Louis-Charles, second Dauphin, Louis XVII

Louis-Charles à la pêche au hameau par Benjamin Warlop

Louis-Charles de France est le second fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Dauphin en 1789, puis prince royal de 1791 à 1792. Après la mort de son père, le 21 janvier 1793, et suivant l’ordre dynastique, il est reconnu comme titulaire de la couronne de France sous le nom de Louis XVII.

Louis XVI par Roslin

Pour la naissance de Son second fils, Louis-Charles, Marie-Antoinette recourt à un subterfuge qui, sans abolir la pratique intrusive de l’accouchement public, Lui permet d’en limiter la pénibilité.

Le 27 mars 1785 au petit matin

La Reine sent que le travail est imminent. Elle ne met dans la confidence que Son amie la duchesse de Polignac, et donne le change face aux courtisans pour dissiper leurs soupçons. Elle se fait ainsi violence pour repousser jusqu’à l’extrême limite le moment d’en faire l’annonce officielle.

Marie-Antoinette à la rose par Elisabeth Vigée Le Brun


Le Mercure de France rapporte que la Reine a accouché « après un travail fort court » et que de tous les princes du sang, seul le duc de Chartres se trouvait au baptême de l’enfant, « les autres princes et princesses n’ayant pu se rendre assez tôt pour s’y trouver ».

La ruse de la souveraine a parfaitement fonctionné !

Vers sept heures du soir

Louis-Charles de France naît au château de Versailles. Il est baptisé une heure plus tard dans la chapelle royale du château par le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, en présence d’Honoré Nicolas Brocquevielle, curé de l’église Notre-Dame de Versailles : son parrain est Louis Stanislas Xavier de France, comte de Provence, et sa marraine est Marie-Caroline de Naples, représentée par Madame Elisabeth.

Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Yolande de Polignac par Jean-Laurent Mosnier, Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d'Alençon, 178.
Louis-Charles, duc de Normandie par Élisabeth Vigée Le Brun
Louis-Charles, duc de Normandie (détail) par Élisabeth Vigée Le Brun

 

 

« 27 mars 1785.
Couches de la reine du duc de Normandie à sept heures et demie ; tout s’est passé de même qu’à mon fils ; le baptême a été à huit heures et le  Te Deum  ; il n’y avait de prince que le duc de Chartres ; il n’y a eu ni compliment, ni révérences ; Monsieur et la reine de Naples parrains.»

Journal de Louis XVI

Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke
Le comte de Provence par Elisabeth Vigée Le Brun (1782)
Marie-Caroline de Naples par Elisabeth Vigée Le Brun (1790)
Image du Versailles secret de Marie-Antoinette de Sylvie Faiveley et Mark Daniels (2018)
Madame de Polignac et le duc de Normandie d'après Pierre-Paul Prud'hon, (1758-1823) par Benjamin Warlop

Le 9 juillet 1786
à sept heures et demie du soir

La Reine Marie-Antoinette met au monde Son dernier enfant, une petite fille qui reçoit les prénoms de Marie-Sophie-Hélène-Béatrix, couramment appelée Sophie-Béatrix ou la Petite Madame Sophie.

La berceuse des enfants de France, Agathe de Rambaud (1764-1853) est désignée pour être la berceuse des enfants de France.

Elle est attachée à la personne du Dauphin de 1785 à 1792, alors que l’enfant est emmené au Temple, elle demande « à être emprisonnée avec lui pour pouvoir le servir de nouveau ».

Agathe de Rambaud

Alain Decaux écrit:

« Madame de Rambaud a été placée auprès du Dauphin depuis le jour de sa naissance jusqu’ au 10 Août 1792 soit pendant sept ans. Durant ces sept ans, elle ne l’a pas quitté, elle l’a bercé, elle l’a soigné, elle l’a vêtu, elle l’a consolé, elle l’a grondé. Dix fois, cent fois plus que Marie-Antoinette, elle a été pour lui, une véritable mère».

Son beau-frère, Georges-René Le Pelley de Pléville (1726-1805), dit « le Corsaire à la jambe de bois », sera ministre de la Marine en 1797…

Les quatre Enfants de France (1787) Miniature de Jean-Pierre Chasselat (1748 - 1814)

En mai 1787

« La Reine ayant eu le bonheur de conserver la tendre amitié de Madame Louise, venait, deux fois l’année, à Saint-Denis, pour rendre ses devoirs à Sa tante. Elle lui amenait Ses jolis enfants, dont toutes ces bonnes Religieuses se montraient idolâtres; et la visite du jour de l’An était plus particulièrement consacrée aux cadeaux.  Lorsque le duc de Normandie fut en sevrage, on le transporta chez la Fille de Louis XV, qui brûlait d’impatience de le voir. La Communauté, réunie en cercle, admira tout à son aise ce beau petit garçon, dont la physionomie, déjà distinguée comme celle de sa mère, promettait un si brillant avenir.
Comme on allait se séparer pour remonter dans les voitures, la Prieure bienveillante articula ces mots: Nos quatre Novices, que retiennent en ce moment les travaux de la Buanderie, vont être bien affligées de n’avoir pas vu ce que nous voyons!… Mais ce sera pour une autrefois.
« Non, non, ma chère Tante, s’écria la Reine aussitôt : Je comprends la privation de ces saintes filles. Allons toutes, de ce pas, à la Buanderie, que je n’ai pas encore remarquée.

