Le 17 novembre 1755
Naissance de Louis Stanislas Xavier.
Le jour-même il est ondoyé par le cardinal de Soubise.
Il est le quatrième fils du Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765) de France et de Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767).
Il est le frère cadet de Louis Auguste, futur Louis XVI, et le frère aîné de Charles-Philippe, futur Charles X. Petit-fils de France, Louis Stanislas Xavier est titré comte de Provence.
Le 9 octobre 1757
Naissance de son frère, Charles-Philippe, comte d’Artois (1757-1835).
En 1758
En grandissant, les petits-fils du Roi doivent passer des jupons de leur gouvernante aux mains d’un gouverneur chargé de l’ensemble des activités éducatives. Le Dauphin choisit pour ses enfants un homme plus proche des idées monarchiques : le Duc de la Vauguyon ( 1706-1772).
Ce dernier appellera ses élèves les « Quatre F » : le Fin (le duc de Bourgogne), le Faible (le duc de Berry), le Faux ( le comte de Provence) et le Franc (le comte d’Artois).
En novembre 1760
L’état de santé du duc de Bourgogne son frère aîné, s’aggrave néanmoins et on lui diagnostique une double tuberculose (pulmonaire et osseuse). La Cour doit se rendre à l’évidence : la mort du prince est aussi imminente qu’inéluctable. Ses parents se trouvent dans « un accablement de douleur qu’on ne peut se représenter».
Le 29 novembre 1760
Dans l’urgence, l’enfant est baptisé et il fait sa première communion le lendemain.
Le 16 mars 1761
Le duc de Bourgogne reçoit l’Extrême-onction.
Dans la nuit du 20 au 21 mars 1761
Le duc de Bourgogne meurt, en l’absence de son petit-frère, Louis-Auguste, alité lui aussi par une forte fièvre.
La mort du duc de Bourgogne est vécue comme un drame pour le Dauphin et la Dauphine. Marie-Josèphe déclarera :
« rien ne peut arracher de mon cœur la douleur qui y est gravée à jamais ».
Le 18 octobre 1761
Le même jour que son frère Louis-Auguste, Louis-Stanislas Xavier est baptisé par l’archevêque de La Roche-Aymon dans la chapelle royale du château de Versailles..
Son parrain est Stanislas Ier de Pologne, représenté par Louis-François de Bourbon-Conti , et sa marraine est Madame Victoire (1745-1799), sa tante. Tout comme son frère aîné, il passe son enfance au château de Versailles, où il reçoit une éducation solide. Cultivé, il est fin latiniste. Il a de l’esprit, ce qui lui vaut de devenir rapidement le petit-fils préféré de Louis XV (1710-1774), son grand-père.
En 1762
« Nous remarquâmes que des trois Enfants de France, il n’y avait que Monsieur de Provence qui montrât de l’esprit et un ton résolu. Monsieur de Berry, qui était l’aîné et le seul entre les mains des hommes, paraissait bien engoncé. »
Le duc de Croÿ
Le 3 mai 1764
Naissance de sa petite sœur Madame Élisabeth (1764-1794) au château de Versailles.
Le 11 août 1765
Le Dauphin Louis-Ferdinand, son père, fait une visite à l’abbaye de Royallieu et revient à Versailles sous la pluie. D’une santé déjà précaire et affublé d’un rhume, il est pris d’une violente fièvre.
Il parvient à faire transporter la Cour au château de Fontainebleau pour changer d’air, mais rien n’y fait, son état empire au fil des mois.
Le 19 octobre 1765
Le duc de Berry est prévenu du danger de mort où se trouve son père : on amène au Dauphin ses trois fils à qui on vient d’annoncer la mort imminente de leur père. En voyant la pâleur du duc de Berry et les larmes qu’il ne peut retenir, le Dauphin se met en devoir de le consoler avec une cruauté qu’on espère inconsciente:
« Dans la conversation, Louis-Ferdinand dit au duc de Berry:
«He bien, mon fils, vous pensiez donc que je n’étais qu’enrhumé?»
Puis en riant et en plaisantant:
« Sans doute, ajouta-t-il, que quand vous aurez appris mon état, vous aurez dit : tant mieux, il ne m’empêchera plus d’aller à la chasse.»
Marie-Josèphe de Saxe
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin meurt, à l’âge de trente-six ans.
Le 9 mars 1767
Marie-Josèphe fait appeler ses trois fils. «Elle leur donna sa bénédictions en versant des larmes. Son confesseur (l’abbé Soldini) s’acquittant en son nom de devoir que son attendrissement ne lui permettait pas de remplir, leur dit :
«Monseigneur, Madame la Dauphine m’ordonne de vous dire qu’elle vous donne sa bénédiction de tout son cœur et qu’elle prie le Seigneur de vous combler de toutes les siennes. Elle vous recommande de marcher devant Dieu dans la droiture de votre cœur, d’honorer le Roi et la Reine, de les consoler en retraçant à leurs yeux les vertus de votre auguste père ; de ne vous écarter jamais des sages avis que vous donnent les personnes qui sont chargées de votre éducation, et de vous souvenir de Dieu pour elle.»
L’abbé Soldini
Les trois enfants sortent en larmes d’auprès de leur mère.
Le 10 mars 1767
Dans l’après-midi, Marie-Josèphe fait ses adieux à ses deux petites filles Madame Clotilde et Madame Elisabeth qui aura trois ans au mois de mai.
Le 11 mars 1767
Elle revoit ses fils pour la dernière fois.
Le 13 mars 1767
Mort de Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).
Désormais doublement orphelin, le prince se rapproche instinctivement de la personne qui est la plus proche dans la vie quotidienne de ses deux petites sœurs, Clotilde et Elisabeth, leur gouvernante, la comtesse de Marsan (1720-1803). Nous savons qu’elle aime se faire appeler par ses pupilles «La petite chère amie» et que le comte de Provence qui l’aime beaucoup la présente comme sa «chère petite chère maman».
Le 13 avril 1767
Le comte de Provence fait sa première communion.
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), sa grand-mère.
Le 22 avril 1769
Mariée et munie d’un nom mieux sonnant que Bécu, madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour .
Le 16 mai 1770
Son frère,Louis-Auguste, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Louis XVIII écrira au sujet de sa belle-sœur Marie-Antoinette :
« Le mariage de mon frère (Louis XVI, en 1770) avec Marie-Antoinette me déplut souverainement, je l’avoue. L’Autriche avait des intérêts si opposés à ceux de la France, que je redoutais l’intervention d’une archiduchesse au milieu de nous. Je connaissais la faiblesse du dauphin (futur Louis XVI), sa nonchalance à se laisser guider par les autres, et je redoutais surtout l’empire que sa femme prendrait nécessairement sur lui. Cette princesse, élevée à l’autrichienne, pouvait-elle oublier ses premiers principes d’éducation pour devenir toute française? C’était au moins douteux. Et on devait craindre au contraire que le cabinet de Vienne (Marie-Thérèse, mère de Marie-Antoinette) ne trouvât en elle un auxiliaire tout disposé à le servir.
(…)
L’archiduchesse, à son début, conquit tous les cœurs; Elle était belle, séduisante, gracieuse, elle éblouit: son succès fut complet. On lui voua un culte comme à une divinité, qui fit même pâlir celui de la sultane favorite (Madame Du Barry). D’ailleurs les Choiseul donnèrent le mot d’ordre, et comme ils attendaient tout de la femme du dauphin, ils voulurent ne lui rien refuser.»
Louis XVIII – Propos recueillis par le duc de D**** (1832)
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
D’octobre à fin novembre
Séjour de la Cour à Fontainebleau
Le 3 novembre 1770
Adresse officielle de demande en mariage à Marie-Joséphine de Savoie et envoi du baron de Choiseul à Turin pour représenter les intérêts du Roi de France.
« Cette princesse est très brune : elle a d’assez beaux yeux mais ombragés de sourcils très épais ; un front petit ; un nez long et retroussé ; un duvet déjà très marqué aux lèvres.»
Pisandat de Meirobert dans les Mémoires Secrets
Louis-Stanislas quitte alors l’appartement qu’il occupait avec son frère cadet, Charles-Philippe d’Artois pour vivre avec son épouse au rez-de-chaussée du Corps Central. Il s’installe dans les appartements de son père.
1771
« Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence, qui accompagnait son frère chez la Dauphine, avait alors seize ans, et déjà Son Altesse Royale, envahie par un embonpoint extrêmement précoce, roulait plutôt qu’elle ne marchait.
On pouvait présager dès lors qu’à l’âge de vingt ans ,il faudrait hisser mécaniquement à cheval ce colonel-général des carabiniers.
M. le comte de Provence , mal fait, mal posé sur ses jambes, avait une figure agréable, un bel œil, de l’esprit dans le regard, de la malice dans le sourire, et quelque peu de pédantisme dans la manière de s’exprimer.
Son Altesse Royale affichait une grande prétention au savoir et à l’érudition. L’humeur de ce prince était caustique ; son caractère enclin aux détours et à la subtilité.
(…) Là dessus , et comme pour corroborer son opinion, Monsieur commençait à débiter une citation latine.»
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence et de Marie-Josèphe de Savoie, dès lors rebaptisée Marie-Joséphine (1753-1810) à partir de là. Les témoins sont son grand-père Louis XV, ses frères Louis-Auguste et Charles-Philippe, sa belle-sœur Marie-Antoinette, sa sœur Clotilde et ses tantes Adélaïde, Victoire et Sophie.
Le lendemain, Louis Stanislas du haut de ses quinze ans déclare à son grand-père qu’il a été «heureux quatre fois !». Ce qui veut dire en langage moderne qu’il a honoré quatre fois sa femme.
Marie-Joséphine confiera pourtant «je ne m’en suis pas aperçue».
Troublant.
Si Louis XV a fait mine de le croire de bonne foi, un silence de plomb entoure la nuit de noces. Contemporains, échotiers et gazetiers ne disent mot. C’est le contraste parfait avec les rumeurs de non-consommation du Dauphin et de Marie-Antoinette en 1770. La thèse la plus admise aujourd’hui réside dans le fait que l’union des Provence ne fut pas consommée le soir du 14 février 1771.
Louis-Stanislas a préféré mentir plutôt que d’endurer les bruits malveillants dont son frère aîné était l’objet.
Le premier appartement du comte et de la comtesse de Provence au château de Versailles
Cet appartement double, occupé par le couple princier, de 1771 à 1774, est souvent oublié car il n’existe plus à proprement parler car une partie était aménagé dans la galerie basse alors cloisonnée par diverses pièces pour l’usage de Madame Louise, le service de Mesdames de France sur l’emprise où plus tard, Madame Sophie, tante du Roi, disposera d’un appartement «simple».
Cette installation est ce que l’on nomme un appartement double, soit un ensemble de deux logements distincts , se distribuant de part et d’autre d’antichambres communes. Trois pièces sont communes : la salle des gardes, la première antichambre et la seconde antichambre, qui correspondent aujourd’hui à celles de l’appartement du Dauphin. La salle des gardes primitive avait été diminuée par plusieurs retranchements : une salle des Suisses de Monsieur fut ajouté dans la salle des gardes au plus prés des marches montant à la cour de Marbre, pour trois petites pièces destinées aux valets et femmes de chambre, le restant , du côté de la cour intérieure sert de corps de garde et de vestibule proprement dit.
De la seconde antichambre, ayant vue sur le parterre d’eau, la porte à double battants de gauche donnent chez le comte de Provence, celle en vis à vis, à droite, donne chez la comtesse.
Le comte de Provence, jeune marié, est logé alors dans l’ancien appartement de son père, le Dauphin Louis Ferdinand, au rez-de-chaussée du corps central du château, sous le salon de la Paix et la chambre de la reine. Il a servi précédemment à loger Madame Louise avant son départ au carmel en 1770 puis provisoirement la Dauphine Marie Antoinette, avant Son installation définitive chez la Reine. La distribution du logement est conservée : chambre, grand cabinet d’angle, cabinet intérieur ( c’est la bibliothèque ) ainsi que les pièces intérieures ou « caveau » sur la cour intérieure : garde robe, cabinet de chaise, pièce des garçons de la chambre, entresols ). Monsieur possédera une bibliothèque dans l’ancien « caveau de Monseigneur ».
Les décors du Dauphin Louis Ferdinand seront conservés, probablement rafraîchis pour le prince.
Pour la mariée, le service des Bâtiments, crée « dans l’économie» , un nouvel appartement, dans l’extrémité sud de la galerie basse sur l’emprise de petites pièces de service ou retranchement qui devaient exister à la fin du règne de Louis XV sous la galerie des glaces. Les décors semblent être assez modestes, car Madame Sophie, l’occupante suivante des lieux, en demandera le renouvellement après le départ de la comtesse de Provence en 1774. Il s’agira probablement , comme à l’habitude, de bas lambris à simples moulures avec tentures, de boiseries de hauteur assez sobrement dorées ou peintes ( souvent du réemploi ) ou de la simple peinture à la détrempe.
Comme son mari, la princesse dispose de pièces intérieures dans cet appartement, probablement disposées dans les entresols du passage, de la garde-robe et peut être du cabinet intérieur. On sait aussi que le couple dispose – jusqu’en 1779 – d’une salle de bains commune, avec cabinet d’aisance , entresols de service, et escalier des baigneurs, installée sur la cour de marbre aménagée dans l’ancien retraite du premier valet de chambre du Dauphin Bine, à l’endroit où Marie Antoinette fera installer la grande salle de bains bleue et blanche de Son petit appartement en 1789.
Cette pièce des bains est utilisée avec parcimonie semble–t-il, par la comtesse de Provence, peu soucieuse par l’hygiène au début de son mariage.
Rappelons qu’à même époque, le Dauphin Louis-Auguste habite l’appartement de la Dauphine, contigu à celui de Monsieur. La Dauphine Marie-Antoinette loge alors dans l’appartement de la Reine. Ces deux logements sont reliés par un escalier intérieur, établi dans l’ancienne salle de bains de la Dauphine Marie-Josèphe ,sur les emprises futures des méridiennes de la Reine et de Madame.
La mort de Louis XV mettra en question cette distribution du rez-de-chaussée du corps central. Le comte et la comtesse de Provence, devenus héritiers présomptifs de la Couronne, déménageront à nouveau.
Si Marie-Joséphine est loin d’être séduisante, Provence n’a rien d’un Adonis. Les portraits du petit-fils cadet de Louis XV nous montrent un jeune homme au visage trop plein rehaussé cependant de beaux yeux noirs expressifs. D’un embonpoint précoce, il se dandine pompeusement comme un coq de basse-cour. Sa santé n’est pas brillante : sujet à la gloutonnerie, il a de fréquentes indigestions et des poussées de fièvre. Au cours d’une maladie en 1772, il perd tous ses cheveux. Louis Stanislas est contraint de porter perruque. Marie-Joséphine ne trouvera rien de mieux en le surnommant «Prince Tignasse !».
« Monsieur avait l’esprit très-cultivé. Il était bon historien, connaissait à fond les poètes de diverses langues, et était d’une conversation aussi instructive qu’agréable. Mais si cet esprit cultivé, si ces connaissances scientifiques étaient suffisantes pour un homme ordinaire, elles ne l’étaient pas pour un prince appelé à de si hautes destinées et vivant dans des temps si difficiles.»
Mémoires du comte d’Hézecques
Louis-Stanislas quitte alors l’appartement qu’il occupait avec son frère cadet, Charles-Philippe de France, comte d’Artois pour vivre avec son épouse au rez-de-chaussée du Corps Central. Il s’installe dans les appartements de son père.
