vers quatre heure et demie

Louis XV sort de l’appartement de la Reine. En rentrant dans le sien, il envoie M. Le Fouin, l’un de ses gentilshommes ordinaires, au château de Chambord, porter au Roi Stanislas et à la Reine Catherine Opalinska, son épouse, la nouvelle de l’heureux accouchement de leur fille et de la naissance d’un prince.

Dès que l’on sut à Versailles, que la Reine était accouchée d’un prince, les cours du château et toute la ville retentissent des plus grandes acclamations, et se renouvellent avec plus de vivacité sous les fenêtres du Roi lorsqu’il est éveillé.

A midi

Louis XV va, à midi, entendre la messe, pendant laquelle on chante un Te Deum, en action de grâces de la naissance de Mgr le Dauphin.

L’après- midi

Louis XV reçoit les compliments de Madame la duchesse d’Orléans, des princesses du sang et des dames de la Cour. Après le Salut, il repasse dans sa chambre où il voit les ambassadeurs et ministres étrangers, qui s’étaient rendus à Versailles, sans avoir attendu l’annonce de cette nouvelle.

Louis XV passe plusieurs fois, dans la journée, chez la Reine et va voir son fils.

Le soir après souper

On tire sur l’esplanade, qui est entre la grande grille et les écuries, une grande quantité de fusées, et un feu d’artifice aussi beau que le peu de temps qu’on avait eu pour préparer, et pût le permettre ; et ce feu est accompagné d’une grande illumination formée par des girandoles de lumières, et une grande quantité de terrines ; il y a en même temps dans toutes les rues de Versailles, des illuminations, des feux et toutes les autres marques de la plus grande joie.

Le 20 septembre 1729

La Reine qui est parfaitement rétablie de ses couches, commence depuis quelques jours à voir les seigneurs et dames de la Cour.

Elle reçoit les compliments des ambassadeurs et ministres étrangers. 

Modèle réduit d'un carosse der Louis XV vers 1730, utilisé à l'occasion d'une cérémonie honorant le Dauphin. Il est en bois sculpté et doré, en brocart d'argent, métal et verre et réalisé par Chobert, joaillier du Roi.
Louis XV en figure mythologique de la Paix, en 1729
La composition de Louis XV offrant la Paix à la France ressemble à un hommage à son père, le duc dde Bourgogne, qui, enfant, avait été peint en Apollon par Nicolas de Largillière...
Le salon de la Paix du château de Versailles

  Le 30 août 1730

Naissance de Philippe, duc d’Anjou, second fils de Louis XV et Marie Leszczyńska.

Le 23 mars 1732

Naissance de Madame Adélaïde, Madame Quatrième.

Le 19 février 1733

Décès de de Madame Louise , Madame Troisième

Philippe de France par Barrière

Le 7 avril 1733

Décès de Philippe, duc d’Anjou.


En 1733

uis de Nesle et de Mailly, prince d’Orange (1689-1767) et de son épouse Armande de la Porte Mazarin (1691-1729), elle-même arrière-petite-nièce de Mazarin (1602-1661).

Quatre d’entre elles furent les maîtresses successives de Louis XV :

Louise de Mailly-Nesle (1710-1751), comtesse de Mailly. Elle épouse en 1726 son cousin Louis-Alexandre, comte de Mailly. Elle devient maîtresse de Louis XV en 1733, favorite en 1736.

Le 11 mai 1733

Naissance de Madame Victoire, cinquième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska ( elle sera appelée Madame Quatrième) , dans la chambre de la Reine du château de Versailles.

Louise de Mailly-Nesle par Nattier
Les Trois Grâces sous les traits des Sœurs Mailly Nesle par Van Loo

Louis XV, Roi neurasthénique, qui change de château et de maîtresses comme d’autres changent de chemises, est un Roi plein de surprises

pastille de F.-D. Athane

Intelligent, mais n’ayant aucune confiance en lui, tout comme son petit-fils et successeur Louis XVI, (comment pouvait-il en être autrement quand on est élevé dans l’ombre du «Grand Roi», véritable «Statue du Commandeur»), n’en était pas moins doué de certains talents. Louis XV, pour s’échapper des rituels de la cour, s’adonne à des activités manuelles dans la plus grande discrétion, question d’étiquette, un Roi de France peut-il avoir une activité manuelle ?
Le violon d’Ingres de Louis XV ce sont les ivoires tournés. Le château de Versailles conserve un souvenir émouvant de ce royal divertissement, une cage en ivoire pour pendule, pur petit chef d’œuvre. Travail d’une grande virtuosité, exécuté avec l’aide des mains expertes d’artisans tabletiers, le Roi trouve dans cette activité une occasion d’échapper à son rôle de souverain, de redevenir un «particulier».

Ivoires tournés par Louis XV
Louis XV par Maurice Quentin de La Tour

Le 27  juillet 1734

Naissance de Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska, qu’on appellera Madame Sophie.

Louis XV par Maurice Quentin de La Tour

Un état disparu du château de Versailles :

La galerie des chasses exotiques de Louis XV
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette galerie est créée en 1735 suite à l’abaissement du plafond du Cabinet du billard de Louis XIV au premier étage. Elle est éclairée par quatre fenêtres sur la Cour de Marbre. Louis XV commande six tableaux représentant différentes chasses à travers le monde.
En 1738, alors qu’un mur porteur est détruit au premier étage pour créer le Cabinet de la Pendule, le mur de la galerie est lui aussi repoussé afin de gagner une fenêtre de plus. Louis XV commande à cette occasion trois tableaux supplémentaires.

Façade actuelle de la Cour de Marbre. La Galerie occupait les cinq fenêtres de l'Attique

En 1767, on dépose les miroirs et les peintures qui sont emmenés au au garde-meubles. La galerie est alors divisée en deux.
En 1770, la comtesse du Barry accède à cet appartement et transforme ces deux pièces en chambre et en grand cabinet.

La chasse aux léopards par Boucher
La chasse aux éléphants par Parrocel
La chasse chinoise par Pater

En 1801, quatre tableaux sont envoyés à Amiens. Les autres les rejoindront en 1923 où ils sont toujours. Seules les embrasures des fenêtres de la chambre de madame du Barry sont encore de l’époque de la galerie. Au rez-de-chaussée du degré du Roi, un des cadres d’un tableau évoque encore cette galerie.

La chasse aux tigres par Lancret
La chasse aux lions par Troy
La chasse aux ours par Van Loo
La galerie en 1738
La chasse à l'autruche par Van Loo
La chasse au taureau par Parrocel
La chasse aux crocodiles par Boucher
Emplacement de la galerie, aujourd'hui grand cabinet de l'appartement de Madame du Barry
Louis XV, miniature de Rouquet

 

Le 16 mai 1736

Naissance de Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.

 

Le 27 avril 1737

Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand

 

Le 15 juillet 1737

Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.

Elle est la dixième enfant que  Marie Leszczyńska , âgée de trente-cinq ans, met au monde. Les médecins assurent à la souveraine qu’un autre accouchement pourrait lui être fatal. La Reine qui a peur de perdre les bonnes grâces de son mari, Louis XV , qui n’a que vingt-sept ans et est toujours ardent, préfère taire les mises en garde du médecin mais refuse peu à peu sa porte au Roi. Le Roi délaisse la Reine, et à ceux qui l’interrogent sur une onzième grossesse de la Reine il répond que le nourrisson sera « Madame Dernière ».

Le bruit court que Marie aurait dit :

« Eh quoi ! Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. »

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

En 1738

La petite chambre de Louis XV
( texte et photographies d’Emma Defontaine et Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Non loin de sa grande chambre de parade, celle de Louis XIV, aussi incommode que majestueuse, Louis XV se fait installer en 1738 une nouvelle chambre, plus petite et exposée au sud, donc plus aisée à chauffer.

La chambre qu’il occupe est l’ancien cabinet du Billard qui communique avec le cabinet du conseil et fait partie de cette série d’appartements de l’époque de Louis XIV connue sous le nom de cabinet du Roi.
Le grand baromètre situé à droite de l’alcôve est une copie XIXe siècle du régulateur de Riesener destiné à meublé l’Appartement de l’Impératrice aux Tuileries. L’original qui était dans cette pièce est aujourd’hui dans les collections de la Reine d’Angleterre à Buckingham Palace.
Autrefois fermée par une balustrade doré, l’alcôve est tendue d’un lampas broché d’or qui reproduit le dernier meuble d’été de Louis XVI. Cette même étoffe recouvrait le lit qui est en cours de reconstitution ainsi que le reste du mobilier : paravent et écran de la Chambre du Roi à Compiègne, pliants de celle du Roi à Saint-Cloud.

Les bronzes dorés, les serrures, les espagnolettes, les verrous, les boutons de portes, les ornements de cheminée sont d’une rare perfection de travail. Les balcons des fenêtres en fer forgé, jadis doré, sont eux du temps de Louis XIV.

Ce chef-d’œuvre de l’art rocaille créé par Antoine-Robert Gaudreaus et Jacques Caffieri, est restée pendant trente-cinq ans dans la chambre de Louis XV à Versailles. Cette commode royale est exceptionnellement prêtée par la Wallace Collection of London pour le temps de l'exposition.

La commode de Louis XV est conservée aujourd’hui à la Wallace collection à Londres et celle de Louis XVI est au Château de Chantilly. Celle que l’on voit aujourd’hui est exécutée en 1786 par Guillaume Benneman pour la Chambre du Roi à Compiègne.
Une porte fenêtre, ouvre sur le balcon de la cour des Cerfs, elle permet au Roi d’arriver librement à l’escalier des petits appartements et de monter aux étages supérieurs. C’est par là que passait Louis XV pour se rendre dans l’appartement des petites maitresses, dans les combles, à sa bibliothèque, ou pour faire sa promenade sur les toits.
Ces toiles ont été enlevées à la Révolution et sont aujourd’hui au Musée du Louvre. Elles ont été remplacées par des peintures du Nattier représentant Madame Infante, Madame Adélaïde, Madame Henriette et Marie-Josèphe de Saxe.

La petite chambre de Louis XV

La gente féline à Versailles

Dans cette première moitié du XVIIIe siècle, la vogue des chats comme animaux de compagnie est toute récente. Louis XV se prend d’une affection toute particulière pour un chat angora nommé Brillant qui vient le réveiller tous les matins et auquel il passe tous ces caprices.

Pendant les réunions du Conseil, le félin à sa place attitrée sur la cheminée, sur un coussin de velours cramoisi. Le chat gambade entre les vases de Sèvres et la pendule posé sur la cheminée puis fait des glissades sur le parquet bien ciré.

Brillant, le chat de Louis XV
Le chat Brillant

Brillant restera dans l’ Histoire comme le chat que Louis XV préféra et auquel il permettait toutes les facéties. Pour avoir eu le privilège d’assister aux réunions du Conseil, l’animal emporte dans sa tombe bien des secrets…

Source : Les animaux choyés de l’histoire, Renée Grimaud

Louis XV par Bouchardon

« Louis XV ordonna l’arrêt des bûchers de chats à la Saint-Jean, « tradition barbare et primitive » selon lui.

«Nous (les pages du service) attendions tous le coucher du Roi… le Roi avait chat matou angora blanc, d’une grosseur prodigieuse, très doux et très familier : il couchait dans le Cabinet du Conseil sur un coussin de damas cramoisi…. »

Le Roi rentrait toujours à minuit et demi des petits appartements. Il n’était pas minuit, et Champcenetz nous dit : « vous ne savez pas que puis faire danser un chat pendant quelques minutes ? Nous rions, nous parions.»

Champcenetz tire alors un flacon de sa poche, caresse le chat et fait couler abondamment dans ses quatre pattes de l’eau de mille fleurs. Le chat se rendort, et nous comptions avoir gagné. Tout à coup, sentant l’effet de l’esprit de vin, il saute à terre en faisant des pétarades, court sur la table du Roi, jurant, cabriolant, faisant des jetés-battus.

Nous tous de rire aux éclats, lorsque le Roi arrive comme une bombe. Chacun reprend sa place, le ton de décence, et le maintien grave. Le Roi nous demande ce qui nous tenait en gaieté : 
_ Rien , Sire, c’est un fait que nous racontions.
A l’instant, le maudit chat reprend sa danse, et court comme un enragé.»

Extrait des Mémoires du comte Dufort de Cheverny (t.1, page 147)

En juin 1738

Le Cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud.

