Le 7 décembre 1697
Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), surnommé le Petit Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie (1666-1732).
Fin novembre 1699
Le duc de Bourgogne décide qu’il ne ferait plus chambre à part avec son épouse, après la consommation de leur mariage le 22 octobre 1699.
En cette fin de règne de Louis XIV, Marie-Adélaïde distrait un Roi vieillissant. Il faut de la gaîté, de la jeunesse, de l’enfance répandue partout (recommandation de Louis XIV à Jules Hardouin Mansart pour l’aménagement de la Ménagerie de Versailles en 1699).
Le 7 mai 1701
La duchesse de Bourgogne a ses premières règles. La duchesse du Lude, sa dame d’honneur, demande une audience particulière, à Louis XIV, pour lui annoncer.
Le 21 Février 1702
«La parure de Madame la duchesse de Bourgogne (est) superbe.Tous ceux qui (voient) Madame avec son habit à l’espagnole (sont) charmés et l’empressement de la voir (est) grand, mais il faudrait entendre cette princesse parler espagnol, cette langue ne parait pas moins agréable dans sa bouche que l’habit espagnol sur son auguste personne.»
Le 25 juin 1704
Naissance de Louis de France, duc de Bretagne, qui meurt le 13 avril 1705
Le 8 janvier 1708
Naissance de Louis de France, nouveau duc de Bretagne puis Dauphin de France (pendant un mois!) qui mourra le 8 mars 1712. Il est le troisième fils de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), surnommé le Petit Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712) et, à ce titre, le quatrième prince en ligne successorale.
Le 15 février 1710
à six heures, trois minutes et trois secondes
Marie-Adélaïde de Savoie met au monde un fils que l’on prénomme Louis et que l’on titre duc d’Anjou, c’est le futur Louis XV.
Le soir du 19 mars 1711
Louis, Grand Dauphin fait un malaise… après avoir englouti trop de poisson. Il se remet, mais est contraint de garder le lit pendant plus d’une semaine. Louis XIV a eu bien peur, et tout Paris fête sa rémission.
Le 9 avril 1711
Le Grand Dauphin est victime d’un nouveau malaise au moment de son lever. Le diagnostic cette fois est sans appel : il est atteint par la petite vérole. On le transporte à Meudon, sa résidence privilégiée, où Louis XIV vient le rejoindre.
Le 12 avril 1711
Monseigneur commence à délirer et l’accès à sa chambre est interdit, sur ordre même de Louis XIV.
Au soir du 14 avril 1711
Monseigneur fait une dramatique rechute qui lui est fatale : il meurt à onze heures du soir.
Dévasté, Louis XIV écrit quelques jours plus tard à son petit-fils devenu Philippe V d’Espagne :
« J’ai perdu mon fils et vous perdez en lui un père qui vous aimait aussi tendrement que je l’aimais lui-même. Il méritait toute mon amitié, par son attachement pour moi, par son attention continuelle à me plaire, et je le regardais comme un ami à qui je pouvais ouvrir mon cœur et donner toute ma confiance.»
Dès le 15 avril 1711
Le duc et la duchesse de Bourgogne reçoivent respectivement les titres et prérogatives de Dauphin et Dauphine de France.
Les obsèques sont organisées rapidement, par peur de la contagion.
Le 17 avril 1711
Le cercueil de l’héritier est conduit jusqu’à Saint-Denis pour y être enseveli.
Le 18 avril 1711
La cérémonie est présidée par Louis de France, duc de Bourgogne, fils aîné du défunt et nouvel héritier du royaume.
Dans la nuit du 7 au 8 février 1712
La Dauphine est prise de vomissements accompagnés de convulsions douloureuses qui ne cessent qu’au petit matin.
Le soir du 8 février 1712
Le verdict tombe : elle est atteinte de la rougeole. Tandis qu’elle se remet, aidée par des gouttes d’opium, le Dauphin à son tour se sent mal. Il se rétablit.
Le soir du 10 février 1712
Marie-Adélaïde est victime d’une terrible rechute.
Sept médecins se relaient à son chevet, et on peut facilement imaginer qu’ils aggravent le mal, ne trouvant évidemment rien de mieux à faire que de saigner leur illustre patiente. Sentant sa fin approcher, la Dauphine murmure, désabusée :
« Princesse aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée… »
Le 12 février 1712
Souffrant atrocement, la duchesse de Bourgogne perd connaissance et meurt dans la journée, tout juste âgée de vingt-six ans. Une autopsie pratiquée deux jours plus tard révèle qu’elle était enceinte de six semaines.
Louis XIV est très atteint par la mort de celle qui enchantait, par son humour et son esprit, sa vie quotidienne languissante. Le monarque voit disparaître l’unique plaisir de ses vieux jours, la seule qui était capable de l’égayer, en même temps qu’il voit s’effondrer tous les espoirs politiques qu’il plaçait en elle. Sa douleur est terrible.
Réfugié à Marly, il est rejoint par son petit-fils, que l’on doit arracher à son appartement de Versailles dans lequel il s’est retranché, écrasé de douleur. Assommé par la perte de son épouse adorée, le dauphin ne parvient pas à reprendre ses esprits. Il s’affaiblit. Le Roi est épouvanté lorsqu’il découvre sur son visage les mêmes marques rougeâtres qui ont défiguré la Dauphine.
Dès le 15 février 1712
Le duc de Bourgogne doit s’aliter.
Dans la nuit du 17 au 18 février 1712
Le mal empire, il est même victime d’une crise de délire : ses domestiques doivent s’y mettre à plusieurs pour le maintenir sur son lit.
Le matin du 18 février 1712
Résigné, le duc de Bourgogne se laisse mourir et rend son âme à Dieu, âgé de vingt-neuf ans, « six jours après l’épouse qu’il avait passionnément aimée » au château de Marly (on croit à tort qu’il a été empoisonné).»
Les cœurs du Dauphin et de la Dauphine sont déposés au Val-de-Grâce, leurs corps conduits à Saint-Denis pour une cérémonie commune, dans la consternation et la tristesse générale. Louis de Bourgogne (1682-1712) a été l’élève du doux Fénelon, qui écrivit pour lui le célèbre «Télémaque» . Il a épousé Marie-Adélaïde de Savoie qui lui a donné trois enfants: Louis de France, duc de Bretagne; un deuxième Louis de France, duc de Bretagne et dauphin de France, et Louis de France, duc d’Anjou, qui deviendra par la suite le Roi Louis XV. Le duc de Bourgogne succombe de la rougeole, qu’il a contracté en soignant sa femme chérie.
Dès le 20 février 1712
Louis XIV confère au duc de Bretagne, fils aîné du couple défunt, un beau garçon vigoureux de cinq ans et demi, le titre de Dauphin. Le pauvre enfant s’exclame alors, se tournant vers sa gouvernante :
« Oh ! maman, ne me donnez pas ce nom, il est trop triste. »
Le 26 février 1712
Une forte fièvre se déclare chez le nouveau Dauphin.
Le 7 mars 1712
Le Dauphin et son petit frère le duc d’Anjou portent les marques de la rougeole… On se hâte de les baptiser en leur conférant le prénom de Louis à tous les deux. Les médecins s’acharnent sur l’aîné dans l’espoir de sauver celui qui représente l’avenir de la dynastie. Saignées et purges le précipitent dans la tombe.
Dans la nuit du 8 mars 1712
Louis, duc de Bretagne, frère aîné du futur Louis XV, qui à la mort de son père, était devenu héritier du trône de France, s’éteint. Il ne lui survit que peu de temps, emporté comme lui et sa mère par la rougeole. Cette tragédie familiale terrasse le Roi Louis XIV (1738-1715) , leur aïeul, et bouleverse la Cour. Le lendemain, le spectacle de son petit chien prostré gémissant à la place ordinaire de son maître dans la chapelle arracha des sanglots à toute la Cour.
Son frère Louis lui succède comme Dauphin de France. Il est aussi gravement atteint. Cependant sa gouvernante, Madame de Ventadour, épouvantée par le décès de l’aîné, s’oppose vigoureusement à la saignée. Elle obtient gain de cause. Assistée de la sous-gouvernante madame de Villefort, elle soigne le petit Louis en lui faisant ingurgiter biscuits et vin, le gardant bien au chaud.
Ce même jour, le futur Louis XV est d’ailleurs baptisé dans l’appartement des Enfants de France du château de Versailles par Henri-Charles de Cambout, duc de Coislin (1665-1732) , évêque de Metz, premier aumônier du Roi.
Son parrain est Louis Marie de Prie, marquis de Planes, et sa marraine est Marie Isabelle Gabrielle Angélique de La Mothe-Houdancourt (1654-1726), la mère de sa gouvernante, madame de Ventadour. Baptisé en même temps que son frère, Louis de France, qui meurt le jour-même, et les deux enfants étant en danger de mort, le Roi avait ordonné qu’on prenne pour parrains et marraines ceux qui se trouvaient alors dans la chambre.
Le 10 mars 1712
Tandis que le corps du duc de Bretagne rejoint ceux de ses parents à Saint-Denis, son frère, soustrait aux médecins, se rétablit. Il se voit attribuer le titre de Dauphin par Louis XIV. Épithète qui semble porter malheur : le duc d’Anjou est le quatrième prince de la maison de Bourbon à porter ce titre en moins d’un an !
Dès le 12 mars 1712
Le nouveau Dauphin semble définitivement guéri, grâce aux bons soins de Madame de Ventadour, qui refuse toujours obstinément de le laisser approcher par les médecins : « Elle sauva ainsi d’une mort certaine le futur Louis XV ».
En 1714
Louis est confié à un précepteur, l’abbé Perot. Celui-ci lui apprend à lire et à écrire, et lui enseigne des rudiments d’histoire et de géographie et lui donne l’enseignement religieux nécessaire au futur Roi.
En 1715
Le jeune dauphin reçoit également un maître à danser, puis un maître à écrire. Son confesseur est le père Le Tellier.
Le 9 août 1715
Au retour de Marly, le Roi apparaît brusquement très abattu.
Le 10 août 1715
Il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que son premier médecin Fagon diagnostique deux jours plus tard : il attribue la douleur à une sciatique et préconise une médecine. Les jours passent, les nuits sont agitées, le Roi se nourrit de moins en moins et il paraît à tous, de plus en plus affaibli …
Au cœur de l’été 1715
Louis XIV approche de ses soixante-dix-sept ans. Le souverain souffre de multiples maux, en particulier de crises de goutte.
Le 14 août 1715
Il ressent un grand état de fatigue et le marquis de Dangeau (1638-1720) évoque son épuisement :
« Il me parut en se déshabillant un homme mort. Jamais le dépérissement d’un corps vigoureux n’est venu avec une précipitation semblable à la maigreur dont il était devenu en peu de temps. Il semblait, à voir son corps nu, qu’on en avait fait fondre les chairs. »
Le crépuscule du Roi Soleil
( texte des frères Antoine et images de Christophe Duarte – Versailles passion )
Dimanche 18 août 1715
« Les maux augmentent le dimanche 18 août, neuvième jour de la maladie. Sa Majesté a passé toute le nuit dans un grand abattement. Elle ne permet l’entrée de sa chambre qu’à dix heures, fatiguée du lit et des sueurs. Elle veut se lever pour changer de linge. Elle ne demeure qu’un quart d’heure dans son fauteuil, la faiblesse l’oblige de se remettre au lit. […].»
« Les ducs d’Orléans, du Maine et de Toulouse rendent visite au Roi […] La surprise, la tristesse et la consternation sont peintes sur leurs visages […]. Le Roi entend la Messe, prend quelque nourriture et sur les quatre heures se fait lever pour se délasser […].»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Lundi 19 août 1715
« La nuit n’est pas meilleure que la précédente. Le Roi n’a aucun repos […].Sur les sept heures, Monsieur Fagon (premier médecin du Roi) et le reste de la faculté, trouvent la fièvre fort augmentée […]. Ils trouvent un grand changement sur la jambe du Roi. Elle est enflée. M. le Maréchal remarque une petite noirceur sur le pied qui lui semble de mauvaise augure […].Sa Majesté profite de ce petit relâchement pour entendre la messe. Elle prend ensuite un bouillon […], elle passe la journée doucement.La visite des Princes qui voient quelques petites lueur d’espérance de santé le contient au même état jusqu’au coucher qui est public».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Mardi 20 août 1715 :
« La nuit du 19 au 20, le Roi la passe dans des douleurs et dans des agitations terribles. Les médecins qui viennent au grand matin, le trouvent encore dans cet état […].
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Ce Prince n’a jamais répugné à ce qu’on lui ordonne jusqu’à lui faire des incisions ou même d’en faire l’amputation si il est jugé nécessaire […].
Les médecins viennent ce jour le plus fréquemment toucher le pouls de leur malade. Ils paraissent plus abattus et intrigués. Le Roi le remarque et sans s’émouvoir, leur dit : «Je vois bien Messieurs par vos manières que vous me trouvez plus mal. Je suis véritablement abattu, mais comment voulez-vous que je fusse autrement, souffrant jour et nuit sans relâche […]».
Le Roi entend la messe et, sa jambe lui donnant un peu de relâche, ordonne de laisser l’entrée de la chambre libre […].
La foule dure jusqu’au soir que le Roi ordonne que l’on fasse retirer tout le monde.»
Jeudi 22 août 1715
« La nuit est aussi fâcheuse qu’aucune autre. Le Roi n’a aucun repos et souffre cruellement. Les médecins entrent de grand matin.
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Sur les neuf heures arrivent dix médecins de Paris. Sa Majesté les prévient de manière affable : «Vous me voyez dans un fâcheux état de maladie depuis le dix de ce mois sans pouvoir trouver aucun secours. Je vous ai mandé pour savoir de vous si vous pouvez me procurer quelques soulagement aux maux qu’il plait au Seigneur de m’envoyer. Ils sont grands mais je m’y soumets puisque c’est sa volonté».
Le Roi prend ensuite du lait d’ânesse et entend la messe. Après le dîné, le Roi qui se trouve un peu mieux se fait porter dans son grand cabinet ou se rendent les Princes de Sang. Le plaisir qu’elle prend à voir l’empressement et l’amour de ses courtisans lui donne de la satisfaction.
Après avoir pris un bouillon, sa Majesté congédie tout le monde et se couche».
Vendredi 23 août 1715
« Sur les six heures, le Roi prend du lait d’ânesse […] et se rendort jusqu’à neuf heures. Il se réveille alors dans une sueur copieuse […].
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le Roi prend un bouillon et se fait raser comme tous les trois jours […].
Les duc du Maine, d’Orléans et de Toulouse conversent quelques temps avec sa Majesté. Après qu’ils sont partis, il se fait remettre au lit après avoir bu deux grands verres d’eau […].»
Georges Mareschal (1658-1736), Premier chirurgien du Roi depuis 1703 et Guy-Crescent Fagon (1638-1718), Premier médecin du Roi à partir de 1693, peinent à établir un diagnostic, estimant qu’il s’agit d’une sciatique ou d’un mauvais érysipèle (infection de la peau), à cause de rougeurs aux jambes. Des massages, des bains d’herbes aromatiques, du quinquina ou du lait d’ânesse sont prescrits, mais ils ne calment ni la douleur, ni la fièvre.
« Monsieur Maréchal débande sa jambe, il est surpris de la voir en si mauvais état […] Le Roi demeure seul avec le père Le Tellier jusqu’à onze heures. Il fait ensuite appeler Madame de Maintenon.»
Tout l’après-midi est violente : les médecins se rendent assidus mais sans succès.
« Sur les sept heures, pour faire diversion de sa douleur, le Roi ordonne de faire venir quelques un de ses musiciens chanter dans sa chambre. Il prend beaucoup de plaisir à entendre chanter des airs italiens jusqu’à neuf heures».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Samedi 24 août 1715
« La nuit suivante, le Roi est attaqué de vapeurs qui incommodent fort […].
Les médecins visitent la jambe affligée et y observent une noirceur au dessous de la jarretière : c’était une marque de mauvaise augure qui menace la gangrène […].»La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
« Le Roi entend la messe, prend un bouillon et malgré les douleurs, il tient conseil de finances jusqu’à onze heures […].
Quelque soin que l’on prend de divertir le Roi de sa mélancolie, on ne réussit cette fois. Il juge apparemment du péril, il mande le Père Le Tellier et s’enferme seul avec lui pour se réconcilier et se disposer à la mort. La nouvelle s’en répand et alarme la Cour.
Sur les huit heures, on recouche le Roi qui n’a pris qu’un seul bouillon et depuis ce jour-là, le père Le Tellier ne le quitte plus».La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le duc de Saint-Simon (1675-1755) observe qu’on « visita sa jambe, où il parut des marques noirs » : la gangrène est diagnostiquée. Le roi est perdu ! Il reste alité, agonisant.
Dimanche 25 août 1715
« Le lendemain est la fête de la Saint Louis […] Ce jour a été jusque là un jour de fête et de triomphe : c’est un jour de tristesse et de consternation. Le Roi y reçoit les compliments des princes et des seigneurs […]. En ce jour, il ne s’y refuse pourtant pas […].
Sa Majesté qui n’a pas bien reposé et fatiguée de tant de visite a un grand besoin de repos. Elle a le visage rouge et enflammé. Sur les dix heures, le premier Gentilhomme de la Chambre vient dire au Roi qu’à l’occasion de sa fête, les hautbois, les vingt-quatre violons et les musiciens viennent donner aubade à Sa Majesté qui, quoique malade, ne veut point interrompre ce qui est de coutume […].
Après les fanfares, le Roi entend la messe avec un redoublement d’attention et de dévotion […].Sur les dix heures du soir, le Cardinal de Rohan apporte les Saints Sacrements dans la chambre […] Monsieur le Cardinal lui administre les Saints Viatiques et l’Extrême-Onction qu’il reçoit avec une grande démonstration de piété, répétant plusieurs fois ces paroles entrecoupées de sanglots et de larmes : « Mon Dieu ayez pitié de moi, j’espère votre miséricorde ».