Comme il l’a fait pour l’ameublement de Marie-Antoinette lors de son mariage avec le futur Louis XVI en 1770, le Garde-meuble de la Couronne commande, lors du mariage de Marie-Joséphine de Savoie avec le comte de Provence, en 1771, un mobilier pour sa chambre comprenant un grand canapé à joues : «Un canapé pareil aux fauteuils de la chambre», c’est-à-dire «composés de plusieurs corps d’architecture dont les principaux membres sont taillés de rets de cœurs, dans les milieux et entre les milieux sont des cartels enrichis de fleurs et revers de feuilles…».
Les 11, 12 et 13 mai 1771
Petit séjour à Fontainebleau pour accueillir Marie-Joséphine de Savoie.
Une éventuelle initiation à la franc-maçonnerie en compagnie de ses frères, dans la loge maçonnique dite des « Trois Frères » à Versailles, a parfois été suggérée mais jamais démontrée…
Du 7 octobre au 19 novembre 1771
Séjour de la Cour à Fontainebleau
Du 6 octobre au 17 novembre 1772
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Du 6 octobre au 14 novembre 1773
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
En 1773
Le comte de Provence reçoit la charge de grand maître de l’Ordre de Saint Lazare et du Mont-Carmel des mains du précédent grand-maître, son frère, devenu Dauphin. Il semblerait que les nouveaux chevaliers d’un ordre recevaient leur investiture en blanc, symbole très probablement de la pureté du nouvel arrivant, qui par l’investiture est introduit à de nouvelles charges, à un changement de vie …
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie (1756-1805), sœur de Marie-Joséphine.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale.
Le 10 mai 1774
Mort de Louis XV.
Avec la montée sur le trône de Louis XVI, Louis-Stanislas prend le titre de Monsieur. Son statut de frère du Roi ne l’empêche pas de critiquer la politique de celui-ci. Mécontent et inquiet de la politique royale d’apaisement et d’ouverture aux théories des Lumières, Louis Stanislas cherche à s’installer dans la province de Languedoc et d’en faire son fief, lui permettant ainsi de se ménager une action directe et distincte de celle de son royal aîné.
Aussitôt après la mort de Louis XV
La Cour se réfugie provisoirement au château de Choisy.
C’est à cette occasion que le nouveau Roi prend l’une de ses premières décisions : celle d’inoculer l’ensemble de la Famille Royale contre la variole.
A l’avènement de Louis XVI
Les Provence étendent leurs appartements en retour d’angle sur le Parterre du Midi dans l’ancien Appartement de la Dauphine, libéré par le nouveau Roi, abandonnant la partie sud de la Galerie Basse à Madame Sophie, fille de Louis XV.
Le deuxième appartement du comte et de la comtesse de Provence
1774 – 1787
Comme héritiers présomptifs de la Couronne, un seul appartement du château peut convenir au comte et à la comtesse de Provence, revêtus de cette nouvelle dignité : c’est l’appartement du Dauphin et de la Dauphine, au rez-de-chaussée du corps central sous le grand appartement de la Reine car il est traditionnellement octroyé de droit à l’héritier du trône.
Ce vaste appartement double sera donc occupé par les princes de 1774 à 1787, jusqu’au moment où la Reine, désirant se rapprocher de Ses enfants, y fera installer Madame Royale, Sa fille et le Dauphin, Son fils aîné. En conséquence, le comte de Provence, devenu Monsieur, reviendra où il était depuis son mariage. Divers travaux, remaniements, projets sont effectués sous le règne de Louis XVI afin de donner le lustre protocolaire et du confort moderne à l’appartement du frère du Roi, son héritier jusqu’en 1781.
On lui installe, par exemple, sous les arcades séparant les deux cours intérieures, une salle des suisses, derrière une porte de glaces de sa salle des gardes. C’est probablement de cette antichambre que parle le page de Monsieur, le comte de Liedekerke Beaufort, dans ses mémoires, évoquant les plaisanteries auxquelles s’adonne le Roi en rentrant chez lui, au sortir du souper de Madame, sur des domestiques endormis allongés sur des banquettes au pourtour de la pièce.
Des plans conservés aux archives nationales peuvent nous renseigner sur la distribution établie pour le couple. C’est Madame qui bénéficie d’un appartement plus beau et plus vaste, digne de son rang de belle-sœur du Roi : elle hérite de l’appartement de la Dauphine en son entier.
L’escalier privé du Dauphin est conservé, un temps, à l’usage de passage de la famille royale, qui déambule librement dans les intérieurs du château aux moyens de passe partout que chaque membre possède. Ainsi, la Reine l’utilise probablement pour aller chaque soir au souper de Madame où cette dernière régale son monde de cette fameuse « soupe aux petits oiseaux ». Pour l’usage de leur vie privée, Monsieur et Madame disposent, outre leurs cabinets intérieurs respectifs, contigus l’un de l’autre, d’autres pièces sur les cours intérieures. Comme aux règnes précédents ces pièces secondaires sont constamment remaniées, modifiées, entresolées, réduites, agrandies, avec des fonctions changées constamment selon les besoins du moment, les désirs et le confort de l’occupant et surtout la volonté du Roi et tout particulièrement ici de Marie-Antoinette.
Ainsi, on sait que Monsieur utilise les anciens cabinets de son père : au rez-de-chaussée derrière sa chambre se trouvent une garde robe, la pièce de ses garçons de chambre et la garde robe de commodité peinte en camaïeu de 1756 ( sous la garde robe de la Reine ). Il utilise aussi une bibliothèque entresolée au dessus de l’ancien « caveau de Monseigneur » ( sous le cabinet de toilette de la Reine ) dans l’entresol de son père, où étaient selon le duc de Luynes « un petit cabinet, une petite bibliothèque et une pièce encore après». Il les perd, quand le Roi fait établir son corridor privé appelé le «passage du Roi » qui en prend la place, afin de relier sa chambre à celle de la Reine. ( Une partie du couloir existe encore de nos jours). On installe de nouveaux bains personnels comme chez sa femme, après 1779, dans la pièce au débouché de l ‘ancien vis de la « journée des dupes ». ( L’entresol des cuves et la chaudière dépendant de cette salle de bains existe encore derrière une porte vitrée dans le passage du roi entresolé au-dessus ) qui a servi de pièce des garçons de la chambre de son père. En compensation de la perte de ces entresols, Louis-Stanislas demande d’autres cabinets sur la cour de marbre. On les appelle les « chambres de Monsieur . On sait que plus tard, cet espace servira ensuite de retraite à son premier valet de chambre puis à celui du Dauphin, M de Bourcet. On y trouve une pièce noire, une antichambre, un grand salon-à-niche ( ancienne salle-de-bains ) un cabinet de chaise, un escalier d’entresol très raide, trois cabinets entresolés dont une bibliothèque et une chambre avec alcôve et cabinet de chaise. Il vit, également, dans l’intimité de sa petite maison du parc Balbi à Versailles avec la dame de ce nom, Anne de Caumont, son amie de cœur.
Tout cet appartement double, est meublé suivant l’étiquette mobilière en vigueur à Versailles depuis Louis XIV, les pièces sur jardin, sont meublée par le garde meuble du Roi. Dans les antichambres, on retrouve le mobilier ordinaire : banquettes, simples commodes et bas d’armoires, lits de veille, paravents etc… Meubles d’été et meuble d’hiver – plus somptueux mais moins riche que celui du Roi et de la Reine – se succèdent dans les grands cabinets et les chambres – où se retrouvent les traditionnels tabourets de présentation, quelques fauteuils dorés, consoles de trumeaux, commodes d’ébénisteries de qualité , lits à la duchesse, canapés, toilettes, écrans de cheminée etc. Les salons étant boisés et dorés, on ne retrouve les soieries que sur les alcôves des chambres, les garnitures des sièges et les rideaux et portières. Des tissus somptueux sont réemployés, commandés et renouvelés au cours du règne, dont quelques échantillons existent encore au musée des tissus de Lyon pour la chambre de Monsieur par exemple.
Les cabinets intérieurs, compris ceux sur jardin – sont meublés logiquement par un garde-meuble privé appartenant à Monsieur, qui se fournit par les achats personnels du prince, les commandes faites aux marchands merciers et ébénistes de renon de l’époque. On retrouve tout les petits meubles à la mode de l’époque : secrétaires, guéridons, encoignures, sièges divers et variés …
Mai 1774
Séjour de la Cour au château de Compiègne.
Du 17 juin au 1er août 1774
Séjour de la Cour au château de Marly.
Le 18 juin 1774
Le Roi reçoit donc cinq injections et ses frères seulement deux chacun.
Eté 1774
Les frères du Roi, les comtes de Provence et d’Artois, entreprennent l’un dans le Midi et l’autre dans l’ouest du royaume, deux voyages destinés à faire connaître à travers eux, le nouveau monarque. L’accueil réservé au prince en Languedoc et en Provence révèle ce que les villes traversées cherchent à mettre en valeur aux yeux du pouvoir (comme les manufactures de Carcassonne ou de Marseille), tandis que lui-même manifeste ses propres intérêts, en s’attardant devant les ruines de Nîmes, ou il communie sans doute avec Ovide qu’il aime lire et traduire.
Du 10 octobre au 10 novembre 1774
Séjour de la Cour à Fontainebleau.
Bureau à cylindre du comte de Provence,
Copie du bureau du Roi
( texte de Christophe Duarte , photographies de Waddesdon Manor ; Versailles passion )
Le bureau du Roi est l’un des meubles les plus emblématiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est également l’une des pièces les plus coûteuses de son époque : 62 000 livres ont été dépensées par le Garde Meuble de la Couronne pour sa fabrication. Il est réalisé par Jean-François Oeben, ébéniste du Roi et terminé par son élève Jean-Henri Riesener qui le livre en 1769.
Le bureau suscite indéniablement un vif intérêt à la Cour : Pierre-Gaspard-Marie Grimod, comte d’Orsay demande à Riesener vers 1770 pour son nouvel hôtel de Clermont, rue de Varenne à Paris, un secrétaire à cylindre, qui est dans sa forme générale, et dans l’emploi des marqueteries et des bronzes dorés relativement identique à celui livré pour le Roi.
La livraison du secrétaire à cylindre par Riesener en 1774 pour le comte de Provence à Versailles (aujourd’hui conservé au château de Waddesdon Manor) comporte certaines similitudes avec celui du Roi, notamment pour les tiroirs sur les deux côtés :
La livraison du secrétaire à cylindre par Riesener en 1774 pour le comte de Provence à Versailles (aujourd’hui conservé au château de Waddesdon Manor) comporte certaines similitudes avec celui du Roi, notamment pour les tiroirs sur les deux côtés :
«Un secrétaire en bois de marqueterie et à cylindre de 4 pieds 4 pou. de long sur 3 pieds 4 pou. de profondeur et 3 pieds ½ de haut représentant par devant les attributs de la Royauté et ceux de l’art militaire soutenus d’une tête de Mercure, sur le côté droit est représenté l’amour des arts et a gauche sont des enfants et un coq symbole de la vigilance et par derrière est un tableau représentant une lyre, un livre en trois volumes, attributs de la poésie, sur le dessus sont les attributs de l’étude».
Dimanche 11 juin 1775
C’est le jour de la Sainte Trinité
Louis XVI est sacré à Reims.
A six heures du matin
« La cérémonie commence à six heures du matin. Dès quatre heures du matin, on se rend à la grande église. A six heures et demie nos six princes arrivent en cérémonie représentant les trois anciens ducs et les trois anciens comtes du royaume, la couronne en tête. Cela est très beau et très imposant… Les deux frères du Roi représentent les deux premiers ducs, celui de Bourgogne et celui de Normandie, et les quatre princes de sang, les quatre autres. Monsieur et le comte d’Artois (sont) très jolis dans cet habillement qui (va) aussi à merveille au gros duc d’Orléans.»
Le duc de Croÿ
La cérémonie est présidée par l’archevêque de Reims, Mgr de La Roche-Aymon, celui-là même qui avait baptisé et marié le Dauphin. Les archevêques de Laon et de Beauvais l’assistent. Le chantre et le Grand Maître des Cérémonies les précèdent, lorsqu’ils arrivent devant la porte de la chambre de parade. Le chantre frappant à la porte avec son bâton, le Grand Chambellan répond sans ouvrir :
«Qui demandez-vous?»
L’évêque de Laon répond : « Le Roi».
Le Grand Chambellan dit «Le Roi dort.»
Il évoque alors Louis XV qui demeure Roi même après qu’il est mort tant que le sacre de Louis XVI n’est pas accompli. Deux fois le petit dialogue se répète. A la troisième fois, l’évêque de Laon répond : « Nous demandons Louis XVI que Dieu nous a donné pour roi.»
Alors la porte s’ouvre à deux battants et Louis XVI apparaît étendu sur le lit de parade, où il figure non pas lui-même, personne distincte et définie, mais l’entité roi morte, endormie dans le Seigneur par la mort de Louis XV, et sur le point de ressusciter par le sacre. Il est en robe longue d’étoffe d’argent ; sur la tête un chapeau de velours gris garni d’un bouquet de plumes blanches surmontées d’une plume noire de héron, avec au retroussis du chapeau, sous le bouquet de plumes, une agrafe de diamants ; à ses pieds, des mules d’argent. Ses cheveux blonds ne sont pas noués en catogan, épars, tombant en boucles libres sur ses épaules et dans son dos.
L’évêque de Laon lui présente l’eau bénite, puis l’aide à se lever ; alors le rituel de la résurrection du Roi étant terminé, la procession s’organise et traverse la galerie couverte et la nef de la cathédrale en chantant l’antienne du sacre et le psaume Domine in virtute.
A sept heures et demie
« Le Roi arriv(e) … cette entrée où l’archevêque et le clergé vont au-devant, et que les fanfares militaires annoncent, est très noble. Le Connétable, que représent(e) le maréchal de Tonnerre, doyen du Tribunal, âgé de quatre-vingt-huit ans, le suit et se place seul, loin et en bas. Derrière lui, le Chancelier représenté par M. de Miromesnil, alors Garde des Sceaux, et le prince de Soubise représentant le Grand Maître, se placent seuls, l’un derrière l’autre. Ils ont leur grand habit et la couronne ; le Chancelier sa toque ou mortier doré. Cela est des plus majestueux. Le duc de Bouillon Grand Chambellan, le maréchal de Duras Premier Gentilhomme de la Chambre, et le duc de Liancourt Grand Maître (de la Garde Robe), ayant aussi la couronne, se placent dans le même rang, derrière vers le milieu du chœur. Cela fait en tout douze couronnes dont trois de ducs et le reste de comtes qui, avec de grands manteaux d’hermine sur la longue veste d’or fait un effet d’autant plus majestueux qu’on ne le voit que ce jour-là. Les capitaines des gardes qui sont en veste et en manteau de réseau d’or se tiennent à côté. De même plusieurs hoquetons, massiers et autres en manteau de satin blanc, et tout ce costume ancien est imposant. L’archevêque de Reims, successeur de Saint Rémi, assisté des évêques de Soissons et d’Amiens, et pour cette fois du coadjuteur, sont assis vis à vis le Roi, tournant le dos à l’autel, et de leurs grandes mitres, ainsi que leurs superbes ornements d’or éclatant, de même que tous les assistants qui les entourent, et la ligne des cardinaux et prélats qui sont tout du long du côté de l’Epître, se montrent là avec plus grand éclat des pompes de l’Eglise. Le Roi est seul, sur un fauteuil à bras, sous le grand dais élevé au milieu du sanctuaire. Chacun est à sa place, en silence. Le fond en rond-point, derrière le chœur, est une colonnade d’or, avec un amphithéâtre cintré , très élevé, qui fai(t) au mieux mais trop en spectacle d’Opéra. La tribune de la Reine en décoration théâtrale des plus brillantes, celle des ambassadeurs vis à vis, toutes les travées et entrecolonnements garnis, en amphithéâtre, de dames couvertes de diamants et de personnes richement habillées, fai(t) l’effet le plus majestueux, et la décoration (est) d’autant plus frappante qu’elle (est) réelle. L’archevêque donn(e) ensuite l’eau bénite, puis entonn(e) le Veni Creator.»