L'abbaye de Fontevraud

Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote. Fleury garde probablement une tenace rancune à la Reine d’avoir naïvement aidé le duc de Bourbon lorsque celui ci tenta de l’évincer. Il se venge en exilant si cruellement les innocentes fillettes à une telle distance de Versailles, que compte tenu de l’Étiquette, une visite royale aurait été une expédition ruineuse, donc impossible.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Seule Madame Adélaïde réussit à attendrir son père et reste à Versailles, où elle sera élevée avec ses deux sœurs aînées Madame Elisabeth et Madame Henriette. Les trois fillettes y vivent dans l’ombre de leur frère le Dauphin Louis-Ferdinand. Louis XV, qui l’aime beaucoup, s’amuse à la surnommer «Madame Torchon» en raison de son goût pour les travaux domestiques.

Image de Louis XV, le Soleil noir de Thierry Binisti

Madame Victoire part donc avec ses petites sœurs, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748. L’abbesse de Fontevraud,  Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Madame de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., « accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punissait en l’enfermant dans un caveau dit la « lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable.

Mesdames Victoire (à gauche), Louise et Sophie (à droite) dans Nannerl, la Sœur de Mozart de René Féret (2010)
Pauline Félicité de Mailly-Nesle comtesse de Vintimille

En 1739

Louise de Mailly est supplantée par sa sœur Pauline (1712-1741), comtesse de Vintimille. Elle est le grand amour de Louis XV et lui donne un fils bâtard Charles, dit le « Demi-Louis » en raison de sa frappante ressemblance avec son père.

Charles de Vintimille, marquis de Luc, surnommé « Demi-Louis »
Madame Élisabeth de France, duchesse de Parme, en habit de chasse, par Nattier

Afin de se réconcilier avec l’Espagne outrée par la rupture des fiançailles du Roi avec l’infante Marie-Anne-Victoire en 1725, Louis XV promet sa chère Babette (Madame Elisabeth) à l’infant Philippe d’Espagne (1720-1765) , un des fils cadets de Philippe V d’Espagne (1683-1746), tandis que le Dauphin doit épouser une sœur de l’infant.

Fin février 1739


Louis XV annonce officiellement la nouvelle. La Cour est surprise de cette alliance, car l’infant n’a guère de chance de monter sur le trône espagnol.

En avril 1739

Au voyage de La Muette que fait Louis XV, la partie est gaillarde et indépendant. On dîne au château de Madrid, dans le bois de Boulogne, chez Mademoiselle ; on passe quelques moments à Bagatelle chez la maréchale d’Estrées ; on soupe au château de La Muette. Tout est arrangé le mieux du monde. On y traite avec beaucoup d’irrévérence du cardinal de Fleury, de sa décrépitude, de sa cour d’Issy.

Le 26 août 1739

La jeune Élisabeth, qui a tout juste douze ans, se marie par procurationPar ce mariage, elle prend le nom de « Madame Infante ». Les cérémonies fastueuses qui ont lieu pour l’occasion sont passées à la postérité. Madame Henriette est désormais nommée uniquement  « Madame » pour souligner le fait qu’après le mariage de sa sœur jumelle, elle était l’aînée des filles du Roi encore célibataire.

Le 30 août 1739

Madame Élisabeth doit quitter Versailles. Les adieux d’Élisabeth à sa famille sont déchirants. En larmes, elle quitte sa sœur jumelle, Madame Henriette, sur ces mots :

« C’est pour toujours, mon Dieu, c’est pour toujours ! »

Marie-Thérèse d'Autriche par Martin van Meytens

En 1740

La mort de l’Empereur Charles VI (1685-1740) et l’avènement de sa fille Marie-Thérèse (1717-1780)  déclenche la guerre de Succession d’Autriche.

Le vieux cardinal de Fleury n’a plus la force de s’y opposer et le Roi qui,  malgré sa clairvoyance et sa lucidité, doute en permanence de ses capacités, et préfère suivre l’avis d’un conseiller en dépit de son opinion : c’est ainsi que, contre son opinion, il succombe à la pression du parti anti-autrichien de la Cour.

En 1741

Louis XV entre en guerre en s’alliant à la Prusse contre les Autrichiens, les Britanniques et les Hollandais. Ce conflit dure sept longues années.

Louise de Mailly rentre en grâce.

Diane Adélaïde de Mailly-Nesle (1713-1760), duchesse de Lauraguais est remarquée par le Roi, qui en fait sa maîtresse après ses deux sœurs aînées.

Diane Adélaïde de Mailly-Nesle par Nattier
Louis XV, en 1739, mezzotinte de Le Blon d'après Blakey

En 1742

Louise de Mailly est supplantée dans le cœur du Roi par sa sœur Marie-Anne (1717-1744), marquise de La Tournelle puis , duchesse de Châteauroux, qui demande son renvoi de la cour en 1742.

                                                          Marie Anne de Mailly Nesle, duchesse de Châteauroux en 1742, par Nattier

Le 29 janvier 1743

Mort du cardinal de Fleury.

Le Roi, suivant finalement l’exemple de son prédécesseur, décide alors de gouverner sans Premier ministre. Débute le gouvernement personnel de Louis XV, âgé alors de trente-trois ans, que l’on commence à appeler « Louis le Bien-Aimé ». Il a connu des années heureuses avec la Reine qui l’adule et lui est entièrement dévouée. Un enfant naît presque chaque année. Cependant, la Reine finit par se fatiguer de ces grossesses à répétition ( « Eh quoitoujours couchertoujours grossetoujours accoucher ! ») autant que le Roi se lasse de l’amour inconditionnel de son épouse. De plus, la plupart de leurs enfants sont de sexe féminin, ce qui finit par indisposer le Roi. Sur leurs dix enfants, ils n’ont que deux garçons dont un seul a survécu, le Dauphin.

Louis XV, un jour, fatigué des disputes des Parlements avec les ducs et pairs sur les généalogies, leur apprend à ne pas rougir d’avouer des parents modestes descendants de la fille d’un fripier ou de la veuve d’un marchand de rubans. Homme de beaucoup d’esprit et d’un esprit quelquefois mordant, il a étudié l’extraction des diverses familles de la Cour, et il se fait un malin plaisir d’humilier les prétentions de ceux qui portaient le plus loin l’orgueil de leur naissance. Il rappelle souvent au maréchal de Richelieu que Vignerol, son bisaïeul, était un joueur de flûte qui avait plu à la nièce du grand Cardinal ; aux Villeroy qu’ils descendaient d’un marchand de poisson sous François Ier ; au duc d’Aiguillon que sa grand-mère Bellier était bourgeoise et borgne. Un soir qu’il a désolé plusieurs des courtisans par ces petites vérités historiques, il reprend d’une manière assez gaie : _ Au demeurant, consolez-vous, moi qui suis, je pense, un assez bon gentilhomme, avoue un aïeul notaire à Bourges.
On se récrie ; le Roi prit une petite note dans son tiroir et continue ainsi :
_ Sous le règne de Louis XI, vers 1470, il y avait à Bourges, un honnête notaire qui s’appelait Babou. Il fit fortune et acheta pour son fils, Philibert Babou, une charge de trésorier de France. Philibert devint Maître d’Hôtel du Roi Charles VIII et fut père de Babou, sieur de La Bourdaisière. La fille de ce La Bourdaisière fut mère de Gabrielle d’Estrées, laquelle eut pour fils naturel, César de Vendôme, père d’Elisabeth de Vendôme, mariée à Charles-Amédée de Savoie. Charles- Amédée eut une petite-fille, Marie-Adélaïde de Savoie, mariée à Louis de Bourgogne, dont j’ai, moi qui vous parle, l’honneur d’être leur fils. Ainsi, vous voyez, que mon dixième aïeul était, comme je vous le disais, un très digne notaire de Bourges dont le père aurait même été barbier.

Marie-Thérèse de Modène, future duchesse de Penthièvre (1726-1754), d'après Jean-Marc Nattier
Détail de Marie Leszczyńska par Charles André Van Loo

Le 31 juillet 1743

Comme Louis XV qui passe la plupart de son temps hors de Versailles en compagnie des sœurs de Nesle, la plupart du temps au château de Choisy, Marie Leszczyńska quitte aussi très souvent le château de Versailles pour Trianon mais aussi en visite chez ses amis Luynes à Dampierre. La duchesse de Luynes est sa dame d’honneur. A ces occasions, la Reine dîne et soupe avec moins de cérémonie même si la règle d’aucun homme hors de la famille royale à sa table est maintenue.
Néanmoins, elle doit aussi visiter des princesses de la famille royale. A ces occasions, tout le cérémonial du Grand Couvert est déployé. Ce mercredi, elle se rend à Chaillot chez la duchesse d’Orléans qui loge aussi la duchesse de Modène, née Orléans et sa fille aînée qui doit rester incognito (et qui épousera le duc de Penthièvre). 

La duchesse d’Orléans est toujours cette Mademoiselle de Blois rencontrée plus haut que Louis XIV, son père, réussit à marier à son neveu, le futur Régent. La duchesse de Modène est sa fille, aussi mal élevée que ses sœurs, qui après un scandale avec le duc de Richelieu est mariée rapidement au duc de Modène, petit prince italien à qui on fait l’honneur d’accorder une princesse française, même défraîchie.

La Reine a douze dames avec elle et la duchesse d’Orléans huit. On ne compte pas les écuyers qui évidemment ne peuvent se mettre à table auprès de la Reine et des princesses.

« A la table de la Reine, madame la duchesse d’Orléans à sa droite, madame de Modène à sa gauche ; à la droite de madame la duchesse d’Orléans, madame de Luynes, ayant à sa droite madame la duchesse de Lorges. En tout il y avait dix-sept dames à cette table ; les six autres à deux petites tables.
Avant que la Reine se mit à table, le premier maître d’hôtel de madame la duchesse d’Orléans apporta à madame de Luynes la serviette qui devait être présentée à la Reine ; madame de Luynes la présenta à madame la duchesse d’Orléans, qui la donna à la Reine et qui ne voulait pas la rendre à madame de Luynes ; mais madame de Luynes la reprit des mains de madame la duchesse d’Orléans et la rendit au premier maître d’hôtel. Monsieur le comte de La Marche, qui n’a pas encore neuf ans, servit la Reine un moment, ensuite le premier maître d’hôtel servit Sa Majesté ; c’est l’usage dans la maison de Fille ou Petite-Fille de France où il y a un premier maître d’hôtel qu’il ait le droit de servir préférablement à tous autres.»

Mémoires du duc de Luynes

Charlotte-Aglaé d'Orléans en Hébé, future duchesse de Modène par Pierre Gobert
Marie Isabelle de Rohan, duchesse de Tallard (1699-1754), Gouvernante des Enfants de France, vers 1750, Drouot

Le jeune comte de La Marche est fils du prince de Conti et d’une autre fille de la duchesse d’Orléans et du Régent, décédée et donc élevé auprès de sa grand-mère. Comme du temps de Louis XIV, c’est le plus haut prince du sang de l’assistance qui a l’honneur de servir au Grand Couvert. L’enfant se prête donc à ce qui lui revient de droit mais le maître d’hôtel de la duchesse d’Orléans reprend vite sa fonction. On constate aussi à quel point les détails d’étiquette sont sources de chamailleries, comme cette histoire de serviette. La Reine termine sa soirée par son habituel cavagnole et ne rentre à Versailles qu’à quatre heures du matin !

Le 4 août 1743

Madame de Tallard annonce à la Reine avant son cavagnole qu’elle a vu le Roi au sujet des sous-gouvernantes afin de déterminer si elles ont le droit ou non de se mettre à table auprès de Leurs Majestés. Marie Leszczyńska veut clore la conversation en disant à la gouvernante qu’elle en parlera elle-même au Roi.  Mais madame de Tallard persiste.La Reine coupe court en lui rappelant qu’il ne lui convient pas de connaître les décisions du Roi par un tiers.

Le 15 août 1743

Même le jour de l’Assomption, jour particulièrement important pour la monarchie française depuis le Vœu de Louis XIII, malgré la messe et les vêpres qu’il suit quand même, Louis XV s’en va souper à Choisy avec sa compagnie habituelle laissant la Reine assurer la procession et le Grand Couvert, seule avec leurs enfants.

Le 25 août 1743

Jour de la Saint Louis. La famille royale se réunit pour le Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine : le Roi, la Reine, le Dauphin et Mesdames. Comme il s’agit d’un jour particulièrement important pour la monarchie car fête du Roi, les vingt-quatre violons de la Chambre jouent durant tout le souper, chaque année. Si Louis XV n’est pas mélomane, sa famille l’est très profondément. C’est Marie Leszczyńska qui au début du règne est la première mécène musicale du royaume. Au dîner, ce sont les tambours des gardes françaises et suisses et au retour de la messe.