Mon Fils voyagera dans votre monastère, et ne s’en portera que mieux. »
On se transporta gaiement jusqu’aux verdures où coule la jolie rivière intérieure. Les quatre Novices et les Sœurs Converses eurent la satisfaction de voir la Reine, et de baiser la main de son cher Enfant.»

L. Lafont d’Aussonne dans des Mémoires secrets et universels des Malheurs et de la Mort de la Reine de France

 

En juin 1787

La petite Sophie montre des signes d’inquiétudes, prise sans cesse par des convulsions.

Agathe de Rambaud à l'époque de l'Empire
Cloître du carmel de Saint-Denis

L’épée de cour de Louis, duc de Normandie

Cette épée de proportions réduites, est celle d’un enfant princier : la poignée et le pommeau sont en agate, la branche de garde est en argent doré enrichie de pierreries enchâssées dans des chatons.

L'épée de cour de Louis, duc de Normandie
L'épée de cour de Louis, duc de Normandie

La lame, triangulaire, est gravée de fleurs sur les trois faces. Le fourreau est en peau de requin, muni de garnitures elles aussi en vermeil, le tout orné de pierreries.

Source : Musée de l’Armée

Le 19 juin 1787

La petite Sophie décède sans doute atteinte d’une tuberculose pulmonaire. La cause de son trépas est un peu mystérieuse mais il semble s’agir d’une grave infection pulmonaire.

Initialement, Louis-Joseph devait indiquer de faire silence pour laisser sa petite sœur dormir ; Elisabeth Le Brun l'effacera du berceau qu'elle conservera malgré tout pour marquer l'absence de la princesse. Reconstitution de la version originelle par Benjamin Warlop
Madame Sophie par Elisabeth Vigée Le Brun
Marie-Antoinette et Ses enfants, par Elisabeth Vigée Le Brun, 1787, La mort de la petite Madame Sophie laisse le berceau vide que désigne le Dauphin Louis-Joseph...
Louis-Charles par Jean Marie Ribou
Louis-Charles et son chien Moufflet (vers 1789) Atelier d’Elisabeth Vigée Le Brun. Il presse contre lui le chien de son frère, Moufflet, qui lui a été offert en même temps qu’il devenait Dauphin.
Le parterre du Midi

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux.

Ouverture des Etats Généraux

Jusque le 4 juin 1789

Avant le décès de son frère aîné, titré duc de Normandie, il a pour armes un écartelé de France et de gueules à deux léopards d’or, armés et lampassés d’azur qui est de Normandie.

Le 4 juin 1789

Son frère aîné, le Dauphin Louis-Joseph, meurt de la tuberculose osseuse à Meudon.

Mort du Dauphin dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)
Louis-Joseph (détail) par Elisabeth Vigée Le Brun
La mort du Dauphin dans les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Comme deuxième fils de Louis XVI, Louis-Charles de France n’était donc pas destiné, à sa naissance, à succéder à son père, mais la mort de tuberculose osseuse — mal de Pott  — de son frère aîné Louis-Joseph, le 4 juin 1789 en fait le Dauphin de France.

Marie-Antoinette présentant le Dauphin aux nobles français en 1789

Un mois après la mort du Dauphin Louis-Joseph

Le duc d’Harcourt, la duchesse et leurs petites filles s’étant retirés, les appartements sont occupés par Louis Charles duc de Normandie, devenu Dauphin à l’âge de quatre ans, et par sa sœur aînée Madame Royale, accompagnés de leur gouvernante et de son mari, la duchesse et le duc de Polignac.

 

Selon les ordres donnés à Monsieur Loiseleur par la gouvernante dans les premiers jours de juillet, il faut procéder à de petits travaux consistant «dans quelques changements de cloisons légères pour distribuer convenablement au service de Madame fille du Roi».

Selon la volonté de madame de Polignac et de la Reine Elle-même, les travaux devaient commencer dès le lundi 6 juillet, malgré la présence du Prince et de la Princesse. La nouvelle organisation que madame de Polignac entendait mettre en place consistait à muer l’ancien appartement du Dauphin en un «Appartement des Enfants de France», commun au Dauphin et à sa sœur.

Ainsi, après la salle-des-Gardes et les deux antichambres, laissant sur la droite le service de Madame Royale, on trouverait sur la gauche trois chambres communicantes : la première pour Madame Royale dans l’ancienne chambre à coucher du Dauphin, la deuxième pour le Dauphin Louis-Charles dans le Cabinet d’angle, et la troisième pour la gouvernante dans l’ancienne bibliothèque.