Il parle ensuite au duc d’Orléans : « Mon cher neveu, j’ai fait un testament ou je vous ai conservé tous les droits que vous donne votre naissance. Je vous recommande le Dauphin, servez le aussi bien et aussi fidèlement que vous m’avez servi […]« .
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Il aperçoit de son lit Madame de Maintenon qui fond en larme de le voir dans un état si déplorable : « Quoi Madame ? vous vous affligez de me voir en état de bientôt mourir ? n’ai-je pas assez vécu ? M’avez-vous cru immortel ? non non, je sais très bien qu’il faut tout quitter. Il y a longtemps que j’y ai pensé et que je m’y suis préparé ».»
Le 26 août 1715
« La nuit du 26 de cette cruelle maladie, le Roi ne dort que par intervalle et ses forces diminuent tellement qu’on est obligé de lui lever la tête pour lui faire prendre quelque chose et lui porter et soutenir les membres quand il faut le remuer.
Sur les huit heures, il souhaite entendre la messe […]. Après celle-ci, Sa Majesté fait appeler les princes et princesses qui attendent dans le cabinet : « Je vous dis adieu Messieurs et Mesdames puisqu’il faut mourir et nous quitter, m’ayant plus de remèdes. Je vous conjure de vous souvenir de moi et de vivre tous en grande union. Je vous recommande le Dauphin très particulièrement« .[…] Le Roi a fait des efforts extraordinaires pour parler assez haut pour se faire entendre de tout le monde, il a les yeux rouges et étincelants mais le corps si abattu que les médecins lui ayant touché le pouls trouvent une fièvre très violente et le pouls convulsif. Ils visitent sa jambe où la gangrène a fait de nouveau progrès […].
Un moment après que les chirurgiens sont retirés, le Roi commande qu’on lui emmène le Dauphin. Après qu’on l’a placé dans un fauteuil au chevet du lit, le Roi lui dit :
» Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c’est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela ; j’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets. »Le reste de ce jour se passe dans de grandes inquiétudes.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Mardi 27 août 1715
« Sa Majesté ressent des douleurs inconcevable par tout le corps excepté à la jambe où elle n’a point de sentiment […]. Sur les dix heures, les chirurgiens exécutent ce qu’ils ont résolu : la scarification […] Sa Majesté n’en ressent aucune douleur.
Ces diverses opérations occupent tout le temps jusqu’à quatre heures que Madame de Maintenon arrive pour voir dans quel état est le Roi. Elle le trouve si abattu qu’à peine peut-il parler.
Sa Majesté ordonne d’apporter toutes les cassettes de son petit cabinet […] On ne sait point ce qui se passe dans cette occasion. Les officiers de la chambre s’aperçoivent qu’on a brûlé beaucoup de papiers.»La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Mercredi 28 août 1715
« Les désordres augmentent durant la nuit. Le Roi la passe dans une disposition encore plus mauvaise que les précédentes, dans des agitations terribles sans vouloir prendre aucune nourriture.
Cependant, on entend ce pauvre Prince prier sans cesse le Seigneur de lui donner la force de souffrir ses maux pour l’amour de lui. Le Père Le Tellier, l’exhortant de se soumettre à la volonté de Dieu dans cette extrémité. Il lui demande s’il n’a pas de regret de quitter son royaume et toutes les grandeurs du monde, Sa Majesté répond d’un ton ferme : « Non mon Père, je les ai oubliés et je suis bien persuadé que la grandeur de Dieu est infiniment élevée au dessus des Rois de la Terre ».»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Jeudi 29 août 1715
« Les chirurgiens et médecins viennent de grand matin visiter le Roi. Ils le trouvent dans une faiblesse extrême avec tous les symptômes d’une mort prochaine. Dans cet état, un médecin venu de Marseille s’adresse au duc d’Orléans disant qu’il a un remède spécifique pour toutes sortes de gangrènes extérieures et intérieures et pour purifier le sang. Il le conduit au lit du Roi, lui tâte le pouls qu’il trouve comme celui d’une personne mourante […]. On lui ordonne de le faire prendre à Sa Majesté s’il peut encore lui être utile. Il en verse quelques gouttes dans un petit verre de vin de Bourgogne et le présente au Roi lui disant : «Sire, c’est un très bon remède qui fera du bien à Votre Majesté« . A ces paroles, le Roi se réveille comme en sursaut et prend le remède sans peine. Peu après, le Roi se trouve plus tranquille, la vue plus claire et la parole plus libre et plus ferme. Un changement si peu espéré donne une grande idée de la capacité du médecin de Marseille qui ajoute à son élixir des bouillons qu’il fait prendre d’heure en heure au Roi et qui lui donnent de la force et même de l’appétit […].
Monsieur Maréchal visite plusieurs fois la jambe du Roi et la fait voir au médecin de Marseille qui est bien surpris de la voir entièrement gangrenée. Ce qui fait juger que quel qu’excellent remède que ce soit, il ne peut pas guérir un si grand mal.
L’effet néanmoins qu’il a produit donne quelques espérances […] le bruit se répand dans Paris que Sa Majesté est hors de danger».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Vendredi 30 août 1715
« La nuit est très mauvaise. La deuxième dose d’élixir ne fait pas un si bon effet que la première. Elle ne fait que réveiller un peu l’esprit et soutenir la nature qui défaille. Le mal se trouve plus fort que le remède.
Pendant toute la nuit, le Roi pousse des soupirs fréquents qui font perdre l’espérance de la vie, il ne perd point la parole ni la connaissance comme il a fait les jours précédents […].
Sur les deux heures, Madame de Maintenon arrive de Saint-Cyr pour voir le Roi. C’est inutilement car elle le trouve sans parole, sans sentiment, les yeux ouverts et fixes et sans aucun mouvement. Ce qui l’oblige de retourner dans sa retraite […] pour y passer le reste de sa vie a prier le repos de l’âme du Prince.
Le pauvre Prince flotte entre la vie et la mort. On l’entend de temps en temps prier d’une voix faible et tremblante. […] On attend plus que le moment de sa mort que l’on envisage comme très prochaine».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Samedi 31 août 1715
« Le Roi semble être un peu mieux. Sur le matin, il paraît fort tranquille, tranquillité pourtant qui ne vient que d’un abattement et non d’un changement réel car pendant toute la nuit, il a perdu toute connaissance et tout usage de ses sens.
Monsieur Maréchal visite la jambe de Sa Majesté […]. Il la trouve toute noire jusqu’en haut de la cuisse.
Le Roi demeure en cet état jusqu’à midi qu’il tombe dans une espèce d’assoupissement léthargique […]
On lui fait prendre de temps en temps quelques gouttes de gelée.
Ainsi se passe le triste jour que l’on croyait être le dernier de la vie de Louis XIV».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le 1er septembre 1715
à huit heures un quart du matin
« Louis XIV meurt d’une ischémie aiguë du membre inférieur, causée par une embolie liée à une arythmie complète, compliquée de gangrène aux alentours de huit heures un quart du matin, entouré de ses chiens, après cette agonie de plusieurs jours.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Son règne a duré soixante-douze années et cent jours.
« Aussitôt qu’il est expiré, Monsieur Maréchal aidé des garçons de chambre tire le corps du lit pour le changer de linge et le mettre sur son séant dans le même lit afin qu’il puisse être vu à découvert de tout le monde tout ce jour. Et comme il est demeuré la bouche et les yeux ouverts, Tartillière (garçon de chambre) rend à son maître les derniers services en lui fermant.
Son visage est jaunâtre et décharné mais peu changé et les yeux fixes et aussi beaux que pendant sa vie.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
« Le corps ainsi posé sur son lit, on ouvre les portes des appartements et aussitôt, les princes et seigneurs de la Cour, les officiers qui s’y trouvent, viennent rendre les derniers devoirs au corps du défunt Roi et sont suivis d’un grand nombre de peuple […].
Monsieur le duc d’Orléans étant arrivé après avoir rendu les derniers devoirs au corps du Roi défunt, entre dans l’appartement où l’on annonce à haute voix la mort de Louis XIV. Et en même temps, on proclame Louis XV.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Le lendemain du décès
« De la chambre du Roi, le corps est transporté dans l’antichambre de l’Œil-de-bœuf pour être autopsié, triparti (séparation du corps, du cœur et des entrailles) puis embaumé avant d’être enfermé dans un double cercueil, de plomb et de chêne.»
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Voici le procès verbal cette l’autopsie du corps du Roi Soleil :
« Aujourd’huy, deuxième septembre de l’année 1715, nous nous sommes assemblés à neuf heures du matin, dans le Château de Versailles, pour y faire l’ouverture du corps du roy, où nous avons trouvé ce qui suit :
A l’extérieur, tout le côté gauche nous parut gangrené depuis l’extrémité du pied jusqu’au sommet de la tête. L’épiderme s’enlevait généralement par tout le corps des deux côtés le côté droit était gangrené, en plusieurs endroits, mais beaucoup moins que le gauche, et le ventre paraissait extrêmement bouffi.
A l’ouverture du bas-ventre, les intestins se sont trouvés altérés avec quelques marques d’inflammation ; principalement ceux qui étaient situés du côté gauche, et les gros intestins, prodigieusement dilatés. Les reins étaient assez dans leur état naturel. On a trouvé seulement dans le gauche une petite pierre de pareille grosseur à celle qu’il a rendue par les urines plusieurs fois pendant la vie, sans aucun signe seulement de douleur.
Le foie, la rate, l’estomac, la vessie étaient absolument sains et dans leur état naturel, tant au-dedans qu’au dehors.
A l’ouverture de la poitrine, nous avons trouvé les poumons sains, aussi bien que le cœur dont les extrémités des vaisseaux et quelques valvules étaient osseuses ; mais tous les muscles de la gorge étaient gangrenés.
A l’ouverture de la tête, toute la dure-mère s’est trouvée en adhérence au crâne, et la pie-mère avait deux ou trois taches purulentes le long de la faux au reste du cerveau était dans l’état naturel tant au-dedans qu’au dehors.
La cuisse gauche, dans l’intérieur, s’est trouvée gangrenée, aussi bien que les muscles du bas-ventre et cette gangrène montait jusqu’à la gorge.
Le sang et la lymphe étaient dans une entière dissolution, universellement dans les vaisseaux».
La mort de Louis XIV, journal des frères Anthoine
Les entrailles ont été portées sans cérémonie à Notre-Dame de Paris par deux aumôniers du roi, dans l’un de ses carrosses.
Le cœur, lui, fut remis au supérieur des Jésuites de la rue Saint-Antoine pour rejoindre celui de Louis XIII.
Le 3 septembre 1715
Le cercueil est exposé pour une semaine dans une pièce plus grande, le Salon de Mercure du Grand Appartement pour y recevoir les honneurs. On installe sur une estrade un lit formé de banquettes, avec ciel et pentes de drap d’or, couverts d’un grand poêle de velours noir croisé de satin blanc, et par-dessus un autre drap d’or bordé d’hermine.
« Le cercueil est posé dessus et il est couvert de la couverture de ce même lit et le cœur est mis sous cette courte pointe sur le cercueil, de cette manière que le Roi est censé être dans son lit de trépas dans lequel on l’aurait effectivement laissé à découvert si ça avait été chose possible de le garder (la décomposition due à la gangrène), à l’imitation de ce qui fut fait pour Louis XIII».
Desgranges
Les entrailles sont placées au pied du lit, sous la crédence. Le corps est donc au complet. Le dispositif est le même que celui du premier jour
dans la chambre de trépas : la crédence avec un crucifix et quatre chandeliers aux armes autour du lit.
Une chapelle ardente en grand apparat montre le faste et la vanité cultivés par Louis XIV jusque dans la mise en scène théâtrale de ses funérailles.
Le 8 septembre 1715
Le convoi funèbre quitte Versailles à sept heures du soir pour arriver le lendemain à la basilique Saint-Denis. Le rituel veut qu’il se déroule la nuit mais selon une légende tenace, ce cortège funèbre se serait fait en catimini afin d’éviter qu’il ne soit l’objet de railleries de la part de la population. En réalité, le cortège est formé de plus de mille personnes, dont huit cents à cheval et portant un flambeau de cire blanche.
Arrivé à Saint-Denis le 10 septembre à l’aube, le corps du Roi est d’abord déposé dans le chœur de l’église puis, du 27 septembre au 21 octobre 1715, dans le chevet, pour laisser l’espace libre aux travaux d’aménagement des Menus-Plaisirs.
Le 9 septembre 1715
La dépouille mortelle embaumée du Grand Roi est inhumée en la basilique de Saint-Denis.
Le cercueil est placé sur une estrade, couvert d’un drap de deuil noir croisé d’argent, sur lequel repose la couronne, le sceptre et la main de justice.
Le 23 octobre 1715
La messe de funérailles est prononcée à Saint-Denis par le Cardinal de Rohan alors que des cérémonies sont aussi organisées ailleurs en France et à l’étranger.
Orphelin de père et de mère, privé de fratrie, le petit Louis trouve un peu de chaleur maternelle auprès de Madame de Ventadour (1654-1744), sa gouvernante, qu’il appelle Maman Ventadour.
Son cousin, Philippe d’Orléans (1674-1723), le Régent, dirige les affaires jusqu’en 1723.
Dans son testament, Louis XIV tente de limiter les pouvoirs du duc d’Orléans, son neveu, et indique alors la composition du conseil de régence, véritable conseil de gouvernement. Il confie ainsi au duc du Maine (1670-1736), un de ses bâtards légitimés, la garde et la tutelle du jeune Louis XV en le nommant régent du royaume. Philippe d’Orléans, adulte de la famille royale le plus proche du Roi, qui dispose alors de la charge, purement honorifique, de « président du conseil de régence », s’efforce, et obtient, de faire casser un testament qui le prive de prérogatives qu’il juge dues à sa naissance. Le Parlement le reconnaît donc comme seul Régent, ce qui lui permet de réorganiser le Conseil à son gré et d’évincer le duc du Maine, bientôt exclu de la succession au trône que son père lui avait accordée. Toutefois, le Régent doit, pour rallier le Parlement de Paris à sa cause, lui restituer le droit de remontrance supprimé par Louis XIV, ce qui ne sera pas sans conséquence au XVIIIe siècle.
Il tente de séduire les Français par une politique nouvelle : la paix est rétablie. Il soutient les jansénistes, abandonne la cause des Stuarts, tente de rétablir les finances et l’économie avec les audaces de Law (1671-1729). Le jeune souverain a la chance de recevoir pour précepteur un homme de qualité, le Cardinal Fleury (1653-1743).
Le 4 octobre 1715
En entamant sa régence, il adresse une « Lettre à Mrs les intendants commissaires départis dans les provinces », dans laquelle il déclare que sa préoccupation majeure est le poids excessif des différentes taxes et annonce son intention d’établir un système d’imposition plus juste et plus égalitaire. Sur le plan de l’organisation du gouvernement, le Régent entame la politique de polysynodie, sans doute sous l’influence de son ami le duc de Saint-Simon : le remplacement des ministres par des conseils rassemblant des grands seigneurs et des techniciens.
En 1716
L’installation du Roi aux Tuileries en 1716
Avant de mourir, Louis XIV a ordonné que l’on conduise le petit Louis XV à Vincennes où lui-même a été élevé. Ce château abandonné depuis longtemps, étant cerné par la forêt, éloigné de toute rivière et de toute eau croupissante passe pour être au bon air. Le 9 septembre 1715, à deux heures, le petit Louis XV quitte donc Versailles. Mais à la fin de septembre 1716, on apprit que la Cour s’établissait aux Tuileries. Vincennes était alors un simple hameau où personne ne trouvait à se loger. L’obligation de s’y rendre chaque jour incommodait fort les fonctionnaires, médecins, courtisans ou autres à qui leur charge imposait ce devoir et il fut déclaré que l’air y était bien moins pur qu’à Paris où le jeune roi aurait toutes ses aises.
Louis XV retrouve les Tuileries telles que les a délaissées Louis XIV. Il est logé au premier étage et l’on aménage, pour ses appartements particuliers, les pièces prenant jour sur le jardin, celles mêmes qu’a occupées naguère la Reine Marie-Thérèse. Les vastes salles donnant sur le Carrousel composent le grand appartement du Roi.
Germain Brice nous fait une description détaillée de cet appartement :
Il nous conduit par le grand escalier de Levau à la salle des Gardes, immense pièce de près de 60 pieds en toutes dimensions, occupant tout l’étage du pavillon central. Le plafond, très élevé, est peint de quatre grands motifs en grisaille, figurant des bas-reliefs. Autant de tableaux ornent les murs. Ils représentent une armée en marche, une bataille, un triomphe, un sacrifice.
On passe de là dans la première antichambre «dont le plafond paraît véritablement ouvert. Il est peint avec tant d’art qu’il semble que le jour entre par cette ouverture feinte». On y voit le Soleil assis sur son char qui s’élève à l’horizon. Le Temps, figuré par un vieillard, les ailes au dos, indique la course qu’il doit parcourir. La Renommée embouche ses trompettes. Elle est entourée des heures du jour sous la forme de nymphes légèrement vêtues. De semblables allégories décorent les panneaux séparant les douze fenêtres de la salle dont six ouvrent sur la cour et six sur la terrasse de Philibert Delorme. Cette belle décoration, œuvre de Nicolas Loir, est datée de 1668.
La pièce suivante, éclairée par huit fenêtres (quatre sur la cour, quatre sur la terrasse) est la grande chambre du Roi. Le plafond, soutenu par des brasiers de stuc, présente une grande figure de «la Religion tenant un cartouche destiné pour un portrait».
