Le 13 septembre 1751
Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles. Réveillée par les douleurs de l’accouchement, la Dauphine accouche sans témoins, pourtant indispensables pour éviter les substitutions. Le Dauphin attire alors dans la chambre de son épouse plusieurs domestiques pour constater la naissance du bébé, toujours attaché à sa mère par le cordon ombilical. L’enfant est titré duc de Bourgogne et est promis à régner un jour. Les cloches des églises de Paris se mettent à sonner et le Roi Louis XV décrète trois jours de chômage et d’illuminations, le nouveau-né étant héritier de la couronne de France.
Louis-Joseph est le fils du Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765) de France et de Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), qui aduleront cet enfant intelligent.
L’enfant est confié à sa nourrice Catherine Martinon qui l’allaitera pendant deux ans avec son frère de lait, Honoré Caillière.
Louis XV offre à Marie-Josèphe une aigrette avec un nœud de diamants et de rubis assortis aux boucles d’oreilles. Comme elle se montre confuse d’un aussi magnifique présent, le Roi lui dit affectueusement :
«Le présent que vous venez de faire à la France est infiniment plus précieux.»
La gravure de Martin Marvie (1713-1813) et Jean Ouvrier (1725-1784) d’après Charles Nicolas Cochin (1715-1790) Vue perspective de la décoration élevée sur la terrasse du château de Versailles pour l’illumination et le feu d’artifice qui a été tiré à l’occasion de la naissance de Monseigneur le duc de Bourgogne le 30 décembre 1751 fait mémoire des célébrations de cette naissance :
Enfant préféré de ses parents, Louis-Joseph est placé sous la protection de Marie-Isabelle de Rohan, duchesse de Tallard. A ses côtés, Henriette Cagnye, la femme de chambre, madame Butler, la sous-gouvernante âgée d’une quarantaine d’années, sa nourrice Catherine Martinon. La remueuse, madame Rousseau, qui emmaillote ses frères et sœurs aussi , est l’épouse du futur maître d’arme du Roi.
Le 20 octobre 1751
Le nom du prince est donné au navire de guerre lancé à Rochefort «le duc de Bourgogne», il participera à la guerre de Sept-Ans et à la guerre d’indépendance américaine, il sera rebaptisé en 1792 «le peuple» puis le «le caton», et sera détruit en 1800.
Louis-Joseph adore sa sœur aînée, Marie-Zéphyrine, née le 26 août 1750, qu’on appelle «Madame Royale».
En 1752
Des mesures d’isolement très strictes sont prises par sa gouvernante lors de la variole du Dauphin, son père. Pour la première fois, les enfants sont installés à Trianon avec leur personnel, sans l’étiquette de Cour.
Le 8 septembre 1753
Naissance de son petit frère, Xavier-Marie-Joseph, duc d’Aquitaine, ondoyé en venant au monde.
En janvier 1754
Madame de Marsan (1720-1803), nièce de madame de Tallard, qui meurt en janvier 1754, devient la gouvernante des enfants de France.
Des travaux ont lieu dans l’appartement prévu pour eux si bien qu’au début de ses fonctions, madame de Marsan ne loge pas auprès d’eux. Pendant quelques jours, c’est la sous-gouvernante qui loge dans la chambre de Louis-Joseph. Anticipant la fin des travaux, la gouvernante occupe quatre pièces dans la galerie d’en bas. Dans cet appartement, les pièces sont reblanchies et retranchées, perdant leurs dorures (elles étaient jadis occupées par la princesse de Conty, fille de Louis XIV) pour la gouvernante.
Le 23 février 1754
Son frère, Xavier-Marie-Joseph, duc d’Aquitaine, meurt d’une coqueluche.
Rapidement la dépouille de l’enfant quitte Versailles par l’escalier du Grand Commun sous le regard de Mesdames de Marsan et Butler, ni l’une ni l’autre en grand habit car il n’était pas l’aîné. L’ouverture du corps se fait aux Tuileries. La gouvernante met le cœur dans une boîte de plomb puis la tête dans un autre cercueil. Le corps prend la direction de Saint-Denis accompagné par un détachement de toute la maison du Roi-Cavalerie. Le cœur est porté au Val-de-Grâce suivi de nombreux carrosses de la noblesse dans une Cour qui, normalement, ne prend pas «le deuil des maillots». La famille royale en deuil s’abstient de jeux et de soirées jusqu’à la fin du mois de février.