 

A la suite, l’ancien appartement du duc d’Harcourt serait devenu celui de monsieur de Polignac, et celui de la duchesse d’Harcourt serait repris par la duchesse de Polignac pour y établir ses pièces de représentation, y compris la salle à manger dont elle demandait le rétrécissement.

Louis-Charles par Elisabeth Vigée Le Brun
Louis-Charles et Marie-Antoinette dans le film de Sofia Coppola

Plan du rez-de-chaussée

du Corps Central le 6 juillet 1789 :
– Appartement des Enfants de France :
R1 : Salle des Gardes, R2 : Antichambre, R3 : Pièce des Nobles, R7 : Chambre à coucher de Madame Royale, R8 : Chambre à coucher du Dauphin, R9 : Chambre de veille de la duchesse de Polignac, R11 : escalier pour monter chez la Reine, R12 : garde-robe,            R13 : bains.
– Service de Madame Royale : R4 et S2 à S3.
– Appartement du duc de Polignac :
Q15 : passage, Q15BIS : pièce du suisse, Q11 : première antichambre, Q12 : valet de chambre, Q10:
seconde antichambre, Q7BIS : salon, Q8 : chambre à coucher, Q9 : cabinet particulier,  R10 : garde-robe à l’anglaise.
– Appartement de la duchesse de Polignac :
Q1 : entrée, Q1BIS : pièce du suisse, Q4 : réchauffoir, Q2 : antichambre, Q3 et Q3TER : service, Q5 : salle à manger, Q6 : salon de compagnie, Q6BIS : chambre à coucher,            Q7 : cabinet particulier, Q14 : bains.

Les démontages préliminaires commencent le 6 juillet dans la bibliothèque destinée à devenir chambre de la gouvernante, et dans la chambre contiguë attribuée à monsieur de Polignac. La dépose des glaces se poursuit le lendemain dans l’ancien appartement de M. de Bourcet, ainsi que dans l’ancienne pièce de retraite des sous-gouverneurs. Madame de Polignac ne devait pas voir l’achèvement de ces travaux…

Geneviève Casile est Marie-Antoinette (1975)  pour Guy-André Lefranc

Un contemporain trace ainsi le portrait du nouveau Dauphin :

« Il avait un peu plus de quatre ans. Sa taille était fine, svelte cambrée et sa démarche pleine de grâce. Son front, large et découvert, ses sourcils arqués, ses grands yeux bleus, étaient frangés de longs cils châtains, son teint, d’une éblouissante blancheur, se nuançait du plus frais incarnat. Ses cheveux, d’un blond cendré, bouclaient naturellement et descendaient sur ses épaules.
On retrouvait sur sa physionomie noble et douce quelque chose de la dignité de Marie-Antoinette et de la bonté de Louis XVI.
Tous ses mouvements étaient pleins de grâce et de vivacité. Il était tendre pour ceux qui l’aimaient, attentif pour ceux qui lui parlaient, poli pour tout le monde. Ces excellentes qualités étaient toutefois tempérées par une vivacité et une impatience singulières. Il souffrait avec peine le joug des femmes commises à son service et combattait de toutes les forces de son âge la règle établie pour son lever et son coucher. Son indocilité cessait à la vue de sa mère

Louis Charles par Adam Jacob

La petite calèche de Louis-Charles,
Promenade dans les jardins du Dauphin
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )

Cette petite calèche a appartenu au Dauphin Louis Charles qui l’utilisa dans les jardins.

Son avant-train est pourvu d’une barre de volée permettant d’atteler deux animaux, dans doute des chèvres, tandis que le train arrière porte une plateforme d’entretoise où peut se tenir un enfant de la suite du Prince.

Dotée des dernières nouveautés, la voiture est l’exacte réplique d’une véritable calèche : flèche à cul de cygne, ressorts en «C» et caisse conforme à la nouvelle mode «à l’anglaise» présentant à l’avant un profil concave et sinueux.

Petite calèche de Louis-Charles, duc de Normandie, puis Dauphin, château de Versailles

 

 

Le décor adopte un vocabulaire gracile et champêtre parfaitement au goût du jour.  Sur la traverse du dossier figure une fleur de lys entre deux enroulement d’acanthe. Au centre des portières, en camaïeu d’or, des dauphins enlacés évoquent le jeune destinataire du véhicule.

Louis-Charles dans sa calèche tirée par une chèvre avec la Reine, composition de Benjamin Warlop

En juin 1789

Alors que la Reine passe dans le salon de l’Œil-de-Bœuf avec Louis-Charles et Marie-Thérèse :

«La reine passa avec ses deux enfants, leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes … Elle me fit, en jetant un regard avec un sourire, ce salut gracieux qu’elle m’avait déjà fait le jour de ma présentation. Je n’oublierai jamais ce regard qui devait s’éteindre si tôt.»