Le grand cabinet qui suit est abondamment décoré d’emblèmes de la guerre, de l’abondance et des quatre éléments. On arrive ainsi à la galerie dite des Ambassadeurs où Louis XIV recevait les envoyés des puissances étrangères : à la voûte est peinte, en différents tableaux, l’histoire de Psyché, copiée sur le plafond d’Annibal Carache à la galerie Farnèse. Mais, depuis 1715, on a dû diviser par des cloisons cette galerie afin d’assurer des locaux aux différents services du jeune Roi et ces aménagements n’ont pu être effectués sans grand dommage pour le décor dont elle était enrichie.
Les appartements régnant du côté du jardin contenaient quelques peintures de Noël Coypel, de Philippe de Champaigne, de Mignard d’Avignon et de Nocret et la décoration n’en avait pas été modifiée depuis 1668. De ce côté, se trouvaient, de niveau avec les grands appartements, les cabinets où le jeune Louis XV vivait habituellement, sous la surveillance de sa gouvernante, madame de Ventadour. C’est pourquoi stationnaient continuellement, dans le jardin, des oisifs désireux de l’apercevoir.
Un chroniqueur note que, un dimanche, comme le petit Roi jouait, avec d’autres enfants de son âge sur le balcon «une foule de monde, massée dans le jardin, regardait, le nez en l’air, les puérilités du Maître de la France. Il y avait là des vieillards, des religieux, de graves bourgeois et de toutes sortes de gens qui tinrent levés leurs yeux durant deux heures entières…».
Le château des Tuileries ne reçut, durant les sept années du séjour de Louis XV, d’autres transformations que celles exigées par le nombre de logements qu’il fallut créer pour les personnes attachées à la Cour.
En 1717
La Triple alliance de La Haye est formalisée, cela lie France, Pays-Bas et Angleterre. Ce retournement d’alliance du Régent est même complété en 1718, par une alliance innovante avec l’Autriche des Habsbourg (quadruple alliance).
Du 24 au 27 mai 1717 et du 3 au 12 juin 1717
Visite de Pierre-le-Grand (1672-1725), héritier de la dynastie des Romanov, qui gouverne la Russie depuis vingt-huit ans.
Réputé indomptable et fantasque, Pierre le Grand bafoue l’Étiquette à plusieurs reprises, installant des filles de joie dans l’ancien appartement de la prude madame de Maintenon (1635-1719) qu’il a tenu à rencontrer malgré son âge avancé.
En un geste spontané qui a marqué l’Histoire, il saisit le jeune Louis XV dans ses bras, manifestant une affection quasi-paternelle. Séduit par « l’enfant roi », il aurait souhaité lui offrir sa fille en mariage, mais le projet échoue.
En 1718
Le Régent renonce à la polysynodie et reprend le type de gouvernement en vigueur sous Louis XIV. Il opère aussi un changement dans sa politique religieuse. Le régent est particulièrement satisfait de sa politique et déclare avec son humour habituel :
« J’ai bridé mes ânes !»
La personnalité de l’abbé Dubois (1656-1723), l’ancien précepteur du Régent, devenu archevêque, cardinal et ministre, s’impose de plus en plus auprès de Philippe, le fonctionnement de la polysynodie devenant de plus en plus difficile.
Le Régent réside au Palais-Royal qui devient, de 1715 à 1723, le cœur de la vie politique et artistique, supplantant Versailles.
Lorsque les calamités fondent sur le royaume — incendies, peste de Marseille, effondrement du système de Law —, le pays souffre et gémit, on accuse l’irréligion du Régent. Cependant, la sagacité et la finesse du cardinal Dubois dans les affaires, l’énergie intermittente de Philippe d’Orléans et l’absence de toute opposition organisée permettent à la monarchie de rester debout.
En 1719
Le Roi Philippe V d’Espagne (1683-1746) est si alerté par la politique de Quadruple Alliance du Régent qu’il tente de le faire renverser par le duc du Maine et que cela entraîne une courte guerre entre la France et l’Espagne.
La victoire des puissances européennes contraint l’Espagne à rejoindre leur alliance et à organiser des fiançailles ou des mariages franco-espagnols.
Le 9 janvier 1722
Arrivée en France de Marie-Anne-Victoire d’Espagne (1718-1781), fille de Philippe V, future Reine du Portugal et future marraine de Marie-Antoinette, qui est fiancée à Louis XV.
Marie-Anne-Victoire est élevée par madame de Ventadour, l’ancienne gouvernante du Roi.
Le 15 juin 1722
Le jeune Louis XV revient pour la première fois au château de Versailles, abandonné depuis la mort de Louis XIV. Son premier souci est d’achever les travaux de son arrière-grand-père mais aussi de se constituer des espaces plus intimes et retirés pour parfaire son éducation. Sa timidité le poussera à multiplier ces petits cabinets dans lesquels il se sent plus à son aise que dans les espaces publics de Louis XIV.
Respectueux du lieu, Louis XV n’est pas pourtant un grand résident de Versailles, qu’il déserte souvent en préférant s’échapper – outre les séjours habituels à Fontainebleau, Marly ou Compiègne – dans des résidences périphériques comme Choisy, la Muette, Saint-Hubert ou Bellevue.
Louis XV réinstalle le gouvernement et la Cour à Versailles.
En fin d’après-midi
Le Roi arrive à Versailles. À sa descente de carrosse, Louis XV se rend d’abord à la chapelle royale pour prier le Saint-Sacrement, acte symbolique d’un « Roi très chrétien ». Il se précipite ensuite dans les jardins. Malgré la chaleur, il en parcourt passionnément tous les bosquets. Son entourage peine à le suivre. Il se rend ensuite dans les grands appartements. Dans la galeries des Glaces, il s’étend sur le parquet afin d’admirer la voûte de Le Brun relatant les actes héroïques de son bisaïeul. À côté du Versailles officiel de Louis XIV, viendra un Versailles intime, conforme à ses aises. Endormie pendant sept ans, la ville s’éveille au retour du Roi et attire de nouveau la curiosité de tous.
Il confirme le cardinal Dubois comme principal ministre.
Louis XV accorde alors l’ancien appartement des bains au comte et à la comtesse de Toulouse ; Mgr de Fleury, précepteur du Roi, loge dans l’ancien appartement de la marquise de Maintenon ; et M. le duc d’Orléans, occupe celui de feu Monseigneur au rez de chaussée du corps central.
Le 15 août 1722
Le jeune Louis XV se rend à la messe de l’Assomption à Notre-Dame de Versailles, paroisse de la famille royale, et y fait sa première communion.
Le 25 octobre 1722
Louis XV est sacré à Reims.
A partir de 1722, lors du sacre de Louis XV, trois couronnes interviennent dans la cérémonie du sacre à Reims : la couronne dite de Charlemagne conservée dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis, avec laquelle l’archevêque de Reims couronne le Roi, et deux couronnes personnelles, qui seront propres à chaque souverain, que celui-ci ceint à la fin de la cérémonie et au festin qui suit, la première en or émaillé, la seconde en argent doré et ornée pour la première fois des diamants les plus prestigieux de la collection royale.
La couronne personnelle de Louis XV est réalisée par Augustin Duflot, d’après les dessins de Claude Rondé, le joaillier de la Couronne, qui utilise les diamants de la collection de Mazarin, le diamant le Sancy acheté par Nicolas Harley de Sancy, surintendant d’Henri IV, le fameux régent acquis en 1717 par le régent Philippe d’Orléans pour son neveu, le diamant Hortensia acquis par Louis XIV et taillé en 1678, 282 diamants, 64 pierres de couleur (saphirs, rubis, topazes et émeraudes) et 230 perles. En 1729, perles et pierres précieuses seront remplacées par des copies à la demande de Louis XV.
Le 8 décembre 1722
Elisabeth Charlotte du Palatinat, duchesse d’Orléans, décède à trois heures et demie du matin au château de Saint-Cloud, âgée de soixante-dix ans. Elle était le dernier fantôme de la vieille cour de Louis XIV. Elle est inhumée dans la nécropole royale de la basilique Saint-Denis, à côté de son époux et sa première épouse. Son fils la pleure profondément.
Le 22 février 1723
Le lit de justice par lequel le Roi ordonne la déclaration de sa majorité en la grande chambre du Parlement.
Le 2 décembre 1723
après souper vers sept heures du soir
Mort du Régent, Philippe d’Orléans, à Versailles, assoupi dans son fauteuil sur l’épaule d’une de ses favorites, la duchesse de Phalaris.
Majeur à treize ans, marié à quinze ans, père à dix-sept ans, Louis est bien accueilli par la nation.
En 1724
Alexis Simon Belle réalise en 1724 ce double portrait commandé par les Bâtiments du Roi.
Le 7 juin 1724
Louis XV reçoit dans l’Ordre du Saint-Esprit son cousin Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont.
Le 31 août 1724
Le frère aîné de Marie-Anne-Victoire, Louis Ier (1707-1724) meurt de la variole. Louis XV annonce le décès à sa jeune fiancée espagnole en ces termes :
« Je ne sais, madame, qui est le plus à plaindre. Votre frère qui est mort ou moi qui vis dans la terreur de mourir.»
En 1725
Le duc de Bourbon rompt les fiançailles du Roi avec Marie-Anne-Victoire qui retourne en Espagne. Elle épousera le 19 janvier 1729, Joseph Ier (1714-1777), Roi du Portugal, le futur parrain de Marie-Antoinette.
La recherche d’une autre fiancée parmi les princesses d’Europe est dictée par la santé fragile du Roi, qui nécessite une rapide descendance.
Après avoir dressé une liste des cent princesses d’Europe à marier, le choix ( du duc de Bourbon et d’Agnès de Prie [1698-1727], sa maîtresse) se porte sur Marie Leszczyńska, née le 23 juin 1703, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczyński (1677-1766). Certains s’offusquent d’une telle mésalliance avec une famille n’appartenant même pas à la haute noblesse polonaise. Les ragots colportent l’image d’une femme laide, malade, sotte, scrofuleuse, épileptique ou stérile.
Le 15 août 1725
En la cathédrale de Strasbourg, le duc d’Orléans, en sa qualité de premier prince de sang, épouse Marie par procuration.
Dès le lendemain
Le cortège prend la direction de Fontainebleau.
Le 4 septembre 1725
Après trois semaines d’un périple ralenti par l’état catastrophique des routes détrempées, Marie découvre enfin son royal époux.
Le 5 septembre 1725
Louis XV épouse Marie Leszczyńska à Fontainebleau.
Marie, parée d’un manteau de velours violet semé de fleurs de lys et de pierreries, embellie d’une traîne de près de dix mètres, porte une couronne sertie de diamants. Louis, vêtu d’un habit de brocart et d’un riche manteau, arbore un chapeau à plumes blanches agrémenté d’un imposant diamant.
Après une cérémonie de plusieurs heures…
…la journée se poursuit autour d’un festin ponctué par la représentation du « Médecin malgré lui » de Molière, et d’éblouissantes illuminations.
A dix heures
Le couple royal peut enfin jouir d’une relative intimité …
Le lendemain
Le duc de Bourbon savoure sa victoire lorsque le Roi avoue avoir accordé à la Reine « sept preuves de tendresses » au cours de la nuit.
De fait, le duc peut être rassuré : Louis XV sera, en 1727, père à dix-sept ans et demi, et le sera neuf autres fois au cours des dix années suivantes.
Dès 1726
La Reine Marie commence à s’aliéner son époux dès le début de son mariage en se mêlant de politique, malgré les mises en garde de son père. N’étant pas née à la cour, ne connaissant pas encore tout à fait les usages ni l’étiquette de Versailles, elle « convoque » le Roi dans ses appartements pour lui demander de conserver le ministère à son bienfaiteur, l’impopulaire duc de Bourbon qui risquait alors la disgrâce. Dès cet instant, elle perd toute influence politique sur son mari.
Physiquement, Louis XV est beau, grand (il mesure 1,77 mètre selon ses médecins), d’une constitution athlétique, la taille cambrée et le maintien droit ; il émane de sa personne une autorité naturelle qui impressionne fortement ceux qui le voient pour la première fois. Passionné de chasse, il s’y rend chaque jour, sauf les dimanches et fêtes.
Il connaît parfaitement tous les chiens de sa meute, à laquelle il prodigue des soins attentifs, au point de faire aménager dans ses appartements du château de Versailles le cabinet des chiens. Louis XV est malheureusement
plusieurs fois par jour, passant d’une meute à l’autre dès que les hommes, chiens et chevaux sont fatigués.
Afin de compléter l’équipage du cerf du Grand chenil de Versailles, le duc de Bourbon lui offrit en 1725 son équipage pour la chasse à courre du lièvre, que le Roi utilisa dès l’année suivante pour chasser le chevreuil.
En 1730, Louis XV crée un troisième équipage, la «petite meute du cerf».
En 1738, l’équipage du daim, appelé «équipage des chiens verts», commence ses activités.
De 1749 à 1758, le Roi dispose d’un second équipage du chevreuil. Ces différentes meutes chassent quotidiennement, même en l’absence du Roi, afin de maintenir les chiens en haleine. Sans oublier l’équipage du sanglier, ceux des «lévriers de Champagne et levrettes de la Chambre» et des «chiens couchants de la Chambre», qui servent pendant les chasses à tir, les trois équipages de chasse au faucon, de moins en moins souvent utilisés, et l’équipage de chasse au loup, traquant les «bêtes» qui sévissent encore aux quatre coins du royaume.
En tout, le Roi possède jusqu’à onze équipages de chasse, pour un budget annuel d’environ 1 200 000 livres.»
« En 1774, le lieutenant ordinaire de la Vénerie royale est M. de Ville de la Bare, les lieutenants servant par quartier le Marquis de Magny, le Marquis de Saint-Brice, le Comte de Vignacourt et M. Picard. Les sous-lieutenants par quartier sont les ducs de la Borde, de la Curne de Sainte-Palaye et Delage. Les gentilshommes de la Vénerie sont MM. Clock, Clock de Soan, Pothenot, De Blois de la Suze, De la Serre, Larroque.
Le commandant de l’équipage du cerf est Jacques le Fournier d’Yauville, son second M. Cacqueray de la Salle, les pages De Boubers et d’Ardouville, les piqueurs Vinfrais, La Roche, Dubois, Augustin, F. Dubois, Nanteuil, Vattier, Flocard, les valets de limiers La Chenays, Renti, Cailleteau, Gaspard, Dauvert, Flocard, Verneuil et Tagarot.»
D’esprit vif, Louis XV a un jugement prompt et sûr. Sa mémoire est grande, et il se rappelle avec précision une foule de détails sur les Cours étrangères, qui étonnent les ambassadeurs.
Louis aime lire, et les résidences royales, Versailles, Choisy-le-Roi, Fontainebleau et Compiègne sont dotées de bibliothèques.
Méfiant voire méprisant à l’égard des gens de lettres, Louis est curieux des connaissances scientifiques et techniques. Il observe avec les astronomes les plus réputés les éclipses des planètes. Ses connaissances en médecine lui permettent d’avoir des conversations suivies avec les grands médecins de son temps sur les découvertes récentes.
Il fait aménager à Trianon un jardin botanique qui, avec quatre mille espèces, sera le plus important d’Europe.
Enfin, passionné de géographie, Louis XV encourage le travail des géographes, et est à l’origine de la réalisation de la carte de Cassini. Il possède, en outre, une grande connaissance de l’histoire du royaume, et étonne ses interlocuteurs par la précision de ses connaissances liturgiques.
Capable de beaucoup de bienveillance, Louis XV peut aussi se montrer cassant. Il est sujet à des accès de neurasthénie, où il s’enferme dans un mutisme complet. Il est rongé par la mélancolie et même la dépression. Son entourage est très attentif à l’humeur du Roi quand il faut traiter d’affaires importantes.
Sa voix, mal posée et rauque, l’encombre, et, lors des cérémonies officielles, il demande souvent que son discours soit lu par un de ses ministres. Il est d’une timidité quasi maladive, ce qui le fait paraître froid et distant ; il redoute les nouveaux visages et préfère s’exprimer par écrit.
«Un homme impénétrable» dit de lui le comte d’Argenson (1696-1764). Louis XV est un mélange étrange d’indolence et de fermeté, d’autorité et de laisser-aller, il est également littéralement consumé par son goût des femmes et une sensualité impérieuse.
Le 14 février 1727
Naissance de Mesdames Elisabeth et Henriette (Mesdames Première et Seconde)
Le 28 juillet 1728
Naissance de Madame Louise , Madame Troisième
Le 19 Février 1728
Mort à Versailles de Marie-Louise de France dite Madame Troisième.
« Âgée de quatre ans et demi, Madame Troisième contracta un mauvais rhume. Un certain Bouillac, un gueux débarqué de nulle part, qui avait à la Cour la protection d’un grand personnage, obtint la charge de Médecin des Enfants de France.
La fièvre de Madame Troisième montait en flèche ; après une saignée au bras, trois saignées au pied, des ventouses et des vomitifs, le «traitement» du «médecin» accomplit son œuvre ; la petite Marie-Louise expira à quatre heure du matin. »
Mesdames de France de Bruno Cortequisse
Le samedi 3 septembre 1729
Marie Leszczyńska sent, vers onze heures du soir, quelques douleurs qui font croire qu’elle va accoucher. Mais celles-ci ne continuant pas, les princes et les princesses du sang, qui se sont rendus auprès de la Reine, se retirent, et la Reine prend un peu de repos.
Le dimanche 4 septembre 1729
Naissance du Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765), futur père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.
A deux heures, Marie Leszczyńska commence à souffrir beaucoup ; le Roi s’étant levé, on envoie chercher les princes et les princesses du sang, le cardinal de Fleury, le Chancelier de France, M. d’Aguesseau, et le Garde des Sceaux, M. Chauvelin, qui se rendent aussitôt dans la chambre de la Reine. Son appartement est dans l’instant rempli de seigneurs et dames de la Cour.
La Reine sent de grandes douleurs pendant une heure et demie.