Le 16 décembre 1743

A l’occasion du mariage entre le duc de Chartres et mademoiselle de Conti prévu pour le lendemain, Louis XV demande que les fastes soient un peu réduits comparés au mariage de Madame Infante sa fille aînée en 1739. Madame de Luynes se retrouve à faire installer sept lustres dans l’Antichambre de la Reine au lieu des neufs présents pour les noces de Madame Première. Ce n’est pas la seule contrainte. En effet, les Bouches du Roi et de la Reine se disputent. Le service de la Fruiterie (qui s’occupe de l’éclairage) du Roi estime que puisque c’est la Bouche du Roi qui offre le repas, c’est à sa Fruiterie d’éclairer l’Antichambre. Mais les officiers de la Bouche de la Reine réfutent que ce sont ses huissiers qui gardent les portes de l’Antichambre, donc à sa Fruiterie d’assurer l’éclairage. Comme ce point est variable  selon de précédents mariages, monsieur de Maurepas en tant que secrétaire d’état à la Maison du Roi demande à Louis XV de trancher. La Fruiterie de la Reine se charge des ;lustres, celle du Roi de la table du buffet et celle des noces. Mais ce n’est pas tout ! Madame Mercier, nourrice du Roi et première femme de chambre de la Reine sous prétexte que lui reviennent les bougies de la chambre de la Reine réclame son dû pour l’Antichambre. 

Le duc de Chartres en mai 1735 (1725-1785) par Jean Daullé, gravure
Détail du portrait de Madame Mercier, nourrice de Louis XV entourée de sa famille, de Jacques Dumont, 1731, huile sur toile, Louvre
Louise-Henriette de Bourbon-Conti, duchesse de Chartres puis d'Orléans, d'après Jean-Marc Nattier, 1750

Mais les huissiers ne sont pas d’accord et en font part à madame de Luynes qui elle-même transmet le litige à la Reine qui obtiennent gain de cause pour les bougies des lustres, les autres revenant à la Fruiterie du Roi.

Le 17 décembre 1743

La table des noces n’est pas carrée comme à son ordinaire mais en fer à cheval car toute la famille royal est réunie, princesses du sang compris (les princes n’ayant pas droit eux de se mettre à table avec la Reine et les princesses).

« Monsieur le Dauphin présenta la serviette au Roi. Le Roi et la Reine étaient au milieu de la table, Monsieur le Dauphin à la droite du Roi, Madame à la gauche de la Reine, Madame Adélaïde à la droite de Monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Chartres à la gauche de Madame, madame la princesse de Conti à la droite de Madame Adélaïde, madame de Modène à la gauche de madame la duchesse de Chartres, Mademoiselle à la droite de madame la princesse de Conti, mademoiselle de Sens la dernière à gauche, mademoiselle de La Roche-sur-Yon la dernière à droite. C’étaient les gentilshommes ordinaires qui servaient. Monsieur le comte de Charolais vit mettre le Roi à table, mais il ne fit aucune fonction. Monsieur de Livry avait le bâton. L’antichambre était éclairée de sept lustres, comme je l’ai déjà dit.»

            Mémoires du duc de Luynes

Madame Henriette (1727-1752) par Jean-Marc Nattier
Louise-Anne de Bourbon-Condé, dite Mademoiselle de Charolais ou Mademoiselle par Alexandre-François Caminade

Madame est la fille aînée de Louis XV depuis le départ de Madame Infante sa jumelle, qu’on connaît sous le nom de Madame Henriette.

Ce mariage est un véritable calvaire pour cette princesse qui a longtemps cru possible pouvoir épouser le duc de Chartres lui aussi amoureux de la fille du Roi.
Petite-fille de Louis XIV par sa mère Mademoiselle de Nantes, elle est la mère de la mariée. Ces deux dernières sont deux sœurs de la princesse de Conti. Elles n’ont guère été mieux élevées que leurs cousines d’Orléans et prêtent tout autant au scandale. De qui tiendra la mariée !

Toutes ces princesses d’âge mûr ne sont guère des exemples pour Mesdames et Marie Leszczyńska ne les supportent que par politesse. Le marquis de Livry est le Premier Maître d’Hôtel du Roi qui assure sa charge durant les grandes circonstances, ici un mariage princier. Il se tient à la gauche du fauteuil du Roi et ordonne au service. On constate, selon la règle immuable qu’aucun homme hors de la famille royale ne peut manger avec la Reine et les Filles de France, l’absence du marié à la table de ses noces ! Celui-ci soupe dans son appartement, en compagnie de son père, son beau-frère et tous les autres princes du sang et légitimés. À la fin du Grand Couvert, ces princes se rendent à l’Antichambre afin de venir chercher le Roi et la Reine pour prendre part à la cérémonie du coucher des jeunes mariés. 

Le 3 février 1744

Marie Leszczynska annule son souper prévu afin de manger chez le cardinal de Rohan. Son projet est prévu depuis la veille mais tient à ce qu’il reste secret.  Elle y rejoint plusieurs dames de ses amies et les hommes, dont le cardinal, soupent dans une autre pièce.

Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, princesse de Conti par Pierre Gobert
Louise-Alexandrine de Bourbon-Condé dite Mademoiselle de Sens, d'après Jean-Marc Nattier
Louise-Adélaïde de Bourbon-Conti, dite Mademoiselle de La Roche-Sur-Yon par Pierre-Gobert

Le 9 février 1744

Louis XV se plie habituellement au Grand Couvert chaque dimanche. Mais ce jour-là il préfère l’annuler pour retrouver mesdames de Châteauroux et de Lauraguais dans ses petits appartements. C’est un véritable camouflet pour la famille royale et la Cour. 

Le 12 février 1744

La Reine ayant pris médecine, annule le Grand Couvert du mercredi.

Le 13 février 1744

Lors de leur entretien quotidien du matin, Louis XV souhaite, afin de soulager son épouse souffrante, de souper chez elle le soir dans sa Chambre et donc avec un public réduit et non ouvert à tous. Il l’abstient aussi de porter le grand habit. C’est donc la duchesse de Luynes qui doit servir Leurs Majestés car la Bouche n’est pas de service dans la Chambre. C’est donc un souper en Petit Couvert. Sont présentes les dames qui ont droit aux entrées, dont la duchesse de Châteauroux, dame du palais.

On peut le concevoir devant cette maladresse de Louis XV qui a sûrement voulu faire preuve de délicatesse envers son épouse mais qui se retrouve quand même à passer la soirée avec sa maîtresse !

« La Reine était fatiguée de sa médecine, et ne parut pas de trop bonne humeur : cela a été remarqué.»

             Mémoires du duc de Luynes

Le 16 février 1744

Encore un dimanche où le Roi part pour chasser à La Muette et la Reine qui se fait inviter chez sa dame d’honneur. C’est pourtant le dimanche avant le Carême et par conséquent important  du point de vue  liturgique mais aussi pour le Grand Couvert. Une fois de plus Marie Leszczyńska n’annule son souper prévu dans sa Chambre qu’à la dernière minute et réitère le lendemain pour se rendre en secret chez madame de Villars, sa dame d’atours. 

Le 15 mars 1744

Louis XV est malade ce dimanche, donc le Grand Couvert est annulé. Il rompt le carême en soupant dans ses petits appartements avec les sœurs de Nesles.

Le 2 avril 1744, Jeudi Saint

Jour de la Cène du Roi et de la Reine. A la table du Roi dans son antichambre sont installés treize jeunes garçons pauvres. 

Le comte de Charolais assure la charge de Grand Maître. Le Dauphin, le duc de Chartres, le prince de Dombes, le comte d’Eu, le duc de Penthièvre portent les plats.  Chez la Reine sont attablées treize jeunes filles pauvres, Madame porte le pain, Madame Adélaïde le vin. La duchesse de Chartres et les dames du palais portent les autres plats. Ensuite, le Roi et la Reine, accompagnés de la famille royale et des plus hautes charges de la Cour se retrouvent dans la grande Salle des Gardes commune aux deux appartements royaux pour procéder au Lavement de Pieds des enfants qu’ils ont nourris. 

Antichambre du Grand Couvert, château de Versailles
Lavement des pieds jeudi saint par Louis XVI joué par Laurent Laffite, Un peuple et son roi, par Pierre Schoeller, 2017

Le 10 avril 1744

De nouveau Marie Leszczyńska décommande son souper pour se rendre chez les Luynes. Elle prévient son chef de brigadier la veille au soir qu’elle soupera dans sa chambre le lendemain mais annule seulement le jour même à neuf heures du soir. Tous les soirs suivants elle soupe chez les Luynes ou d’autres amis.

Mois de mai 1744

Durant l’absence du Roi parti combattre, Marie Leszczyńska préfère souper dans son intérieur entourée de ses dames, une dizaine environ, en y ajoutant les dames nommées auprès de la future Dauphine. Ces mêmes dames ont droit de monter en carrosse avec leur souveraine. Marie Leszczyńska joue de la vielle durant ses soirées. A cette occasion, le souper se déroule dans son Grand Cabinet, appelé plus tard Salon des Nobles. Ces soirées n’ont lieu que les jours gras. Pour les jours maigres (les vendredis), la Reine soupe seule dans sa Chambre.

Salon des nobles, château de Versailles, site Les Trésors de Versailles

Le 7 mai 1744

Une fois de plus, Marie Leszczyńska arrive sans s’annoncer chez ses amis Luynes, la table de son souper dans son appartement pourtant prête. Madame de Luynes n’était tellement pas prévenue qu’elle se déshabillait au moment de l’arrivée de la Reine. 

Le 25 mai 1744, Pentecôte

Après la grande messe, la Reine s’installe au Grand Couvert entourée de ses enfants. Elle seule s’assoit dans un fauteuil au milieu de la table. Le Dauphin s’installe au bout à droite, Madame au bout à gauche et Madame Adélaïde à la droite de leur mère. La gouvernante des Filles de France, madame de Tallard, se place derrière la plus jeune et madame de Luynes derrière la Reine. Le Dauphin a derrière lui un officier des gardes et son gouverneur monsieur de Châtillon. Les princesses et la Reine ont aussi un officier des gardes derrière chacune d’elles. La famille royale se réunit ensuite dans la Chambre de la Reine pour la conversation. La Cour est particulièrement nombreuse ce jour-là.

Remise de l'ordre du Saint-Esprit sous Louis XV dans la chapelle du château de Versailles, le 3 mai 1724, par Nicolas Lancret, musée du Louvre

Le 30 mai 1744

Comme c’est un dimanche, il y a normalement souper en Grand Couvert. Mais Marie Leszczynska préfère le prendre au dîner, afin de pouvoir se rendre à souper le soir chez des amis.

Le 5 juin 1744 

Au moment où la Reine passe à table dans sa Chambre après son cavagnole (il s’agit d’un vendredi donc souper maigre), elle reçoit une lettre de son époux lui donnant des nouvelles du front. De joie, elle peut à peine manger. 

Le 7 juin 1744

Mesdames de Châteauroux et de Lauraguais vivent retirées depuis le départ du Roi. Mais venues faire leur cour ce dimanche au jeu de la Reine, celle-ci les prie de la rejoindre à sa table. Ce que la Reine ne sait pas ou en tout cas ce que ces dames lui cachent, c’est qu’elles doivent rejoindre Louis XV à Lille le surlendemain. 

Le 9 juin 1744

Rassurée sur le sort des armes de son mari, Marie Leszczyńska décide de se rendre chez la  duchesse d’Orléans à la Madeleine de Traisnel, couvent huppé de la capitale. Est-ce par politesse pour son grand âge ou par réelle amitié ? Difficile de comprendre sachant que la Reine ne supporte pas les princesses du sang et que leur doyenne a toujours eu une réputation effroyable. Après une entrée pleine de réjouissances dans Paris, la Reine est reçue à souper au couvent avec la duchesse d’Orléans, sa fille la duchesse de Modène, sa petite-fille non officiellement présentée et treize  dames, de la suite de la Reine ou de la duchesse d’Orléans. Même pour une visite familiale dans un couvent, la Reine se déplace avec quatre carrosses et quinze dames, sans compter ses écuyers.

Madame de Modène ne se gêne pas à minuit, en plein jeu de la Reine après le souper, de prendre congé afin de partir pour la Flandre. L’étiquette veut pourtant qu’il n’y ait qu’à Versailles où l’on peut prendre congé de ses souverains et certainement pas lors d’une visite privée.
Marie Leszczyńska est ulcérée. Il faut dire qu’elle et sa sœur la princesse de Conti déjà sur place sont amies avec la favorite qui a rejoint Louis XV aux armées. Malgré sa colère, Marie ne rentre pour Versailles qu’à cinq heures du matin.

Le 14 juin 1744

Lorsque la Reine soupe chez un particulier, rien n’est simple ! Marie Leszczyńska souhaite souper chez son amie la comtesse d’Armagnac, née Noailles à Sèvres. Mais celle-ci lui fait comprendre qu’elle n’est pas assez riche pour donner un souper non seulement à Sa Majesté, mais aussi à toutes ses dames qui l’accompagnent. La situation est encore pire pour les officiers cochers, postillons…. de la suite de la Reine. Les dames du palais au nombre de quatre prient monsieur de Narbonne, chef de brigade d’aller commander un repas au cabaret le plus proche. Le repas arrive trop tard : Marie Leszczyńska est déjà repartie pour Versailles.