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe

 

La famille royale (portrait de 1825 environ )

Le 14 juillet 1789

Le peuple prend la Bastille.

La prise de la Bastille dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Le 16 juillet 1789

Les Polignac émigrent sous les conseils de la Reine: la duchesse est très impopulaire.

Madame de Polignac est remplacée par la marquise de Tourzel (1749-1832), veuve du Grand Prévôt de France.

Madame de Tourzel par Benjamin Warlop
Le départ des Polignac par Benjamin Warlop

 Le 24 juillet 1789

Marie-Antoinette adresse à la nouvelle gouvernante de Ses enfants cette émouvante lettre où Elle les décrit si bien :

« Mon fils a quatre ans quatre mois moins deux jours. Je ne parle pas ni de sa taille, ni de son extérieur, il n’y a qu’à le voir. Sa santé a toujours été bonne, mais, même au berceau, on s’est aperçu que ses nerfs étaient très-délicats et que le moindre bruit extraordinaire faisait effet sur lui. Il a été tardif pour ses premières dents, mais elles sont venues sans maladies ni accidents. Ce n’est qu’aux dernières, et je crois que c’était à la sixième, qu’à Fontainebleau il a eu une convulsion. Depuis il en a eu deux, une dans l’hiver de 87 à 88, et l’autre à son inoculation ; mais cette dernière a été très-petite. La délicatesse de ses nerfs fait qu’un bruit auquel il n’est pas accoutumé lui fait toujours peur ; il a peur, par exemple, des chiens parce qu’il en a entendu aboyer près de lui. Je ne l’ai jamais forcé à en voir, parce que je crois qu’à mesure que sa raison viendra, ses craintes passeront. Il est, comme tous les enfants forts et bien portants, très étourdi, très léger, et violent dans ses colères ; mais il est bon enfant, tendre et caressant même, quand son étourderie ne l’emporte pas. Il a un amour-propre démesuré qui, en le conduisant bien, peut tourner un jour à son avantage. Jusqu’à ce qu’il soit bien à son aise avec quelqu’un, il sait prendre sur lui, et même dévorer ses impatiences et colères, pour paraître doux et aimable. Il est d’une grande fidélité quand il a promis une chose ; mais il est très indiscret, il répète aisément ce qu’il a entendu dire, et souvent sans vouloir mentir il ajoute ce que son imagination lui a fait vois. C’est son plus grand défaut, et sur lequel il faut bien le corriger. Du reste, je le répète, il est bon enfant, et avec de la sensibilité et en même temps de la fermeté, sans être trop sévère, on fera toujours de lui ce qu’on voudra. Mais la sévérité le révolterait, parce qu’il a beaucoup de caractère pour son âge ; et, pour donner un exemple, dès sa plus petite enfance le mot pardon l’a toujours choqué. Il fera et dira tout ce qu’on voudra quand il a tort, mais le mot pardon, il ne le prononcera qu’avec des larmes et des peines infinies. On a toujours accoutumé mes enfants à avoir grande confiance en moi, et quand ils ont eu des torts, à me les dire eux-mêmes. Cela fait qu’en les grondant j’ai l’air plus peinée et affligée de ce qu’ils ont fait que fâchée. Je les ai accoutumés tous à ce que oui, ou non, prononcé par moi, est irrévocable, mais je leur donne toujours une raison à la portée de leur âge, pour qu’ils ne puissent pas croire que c’est l’humeur de ma part. Mon fils ne sait pas lire, et apprend fort mal ; mais il est trop étourdi pour s’appliquer. Il n’a aucune idée de hauteur dans la tête, et je désire fort que cela continue. Nos enfants apprennent toujours assez tôt ce qu’ils sont. Il aime sa sœur beaucoup, et a bon cœur. Toutes les fois qu’une chose lui fait plaisir, soit d’aller quelque part ou qu’on lui donne quelque chose, son premier mouvement est toujours de demander pour sa sœur de même. Il est né gai. Il a besoin pour sa santé d’être beaucoup à l’air, et je crois qu’il vaut mieux pour sa santé le laisser jouer et travailler à la terre sur les terrasses que de le mener plus loin. L’exercice que les petits enfants prennent en courant, en jouant à l’air est plus sain que d’être forcés à marcher, ce qui souvent leur fatigue les reins.
Je vais maintenant parler de ce qui l’entoure. Trois sous-gouvernantes, mesdames de Soucy, belle-mère et belle-fille, et madame de Villefort. Madame de Soucy la mère, fort bonne femme, très instruite, exacte, mais mauvais ton. La belle-fille, même ton. Point d’espoir. Il y a déjà quelques années qu’elle n’est plus avec ma fille ; mais avec le petit garçon il n’y a pas d’inconvénient. Du reste, elle est très fidèle et même un peu sévère, avec l’enfant : Madame de Villefort est tout le contraire, car elle le gâte ; elle a au moins aussi mauvais ton, et plus même, mais à l’extérieur. Toutes sont bien ensemble.
Les deux premières femmes, toutes deux fort attachées à l’enfant. Mais madame Lemoine, une caillette et bavarde insoutenable, contant tout ce qu’elle sait dans la chambre, devant l’enfant ou non, cela est égal. Madame Nouville a un extérieur agréable, de l’esprit, de l’honnêteté ; mais on la dit dominée par sa mère, qui est très intrigante.
Brunier le médecin a ma grande confiance toutes les fois que les enfants sont malades, mais hors de là il faut le tenir à sa place ; il est familier, humoriste et clabaudeur.
L’abbé d’Avaux peut être fort bon pour apprendre les lettres à mon fils, mais du reste il n’a ni le ton, ni même ce qu’il faudrait pour être auprès de mes enfants. C’est ce qui m’a décidée dans ce moment à lui retirer ma fille ; il faut bien prendre garde qu’il ne s’établisse hors les heures des leçons chez mon fils. C’est une des choses qui a donné le plus de peine à madame de Polignac, et encore n’en venait-elle toujours à bout, car c’était la société des sous-gouvernantes. Depuis dix jours j’ai appris des propos d’ingratitude de cet abbé qui m’ont fort déplu.
Mon fils a huit femmes de chambre. Elles le servent avec zèle ; mais je ne puis pas compter beaucoup sur elles. Dans ces derniers temps, il s’est tenu beaucoup de mauvais propos dans la chambre, mais je ne saurais pas dire exactement par qui ; il y a cependant une madame Belliard qui ne se cache pas de ses sentiments : sans soupçonner personne on peut s’en méfier. Tout son service en hommes est fidèle, attaché et tranquille.»