Le 5 mars 1754
L’ambassadeur d’Espagne remet à Louis-Joseph le cordon (rouge) de l’ordre de la Toison d’or.
A la fin du printemps 1754
Bourgogne et Madame rejoignent leur nouvel appartement, au milieu du rez-de-chaussée de l’Aile du Midi.
Le 23 août 1754
à six heures vingt-quatre minutes du matin.
Naissance de son frère Louis-Auguste, duc de Berry, le futur Louis XVI.
Immédiatement après sa naissance, le bébé est ondoyé à l’église Notre-Dame de Versailles par Sylvain-Léonard de Chabannes (1718-1812), aumônier du Roi.
Le nouveau-né souffre d’une santé assez fragile durant les premiers mois de sa vie. On dit de lui qu’il a un « tempérament faible et valétudinaire ».
Dès 1754
On nomme l’abbé Berthelot des Barbalières, secondé par des personnages éminents, comme instituteur de Louis-Joseph. Guillaume Le Blond devient son «maître de mathématiques et de tactique militaire». Le garçonnet de trois ans aborde la géométrie, expérimente les figures de base en les traçant avec des instruments mathématiques. Mais ce n’est plus une géométrie uniquement utile à la guerre malgré le titre de son maître.
En août 1755
Le géographe Philippe Buache soutenu par le ministre Maurepas, propose une «institution historique à l’usage des Enfants de France». Il fournit huit cartes de géographie physique, « économique et mathématique« , de géographie historique pour apprendre l’Histoire sainte. Il innove en les faisant graver, les rendant facilement reproductibles et en fournissant des cartes muettes que remplit l’enfant, de manière à multiplier les exercices de cartographie.
Fin août 1755
La petite Madame se réveille un jour avec de violentes douleurs au ventre.
Le 31 août 1755
Malgré les soins du nouveau médecin des Enfants de France Lieutaud, la fièvre augmente considérablement.
Le Dauphin passe la soirée à ses côtés. Madame de Marsan qui l’avait veillée se trouve mal ; Madame Butler la remplace donc.
Le 2 septembre 1755
Mort de Marie-Zéphirine : à l’âge de cinq ans, elle est atteinte d’une péritonite aiguë qui lui cause des convulsions. La maladie devient de plus en plus dangereuse si bien que, sur ordre de la Reine Chabannes, aumônier du Roi, supplée aux cérémonies du baptême. Elle est baptisée à la hâte Marie-Zéphyrine, du nom du Saint de son jour de naissance, avant de mourir. Enfant joyeuse, vive et douée pour la danse, elle était la compagne de jeux de son petit frère Louis-Joseph-Xavier, qui se montre très affecté par son décès.
Le 17 novembre 1755
Naissance de son frère, Louis Stanislas Xavier, comte de Provence. Le même jour il est ondoyé par le cardinal de Soubise.
Du 17 mai au 27 septembre 1756
Louis-Joseph et son frère aîné sont envoyés au château de Bellevue sur les conseils du médecin Tronchin, afin d’y respirer un air plus pur qu’à Versailles.
Louis-Joseph a pour gouvernante Marie Louise Geneviève de Rohan-Soubise, comtesse de Marsan (1720-1808). Cette dernière le favorise car il est héritier du trône, et réserve plus d’attention au comte de Provence, qu’elle préfère à ses frères. La gouvernante est notamment chargée d’apprendre aux enfants la lecture, l’écriture et l’histoire sainte.
Les sous-gouvernantes sont :
- Jeanne-Thérèse de Launoy de Penchrec’h, épouse d’Etienne-Joseph d’Izarn de Villefort de Montjeu, dite Marquise d’Haussy (1698 – 1779)
- Anne Bénigne Goujon de Gasville, épouse de Louis François d’Izarn de Montjeu, dite Marquise de Villefort (1735 – après 1764)
- Louise Sophie Cook, épouse de James Butler, dite Lady Butler (1700 – 1761)
- Madeleine-Suzanne Goullet de Rugy, épouse de Jean-Anne de Grégoire de Saint-Sauveur, dite Marquise de Saint-Sauveur (1720 – 1777)
- Louise Jeanne Marguerite de Grégoire de Saint-Sauveur, épouse de Pierre Claude Haudeneau, dite Comtesse de Breugnon (1745 – après 1775)
Leurs parents surveillent de près cette éducation, la Dauphine leur enseignant l’histoire des religions et le Dauphin les langues et les leçons de morale.