Le duc de Croÿ
La procession qui accompagne les quatre barons de la Sainte-Ampoule en satin noir et blanc fait alors son entrée. Les quatre otages sont vêtus d’étoffe d’or «légèrement rayée de noir » qui répondent sur leur vie de la sécurité de la Sainte-Ampoule, et sous son dais de moire d’argent bordée de franges unies aussi d’argent et surmonté de quatre fleurs de lys de cuivre argenté, monté sur une haquenée blanche couverte d’une housse de moire d’argent relevée d’une broderie très riche d’argent avec frange autour», Dom Debar, Grand Prieur de l’abbaye bénédictine de Saint-Rémi, «en aube, étole pendante et chape», portant dans un reliquaire suspendu à son cou la Sainte-Ampoule, la petite bouteille en forme de larme que Saint Rémi aurait reçue, d’après la légende de la main d’un ange pour le sacre de Clovis.
Après avoir été la recevoir des mains du Grand Prieur et s’être engagé à la lui remettre aussitôt après la cérémonie, tandis qu’on dit sexte, l’archevêque s’habille pour la messe avec les ornements d’argent dont François Ier (1494-1515-1547) a commandé le dessin à Raphaël (1483-1520). Le duc de Croÿ reprend :
« L’archevêque et tous ses assistants s’approchent du Roi qui est dans son fauteuil ; ils lui font les demandes de sûreté et de protection de l’Eglise. Le Roi prononce tout haut la promesse de continuer et de conserver les privilèges de l’Eglise. Alors les évêques de Laon et de Beauvais soulèvent le Roi qui regarde l’assistance. Ils demandent aux seigneurs assistants et au peuple s’ils acceptent Louis XVI pour leur roi, à quoi on acquiesce par un respectueux silence, le fait est qu’ils ne disent rien. Je les interrogeai ensuite ; ils me dirent que cela n’était pas dans leur instruction, et que ce soulèvement qu’ils font du Roi est ce qui reste de cet ancien usage. Ainsi, voilà le vrai, cette fameuse demande ne se fait plus.»
Selon la tradition, le prélat prononce la formule suivante en posant la couronne de Charlemagne sur la tête du souverain :
« Que Dieu vous couronne de la gloire et de la justice, et vous arriverez à la couronne éternelle »
Le Roi lit le serment haut et ferme, en latin, appuyant sur les mots avec respect et attention, comme s’il disait à chaque mot: Je m’engage à cela de bon cœur ! Et pendant toute la cérémonie, il conserve la même ferveur.
Ensuite, il prononce de même haut et ferme, et comme s’engageant bien, «le serment de l’Ordre du Saint-Esprit.»
Il prête aussi le serment de l’Ordre Militaire de Saint Louis et le serment de l’édit contre les duels.
La Reine n’est qu’assistante lors de cette cérémonie.
Pendant que le Roi prêtait le serment
On a placé sur l’autel tous les ornements royaux. Les évêques de Laon et de Beauvais conduisent le Roi au pied de l’autel, le Premier Gentilhomme de la Chambre lui ôte sa robe, dessous «de satin cramoisi, garnie de petits galons d’or à jour sur toutes les coutures et ouverte, de même que la chemise, aux endroits ménagés pour les onctions, ces ouvertures fermées par des petits cordons d’or et de soie». Le Grand Chambellan lui met les «bottines de satin violet parsemé de fleurs de lys d’or», et les « éperons garnis en or » que Monsieur, représentant le duc de Bourgogne, lui retire aussitôt.
Et c’est la bénédiction de l’épée, dite de Charlemagne, mais en réalité beaucoup plus moderne, en forme de croix dans son fourreau de velours violet parsemé de fleurs de lys d’or.
« L’archevêque lui ceint l’épée de Charlemagne, apportée du trésor de Saint Denis, pour protéger l’Eglise, la veuve et l’orphelin. Le Roi tient l’épée élevée, l’offre à Dieu en la posant sur l’autel. L’archevêque la reprend, le Roi la reçoit à genoux et la remet au connétable qui la tient toujours de même, nue et la pointe haute.»
Le duc de Croÿ
Les préliminaires étant achevés
« L’archevêque met, sur le milieu de l’autel, la patène d’or de saint Rémi. Le Prieur de Saint Rémi, ayant ouvert la Sainte-Ampoule, la donne à l’archevêque lequel, avec une aiguille d’or, en tire la « grosseur d’un grain de froment, le met sur la patène, puis la remet au Prieur. Ensuite il y mêle le Saint Chrême. Après cela le Roi se prosterne à plat sur un long carreau de velours violet, et l’archevêque, malgré son grand âge et ses infirmités, se prosterne à côté. Les quatre évêques disent des litanies des saints : cette position et ce moment est touchant et imposant… La consécration du Roi se fait ensuite à genoux aux pieds de l’archevêque qui l’oint sur la tête avec ce qui a été mis sur la patène … (la robe et la chemise du Roi) sont ouvertes, et jusqu’à la chair, dans tous les endroits, et l’archevêque lui fait de même six onctions, de sorte que le Roi reçoit tous les premiers ordres de l’Eglise et les a presque tous hormis la prêtrise, tout cela dans l’esprit de l’Ancien Testament, dont l’origine est du temps de Saül.»
Le duc de Croÿ
A chaque onction, sur le front, sur le sein gauche, à la jointure des bras, l’archevêque répète la formule :
« Je vous sacre roi avec cette huile sanctifiée au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.»
Et les chanoines chantent l’antienne propre :
« Le prêtre Sadoch et le prophète Nathan sacrèrent Salomon dans Sion ; et s’approchant de lui, ils lui dirent avec joie : Vive le Roi éternellement!»
L’onction sur les mains, la plus sainte de toutes, se fait à part, et l’archevêque dit en même temps la prière spéciale :
« Que ces mains soient ointes de l’huile sanctifiée de laquelle les rois et les prophètes ont été oints, et de la même manière que Samuel sacra le roi David, afin que vous soyez béni et établi dans ce royaume que Dieu vous a donné à régir. Que Dieu qui vit et règne aux siècles des siècles vous accorde cette grâce.»
Un à un, les ornements royaux sont alors bénis, et le Roi en est revêtu :
- la tunique et la dalmatique «de satin violet, doublées de taffetas couleur de feu, parsemées de fleurs de lys d’or sans nombre», bordées «d’un galon d’or en broderie» ;
- le manteau ouvert sur le côté droit, en velours violet de fleurs de lys d’or sans nombre, doublé d’hermine et une agrafe en forme de fleur de lys d’or «chargée de rubis, de diamants et de grosses perles orientales» ;
- les gants que l’oraison compare à la peau de chevreau dont Jacob avait couvert ses mains le jour «où ayant offert à son père une nourriture et un breuvage qui lui furent agréables, il en reçut la bénédiction» ;
- l’anneau « qui est le signe de la foi et de la dignité royale, la marque de la puissance», cet anneau que Louis XVI ne quittera plus jamais, pas même pour mourir ;
- le Sceptre d’or de cinq pieds dix pouces, surmonté d’un lys d’or émaillé où est représenté Charlemagne sur son trône ;
- la main de justice «dont le bâton est d’or et la main faite d’ivoire», « verge de vertu et de justice».
Monsieur de Miromesnil, faisant office de Chancelier, monte à l’autel contre l’Evangile, et là, tourné vers l’assemblée, d’une voix très claire et haute, fait l’appel en criant avec emphase :
«Monsieur qui représentez le duc de Bourgogne, présentez-vous à cet acte! Il en dit de même aux cinq autres qui se lèvent à mesure et s’approchent du Roi. Il appelle ensuite les cinq pairs ecclésiastiques. L’archevêque prend, sur l’autel, la grande couronne de Charlemagne, il la soutient seul à deux mains sur la tête du Roi, en disant :
« Que Dieu vous couronne de la couronne de gloire et de justice.»
Ensuite, il met seul la couronne sur la tête du Roi, les pairs laïques et ecclésiastiques portent tous la main pour la soutenir à un doigt de la tête du Roi, et ce moment superbe fait la plus grande sensation.
L’archevêque couronne le Roi en disant :
« Recevez la couronne de votre royaume au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, afin que rejetant les prestiges de l’ancien ennemi des hommes, et vous gardant de la contagion de tous les vices, vous soyez si zélé pour la justice, si accessible à la compassion et si équitable dans vos jugements, que vous méritez de recevoir de N.S.J.C. la couronne du royaume éternel dans la société des Saints. Recevez dans cette couronne, et faites qu’elle porte les marques glorieuses et honorables de votre piété et de votre courage, et sachez que c’est par elle que vous participez à notre ministère ; et que de même qu’on nous regarde comme les pasteurs et les conducteurs des âmes dans les choses spirituelles, de même vous preniez notre défense contre les ennemis de l’Eglise, que par le ministère de notre bénédiction et tandis que nous faisons en cette partie la fonction des apôtres et de tous les saints, au milieu de nos cantiques, vous vous montriez le protecteur et le ministre fidèle du royaume qui est confié à vos soins ; afin qu’orné de toutes les vertus qui brilleront en vous comme autant de pierres précieuses et couronné comme un vaillant athlète de la récompense du bonheur éternel, vous régniez glorieusement avec Jésus-Christ notre rédempteur et notre sauveur dont vous êtes l’oint et dont vous êtes regardé comme l’intendant.»
L’archevêque, ôtant ensuite sa mitre, dit au Roi toujours à genoux , plusieurs prières et bénédictions.
L’intronisation
« L’archevêque prend le Roi par le bras droit… et il est mené ainsi majestueusement sur le beau trône qui est très élevé sur la décoration du jubé, où est un fauteuil semé de fleurs de lys, entre les quatre grandes colonnes qui supportent le grand pavillon royal, et d’où il peut être vu de partout. On ouvre la grande porte, le peuple entre en foule, on lâche les oiseaux, toutes les trompettes annoncent le Maître par leurs sons éclatants.»
Le duc de Croÿ
C’est à ce moment où l’émotion qui étreint le Roi est à son comble, où il est présenté à son peuple ayant reçu l’onction qui fait de lui, suivant l’expression du pape Grégoire IX, «l’évêque du dehors».
« Je sais que je n’ai jamais connu autant d’enthousiasme avant. J’ai été totalement surpris de me retrouver en larmes et de voir tous les autres dans le même état… Le Roi semblait vraiment ému par ce beau moment… Notre Roi habillé avec toute la brillance de la royauté, sur le vrai trône, était une vue Tellement impressionnant qu’il est difficile à décrire.»
Le duc de Croÿ
Le 12 juin 1775
Jour de repos pour le Roi qui n’assiste même pas à la revue du régiment d’Esterhazy.
Le 13 juin 1775
Après son sacre, Louis XVI reçoit à Reims l’hommage des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit. À leur baptême, les fils de France (et même les infants d’Espagne) recevaient le cordon et la plaque de l’ordre, mais n’étaient reçus chevaliers qu’après leur première communion. Chef et souverain, grand maître des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, le Roi n’avait le droit de conférer le Saint-Esprit qu’après son sacre, mais Henri IV, Louis XIV et Louis XV, ainsi que Louis XVIII passèrent outre .
« Le matin, le roi portait un habit gris jusqu’à l’heure de son lever ou de sa toilette. Alors, il prenait un habit habillé de drap uni, avec une épée d’acier ou d’argent.»
La marquise de La Tour du Pin décrit ainsi le nouveau Roi :
« Il était très magnifique dans ses habits, dont à vrai dire il ne s’occupait guère, car il prenait celui qu’on lui donnait sans seulement le regarder.»
La marquise poursuit son descriptif en lui trouvant mauvaise tournure, rien de royal dans le maintien, myope comme une taupe, embarrassé de son épée et de son chapeau, marchant comme un paysan…
Le 14 juin 1775
Spectacle de cavalcade : les mousquetaires noirs, dont les chevaux sont beaux, puis les gris, les chevau-légers à cheval, les gardes de la Prévôté à pied, à part monsieur de Tourzel (Grand Prévôt de France) à cheval, très peu de seigneurs à cheval, parce qu’on n’a pas été avertis, sans quoi il aurait dû y en avoir davantage, quatre chevaux de main du Roi, superbement caparaçonnés, douze pages à cheval, les trompettes, les Cent-Suisses de garde à pied, ayant le duc de Cossé à cheval, en habit de Cent-Suisse, d’argent avec un manteau, quelques chevaliers de l’Ordre pêle-mêle_ et pas assez, n’ayant pas été avertis_ les maréchaux du Muy, de Broglie et de Nicolaï, sans garder le rang et en uniformes de lieutenants-généraux, mais brodés de même sur toutes les tailles, le Grand Ecuyer Monsieur de Lambesc, le Roi, superbement habillé, en bas de soie comme les autres et sur un magnifique cheval où il est fort bien, les deux capitaines des gardes à ses côtés, des écuyers à pied, les six gardes écossais en hoqueton, à pied, sur les ailes, tout cela faisant très bien mais un peu trop serré et confondu, comme dans toutes les cérémonies. Derrière le Grand Chambellan, le Premier Gentilhomme de la Chambre et le Premier Ecuyer de front, les deux frères du Roi, puis les princes du sang. Leurs habits, chevaux et harnais sont des plus beaux. On remarque surtout le cheval de Monsieur qui a coûté quatre mille francs, celui du duc de Chartres avec un grand panache, et le harnais de beaux diamants du comte d’Artois. Viennent ensuite les officiers des gardes du corps et les gendarmes de la garde ferment la marche. Le Roi ôte son chapeau, il est mieux à cheval qu’à pied, s’y tenant mieux et menant bien son cheval.
Une fois arrivé
Le Roi va près de la sacristie prendre le manteau et le petit habit de l’Ordre du Saint Esprit, pour suivre à la lettre les statuts qui prescrivent de l’avoir quand on fait ses dévotions. Le Roi doit être en état de grâce pour toucher les malades. Il communie encore. Il entend ensuite une seconde messe basse. Après la seconde messe, le Roi, toujours en petit habit, va dans le parc devant l’église, à droite, toucher les malades. Les malades, dont beaucoup sont jeunes, sont en deux rangées, à genoux, sous les arbres. Il y en a plus de deux mille quatre cents, tous écrouelleux vérifiés et qui en montrent bien les marques. A cause de la chaleur, tout cela pue et est d’une infection très marquée, de sorte qu’il faut du courage et de la force d’âme au jeune Roi pour se prêter à cette cérémonie.
Le Roi, dans le petit manteau de l’Ordre et couvert du chapeau à plumes, touche réellement chaque malade, avec les doigts et la main ouverte, sur les joues, puis de l’autre sens du front au menton, en disant:
« Dieu te guérisse, le Roi te touche!»