Marie-Antoinette

Madame de Tourzel, ayant reçu les consignes et les conseils de la Reine le 24 juillet, entre en fonctions le 26. Elle s’installe presque aussitôt, avec sa fille cadette Pauline, près des Enfants Royaux, mais selon une organisation toute différente de celle qui avait été arrangée par madame de Polignac.

Cette fois, la notion d’un «Appartement des Enfants de France» étant exclue, le Dauphin Louis-Charles dispose de tout l’appartement de son défunt frère Louis-Joseph (excepté la bibliothèque), et sa sœur Madame Royale de celui de la duchesse d’Harcourt (hormis le cabinet particulier sur parterre, la pièce des bains et les entresols sur cours).

Image de Marie-Antoinette à Versailles (1979) de Blue Peter
La terrasse du Midi

Louis-Charles passe sa première enfance dans l’insouciance, sa vie parmi les enfants de la Cour se déroulant entre les escaliers du château de Versailles et la terrasse du Midi où a été aménagé un petit jardin qui fait le bonheur de l’héritier du trône. Il est entouré d’une nombreuse Maison, comprenant de très nombreux serviteurs attachés à sa personne, parmi lesquels Agathe de Rambaud, sa berceuse, madame de Tourzel sa gouvernante et Jean-Baptiste Cant Hanet dit Cléry, son valet.

Les enfants royaux avec madame de Tourzel dans Louis XVI, l'homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti
Image des Années Lumière (1988) de Robert Enrico
Jean-Baptiste Cant Hanet dit Cléry par le peintre Henri-Pierre Danloux

Le 1er octobre 1789

Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale. Louis-Charles y paraît dans les bras de sa mère.

Cette sympathie devenue si rare depuis des mois émeut tant les souverains que le Roi, la Reine et le Dauphin, même, descendent rejoindre les convives. Dans l’euphorie générale, un Garde demande la permission de placer le petit Dauphin sur l’immense table en fer-à-cheval que celui-ci parcourt de bout en bout sans renverser le moindre verre. La famille royale fait le tour de la table, dit un mot aux uns et aux autres, puis rentre dans ses appartements.

Image des Années Lumière (1988) de Robert Enrico

Le Dauphin a fait part à sa mère de son « désir d’être le témoin.
– Mais vous ne saurez que dire à ces Messieurs
– Ne soyez pas en peine, Maman, je ne serai pas embarrassé
».

« A peine tous les officiers furent-ils entrés que le jeune prince dit à ceux qui étaient au premier rang :
 » Je suis, Messieurs, ravi de vous voir mais bien fâché d’être trop petit pour vous apercevoir tous« .
Puis, remarquant un officier qui était très grand :  » Monsieur, lui dit-il, portez-moi dans vos bras pour que je voie tous ces Messieurs. »
Et il dit alors avec une gaieté charmante :
« Je suis bien aise, Messieurs, d’être au milieux de vous. »
Tous les officiers étaient transportés et attendris en voyant, dans un âge aussi tendre un enfant aussi aimable.»

Madame de Tourzel

Louis-Charles par Jean Marie Ribou
Image des Années Lumière (1988) de Robert Enrico

Le 5 octobre 1789

Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée.