En tant que petit-fils du Roi, Louis-Joseph est tenu comme ses frères à un certain nombre d’obligations et de rituels : ils assistent tant aux enterrements royaux qu’aux mariages importants, et reçoivent la visite de souverains étrangers et d’hommes d’Église notamment.
L’aîné de la fratrie se montre bien vite précoce pour son âge. Louis-Joseph est le préféré de ses parents et sa mère, Marie-Josèphe, l’appelle familièrement «chou d’amour». A la cour, il fait la fierté de sa famille et tout le monde voit déjà en lui un grand roi.
En mai 1756
Louis XV accepte que les Enfants aillent s’établir pour l’été à Meudon.
Le 1er juin 1756
Les Enfants reçoivent la visite de l’ambassadeur de Venise, Erizzo.
Le 11 juin 1756
Trois nouveaux cardinaux leur rendent visite :
« Bourgogne (âgé de cinq ans) les reçut, écouta leurs discours et les harangua, tandis que Berry (vingt-deux mois) et Provence (six mois), gravement assis sur des fauteuils, avec leur robe et leur petit bonnet, imitaient les gestes de leurs aînés ».
Philippe Buache apporte d’autres documents pédagogiques comme un globe de relief sur pied qui sensibilise aux projections géographiques, un globe qui s’ouvre en deux et se démonte. Le cabinet d’étude se remplit ainsi d’objets scientifiques que l’enfant manipule comme autant de leçons expérimentales.
Buache met à sa disposition «une espèce de boussole géographique. Elle aura pour objet les environs du château de Meudon qui sera le centre de la carte. Elle ne contiendra que les maisons royales et autres lieux très remarquables à cinq lieux à la ronde, et elle sera divisée par cercles de lieues, on y doit indiquer dans la bordure les noms des Etats et capitales d’Europe.»
Bien avant la publication de l’Emile (1760) de Rousseau, des innovations pédagogiques sont appliquées dans l’instruction de la petite enfance des princes.
Le 27 septembre 1756
Les princes regagnent Versailles.
Le 9 octobre 1757
Naissance de son frère, Charles-Philippe, comte d’Artois (1757-1835).
Le 1er mai 1758
En grandissant, les petits-fils du Roi doivent passer des jupons de leur gouvernante aux mains d’un gouverneur chargé de l’ensemble des activités éducatives. Le Dauphin choisit pour ses enfants un homme plus proche des idées monarchiques : le duc de la Vauguyon ( 1706-1772).
Louis-Joseph est mis nu devant les médecins et chirurgiens de la Faculté, qui l’examinent avec la plus grande attention afin de dresser un procès verbal.
Vers midi
Bourgogne est habillé et sa gouvernante le mène chez le Roi entre les main duquel elle le remet et qui ensuite le remet à son gouverneur.
« Les mouvements de l’âme de ce prince au moment d’une séparation sensible se peignirent sur son visage et firent admirer à la fois l’excellence de son cœur et sa fermeté dans un âge si tendre.»
Bourgogne prend possession de son nouvel appartement, au premier étage de la galerie des Princes, du côté de l’escalier. Désormais l’enfant dîne seul et La Vauguyon le sert debout, mettant les plats sur la table, comme le premier gentilhomme de la chambre sert le Roi. La Vauguyon a lui-même demandé au Roi de faire ainsi le service et non comme le duc de Châtillon qui sert le Dauphin, assis sur un pliante à côté de lui.
Désormais, Louis-Joseph dort seul dans son grand lit avec son gouverneur à ses côtés.
Passer aux hommes signifie avoir des leçons tous les jours, montrer son assiduité au travail et être occupé toute la journée avec différents maîtres. On peut être un prince très doué mais faire preuve de paresse comme tout enfant.
Le duc de la Vauguyon dernier appellera ses élèves les « Quatre F » : le Fin (le duc de Bourgogne), le Faible (le duc de Berry), le Faux ( le comte de Provence) et le Franc (le comte d’Artois).