Cela va assez vite, il touche chacun rapidement, mais avec attention et un air de bonté remarquables. Le premier médecin met , par derrière, la main sur la tête de chacun pour la tenir ferme, et Monsieur de Beauvau, le capitaines des gardes de quartiers, prend des gants, pour la sûreté, entre ses deux mains les mains jointes de chacun.
Quand le Roi a fini
Ses deux frères et le duc d’Orléans lui donnent à laver, suivant l’usage, d’abord avec du vinaigre, puis de l’au, puis de l’eau de fleur d’oranger.
Après cette cérémonie
Le Roi va à Saint Rémi reprendre son habit riche, voir la Sainte Ampoule et le trésor. Puis il remonte à cheval, et la cavalcade repasse dans le même ordre. Il salue de bonne grâce.
Le soir, le Roi va se promener sur le Mail.
« Je ferai ici la remarque que Monsieur n’avait point la croix de Saint-Louis. Le roi et l’héritier du trône étaient les seuls qui la portassent sans avoir fait une campagne ; et les voyages de Monsieur dans le Midi et à Lunéville, à son régiment de carabiniers, ne pouvaient en présenter les caractères. Le jour donc de la fête de saint Louis, après avoir assisté au lever du roi, il se retirait pour ne point assister à la procession des chevaliers.»
Mémoires du comte d’Hézecques
En juillet 1775
Départ de Monsieur et de Madame autorisés à suivre la nouvelle princesse de Piémont, Madame Clotilde, dans sa patrie d’adoption et le séjour «de quinze jours dans le plus grand incognito à Chambéry».
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde (1759-1802), dite Gros Madame, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne (1751-1819), frère des comtesses de Provence et d’Artois.
Les rumeurs commencent à circuler à la Cour : jamais Monsieur n’a eu d’aventure féminine. Et pour cause, l’avenir le prouvera (la faveur d’Elie Decazes en 1819, quand Louis-Stanislas n’aura plus rien à défendre de dynastique…), le comte de Provence a des sensibilités homosexuelles qu’il ne déploiera cependant jamais autant que le frère de Louis XIV … Puisqu’il n’a pas de maîtresse, il va s’en favbriquer une :
Au milieu des années 1770 Madame se prend de sentiment pour une séduisante jeune femme, Anne de Caumont La Force. Marie-Joséphine va user de toute son influence pour maintenir sa protégée à la Cour.
On lui cherche un mari bien né et fortuné. L’élu a pour nom François-Marie, comte de Balbi, comte et marquis du Saint-Empire, colonel
« Madame de Balbi régnait plutôt sur son esprit que sur ses sens. Elle n’était pas assez belle pour le captiver sans user de l’ascendant d’une femme intrigante sur un homme faible. Pour dessiller les yeux de Monsieur, il n’a fallu rien moins que l’inconduite avérée de madame de Balbi en Allemagne et à Londres.»
Mémoires du comte d’Hézecques
Depuis longtemps déjà la comtesse de Balbi a remarqué les regards lourds de désir du comte de Provence. Elle a compris qu’il la veut mais elle connaît les rumeurs persistantes qui touchent à l’impuissance de Monsieur.
Le réveil de Marie-Joséphine sera brutal !
En octobre 1775
La comtesse du Barry doit se défaire de ce pavillon destiné à loger son personnel et dont elle avait confié la construction de magnifiques écuries à l’architecte Claude-Nicolas Ledoux. au profit du comte de Provence. Celui-ci fit continuer les travaux par Jean-François Chalgrin.
Versailles, un état disparu :
Les boiseries dites «aux lions ailés» de la salle à manger du comte de Provence
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Ces panneaux de boiseries appartiennent à un ensemble composé de sept grands panneaux et de quatorze parcloses. Ce décor sculpté offre les traits caractéristiques de l’arabesque de la fin du XVIIIe siècle. On retrouve la composition axée, le motif principal à la base (composé de deux lions ailés nomopodes), la superposition des motifs et le motif supérieur à rinceaux, palmette et caducée qui couronne l’ensemble.
Les arabesques, création du style Louis XVI, forment le décor intérieur naturel des demeures de l’époque. Ces arabesques s’inspirent des décors des loges du Vatican que réalise l’atelier de Raphaël redécouvrant les décors de l’Antiquité. Cet ensemble «aux lions ailés» correspond au décor de l’arrière-cabinet servant de salle à manger de l’appartement du comte de Provence. La pièce était intégralement lambrissée. On doit sa conception à Richard Mique et sa réalisation aux frères Rousseau.
Le 6 octobre 1776
Le Roi et la Reine se rendent au château de Brunoy où Monsieur organise une fête magnifique en l’honneur de Marie-Antoinette.
Acquis par le prince en 1774 par des moyens plus que discutables, c’est le précédent propriétaire, le marquis de Brunoy, qui a donné au domaine toute la marque de sa magnificence par de grands travaux, parc, canal, fontaines, sculptures, extension du château, décoration, mobilier.
Le domaine comprend deux châteaux, le grand et le petit. Monsieur habite le petit, où il entreprend de nouveaux travaux, sous la direction de l’architecte Chalgrin. Il y fait construire également un théâtre.
La comtesse de Provence fréquente aussi Brunoy, mais c’est avant tout la demeure de son mari.
Confisqué sous la Révolution, le grand château sera rasé, tandis que le petit château sera en partie préservé. C’est aujourd’hui, une école rabbinique.
« Monsieur était très-gros, mais il n’avait point cet embonpoint qui caractérise la force et la vigueur, comme était celui de Louis XVI. Il avait un tempérament malsain qui l’obligeait, déjà jeune, à recourir aux potions pharmaceutiques pour rétablir la circulation du sang et l’écoulement des humeurs.»
Mémoires du comte d’Hézecques
Le 18 avril 1777
Arrivée à Versailles de Joseph II (1741-1790).
Le 30 mai 1777
L’Empereur part ce soir, vraisemblablement au regret de tous les Français capables de sentir ses vertus et ses rares qualités personnelles.
Les adieux entre l’Empereur, le Roi et sa famille sont des plus tendres, mais ceux entre le frère et la sœur font verser des larmes. Joseph II passe un quart d’heure dans le cabinet de la Reine, seul avec Elle, et en le reconduisant, Marie-Antoinette sanglote, et lui fait des efforts pour cacher son émotion, non moins vive. Louis XVI lui a fait de superbes présents de tapisseries des Gobelins, de porcelaines…
Monsieur par le 10 juin et trouvera l’Empereur à Toulon. Ces deux princes ont d’abord été réservés l’un pour l’autre, mais depuis peu ils se sont rapprochés. Monsieur a de grandes qualités plus analogues au caractère de l’Empereur, que celles plus brillantes qu’heureuses du comte d’Artois.
En partant, Joseph promet à la famille royale qu’il reviendrait lui faire une visite l’année prochaine…
Le 10 juin 1777
A Toulon, il va retrouver Joseph II.
Le 14 juin 1777
En effet, au printemps 1777 le comte de Provence assiste à Toulouse à une séance des Jeux floraux. Une réception en son honneur est même organisée par les parlementaires de cette ville chez le comte Riquet de Caraman. Il embarque ensuite au Pont St-Sauveur et poursuit son périple sur le Canal Royal du Languedoc.
Le 23 juin 1777
Après avoir couché à St-Papoul chez Mgr Jean-Antoine de Castellane, il visite l’école de Sorèze. Il veut tout savoir depuis les programmes jusqu’aux menus et donnera au jeune commandant du bataillon, un brevet pour entrer dans sa garde à la fin de ses études.
Ces cérémonies terminées le futur page de Monsieur, le jeune Montgaillard se précipite chez ses parents pour leur annoncer l’heureuse nouvelle, ceux-ci se mettent aussitôt à constituer le trousseau, de leur fils, afin qu’il pût être envoyé à Versailles au premier avis. Ils attendent un mois, deux mois, six mois, un an… Rien ne vient. Ce n’était qu’une « promesse de Monsieur » et Monsieur n’en avait tant répandu le long de sa route que parce qu’il était résolu à n’en tenir aucune…
Le 24 juin 1777
Monsieur arrive avec son escorte à Carcassonne. Il va dîner et coucher à l’évêché (aujourd’hui, préfecture de l’Aude) chez Mgr de Bezons ; dans la même chambre qu’occupera en 1815 son neveu Louis de France, duc d’Angoulême.
« Lorsqu’en 1777, Monsieur, comte de Provence, qui depuis a régné si glorieusement sous le nom de Louis XVIII, passa à Carcassonne, on servit à ce prince des vins de Limoux et de Villemoustaussou : il eut la bonté d’en faire éloge à M. de Bezons ; le vin de Villemoutaussou provenait d’une vigne qui appartenait depuis longtemps à la famille Don, et dont le M. le secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture de l’Aude est actuellement propriétaire. Un habitant de Limoux, que la Révolution dans sa fermentation tumultueuse et dans ses collisions centrifugeuses avait porté à Saint-Pétersbourg, réchauffait les estomacs des habitants de cette capitale du nord avec les vins de son pays et sa blanquette gracieuse.»
Journal de la Société d’agriculture de l’Aude / troisième année
Le 25 juin 1777
Le comte de Provence repart de Carcassonne où il doit coucher à Ventenac-en -Minervois chez M. de Caraman, avant de rejoindre Narbonne.
En décembre 1778
Avec un édit, Louis XVI accorde le Luxembourg à son frère, le comte de Provence.
Le 19 décembre 1778
La Reine met au monde Son premier enfant : Marie-Thérèse-Charlotte qu’on appelle Madame Royale.
En 1780
Marie-Joséphine de Provence s’installe à Montreuil dans le Pavillon Madame, qui sera son «Petit Trianon».
L’appartement d’Anne Nompar de Caumont, comtesse de Balbi au château de Versailles
( texte et illustration de Christophe Duarte – Versailles passion )
La comtesse de Balbi (1758-1842) a un esprit pétillant et un physique agréable. Dans une réunion, elle excelle à retenir l’attention de tous et la gaieté par son goût du persiflage et ses réparties joyeuses mais parfois impitoyables ce qui lui vaut d’abord quelques inimitiés puis au cours des ans, dans la société, un jugement de plus en plus sévère sinon quelques haines solides. C’est une intrigante, à l’aise à la cour de Louis XVI. Elle décide de se rapprocher du comte de Provence, et pour cela, elle s’arrange pour être admise comme dame d’Atours de Marie-Joséphine de Provence.
Monsieur, lassé par sa femme qui a manifesté quelques faiblesses pour madame Gourbillon, décide, pour répondre à cet affront, de prendre une favorite, avec qui il n’aura que des jeux chastes, et choisit la plus étincelante, madame de Balbi. Il installe donc cette sémillante personne dans un appartement du Petit Luxembourg. Il est aux petits soins pour elle. Il obtient du Roi pour son amie, un appartement au premier étage de l’Aile du Midi à Versailles.
De nombreux travaux sont réalisés pour modifier la distribution. La comtesse dispose d’un salon, d’une salle-à-manger et d’une chambre. Cet appartement n’est pas grand, composé de trois pièces dont deux à cheminée, un entresol à cheminée et une soupente. La comtesse fait meubler son appartement par Georges Jacob qui a livré de nombreux meubles pour les pavillons du Parc de Balbi à l’extrémité de la Pièce d’eau des Suisses.
En 1780
Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine. On place l’hiver, dans l’embrasure de la fenêtre, un poêle permettant de réchauffer la petite salle-à-manger que la petite cheminée du fond ne permet pas de chauffer complètement. Cette salle-à-manger comporte alors six angles où sont placées les encoignures commandées spécialement à JH Riesener, dont le musée conserve encore deux exemplaires. Outre des sièges et une table d’acajou à rallonge, elle est meublée également de deux dessertes d’acajou et de servantes, destinées aux convives qui se servaient seules sans aide. C’est aujourd’hui la pièce du fond entre cette salle-à-manger et le passage des cours, dans l’actuelle bibliothèque lilas à cheminée de glace, où sont actuellement exposées des chaises de Boulard livrées pour la garde-robe de Madame Royale.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.
Louis-Joseph représente en effet un obstacle supplémentaire entre Monsieur et la couronne…
« Vous avez vu le changement survenu dans ma fortune… Je me suis rendu maître de moi à l’extérieur fort vite, et j’ai toujours tenu la même conduite qu’avant, sans témoignage de joie, ce qui aurait passé pour fausseté, car franchement, et vous pouvez aisément le croire, je n’en ressentais pas du tout ; – ni de tristesse, qu’on aurait pu attribuer à de la faiblesse d’âme. L’intérieur a été plus difficile à vaincre ; il se soulève encore quelquefois.»
Lettre du comte de Provence à Gustave III
Le 11 Novembre 1781
« Les frères du Roi et les princesses leurs épouses ont eu une bonne contenance à la naissance du Dauphin; depuis cet événement on ne parle plus de la grossesse réelle ou non de Madame; cette circonstance devient indifférente. On présume qu’au bout d’un certain temps Monsieur et Madame songeront à s’établira Paris. Le Roi inclinerait fort à cette séparation, mais elle ne pourrait guère avoir lieu sans que M. le comte d’Artois ne prît le même parti, et l’affection que lui porte la Reine en retardera sans doute l’époque; rien n’est décidé encore pour le payement des dettes de ce prince.»
Mercy à Joseph II
De mi-juin au 12 juillet 1783
Séjour de la Cour au château de La Muette.
« Le portrait que j’ai fait de Monsieur, m’a donné l’occasion de connaître un prince dont on pouvait sans flatterie vanter et l’esprit et l’instruction ; il était impossible de ne pas se plaire à l’entretien de Louis XVIII, qui causait sur toutes choses avec autant de goût que de savoir. Quelquefois, pour varier sans doute, il me chantait, pendant nos séances, des chansons qui n’étaient pas indécentes, mais si communes, que je ne pouvais comprendre par quel chemin de pareilles sottises arrivaient jusqu’à la cour. Il avait la voix la plus fausse du monde. »
– Comment trouvez-vous que je chante, Madame Lebrun ? me dit-il un jour
– Comme un prince, Monseigneur, répondis-je.»Souvenirs d’Élisabeth Vigée Le Brun
Du 9 octobre au 24 novembre 1783
Long séjour de la Cour à Fontainebleau.
Le 3 avril 1784
En 1785
On prête à sa femme une liaison avec sa lectrice madame de Gourbillon.
Son mari lui ayant acheté une charge de lectrice, Jeanne-Marguerite de Gourbillon (1737-1817) entre au service de «Madame» le 10 avril 1785. De plus en plus seule, la Princesse donne toute son affection à sa lectrice qui a seize ans de plus qu’elle. La proximité visible de la princesse avec sa lectrice est attestée dans les mémoires de l’époque, et fait jaser.
Le 27 mars 1785
A sept heures et demi du matin, naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.
En 1785
Madame doit, ainsi que Monsieur, laisser son appartement au Dauphin et à son Gouverneur et s’établir à l’extrémité de l’Aile du Midi.
« Monsieur était très gros, mais il n’avait point cet embonpoint qui caractérise la force et la vigueur, comme était celui de Louis XVI. Il avait un tempérament malsain qui l’obligeait, déjà jeune, à recourir aux potions pharmaceutiques pour rétablir la circulation du sang et l’écoulement des humeurs.