Couvent de la Madeleine de Traisnel, Paris, XIème, Site officiel de l’Office du Tourisme et des Congrès

Le 7 juillet 1744

Marie Leszczyńska soupe chez la comtesse de Toulouse à Luciennes (Louveciennes aujourd’hui), maison offerte par Louis XV à celle qu’il considère comme une tante adorée. Notons qu’il offrira le même bâtiment bien plus tard à sa dernière favorite la comtesse du Barry.

Le 8 juillet 1744

Marie Leszczyńska et la Cour doivent faire face à un sérieux problème à la fois d’étiquette et de sécurité. Le Roi étant parti avec l’essentiel de sa Maison, il n’y a plus assez de gardes pour elle et ses enfants. Pire : sa mère, la duchesse de Lorraine et reine de Pologne doit rendre visite à sa fille mais sans garde suffisante, la situation est très complexe. La Reine de France ne peut recevoir sa mère dignement à Versailles et la relègue à Saint-Cyr. La situation devient cocasse quand un des gardes tombe malade et du coup, à Trianon, durant le souper de la Reine et de ses enfants, ceux encore présents derrière chaque membre de la famille royale doivent se relayer pour ne laisser ni le Dauphin ni Mesdames seuls et en plus de souper en même temps avant la promenade prévue dans les jardins. Malgré ce manque d’effectifs, les gardes ne font pas attention pour autant : le même jour, un de sentinelle dans l’antichambre de Mesdames s’endort au balcon et tombe de la fenêtre. Il meurt sur le coup. 

Le Grand Trianon, côté jardins

Le 30 juillet 1744

Nouvelle visite de la Reine et pour la première fois de son fils à Dampierre chez ses amis Luynes. Comme d’habitude, promenades, souper, jeu… Avec deux tables : celle de la Reine et le Dauphin sur une petite chaise à sa droite avec une dizaine de dames et une table dans une pièce à côté pour les autres dames et les seigneurs.

Le château de Dampierre, département des Yvelines, photographie de Lionel Allorge

En août-septembre 1744

Tombé malade à Metz, Louis XV renvoie madame de Châteauroux dans un accès de dévotion, mais il renoue avec elle une fois rétabli et c’est Maurepas qui est chargé de lui apporter la lettre du Roi qui le lui annonce. La duchesse se propose de le faire renvoyer sans tarder, mais elle n’en a pas le loisir car elle meurt peu après, le 8 décembre 1744 , coïncidence qui amène certains à parler — quoique ce soit bien invraisemblable — de poison.

Du 1er au 7 septembre 1744, Metz

Après la maladie du Roi, la vie de cour reprend ses droits. Il n’y a pas possibilité de Grand Couvert car les dames et la Reine, parties en urgence à l’annonce de l’état de Louis XV, ont oublié leurs grands habits. La Bouche du Roi sert tous les jours entre vingt-cinq et trente tables, dont celles des dames d’honneur et d’atours de Marie Leszczynska mais celle-ci est obligée de manger seule. Louis XV mange de meilleur appétit mais toujours au lit. 

Louis XV au milieu de sa maladie a dû renvoyer sa favorite la duchesse de Châteauroux et sa sœur madame de Lauraguais, toutes deux dames du palais de la Reine. Mais Marie Leszczyńska doit encore supporter une autre sœur de Nesles, madame de Flavacourt dont c’est la semaine. Il est hors de question pour la Reine de visiter le Roi lors de son dîner dans sa chambre accompagnée de cette dame. Marie ne fait donc qu’entrer et sortir, ses dames en dehors.

Le Roi malade à Metz dans Louis XV, le Soleil Noir (2009) de Thierry Binisti

Le lendemain par contre, elle n’a pas d’autre choix que de la laisser l’accompagner lors du souper du Roi. Celui-ci ne semble pas la remarquer : il est vrai que madame de Flavacourt n’est pas en bonne amitié avec ses sœurs. Mais beaucoup désapprouvent la Reine d’avoir laissé madame de Flavacourt la suivre.

Hortense-Félicité de Mailly-Nesle, marquise de Flavacourt, huile sur toile, d'après Jean-marc Nattier, musée Cognacq-Jay, Paris

Le 28 septembre 1744

Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième

Le 3 octobre 1744, Lunéville

En visite chez ses parents, la Reine Marie apprend le décès de sa fille. Elle annule ses dîner et souper publics. Son père l’exhorte à se promener, visiter les beaux jardins de son château mais si elle obéit, elle préfère ensuite s’enfermer. Marie Leszczyńska n’avait pas vu sa fille depuis six ans. Tout le monde dit que la princesse est celle qui ressemblait le plus au Roi de Pologne son grand-père.

Thérèse-Félicité, dite Madame Sixième, vers 1745, portrait posthume
Karine Pinoteau est Marie Leszczyńska dans Louis XV le soleil noir (2009) de Thierry Binisti

Le 5 octobre 1744

La Reine reprend sa vie publique, autorise la comédie sans s’y rendre et le jeu qu’elle adore. Les trompettes sont jouées durant son dîner mais aucune musique n’est admise au souper. 

Le 13 octobre 1744 

Retour à Versailles. 

Le 14 novembre 1744

Marie Leszczyńska vient dîner aux Tuileries dans la chambre de la Reine donnant sur les jardins. Malgré l’étroitesse des lieux, toute la cour s’y presse, ambassadeurs compris, en attente de l’arrivée prochaine du Roi en guerre depuis plusieurs mois.

Château des Tuileries vers 1757 par Nicolas Jean-Baptiste Raguenet, musée Carnavalet, Paris

Ses enfants la rejoignent après leur propre dîner à Versailles. 

A neuf et quart du soir, la famille royale en son entier s’installe dans l’antichambre de l’appartement du Roi, bien plus spacieux, après l’arrivée de Louis XV à sept heures et le jeu dans la galerie. Les vingt-quatre violons jouent plus d’une demi-heure. 
Le Dauphin a perdu son gouverneur le duc de Châtillon en disgrâce après Metz, néanmoins un sous-gouverneur reste derrière lui. Après le repas, la famille royale se réunit seule une demi-heure

Nuit du 14 au 15 novembre 1744

Louis XV fait une tentative de gratter à la porte de la chambre de son épouse. Les femmes de chambre de la Reine la préviennent mais celle-ci pense, en tout cas affirme, qu’il s’agit d’un mauvais bruit. 

Le 5 décembre 1744

Louis XV ne se montre pas au Grand Couvert : il a appris que madame de Châteauroux est au plus mal et s’est faite saigner.

« Il était d’un changement et d’un abattement extrêmes.»

         Mémoires du duc de Luynes

Marie Leszczyńska refuse l’invitation faite par son ami le duc de Luynes à venir passer la soirée dans son appartement auprès de son épouse, dame d’honneur de la Reine, comme presque tous les soirs. En effet, elle ne veut pas montrer au public qu’elle se fait un plaisir du chagrin du Roi et reste enfermée afin de montrer sa solidarité avec son époux.

Début 1745

Débarrassée de la favorite du Roi, la duchesse de Châteauroux, la famille royale retrouve avec bonheur Louis XV plus assidu aux Grands Couverts et surtout prêt à reprendre la conversation qui les termine chez la comtesse de Toulouse.

Le 7 février 1745

Le Roi impose un bal masqué chez ses filles. Le Dauphin et Madame Henriette n’aiment pas danser mais Louis XV estime «que cela ne faisait rien, qu’à leur âge, on aimait toujours à danser.» Quelques jours auparavant, le Roi est parti à un bal masqué  dans Versailles où la rumeur raconte qu’il y retrouva une dame qu’il ne quitta pas. C’est sûrement la raison pour laquelle il veut ce bal. Le Roi aime être costumé afin de pouvoir passer une soirée incognito. Son épouse vient aussi au bal de leurs enfants, jusqu’à quatre heures du matin mais estime qu’elle ne doit plus porter de masque à son âge. Louis XV fait réellement preuve de maladresse quand il s’agit de ses maîtresses vis-à-vis de sa famille. 

Le 23  février 1745

Le Dauphin Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles  sa cousine l’infante Marie-Thérèse de Bourbon (1726-1746), deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé, en 1739, Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.

C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour) qu’il découvre dans le costume de Diane chasseresse.

Voici comment est alors aménagée la Galerie des Glaces :

La Galerie des Glaces en 1745,
Restitution lors du mariage du Dauphin de France
( Texte de Christophe Duarte, Versailles Passion ;
Les restitutions de Philippe Le Pareux de la Galerie des Glaces en 1745 lors du mariage du Dauphin permettent d’en considérer le faste )

Restitution de Philippe Le Pareux

Il s’agit de l’ameublement ordinaire : les torchères de 1695 (qui ne seront remplacées qu’en 1770), les huit tables couvertes de vases de porphyre, les tabourets recouverts de leur housse cramoisie, les rideaux verts, les bustes des douze Césars, auxquels s’ajoutent les cascades de lumière installées en plus dans les angles, telles que la gravure de Cochin permet de les voir.

Les tapis dans le style de la galerie du Louvre et la cloison qui fermait l’arcade donnant sur le salon de la Paix terminent cette évocation.

Dans les deux vues du salon de la Guerre, la différence d’intensité d’éclairage est liée à l’éclairage surnuméraire dans la Galerie.

Restitution de Philippe Le Pareux

Cette modélisation rend compte de manière d’un aménagement «extraordinaire» de la galerie lors de fêtes.

Tel est le décor de l’entrée en scène dans l’Histoire de Jeanne-Antoinette de Pompadour…

Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux

Le 25 février 1745

Le Bal des Ifs, le jour Madame de Pompadour officialise son entrée à la Cour de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion)

Bal des Ifs, encre noire et aquarelle de Charles-Nicolas Cochin, 1745, musée du Louvre

A sept heures du soir

Comme à l’accoutumé, il y a «soirée d’appartement» chez le Roi. Exceptionnellement, elle a lieu dans la Grande Galerie, où l’on a disposé, outre une grande quantité de table de jeux diverses et variées, une grande table rectangulaire destinée à la partie de lansquenet du Roi dans le centre de la Galerie et une autre table, ronde plus petite, devant la porte du Salon de la Paix, réservée au cavagnole de la Reine.

A neuf heures du soir

Le Grand Couvert a lieu comme les autres soirs. Puis chacun se retire chez soi afin de se préparer pour un bal masqué qui doit se dérouler toute la nuit.

Reconstitution du costume du Roi

 

Durant cet intermède, les services des Menus Plaisirs et du Garde meuble font disparaître les tables de jeux de la Galerie afin de la préparer pour le bal.

 

Aucune invitation n’a été lancée : «On y entre, nous dit Barbier, sans distinction, en habit de masque à la main». Néanmoins, il a été prévu des filtrages aux deux entrées de ce bal : une à l’escalier de Marbre et l’autre à celui de l’Escalier du salon d’Hercule. Des huissiers demandent qu’une personne des groupes qui rentrent se démasque, se nomma et nommait les autres personnes. La foule devient telle et la bousculade si forte que les huissiers abandonnent et laissent tout le monde entrer.

 

Il y a quatre grands buffets garnis de rafraîchissements de toutes sortes de vins, du saumon frais, des pâtés de truites, des poissons au bleu, des filets de sole et tout ce que l’on pouvait souhaiter la nuit d’un vendredi maigre. Les quantités sont si abondantes qu’on prétend que certains en fourrent plein leurs poches pour les revendre le lendemain au marché.

Peu avant minuit, la Reine apparaît, sans masque revêtue d’une robe constellée de bouquets de perles avec sur sa tête, le Sancy et le Régent, les deux plus beaux diamants de la Couronne. Elle accompagne le couple de mariés, le Dauphin costumé en jardinier et la Dauphine en marchande de fleurs.
Un quadrille débute le bal avec le Dauphin, non masqué menant la Dauphine, le duc et la duchesse de Chartres, madame d’Andlau et monsieur de Ségur, tous costumés en bergers et bergères, en robes à paniers enguirlandées de fleurs, une corbeille fleurie à la main, puis on va s’asseoir sur une estrade préparée à leur intention afin de s’amuser à regarder les masques. Mais Louis XV n’est toujours pas là.

La Dauphine, surprise par la liberté et l’aisance des manières de la Cour, accepte de danser avec un bel inconnu masqué, qui se déclare espagnol. Visiblement, il a l’allure d’un Grand d’Espagne et est au fait de tous les secrets de la Cour. Intriguée, elle veut savoir qui est le personnage, mais son danseur ne laisse rien paraître et disparaît brusquement. On apprend le lendemain qu’il ne s’agit que du simple cuisinier espagnol de monsieur de Tessé. Tout Versailles fait les gorges chaudes et la Dauphine, qui ne sut pas tenir sa langue, est assez mortifiée.