Le Dauphin demande à La Vauguyon de s’appuyer sur les Saintes Écritures et le modèle d’Idoménée, héros du Télémaque de Fénelon :
« Vous y trouverez tout ce qui convient à la direction d’un roi qui veut remplir parfaitement tous les devoirs de la royauté ».
L’usage de la Cour est que les enfants royaux passent de leur gouvernante au gouverneur à l’âge de sept ans.
« L’habit du duc de Bourgogne sur ce portrait semble caractéristique des années 1760. Il porte une broderie autour de son cou et une redingote rouge avec des galons et des breloques or aux manches. Ce vêtement rappelle celui que porte le duc Etienne François de Choiseul sur le portrait de Carl Van Loo (vers 1760, conservé au château de Versailles et de Trianon, MV3845). Ce portrait du duc de Bourgogne fait partie des rares portraits des Enfants de France en habit d’apparat, comme le portrait du Louis-Stanislas-Xavier de Bourbon, comte de Provence, enfant (frère du duc de Bourgogne) récemment passé en vente publique (Christie’s Paris, 16 avril 2012, lot 54, entourage de Louis Tocqué). Sur ce portrait, le comte de Provence porte d’ailleurs sous son bras gauche un chapeau tout à fait semblable à celui du portrait du duc de Bourgogne. Enfin, ce dernier est à mettre en parallèle avec le pastel de même format de Jean Martial Frédou représentant le duc de Bourgogne (conservé aux châteaux de Versailles et de Trianon – MV8380). Nous retrouvons en effet la même attitude dans la pose, le même type de redingote, la même chevelure bouclée nouée par un nœud noir à l’arrière, ainsi que le large ruban porté en écharpe de l’ordre du Saint-Esprit. C’est grâce à lui d’ailleurs que nous pouvons penser qu’il s’agit du duc de Bourgogne car seuls les Fils de France pouvaient le porter dès leurs baptêmes (les princes de sang ne pouvaient le porter qu’à partir de quinze ans). »
Le duc de Bourgogne développe un esprit vif, une grande piété et ravit par son intelligence. Ses parents s’investissent personnellement dans son éducation (religion, Histoire, latin…). Cependant, ses précepteurs doivent aussi faire face à un jeune prince sûr de lui et imbu de son rang, ce qui le rend parfois arrogant.
Le 1er mai 1758
Le duc de Bourgogne est remis au duc de La Vauguyon, peu avant son septième anniversaire, quittant ainsi les robes d’enfant pour les habits masculins. Cette séparation d’avec sa gouvernante est difficile pour elle comme pour lui, et le duc de Berry se trouve lui aussi attristé par ce déchirement soudain. Le duc de Bourgogne est admiré par ses parents et par la Cour. Intelligent et sûr de lui, il n’en demeure pas moins capricieux et convaincu de sa supériorité. Il questionne un jour ses proches en leur disant « Pourquoi ne suis-je pas né Dieu ? ». Tout semble montrer qu’il sera un grand roi.
Le duc de Bourgogne, contrairement à Louis-Auguste, impressionne beaucoup de monde par sa répartie, son sens de la politique et son état d’esprit propre aux souverains… C’est lui qu’on éduque, en effet, dans l’optique d’occuper le trône plus tard…
Peu de temps avec sa remise aux hommes
Le petit prince trouve sur son bureau un papier ainsi conçu :
« Monseigneur le duc de Bourgogne sera un grand prince : il commence à maîtriser ses passions.»
Après l’avoir lu, il s’arrange pour le laisser tomber dans un escalier servant de passage public. Au gouverneur qui s’en étonne, il répond tranquillement :
« C’est que quelqu’un trouvera ce papier, le ramassera, lira ce qu’il contient, et cela courra dans le peuple.»
Doit-on voir dans ce trait un raffinement excessif d’amour-propre?
Le 2 mars 1759
Bourgogne assiste pour la première fois à une revue avec le Roi et le Dauphin dans la plaine des Sablons.
Le 3 mai 1759
L’Ecole des chevaux-légers lui donne un spectacle impressionnant de maniement de différentes armes, de fleurets sur six rangs, d’exercice d’escrime de l’infanterie et de voltige de cavalerie, images de chocs et de mêlées, de postes attaqués, d’infanterie forcée. Ce carrousel modernise le genre en montrant au prince les nouvelles armes, les innovations de la cavalerie attaquant dans ses retranchements l’infanterie pourtant dotée d’une artillerie bruyante.