Le matin du 6 octobre 1789 par Benjamin Warlop

Cosme-Joseph de Saint-Aulaire, le chef de brigade des gardes-du-corps en service, entre dans la chambre du Dauphin et avertit madame de Tourzel que le château et envahi :

« Je me levai précipitamment et je portai sur le champ Mgr le Dauphin chez le Roi qui était alors chez la Reine.»

Madame de Tourzel

« Ma mère me fit coucher dans son appartement : vers cinq heures du matin, j’entendis les portes s’ouvrir vivement. La Reine parut. Elle était à peine habillée et avait l’air très effrayé. Elle prit Madame, l’emmena et demanda à ma mère de monter , sans perte de temps, Monseigneur le Dauphin chez le Roi
Malgré son agitation, la Reine remarqua mon trouble Bonne, comme toujours, elle me fit un geste de la main : « N’ayez pas peur, Pauline, restez tranquille« , me dit-elle

Pauline de Tourzel, plus tard comtesse de Béarn

Accompagnée de Sa fille, Marie-Antoinette rejoint la chambre du Roi où est réunie toute la famille royale.

Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule.

Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie en tenant la main de Ses enfants. Pour pouvoir La viser, la foule crie : «Pas d’enfants!».
Louis-Charles et Marie-Thérèse rentrent dans la chambre d’apparat du Roi.

Madame de Tourzel et les enfants royaux dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
La famille royale éprouvée dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)
Jane Seymour en Marie-Antoinette, Katherine Flynn en Madame Royale Marie-Thérèse Charlotte, Sean Flynn en Dauphin Louis-Charles au balcon de la Chambre du Roi, le 6 octobre 1789 (La Révolution française, Les Années Lumière de Robert Enrico, 1989)

La famille royale est ramenée de force à Paris, on appelle le Roi, la Reine et le Dauphin, « le boulanger, la boulangère et le petit mitron».

Ils s’installent aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place. En arrivant dans ce vieux palais des rois, Louis-Charles se navre :
«Tout est laid, ici, Maman
-Louis XIV y logeait et s’y trouvait bien, mon fils, ne soyons pas plus difficiles que lui.»

« Rien n’était préparé pour les recevoir. Mgr le Dauphin passa la nuit sans gardes, dans un appartement ouvert de tous côtés et dont les portes pouvaient à peine se fermer. Je les barricadai avec le peu de meubles que je trouvai et je passai la nuit près de son lit, plongée dans la douleur et les plus tristes réflexions.»

Madame de Tourzel

L’appartement de madame de Tourzel est au rez-de-chaussée du pavillon de Flore des Tuileries. Sa fille loge dans l’entre-sol au-dessus. Le Dauphin est placé près du Roi ; son appartement communique avec celui de sa gouvernante par un escalier dont elle et la Reine ont seules la clef.

« Les chambres du Roi et du Dauphin sont voisines : Louis XVI fait pratiquer un oculus qui lui permet, sans sortir de sa chambre de surveiller le sommeil de son fils. A côté du lit de Louis-Charles se dresse celui de la gouvernante. Les deux lits sont recouverts de damas vert, celui du Dauphin est rehaussé de franges. A côté, un cabinet sert à la fois de salle d’études et de salle de jeux à l’enfant.»

Jacques Bernot, Madame de Tourzel, gouvernante des enfants de Louis XVI (2022) ; Nouvelles Editions Latines

C’est dans cet appartement , pendant les quelques jours de calme qui suivent leur arrivée à Paris, que la Reine vient prendre le thé et assister aux petits jeux de Madame Royale, du Dauphin, de Pauline et des enfants des autres dames invitées à ces petites réunions. Pendant que la Reine s’entretient avec les autres dames dans le salon, Pauline a la haute surveillance et la direction des amusements. Ces douces réunions n’ont qu’une courte durée. Bientôt, la Reine cesse de se rendre chez madame de Tourzel dans la crainte de la compromettre en lui témoignant trop d’affection.

Le Dauphin peut faire quelques promenades dans le jardin des Tuileries et Pauline partage ses jeux ; il est escorté de quelques gardes nationaux, sous les ordres d’un chef de bataillon, qui écartent la foule se pressant avec intérêt sur le passage du petit prince, pour l’admirer en faisant l’éloge de sa gentillesse et de sa beauté. La gouvernante ne peut être satisfaite de ces exercices insuffisants ; la pépinière du jardin est donc disposée pour devenir le jardin particulier du Dauphin, et c’est là qu’il prend ses ébats avec plus de liberté, toujours avec Pauline.