A trois heures quarante
La Reine accouche heureusement d’un prince, dont la santé et la force donnent de grandes espérances pour la conservation de ses jours.
Louis XV, qui n’a pas quitté la Reine pendant ses douleurs, et qui lui a donné des preuves de sa tendresse, paraît dans le moment de la naissance de Mgr le Dauphin, touché d’une vive joie ; et toutes les personnes qui sont dans la chambre ou dans l’appartement de la Reine, en apprenant cette nouvelle, font paraître leur amour au Roi, et la sincérité de leurs vœux pour la satisfaction de Leurs Majestés.
Aussitôt que Mgr le Dauphin fût né, il est ondoyé par le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, en présence du curé de la paroisse de Versailles. Louis XV assiste à cette cérémonie, après laquelle la duchesse de Ventadour, Gouvernante des Enfants de France, accompagnée des trois sous-gouvernantes, porte Mgr le Dauphin dans l’appartement qui lui avait été préparé, et dans lequel les personnes, destinées à le servir, se trouvent.
Lorsque Mgr le Dauphin est arrivé dans son appartement, le marquis de Breteuil, commandeur-prévôt et maître des cérémonies des Ordres du Roi, lui porte le cordon et la croix de l’Ordre du Saint-Esprit, qui ne lui avait pas été donné dans la chambre de la Reine, parce que Louis XV, par attention pour la santé de celle-ci, n’avait pas voulu qu’elle peut apprendre trop tôt qu’elle était accouchée d’un prince. Le marquis de Breteuil fait cette fonction à cause l’absence du Grand Trésorier.
Vers quatre heure et demie
Louis XV sort de l’appartement de la Reine. En rentrant dans le sien, il envoie M. Le Fouin, l’un de ses gentilshommes ordinaires, au château de Chambord, porter au Roi Stanislas et à la Reine Catherine Opalinska, son épouse, la nouvelle de l’heureux accouchement de leur fille et de la naissance d’un prince.
Dès que l’on sut à Versailles, que la Reine était accouchée d’un prince, les cours du château et toute la ville retentissent des plus grandes acclamations, et se renouvellent avec plus de vivacité sous les fenêtres du Roi lorsqu’il est éveillé.
A midi
Louis XV va, à midi, entendre la messe, pendant laquelle on chante un Te Deum, en action de grâces de la naissance de Mgr le Dauphin.
L’après- midi
Louis XV reçoit les compliments de Madame la duchesse d’Orléans, des princesses du sang et des dames de la Cour. Après le Salut, il repasse dans sa chambre où il voit les ambassadeurs et ministres étrangers, qui s’étaient rendus à Versailles, sans avoir attendu l’annonce de cette nouvelle.
Louis XV passe plusieurs fois, dans la journée, chez la Reine et va voir son fils.
Le soir après souper
On tire sur l’esplanade, qui est entre la grande grille et les écuries, une grande quantité de fusées, et un feu d’artifice aussi beau que le peu de temps qu’on avait eu pour préparer, et pût le permettre ; et ce feu est accompagné d’une grande illumination formée par des girandoles de lumières, et une grande quantité de terrines ; il y a en même temps dans toutes les rues de Versailles, des illuminations, des feux et toutes les autres marques de la plus grande joie.
Le 20 septembre 1729
La Reine qui est parfaitement rétablie de ses couches, commence depuis quelques jours à voir les seigneurs et dames de la Cour.
Elle reçoit les compliments des ambassadeurs et ministres étrangers.
Le 30 août 1730
Naissance de Philippe, duc d’Anjou, second fils de Louis XV et Marie Leszczyńska.
Le 23 mars 1732
Naissance de Madame Adélaïde, Madame Quatrième.
Le 19 février 1733
Décès de de Madame Louise , Madame Troisième
Le 7 avril 1733
Décès de Philippe, duc d’Anjou.
En 1733
uis de Nesle et de Mailly, prince d’Orange (1689-1767) et de son épouse Armande de la Porte Mazarin (1691-1729), elle-même arrière-petite-nièce de Mazarin (1602-1661).
Quatre d’entre elles furent les maîtresses successives de Louis XV :
Louise de Mailly-Nesle (1710-1751), comtesse de Mailly. Elle épouse en 1726 son cousin Louis-Alexandre, comte de Mailly. Elle devient maîtresse de Louis XV en 1733, favorite en 1736.
Le 11 mai 1733
Naissance de Madame Victoire, cinquième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska ( elle sera appelée Madame Quatrième) , dans la chambre de la Reine du château de Versailles.
Louis XV, Roi neurasthénique, qui change de château et de maîtresses comme d’autres changent de chemises, est un Roi plein de surprises
pastille de F.-D. Athane
Intelligent, mais n’ayant aucune confiance en lui, tout comme son petit-fils et successeur Louis XVI, (comment pouvait-il en être autrement quand on est élevé dans l’ombre du «Grand Roi», véritable «Statue du Commandeur»), n’en était pas moins doué de certains talents. Louis XV, pour s’échapper des rituels de la cour, s’adonne à des activités manuelles dans la plus grande discrétion, question d’étiquette, un Roi de France peut-il avoir une activité manuelle ?
Le violon d’Ingres de Louis XV ce sont les ivoires tournés. Le château de Versailles conserve un souvenir émouvant de ce royal divertissement, une cage en ivoire pour pendule, pur petit chef d’œuvre. Travail d’une grande virtuosité, exécuté avec l’aide des mains expertes d’artisans tabletiers, le Roi trouve dans cette activité une occasion d’échapper à son rôle de souverain, de redevenir un «particulier».
Le 27 juillet 1734
Naissance de Madame Sophie (Madame Cinquième), sixième fille de Louis XV et de Marie Leszczyńska, qu’on appellera Madame Sophie.
Un état disparu du château de Versailles :
La galerie des chasses exotiques de Louis XV
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette galerie est créée en 1735 suite à l’abaissement du plafond du Cabinet du billard de Louis XIV au premier étage. Elle est éclairée par quatre fenêtres sur la Cour de Marbre. Louis XV commande six tableaux représentant différentes chasses à travers le monde.
En 1738, alors qu’un mur porteur est détruit au premier étage pour créer le Cabinet de la Pendule, le mur de la galerie est lui aussi repoussé afin de gagner une fenêtre de plus. Louis XV commande à cette occasion trois tableaux supplémentaires.
En 1767, on dépose les miroirs et les peintures qui sont emmenés au au garde-meubles. La galerie est alors divisée en deux.
En 1770, la comtesse du Barry accède à cet appartement et transforme ces deux pièces en chambre et en grand cabinet.
En 1801, quatre tableaux sont envoyés à Amiens. Les autres les rejoindront en 1923 où ils sont toujours. Seules les embrasures des fenêtres de la chambre de madame du Barry sont encore de l’époque de la galerie. Au rez-de-chaussée du degré du Roi, un des cadres d’un tableau évoque encore cette galerie.
Le 16 mai 1736
Naissance de Thérèse-Félicité qui mourra le 28 septembre 1744.
Le 27 avril 1737
Baptême des princesses jumelles, de Madame Troisième et du Dauphin Louis-Ferdinand
Le 15 juillet 1737
Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.
Elle est la dixième enfant que Marie Leszczyńska , âgée de trente-cinq ans, met au monde. Les médecins assurent à la souveraine qu’un autre accouchement pourrait lui être fatal. La Reine qui a peur de perdre les bonnes grâces de son mari, Louis XV , qui n’a que vingt-sept ans et est toujours ardent, préfère taire les mises en garde du médecin mais refuse peu à peu sa porte au Roi. Le Roi délaisse la Reine, et à ceux qui l’interrogent sur une onzième grossesse de la Reine il répond que le nourrisson sera « Madame Dernière ».
Le bruit court que Marie aurait dit :
« Eh quoi ! Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. »
En 1738
La petite chambre de Louis XV
( texte et photographies d’Emma Defontaine et Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Non loin de sa grande chambre de parade, celle de Louis XIV, aussi incommode que majestueuse, Louis XV se fait installer en 1738 une nouvelle chambre, plus petite et exposée au sud, donc plus aisée à chauffer.
La chambre qu’il occupe est l’ancien cabinet du Billard qui communique avec le cabinet du conseil et fait partie de cette série d’appartements de l’époque de Louis XIV connue sous le nom de cabinet du Roi.
Le grand baromètre situé à droite de l’alcôve est une copie XIXe siècle du régulateur de Riesener destiné à meublé l’Appartement de l’Impératrice aux Tuileries. L’original qui était dans cette pièce est aujourd’hui dans les collections de la Reine d’Angleterre à Buckingham Palace.
Autrefois fermée par une balustrade doré, l’alcôve est tendue d’un lampas broché d’or qui reproduit le dernier meuble d’été de Louis XVI. Cette même étoffe recouvrait le lit qui est en cours de reconstitution ainsi que le reste du mobilier : paravent et écran de la Chambre du Roi à Compiègne, pliants de celle du Roi à Saint-Cloud.
Les bronzes dorés, les serrures, les espagnolettes, les verrous, les boutons de portes, les ornements de cheminée sont d’une rare perfection de travail. Les balcons des fenêtres en fer forgé, jadis doré, sont eux du temps de Louis XIV.
La commode de Louis XV est conservée aujourd’hui à la Wallace collection à Londres et celle de Louis XVI est au Château de Chantilly. Celle que l’on voit aujourd’hui est exécutée en 1786 par Guillaume Benneman pour la Chambre du Roi à Compiègne.
Une porte fenêtre, ouvre sur le balcon de la cour des Cerfs, elle permet au Roi d’arriver librement à l’escalier des petits appartements et de monter aux étages supérieurs. C’est par là que passait Louis XV pour se rendre dans l’appartement des petites maitresses, dans les combles, à sa bibliothèque, ou pour faire sa promenade sur les toits.
Ces toiles ont été enlevées à la Révolution et sont aujourd’hui au Musée du Louvre. Elles ont été remplacées par des peintures du Nattier représentant Madame Infante, Madame Adélaïde, Madame Henriette et Marie-Josèphe de Saxe.
La gente féline à Versailles
Dans cette première moitié du XVIIIe siècle, la vogue des chats comme animaux de compagnie est toute récente. Louis XV se prend d’une affection toute particulière pour un chat angora nommé Brillant qui vient le réveiller tous les matins et auquel il passe tous ces caprices.
Pendant les réunions du Conseil, le félin à sa place attitrée sur la cheminée, sur un coussin de velours cramoisi. Le chat gambade entre les vases de Sèvres et la pendule posé sur la cheminée puis fait des glissades sur le parquet bien ciré.
Brillant restera dans l’ Histoire comme le chat que Louis XV préféra et auquel il permettait toutes les facéties. Pour avoir eu le privilège d’assister aux réunions du Conseil, l’animal emporte dans sa tombe bien des secrets…
Source : Les animaux choyés de l’histoire, Renée Grimaud
« Louis XV ordonna l’arrêt des bûchers de chats à la Saint-Jean, « tradition barbare et primitive » selon lui.
«Nous (les pages du service) attendions tous le coucher du Roi… le Roi avait chat matou angora blanc, d’une grosseur prodigieuse, très doux et très familier : il couchait dans le Cabinet du Conseil sur un coussin de damas cramoisi…. »
Le Roi rentrait toujours à minuit et demi des petits appartements. Il n’était pas minuit, et Champcenetz nous dit : « vous ne savez pas que puis faire danser un chat pendant quelques minutes ? Nous rions, nous parions.»
Champcenetz tire alors un flacon de sa poche, caresse le chat et fait couler abondamment dans ses quatre pattes de l’eau de mille fleurs. Le chat se rendort, et nous comptions avoir gagné. Tout à coup, sentant l’effet de l’esprit de vin, il saute à terre en faisant des pétarades, court sur la table du Roi, jurant, cabriolant, faisant des jetés-battus.
Nous tous de rire aux éclats, lorsque le Roi arrive comme une bombe. Chacun reprend sa place, le ton de décence, et le maintien grave. Le Roi nous demande ce qui nous tenait en gaieté :
_ Rien , Sire, c’est un fait que nous racontions.
A l’instant, le maudit chat reprend sa danse, et court comme un enragé.»
Extrait des Mémoires du comte Dufort de Cheverny (t.1, page 147)
En juin 1738
Le Cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Fontevraud.
Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote. Fleury garde probablement une tenace rancune à la Reine d’avoir naïvement aidé le duc de Bourbon lorsque celui ci tenta de l’évincer. Il se venge en exilant si cruellement les innocentes fillettes à une telle distance de Versailles, que compte tenu de l’Étiquette, une visite royale aurait été une expédition ruineuse, donc impossible.
Seule Madame Adélaïde réussit à attendrir son père et reste à Versailles, où elle sera élevée avec ses deux sœurs aînées Madame Elisabeth et Madame Henriette. Les trois fillettes y vivent dans l’ombre de leur frère le Dauphin Louis-Ferdinand. Louis XV, qui l’aime beaucoup, s’amuse à la surnommer «Madame Torchon» en raison de son goût pour les travaux domestiques.
Madame Victoire part donc avec ses petites sœurs, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748. L’abbesse de Fontevraud, Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Madame de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., « accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punissait en l’enfermant dans un caveau dit la « lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.
Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable.
En 1739
Louise de Mailly est supplantée par sa sœur Pauline (1712-1741), comtesse de Vintimille. Elle est le grand amour de Louis XV et lui donne un fils bâtard Charles, dit le « Demi-Louis » en raison de sa frappante ressemblance avec son père.
Afin de se réconcilier avec l’Espagne outrée par la rupture des fiançailles du Roi avec l’infante Marie-Anne-Victoire en 1725, Louis XV promet sa chère Babette (Madame Elisabeth) à l’infant Philippe d’Espagne (1720-1765) , un des fils cadets de Philippe V d’Espagne (1683-1746), tandis que le Dauphin doit épouser une sœur de l’infant.
Fin février 1739
Louis XV annonce officiellement la nouvelle. La Cour est surprise de cette alliance, car l’infant n’a guère de chance de monter sur le trône espagnol.
En avril 1739
Au voyage de La Muette que fait Louis XV, la partie est gaillarde et indépendant. On dîne au château de Madrid, dans le bois de Boulogne, chez Mademoiselle ; on passe quelques moments à Bagatelle chez la maréchale d’Estrées ; on soupe au château de La Muette. Tout est arrangé le mieux du monde. On y traite avec beaucoup d’irrévérence du cardinal de Fleury, de sa décrépitude, de sa cour d’Issy.
Le 26 août 1739
La jeune Élisabeth, qui a tout juste douze ans, se marie par procuration. Par ce mariage, elle prend le nom de « Madame Infante ». Les cérémonies fastueuses qui ont lieu pour l’occasion sont passées à la postérité. Madame Henriette est désormais nommée uniquement « Madame » pour souligner le fait qu’après le mariage de sa sœur jumelle, elle était l’aînée des filles du Roi encore célibataire.
Le 30 août 1739
Madame Élisabeth doit quitter Versailles. Les adieux d’Élisabeth à sa famille sont déchirants. En larmes, elle quitte sa sœur jumelle, Madame Henriette, sur ces mots :
« C’est pour toujours, mon Dieu, c’est pour toujours ! »
En 1740
La mort de l’Empereur Charles VI (1685-1740) et l’avènement de sa fille Marie-Thérèse (1717-1780) déclenche la guerre de Succession d’Autriche.
Le vieux cardinal de Fleury n’a plus la force de s’y opposer et le Roi qui, malgré sa clairvoyance et sa lucidité, doute en permanence de ses capacités, et préfère suivre l’avis d’un conseiller en dépit de son opinion : c’est ainsi que, contre son opinion, il succombe à la pression du parti anti-autrichien de la Cour.
En 1741
Louis XV entre en guerre en s’alliant à la Prusse contre les Autrichiens, les Britanniques et les Hollandais. Ce conflit dure sept longues années.
Louise de Mailly rentre en grâce.
Diane Adélaïde de Mailly-Nesle (1713-1760), duchesse de Lauraguais est remarquée par le Roi, qui en fait sa maîtresse après ses deux sœurs aînées.
En 1742
Louise de Mailly est supplantée dans le cœur du Roi par sa sœur Marie-Anne (1717-1744), marquise de La Tournelle puis , duchesse de Châteauroux, qui demande son renvoi de la cour en 1742.
Le 29 janvier 1743
Mort du cardinal de Fleury.
Le Roi, suivant finalement l’exemple de son prédécesseur, décide alors de gouverner sans Premier ministre. Débute le gouvernement personnel de Louis XV, âgé alors de trente-trois ans, que l’on commence à appeler « Louis le Bien-Aimé ». Il a connu des années heureuses avec la Reine qui l’adule et lui est entièrement dévouée. Un enfant naît presque chaque année. Cependant, la Reine finit par se fatiguer de ces grossesses à répétition ( « Eh quoi, toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher ! ») autant que le Roi se lasse de l’amour inconditionnel de son épouse. De plus, la plupart de leurs enfants sont de sexe féminin, ce qui finit par indisposer le Roi. Sur leurs dix enfants, ils n’ont que deux garçons dont un seul a survécu, le Dauphin.
Louis XV, un jour, fatigué des disputes des Parlements avec les ducs et pairs sur les généalogies, leur apprend à ne pas rougir d’avouer des parents modestes descendants de la fille d’un fripier ou de la veuve d’un marchand de rubans. Homme de beaucoup d’esprit et d’un esprit quelquefois mordant, il a étudié l’extraction des diverses familles de la Cour, et il se fait un malin plaisir d’humilier les prétentions de ceux qui portaient le plus loin l’orgueil de leur naissance. Il rappelle souvent au maréchal de Richelieu que Vignerol, son bisaïeul, était un joueur de flûte qui avait plu à la nièce du grand Cardinal ; aux Villeroy qu’ils descendaient d’un marchand de poisson sous François Ier ; au duc d’Aiguillon que sa grand-mère Bellier était bourgeoise et borgne. Un soir qu’il a désolé plusieurs des courtisans par ces petites vérités historiques, il reprend d’une manière assez gaie : _ Au demeurant, consolez-vous, moi qui suis, je pense, un assez bon gentilhomme, avoue un aïeul notaire à Bourges.