Le 23 septembre 1759
Naissance de sa petite sœur Madame Clotilde (1759-1802) à Versailles.
En décembre 1759
La Gazette est autorisée à rassurant un public jusque-là ignorant :
« La santé de Mgr le duc de Bourgogne qui avait été fort dérangée depuis quelques mois, se rétablit de plus en plus et l’on est actuellement hors de toute inquiétude sur l’état de ce jeune prince.»
Au printemps 1760
Le duc de Bourgogne tombe du haut d’un cheval en carton qu’on lui avait offert quelque temps plus tôt. Il tait la cause de cette chute sans doute pour éviter au coupable d’être châtié ( chahut avec un camarade dont on aurait rendu responsable son entourage). Il était en présence de l’un de ses quatre gentilshommes de la chambre, le capitaine marquis de La Haye.Louis-Joseph est en effet connu pour sa grande bonté…
Dès lors, le jeune prince se met à boiter et les médecins lui découvrent une grosseur à la hanche. L’opération qu’il subit n’y fait rien. Le prince est alors condamné à rester dans sa chambre et ses études sont interrompues. Il souhaite pour être consolé retrouver son petit frère, le duc de Berry.
Le médecin Barbier opère plusieurs fois l’enfant à la cuisse pour «faire sortir le mauvais pus». C’est avec beaucoup de courage que le jeune prince supporte les interventions chirurgicales, durant lesquelles on creuse parfois jusqu’à l’os.
Dès 1760
Le duc de Berry passe exceptionnellement aux mains du gouverneur avant d’atteindre l’âge de sept ans. La Vauguyon recrute pour lui un second sous-précepteur. Les deux frères sont dès lors éduqués ensemble, le duc de Bourgogne se distrayant en collaborant à l’éducation de son jeune frère, et ce dernier s’intéressant davantage à la géographie et aux arts mécaniques. Mais le malade tyrannise souvent son cadet qui a dû souffrir de la cruauté de Louis-Joseph. Il traite son cadet avec fermeté, le considérant comme étant l’un «de ses sujets». Bien que le duc de Bourgogne soit dur avec son frère, personne ne songe a le lui faire remarquer, en raison de sa maladie. Le futur Louis XVI est malgré tout très attaché et admiratif de cet aîné plein de qualités.
Louis-Auguste souffre d’un complexe d’infériorité par rapport à son frère, ce prodige que tout le monde mettait en évidence… un sentiment qui semble l’avoir poursuivi toute sa vie…
C’est une bien lourde responsabilité pour un enfant si jeune que d’amuser un mourant… L’image de ce frère défunt poursuivra le futur Louis XVI, qui doutera toujours de sa légitimité à régner : à la différence de Louis XVI, qui n’a jamais voulu monter sur le trône, Louis-Joseph avait été éduqué pour «le métier de roi» et montrait un certain goût pour le pouvoir et l’autorité.
Le duc de Bourgogne est ravi de retrouver son petit frère et le compagnon de jeux perdu deux ans et tant regretté. Berry n’aime ni le jeu ni les cartes, et ne joue que par complaisance. Un jour qu’il joue avec Bourgogne, il perd toutes les parties_ il a trois ans de moins que son aîné_ et en montre du «chagrin». Le duc de Bourgogne ne peut laisser échapper une si belle occasion de moraliser à la façon de son père et de faire sentir son autorité : « Il l’en reprend en particulier, mais avec la gravité d’un prince qui a le droit de donner des conseils, et qui donnera un jour des ordres.»
Voir grandir le Dauphin :
Toises du duc de Bourgogne et du duc de Berry
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Conçues pour être vissées à une paroi, ces deux toises, qui proviennent très vraisemblablement du dépècement des Appartements du château de Versailles lors des travaux ordonnés sous Louis-Philippe, sont d’émouvants témoignages de la vie des enfants de la famille royale. Flanquée à ses deux extrémités d’une couronne delphinale, la plus ancienne servit à mesurer le Dauphin, fils de Louis XV, entre 1735 et 1744, soit entre six et quinze ans. Les inscriptions gravées indiquent que, à partir de 1738, les mesures étaient prises le 1er avril, sans que l’on sache s’il y avait une raison précise pour le choix de cette date. L’autre toise est ornée à ses extrémités d’une couronne ducale que l’on peut mettre en relation avec le duc de Bourgogne, alors âgé de sept puis huit ans, en raison des deux seules dates gravées.