Les Tuileries dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Peu à peu le dialogue s’établit entre le petit Dauphin et sa gouvernante :

« Ce jeune prince, extrêmement avancé pour son âge, me demandait souvent la raison de son changement de situation et me disait : » Je vois bien qu’il a des méchants qui font de la peine à papa et je regrette nos bons gardes du corps que j’aimais bien mieux que ces gardes-là, dont je ne me soucie pas du tout.« 
Je lui répondis que le roi et la reine seraient très fâchés s’il n’était pas honnête vis-à-vis de la garde nationale et, s’il parlait devant elle de son désir de revoir les gardes du corps, qu’il fallait toujours les aines mais rien n’en parler qu’entre nous (…) « Vous avez raison » dit-il.»

Madame du Tourzel

 

 

 

La gouvernante s’attache et ne tarit bientôt plus d’éloges en parlant du petit prince :

« Sa mémoire (est) admirable et il (a) une pénétration d’esprit si singulière qu’il (fait), dès l’âge de quatre ans, les réflexions les plus justes sur ce qu’il voi(t) et ce qu’il enten(d) (…) Le jeune prince (est) extrêmement curieux, faisant des questions sur tout ce qu’il vo(it). Il s’aper(çoit) très bien si les réponses qu’on lui fait (sont) justes ou non et (a) alors des réparties assez plaisantes.»

Madame du Tourzel

Louis-Charles (1789) par Augustin de Saint-Aubin

Quelques anecdotes donnent de l’enfant une image charmante :

« Un jour que je le reprenais pour quelque chose qu’il avait dit mal à propos, une personne qui était chez moi lui dit en badinant :
Je parie que Madame de Tourzel a tort et que Monsieur le Dauphin a toujours raison.
Monsieur, lui dit-il en riant, vous êtes un flatteur car je me suis mis en colère ce matin.»

Madame du Tourzel

La gouvernante est ferme dans ses principes éducatifs :

« (Le Dauphin) voulut faire l’essai de ce qu’il avait à attendre de moi et voir si je saurais lui résister. Il se refusa à quelque chose que je lui demandais et me dit du plus grand sang-froid :
 » – Si vous ne faites pas ce que je veux, je crierai. On m’entendra de la terrasse et qu’est-ce que l’on dira ?
Que vous êtes un méchant enfant.
Mais si mes cris me font mal ?
Je vous ferai coucher et je vous mettrai au régime d’un malade.« 
Alors il se mit à crier, à taper des pieds et à faire un tapage affreux. Je ne lui dis pas une parole ; je fis faire son lit et demandai un bouillon pour son souper. Alors il me regarda fixement, cessa ses cris et me dit :
« J’ai voulu voir de quelle manière je pourrais vous prendre ; je vois que je n’ai d’autre moyen que de vous obéir. Pardonnez-moi, je vous promets que cela n’arrivera plus.« 
Le lendemain, il dit à la reine :
« Savez-vous qui vous m’avez donné pour gouvernante ? C’est Madame Sévère.« »

Madame de Tourzel

 Le 4 Janvier 1790

« Le roi est aussi gras que s’il n’avait aucun souci. Par ses ordres, on a réservé un petit jardin pour l’amusement du Dauphin, on y a bâti un petit pavillon où il se retire en cas de pluie : je le vis à l’ouvrage avec sa bêche et son râteau, mais non sans deux grenadiers pour l’accompagner. C’est un joli petit garçon, d’un air très avenant ; il ne passe pas sa sixième année ; il se tient bien. Partout où il va, on lui ôte son chapeau, ce que j’observais avec plaisir.»

Arthur Young

En 1790, le Dauphin est continuellement dans le jardin, et va tous les soirs se promener dans le parc de Meudon. Marie-Antoinette le mène quelques fois Elle-même à la promenade, surtout quand la princesse de Tarente, Sa dame du palais, est de service. Elle connaît sa discrétion, la noblesse de ses sentiments et son extrêmement attachement pour Elle.

Mardi 9 février 1790

Le Roi, la Reine et le Dauphin sont venus à la cathédrale, sans gardes et sans aucune suite. Ils sont descendus de voiture à la porte de l’église. Louis XVI et Marie Antoinette tiennent la main du Dauphin. Le peuple, attendri et plein de joie, répète mille fois :

« Vive le Roi, vive la Reine, vive Monsieur le Dauphin.»

Louis XVI contemple son peuple, et des larmes se sont échappées. Le peuple crie une seconde fois : « vive la Reine ». Alors  le Dauphin se met à claquer des mains. Le Roi et la Reine entendent ensuite la messe à l’autel de la vierge. Après la messe, le Roi, la Reine et le Dauphin se sont rendus aux Enfants Trouvés


Marie-Antoinette dit au Dauphin :

« Mon fils, vous êtes ici dans un asile pour pauvres orphelins abandonnés par leurs parents. N’oubliez jamais ce que vous avez vu et accordez un jour votre protection à ces malheureux.»

Ils se sont ensuite retirés, à douze heures, accompagnés de monsieur Bailly et du marquis de La Fayette.