Un autre incident intervient au souper quand la princesse de Conti, fatiguée d’être restée debout, voulue s’asseoir sans trouver de sièges libres. Discrètement, elle se démasque, persuadée qu’en dévoilant son identité, elle trouvera aussitôt un siège mais personne ne se lève, feignant de ne pas reconnaître une princesse du Sang. Furieuse, elle quitte le salon en déclarant haut et fort que de «sa vie qui est longue, elle n’avait vu des gens si malhonnêtes, il faut qu’on soit ici de bien mauvaise compagnie».

C’est au moment où la princesse quitte l’Œil-de-Bœuf que l’on peut assister à un surprenant spectacle : sept ifs exactement identiques, taillés en topiaires, s’avancent à la queue leu leu, tandis que la foule s’écarte pour les laisser passer. On a immédiatement devine que le Roi se trouve parmi ces ifs. C’est Louis XV qui, semble-t-il, a eu cette idée originale de déguisement, persuadé que personne ne pourrait le reconnaître.
Beaucoup d’indiscrétions ont couru sur les liaisons du Roi avec une mystérieuse inconnue et l’on sait que le mouchoir va être jeté ce soir-là. Beaucoup de dames meurent d’envie d’être la maîtresse du Roi et ce bal est une chance inespérée pour toutes les prétendantes à la succession de la duchesse de Châteauroux.
Madame d’Etiole, costumée en Diane chasseresse, parle à un if : le règne de Madame de Pompadour (1721-1764)  débute.

Ce fameux bal ne devait s’achever que le lendemain vers les huit heures du matin.

 

Le 28 février 1745

Au cours du bal offert à l’Hôtel de ville de Paris par le corps municipal, une nouvelle rencontre entre Madame d’Étiolles et Louis XV confirme l’intérêt que lui porte le Roi.

Jeanne-Antoinette devient une visiteuse régulière à Versailles.

 

Le 10 septembre 1745

Louis XV installe Madame d’Étiolles au château de Versailles dans un appartement situé juste au-dessus du sien, relié par un escalier secret.

Jeanne-Antoinette de Pompadour par Boucher
Louis XV (1745) par Jean-Marc Nattier, musée de l'Ermitage

Le 24 juin 1745

Le Roi fait don à Madame d’Étiolles du domaine de Pompadour, acquis le  par la Couronne auprès du prince de Conti, le Roi relevant le titre tombé en déshérence faute d’héritier mâle la créant ainsi marquise, tandis que Jeanne-Antoinette obtient de son mari une séparation légale.


 Le 14 septembre 1745

La présentation officielle de la nouvelle favorite a lieu à Versailles. Cela nécessite une princesse de sang. Pour cette cérémonie très protocolaire, la princesse de Conti accepte d’être la marraine de Jeanne-Antoinette, en échange de l’extinction de ses dettes.

Madame de Pompadour (1721-1764) s’efforcera d’être pour le Roi une amie et une thérapeute, une présence aimante, toujours enjouée (en apparence) et consolatrice qui lui offre le délassement, l’oubli de ses problèmes.

Mais la marquise de Pompadour est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain.

Chambre de Madame de Pompadour
Grand cabinet de Madame de Pompadour

En 1745

Madame de Pompadour apporte son soutien indéfectible à Voltaire (1694-1778)et réconcilie l’écrivain et Louis XV. Ce retour en grâce auprès du Roi, permet à Voltaire d’obtenir une charge d’historiographe.


Le 2 mai 1746

Voltaire est élu à l’Académie Française.

Le 21 mai 1746

Louis XV achète pour la somme de 750,000 livres à Louis-Alexandre Verjus, marquis de Crécy, son château pour l’offrir à madame de Pompadour.

Hélène de Fougerolles incarne Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006) de Robin Davis
Le château de Crécy
Louis XV, pendant la campagne de Flandres, huile sur toile de Carle Van Loo, 1747
Marie Leszczyńska par Van Loo (1747)

Le 22 juillet 1746

La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
L’influence politique de Madame de Pompadour croît au point qu’elle favorise le mariage hautement diplomatique entre Marie-Josèphe de Saxe et le Dauphin Louis-Ferdinand.

Le 9 février 1747

Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.

Le Dauphin Louis-Ferdinand par Anne-Baptiste Nivelon, 1764
Marie-Josèphe de Saxe

En mars 1748

Madame Victoire revient à la Cour.


Très proche de leur mère, la Reine Marie Leszczyńska, le Dauphin Louis-Ferdinand et ses sœurs souffrent avec elle des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans.


L’ascension sociale de la marquise de Pompadour lui vaut d’être critiquée par des pamphlets injurieux, appelés « poissonnades ».

En mars 1748

Au traité d’Aix-la-Chapelle, la France et l’Angleterre se restituent leurs conquêtes respectives (Louisbourg contre Madras ) ce qui crée, pour quelques années, un équilibre naval entre les deux pays.

Louis XV rend toutes les conquêtes faites à l’Autriche, contre toute attente car il préfère soutenir  les puissance catholiques pour contrecarrer les nouvelles puissances émergentes protestantes (Angleterre, Prusse).

Louis XV déclare qu’il a conclu la paix « en roi et non en marchand ».

En 1749

Maurepas (1701-1781), secrétaire d’Etat à la Marine, est disgracié en 1749 et exilé à quarante lieues (environ 160 km) de Paris pour avoir répété les libelles répandus contre la marquise de Pompadour.

Madame Victoire par Jean-Marc Nattier

La Reine et le Dauphin, appuyés par les milieux dévots, pressent le Roi de faire cesser cette relation adultérine notoire et finissent par le faire céder après de nombreuses années de résistance. Cependant, bien que la marquise de Pompadour cesse de partager l’intimité du roi, sa carrière connaît une nouvelle promotion : elle obtient le privilège royal de loger dans l’appartement du duc et de la duchesse de Penthièvre au rez-de-chaussée du corps central du château de Versailles alors que Mesdames les filles du Roi le convoitent.

Bellevue
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion ) 

En 1748, Louis XV achète un terrain situé sur le plateau de Meudon, entre le château de Meudon et celui de Saint-Cloud.

Dès l’année suivante, le Roi cède le terrain à Madame de Pompadour, qui s’adresse à son architecte préféré, Jean Cailleteau. Assisté par Jean-Charles Garnier d’Isle pour les jardins, ce dernier édifie très rapidement le château de Bellevue, dont les travaux sont achevés dès 1750.

Reconstitution 3D du château de Bellevue en 1757

La favorite revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.

Porte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Porte feinte de Bellevue ( aujourd'hui au Louvre )
Fauteuil à la Reine provenant de Bellevue
Quatre candélabres en bronze doré pour le grand salon de Bellevue
Paire de vases vers 1775, attribuées à Gouthière, petit salon et grand salon de Mesdames, château de Bellevue, puis palais des Tuileries, horloge à cadran annulaire "Les Trois Grâces", vers 1770, d'après un modèle du sculpteur Falconet, photographie de Christophe Duarte, Versailles Passion

A son avènement, Louis XVI fera don de ce château à ses tantes. Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier.

Le château est vendu à M. Testu-Brissy, qui le fait abattre.

Louis XV (1748) par Louis-Michel van Loo

La salle-à-manger des retours de chasse
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette salle a remplacé, en 1750, un petit appartement des bains. Une ou deux fois par semaine, Louis XV y donne à souper aux Seigneurs et aux Dames qui l’ont accompagné à la chasse. C’est une faveur très recherchée que d’être admis à ces soupers.

La salle-à-manger des retours de chasses
La salle-à-manger des retours de chasses

En 1769, Louis XV créé une nouvelle salle à manger, dite «des salles neuves», en réunissant le Grand Cabinet et l’Antichambre de l’appartement de sa fille, Madame Adélaïde. C’est dans cette nouvelle pièce que désormais et jusqu’en 1789, auront lieu les soupers du Roi.

Grand baromètre de Louis XV, trophée d'armes accompagné d'amours et représentant "la Gloire des armes qui s'efface devant les bienfaits de la paix". Commandé en 1772, sculpté par Lemaire, doré par Mazières.

Louis XV en son jardin botanique,
Les ananas de Trianon
 ( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Lorsque Louis XV décide en 1750 d’aménager à Trianon de nouveaux jardins fleuristes et potager.

Il suit le programme botanique mis en œuvre à Choisy dès 1747. Toutefois, à Trianon, le nouveau petit château est résolument placé au centre des activités de productions jusque-là relégués dans des zones annexes et non visibles du château et l’antériorité des jardins sur le bâtiment y traduit le réel intérêt de Louis XV pour la botanique.

Le jardin fruitier est composé d’une figuerie et de serres chaudes renfermant aloé, géranium, café ananas et asclepias. Ces serres représentent un véritable défi : elles doivent utiliser au mieux la chaleur du rayonnement solaire associée à celle de fourneaux, permettant de cultiver plus particulièrement ananas, pêches et fraises hors saison.
Ces serres sont agrandies, détruites en 1765 puis remplacées : plusieurs projets sont présentés à Louis XV dont un modèle pour les ananas, mais c’est finalement à Choisy que la production royale de ces fruits d’exceptions se concentre sous la direction du jardinier Alexandre Browm.

A la révolution, la ville de Versailles proposera que le Petit Trianon serve de jardin botanique et d’école d’agriculture. André Thouin, jardinier en chef du nouveau Jardin des Plantes à Paris, préférera établir ce jardin botanique au Potager de Versailles. La fonction pédagogique des jardins est alors abandonnée au profil des nouvelles pépinières nationales de Trianon plus productrices, qui demeurent le témoin de la richesse botanique des anciennes collections royales.

En mars 1749

On dit que Madame Infante va rester longtemps en France, peut-être des années. La raison est que le palais de Parme

manque de tout, qu’il n’y a ni meubles, ni même d’escaliers, qu’il y a pour longtemps à y travailler.

Heureux prétexte à l’amour paternel pour garder ici Madame Infante, ce qui est fort coûteux, et la séparer d’un mari qu’elle n’aime pas ! le Roi n’aime pas non plus, dit-on, son gendre Don Philippe, parce qu’il ne s’est pas montré assez valeureux dans la guerre d’Italie ; mais il est fâcheux de laisser perdre ainsi l’âge de la fécondité de Madame Infante, qui pouvait donner des mâles à la maison royale.

Après 1750

Si les relations entre le Roi et sa favorite prennent un tour platonique, voire simplement amical, Jeanne-Antoinette ne quitte pas la Cour pour autant et reste dans l’entourage immédiat de la famille royale, alignant sa conduite sur celle qu’avait eue en son temps la marquise de Maintenon (1635-1719). Madame de Pompadour excelle en effet à distraire Louis XV, lui fait découvrir les arts, organise des fêtes, des représentations théâtrales, entretient le goût du souverain pour les bâtiments et les jardins, multiplie ses résidences hors de Versailles. Ce qui explique qu’après avoir été pendant cinq ans sa maîtresse, elle reste la favorite en titre.

Les quatre Eléments (1751) par Jean-Marc Nattier : La Terre  a les traits de Madame Elisabeth, l'Air ceux de Madame Adélaïde, le Feu  ceux de Madame Henriette et L'Eau ceux de Madame Victoire 

Le 13 septembre 1751

Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne à Versailles.

Jeanne-Antoinette de Pompadour ne contente plus la sensualité du Roi et elle craint d’être supplantée par une dame de la Cour. Ce rôle dont elle ne peut s’acquitter, Madame de Pompadour le délègue obscurément à des subordonnées. Des jeunes femmes ou jeunes filles, sont donc présentées au souverain et logées dans la maison du Parc-aux-cerfs, l’actuel quartier Saint-Louis, à Versailles.

Le 7 février 1752

Un arrêté du Conseil du Roi Louis XV interdit l’impression et la diffusion des deux premiers volumes de l’Encyclopédie

Le 10 février 1752

Décès de Madame Henriette, sa douce fille, à l’âge de vingt-quatre ans.

Louis-Joseph de Bourgogne par Jean-Marc Nattier (1754)
Image de Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006) de Robin Davis
Madame Henriette par Nattier

Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.

Dès le mois de mai 1752

Le Conseil du Roi reconnaît « l’utilité de l’Encyclopédie pour les Sciences et les Arts », Madame de Pompadour et quelques ministres peuvent ainsi solliciter d’Alembert et Diderot de se redonner au travail de l’Encyclopédie.