Cet état maladif s’était encore augmenté par le défaut d’exercice. Sa mauvaise tournure le rendait peu propre à monter à cheval ; il y était très-maladroit. Jamais prince n’eut une démarche plus disgracieuse ; il avait, au suprême degré, ce balancement qui est ordinaire à tous les Bourbons, et l’on ne pouvait s’habituer à sa mauvaise tournure, malgré sa recherche et l’élégance de ses habits.»Mémoires du comte d’Hézecques
Le parc de Balbi,
Les chaumières du comte de Provence à Versailles
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
En 1785, le comte de Provence achète un ensemble de parcelles afin de réaliser un jardin d’agrément situé à côté du Potager du Roi. C’est l’époque où sa maîtresse était Anne de Caumont La Force, comtesse de Balbi. Madame de Balbi est surtout connue grâce à ce parc, touchant au potager du Roi a Versailles et qui est le plus cadeau du comte de Provence à celle qui est sa conseillère plutôt que sa favorite.
Marie-Joséphine va user de toute son influence pour maintenir sa protégée à la Cour.
On lui cherche un mari bien né et fortuné. L’élu a pour nom François-Marie, comte de Balbi, comte et marquis du Saint-Empire, colonel en second au régiment de Bourbon-Infanterie. Depuis longtemps déjà la comtesse de Balbi a remarqué les regards lourds de désir du comte de Provence. Elle a compris qu’il la veut mais elle connaît les rumeurs persistantes qui touchent à l’impuissance de Monsieur. Le jardin est dessiné par l’architecte Jean-François-Thérèse Chalgrin. On y trouve le pavillon de Monsieur, une pièce d’eau prolongée par une rivière, un amas de pierre constituant une grotte surmontée d’un belvédère, quelques fabriques, des réservoirs ainsi qu’une serre chaude.
Il n’existe plus aujourd’hui que la grotte et le belvédère.
Le 28 août 1785
On célèbre la cérémonie de baptême du duc d’Angoulême, dix ans, et du duc de Berry, qui a sept ans et demi. Le Roi et la Reine sont les parrains du duc d’Angoulême. Les parrains du petit-duc de Berry sont Carlos III, Roi d’Espagne (représenté par le comte Provence) et sa marraine, Marie Antoinette d’Espagne, Reine de Sardaigne (représentée par la comtesse de Provence).
A la chapelle royale de Versailles, la cérémonie est présidée par Armand de Roquelaure, évêque de Senlis. Aucun prince n’a le ruban bleu sur son costume. Les cent gardes suisses sont en grande tenue.
Le troisième appartement du comte et de la comtesse de Provence, dans le «Pavillon de Provence»
1787 – 1789
En novembre 1786, afin de se rapprocher de Ses enfants, la Reine installe Sa fille, Madame Royale et Son fils aîné, le Dauphin, dans l’appartement de Monsieur et de Madame. Le Dauphin et ses sous-gouverneurs s’installent chez Monsieur. La plupart des pièces de Madame, servent à loger d’une part, Madame Royale, d’autre part, le duc d’Harcour , gouverneur du Dauphin, et toute sa famille qui y restent jusqu’en 1789, remplacé ensuite par la duchesse de Polignac puis la marquise de Tourzel.
En conséquence, le couple princier doit céder la place et prendre possession des nouveaux appartements que le Roi leur octroie au rez-de-chaussée et au premier étage du Pavillon de la Surintendance, à l’extrémité de l’aile des Princes, coté ville. Ce pavillon de pierre, briques et ardoises, prend, dès lors, le nom de « Pavillon de Provence ». Madame prend possession d’un grand appartement qui a été celui de la princesse de Lamballe, sa cousine, en tant que surintendante de la Reine. Il a vue sur la rue et la petite cour intérieure de la Surintendance, appelée désormais « Cour de Monsieur ». Il est situé, au premier étage de ce pavillon, à un niveau plus bas que celui du parterre qui correspond au rez-de-chaussée de l’aile du midi. Voisin de l’appartement des enfants de France et de madame de Polignac, il communique au château, par l’escalier de Provence et quelques marches, à la galerie basse des Princes.
Un autre grand appartement est réservé à Monsieur juste au-dessus, au second étage du Pavillon, communiquant par le second palier de l’escalier de Provence à la galerie haute des Princes, voisin de l’appartement de Madame Elisabeth. C’est l’appartement dans lequel on avait logé les enfants du comte d’Artois, les petits ducs d’Angoulême et de Berry et leurs gouverneurs jusqu’en 1786. On les envoie dans un autre appartement dans l’aile du nord.
De gros travaux sont entrepris afin d’adapter les locaux. De nombreuses boiseries sculptées à la dernière mode ainsi que de nombreuses commandes de tentures sont exécutées pour orner les murs comme par exemple , les délicieuses boiseries du cabinet de la comtesse de Provence qui existent encore, démontées dans les réserves du musée . L’ancien grand escalier de la Surintendance, qui datait de Colbert, construit en 1679, désormais appelé « Escalier de Provence » est refait partiellement en 1788 d’après les dessins de Louis XVI qui s’y intéresse de très près, fournissant des plans de ses mains et dirigeant son élaboration et son exécution. Elargi et reconstruit en demi-palier, il permet de relier les appartements à la cour basse de la rue de la Surintendance qui prend le nom de « Cour de Monsieur ». Il permet, depuis un grand vestibule de pierre, aménagé à même époque, d’accéder officiellement aux « nouveaux appartements de Monsieur et de Madame ». Le couple princier y gagne en confort, en comparaison à la petitesse du premier appartement, aux pièces assez basses, humides et sombres du second appartement, car les pièces de ces nouveaux appartements sont bien plus grandes , les plafonds plus élevés, et surtout plus lumineuses, puisque exposée au midi.
De plus l’annexion de petits logements de courtisans contigus, au-delà d’un corridor noir, bien pratique pour la circulation du service, leur offre de véritables appartements intérieurs , bien mieux distribués que les tristes petits cabinets sur cour de l’appartement du Dauphin.
De gros travaux sont entrepris afin d’adapter les locaux. De nombreuses boiseries sculptées à la dernière mode ainsi que de nombreuses commandes de tentures sont exécutées pour orner les murs comme par exemple , les délicieuses boiseries du cabinet de la comtesse de Provence qui existent encore, démontées dans les réserves du musée . L’ancien grand escalier de la Surintendance, qui datait de Colbert, construit en 1679, désormais appelé « Escalier de Provence » est refait partiellement en 1788 d’après les dessins de Louis XVI qui s’y intéresse de très près, fournissant des plans de ses mains et dirigeant son élaboration et son exécution. Elargi et reconstruit en demi-palier, il permet de relier les appartements à la cour basse de la rue de la Surintendance qui prend le nom de « Cour de Monsieur ». Il permet, depuis un grand vestibule de pierre, aménagé à même époque, d’accéder officiellement aux « nouveaux appartements de Monsieur et de Madame ». Le couple princier y gagne en confort, en comparaison à la petitesse du premier appartement, aux pièces assez basses, humides et sombres du second appartement, car les pièces de ces nouveaux appartements sont bien plus grandes , les plafonds plus élevés, et surtout plus lumineuses, puisque exposée au midi.
De plus l’annexion de petits logements de courtisans contigus, au-delà d’un corridor noir, bien pratique pour la circulation du service, leur offre de véritables appartements intérieurs , bien mieux distribués que les tristes petits cabinets sur cour de l’appartement du Dauphin.On retrouve, après travaux d’aménagement, la distribution traditionnelle des appartements des membres de la famille royale, quasi similaire à celle de l’appartement du Dauphin et de la Dauphine. Chaque appartement comporte six grandes pièces principales sur cour et rue, doublées, sur la « cour de l’apothicairerie », d’un appartement intérieur indépendant , séparé de pièces donnant sur la rue par un corridor noir en coude. Cette distribution est identifiable sur un plan antérieur dans « l’architecture française » de J.-F. Blondel.
Madame dispose le palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres – qui sert de salle-à- manger où elle continue à convier, chaque soir, la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises » La famille royale y soupe toujours chaque soir , se régalant du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.
« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »
Mémoires du comte d’Hézecques
Vient ensuite une pièce similaire – ancien grand salon de réception de la princesse de Lamballe – servant alternativement de grand cabinet et de salle des nobles, qui ouvre ensuite sur la chambre-à-coucher de la princesse, belle pièce carrée a deux fenêtres sur la cour de Monsieur. Cette chambre donne sur deux cabinets intérieurs aux plafonds assez hauts, dont le premier a une fenêtre sur la cour et une autre sur la rue, le second servant de boudoir a deux fenêtres sur la rue. Du temps de la princesse de Lamballe, on y trouvait là successivement un petit cabinet, un boudoir, une bibliothèque, une garde robe, des bains et une chambre pour la dame d’honneur ( Madame de Laage de Volude ).
La princesse dispose encore, dans cette enfilade, de deux grandes pièces ,– probablement entresolées – destinées à sa toilette. Elles servent de garde robe ou cabinet-de-toilette dont une est retranchée pour les commodités à l’anglaise à cause de leur proximité de la chambre-à-coucher. L’ancienne chambre de la dame d’honneur de la princesse de Lamballe voisine , au débouché de l’escalier intérieur, est probablement convertie en chambre de veille pour la première femme de chambre de service. Un corridor noir en coude sépare et distribue toutes ces pièces d’un petit appartement intérieur, ménagé dans un ancien logement de courtisan sur la cour de l’apothicairerie. Constitué de cinq pièces entresolées, on y a placé principalement les bains et la petite chambre des bains de la princesse. L’entresol abrite vraisemblablement , outre les pièces de services des femmes de chambre, la chaudière des bains, la garde robe aux habits de la princesse. On sait aussi que Monsieur et Madame disposent au rez-de-chaussée sur les cours des cuisines particulières pour ces appartements ainsi que d’autres destinés aux « petits appartements de Monsieur ».
De tout cela, il ne reste que quelques panneaux de portes et une glace de l’époque de Louis XVI, mais le château conserve encore des boiseries de ces appartements et surtout ce bel « escalier de Provence » qui dessert tous les étages de ce pavillon. Si la décoration est aujourd’hui un pastiche de boiseries et de stuc de style XVIIIe, l’agencement des pièces demeure pratiquement inchangé bien que le pavillon soit laissé à l’abandon à la révolution et grandement endommagé, il est restauré entièrement par l’architecte Joly . Des cloisons sont entièrement remontées.
Des travaux de distribution nouvelle sont entrepris pour faire disparaître l’antichambre commune, le grand cabinet, les chambres des fils du comte d’Artois et celle de monsieur de Sérent, leur gouverneur. Monsieur a un appartement quasi similaire à celui de son épouse, à l’exception de sa première antichambre retranchée en trois parties pour ménager, côté escalier, une salle pour ses suisses et côté cour, un corps-de-garde et l’antichambre proprement dite. Le restant des grandes pièces sur la cour correspond à la même distribution que chez Madame : salle des nobles ou grand cabinet, chambre à coucher. Les deux cabinets intérieurs , chez Monsieur, forme un cabinet intérieur en angle et un autre, plus grand que le boudoir de la comtesse de Provence, aménagé en une bibliothèque ornée de superbes boiseries modernes en chêne naturel. Comme chez Madame, l’enfilade sur rue se continue par d’autres pièces destinés à la toilette , servant probablement de garde robe , aux bains et aux commodités à l’anglaise.
L’appartement intérieur de Monsieur, comme chez sa femme, comprend également un cabinet particulier pour le prince et une chambre de veille pour le premier valet de chambre. Il ne semble pas avoir été entresolé car la hauteur sous plafond est trop basse à cet étage.
Ces appartements seront transformés pour servir au président de la chambre des Députés au moment ou cette institution s’établit dans cette aile du château en 1875. De nombreux remaniements auront lieu dans l’appartement de Madame convertis en bureaux pour ce dernier : dépose des boiseries et des chambranles de cheminées primitives, ouvertures de portes, installation d’une nouvelle décoration avec des lambris de style «Louis XVI Impératrice » avec écoinçons de plafonds, corniches en plâtres sculptées moulées, rosaces de lustres en staaf , pose de cheminées massives, installation de panneautages de stuc imitant du marbre Louis XIV ou de bas lambris moulurés vernis.
Chez Madame, les deux antichambres seront réunie pour former le bureau du Président ou « bureau de l’investiture » avec une communication sur la salle de Marengo voisine. La salle des nobles servit de bureau du Président du Congrès, la chambre celui du Président du Sénat. Seul , le petit cabinet d’angle semble conserver sa physionomie d’avant 1789 , comme on l’a déjà évoqué avec sa cheminée , son trumeau de glace et sa corniche sculptée. Les garde-robes seront entièrement bouleversées afin de former un simple escalier de service en menuiserie, un office et une toilette . Une grande salle-à-manger , décorée de faux marbres, prendra la place de l’appartement intérieur.
La tenture, à effet côtelé, a été exécutée par la maison Gros de Lyon, entre 1785 et 1787. Elle fait partie d’un ensemble de commandes passées par l’Intendant du Garde-meuble de la Couronne, le Baron de Ville d’Avray, à la fabrique lyonnaise par le biais des maisons Desfarges. Cette commande fait partie d’une commande de deux meubles : l’un à décor formant mosaïque, le second à dessin de fleurs, palmiers et nids d’oiseaux, accompagné de bordures montantes et transversales.
Le tapissier ordinaire du Roi, Claude-François Capin réalisa la confection du meuble de la Chambre à Coucher du Comte de Provence comprenant la tenture, le lit, les portières, les rideaux, fauteuils, ployants, paravent et écran.
Ce paravent à six feuilles est livré par Jean-Baptiste Boulard en 1787 pour la nouvelle chambre à coucher du comte de Provence. Outre leurs magnifiques bordures de bois sculpté et doré, surmontées de branches de chêne formant des couronnes, les feuilles ont miraculeusement conservé leur garniture d’origine, un gros de Tours broché à dessins de fleurs, palmiers et nids d’oiseaux.
Il sera envoyé à Paris en l’an IV pour l’ameublement du Directoire au Palais du Luxembourg.
Avec l’écran de cheminée, le paravent sera offert par Napoléon à Cambacérès, qui les rétrocédera en 1815, avec son hôtel particulier, à la Douairière d’Orléans, mère de Louis-Philippe. Cela explique la marque P.R. (Palais Royal) sur le châssis du paravent, où le futur Roi le placera un temps. Il fut livré le 5 mars 1788 et resta en place jusqu’à la pose des scellés du Château à partir du 22 juin 1791
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Commode galbée à deux tiroirs sans traverse de bois de rose et amarante ornée au centre d’un grand cartouche mouvementé à décor d’une marqueterie de cubes, estampillé Macret ; la commode porte au dos (en haut à gauche) une marque au pochoir et à l’encre noire : F (couronné) N°562, sur le revers du marbre à l’encre noire F (couronné) N°562. Inventaire des meubles du château de Fontainebleau, en septembre 1787 : N°542 Une commode à la Régence à deux grands tiroirs, anneaux et entrées et chutes et sabots en bronze doré. Dessus de marbre brèche d’Alep. De 3 pieds de large « Arch. Nat. O1 3398 La commode se situait dans la chambre de l’appartement de Monsieur, cour des Princes. Ce numéro « F 562 » correspond à la nouvelle numérotation entreprise lorsque Thierry de Ville d’Avray devient intendant du garde meuble en 1784 et entreprend des réformes. Il substitue à la numérotation générale commencée sous Louis XIV une numérotation nouvelle par château et par catégorie de meubles et produit de nouveaux inventaires par château.