On se récrie ; le Roi prit une petite note dans son tiroir et continue ainsi :
_ Sous le règne de Louis XI, vers 1470, il y avait à Bourges, un honnête notaire qui s’appelait Babou. Il fit fortune et acheta pour son fils, Philibert Babou, une charge de trésorier de France. Philibert devint Maître d’Hôtel du Roi Charles VIII et fut père de Babou, sieur de La Bourdaisière. La fille de ce La Bourdaisière fut mère de Gabrielle d’Estrées, laquelle eut pour fils naturel, César de Vendôme, père d’Elisabeth de Vendôme, mariée à Charles-Amédée de Savoie. Charles- Amédée eut une petite-fille, Marie-Adélaïde de Savoie, mariée à Louis de Bourgogne, dont j’ai, moi qui vous parle, l’honneur d’être leur fils. Ainsi, vous voyez, que mon dixième aïeul était, comme je vous le disais, un très digne notaire de Bourges dont le père aurait même été barbier.
Le 31 juillet 1743
Comme Louis XV qui passe la plupart de son temps hors de Versailles en compagnie des sœurs de Nesle, la plupart du temps au château de Choisy, Marie Leszczyńska quitte aussi très souvent le château de Versailles pour Trianon mais aussi en visite chez ses amis Luynes à Dampierre. La duchesse de Luynes est sa dame d’honneur. A ces occasions, la Reine dîne et soupe avec moins de cérémonie même si la règle d’aucun homme hors de la famille royale à sa table est maintenue.
Néanmoins, elle doit aussi visiter des princesses de la famille royale. A ces occasions, tout le cérémonial du Grand Couvert est déployé. Ce mercredi, elle se rend à Chaillot chez la duchesse d’Orléans qui loge aussi la duchesse de Modène, née Orléans et sa fille aînée qui doit rester incognito (et qui épousera le duc de Penthièvre).
La duchesse d’Orléans est toujours cette Mademoiselle de Blois rencontrée plus haut que Louis XIV, son père, réussit à marier à son neveu, le futur Régent. La duchesse de Modène est sa fille, aussi mal élevée que ses sœurs, qui après un scandale avec le duc de Richelieu est mariée rapidement au duc de Modène, petit prince italien à qui on fait l’honneur d’accorder une princesse française, même défraîchie.
La Reine a douze dames avec elle et la duchesse d’Orléans huit. On ne compte pas les écuyers qui évidemment ne peuvent se mettre à table auprès de la Reine et des princesses.
« A la table de la Reine, madame la duchesse d’Orléans à sa droite, madame de Modène à sa gauche ; à la droite de madame la duchesse d’Orléans, madame de Luynes, ayant à sa droite madame la duchesse de Lorges. En tout il y avait dix-sept dames à cette table ; les six autres à deux petites tables.
Avant que la Reine se mit à table, le premier maître d’hôtel de madame la duchesse d’Orléans apporta à madame de Luynes la serviette qui devait être présentée à la Reine ; madame de Luynes la présenta à madame la duchesse d’Orléans, qui la donna à la Reine et qui ne voulait pas la rendre à madame de Luynes ; mais madame de Luynes la reprit des mains de madame la duchesse d’Orléans et la rendit au premier maître d’hôtel. Monsieur le comte de La Marche, qui n’a pas encore neuf ans, servit la Reine un moment, ensuite le premier maître d’hôtel servit Sa Majesté ; c’est l’usage dans la maison de Fille ou Petite-Fille de France où il y a un premier maître d’hôtel qu’il ait le droit de servir préférablement à tous autres.»
Mémoires du duc de Luynes
Le jeune comte de La Marche est fils du prince de Conti et d’une autre fille de la duchesse d’Orléans et du Régent, décédée et donc élevé auprès de sa grand-mère. Comme du temps de Louis XIV, c’est le plus haut prince du sang de l’assistance qui a l’honneur de servir au Grand Couvert. L’enfant se prête donc à ce qui lui revient de droit mais le maître d’hôtel de la duchesse d’Orléans reprend vite sa fonction. On constate aussi à quel point les détails d’étiquette sont sources de chamailleries, comme cette histoire de serviette. La Reine termine sa soirée par son habituel cavagnole et ne rentre à Versailles qu’à quatre heures du matin !
Le 4 août 1743
Madame de Tallard annonce à la Reine avant son cavagnole qu’elle a vu le Roi au sujet des sous-gouvernantes afin de déterminer si elles ont le droit ou non de se mettre à table auprès de Leurs Majestés. Marie Leszczyńska veut clore la conversation en disant à la gouvernante qu’elle en parlera elle-même au Roi. Mais madame de Tallard persiste.La Reine coupe court en lui rappelant qu’il ne lui convient pas de connaître les décisions du Roi par un tiers.
Le 15 août 1743
Même le jour de l’Assomption, jour particulièrement important pour la monarchie française depuis le Vœu de Louis XIII, malgré la messe et les vêpres qu’il suit quand même, Louis XV s’en va souper à Choisy avec sa compagnie habituelle laissant la Reine assurer la procession et le Grand Couvert, seule avec leurs enfants.
Le 25 août 1743
Jour de la Saint Louis. La famille royale se réunit pour le Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine : le Roi, la Reine, le Dauphin et Mesdames. Comme il s’agit d’un jour particulièrement important pour la monarchie car fête du Roi, les vingt-quatre violons de la Chambre jouent durant tout le souper, chaque année. Si Louis XV n’est pas mélomane, sa famille l’est très profondément. C’est Marie Leszczyńska qui au début du règne est la première mécène musicale du royaume. Au dîner, ce sont les tambours des gardes françaises et suisses et au retour de la messe.
Le 16 décembre 1743
A l’occasion du mariage entre le duc de Chartres et mademoiselle de Conti prévu pour le lendemain, Louis XV demande que les fastes soient un peu réduits comparés au mariage de Madame Infante sa fille aînée en 1739. Madame de Luynes se retrouve à faire installer sept lustres dans l’Antichambre de la Reine au lieu des neufs présents pour les noces de Madame Première. Ce n’est pas la seule contrainte. En effet, les Bouches du Roi et de la Reine se disputent. Le service de la Fruiterie (qui s’occupe de l’éclairage) du Roi estime que puisque c’est la Bouche du Roi qui offre le repas, c’est à sa Fruiterie d’éclairer l’Antichambre. Mais les officiers de la Bouche de la Reine réfutent que ce sont ses huissiers qui gardent les portes de l’Antichambre, donc à sa Fruiterie d’assurer l’éclairage. Comme ce point est variable selon de précédents mariages, monsieur de Maurepas en tant que secrétaire d’état à la Maison du Roi demande à Louis XV de trancher. La Fruiterie de la Reine se charge des ;lustres, celle du Roi de la table du buffet et celle des noces. Mais ce n’est pas tout ! Madame Mercier, nourrice du Roi et première femme de chambre de la Reine sous prétexte que lui reviennent les bougies de la chambre de la Reine réclame son dû pour l’Antichambre.
Mais les huissiers ne sont pas d’accord et en font part à madame de Luynes qui elle-même transmet le litige à la Reine qui obtiennent gain de cause pour les bougies des lustres, les autres revenant à la Fruiterie du Roi.
Le 17 décembre 1743
La table des noces n’est pas carrée comme à son ordinaire mais en fer à cheval car toute la famille royal est réunie, princesses du sang compris (les princes n’ayant pas droit eux de se mettre à table avec la Reine et les princesses).
« Monsieur le Dauphin présenta la serviette au Roi. Le Roi et la Reine étaient au milieu de la table, Monsieur le Dauphin à la droite du Roi, Madame à la gauche de la Reine, Madame Adélaïde à la droite de Monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Chartres à la gauche de Madame, madame la princesse de Conti à la droite de Madame Adélaïde, madame de Modène à la gauche de madame la duchesse de Chartres, Mademoiselle à la droite de madame la princesse de Conti, mademoiselle de Sens la dernière à gauche, mademoiselle de La Roche-sur-Yon la dernière à droite. C’étaient les gentilshommes ordinaires qui servaient. Monsieur le comte de Charolais vit mettre le Roi à table, mais il ne fit aucune fonction. Monsieur de Livry avait le bâton. L’antichambre était éclairée de sept lustres, comme je l’ai déjà dit.»
Mémoires du duc de Luynes
Madame est la fille aînée de Louis XV depuis le départ de Madame Infante sa jumelle, qu’on connaît sous le nom de Madame Henriette.
Ce mariage est un véritable calvaire pour cette princesse qui a longtemps cru possible pouvoir épouser le duc de Chartres lui aussi amoureux de la fille du Roi.
Petite-fille de Louis XIV par sa mère Mademoiselle de Nantes, elle est la mère de la mariée. Ces deux dernières sont deux sœurs de la princesse de Conti. Elles n’ont guère été mieux élevées que leurs cousines d’Orléans et prêtent tout autant au scandale. De qui tiendra la mariée !
Toutes ces princesses d’âge mûr ne sont guère des exemples pour Mesdames et Marie Leszczyńska ne les supportent que par politesse. Le marquis de Livry est le Premier Maître d’Hôtel du Roi qui assure sa charge durant les grandes circonstances, ici un mariage princier. Il se tient à la gauche du fauteuil du Roi et ordonne au service. On constate, selon la règle immuable qu’aucun homme hors de la famille royale ne peut manger avec la Reine et les Filles de France, l’absence du marié à la table de ses noces ! Celui-ci soupe dans son appartement, en compagnie de son père, son beau-frère et tous les autres princes du sang et légitimés. À la fin du Grand Couvert, ces princes se rendent à l’Antichambre afin de venir chercher le Roi et la Reine pour prendre part à la cérémonie du coucher des jeunes mariés.
Le 3 février 1744
Marie Leszczynska annule son souper prévu afin de manger chez le cardinal de Rohan. Son projet est prévu depuis la veille mais tient à ce qu’il reste secret. Elle y rejoint plusieurs dames de ses amies et les hommes, dont le cardinal, soupent dans une autre pièce.
Le 9 février 1744
Louis XV se plie habituellement au Grand Couvert chaque dimanche. Mais ce jour-là il préfère l’annuler pour retrouver mesdames de Châteauroux et de Lauraguais dans ses petits appartements. C’est un véritable camouflet pour la famille royale et la Cour.
Le 12 février 1744
La Reine ayant pris médecine, annule le Grand Couvert du mercredi.
Le 13 février 1744
Lors de leur entretien quotidien du matin, Louis XV souhaite, afin de soulager son épouse souffrante, de souper chez elle le soir dans sa Chambre et donc avec un public réduit et non ouvert à tous. Il l’abstient aussi de porter le grand habit. C’est donc la duchesse de Luynes qui doit servir Leurs Majestés car la Bouche n’est pas de service dans la Chambre. C’est donc un souper en Petit Couvert. Sont présentes les dames qui ont droit aux entrées, dont la duchesse de Châteauroux, dame du palais.
On peut le concevoir devant cette maladresse de Louis XV qui a sûrement voulu faire preuve de délicatesse envers son épouse mais qui se retrouve quand même à passer la soirée avec sa maîtresse !
« La Reine était fatiguée de sa médecine, et ne parut pas de trop bonne humeur : cela a été remarqué.»
Mémoires du duc de Luynes
Le 16 février 1744
Encore un dimanche où le Roi part pour chasser à La Muette et la Reine qui se fait inviter chez sa dame d’honneur. C’est pourtant le dimanche avant le Carême et par conséquent important du point de vue liturgique mais aussi pour le Grand Couvert. Une fois de plus Marie Leszczyńska n’annule son souper prévu dans sa Chambre qu’à la dernière minute et réitère le lendemain pour se rendre en secret chez madame de Villars, sa dame d’atours.
Le 15 mars 1744
Louis XV est malade ce dimanche, donc le Grand Couvert est annulé. Il rompt le carême en soupant dans ses petits appartements avec les sœurs de Nesles.
Le 2 avril 1744, Jeudi Saint
Jour de la Cène du Roi et de la Reine. A la table du Roi dans son antichambre sont installés treize jeunes garçons pauvres.
Le comte de Charolais assure la charge de Grand Maître. Le Dauphin, le duc de Chartres, le prince de Dombes, le comte d’Eu, le duc de Penthièvre portent les plats. Chez la Reine sont attablées treize jeunes filles pauvres, Madame porte le pain, Madame Adélaïde le vin. La duchesse de Chartres et les dames du palais portent les autres plats. Ensuite, le Roi et la Reine, accompagnés de la famille royale et des plus hautes charges de la Cour se retrouvent dans la grande Salle des Gardes commune aux deux appartements royaux pour procéder au Lavement de Pieds des enfants qu’ils ont nourris.
Le 10 avril 1744
De nouveau Marie Leszczyńska décommande son souper pour se rendre chez les Luynes. Elle prévient son chef de brigadier la veille au soir qu’elle soupera dans sa chambre le lendemain mais annule seulement le jour même à neuf heures du soir. Tous les soirs suivants elle soupe chez les Luynes ou d’autres amis.
Mois de mai 1744
Durant l’absence du Roi parti combattre, Marie Leszczyńska préfère souper dans son intérieur entourée de ses dames, une dizaine environ, en y ajoutant les dames nommées auprès de la future Dauphine. Ces mêmes dames ont droit de monter en carrosse avec leur souveraine. Marie Leszczyńska joue de la vielle durant ses soirées. A cette occasion, le souper se déroule dans son Grand Cabinet, appelé plus tard Salon des Nobles. Ces soirées n’ont lieu que les jours gras. Pour les jours maigres (les vendredis), la Reine soupe seule dans sa Chambre.
Le 7 mai 1744
Une fois de plus, Marie Leszczyńska arrive sans s’annoncer chez ses amis Luynes, la table de son souper dans son appartement pourtant prête. Madame de Luynes n’était tellement pas prévenue qu’elle se déshabillait au moment de l’arrivée de la Reine.
Le 25 mai 1744, Pentecôte
Après la grande messe, la Reine s’installe au Grand Couvert entourée de ses enfants. Elle seule s’assoit dans un fauteuil au milieu de la table. Le Dauphin s’installe au bout à droite, Madame au bout à gauche et Madame Adélaïde à la droite de leur mère. La gouvernante des Filles de France, madame de Tallard, se place derrière la plus jeune et madame de Luynes derrière la Reine. Le Dauphin a derrière lui un officier des gardes et son gouverneur monsieur de Châtillon. Les princesses et la Reine ont aussi un officier des gardes derrière chacune d’elles. La famille royale se réunit ensuite dans la Chambre de la Reine pour la conversation. La Cour est particulièrement nombreuse ce jour-là.
Le 30 mai 1744
Comme c’est un dimanche, il y a normalement souper en Grand Couvert. Mais Marie Leszczynska préfère le prendre au dîner, afin de pouvoir se rendre à souper le soir chez des amis.
Le 5 juin 1744
Au moment où la Reine passe à table dans sa Chambre après son cavagnole (il s’agit d’un vendredi donc souper maigre), elle reçoit une lettre de son époux lui donnant des nouvelles du front. De joie, elle peut à peine manger.
Le 7 juin 1744
Mesdames de Châteauroux et de Lauraguais vivent retirées depuis le départ du Roi. Mais venues faire leur cour ce dimanche au jeu de la Reine, celle-ci les prie de la rejoindre à sa table. Ce que la Reine ne sait pas ou en tout cas ce que ces dames lui cachent, c’est qu’elles doivent rejoindre Louis XV à Lille le surlendemain.
Le 9 juin 1744
Rassurée sur le sort des armes de son mari, Marie Leszczyńska décide de se rendre chez la duchesse d’Orléans à la Madeleine de Traisnel, couvent huppé de la capitale. Est-ce par politesse pour son grand âge ou par réelle amitié ? Difficile de comprendre sachant que la Reine ne supporte pas les princesses du sang et que leur doyenne a toujours eu une réputation effroyable. Après une entrée pleine de réjouissances dans Paris, la Reine est reçue à souper au couvent avec la duchesse d’Orléans, sa fille la duchesse de Modène, sa petite-fille non officiellement présentée et treize dames, de la suite de la Reine ou de la duchesse d’Orléans. Même pour une visite familiale dans un couvent, la Reine se déplace avec quatre carrosses et quinze dames, sans compter ses écuyers.
Madame de Modène ne se gêne pas à minuit, en plein jeu de la Reine après le souper, de prendre congé afin de partir pour la Flandre. L’étiquette veut pourtant qu’il n’y ait qu’à Versailles où l’on peut prendre congé de ses souverains et certainement pas lors d’une visite privée.
Marie Leszczyńska est ulcérée. Il faut dire qu’elle et sa sœur la princesse de Conti déjà sur place sont amies avec la favorite qui a rejoint Louis XV aux armées. Malgré sa colère, Marie ne rentre pour Versailles qu’à cinq heures du matin.
Le 14 juin 1744
Lorsque la Reine soupe chez un particulier, rien n’est simple ! Marie Leszczyńska souhaite souper chez son amie la comtesse d’Armagnac, née Noailles à Sèvres. Mais celle-ci lui fait comprendre qu’elle n’est pas assez riche pour donner un souper non seulement à Sa Majesté, mais aussi à toutes ses dames qui l’accompagnent. La situation est encore pire pour les officiers cochers, postillons…. de la suite de la Reine. Les dames du palais au nombre de quatre prient monsieur de Narbonne, chef de brigade d’aller commander un repas au cabaret le plus proche. Le repas arrive trop tard : Marie Leszczyńska est déjà repartie pour Versailles.