Madame de Pompadour par Maurice-Quentin De La Tour La marquise ne porte pas de bijoux, sa coiffure est très simple mais la robe est magnifique. Tous les objets représentés ont une signification : les livres avec l’Encyclopédie (elle fréquente les philosophes et les nouveaux penseurs, Diderot est un critique dur, admirateur de La Tour), la référence au théâtre, aux sciences naturelles et politiques , la partition (elle chante), une guitare sur le canapé (elle joue de la musique), un recueil de gravures (elle grave), le carton à dessin etc… Pas d’allusion à l’architecture ou aux arts décoratifs à cause des critiques pour ses dépenses dans ces domaines.

En 1753

Louis XV achète l’hôtel d’Évreux (aujourd’hui, Palais de l’Élysée) et l’offre à madame de Pompadour pour en faire sa résidence parisienne.

L'hôtel d'Évreux

Le tableau qui enflamme le Roi
Chronique d’Emma Defontaine – Versailles Passion

«Je ne peux pas croire qu’ une telle beauté existe mais si il elle existe je l’ obligerai à éteindre le feu qu’ elle a allumé dans mon âme».

Alors que les rendez vous du Parc aux cerfs demeurent secrets une belle inconnue d’origine Irlandaise venue de Paris entre dans le jeu des intrigues courtisanes. Louison O’Murphy dite la Morphise ou la Morfil ou encore Morfi. Son père est emprisonné pour espionnage, sa mère pour prostitution une peine qui ne l’empêche pas de vendre les agréments de ses filles.

La jeune fille allongée, de François Boucher – 1751

« On dit que le roi a trouvé dans son chemin dans les jardins de Choisy, une jeune fille de quinze ou seize ans extrêmement jolie, à laquelle il s’est amusé ; qu’elle est logée dans le Parc aux cerfs qu’il lui a assuré une pension ; d autres disent que c est sur ce dessin que tenoit un peintre (François Boucher) que le roi eu envie de voir l’original qu on lui a amené cette jeune fille ; que le roi lui a demandé si elle le connaissoit pas ? Si elle ne l’avoit jamais vu ? Et qu’ elle a répondu que non et enfin si elle a dit qu’ il ressembloit à un écu de six Francs».

            L’ avocat Barbier dans son journal en mars 1753

Toutes ces plaisanteries se font à cause de madame de Pompadour qui a des ennemis à la Cour […].

La nouvelle relation avec la belle fait couler beaucoup d’encre.

Voici un récit du séducteur vénitien Casanova qui l’a croisé lors de son séjour à Paris, sur la présentation de la beauté au Roi :

« Blanche comme un lys elle avait tout ce que la nature et l’art des peintres peuvent réussir de plus beau. La beauté de ses traits avait quelque chose de si suave qu’ elle portait à l’âme un sentiment indéfinissable de bonheur, un calme délicieux. Elle était blonde et cependant des beaux yeux bleus avaient tout le brillant des yeux noirs».

Elle saute sur les fauteuils, lui apprend danses et prières. C’est son jouet, mais elle n’a pas d’influence sur lui. Elle le délasse et le rassure. Il ne l’aime pas mais il est attaché, il a un sentiment de domination sur celle qui n’est pas de son univers et qui n’est pas dangereuse.
La faveur de Louison O’Murphy devient cependant un réel danger pour Madame de Pompadour. Louison ne supplante pourtant jamais la marquise. Enceinte elle a une fille du Roi.
Louison aura la maladresse de suivre les conseils de la maréchale d’ Estrées, intime ennemie de Madame de Pompadour. S’adressant au Roi, la Morphise lui demande en quels termes le monarque se trouve «avec la veille coquelle» ?
Louis XV force la Morphise à lui avouer le nom de la personne qui l’a incitée à cette attaque contre la Pompadour. En larme Louison avoue. On exile de la Cour madame d Estrées. On marie la Morphise avec Jacques de Beaufranchet d’Ayat en novembre 1755. Le mari reçoit cinquante milles livres et la Morphise a une dot de deux cent mille livres, un trousseau de qualité et des bijoux, diamants et autres pendeloques qu’elle a reçus du Roi durant leur liaison.

Louison sera veuve puis remariée plusieurs fois, elle finira tranquillement sa vie riche et célèbre.

Louis-Auguste par Frédou

Le 23 août 1754

Naissance de Louis-Auguste, futur Louis XVI (1754-1793).

Le 17 novembre 1755

Naissance de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII (1755-1824).

Louis-Stanislas par Maurice Quentin de la Tour

Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.

Stanislas Leszczyński par Girardet

 

Le samedi 7 février 1756

Le Roi annonce la nomination de Madame de Pompadour, Dame du palais de la Reine.

Le dimanche 8 février 1756

La présentation de madame de Pompadour en tant que Dame du palais de la Reine a lieu, après les vêpres.

Le 13 août 1756
 
Louis XV va voir, son régiment Royal, cavalerie, à cheval, dans la plaine du Moulin, près de Compiègne. Le marquis d’Ecquevilly, mestre de camp, lieutenant de ce régiment, lui fait faire plusieurs évolutions. Ensuite, ce régiment se porte au lieu nommé le « puit de Berne », où il fait, devant le Roi, l’exercice à pied, en buste et en bonnet.
Le fils du marquis de d’Ecquevilly, âgé de dix ans, passe au rang des cavaliers. Il fait, comme eux, le maniement des armes et les évolutions à cheval, ainsi que l’exercice à pied. Louis XV paraît très satisfait.

De 1756 à 1763

La Guerre de Sept Ans

La guerre de Sept Ans oppose la Prusse (alliée du Royaume-Uni ) à une coalition formée par la France, l’Autriche, la Russie, la Saxe, la Suède, la Pologne. La guerre se déroule surtout en Allemagne et en Bohême. Cette guerre est due à la volonté de Marie-Thérèse d’Autriche de récupérer la Silésie, qu’elle avait dû céder au Roi de Prusse Frédéric II en 1748, à la fin de la guerre de Succession d’Autriche.

Le Royaume-Uni s’unit à la Prusse afin que celle-ci l’aide à protéger le Hanovre (propriété personnelle du Roi d’Angleterre ). La France se trouve entraînée dans la guerre à la suite de son alliance avec l’Autriche, parce que la Prusse attaque la Saxe (l’Électeur de Saxe est le beau-père du dauphin de France) et parce qu’elle est en guerre contre le Royaume-Uni au Canada et en Inde.

Image de Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick

Pendant les sept années de guerre, le Roi de Prusse (qui en fait se bat seul contre les autres pays européens) alterne les victoires (comme celle de Rossbach en 1757) et les défaites (comme celle de Kunesdorf en 1759). Très compétent pour les affaires militaires, Frédéric II a bénéficié aussi de la médiocrité du commandement des armées adverses (en 1759, alors qu’ils viennent de détruire l’armée prussienne, Russes et Autrichiens renoncent à marcher sur Berlin, la capitale prussienne, alors qu’elle est sans défense). En janvier 1762, le «second miracle » est l’arrivée au pouvoir en Russie de Pierre III (1728-1762) qui, grand admirateur de Frédéric, retire son pays de la coalition.

En 1763, ne pouvant vaincre Frédéric, la France et l’Autriche acceptent la paix. La Prusse conserve la Silésie.

 

En Europe, la guerre de Sept Ans a eu des conséquences très importantes. La Prusse devient une grande puissance avec qui l’Autriche doit composer en Allemagne. La France perd sa prépondérance militaire et diplomatique.

 

Parallèlement, la guerre se déroule aussi en Amérique du Nord, où les Français installés au Québec luttent contre les Britanniques, mais également en Inde, où ils se disputent le contrôle d’une partie du pays. Les Britanniques sont victorieux. La France perd son empire colonial pour le bénéfice des Britanniques et des Espagnols. Le Royaume-Uni devient la première puissance coloniale et maritime et prépare ainsi sa place de première puissance industrielle du XIXe siècle.

Pierre III de Russie, par Lucas Conrad Pfandzelt
Louis XV

Le 5 janvier 1757

Attentat de Damiens contre le Roi

En ce 5 janvier 1757, un carrosse attend le Roi dans le passage couvert qui va de la cour royale au parterre nord. Vers six heures du soir, le souverain descend son escalier intérieur et traverse la salle des gardes du corps. Il est accompagné du Dauphin, du capitaine des Gardes du Roi, des Grand et Petit écuyers et du colonel des Gardes suisses.

L'escalier du Roi
Images de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux
La petite salle des gardes du Roi

Au sortir de la pièce, éclairée par des torches, le Roi est assailli par un individu qui le frappe violemment. Ayant conservé son chapeau, le forcené est maîtrisé, car il aurait dû se découvrir devant le Roi.

L'attentat de Damiens

Portant la main au côté droit, le Roi pense qu’on lui a donné un coup de coude ou de poing, selon les sources. Mais sa main est ensanglantée. Le couteau a pénétré entre la quatrième et la cinquième côte, causant une blessure longue, mais superficielle. On transporte Louis XV dans sa chambre. Il saigne abondamment. Choqué, il finit par s’évanouir. Revenu à lui, il croit qu’il va mourir. Il réclame un prêtre, confie le royaume au Dauphin et demande pardon à la Reine des peines qu’il lui a infligées.

Image de La Guerre des Trônes (2022)
Robert-François Damiens

Depuis le début, le Roi sait qu’il s’agit d’un acte isolé. Quoique remis de sa blessure au bout de huit jours, il est toujours commotionné. L’attentat a laissé des séquelles. Devant l’émoi général, Louis XV entend changer d’attitude. Il veut regagner la confiance de ses sujets, renoncer à ses maîtresses et préparer le Dauphin à sa succession. Sages décisions… qui ne dureront qu’un temps : madame de Pompadour, un temps inquiétée, reprend bien vite sa place et régnera sur l’esprit du Roi jusqu’à sa mort…

Myriam Colombi est Madame de Pompadour dans L'Attentat de Damiens (1975) de Pierre Cavalissas

Du 12 février au 26 mars 1757

Procès de Robert-François Damiens(1715-1757). Il a quarante-deux ans et a servi plusieurs conseillers au Parlement, très critiques envers le Roi et la marquise de Pompadour. Ces critiques régulières sont montées à la tête de Damiens, au caractère influençable et exalté.

Le 28 mars 1757

Damiens est exécuté Place de Grève. Son supplice, à l’instar de celui de Ravaillac, compte de nombreuses tortures, avant qu’il soit écartelé et brûlé. Damiens s’est rendu coupable du crime suprême : celui de « parricide commis sur la personne du Roi » et donc de lèse-majesté.

Le supplice de Damiens

L’exécution a lieu devant une foule immense, pour laquelle c’est aussi un spectacle. Elle dure plus de deux heures et est effroyable au-delà de tout. Le Roi aurait sans doute au moins préféré qu’on appliquât une mort rapide et sans douleur, mais ce n’était pas lui qui décidait…

Pendant le supplice, selon un témoignage, on le «trouva disant l’office des morts et priant le bon Dieu pour le repos de l’âme de son assassin».
Certains courtisans, afin de se mettre en valeur, s’empressent de venir lui raconter tous les détails, mais ils ne sont pas bien accueillis…

Le 9 octobre 1757

Naissance de Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X (1757-1836).

Le 23 septembre 1759

Naissance de Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.

 

Le 6 décembre 1759

Mort de Madame Elisabeth , duchesse de Parme.

Louise-Elisabeth, duchesse de Parme par Adélaïde Labille-Guiard
Le comte d'Artois et sa sœur Madame Clotilde par Drouais
Vincent Pérez dans le rôle de Louis XV dans Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour

Le 30 juin 1760

La marquise de Pompadour fait l’acquisition du château et du marquisat de Menars
( texte et illustration de Christophe Duarte – Versailles passion )

En 1760, la Marquise charge Ange-Jacques Gabriel de construire deux nouvelles ailes de part et d’autre des pavillons, pour remplacer celles éditées au XVIIe siècle. Pour briser l’uniformité de la façade, Gabriel couvre ces deux ailes de toits plats à l’italienne.

De chaque côté de la cour d’honneur, il bâtit deux pavillons : le pavillon de l’Horloge à droite, qui renferme les cuisines, reliées au château par un souterrain, et le pavillon du Méridien à gauche, où se trouve la conciergerie. Il dirige également d’importants travaux d’aménagement intérieur.

Abel-François Poisson de Vandière, Marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du Roi. De nouveaux travaux sont réalisés sous la direction de Jacques-Germain Soufflot (1713-1780), qui fait creuser une longue pièce d’eau en bas du parc, surnommée les bains Pompadour, ainsi qu’une grotte et une orangerie et une rotonde qui abrite une statue de déesse en marbre, en plus des dizaines de statues qui jalonnent les jardins.
Côté cour, le corps de logis est doublé par un corps en rez-de-chaussée couvert «à l’italienne», tandis que les ailes édifiées par Gabriel sont dotées de combles dits «à la française».
Le Roi érige le marquisat de Menars en duché, ce qui permet à Madame de Pompadour d’accéder au titre de duchesse et donc de pouvoir s’asseoir auprès des membres de la famille royale.