En 1787
Après avoir agité la Cour de Louis XVI en facilitant la chute des ministres réformateurs Turgot, Necker, Calonne, puis bloqué les réformes proposées par Calonne en les déclarant inconstitutionnelles en tant que président de l’un des bureaux de l’Assemblée des notables, il réclame, à l’instar de la Reine, pour le tiers-état le doublement du nombre de députés aux Etats généraux.
Du 10 octobre au 16 novembre 1787
Dernier séjour de la Cour de Louis XVI à Fontainebleau.
Le 23 décembre 1787
Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Madame Louise ( née le 15 juillet 1737), tante de Louis XVI, qui ne se nommait plus que Sœur Thérèse de Saint-Augustin.
Dans une lettre à son amie, madame de Gourbillon, Madame, comtesse de Provence, fait un résumé de la situation en France :
Transcription de la lettre à partir de la neuvième ligne :
« Je viens de voir l’ambassadeur qui a eu son audience.
Monsieur a paru très embarrassé, il a commencé par dire qu’il avait eu des raisons pour demander votre démission. A quoi, a répondu l’ambassadeur, qu’il n’était pas chargé de se mêler de l’intérieur du ménage, que sa mission se portait sur un acte public d’autorité qui était injurieux pour moi.
Monsieur a dit qu’il ne le comprenait pas. Monsieur de Cordon (ambassadeur de Sardaigne en France en 1789) s’est expliqué plus clairement et a demandé la main levée de l’ordre qui vous exile sur le champ.
Monsieur a balbutié et dit :
– Je n’y suis pour rien, j’ignore ce qui a pu lui procurer, mais c’est le Roy qui l’a voulu.
– On ne dit pas cela dans le monde a répondu Monsieur de Cordon et ce détour n’est pas digne d’un aussi grand prince. Je vais m’expliquer plus clairement : c’est de la part du Roy, mon maître et votre beau-père que je suis chargé de demander une satisfaction publique et pour fermer la bouche à des propos injurieux pour Madame et qui rejaillissent sur vous.
– Monsieur, vous vous oubliez a repris Monsieur en colère.
– Non, je ne suis pas M. de Cordon en ce moment, je parle au nom d’un Roy et d’un père. Je le représente, il est Roy, vous ne l’êtes pas, ainsi je ne peux pas m’oublier.
Un ton si nouveau l’a pétrifié.
M. de Cordon a dit :
– Est-ce Monsieur ou le Roy qui l’on voulu, il faut que je sache ?
– C’est le Roy a répondu Monsieur.
– Eh bien, dit l’ambassadeur, je vais demander une audience au Roy et promettez moi de ne pas mettre d’obstacle à mes démarches.
– Je vous en donne ma parole d’honneur a répondu Monsieur.»
Lettre de la comtesse de Provence à Marguerite de Gourbillon, conservée aux Archives Nationales de France
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Ce n’est pas tant la prise de la Bastille qui effraie, c’est avant tout la fureur du peuple qui dans son insurrection à publié la fameuse liste noire, la liste où sont inscrits toutes les personnes qu’il faut abattre. La Reine est un tête de la liste suivie de son beau-frère Artois.
Le 16 juillet 1789
Le comte et la comtesse d’Artois émigrent. Marie-Thérèse quitte la France dans ce premier fourgon d’émigrés, emportant le nécessaire, pensant surtout revenir.
En trois jours Versailles et la Cour de France ne sont plus qu’un souvenir.
Le 17 juillet 1789
Réception de Louis XVI à l’Hôtel de Ville de Paris.
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 5 octobre 1789
Des milliers de femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
Le Roi était à la chasse, la Reine à Trianon. On les as envoyés chercher. La famille royale se réfugie au château en voyant arriver cette horde de furies .
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
Monsieur loge à l’extrémité de l’aile du Midi, dans le pavillon de Provence, depuis 1787 et ne se trouve pas dans le point de mire des émeutiers. Les parisiens n’ont donc pas été jusqu’à son appartement et son sommeil n’a pas été troublé. De plus, les Provence ne sont pas impopulaires…
Louis-Stanislas achève sa toilette : il est coiffé, poudré, habillé et revêtu de ses ordres. La plus grande tranquillité paraît régner sur sa physionomie.
Les Provence rejoignent la famille royale dans la chambre d’apparat du Roi à huit heures et demi, après tous les événements face à la populace…
Les Provence suivent la famille royale ( dans le même carrosse que le Roi ) à Paris et résident au Palais du Luxembourg résidence parisienne de Monsieur (actuel Sénat).
Monsieur avait dépensé des fortunes pour redonner à ce palais tout le lustre voulu. Le prince a ses appartements au rez-de-chaussée. C’est aujourd’hui le restaurant du Sénat. Ceux de Marie-Joséphine, dans l’aile adjacente du palais. La somptuosité et la table du Luxembourg étaient célèbres. Quel contraste avec les tristes Tuileries réservées à Louis XVI et Marie-Antoinette.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Courant novembre jusqu’au 8 décembre 1790
Séjour de la famille royale au château de Saint-Cloud.
Le 1er janvier 1791
Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire qui partent pour Rome.
Le 22 février 1791
Le bruit court que le comte de Provence s’apprête à fuir. Une foule de femmes de la Halle se masse alors devant le palais du Petit Luxembourg et réclame à voir le frère du Roi.
Monsieur répond crânement à la populace que son «intention n’a jamais été de partir», qu’il est «attaché au roi et à la Constitution» et qu’il ne «quittera jamais le roi».
Les Parisiens, se contentent de ses bonnes paroles, exigeant toutefois qu’il se rende aux Tuileries chez le Roi. On souligne à tort la bonhommie feinte de Monsieur, mais force est de constater qu’il sait composer avec une foule potentiellement hostile.
Le 20 juin 1791
Comme le Roi et sa famille, les Provence fuient la Révolution. Le comte de Provence quitte également sa résidence surveillée mais leur périple ne finira pas aussi mal et ils vont donc parcourir l’Europe…
« Le Roi et toute sa famille quittent Paris, heureusement (sans problème), le 20 à minuit. Je les ai conduits au premier poste. Dieu veuille que la suite de leur voyage soit tout aussi heureuse. J’attends ici Monsieur en ce moment. Je poursuivrai ensuite ma route le long de la frontière, pour rejoindre le Roi à Montmédy, s’il a la chance d’y arriver.»
Axel de Fersen dans une lettre à son père, 22 juin 1791, depuis Mons où Fersen a rencontré le comte de Provence et d’autres, dont la maîtresse de Provence qui vient de quitter Bruxelles pour Mons au même moment afin de rencontrer la comtesse de Provence.
Le palais du Luxembourg est alors déclaré « propriété nationale »
Le « Luxembourg » deviendra une prison en juin 1793 pendant la Terreur avant d’être affecté au Directoire par décision du 18 septembre 1795. Les cinq directeurs s’y installent le 3 novembre 1795. Bonaparte, Premier consul, s’installe au palais du Luxembourg le 15 novembre 1799. Le Sénat conservateur, assemblée créée par la Constitution de l’an VIII, s’y installe le 28 décembre 1799.
Marie-Joséphine et Madame de Gourbillon émigrent toutes deux en Allemagne puis dans plusieurs pays d’Europe. Elles restent huit ans ensemble à parcourir le continent.
Monsieur et Madame prennent la route de Gand… chacun de son cxôté. Déguisé et muni d’un passeport anglais, le comte de Provence rejoint ainsi les Pays-Bas autrichiens, via Avesnes et Maubeuge. Il se réfugie à Bruxelles puis Coblence, capitale de l’électorat de Trèves, dont un de ses oncles maternels est l’archevêque et le souverain. Il rencontre l’empereur Léopold II et lui inspire la déclaration de Pillnitz d’août 1791, qui galvanise les Girondins.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le 22 juin 1791
Axel von Fersen dans une lettre à son père, écrit à Mons, où (pour des raisons inconnues) il a rencontré le comte de Provence (qui n’avait aucune raison d’être là) et d’autres, dont la maîtresse de Provence (qui vient de quitter Bruxelles pour Mons au même moment afin de rencontrer Provence).
Les Provence passent la frontière.
D’après les mémoires de Louis de Bouillé, sur le comte de Provence étant informé de la capture de la famille royale après leur fuite de Paris :
« Il écoutait avec un calme imperturbable, une froideur impassible, dont il ne sortait que pour me poser quelques vagues questions et dont je ne fus pas moins révolté que surpris. Je ne sais si, comme il le dit dans sa Relation, ses larmes « qui n’avaient pas pu couler au premier instant étaient venues le soulager » avant mon arrivée, mais ce que je peux vous assurer c’est que nous n’avons vu aucune trace de cela dans ses yeux, parfaitement secs comme son cœur, et qu’on ne remarquait que leur habituelle expression de fausseté, par laquelle s’échappaient quelques bouffées de satisfaction traîtresse.»
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le Roi est suspendu.
Le 9 novembre 1791
Le comte de Provence est sommé de rentrer en France.
En janvier 1792
Il refuse de reconnaître l’autorité du roi et se voit déchu de ses droits de prince du sang par l’Assemblée législative.
La loi du 20 janvier 1792, qui déclare, aux termes de l’article II du Titre III de la constitution :
« que faute d’être rentré dans le Royaume, sur la réquisition du corps législatif, proclamé le 7 janvier, Louis Stanislas Xavier, prince français, est censé avoir abdiqué son droit à la régence, qu’en conséquence, il en est déchu. »
Le 10 août 1792
Abolition de la Monarchie française. Le château des Tuileries est envahi, la famille royale se réfugie au sein de l’Assemblée Nationale qui siège au manège des Tuileries.
Le 13 août 1792
Après trois jours passés en journée entassée dans la loge du logographe de l’Assemblée Nationale en journées et se remposa nt tant bien que mal dans quatre pièces des Feuillants mises à sa disposition, la famille royale est transférée à la tour du Temple, qui devient sa prison.
Le 2 septembre 1792
Massacre de la princesse de Lamballe, cousine de sa femme.
Massacres dans les prisons…
En septembre 1792
Provence tente de rentrer en France à la tête d’une armée de 14 000 hommes mais doit rebrousser chemin après la bataille de Valmy (20 septembre) et se réfugie à Hamm en Westphalie.
Le 7 décembre 1792
Arrivée des comtes de Provence et d’Artois à Hamm, qui logent dans le « Nassauer Hof » :
Les princes sont accompagnés de leur famille et d’environs deux-cents domestiques.
une «Cour de cinquante-cinq personnes, dont certains nobles, notables avec beaucoup de chevaux et de charriots» note le maire Johann Anton Möller. Hamm a alors une population de trois mille habitants, on peut donc imaginer que les conditions de vie des émigrés éxigües , ne répondant pas au standards de l’aristocratie française.
Le séjour des princes coûte cher :
« Un pot de lait ne coûte généralement que deux Stüber, il en coûte maintenant huit.»
On craint également que ces exilés éminents n’entrainent des attaques révolutionnaires. Ainsi, une nuit, on placarde ce pamphlet :
« Si les français qui restent ici ne font pas leurs bagages dans les vingt-quatre heures, les citoyens les expulseront de force et livreront le comte d’Artois à la Convention nationale, vivant ou mort, avec lui ce canal reçoit sa récompense bien méritée et nous sommes protégés contre les dangers qui nous menacent. S’il en venait à cela, tous les Français qui sont ici et que nous connaissons sur la liste, ne pourraient que s’en préoccuper.»
Cette extradition n’a pas lieu, et le greffier n’est pas dénoncé.
Le Roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II (1744-1797), ne cède pas aux inquiétudes exprimées par les magistrats de la ville. Mais il cède aux préoccupations de la population locale en interdisant les sermons publics dans l’église Sainte-Agnès aux prêtres catholiques immigrés avec les princes.
La présence des Français et leur garnison est disposée à mieux défendre Hamm, il est donc dans l’intérêt des plaignants qu’ils restent.
Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI, Louis-Stanislas se proclame « régent » pour le Dauphin, lequel demeure prisonnier des révolutionnaires à Paris, et le proclame Roi de France sous le nom de jure de Louis XVII.
Même son beau-père refuse de le reconnaître !
C’est à cette époque que le comte de Provence, gendre de Victor-Amédée III, parvient à Turin . L’accueil de la Maison de Savoie est correct, mais sans chaleur marquée, le Roi de Piémont-Sardaigne préférant éviter l’hospitalité à un prince aussi politiquement gênant que l’est Monsieur.
Sans doute le Roi ne désire-t-il pas le retour dans sa capitale d’une coterie d’émigrés comme celle du comte d’Artois quelques années plus tôt. Mais en 1793, la situation des princes émigrés est diamétralement opposée à celle de 1789 : le comte de Provence n’a plus d’argent, compte ses soutiens politiques sur les doigts d’une main et ne parvient pas à imposer son titre fictif de «Régent de France» auprès des souverains de l’Europe.
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.
Le 10 mai 1794
Madame Elisabeth est guillotinée à son tour.
Le 5 juin 1794
« Une députation de la commune de Sens annonce que les corps des père et mère de Capet ont été exhumés du temple où ils étaient déposés et rappelés, après leur mort, à une égalité qu’ils n’avaient pas pu connaître pendant leur vie ; la députation a présenté les plaques qui étaient sur les cercueil qui, converties en balles, serviront à détruire nos ennemis.»
Moniteur du septidi 17 prairial an II
Les pauvres restes ne sont heureusement pas dispersés. La commune de Sens les fait enfouir au cimetière.
Le 8 juin 1795
L’annonce de la mort en prison du fils du défunt Roi Louis XVI âgé de dix ans, Louis XVII pour les royalistes, permet au comte de Provence de devenir le dépositaire légitime de la couronne de France et de se proclamer Roi sous le nom de Louis XVIII. Pour ses partisans, il est le légitime Roi de France.
Clotilde appelle «Mon bon, cher et adorable frère» celui qui devient en 1795, «Roi de France» en exil sous le nom de Louis XVIII.
A Turin, son embonpoint colossal le fait paraître «gros comme un ballon» et accablé par les crises de goutte, il rend visite à sa belle-famille en chaise à porteurs.
Le 19 décembre 1795
Marie-Thérèse, l’Orpheline du Temple, sa nièce, quitte sa prison vers quatre heures du matin le jour de ses dix-sept ans, escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle, où elle est remise aux envoyés de l’Empereur François II.
Son séjour forcé à Vienne la rend froide et maussade tandis que le comte de Provence, alors en exil à Vérone, ne se résout pas à la voir entre les mains de l’Empereur.
En 1796
Louis-Stanislas séjourne à Blankenberg en Belgique.
Le 16 octobre 1796
Mort de Victor-Amédée III.
Le frère de la comtesse de Provence, Charles-Emmanuel ( 1751-1819), qui est aussi l’époux de Madame Clotilde de France, qui s’était vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin.
En 1798
Provence arrive à Mittau (en Lettonie), où il reçoit l’asile du Tsar Paul Ier.
1799
Dans son ouvrage sur Rougeville, Michelle Sapori rapporte « qu’au cours des premiers mois de l’année 1799 l’Angleterre réunit ce qui va devenir la deuxième coalition. Le plan sur lequel s’appuient les alliés prévoit d’attaquer la France sur toutes les frontières au moment même où éclateront, sur le territoire de la République comme dans les pays occupés, des soulèvements royalistes. Le but est de mettre fin à la République et de placer Louis XVIII sur le trône. Pour organiser ces soulèvements, la faction royaliste, en France, s’est organisée après son échec du 18 fructidor An V autour d’un «Conseil royal secret » auprès duquel prend des avis le comte de Provence qui se fait alors appelé comte de Lille .