Le 7 juillet 1744
Marie Leszczyńska soupe chez la comtesse de Toulouse à Luciennes (Louveciennes aujourd’hui), maison offerte par Louis XV à celle qu’il considère comme une tante adorée. Notons qu’il offrira le même bâtiment bien plus tard à sa dernière favorite la comtesse du Barry.
Le 8 juillet 1744
Marie Leszczyńska et la Cour doivent faire face à un sérieux problème à la fois d’étiquette et de sécurité. Le Roi étant parti avec l’essentiel de sa Maison, il n’y a plus assez de gardes pour elle et ses enfants. Pire : sa mère, la duchesse de Lorraine et reine de Pologne doit rendre visite à sa fille mais sans garde suffisante, la situation est très complexe. La Reine de France ne peut recevoir sa mère dignement à Versailles et la relègue à Saint-Cyr. La situation devient cocasse quand un des gardes tombe malade et du coup, à Trianon, durant le souper de la Reine et de ses enfants, ceux encore présents derrière chaque membre de la famille royale doivent se relayer pour ne laisser ni le Dauphin ni Mesdames seuls et en plus de souper en même temps avant la promenade prévue dans les jardins. Malgré ce manque d’effectifs, les gardes ne font pas attention pour autant : le même jour, un de sentinelle dans l’antichambre de Mesdames s’endort au balcon et tombe de la fenêtre. Il meurt sur le coup.
Le 30 juillet 1744
Nouvelle visite de la Reine et pour la première fois de son fils à Dampierre chez ses amis Luynes. Comme d’habitude, promenades, souper, jeu… Avec deux tables : celle de la Reine et le Dauphin sur une petite chaise à sa droite avec une dizaine de dames et une table dans une pièce à côté pour les autres dames et les seigneurs.
En août-septembre 1744
Tombé malade à Metz, Louis XV renvoie madame de Châteauroux dans un accès de dévotion, mais il renoue avec elle une fois rétabli et c’est Maurepas qui est chargé de lui apporter la lettre du Roi qui le lui annonce. La duchesse se propose de le faire renvoyer sans tarder, mais elle n’en a pas le loisir car elle meurt peu après, le 8 décembre 1744 , coïncidence qui amène certains à parler — quoique ce soit bien invraisemblable — de poison.
Du 1er au 7 septembre 1744, Metz
Après la maladie du Roi, la vie de cour reprend ses droits. Il n’y a pas possibilité de Grand Couvert car les dames et la Reine, parties en urgence à l’annonce de l’état de Louis XV, ont oublié leurs grands habits. La Bouche du Roi sert tous les jours entre vingt-cinq et trente tables, dont celles des dames d’honneur et d’atours de Marie Leszczynska mais celle-ci est obligée de manger seule. Louis XV mange de meilleur appétit mais toujours au lit.
Louis XV au milieu de sa maladie a dû renvoyer sa favorite la duchesse de Châteauroux et sa sœur madame de Lauraguais, toutes deux dames du palais de la Reine. Mais Marie Leszczyńska doit encore supporter une autre sœur de Nesles, madame de Flavacourt dont c’est la semaine. Il est hors de question pour la Reine de visiter le Roi lors de son dîner dans sa chambre accompagnée de cette dame. Marie ne fait donc qu’entrer et sortir, ses dames en dehors.
Le lendemain par contre, elle n’a pas d’autre choix que de la laisser l’accompagner lors du souper du Roi. Celui-ci ne semble pas la remarquer : il est vrai que madame de Flavacourt n’est pas en bonne amitié avec ses sœurs. Mais beaucoup désapprouvent la Reine d’avoir laissé madame de Flavacourt la suivre.
Le 28 septembre 1744
Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième
Le 3 octobre 1744, Lunéville
En visite chez ses parents, la Reine Marie apprend le décès de sa fille. Elle annule ses dîner et souper publics. Son père l’exhorte à se promener, visiter les beaux jardins de son château mais si elle obéit, elle préfère ensuite s’enfermer. Marie Leszczyńska n’avait pas vu sa fille depuis six ans. Tout le monde dit que la princesse est celle qui ressemblait le plus au Roi de Pologne son grand-père.
Le 5 octobre 1744
La Reine reprend sa vie publique, autorise la comédie sans s’y rendre et le jeu qu’elle adore. Les trompettes sont jouées durant son dîner mais aucune musique n’est admise au souper.
Le 13 octobre 1744
Retour à Versailles.
Le 14 novembre 1744
Marie Leszczyńska vient dîner aux Tuileries dans la chambre de la Reine donnant sur les jardins. Malgré l’étroitesse des lieux, toute la cour s’y presse, ambassadeurs compris, en attente de l’arrivée prochaine du Roi en guerre depuis plusieurs mois.
Ses enfants la rejoignent après leur propre dîner à Versailles.
A neuf et quart du soir, la famille royale en son entier s’installe dans l’antichambre de l’appartement du Roi, bien plus spacieux, après l’arrivée de Louis XV à sept heures et le jeu dans la galerie. Les vingt-quatre violons jouent plus d’une demi-heure.
Le Dauphin a perdu son gouverneur le duc de Châtillon en disgrâce après Metz, néanmoins un sous-gouverneur reste derrière lui. Après le repas, la famille royale se réunit seule une demi-heure
Nuit du 14 au 15 novembre 1744
Louis XV fait une tentative de gratter à la porte de la chambre de son épouse. Les femmes de chambre de la Reine la préviennent mais celle-ci pense, en tout cas affirme, qu’il s’agit d’un mauvais bruit.
Le 5 décembre 1744
Louis XV ne se montre pas au Grand Couvert : il a appris que madame de Châteauroux est au plus mal et s’est faite saigner.
« Il était d’un changement et d’un abattement extrêmes.»
Mémoires du duc de Luynes
Marie Leszczyńska refuse l’invitation faite par son ami le duc de Luynes à venir passer la soirée dans son appartement auprès de son épouse, dame d’honneur de la Reine, comme presque tous les soirs. En effet, elle ne veut pas montrer au public qu’elle se fait un plaisir du chagrin du Roi et reste enfermée afin de montrer sa solidarité avec son époux.
Début 1745
Débarrassée de la favorite du Roi, la duchesse de Châteauroux, la famille royale retrouve avec bonheur Louis XV plus assidu aux Grands Couverts et surtout prêt à reprendre la conversation qui les termine chez la comtesse de Toulouse.
Le 7 février 1745
Le Roi impose un bal masqué chez ses filles. Le Dauphin et Madame Henriette n’aiment pas danser mais Louis XV estime «que cela ne faisait rien, qu’à leur âge, on aimait toujours à danser.» Quelques jours auparavant, le Roi est parti à un bal masqué dans Versailles où la rumeur raconte qu’il y retrouva une dame qu’il ne quitta pas. C’est sûrement la raison pour laquelle il veut ce bal. Le Roi aime être costumé afin de pouvoir passer une soirée incognito. Son épouse vient aussi au bal de leurs enfants, jusqu’à quatre heures du matin mais estime qu’elle ne doit plus porter de masque à son âge. Louis XV fait réellement preuve de maladresse quand il s’agit de ses maîtresses vis-à-vis de sa famille.
Le 23 février 1745
Le Dauphin Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles sa cousine l’infante Marie-Thérèse de Bourbon (1726-1746), deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé, en 1739, Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.
C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour) qu’il découvre dans le costume de Diane chasseresse.
Voici comment est alors aménagée la Galerie des Glaces :
La Galerie des Glaces en 1745,
Restitution lors du mariage du Dauphin de France
( Texte de Christophe Duarte, Versailles Passion ;
Les restitutions de Philippe Le Pareux de la Galerie des Glaces en 1745 lors du mariage du Dauphin permettent d’en considérer le faste )
Il s’agit de l’ameublement ordinaire : les torchères de 1695 (qui ne seront remplacées qu’en 1770), les huit tables couvertes de vases de porphyre, les tabourets recouverts de leur housse cramoisie, les rideaux verts, les bustes des douze Césars, auxquels s’ajoutent les cascades de lumière installées en plus dans les angles, telles que la gravure de Cochin permet de les voir.
Les tapis dans le style de la galerie du Louvre et la cloison qui fermait l’arcade donnant sur le salon de la Paix terminent cette évocation.
Dans les deux vues du salon de la Guerre, la différence d’intensité d’éclairage est liée à l’éclairage surnuméraire dans la Galerie.
Cette modélisation rend compte de manière d’un aménagement «extraordinaire» de la galerie lors de fêtes.
Tel est le décor de l’entrée en scène dans l’Histoire de Jeanne-Antoinette de Pompadour…
Le 25 février 1745
Le Bal des Ifs, le jour Madame de Pompadour officialise son entrée à la Cour de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion)
A sept heures du soir
Comme à l’accoutumé, il y a «soirée d’appartement» chez le Roi. Exceptionnellement, elle a lieu dans la Grande Galerie, où l’on a disposé, outre une grande quantité de table de jeux diverses et variées, une grande table rectangulaire destinée à la partie de lansquenet du Roi dans le centre de la Galerie et une autre table, ronde plus petite, devant la porte du Salon de la Paix, réservée au cavagnole de la Reine.
A neuf heures du soir
Le Grand Couvert a lieu comme les autres soirs. Puis chacun se retire chez soi afin de se préparer pour un bal masqué qui doit se dérouler toute la nuit.
Durant cet intermède, les services des Menus Plaisirs et du Garde meuble font disparaître les tables de jeux de la Galerie afin de la préparer pour le bal.
Aucune invitation n’a été lancée : «On y entre, nous dit Barbier, sans distinction, en habit de masque à la main». Néanmoins, il a été prévu des filtrages aux deux entrées de ce bal : une à l’escalier de Marbre et l’autre à celui de l’Escalier du salon d’Hercule. Des huissiers demandent qu’une personne des groupes qui rentrent se démasque, se nomma et nommait les autres personnes. La foule devient telle et la bousculade si forte que les huissiers abandonnent et laissent tout le monde entrer.
Il y a quatre grands buffets garnis de rafraîchissements de toutes sortes de vins, du saumon frais, des pâtés de truites, des poissons au bleu, des filets de sole et tout ce que l’on pouvait souhaiter la nuit d’un vendredi maigre. Les quantités sont si abondantes qu’on prétend que certains en fourrent plein leurs poches pour les revendre le lendemain au marché.
Peu avant minuit, la Reine apparaît, sans masque revêtue d’une robe constellée de bouquets de perles avec sur sa tête, le Sancy et le Régent, les deux plus beaux diamants de la Couronne. Elle accompagne le couple de mariés, le Dauphin costumé en jardinier et la Dauphine en marchande de fleurs.
Un quadrille débute le bal avec le Dauphin, non masqué menant la Dauphine, le duc et la duchesse de Chartres, madame d’Andlau et monsieur de Ségur, tous costumés en bergers et bergères, en robes à paniers enguirlandées de fleurs, une corbeille fleurie à la main, puis on va s’asseoir sur une estrade préparée à leur intention afin de s’amuser à regarder les masques. Mais Louis XV n’est toujours pas là.
La Dauphine, surprise par la liberté et l’aisance des manières de la Cour, accepte de danser avec un bel inconnu masqué, qui se déclare espagnol. Visiblement, il a l’allure d’un Grand d’Espagne et est au fait de tous les secrets de la Cour. Intriguée, elle veut savoir qui est le personnage, mais son danseur ne laisse rien paraître et disparaît brusquement. On apprend le lendemain qu’il ne s’agit que du simple cuisinier espagnol de monsieur de Tessé. Tout Versailles fait les gorges chaudes et la Dauphine, qui ne sut pas tenir sa langue, est assez mortifiée.
Un autre incident intervient au souper quand la princesse de Conti, fatiguée d’être restée debout, voulue s’asseoir sans trouver de sièges libres. Discrètement, elle se démasque, persuadée qu’en dévoilant son identité, elle trouvera aussitôt un siège mais personne ne se lève, feignant de ne pas reconnaître une princesse du Sang. Furieuse, elle quitte le salon en déclarant haut et fort que de «sa vie qui est longue, elle n’avait vu des gens si malhonnêtes, il faut qu’on soit ici de bien mauvaise compagnie».
C’est au moment où la princesse quitte l’Œil-de-Bœuf que l’on peut assister à un surprenant spectacle : sept ifs exactement identiques, taillés en topiaires, s’avancent à la queue leu leu, tandis que la foule s’écarte pour les laisser passer. On a immédiatement devine que le Roi se trouve parmi ces ifs. C’est Louis XV qui, semble-t-il, a eu cette idée originale de déguisement, persuadé que personne ne pourrait le reconnaître.
Beaucoup d’indiscrétions ont couru sur les liaisons du Roi avec une mystérieuse inconnue et l’on sait que le mouchoir va être jeté ce soir-là. Beaucoup de dames meurent d’envie d’être la maîtresse du Roi et ce bal est une chance inespérée pour toutes les prétendantes à la succession de la duchesse de Châteauroux.
Madame d’Etiole, costumée en Diane chasseresse, parle à un if : le règne de Madame de Pompadour (1721-1764) débute.
Ce fameux bal ne devait s’achever que le lendemain vers les huit heures du matin.
Le 28 février 1745
Au cours du bal offert à l’Hôtel de ville de Paris par le corps municipal, une nouvelle rencontre entre Madame d’Étiolles et Louis XV confirme l’intérêt que lui porte le Roi.
Jeanne-Antoinette devient une visiteuse régulière à Versailles.
Le 10 septembre 1745
Louis XV installe Madame d’Étiolles au château de Versailles dans un appartement situé juste au-dessus du sien, relié par un escalier secret.
Le 24 juin 1745
Le Roi fait don à Madame d’Étiolles du domaine de Pompadour, acquis le par la Couronne auprès du prince de Conti, le Roi relevant le titre tombé en déshérence faute d’héritier mâle la créant ainsi marquise, tandis que Jeanne-Antoinette obtient de son mari une séparation légale.
Le 14 septembre 1745
La présentation officielle de la nouvelle favorite a lieu à Versailles. Cela nécessite une princesse de sang. Pour cette cérémonie très protocolaire, la princesse de Conti accepte d’être la marraine de Jeanne-Antoinette, en échange de l’extinction de ses dettes.
Madame de Pompadour (1721-1764) s’efforcera d’être pour le Roi une amie et une thérapeute, une présence aimante, toujours enjouée (en apparence) et consolatrice qui lui offre le délassement, l’oubli de ses problèmes.
Mais la marquise de Pompadour est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain.
En 1745
Madame de Pompadour apporte son soutien indéfectible à Voltaire (1694-1778)et réconcilie l’écrivain et Louis XV. Ce retour en grâce auprès du Roi, permet à Voltaire d’obtenir une charge d’historiographe.
Le 2 mai 1746
Voltaire est élu à l’Académie Française.
Le 21 mai 1746
Louis XV achète pour la somme de 750,000 livres à Louis-Alexandre Verjus, marquis de Crécy, son château pour l’offrir à madame de Pompadour.
Le 22 juillet 1746
La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
L’influence politique de Madame de Pompadour croît au point qu’elle favorise le mariage hautement diplomatique entre Marie-Josèphe de Saxe et le Dauphin Louis-Ferdinand.
Le 9 février 1747
Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.
En mars 1748
Madame Victoire revient à la Cour.
Très proche de leur mère, la Reine Marie Leszczyńska, le Dauphin Louis-Ferdinand et ses sœurs souffrent avec elle des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans.
L’ascension sociale de la marquise de Pompadour lui vaut d’être critiquée par des pamphlets injurieux, appelés « poissonnades ».
En mars 1748
Au traité d’Aix-la-Chapelle, la France et l’Angleterre se restituent leurs conquêtes respectives (Louisbourg contre Madras ) ce qui crée, pour quelques années, un équilibre naval entre les deux pays.
Louis XV rend toutes les conquêtes faites à l’Autriche, contre toute attente car il préfère soutenir les puissance catholiques pour contrecarrer les nouvelles puissances émergentes protestantes (Angleterre, Prusse).
Louis XV déclare qu’il a conclu la paix « en roi et non en marchand ».
En 1749
Maurepas (1701-1781), secrétaire d’Etat à la Marine, est disgracié en 1749 et exilé à quarante lieues (environ 160 km) de Paris pour avoir répété les libelles répandus contre la marquise de Pompadour.
La Reine et le Dauphin, appuyés par les milieux dévots, pressent le Roi de faire cesser cette relation adultérine notoire et finissent par le faire céder après de nombreuses années de résistance. Cependant, bien que la marquise de Pompadour cesse de partager l’intimité du roi, sa carrière connaît une nouvelle promotion : elle obtient le privilège royal de loger dans l’appartement du duc et de la duchesse de Penthièvre au rez-de-chaussée du corps central du château de Versailles alors que Mesdames les filles du Roi le convoitent.
Bellevue
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
En 1748, Louis XV achète un terrain situé sur le plateau de Meudon, entre le château de Meudon et celui de Saint-Cloud.
Dès l’année suivante, le Roi cède le terrain à Madame de Pompadour, qui s’adresse à son architecte préféré, Jean Cailleteau. Assisté par Jean-Charles Garnier d’Isle pour les jardins, ce dernier édifie très rapidement le château de Bellevue, dont les travaux sont achevés dès 1750.
La favorite revend le château à Louis XV le 22 juin 1757 pour la somme de 325 000 livres. Ce dernier fait remanier la distribution et le décor intérieur sous la direction d’Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci construit en 1767 deux ailes en retour en rez-de-chaussée, absorbées en 1773 dans une extension qui les relie au bâtiment principal.
A son avènement, Louis XVI fera don de ce château à ses tantes. Sous la Révolution, Mesdames quitteront Bellevue le 19 février 1791, à la tombée de la nuit, pour prendre le chemin de l’émigration, en direction de l’Italie, abandonnant ainsi la majeure partie du mobilier.
Le château est vendu à M. Testu-Brissy, qui le fait abattre.