Pendant son « règne » de vingt ans, elle maintient des rapports cordiaux avec la Reine («J’aime autant celle-ci qu’une autre»). Madame de Pompadour entretient aussi des relations avec les ministres qu’elle invite parfois dans ses appartements.

Le 22 mars 1761

Mort de Louis-Joseph, l’aîné de ses petits-fils.

 

En 1762

Sous l’impulsion de la marquise, Louis XV ordonne la construction d’un nouveau Trianon dans le parc de Versailles. Madame de Pompadour supervise elle-même les plans et la construction de ce qui allait devenir « le Petit Trianon » et devait être sa future résidence à la Cour.

 

En 1764

Épuisée par vingt années de vie, de travail et d’intrigues à la cour, sa santé chancelle, Madame de Pompadour contracte la tuberculose. À Versailles, elle se plaint constamment de l’air froid et humide de ses grands appartements, regrettant le petit appartement de l’attique nord, plus facile à chauffer, qu’elle a occupé les cinq premières années de son installation.

Le 15 avril 1764

La marquise de Pompadour meurt d’une congestion pulmonaire, à l’âge de quarante-deux ans, à Versailles, ultime privilège, puisqu’il est interdit à un courtisan de mourir dans le lieu où résident le Roi et sa Cour.

Madame de Pompadour est emmenée sur une civière à son Hôtel des Réservoirs, où elle est veillée deux jours et deux nuits dans sa chambre, transformée en chapelle ardente.

Dessin du duc de Bourgogne malade
Le duc de Bourgogne malade
Jeanne-Antoinette de Pompadour par Boucher
L'Hôtel des Réservoirs

Le mardi 17 avril 1764 en fin d’après-midi

Le premier service funèbre de la marquise de Pompadour se déroule à l’église Notre-Dame de Versailles.

On raconte que, considérant le mauvais temps alors que le convoi funéraire de Jeanne-Antoinette quittait Versailles pour Paris, Louis XV aurait fait cette remarque :

« La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage »

et voyant le cortège s’éloigner sans avoir pu rendre officiellement hommage à celle qui avait été si longtemps sa confidente :

« Voilà les seuls devoirs que j’aie pu lui rendre ! »

Dans ses dispositions testamentaires et faute de descendance ,  Madame de Pompadour offre une partie de ses résidences au Roi.

Le 3 mai 1764

Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.


Suppression de l’ordre des Jésuites en France.

Le 20 décembre 1765

Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand, son frère,  meurt, à l’âge de trente-six ans.

Agonie du Dauphin, dans Louis XV, le Soleil noir de Thierry Binisti
Le Dauphin Louis-Ferdinand par Roslin
Agonie du Dauphin, dans Louis XV, le Soleil noir de Thierry Binisti
Allégorie de la mort du Dauphin de Lagrenée l'Aîné (1766): le petit duc de Bourgogne, décédé en 1761, lui présente la couronne de l'immortalité. On le voit entouré dans ses derniers instants par son épouse, Marie-Josèphe de Saxe et par ses fils , le duc de Berry (futur Louis XVI, agenouillé), le comte de Provence (futur Louis XVIII) et le comte d'Artois (futur Charles X).
Le Roi et le nouveau Dauphin, image de Louis XV, le Soleil noir, de Thierry Binisti
Louis XV, en grand manteau royal (1760) par Jean-Martial Frédou

En 1768

Le boudoir de Louis XV,
pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames à l’Opéra
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel  prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…

Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y  rendre discrètement.  Toujours dans ce soucis de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer. De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel.

Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.

Boudoir du Roi : porte donnant sur la Galerie du premier étage de l'Aile du Nord
L'amour des arts par Jacques Louis Touzé

Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.

Le microscope de Louis XV dans le cabinet d'Angle
Marie-Josèphe et Louis-Ferdinand instruisant leurs trois fils, les futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X
Dessin de Charles Monnet (1732-1816) représentant Louis XV et son fils Louis, le Dauphin, instruisant ses trois enfants - qui seront tous les futurs rois de France: Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Il s'agissait d'une préparation étude pour un tableau qui appartenait au duc de la Vauguyon, gouverneur des enfants de France. La peinture actuelle est maintenant perdue
Louis XV, en 1763, atelier de Van Loo

Le 13 mars 1767

Mort de Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).

Adieux de Marie-Josèphe à ses filles, Clotilde et Elisabeth par Benjamin Warlop
Marie-Josèphe de Saxe
Dernier réveillon de Marie Leszczyńska : Une coutume s'était instaurée dans la famille royale : chaque 31 décembre à minuit, Louis XV et son épouse, assis de part et d'autre de la pendule astronomique de Passemant, assistent au changement d'année entourés de leurs enfants et petits-enfants... composition de Benjamin Warlop
La pendule astronomique de Passemant
Portrait par Carmontelle de Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794) premier valet de chambre de Louis XV, devant la pendule de Passemant
Agonie de la Reine, dans Louis XV, le Soleil noir de Thierry Binisti

Le 24 juin 1768 

Mort de la Reine Marie Leszczyńska son épouse.

Marie Leszczyńska, lisant la Bible (1748) par Jean-Marc Nattier
Marie Leszczyńska par Jean-Marc Nattier
Johnny Depp dans Jeanne du Barry, de Maïwenn

 

En 1768

Louis XV néglige de plus en plus les affaires, l’acquisition de la Corse représente toutefois une des rares mesures judicieuses de la fin de son règne.

Jean du Barry fait tant l’éloge de sa dernière conquête au maréchal de Richelieu (1696-1788), vieux libertin très bien en cour, que ce dernier imagine de la présenter à Louis XV.

Au printemps 1768

La rencontre avec le Roi se fait discrètement, par l’intermédiaire de Dominique Lebel (1696-1768), premier valet de chambre du Roi. Cette opération n’est pas dénuée d’arrière-pensée politique pour Richelieu, qui veut contrer le Premier ministre Étienne François de Choiseul (1719-1785). Ce dernier, élevé au ministère par la défunte marquise de Pompadour (1721-1764), espère placer auprès du Roi sa sœur, la duchesse de Grammont, ou toute autre femme à sa dévotion.
En peu de temps, Louis XV s’éprend vivement de Jeanne, dotée d’un charme infini, et dont les talents aux jeux de l’amour lui donnent une nouvelle jeunesse.  Il est non seulement ébloui par la beauté de Jeanne mais par aussi son caractère : Jeanne commence à le tutoyer, lui coupe la parole, le traite comme s’il n’était pas le Roi de France (ce qui est le rêve de Louis XV). Jeanne n’est pas comme toutes les précédentes maîtresses de Louis XV, ce qui est nouveau chez le Roi de France. Louis XV commence à s’attacher de plus en plus de Jeanne Bécu. La déconvenue de Choiseul est très vive, et immense son ressentiment à l’égard de Madame du Barry, qui lui fait perdre en peu de temps son influence prépondérante auprès du Roi (pour lequel il nourrit un secret mépris).

Madame du Barry par Drouais
Johnny Depp interprète Louis XV dans Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn Le Besco

De plus, un projet de remariage avec l’Archiduchesse Marie-Élisabeth de Habsbourg-Lorraine (1743-1808), la sœur aînée de Marie-Antoinette, a échoué, la beauté de cette princesse de vingt-cinq ans ayant été ravagée par la variole, maladie courante à l’époque – et dont le Roi mourra. Le Roi, toujours très beau mais vieillissant (il a alors cinquante-huit ans) et neurasthénique, est donc libre. Il désire faire de Mademoiselle de Vaubernier sa nouvelle favorite. Mais cela ne peut s’accomplir sans une présentation officielle à la cour par une personne y ayant ses entrées, et sans que la personne présentée soit mariée. 

Le 1er septembre 1768

Jean du Barry étant déjà marié avec Ursule Dalmas de Vernongrèse (qui terminera ses jours dans un couvent), il contourne la difficulté en faisant épouser à Jeanne son frère cadet, le comte Guillaume du Barry (1732-1811). Le mariage est célébré par le frère Gomard de Vaubernier qu’on tient pour être le père de Jeanne…

Pour la marraine, on recourt à la comtesse de Béarn ; issue d’une très ancienne famille, mais aussi très âgée et surtout très endettée, elle accepte cet emploi contre paiement de ses dettes, à la réprobation des courtisans bien-pensants.

Marguerite Pierry incarne la comtesse de Béarn dans le film de Christian-Jaque (1954)

Le 22 avril 1769

Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.

 

Le 13 juin 1769

Louis XV demande officiellement la main de l’Archiduchesse Maria-Antonia pour le Dauphin.

Louis XV par Van Loo

Le 14 mai 1770

La rencontre entre le Dauphin et sa future épouse a lieu, au pont de Berne, dans la forêt de Compiègne. Le Roi, le Dauphin et la Cour sont là pour accueillir le cortège de Marie-Antoinette. À Sa descente du carrosse, la future Dauphine fait la révérence au Roi et est présentée par lui au duc de Berry, lequel Lui fait un discret baiser sur la joue.

Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola

Marie antoinette kirsten dunst GIF - Find on GIFER

Rencontre du Dauphin Louis-Auguste et de l'Archiduchesse Marie-Antoinette, La Guerre des Trônes, France 5, 2023
Arrivée de la Dauphine dans Jeanne du Barry de Maywenn

Le 15 mai 1770

La Dauphine quitte Compiègne et s’arrête à Saint-Denis, aux Carmélites, pour rendre visite à Madame Louise. Marie-Antoinette résidera au château de la Muette la veille de Son mariage. L’étiquette interdit à la Dauphine de passer la nuit à Versailles avant Son mariage.

Marie-Antoinette incarnée par Pauline Pollmann dans Jeanne du Barry de Maïwenn

Le 16 mai 1770

Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

À cette occasion, l’abbé Soldini adresse au Dauphin une longue lettre de conseils et recommandations pour sa vie à venir, et notamment sur les « mauvaises lectures » à éviter et sur l’attention à porter à son alimentation. Il l’exhorte enfin à toujours rester ponctuel, bon, affable, franc, ouvert mais prudent dans ses paroles. Soldini deviendra plus tard le confesseur du Dauphin devenu Roi.

Louis-Auguste, Dauphin de France par Louis-Michel Van Loo
Marie-Antoinette peinte vers 1770 par Joseph Ducreux
Image du film de Sofia Coppola (2006)

On compte cinq mille invités.

Là, Marie-Antoinette traverse la Galerie des Glaces en compagnie du roi et de son futur époux jusqu’à la chapelle. Le mariage est béni par l’archevêque de Reims. Puis, les époux et témoins signent les registres paroissiaux.  Le dîner est organisé dans le tout nouvel opéra du château ; le repas est accompagné par vingt-quatre musiciens habillés à la turque. Les époux, eux, mangent très peu. Peu après minuit, ils sont accompagnés à la chambre nuptiale. L’archevêque bénit le lit, le Dauphin reçoit sa chemise nuptiale des mains du Roi et la Dauphine des mains de la duchesse de Chartres, la plus haut placée des femmes mariées de la Cour.

Marie Antoinette (dir. Sofia Coppola, 2006)

Le cortège de la princesse arrive dans la cour royale du château, devant les haies des gardes françaises et gardes suisses qui présentent les armes à son passage dans un roulement de tambours. On accompagne la princesse jusqu’à un appartement du rez-de-chaussée du corps central, contigu à l’appartement de la Dauphine où habite présentement le Dauphin.

Elle est livrée aux mains de Sa dame d’atours, des dames qu’Elle a rencontrées à Strasbourg et aux femmes de chambres qui La vêt d’un somptueux grand habit à grand panier de brocart blanc brodé d’argent, car en tant que future Dauphine, elle ne peut revêtir du brocart d’or, le manteau royal ou la couronne.

A la nuit 

« Quand, en peu de temps, on (a) tout illuminé, les habits (sont) beaucoup plus brillants à la lumière… Ce nouvel éclat, joint à celui de l’illumination de la Galerie, (fait) un très grand effet. La table de jeu du Roi surtout , entourée de trois ou quatre rangs de dames superbement habillées, et la masse des diamants (font) un coup d’œil remarquable.»

Le duc de Croÿ

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est MA-Coppola-mariage-4.gif.

A dix heures

Le Roi passe au festin royal dans la grande salle d’Opéra royal, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel, qui est alors inaugurée.

A partir de 1748, Ange-Jacques Gabriel reprend les plans de ses prédécesseurs. Les premiers de travaux de gros œuvre sont exécutés. Les difficultés financières et les atermoiements quant à l’aménagement intérieur conduisent à les interrompre en 1756. Ils reprennent entre 1763 et 1765 avant d’être à nouveau arrêtés. La décision de terminer l’Opéra Royal intervient en 1768, lorsqu’est conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette.