(…)
Des années d’activisme aboutissent à un résultat tout opposé à celui recherché. Comme le dit Cadoudal avec une triste ironie : « Nous voulions faire un roi, nous avons fait un Empereur.»
Le 2 juin 1799
Des impératifs familiaux contraignent Marie-Joséphine de Provence à rejoindre son époux installé sur le territoire russe. Elle entre à Mittau, résidence de Courlande généreusement prêté par le tsar au prétendant du trône de France. Au château, Louis XVIII fait un accueil très aimable à son épouse.
Le 7 juin 1799
Sa tante Madame Victoire, sa tante et marraine, meurt à Trieste, d’un cancer du sein.
Le 9 juin 1799
La fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse , épouse son cousin, Louis-Antoine, duc d’Angoulême (1775-1844), fils du comte d’Artois, en présence du comte de Provence et de son épouse. La cérémonie est célébrée par l’évêque de Metz, grand aumônier de France. Louis XVI et Marie-Antoinette ont péri sur l’échafaud six ans plus tôt, mais il n’y a pas non plus les parents du marié. Le comte d’Artois réside à Londres depuis un certain temps, et même la pauvre comtesse d’Artois qui réside depuis quelques mois à Klagenfurt, en Autriche, n’y assiste pas, peut-être à cause de sa mauvaise santé, ou bien encore peut-être encore une fois, on la considère comme quantité négligeable !!! Malgré la précarité de sa situation économique, elle envoie aux jeunes mariés un service de toilette en argent comme cadeau de mariage.
Louis XVIII préside la cérémonie. Il a invité à cette occasion, sa femme, la Reine Marie-Joséphine, qui s’est déplacée spécialement de sa retraite en Bavière jusqu’en Courlande. Le duc de Berry, le frère cadet du duc d’Angoulême, n’est pas présent également et est resté à Londres auprès de son père.
Lors du séjour de Louis XVIII à Mittau (en 1799), ce prince mérite de couronner de ses propres mains une »rosière» (une jeune fille récompensée pour sa réputation vertueuse). On dit que la jeune vierge, après s’être inclinée respectueusement sous la tiare de roses que le monarque a posée sur son front, lui a dit ces paroles prophétiques : » Sire, que Dieu vous la rende.»
Du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804
Bonaparte est Premier consul.
Après le coup d’Etat du 18 Brumaire ( 9 novembre 1799) et la mise en place du Consulat, Louis XVIII entre en négociations avec Napoléon Bonaparte en vue du rétablissement de la monarchie.
Le 27 février 1800
Madame Adélaïde, sa tante, meurt à l’âge de soixante-huit ans, à Trieste.
A partir de la fin de l’année 1799
Napoléon Bonaparte (1769-1821) dirige la France.
Le 24 décembre 1800
Explosion de la machine infernale rue Saint-Nicaise ( visant à assassiner Bonaparte…) dont on découvre la culpabilité des royalistes : le Premier consul rompt définitivement toute négociation et adresse une réponse sans ambages au prétendant :
« Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France ; il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres… »
En 1801
Le comte de Provence quitte Mittau pour Varsovie.
Le 7 mars 1802
Mort de sa sœur, la Reine de Sardaigne, Clotilde de France, qui sera reconnue «vénérable» par l’Eglise catholique en 1808.
En 1804
Provence doit retourner à Mittau.
Du 18 mai 1804 au 11 avril 1814
Napoléon Ier règne sur la France en tant qu’empereur.
Le 2 décembre 1804
Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris.
Le 2 juin 1805
Après une quasi-inexistence à la Cour, Marie-Thérèse, comtesse d’Artois s’éteint à l’âge de quarante-neuf ans. Elle est enterrée à Graz, dans le mausolée impérial sis à côté de la cathédrale de la ville.
En 1807
Le Tsar rend visite à Provence à Mittau.
En avril 1808
La famille royale s’installe dans le magnifique château de Hartwell près de Londres. Le Roi déjà très affaibli par la goutte loge au rez-de-chaussée, la Reine est recluse au premier étage. La duchesse d’Angoulême prie et brode pendant que son mari très myope monte à cheval au risque de sa vie…
Le 13 novembre 1810
En fin de matinée
Son épouse, Marie-Joséphine décède en 1810 à Hartwell House dans le Buckinghamshire en Grande-Bretagne.
C’est dans la prestigieuse abbaye de Westminster, nécropole des rois d’Angleterre, que le corps de Marie-Joséphine fut inhumé. Marie-Joséphine ne devait pourtant reposer qu’un an à Westminster.
Les revenus de Louis XVIII, à cette époque, s’élèvent à 60 000 francs environ que lui paient le gouvernement britannique et la cour du Brésil, mais il doit mener un train de vie réduit puisque cette somme est répartie entre ses protégés, ses agents dans les différentes cours d’Europe (pour être au courant des politiques menées) et que la guerre entraîne une inflation de prix qui ne sont déjà pas, au départ, bas.
En 1811
Louis XVIII fait transporter le cercueil de son épouse à Cagliari, en Sardaigne. Cette démarche représentait le dernier souhait de la Reine qui aurait interdit que sa dépouille soit déposée à Saint-Denis au cas où la monarchie serait restaurée en France.
En 1814
Sous Louis XVIII, les corps de Louis-Ferdinand et Marie-Josèphe, ses parents, sont ramenés à la cathédrale de Sens, où l’abbé de La Tour, vicaire général du diocèse de Troyes, prononce l’éloge du prince et de la princesse en présence de Monsieur, comte d’Artois, leur dernier fils.
Le 6 avril 1814
Vaincu par les alliances étrangères, Napoléon abdique.
Louis-Stanislas, comte de Provence, est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII le Désiré. C’est à Hartwell House qu’il signe le document avec lequel il accepte la couronne française suite à la défaite de Napoléon.
Le 24 avril 1814
Louis XVIII débarque à Calais.
Le 3 mai 1814
Louis XVIII entre à Paris, par la barrière Saint-Denis, venant du château de Saint-Ouen.
Louis XVIII et la duchesse d’Angoulême font leur entrée triomphale dans Paris. Le Roi rentre dans son royaume mais pour le peuple, il s’agit surtout du retour de la pauvre Marie Thérèse Charlotte.
« Finalement, Louis XVIII. est entré à Paris, prêt à pardonner et à oublier. Je suis allé le voir passer sur le quai des Orfèvres. Il était en voiture, assis à côté de la duchesse d’Angoulême. La constitution qu’il avait annoncée avait été accueillie par une joyeuse acclamation ; la joie du peuple était grande et universelle. Des drapeaux pendaient à toutes les fenêtres de la ligne de marche. Aux cris de « Vive le Roi ! » se sont levés vers les cieux, et étaient si bruyants et sincères que j’ai été ému au-delà de tout ce que je peux dire. Sur le visage de la duchesse d’Angoulême se lisent tour à tour la joie d’un tel accueil et les douloureux souvenirs qui l’assaillent. Son sourire était doux mais triste – une chose des plus naturelles, car elle suivait le chemin que sa mère avait suivi pour se rendre à l’exécution, et elle le savait. Cependant, l’exultation suscitée par l’apparition du roi et la sienne consolait beaucoup ce cœur affligé. Les applaudissements les poursuivirent jusqu’aux Tuileries, où la foule remplissant les jardins donna lieu aux mêmes transports. Ils ont chanté, ils ont dansé devant le palais, et quand le Roi s’est montré à la fenêtre du grand balcon et a baisé ses mains encore et encore au peuple, leur joie n’a pas connu de bornes.»
Mémoires de Madame Vigée Le Brun
Le 30 mai 1814
Sous l’égide de Talleyrand, le traité de Paris est signé, cela ramène la France à ses frontières du 1er janvier 1792, c’est à dire presque celles de la France d’aujourd’hui, plus une petite partie de la Belgique et de la Sarre.
Lors de son arrivée sur le Trône, Louis XVIII envisage d’habiter dans le château de ses ancêtres, à Versailles. Pour cela, il commence par remettre le château en état et d’importantes commandes sont passées pour remeubler les salles vidées à la révolution.
Parmi ces commences, il existe, au Mobilier National, deux tapis destinés à Versailles.
Louis XVIII fait son entrée aux Tuileries alors que les tapis semés des symboles de l’Empire n’ont pas encore été enlevés. Les chambellans se confondent en excuses, le roi répond :
« Mais au contraire, j’ai plaisir à marcher dessus.»
Une fois installé sur son trône, Louis XVIII regarde çà et là s’il ne voit pas une abeille dans les tapisseries, il dit à son frère le comte d’Artois :
« Mon frère, nous avons eu un bon concierge».
Etienne Vigée, le frère d’Elisabeth Vigée Le Brun, rédige un poème monarchiste «Procès et décès de Louis XVI». il est nommé «lecteur de la chambre et du cabinet du Roi».
Le 18 janvier 1815
Après l’exhumation, les ossements de Marie-Antoinette sont déposés dans une cassette jusqu’à ce qu’on les transmette dans les cercueils de plomb destinés à les renfermer.
Les restes de Marie-Antoinette sont trouvés d’abord (ils sont plus récents que ceux de Louis XVI) et ensuite, en fonction de la localisation de l’enterrement de la Reine, on cherche aussi ceux du Roi, dont l’identification est cependant douteuse ( il semblerait qu’on ait prit le premier corps qui se trouvait à peu près à l’endroit où il avait été indiqué, qu’on considère comme les restes du Roi).
Les os encore intact sont placés dans une boîte. La chaux trouvée dans le cercueil est relevée et placée dans une autre boîte. Les deux boîtes sont portées dans le salon de Desclozeau, transformé en chapelle ardente.
Le 19 janvier 1815
On creuse à l’emplacement indiqué pour la fosse de Louis XVI, entre celle de la Reine et le mur de la rue d’Anjou. On trouve à dix pieds de profondeur quelques débris de planche dans la terre mêlée de chaux et des ossements dont certains tombent en poussière. Des morceaux de chaux encore entiers adhèrent à certains os. La tête est placée entre les fémurs.
Tous les débris qu’on peut sortir de cet amas de terre, de chaux, de bois et d’ossements sont enfermés dans deux boite, l’une aux ossements, l’autre contenant les restes qui n’ont pas pu être extraits de la chaux solidifiée, souvent –détail macabre – parce celle-ci avait « moulé » une partie du corps du défunt. Les deux boites sont, comme pour Marie Antoinette, placées dans un cercueil.
Le 21 janvier 1815
Dugourc est chargé de mettre en scène le transfert des cendres de Louis XVI et de Marie-Antoinette du cimetière de la Madeleine à la messe des funérailles à Notre-Dame jusqu’au tombeaux à Saint-Denis. Sur le haut du catafalque du char, la couronne plafonne tellement qu’elle s’accroche à un réverbère rue Montmartre.
Une gigantesque pyramide accostée de deux colonnes sommées d’urnes masque la façade de la basilique.
Le 29 janvier 1815
La duchesse d’Angoulême reçoit le docteur Pelletan pour le remercier d’avoir soigné son frère et le médecin lui avoue alors le vol qu’il a commis du cœur de l’enfant roi. Elle l’interroge sur ses méthodes :
« Indépendamment de la confiance que vous méritez, cet incident est la preuve qu’il ne peut y avoir d’erreur sur l’identité de l’objet en question.»
Marie-Thérèse d’Angoulême
Louis XVIII demande alors au ministre de l’intérieur, Vincent Viénot de Vaublanc, de commander une enquête sur l’inhumation de l’enfant mort au Temple.
Malheureusement, une suite de provocations et d’erreurs psychologiques vont dresser la France contre le nouveau Roi et favoriser le retour de Bonaparte. Si conserver l’ordre ancien pendant l’exil pouvait passer pour une vertu pendant l’xil, vouloir l’imposer à un pays qui vient de connaître les plus grands bouleversements de son histoire est une aberration. En ce sens, Louis XVIII est directement responsable des Cent-Jours et de leurs conséquences.
Le 1er mars 1815
La Restauration ne dure pas. Confronté au non-paiement de sa pension attribuée par le traité de Fontainebleau et devant le mécontentement croissant des Français, Napoléon quitte son exil de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan.
Le 19 mars 1815
Napoléon est aux portes de Paris. Louis XVIII et sa cour prennent la fuite pour Gand en passant pas Beauvais. Ce qui lui vaut le surnom de « Notre père de Gand » par les chansonniers…
Le 18 juin 1815
La défaite de Waterloo réinstalle Louis-Stanislas sur le trône de France.
Son règne est consacré à la lourde tâche de concilier les héritages révolutionnaires et napoléoniens avec ceux de l’Ancien Régime. Il défend ces derniers (et nomme ainsi, comme aumônier de la Cour, monseigneur Jean-Louis d’Usson de Bonnac, un des derniers évêques d’Ancien Régime survivants et surtout l’un des premiers à avoir refusé de prêter serment à la Révolution, ainsi qu’à avoir refusé de démissionner comme l’exigeait Napoléon), sans pour autant accéder aux excès de ses propres partisans, les ultras. Il met un point d’honneur à toujours constituer un ministère issu de la majorité parlementaire, ce à quoi rien ne le contraint.
«Une tenture en deux parties en cannetillé cramoisi, mailles d’or, milieu à rosaces couronne de lys et arabesques, bordure à feuilles de chêne en guirlandes en brocart or, appliques sur velours de soie cramoisie. Au centre : traces de la couronne royale supprimée en 1830 – grand médaillon central, avec écusson aux armes de France entre deux cornes d’abondance chargées de fruits et d’épis de blé, surmonté de la Couronne Royale, et entouré d’une toile antique à ornements, au milieu d’une couronne de fleurs de lys au naturel. Au pourtour, enroulements de branches de palmiers et rinceaux d’où sortent aux quatre angles des lions. Chutes de feuilles de chêne et de laurier soutenues par des nœuds de ruban».
Louis XVIII « le désiré »… si la couronne était de rose il l’aurait laissée à sa nièce, elle était d’épines, il l’a gardée
En juillet 1815
Louis XVIII fait sa seconde entrée dans Paris mais sans panache cette fois. La duchesse d’Angoulême, absente, est en froid avec le Roi qui accepte que la France soit sous l’autorité prussienne. Le début de la deuxième restauration est poussif, loin de l’enthousiasme de la première un an plus tôt… Le retour à la monarchie en 1815 impose de refaire le lieu symbolique du pouvoir royal. Une commande est bientôt passée pour disposer d’un vaste ensemble : le trône (détruit lors de la Révolution de 1848), deux grands trophées d’armes, deux fauteuils (au Mobilier national, mutilés en 1848), deux tabourets de pieds (Musée de Versailles), quarante-huit pliants (détruits en 1871), un paravent (Mobilier national) et un écran.
La salle du trône est habillée en outre de quatre grandes torchères en bois dorés surmontés de girandoles de Thomire (Mobilier national), ce tapis de la Savonnerie (partie centrale au Mobilier national, partie latérales aujourd’hui à Fontainebleau). Le programme magnifiant royauté et l’histoire des Capétiens et Bourbon prévoyait enfin la création de tapisseries des Gobelins à la gloire des grands rois de la dynastie. La conception de l’extraordinaire mobilier est l’œuvre de Jean-Démosthène Dugourc, Jacob-Desmalter réalisa les bois, Jean-François Lèbe leur dorure. Les tissus sont tissés à Lyon chez Grand frère.