La salle-à-manger des retours de chasse
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette salle a remplacé, en 1750, un petit appartement des bains. Une ou deux fois par semaine, Louis XV y donne à souper aux Seigneurs et aux Dames qui l’ont accompagné à la chasse. C’est une faveur très recherchée que d’être admis à ces soupers.
En 1769, Louis XV créé une nouvelle salle à manger, dite «des salles neuves», en réunissant le Grand Cabinet et l’Antichambre de l’appartement de sa fille, Madame Adélaïde. C’est dans cette nouvelle pièce que désormais et jusqu’en 1789, auront lieu les soupers du Roi.
Louis XV en son jardin botanique,
Les ananas de Trianon
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Lorsque Louis XV décide en 1750 d’aménager à Trianon de nouveaux jardins fleuristes et potager.
Il suit le programme botanique mis en œuvre à Choisy dès 1747. Toutefois, à Trianon, le nouveau petit château est résolument placé au centre des activités de productions jusque-là relégués dans des zones annexes et non visibles du château et l’antériorité des jardins sur le bâtiment y traduit le réel intérêt de Louis XV pour la botanique.
Le jardin fruitier est composé d’une figuerie et de serres chaudes renfermant aloé, géranium, café ananas et asclepias. Ces serres représentent un véritable défi : elles doivent utiliser au mieux la chaleur du rayonnement solaire associée à celle de fourneaux, permettant de cultiver plus particulièrement ananas, pêches et fraises hors saison.
Ces serres sont agrandies, détruites en 1765 puis remplacées : plusieurs projets sont présentés à Louis XV dont un modèle pour les ananas, mais c’est finalement à Choisy que la production royale de ces fruits d’exceptions se concentre sous la direction du jardinier Alexandre Browm.
A la révolution, la ville de Versailles proposera que le Petit Trianon serve de jardin botanique et d’école d’agriculture. André Thouin, jardinier en chef du nouveau Jardin des Plantes à Paris, préférera établir ce jardin botanique au Potager de Versailles. La fonction pédagogique des jardins est alors abandonnée au profil des nouvelles pépinières nationales de Trianon plus productrices, qui demeurent le témoin de la richesse botanique des anciennes collections royales.
En mars 1749
On dit que Madame Infante va rester longtemps en France, peut-être des années. La raison est que le palais de Parme
manque de tout, qu’il n’y a ni meubles, ni même d’escaliers, qu’il y a pour longtemps à y travailler.
Heureux prétexte à l’amour paternel pour garder ici Madame Infante, ce qui est fort coûteux, et la séparer d’un mari qu’elle n’aime pas ! le Roi n’aime pas non plus, dit-on, son gendre Don Philippe, parce qu’il ne s’est pas montré assez valeureux dans la guerre d’Italie ; mais il est fâcheux de laisser perdre ainsi l’âge de la fécondité de Madame Infante, qui pouvait donner des mâles à la maison royale.
Après 1750
Si les relations entre le Roi et sa favorite prennent un tour platonique, voire simplement amical, Jeanne-Antoinette ne quitte pas la Cour pour autant et reste dans l’entourage immédiat de la famille royale, alignant sa conduite sur celle qu’avait eue en son temps la marquise de Maintenon (1635-1719). Madame de Pompadour excelle en effet à distraire Louis XV, lui fait découvrir les arts, organise des fêtes, des représentations théâtrales, entretient le goût du souverain pour les bâtiments et les jardins, multiplie ses résidences hors de Versailles. Ce qui explique qu’après avoir été pendant cinq ans sa maîtresse, elle reste la favorite en titre.
Le 13 septembre 1751
Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne à Versailles.
Jeanne-Antoinette de Pompadour ne contente plus la sensualité du Roi et elle craint d’être supplantée par une dame de la Cour. Ce rôle dont elle ne peut s’acquitter, Madame de Pompadour le délègue obscurément à des subordonnées. Des jeunes femmes ou jeunes filles, sont donc présentées au souverain et logées dans la maison du Parc-aux-cerfs, l’actuel quartier Saint-Louis, à Versailles.
Le 7 février 1752
Un arrêté du Conseil du Roi Louis XV interdit l’impression et la diffusion des deux premiers volumes de l’Encyclopédie
Le 10 février 1752
Décès de Madame Henriette, sa douce fille, à l’âge de vingt-quatre ans.
Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.
Dès le mois de mai 1752
Le Conseil du Roi reconnaît « l’utilité de l’Encyclopédie pour les Sciences et les Arts », Madame de Pompadour et quelques ministres peuvent ainsi solliciter d’Alembert et Diderot de se redonner au travail de l’Encyclopédie.
En 1753
Louis XV achète l’hôtel d’Évreux (aujourd’hui, Palais de l’Élysée) et l’offre à madame de Pompadour pour en faire sa résidence parisienne.
Le tableau qui enflamme le Roi
Chronique d’Emma Defontaine – Versailles Passion
«Je ne peux pas croire qu’ une telle beauté existe mais si il elle existe je l’ obligerai à éteindre le feu qu’ elle a allumé dans mon âme».
Alors que les rendez vous du Parc aux cerfs demeurent secrets une belle inconnue d’origine Irlandaise venue de Paris entre dans le jeu des intrigues courtisanes. Louison O’Murphy dite la Morphise ou la Morfil ou encore Morfi. Son père est emprisonné pour espionnage, sa mère pour prostitution une peine qui ne l’empêche pas de vendre les agréments de ses filles.
« On dit que le roi a trouvé dans son chemin dans les jardins de Choisy, une jeune fille de quinze ou seize ans extrêmement jolie, à laquelle il s’est amusé ; qu’elle est logée dans le Parc aux cerfs qu’il lui a assuré une pension ; d autres disent que c est sur ce dessin que tenoit un peintre (François Boucher) que le roi eu envie de voir l’original qu on lui a amené cette jeune fille ; que le roi lui a demandé si elle le connaissoit pas ? Si elle ne l’avoit jamais vu ? Et qu’ elle a répondu que non et enfin si elle a dit qu’ il ressembloit à un écu de six Francs».
L’ avocat Barbier dans son journal en mars 1753
Toutes ces plaisanteries se font à cause de madame de Pompadour qui a des ennemis à la Cour […].
La nouvelle relation avec la belle fait couler beaucoup d’encre.
Voici un récit du séducteur vénitien Casanova qui l’a croisé lors de son séjour à Paris, sur la présentation de la beauté au Roi :
« Blanche comme un lys elle avait tout ce que la nature et l’art des peintres peuvent réussir de plus beau. La beauté de ses traits avait quelque chose de si suave qu’ elle portait à l’âme un sentiment indéfinissable de bonheur, un calme délicieux. Elle était blonde et cependant des beaux yeux bleus avaient tout le brillant des yeux noirs».
Elle saute sur les fauteuils, lui apprend danses et prières. C’est son jouet, mais elle n’a pas d’influence sur lui. Elle le délasse et le rassure. Il ne l’aime pas mais il est attaché, il a un sentiment de domination sur celle qui n’est pas de son univers et qui n’est pas dangereuse.
La faveur de Louison O’Murphy devient cependant un réel danger pour Madame de Pompadour. Louison ne supplante pourtant jamais la marquise. Enceinte elle a une fille du Roi.
Louison aura la maladresse de suivre les conseils de la maréchale d’ Estrées, intime ennemie de Madame de Pompadour. S’adressant au Roi, la Morphise lui demande en quels termes le monarque se trouve «avec la veille coquelle» ?
Louis XV force la Morphise à lui avouer le nom de la personne qui l’a incitée à cette attaque contre la Pompadour. En larme Louison avoue. On exile de la Cour madame d Estrées. On marie la Morphise avec Jacques de Beaufranchet d’Ayat en novembre 1755. Le mari reçoit cinquante milles livres et la Morphise a une dot de deux cent mille livres, un trousseau de qualité et des bijoux, diamants et autres pendeloques qu’elle a reçus du Roi durant leur liaison.
Louison sera veuve puis remariée plusieurs fois, elle finira tranquillement sa vie riche et célèbre.
Le 23 août 1754
Naissance de Louis-Auguste, futur Louis XVI (1754-1793).
Le 17 novembre 1755
Naissance de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII (1755-1824).
Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.
Le samedi 7 février 1756
Le Roi annonce la nomination de Madame de Pompadour, Dame du palais de la Reine.
Le dimanche 8 février 1756
La présentation de madame de Pompadour en tant que Dame du palais de la Reine a lieu, après les vêpres.
De 1756 à 1763
La Guerre de Sept Ans
La guerre de Sept Ans oppose la Prusse (alliée du Royaume-Uni ) à une coalition formée par la France, l’Autriche, la Russie, la Saxe, la Suède, la Pologne. La guerre se déroule surtout en Allemagne et en Bohême. Cette guerre est due à la volonté de Marie-Thérèse d’Autriche de récupérer la Silésie, qu’elle avait dû céder au Roi de Prusse Frédéric II en 1748, à la fin de la guerre de Succession d’Autriche.
Le Royaume-Uni s’unit à la Prusse afin que celle-ci l’aide à protéger le Hanovre (propriété personnelle du Roi d’Angleterre ). La France se trouve entraînée dans la guerre à la suite de son alliance avec l’Autriche, parce que la Prusse attaque la Saxe (l’Électeur de Saxe est le beau-père du dauphin de France) et parce qu’elle est en guerre contre le Royaume-Uni au Canada et en Inde.
Pendant les sept années de guerre, le Roi de Prusse (qui en fait se bat seul contre les autres pays européens) alterne les victoires (comme celle de Rossbach en 1757) et les défaites (comme celle de Kunesdorf en 1759). Très compétent pour les affaires militaires, Frédéric II a bénéficié aussi de la médiocrité du commandement des armées adverses (en 1759, alors qu’ils viennent de détruire l’armée prussienne, Russes et Autrichiens renoncent à marcher sur Berlin, la capitale prussienne, alors qu’elle est sans défense). En janvier 1762, le «second miracle » est l’arrivée au pouvoir en Russie de Pierre III (1728-1762) qui, grand admirateur de Frédéric, retire son pays de la coalition.
En 1763, ne pouvant vaincre Frédéric, la France et l’Autriche acceptent la paix. La Prusse conserve la Silésie.
En Europe, la guerre de Sept Ans a eu des conséquences très importantes. La Prusse devient une grande puissance avec qui l’Autriche doit composer en Allemagne. La France perd sa prépondérance militaire et diplomatique.
Parallèlement, la guerre se déroule aussi en Amérique du Nord, où les Français installés au Québec luttent contre les Britanniques, mais également en Inde, où ils se disputent le contrôle d’une partie du pays. Les Britanniques sont victorieux. La France perd son empire colonial pour le bénéfice des Britanniques et des Espagnols. Le Royaume-Uni devient la première puissance coloniale et maritime et prépare ainsi sa place de première puissance industrielle du XIXe siècle.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens contre le Roi
En ce 5 janvier 1757, un carrosse attend le Roi dans le passage couvert qui va de la cour royale au parterre nord. Vers six heures du soir, le souverain descend son escalier intérieur et traverse la salle des gardes du corps. Il est accompagné du Dauphin, du capitaine des Gardes du Roi, des Grand et Petit écuyers et du colonel des Gardes suisses.
Au sortir de la pièce, éclairée par des torches, le Roi est assailli par un individu qui le frappe violemment. Ayant conservé son chapeau, le forcené est maîtrisé, car il aurait dû se découvrir devant le Roi.
Portant la main au côté droit, le Roi pense qu’on lui a donné un coup de coude ou de poing, selon les sources. Mais sa main est ensanglantée. Le couteau a pénétré entre la quatrième et la cinquième côte, causant une blessure longue, mais superficielle. On transporte Louis XV dans sa chambre. Il saigne abondamment. Choqué, il finit par s’évanouir. Revenu à lui, il croit qu’il va mourir. Il réclame un prêtre, confie le royaume au Dauphin et demande pardon à la Reine des peines qu’il lui a infligées.
Depuis le début, le Roi sait qu’il s’agit d’un acte isolé. Quoique remis de sa blessure au bout de huit jours, il est toujours commotionné. L’attentat a laissé des séquelles. Devant l’émoi général, Louis XV entend changer d’attitude. Il veut regagner la confiance de ses sujets, renoncer à ses maîtresses et préparer le Dauphin à sa succession. Sages décisions… qui ne dureront qu’un temps : madame de Pompadour, un temps inquiétée, reprend bien vite sa place et régnera sur l’esprit du Roi jusqu’à sa mort…
Du 12 février au 26 mars 1757
Procès de Robert-François Damiens(1715-1757). Il a quarante-deux ans et a servi plusieurs conseillers au Parlement, très critiques envers le Roi et la marquise de Pompadour. Ces critiques régulières sont montées à la tête de Damiens, au caractère influençable et exalté.
Le 28 mars 1757
Damiens est exécuté Place de Grève. Son supplice, à l’instar de celui de Ravaillac, compte de nombreuses tortures, avant qu’il soit écartelé et brûlé. Damiens s’est rendu coupable du crime suprême : celui de « parricide commis sur la personne du Roi » et donc de lèse-majesté.
L’exécution a lieu devant une foule immense, pour laquelle c’est aussi un spectacle. Elle dure plus de deux heures et est effroyable au-delà de tout. Le Roi aurait sans doute au moins préféré qu’on appliquât une mort rapide et sans douleur, mais ce n’était pas lui qui décidait…
Pendant le supplice, selon un témoignage, on le «trouva disant l’office des morts et priant le bon Dieu pour le repos de l’âme de son assassin».
Certains courtisans, afin de se mettre en valeur, s’empressent de venir lui raconter tous les détails, mais ils ne sont pas bien accueillis…
Le 9 octobre 1757
Naissance de Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X (1757-1836).
Le 23 septembre 1759
Naissance de Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.
Le 6 décembre 1759
Mort de Madame Elisabeth , duchesse de Parme.
Le 30 juin 1760
La marquise de Pompadour fait l’acquisition du château et du marquisat de Menars
( texte et illustration de Christophe Duarte – Versailles passion )
En 1760, la Marquise charge Ange-Jacques Gabriel de construire deux nouvelles ailes de part et d’autre des pavillons, pour remplacer celles éditées au XVIIe siècle. Pour briser l’uniformité de la façade, Gabriel couvre ces deux ailes de toits plats à l’italienne.
De chaque côté de la cour d’honneur, il bâtit deux pavillons : le pavillon de l’Horloge à droite, qui renferme les cuisines, reliées au château par un souterrain, et le pavillon du Méridien à gauche, où se trouve la conciergerie. Il dirige également d’importants travaux d’aménagement intérieur.
Abel-François Poisson de Vandière, Marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du Roi. De nouveaux travaux sont réalisés sous la direction de Jacques-Germain Soufflot (1713-1780), qui fait creuser une longue pièce d’eau en bas du parc, surnommée les bains Pompadour, ainsi qu’une grotte et une orangerie et une rotonde qui abrite une statue de déesse en marbre, en plus des dizaines de statues qui jalonnent les jardins.
Côté cour, le corps de logis est doublé par un corps en rez-de-chaussée couvert «à l’italienne», tandis que les ailes édifiées par Gabriel sont dotées de combles dits «à la française».
Le Roi érige le marquisat de Menars en duché, ce qui permet à Madame de Pompadour d’accéder au titre de duchesse et donc de pouvoir s’asseoir auprès des membres de la famille royale.
Pendant son « règne » de vingt ans, elle maintient des rapports cordiaux avec la Reine («J’aime autant celle-ci qu’une autre»). Madame de Pompadour entretient aussi des relations avec les ministres qu’elle invite parfois dans ses appartements.
Le 22 mars 1761
Mort de Louis-Joseph, l’aîné de ses petits-fils.
En 1762
Sous l’impulsion de la marquise, Louis XV ordonne la construction d’un nouveau Trianon dans le parc de Versailles. Madame de Pompadour supervise elle-même les plans et la construction de ce qui allait devenir « le Petit Trianon » et devait être sa future résidence à la Cour.
En 1764
Épuisée par vingt années de vie, de travail et d’intrigues à la cour, sa santé chancelle, Madame de Pompadour contracte la tuberculose. À Versailles, elle se plaint constamment de l’air froid et humide de ses grands appartements, regrettant le petit appartement de l’attique nord, plus facile à chauffer, qu’elle a occupé les cinq premières années de son installation.
Le 15 avril 1764
La marquise de Pompadour meurt d’une congestion pulmonaire, à l’âge de quarante-deux ans, à Versailles, ultime privilège, puisqu’il est interdit à un courtisan de mourir dans le lieu où résident le Roi et sa Cour.
Madame de Pompadour est emmenée sur une civière à son Hôtel des Réservoirs, où elle est veillée deux jours et deux nuits dans sa chambre, transformée en chapelle ardente.
Le mardi 17 avril 1764 en fin d’après-midi
Le premier service funèbre de la marquise de Pompadour se déroule à l’église Notre-Dame de Versailles.
On raconte que, considérant le mauvais temps alors que le convoi funéraire de Jeanne-Antoinette quittait Versailles pour Paris, Louis XV aurait fait cette remarque :
« La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage »
et voyant le cortège s’éloigner sans avoir pu rendre officiellement hommage à celle qui avait été si longtemps sa confidente :
« Voilà les seuls devoirs que j’aie pu lui rendre ! »
Dans ses dispositions testamentaires et faute de descendance , Madame de Pompadour offre une partie de ses résidences au Roi.
Le 3 mai 1764
Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.
Suppression de l’ordre des Jésuites en France.
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand, son frère, meurt, à l’âge de trente-six ans.