Si la croissance des enfants de France était logiquement surveillée pour des questions de santé, elle était aussi l’occasion de faire connaitre leur évolution. On ne possède pas d’exemple de la relation d’une prise de mesure d’un enfant de la famille royale.
Le 9 avril 1760
Quelques semaines après que Frédou a exécuté son premier portrait du petit prince, le chirurgien Andouillé opère afin d’endiguer le mal.
Mais la tentative est vaine.
Pendant cette maladie aux alternatives de mieux et de cruelles souffrances, les courtisans commencent à ralentir leurs visites et entrent de préférence chez le duc de Berry (le futur Louis XVI). Un jour que le malade se trouve dans une solitude presque complète, il fait signe à son page, Marc de Bombelles, qu’il veut lui parler; des paroles qu’il prononce on a établi ce mot «historique» qui semblerait un peu étonnant pour un enfant de dix ans, si l’on ne savait, d’autre part, que ce petit martyr royal, dont la fin est si courageuse et édifiante, en était bien capable.
«Bombelles, dit-il, sais-tu pourquoi nous ne voyons personne, tandis que la foule se porte chez mon frère?»
Le 23 août 1760
Pour l’anniversaire des six ans de Louis-Auguste de Berry, La Vauguyon organise un feu d’artifice mais c’est Bourgogne qui a la prérogative de l’allumer.
Le 8 septembre 1760
Le duc de Berry passe exceptionnellement aux mains du gouverneur avant d’atteindre l’âge de sept ans. La Vauguyon recrute pour lui un second sous-précepteur. Les deux frères sont dès lors éduqués ensemble, le duc de Bourgogne se distrayant en collaborant à l’éducation de son jeune frère, et ce dernier s’intéressant davantage à la géographie et aux arts mécaniques.
Le duc de Bourgogne est ravi de retrouver son petit frère et le compagnon de jeux perdu deux ans et tant regretté.
Berry n’aime ni le jeu ni les cartes, et ne joue que par complaisance. Un jour qu’il joue avec Bourgogne, il perd toutes les parties_ il a trois ans de moins que son aîné_ et en montre du «chagrin». Le duc de Bourgogne ne peut laisser échapper une si belle occasion de moraliser à la façon de son père et de faire sentir son autorité : «Il l’en reprend en particulier, mais avec la gravité d’un prince qui a le droit de donner des conseils, et qui donnera un jour des ordres.»
Le 13 octobre 1760
Son père invoque le secours de la religion dans des dimensions rarement mises en oeuvre :
« M. le dauphin est venu à Notre Dame entendre la messe pour le duc de Bourgogne, qui est dit-on fort mal. Il y avait deux carrosses, sept pages et huit gardes du corps, malgré cela comme incognito, car on n’a pas tiré le canon des Invalides à son passage et on n’a point sonné à Notre Dame.»
En novembre 1760
L’état de santé du duc de Bourgogne s’aggrave néanmoins et on lui diagnostique une double tuberculose (pulmonaire et osseuse) qui le cloue dans un fauteuil roulant. On pense que cette tuberculose peut être due au manque d’asepsie de l’époque… La Cour doit se rendre à l’évidence : la mort du prince est aussi imminente qu’inéluctable. Ses parents se trouvent dans « un accablement de douleur qu’on ne peut se représenter». Bientôt, le duc de Bourgogne ne peut quitter son lit. Le petit prince s’ennuie et s’inquiète même du retard qu’il prend dans ses études. Le duc de Berry, qui tombe malade, est heureusement retiré à son frère aîné, dont l’état empire. Louis XVI restera traumatisé de la vision de son frère agonisant, dont il était devenu le souffre-douleur. Les médecins ont diagnostiqué la tuberculose osseuse et le jeune Louis-Joseph sait qu’il va mourir. Pourtant le prince se comporte en
homme et semble résigné.
Le 28 novembre 1760
Dans l’urgence, l’enfant est baptisé et il fait sa première communion le lendemain. Louis XV et Marie Leszczyńska sont ses parrain et marraine.