Le 20 novembre 1815
Le second traité de Paris, signé par le premier ministre, le duc de Richelieu, edst bien plus dur que le précédent. Au Nord, la France revient sur ses frontières actuelles, au sud-est, elle perd la Savoie. Elle sera occupée par cent cinquante mille hgommes, dont l’entretien sera à sa charge ; elle devra payer une indemnité de sept cents millions. Et les quatre puissances victorieuses concluent une alliance permanente contrec elle.
En 1816
Ses opposants demeurent trop faibles et divisés pour menacer en quoi que ce soit la position royale. Il dissout ainsi une première Chambre ultra en (la célèbre Chambre introuvable ). Ayant accepté les résultats de la Révolution, Louis XVIII apparaît comme un Roi modéré, menant une vie de cour sans fastes excessifs, trop fade aux yeux de certains. D’autres n’oublient pas que c’est un émigré, ramené sur le trône de France par des étrangers.
Zoé Victoire Talon, comtesse du Cayla ( 1785-1852), est la dernière favorite, amie et confidente de Louis XVIII durant ses années de déclin. Le Roi, sexagénaire et goutteux, s’amourache de la comtesse qui a trente ans de moins que lui, à la grande satisfaction de son frère le comte d’Artois et des autres royalistes. Zoé accepte de servir leur cause, si c’est dans son propre intérêt. L’amitié entre Louis XVIII et Mme du Cayla grandit au fil des années et en 1820, après l’assassinat du duc de Berry, Louis XVIII garde Mme du Cayla aussi proche de lui que possible. La nature de leur relation a été platonique, Louis-Stanislas était plus sensible aux plaisirs de l’esprit qu’à ceux de la chair. Le sentiment du roi pour cette jolie femme avait d’abord le caractère d’un amour qui se cache de lui-même, sous le nom de l’amitié, quel que soit l’âge du Roi ou la réserve de la femme. Le Roi sentait une affection paternelle pour elle, et l’appelait sa fille, n’osant pas par respect pour lui-même et respect pour elle, l’appeler par un autre nom.
Louis XVIII a mis toute l’ambition de sa vie à la conquête du trône ; il s’est cru miraculeusement favorisé par le sort en l’obtenant ; et il s’aperçoit trop tard que le bonheur est là où il ne l’avait jamais cherché en rencontrant Madame du Cayla.
Seule Zoé du Cayla lui procure du bien-être. Sa pensée constante est pour Madame du Cayla, qui, à trente ans, se consacre à l’éducation de ses deux enfants, Valentine et Ugolin.
Zoé est fort jolie, malgré sa petite taille et ses formes arrondies, son charme et la grâce de son esprit lui vaut l’affection du Roi qui ne peut se passer d’elle.
Toute la Cour se passionne pour cette intrigue amoureuse. Que se passe-t-il dans ces mystérieuses entrevues ? La nature de leur relation est simplement platonique. Louis-Stanislas, vieillard ventripotent et gouteux, est plus sensible aux plaisirs de l’esprit que ceux de la chair.
Le Roi complimente la dame sur le son de sa voix, la prie de lire encore ; elle obéit, prise d’un embarras délicieux, et ne levant les yeux de son papier que pour glisser sur le Roi ébloui des regards mouillés de reconnaissance. Le podagre en reste saisi.
Sa Majesté réserve ses mercredis pour se tenir en sa compagnie, pendant lesquels ils jouissent de jeux poivrées avec beaucoup de réparties. Madame du Cayla sait tourner un paragraphe au gout du Roi et le poudrer de frivolités.
Les jours où il ne voit pas sa chère comtesse, il lui écrit dès le matin, lui écrit encore le soir, fait aussitôt porter les lettres et attend fiévreusement les réponses.
Justement un mercredi, alors que le monarque est dans son cabinet, il entend frapper à la porte. Tout joyeux, il s’écrie d’une voix forte :
« Entrez, Zoé ! »
La porte s’ouvre et le Roi fronce le sourcil en voyant pénétrer le chancelier Dambray (1760-1829).
Le soir, dans les cercles de la cour, qui est une grande potinière, chacun surnomme Dambray : le chancelier Cru Zoé !
Quant à la tendre Zoé, elle est appelée «la tabatière» car l’on raconte que le vieux Roi aime à priser son tabac sur la gorge de son amie.
Cependant, malgré une apparente faiblesse, Louis XVIII a réussi non seulement à maintenir un équilibre entre ultras et libéraux, mais aussi à ramener la prospérité dans une nation épuisée par les dernières guerres napoléoniennes. Il a une certaine force de caractère et il pouvait d’ailleurs être à l’occasion capable de traits d’humour féroces.
« Je suis bien aise de vous voir ; nos maisons datent de la même époque. Mes ancêtres ont été les plus habiles. Si les vôtres l’avaient été plus que les miens, vous me diriez aujourd’hui : « Prenez une chaise, approchez-vous de moi et parlons de nos affaires. Aujourd’hui c’est moi qui vous dit : « Asseyez-vous et causons ».
« Mon Dieu sire, aurait répondu Talleyrand avec une fausse modestie, je n’ai rien fait pour cela ; c’est quelque chose d’inexplicable que j’ai en moi, et qui porte malheur aux gouvernements qui me négligent »
Le 15 septembre 1816
Si le duc de Richelieu reste Premier ministre en titre, le pouvoir effectif passe rapidement à Decazes, en raison de la faveur extraordinaire dont il bénéficie auprès du Roi. C’est lui qui le fait dissoudre la Chambre introuvable et, grâce à une campagne habile, fait revenir une assemblée moins extrémiste.
Louis XVIII se prend peu à peu d’amitié pour Decazes, car il est pour lui le plus sincère des ministres qui ne parle pas inutilement mais simplement, sans respect excessif, ni sans trop d’humilité.
Il prend sur ce prince un grand ascendant qu’il doit à l’amabilité de ses manières et au charme de son esprit, tout autant qu’à l’accord des vues ; il s’oppose de toutes ses forces aux excès de la réaction ultra-royaliste.
Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit au sujet des rapports entre Louis XVIII et Élie Decazes :
« Se fait-il dans le cœur des monarques isolés, un vide qu’ils remplissent avec le premier objet qu’ils trouvent ? Est-ce sympathie, affinité d’une nature analogue à la leur ? Est-ce une amitié qui leur tombe du ciel pour consoler leur grandeur ? Est-ce un penchant pour un esclave qui se donne corps et âme, devant lequel on ne se cache de rien, esclave qui devient un vêtement, un jouet, une idée fixe, liée à tous sentiments, à tous les goûts, à tous les caprices de celui qu’elle a soumis et qu’elle tient sous l’empire d’une fascination invincible ? Plus le favori est bas et intime, moins on le peut renvoyer, parce qu’il est en possession de secrets qui feraient rougir s’ils étaient divulgués. »
Très jaloux de son pouvoir, le Roi veut tout contrôler. N’appréciant pas les longs rapports, il crée un système d’« anarchie paternelle », cédant souvent aux influences de sa cour, aux sollicitations incessantes des émigrés réclamant le prix de leur fidélité.
Mélancholia, jardin du Roi
Lorsque le frère de Louis XVI revient à Versailles en 1816, il découvre un château vidé de son mobilier et peuplé de fantômes :
« Je me mêlais à ce peuple de morts, déjà vieux par les chagrins plus encore par les années ; je sentais que l’heure de les rejoindre ne tarderait pas à sonner pour moi ».
Une bonne partie du jardin se trouve aussi dans un grand état d’abandon, les haies, les broussailles et les parterres retournés. Louis XVIII recule devant l’idée d’y rétablir la Cour, se contentant de lancer une campagne de restauration pour sauver ce qui pouvait l’être.
En dehors de la construction de l’aile Dufour sur la cour d’honneur du château, le comblement de la pièce d’eau de l’île royale, au sud-ouest, pour la transformer en jardin. Créée au temps de Louis XIV, elle est devenue un marais fangeux où, précise Pierre de Nolhac, « l’on venait jeter les décombres de la ville ». L’architecte Alexandre Dufour lui substitue des allées sinueuses à l’anglaise, dressant une grande colonne avec un piédestal sur une immense pelouse ovale ombragée par des essences rares et choisies.
Ce jardin romantique est semé de quelques belles sculptures devant de discrets parterres de fleurs. On y ressent l’apaisement mais aussi la mélancolie de Louis XVIII parcourant le grand château de ses tendres années, après la tourmente révolutionnaire.
Cependant le souverain décidant de ne plus y revenir au lendemain de sa visite de 1816, c’est sa nièce qui inaugurera les nouveaux aménagements. Outre Saint-Cloud, la duchesse d’Angoulême, la petite Madame Royale, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette aurait pris l’habitude de séjourner à Versailles aux beaux jours, comme on aime revenir dans une vieille maison de famille.
Emma Defontaine
En 1816-1817
Une loi électorale plus libérale est votée : l’armée est fixée à deux cent quarante mille hommes, appelés par conscriptions pour six ans par tirage au sort (avec possibilité de se faire remplacer). Parallèlement, un emprunt permet le remboursement anticipé de l’indemnité de guerre et les Alliés, réunis à Aix-la-Chapelle, décident la fin de l’occupation pour le 30 novembre 1818.
Jean Turlier incarne Louis XVIII dans Le comte de Monte-Cristo (1979) mini-série de Denys de La Patellière
Le 26 décembre 1818
Le duc de Richelieu (1766-1822) considérant sa tâche comme terminée, remet sa démission et Elie Decazes (1780-1860) le remplace à la tête du gouvernement, sans pourtant avoir le titre de Premier ministre, jusqu’en 1819.
« Je l’élèverai si haut qu’il fera envie aux plus grands seigneurs»
dit de lui Louis XVIII.
Le 13 février 1820
Assassinat du duc de Berry, neveu de Louis XVIII.
Le 14 février 1820
Mort du duc de Berry, son neveu.
Cela entraîne la fin du ministère d’Elie Decazes et le retour des ultras, annonçant « par conséquent la fin de la Restauration libérale ».
Un nouveau ministère Richelieu tente une politique de compromis jusqu’à ce que la droite provoque sa chute (12 décembre 1821).
Le 29 septembre 1820
Naissance de Henri d’Artois (1820-1883), petit-fils de France, duc de Bordeaux, plus connu sous son titre de courtoisie, comte de Chambord. De 1844 à sa mort, il sera prétendant à la couronne de France, sous le nom d’Henri V.
Le 1er mai 1821
Le duc de Bordeaux est baptisé.
Si Mathieu de Monmorency (1767-1826) devient Premier ministre en titre, le pouvoir effectif appartient à Joseph de Villèle (1773-1854).
De petite noblesse toulousaine, Villèle s’impose à la Chambre introuvable comme chef du parti ultra. C’est un petit homme maigre, à la voix nasillarde, mais à l’intelligence vive et à la capacité de travail étonnante. Sous son impulsion, deux lois sont votées, restreignant la liberté de presse et créant le «délit de tendance»; une loi dite du «double vote», permet également aux plus riches de voter deux fois ! Le Panthéon est rendu au culte, l’éducation est placée sous l’autorité du clergé. Parallèlement, les tentatives d’insurrection sont réprimées sans pitié ( complot de la Charbonnerie et exécution des quatre sergents de La Rochelle).
On le surnomme «la Taupe» …
Sur le plan extérieur, c’est vers l’Espagne que le gouvernement tourne ses regards. Les libéraux imposent un régime constitutionnel au Roi Ferdinand VII (1784-1833), cousin de Louis XVIII.
Le 12 novembre 1822
La France obtient des puissances étrangères l’autoristaion d’intervenir militairement. C’est Chateaubriand (1768-1848), nouveau ministre des Affaires étrangères, qui se charge de l’opération.
En avril 1823
Cent mille hommes franchkissent les Pyrénées et, après une rapide campagne, terminée par la prise du Trocadéro ( un des forts de Cadix), restaurent l’absolutisme.
En mars 1824
Cette victoire provoque en France une satisfaction d’amour propre et entraîne l’élection d’une assemblée fortement conservatrice, la «Chambre retrouvée». Désireux de gouverner sans partage, Villèle obtient le renvoi de Chateaubriand, en 1824, se faisant ainsi u n ennemi à la plume redoutable et orientant son gouvernement vers la réaction la plus extrême.
C’est le dernier acte politique majeur du règne de Louis XVIII, qui , depuis la chute de Decazes, ne s’intéresse pratiquement plus aux affaires.
Louis XVIII souffre de diabète gras (type II, dirions-nous aujourd’hui) et d’une goutte qui empire avec les années et lui rend tout déplacement extrêmement difficile à la fin de son règne. Dans ses dernières années, le Roi podagre doit marcher à l’aide de béquilles et est souvent déplacé en fauteuil roulant dans ses appartements, lui-même se baptisant « le roi fauteuil » alors que les plus virulents des bonapartistes, puis le petit peuple, l’affublent du quolibet de « gros cochon » ou « Cochon XVIII ».
Vers la fin de sa vie, il est atteint d’artériosclérose généralisée, en outre la gangrène ronge son corps devenu impotent et appesanti par l’hydropisie.
À la fin du mois d’août 1824
La gangrène sèche qui a attaqué un pied et le bas de la colonne vertébrale, a provoqué une large plaie suppurante en bas du dos et l’a rendu méconnaissable. Fièrement, il refuse de s’aliter, reprenant les propos de Vespasien :
« Un empereur doit mourir debout »
Le 12 septembre 1824
Sa terrible souffrance l’oblige à se coucher. Il se décompose vivant et dégage une odeur si nauséabonde que sa famille ne peut rester à son chevet. Un de ses yeux a fondu ; le valet de chambre, en voulant déplacer le corps, arrache des lambeaux du pied droit ; les os d’une jambe sont cariés, l’autre jambe n’est qu’une plaie, le visage est noir et jaune.
Le 16 septembre 1824
Louis XVIII meurt à Paris.
Il est le dernier Roi de France à être autopsié et embaumé, le pharmacien Labarraque doit asperger le corps d’une solution de chlorure de chaux afin d’arrêter la marche de la putréfaction.
Il est bien regrettable que certaines erreurs figurent dans cette interessante biographie. Comment peut-on écrire que le comte et la comtesse de Provence sont partis en exil ensemble alors que l’un est parti avec d’Avaray et l’autre avec Mme de Gourbillon ? L’histoire commet un rand péché en vouant moraliser les faits. Pas question non plus des compliots montés par Provence contre son frère. L’affaire Favras n’aurait-elle jamais existé ?
Je n’ai pas écrit que les Provence avaient fui ensemble : « Marie-Joséphine et Madame de Gourbillon émigrent toutes deux en Allemagne puis dans plusieurs pays d’Europe. Elles restent huit ans ensemble à parcourir le continent.»
Qu’entendez-vous par le fait de moraliser l’Histoire? Je ne pense pas du tout être dans cette mouvance.
Quant aux complots, je ne les nie pas… je me méfie seulement de ceux qu’on attribue à Monsieur à mauvais escient. Puisque vous évoquez l’affaire Favras, je me permets de vous rétorquer : « Vous avez fait, Madame, trois fautes d’orthographe ». Mais je vais regarder cela.
Merci pour votre critique constructive.