En 1768
Le boudoir de Louis XV,
pour le confort et l’intimité de Louis XV et Mesdames à l’Opéra
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Au moment de la construction de l’Opéra en 1768, Gabriel prévoit une loge royale comme il en existe dans tous les opéras royaux d’Europe : somptueuse, surmontée des emblèmes royaux…
Louis XV en décide autrement. Il préfère une petite loge discrète, plus intime avec la possibilité de s’y rendre discrètement. Toujours dans ce soucis de confort et d’intimité, le Boudoir du Roi propose un lieu confortable lambrissé blanc et or donnant sur le Foyer. De plain pied avec le premier étage de l’Aile du Nord, elle ouvre sur une salle des gardes, détruite en 1851 lors de la construction de l’Escalier Questel.
Juste au-dessous de celui du Roi, les filles du Roi ont également leur boudoir.
Beaucoup plus bas de plafond et sans décor ostentatoire, cette pièce, sans fenêtre, n’est éclairée que par la lumière artificielle.
Le 13 mars 1767
Mort de Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska son épouse.
En 1768
Louis XV néglige de plus en plus les affaires, l’acquisition de la Corse représente toutefois une des rares mesures judicieuses de la fin de son règne.
Jean du Barry fait tant l’éloge de sa dernière conquête au maréchal de Richelieu (1696-1788), vieux libertin très bien en cour, que ce dernier imagine de la présenter à Louis XV.
Au printemps 1768
La rencontre avec le Roi se fait discrètement, par l’intermédiaire de Dominique Lebel (1696-1768), premier valet de chambre du Roi. Cette opération n’est pas dénuée d’arrière-pensée politique pour Richelieu, qui veut contrer le Premier ministre Étienne François de Choiseul (1719-1785). Ce dernier, élevé au ministère par la défunte marquise de Pompadour (1721-1764), espère placer auprès du Roi sa sœur, la duchesse de Grammont, ou toute autre femme à sa dévotion.
En peu de temps, Louis XV s’éprend vivement de Jeanne, dotée d’un charme infini, et dont les talents aux jeux de l’amour lui donnent une nouvelle jeunesse. Il est non seulement ébloui par la beauté de Jeanne mais par aussi son caractère : Jeanne commence à le tutoyer, lui coupe la parole, le traite comme s’il n’était pas le Roi de France (ce qui est le rêve de Louis XV). Jeanne n’est pas comme toutes les précédentes maîtresses de Louis XV, ce qui est nouveau chez le Roi de France. Louis XV commence à s’attacher de plus en plus de Jeanne Bécu. La déconvenue de Choiseul est très vive, et immense son ressentiment à l’égard de Madame du Barry, qui lui fait perdre en peu de temps son influence prépondérante auprès du Roi (pour lequel il nourrit un secret mépris).
De plus, un projet de remariage avec l’Archiduchesse Marie-Élisabeth de Habsbourg-Lorraine (1743-1808), la sœur aînée de Marie-Antoinette, a échoué, la beauté de cette princesse de vingt-cinq ans ayant été ravagée par la variole, maladie courante à l’époque – et dont le Roi mourra. Le Roi, toujours très beau mais vieillissant (il a alors cinquante-huit ans) et neurasthénique, est donc libre. Il désire faire de Mademoiselle de Vaubernier sa nouvelle favorite. Mais cela ne peut s’accomplir sans une présentation officielle à la cour par une personne y ayant ses entrées, et sans que la personne présentée soit mariée.
Le 1er septembre 1768
Jean du Barry étant déjà marié avec Ursule Dalmas de Vernongrèse (qui terminera ses jours dans un couvent), il contourne la difficulté en faisant épouser à Jeanne son frère cadet, le comte Guillaume du Barry (1732-1811). Le mariage est célébré par le frère Gomard de Vaubernier qu’on tient pour être le père de Jeanne…
Pour la marraine, on recourt à la comtesse de Béarn ; issue d’une très ancienne famille, mais aussi très âgée et surtout très endettée, elle accepte cet emploi contre paiement de ses dettes, à la réprobation des courtisans bien-pensants.
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.
Le 13 juin 1769
Louis XV demande officiellement la main de l’Archiduchesse Maria-Antonia pour le Dauphin.
Le 14 mai 1770
La rencontre entre le Dauphin et sa future épouse a lieu, au pont de Berne, dans la forêt de Compiègne. Le Roi, le Dauphin et la Cour sont là pour accueillir le cortège de Marie-Antoinette. À Sa descente du carrosse, la future Dauphine fait la révérence au Roi et est présentée par lui au duc de Berry, lequel Lui fait un discret baiser sur la joue.
Le 15 mai 1770
La Dauphine quitte Compiègne et s’arrête à Saint-Denis, aux Carmélites, pour rendre visite à Madame Louise. Marie-Antoinette résidera au château de la Muette la veille de Son mariage. L’étiquette interdit à la Dauphine de passer la nuit à Versailles avant Son mariage.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
À cette occasion, l’abbé Soldini adresse au Dauphin une longue lettre de conseils et recommandations pour sa vie à venir, et notamment sur les « mauvaises lectures » à éviter et sur l’attention à porter à son alimentation. Il l’exhorte enfin à toujours rester ponctuel, bon, affable, franc, ouvert mais prudent dans ses paroles. Soldini deviendra plus tard le confesseur du Dauphin devenu Roi.
On compte cinq mille invités.
Là, Marie-Antoinette traverse la Galerie des Glaces en compagnie du roi et de son futur époux jusqu’à la chapelle. Le mariage est béni par l’archevêque de Reims. Puis, les époux et témoins signent les registres paroissiaux. Le dîner est organisé dans le tout nouvel opéra du château ; le repas est accompagné par vingt-quatre musiciens habillés à la turque. Les époux, eux, mangent très peu. Peu après minuit, ils sont accompagnés à la chambre nuptiale. L’archevêque bénit le lit, le Dauphin reçoit sa chemise nuptiale des mains du Roi et la Dauphine des mains de la duchesse de Chartres, la plus haut placée des femmes mariées de la Cour.
Le cortège de la princesse arrive dans la cour royale du château, devant les haies des gardes françaises et gardes suisses qui présentent les armes à son passage dans un roulement de tambours. On accompagne la princesse jusqu’à un appartement du rez-de-chaussée du corps central, contigu à l’appartement de la Dauphine où habite présentement le Dauphin.
Elle est livrée aux mains de Sa dame d’atours, des dames qu’Elle a rencontrées à Strasbourg et aux femmes de chambres qui La vêt d’un somptueux grand habit à grand panier de brocart blanc brodé d’argent, car en tant que future Dauphine, elle ne peut revêtir du brocart d’or, le manteau royal ou la couronne.
A la nuit
« Quand, en peu de temps, on (a) tout illuminé, les habits (sont) beaucoup plus brillants à la lumière… Ce nouvel éclat, joint à celui de l’illumination de la Galerie, (fait) un très grand effet. La table de jeu du Roi surtout , entourée de trois ou quatre rangs de dames superbement habillées, et la masse des diamants (font) un coup d’œil remarquable.»
Le duc de Croÿ
A dix heures
Le Roi passe au festin royal dans la grande salle d’Opéra royal, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel, qui est alors inaugurée.
A partir de 1748, Ange-Jacques Gabriel reprend les plans de ses prédécesseurs. Les premiers de travaux de gros œuvre sont exécutés. Les difficultés financières et les atermoiements quant à l’aménagement intérieur conduisent à les interrompre en 1756. Ils reprennent entre 1763 et 1765 avant d’être à nouveau arrêtés. La décision de terminer l’Opéra Royal intervient en 1768, lorsqu’est conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette.
Un lieu doit être trouvé pour célébrer les festivités. Assisté du machiniste Blaise-Henri Arnoult, Gabriel met la touche finale aux plans de l’Opéra Royal. Celui-ci est achevé en deux ans au terme d’un chantier pharaonique sur lequel travaillent nuit et jour des centaines d’ouvriers.
Arnoult le conçoit de manière à accueillir soit des spectacles soit des festivités. Lors des grandes réceptions, le plancher de la salle est rehaussé au niveau de la scène par des crics toujours en place, formant un gigantesque plateau d’environ 50 mètres sur 20 mètres. En revanche, dans la configuration spectacles, l’Opéra Royal accueille jusqu’à 1336 spectateurs. Une machinerie répartie sur 35 mètres de hauteur permet d’effectuer des changements de décors spectaculaires à la vue du public. La salle, entièrement exécutée en bois, dispose en outre d’une acoustique exceptionnelle.
Lors du repas
Le Roi recommande à son petit-fils de ne pas trop se gaver pour la nuit qui l’attend, il reçoit cette répartie qui en dit plus long que le Dauphin l’imaginait :
« Pourquoi? je dors toujours mieux quand j’ai bien mangé….»
Après le festin a lieu le cérémonial du coucher du nouveau couple delphinal.
L’assistance assiste au coucher des époux.
Les jeunes mariés sont conduits dans la chambre nuptiale, celle de Marie-Antoinette. La couche est bénie par l’archevêque de Reims. Le Roi passe sa chemise de nuit au Dauphin et la duchesse de Chartres à la Dauphine. Ils vont au lit en présence de toute la Cour afin de montrer qu’ils partagent bien le même lit.
Lorsque Marie-Antoinette devient Dauphine, Elle devient la première femme de France…rôle qui incombait depuis deux ans sinon officiellement, du moins dans les fastes de la Cour à Madame du Barry (1743-1793), de trente-trois ans plus jeune que Louis XV, son royal amant à qui elle aurait appris des plaisirs nouveaux…
Le mariage ne sera pas consommé cette nuit-là…
La Cour, la France, l’Europe jaseront alors quant à l’ade la sexualité du des mariés et même vis à vis de la sexualité de Louis-Auguste.
Le 17 mai 1770
La série des fêtes de mariage débute par la présentation générale de toute la Cour à la Dauphine.
Pendant ce temps, au dehors, la fête populaire bat son plein. Deux cent mille personnes, venues de Paris et des environs, remplissent presque les jardins immenses. On danse aux orchestres installés dans les bosquets. La famille royale et la Cour, venant du bal paré, prennent place dans la Galerie. Le feu, quoique contrarié par la fumée, excite de longs applaudissements ; il est rempli d’effets nouveaux ; le disque des soleils tournants porte les armes de France et le chiffre des époux, et la guirlande finale compte vingt mille fusées, ce qu’on n’a encore jamais vu. Moins d’une heure après, toutes les charpentes sont à terre, les batteries enlevées, et l’illumination commence. On aperçoit d’abord, tout au bout du grand canal, sur la droite de Saint-Cyr, une haute architecture de feu, le temple du Soleil ; puis les longues berges s’éclairent peu à peu, tandis qu’une flottille de gondoles couvertes de lanternes, se met à évoluer sur l’eau, au son des cuivres des gardes françaises qui la montent. Les feux se rapprochent et gagnent le Tapis-Vert. Cent soixante mille lampions et terrines s’allument en ifs, en arcades, en guirlandes. Les lignes du Château et des rampes se dessinent en cordons lumineux. C’est la plus grande illumination faite à Versailles depuis celles du Grand Roi.
Pendant plus de quinze jours
Bals, représentations théâtrales et fêtes publiques se succèdent.
Le 23 mai 1770
Représentation d’Athalie de Racine dans l’opéra royal de Versailles, le soir.
Le 30 mai 1770
A l’occasion du feu d’artifice tiré à Paris pour célébrer le mariage du Dauphin, une fusée tombe sur le décor et l’enflamme, semant la panique dans la foule : une bousculade meurtrière cause la mort de cent trente-deux personnes.
Dès le mois de juin 1770
Le Dauphin tente d’éloigner l’abbé de Vermond de la Dauphine ce que le Roi lui refuse. Louis-Auguste donne cependant à son grand-père la plus grande preuve de tendresse et de respect. Non seulement il accepte d’assister à des soupers que toute la famille royale évite avec affectation, mais il en fait solliciter la permission comme une faveur, et par l’entremise de madame du Barry elle-même.
Il est évident qu’il a l’intention de se montrer courtois avec la favorite et les autres personnes qu’il rencontre chez le Roi. Louis XV est d’autant plus sensible à ses attentions qu’il en est moins habitué de la part de ses enfants. La démarche de son petit-fils le touche vivement, et sa joie éclate jusque dans ses lettres à l’Infant de Parme:
Le 16 juin 1770
Après avoir évoqué son fils, Louis XV ajoute :
« Le destin m’en donne un autre (fils) qui me paraît (devoir) faire le bonheur du reste de mes jours et je l’aime de tout mon cœur parce qu’il me le rend.»
Le 24 juin 1770
« Je suis très content de mon petit-fils par l’amitié qu’il me marque intérieurement et extérieurement, et c’est ce dernier point qui me plaît plus car j’étais bien sûr du premier.»
Louis XV à l’Infant Ferdinand de Parme
Le 9 septembre 1770
Louis XV va au Petit Trianon, avec la comtesse du Barry, et y dort pour la première fois.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
Elle choisit d’entrer au carmel de Saint-Denis, le « plus pauvre carmel de France » où, d’après la rumeur, la règle passe pour être très rude. Ce Carmel, qui menaçait de fermer à cause de ses trop faibles moyens financiers, se trouve ainsi sauvé par l’arrivée d’une carmélite apportant une forte dot et susceptible d’attirer d’importantes oboles. Comme nom de religieuse, elle choisit « Thérèse de Saint-Augustin » en hommage à sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), mystique et réformatrice de l’Ordre du Carmel.
C’est la jeune Dauphine, qui vient d’épouser le futur Louis XVI qui lui remet son voile, et elle reçoit en cadeau «la pièce d’estomac» de la robe de la princesse.
À peine entrée au Carmel, elle se voit confier la charge de maîtresse des novices. Ce n’est pas moins de treize jeunes novices qu’elle doit diriger, guider et parfois modérer dans leur enthousiasme.
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. Marie-Antoinette est persuadée que Jeanne du Barry a forcé la décision du Roi.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
Madame du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame Du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1773
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
Le 20 mars 1773 selon la tradition
Le Roi vieillissant est distrait par la comtesse du Barry. Tandis qu’il la lutine dans les petits appartements de Versailles, le précieux mélange de café qu’il préparait menace lui aussi de prendre ses aises.
« Eh ! La France, prends donc garde, ton café f… le camp, s’écrie la belle Favorite !….. »
Les propos sont surpris et dès le lendemain, toute la Cour se gausse de la faiblesse du Roi et de la vulgarité de sa maîtresse.
L’anecdote est rapportée en 1775, deux ans après les faits, par Pidansat de Mairobert, qui publie anonymement à Londres ses Anecdotes sur Madame la comtesse du Barry. Ce pamphlet virulent, qui ne donne pour source qu’un journal manuscrit aujourd’hui perdu, n’est absolument pas digne de foi. Il témoigne tout au plus du mépris de la Cour pour la favorite, un mépris longtemps contenu et qui peut s’exprimer librement après la mort du Roi.
Il est cependant peu plausible que, même dans l’intimité, la comtesse se soit permis autant d’incongruités ramassées en une seule phrase : tutoyer le monarque, l’affubler d’un surnom ridicule, utiliser un mot grossier. La phrase n’a-t-elle pour autant jamais été prononcée ? Pas si sûr. Un historien, Charles Vatel, a retrouvé dans les comptes du tailleur Carlier, entre 1770 et 1772, des commandes passées par un certain La France, valet de pied de madame du Barry. Les domestiques étaient souvent appelés par le nom de leur région d’origine. Ainsi Damiens, qui a tenté d’assassiner Louis XV, avait-il servi sous le nom de Flamand chez des parlementaires parisiens, puisqu’il venait du Pas-de-Calais. La France était donc un domestique venu d’Ile-de-France, ce qui explique le tutoiement et le langage relâché de la favorite.
L’article de Jean-Claude Bologne, historien, essayiste et romancier
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Le petit théâtre des combles,
Le projet inabouti de théâtre de Louis XV
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Louis XV, malade, demande la création d’une salle de théâtre destiné à accueillir un petit nombre de spectateurs parmi les proches du Roi et de madame du Barry. Dans le prolongement de l’appartement de madame du Barry, à l’attique de l’Aile Neuve qu’il vient de construire, l’architecte Gabriel (1698-1782) prévoit, dans un espace restreint, de bâtir une salle en forme de fer à cheval, une loge royale dotée d’une garde-robe, un fosse d’orchestre et une scène pouvant accueillir un décor en cinq plans.
Louis XV mourra avant le début des travaux. Et ce petit théâtre de poche ne verra jamais le jour.
Ce projet a pu être reconstitué grâce aux plans conservés aux Archives Nationales et au logiciel VERSPERA. Le décor a été inventé par les étudiants de la licence pro de l’université de Cergy Pontoise.
Le 14 avril 1774
En se levant à Trianon, Louis XV a des douleurs dans la jambe, une forte migraine et des frissons.
Le déjeuner lui est répugnant, il n’a de goût à rien . Même la partie de chasse ne l’enchante pas, il reste dans sa voiture et a très froid. Le duc de Croÿ qui l’accompagne est inquiet en disant :
« Le Roi est malade!»
Son premier chirurgien, monsieur de La Martinière, diagnostique une fièvre sérieuse et insiste pour que le Roi regagne Versailles:
« Sire, c’est à Versailles qu’il faut être malade.»
Faisant fi des avis de madame du Barry, le chirurgien organise le transport: sous son manteau en robe de chambre, le Roi montre dans sa voiture. Son lit est fait à la hâte, un lit de camp est installé à côté.
Le premier médecin et le premier chirurgien se consultent et décrètent un traitement avec application de mouches sur les tempes et administration d’opium.
La nuit du Roi est catastrophique.
Le 28 avril 1774
Les hommes de médecine saignent le Roi, mais aucune amélioration n’est visible. Ils envisagent une deuxième voire une troisième saignée si besoin est. Louis XV sait ce que cela signifie : après la troisième saignée, il devra recevoir les saints sacrements.
Ces hommes de médecine sont impuissants et ne savent plus quel remède proposer . Ils demandent l’aide
de deux confrères, le médecin de madame du Barry et un médecin réputé de Paris. Mais personne n’arrive
à mettre un nom sur ce mal.