Salle de l'opéra royal
Vue de la salle de l’Opéra royal aménagée pour le festin

 

Un lieu doit être trouvé pour célébrer les festivités. Assisté du machiniste Blaise-Henri Arnoult, Gabriel met la touche finale aux plans de l’Opéra Royal. Celui-ci est achevé en deux ans au terme d’un chantier pharaonique sur lequel travaillent nuit et jour des centaines d’ouvriers.

 

Arnoult le conçoit de manière à accueillir soit des spectacles soit des festivités. Lors des grandes réceptions, le plancher de la salle est rehaussé au niveau de la scène par des crics toujours en place, formant un gigantesque plateau d’environ 50 mètres sur 20 mètres. En revanche, dans la configuration spectacles, l’Opéra Royal accueille jusqu’à 1336 spectateurs. Une machinerie répartie sur 35 mètres de hauteur permet d’effectuer des changements de décors spectaculaires à la vue du public. La salle, entièrement exécutée en bois, dispose en outre d’une acoustique exceptionnelle.

Fêtes du mariage du Dauphin Louis-Auguste et de Marie-Antoinette par Moreau le Jeune

Lors du repas

Le Roi recommande à son petit-fils de ne pas trop se gaver pour la nuit qui l’attend, il reçoit cette répartie qui en dit plus long que le Dauphin l’imaginait :

« Pourquoi? je dors toujours mieux quand j’ai bien mangé….»

Après le festin a lieu le cérémonial du coucher du nouveau couple delphinal.

L’assistance assiste au coucher des époux.

Les jeunes mariés sont conduits dans la chambre nuptiale, celle de Marie-Antoinette. La couche est bénie par l’archevêque de Reims. Le Roi passe sa chemise de nuit au Dauphin et la duchesse de Chartres à la Dauphine. Ils vont au lit en présence de toute la Cour afin de montrer qu’ils partagent bien le même lit.

     Lorsque Marie-Antoinette devient Dauphine, Elle devient la première femme de France…rôle qui incombait depuis deux ans sinon officiellement, du moins dans les fastes de la Cour à Madame du Barry (1743-1793), de trente-trois ans plus jeune que Louis XV, son royal amant à qui elle aurait appris des plaisirs nouveaux…

Image de La Guerre des Trônes (2022)
Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola

Le mariage ne sera pas consommé cette nuit-là…

La Cour, la France, l’Europe jaseront alors quant à l’ade la sexualité du  des mariés et même vis à vis de la sexualité de Louis-Auguste.

Le 17 mai 1770

La série des fêtes de mariage débute par la présentation générale de toute la Cour à la Dauphine.

Les fêtes du mariage vues par Sofia Coppola (2006)

Pendant ce temps, au dehors, la fête populaire bat son plein. Deux cent mille personnes, venues de Paris et des environs, remplissent presque les jardins immenses. On danse aux orchestres installés dans les bosquets. La famille royale et la Cour, venant du bal paré, prennent place dans la Galerie. Le feu, quoique contrarié par la fumée, excite de longs applaudissements ; il est rempli d’effets nouveaux ; le disque des soleils tournants porte les armes de France et le chiffre des époux, et la guirlande finale compte vingt mille fusées, ce qu’on n’a encore jamais vu. Moins d’une heure après, toutes les charpentes sont à terre, les batteries enlevées, et l’illumination commence. On aperçoit d’abord, tout au bout du grand canal, sur la droite de Saint-Cyr, une haute architecture de feu, le temple du Soleil ; puis les longues berges s’éclairent peu à peu, tandis qu’une flottille de gondoles couvertes de lanternes, se met à évoluer sur l’eau, au son des cuivres des gardes françaises qui la montent. Les feux se rapprochent et gagnent le Tapis-Vert. Cent soixante mille lampions et terrines s’allument en ifs, en arcades, en guirlandes. Les lignes du Château et des rampes se dessinent en cordons lumineux. C’est la plus grande illumination faite à Versailles depuis celles du Grand Roi. 

Pendant plus de quinze jours

Bals, représentations théâtrales et fêtes publiques se succèdent.

Le 23 mai 1770

Représentation d’Athalie de Racine dans l’opéra royal de Versailles, le soir.

Le 30 mai 1770

A l’occasion du feu d’artifice tiré à Paris pour célébrer le mariage du Dauphin, une fusée tombe sur le décor et l’enflamme, semant la panique dans la foule : une bousculade meurtrière cause la mort de cent trente-deux personnes.

Dès le mois de juin 1770

Le Dauphin tente d’éloigner l’abbé de Vermond de la Dauphine ce que le Roi lui refuse. Louis-Auguste donne cependant à son grand-père la plus grande preuve de tendresse et de respect. Non seulement il accepte d’assister à des soupers que toute la famille royale évite avec affectation, mais il en fait solliciter la permission comme une faveur, et par l’entremise de madame du Barry elle-même.

Il est évident qu’il a l’intention de se montrer courtois avec la favorite et les autres personnes qu’il rencontre chez le Roi. Louis XV est d’autant plus sensible à ses attentions qu’il en est moins habitué de la part de ses enfants. La démarche de son petit-fils le touche vivement, et sa joie éclate jusque dans ses lettres à l’Infant de Parme: 

Le 16 juin 1770

Après avoir évoqué son fils, Louis XV ajoute :

« Le destin m’en donne un autre (fils) qui me paraît (devoir) faire le bonheur du reste de mes  jours et je l’aime de tout mon cœur parce qu’il me le rend.»

Le 24 juin 1770

« Je suis très content de mon petit-fils par l’amitié qu’il me marque intérieurement et extérieurement, et c’est ce dernier point qui me plaît plus car j’étais bien sûr du premier.»

Louis XV à l’Infant Ferdinand de Parme

Le 9 septembre 1770

Louis XV va au Petit Trianon, avec la comtesse du Barry, et y dort pour la première fois.

Le 10 septembre 1770

Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.

Portrait de Madame Louise-Marie de France, par François-Hubert Drouais, huile sur toile, 1763, National Gallery, Victoria, Australie
Intérieur de la chapelle du couvent des Carmélites de Saint-Denis, photographie de L.Desmoulins, département de la Seine-Saint-Denis, 2006
Madame Louise de France en Mère Thérèse de Saint-Augustin

Elle choisit d’entrer au carmel de Saint-Denis, le « plus pauvre carmel de France » où, d’après la rumeur, la règle passe pour être très rude. Ce Carmel, qui menaçait de fermer à cause de ses trop faibles moyens financiers, se trouve ainsi sauvé par l’arrivée d’une carmélite apportant une forte dot et susceptible d’attirer d’importantes oboles. Comme nom de religieuse, elle choisit « Thérèse de Saint-Augustin » en hommage à sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), mystique et réformatrice de l’Ordre du Carmel.


C’est la jeune Dauphine, qui vient d’épouser le futur Louis XVI qui lui remet son voile, et elle reçoit en cadeau «la pièce d’estomac» de la robe de la princesse.
À peine entrée au Carmel, elle se voit confier la charge de maîtresse des novices. Ce n’est pas moins de treize jeunes novices qu’elle doit diriger, guider et parfois modérer dans leur enthousiasme.

François-Etienne, comte de Stainville puis duc de Choiseul
François-Etienne, comte de Stainville puis duc de Choiseul

 Le 24 décembre 1770

Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale  dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. Marie-Antoinette est persuadée que Jeanne du Barry a forcé la décision du Roi.

Le 14 février 1771

Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.

Le 12 septembre 1771

Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.

Le 11 août 1772

Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.

Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :

« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»

Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame Du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.

Louis XV par Drouais, 1773

Le 1er janvier 1773

Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :

« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »

C’est tout.

C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.

Le 20 mars 1773 selon la tradition

Le Roi vieillissant est distrait par la comtesse du Barry. Tandis qu’il la lutine dans les petits appartements de Versailles, le précieux mélange de café qu’il préparait menace lui aussi de prendre ses aises. 

« Eh ! La France, prends donc garde, ton café f… le camp, s’écrie la belle Favorite !….. »

Les propos sont surpris et dès le lendemain, toute la Cour se gausse de la faiblesse du Roi et de la vulgarité de sa maîtresse.

L’anecdote est rapportée en 1775, deux ans après les faits, par Pidansat de Mairobert, qui publie anonymement à Londres ses Anecdotes sur Madame la comtesse du Barry. Ce pamphlet virulent, qui ne donne pour source qu’un journal manuscrit aujourd’hui perdu, n’est absolument pas digne de foi. Il témoigne tout au plus du mépris de la Cour pour la favorite, un mépris longtemps contenu et qui peut s’exprimer librement après la mort du Roi.

Il est cependant peu plausible que, même dans l’intimité, la comtesse se soit permis autant d’incongruités ramassées en une seule phrase : tutoyer le monarque, l’affubler d’un surnom ridicule, utiliser un mot grossier. La phrase n’a-t-elle pour autant jamais été prononcée ? Pas si sûr. Un historien, Charles Vatel, a retrouvé dans les comptes du tailleur Carlier, entre 1770 et 1772, des commandes passées par un certain La France, valet de pied de madame du Barry. Les domestiques étaient souvent appelés par le nom de leur région d’origine. Ainsi Damiens, qui a tenté d’assassiner Louis XV, avait-il servi sous le nom de Flamand chez des parlementaires parisiens, puisqu’il venait du Pas-de-Calais. La France était donc un domestique venu d’Ile-de-France, ce qui explique le tutoiement et le langage relâché de la favorite.

L’article de Jean-Claude Bologne, historien, essayiste et romancier

Louis XV, deux mois avant sa mort, en mars 1774, par Montpetit Cette peinture sur tissu, montre Louis XV à la fin de sa vie. Les commissures des lèvres sont relevées, comme pour esquisser un sourire auquel personne ne croit, ni lui, ni le spectateur, transpercé par un regard désabusé et mélancolique qui pressent sa fin

 

Le 16 novembre 1773

Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.

 

 

Le petit théâtre des combles,
Le projet inabouti de théâtre de Louis XV
( texte  et  illustrations  de  Christophe Duarte – Versailles Passion )

Louis XV, malade, demande la création d’une salle de théâtre destiné à accueillir un petit nombre de spectateurs parmi les proches du Roi et de madame du Barry. Dans le prolongement de l’appartement de madame du Barry, à l’attique de l’Aile Neuve qu’il vient de construire, l’architecte Gabriel (1698-1782) prévoit, dans un espace restreint, de bâtir une salle en forme de fer à cheval, une loge royale dotée d’une garde-robe, un fosse d’orchestre et une scène pouvant accueillir un décor en cinq plans.

Louis XV mourra avant le début des travaux. Et ce petit théâtre de poche ne verra jamais le jour.

Ce projet a pu être reconstitué grâce aux plans conservés aux Archives Nationales et au logiciel VERSPERA. Le décor a été inventé par les étudiants de la licence pro de l’université de Cergy Pontoise.

Anne Carrère est Jeanne du Barry dans Marie-Antoinette de Jean Delannoy (1956)

Le 14 avril 1774

En se levant à Trianon, Louis XV a des douleurs dans la jambe, une forte migraine et des frissons.

Le déjeuner lui est répugnant, il n’a de goût à rien . Même la partie de chasse ne l’enchante pas, il reste dans sa voiture et a très froid. Le duc de Croÿ qui l’accompagne est inquiet en disant :

« Le Roi est malade!»

Son premier chirurgien, monsieur de La Martinière, diagnostique une fièvre sérieuse et insiste pour que le Roi regagne Versailles:

« Sire, c’est à Versailles qu’il faut être malade.»

Faisant fi des avis de madame du Barry, le chirurgien organise le transport: sous son manteau en robe de chambre, le Roi montre dans sa voiture. Son lit est fait à la hâte, un lit de camp est installé à côté.

Le premier médecin et le premier chirurgien se consultent et décrètent un traitement avec application de mouches sur les tempes et administration d’opium.

La nuit du Roi est catastrophique.

Louis Savoye est Louis XV dans Marie-Antoinette, la véritable histoire (2006) de Francis Leclerc et Yves Simoneau

Le 28 avril 1774

Les hommes de médecine saignent le Roi, mais aucune amélioration n’est visible. Ils envisagent une deuxième voire une troisième saignée si besoin est. Louis XV sait ce que cela signifie : après la troisième saignée, il devra recevoir les saints sacrements.
Ces hommes de médecine sont impuissants et ne savent plus quel remède proposer . Ils demandent l’aide
de deux confrères, le médecin de madame du Barry et un médecin réputé de Paris. Mais personne n’arrive
à mettre un nom sur ce mal.