Marc de Bombelles entra fort jeune, comme page, dans la maison du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XV, et le jeune prince témoignait la plus grande amitié à son compagnon de jeu. De complexion délicate le duc de Bourgogne était souvent souffrant, et chacun de l’entourer et d’essayer de le distraire .
On dut l’opérer d’une tumeur à la hanche, mais on ne le guérit point. Pendant cette maladie aux alternatives de mieux et de cruelles souffrances, les courtisans commençaient à ralentir leurs visites et entraient de préférence chez le duc de Berry. Un jour que le malade se trouvait dans une solitude presque complète, il fit signe à son page qu’il voulait lui parler; des paroles qu’il prononça on a établi ce mot «historique» qui semblerait un peu étonnant pour un enfant de dix ans, si l’on ne savait, d’autre part, que ce petit martyr royal, dont la fin fut si courageuse et édifiante, en était bien capable:
« Bombelles, dit-il, sais-tu pourquoi nous ne voyons personne, tandis que la foule se porte chez mon frère?
-C’est qu’ici, c’est la chambre de la douleur, et chez Berry, c’est la chambre de l’espérance .»Le comte de Fleury
Le 29 novembre 1760
Louis-Joseph reçoit le sacrement de confirmation et il est confessé. «On lui administre les quatre sacrements de suite. On accuse les médecins de la Cour de l’avoir mal gouverné par contradiction et jalousie les uns des autres car on ne peut guère espérer qu’il en revienne.»
Le 16 mars 1761
Le duc de Bourgogne reçoit l’Extrême-onction.
Berry est absent : il est souffrant, et comme toujours quand il ne voit pas son petit frère, le duc de Bourgogne s’agite, se désole et s’inquiète.
« Monseigneur le duc de Berry s’étant trouvé très incommodé le soir du Vendredi Saint, et d’une manière à inquiéter, Monseigneur le duc de Bourgogne, tranquille dans les bras de la mort, semble avoir oublié le danger où il était pour ne s’occuper que de celui de son petit frère qui lui était cher ; il ne cessait d’en demander des nouvelles, et il se fit rendre comte par les médecins à trois reprises dans la journées, de l’état où il se trouvait.»
Le duc de la Vauguyon
Dans la nuit du 20 au 21 mars 1761
Le jour de Pâques, le duc de Bourgogne meurt, en l’absence de son petit-frère, Louis-Auguste, alité lui aussi par une forte fièvre. Avant de décéder, le jeune prince a un moment de faiblesse – mais peut-on lui reprocher à son âge ? – et laisse échapper dans un cri «maman». La mort du duc de Bourgogne est vécue comme un drame pour le Dauphin et la Dauphine. Marie-Josèphe déclarera :
« rien ne peut arracher de mon cœur la douleur qui y est gravée à jamais ».
A la Cour, la trace d’un enfant décédé, s’efface vite, mais dans le cœur du Dauphin et de la Dauphine, la trace du duc de Bourgogne ne devait jamais s’effacer.
Images de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux (Agathe Mourier est Marie-Josèphe de Saxe)
Le 30 mars 1761
Dépôt du cœur du duc de Bourgogne dans l’église de l’abbaye du Val de Grâce à Paris
Le 6 mai 1761
Il est inhumé dans l’église de l’abbaye royale de Saint-Denis.
Le duc de Berry, âgé de seulement six ans, avait été donné comme compagnon par ses parents au petit prince mourant. Le décès de son frère aîné, constamment donné en exemple, va éprouver le futur Louis XVI qui donnera à son fils aîné, promis également à une vie très brève, les mêmes prénoms de Louis-Joseph Xavier.
Le 15 octobre 1793
Louis-Joseph est exhumé par les révolutionnaires, les ossements sont placés dans une fosse commune proche de la basilique.
Le 19 janvier 1817
Le Roi Louis XVIII fait déposé ses ossements avec ceux des autres rois dans l’ossuaire royale de la basilique.
Le duc de Bourgogne reste dans la mémoire collective associé au domaine des arts décoratifs. En effet, le célèbre ébéniste du Roi Jean-François Oeben inventa pour le petit prince handicapé quelques meubles qu’il pouvait utiliser lors de sa convalescence grâce à des mécanismes ingénieux. Ces meubles mécaniques qui connurent un grand succès furent dès lors appelés «à la Bourgogne» en son hommage (table « à la Bourgogne », musée du Louvre, Département des Objets d’art, OA10001).