Louis-Charles (1790) , école française

Louis-Charles s’intéresse beaucoup à l’hôpital et demande fréquemment à le visiter. Pendant cette période, il commence aussi à garder son argent de poche dans un petit coffret que lui offre sa tante Elisabeth. Le Roi, qui le voit compter son argent à l’intérieur de la caisse, lui dit : « Quoi, Charles, vous économisez comme un avare !»
L’enfant répond : «Oui, père, je suis avare, mais c’est pour les pauvres enfants perdus

 

Le 11 mars 1790

Un lapin blanc élevé par le Dauphin le mord à la lèvre.

 

Été 1790

La famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud.

Le château de Saint-Cloud (reconstitution virtuelle)
Louis-Charles en 1790, par Louis-Pierre Deseine

Le 13 juillet 1790

Les «fédérés», venus de tous les coins de France, sont invités à se rendre aux Tuileries :

« On les f(ait) défiler devant (le roi) et la famille royale au pied du grand escalier des Tuileries. Le roi demand(e) le nom de chaque députation et parl(e) à chacun de ses membres avec une bonté qui redoubl(e) encore leur attachement. La reine leur présent(e) ses enfants et leur dit quelques mots avec cette grâce qui ajout(e) un nouveau prix à tout ce qu’elle d(it). Transportés de joie, ils entr(ent) dans les Tuileries aux cris de « Vive le roi ! »»

Madame de Tourzel

Le 14 juillet 1790

 Fête de la Fédération.

Jean-François Balmer et Jane Seymour dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)
Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Le Roi prête serment de fidélité aux lois nouvelles :

« Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois».

La Reine, se levant et montrant le Dauphin :
« Voilà mon fils, il s’unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments».

Une aquarelle sur craie et mine de plomb d'Alexandre Moitte représentant Louis-Charles, Dauphin de France, à la  Fête de la Fédération en 1790 Marie-Antoinette lui fait revêtir un petit uniforme ressemblant à ceux de la Garde nationale.
Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Louis-Charles, par Marie Victoire Jacquotot

Courant novembre jusqu’au 8 décembre 1790

Séjour de la famille royale au château de Saint-Cloud.

La Reine et Ses enfants dans le parc de Saint-Cloud par François Dumont

Le 1er janvier 1791

La Constitution du Royaume de France remplace le titre de Dauphin  par celui de «prince royal », ce changement étant la conséquence logique du remplacement du titre de Roi de France par celui de Roi des Français.

Louis XVI et Marie-Antoinette reçoivent les hommages de la Famille Royale, de la Cour, de la municipalité de Paris et de la garde nationale de Paris. La députation de la municipalité, accompagnée de celle de la garde nationale, est conduite chez le Roi et chez la Reine par les officiers des Cérémonies.

Vers midi, le Roi, accompagné de Monsieur, et précédé des chevaliers, commandeurs et officiers de l’Ordre du Saint-Esprit, marchant processionnellement, et portant, ainsi que Louis XVI, l’habit de l’Ordre, se rend à la Chapelle du château des Tuileries, où il entend la grand’messe chantée par sa Musique, et célébrée par Mgr de Roquelaure, évêque de Senlis et premier aumônier du Roi. La Reine et la Famille Royale y assistent dans la tribune. Madame Stanislas de Clermont-Tonnerre a fait la quête.

C’est la dernière fois que les chevaliers du Saint-Esprit s’assemblent, et que Louis XVI revêt le costume et le collier de l’Ordre.
Louis XVI et Marie Antoinette soupent au Grand Couvert. Monsieur Pétion de Villeneuve, maire de Paris, refuse de faire le compliment du nouvel an à Marie-Antoinette.

A l’occasion du nouvel an, l’usage est de donner l’aubade sous les fenêtres du Roi.  La Musique du Roi se rend au château des Tuileries, et interprète plusieurs reprises, en allusion à la liquidation des dettes de l’Etat décidée par l’Assemblée nationale, l’air de l’opéra-comique « des dettes ». Louis XVI dispose, à cette date, dans sa caisse de 280 926 livres, et reçoit 12 000 livres.

Des vainqueurs de la Bastille viennent présenter, pour étrennes, à Monsieur le Dauphin, un domino fait de pierre et de marbre de cette prison d’Etat.

Sur le couvercle sont gravés des vers :

« Des pierres et des murailles, qui renfermaient d’innocentes victimes de pouvoir arbitraire, ont été transformés en jouet pour être offert, Monseigneur,
comme un hommage de l’amour du peuple et pour vous apprendre qu’elle est sa puissance. »

Louis XVI par Roslin

Le 20 février 1791

Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire, ses grand-tantes, qui partent pour Rome.

Mesdames Adélaïde et Victoire de France

Le 18 avril 1791

La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud.

Louis-Charles et Madame Elisabeth dans le parc des Tuileries par Antoine-Louis-Francois Sergent-Marceau
La famille royale dans le parc des Tuileries
Départ de Louis XVI pour Saint-Cloud par Joseph Navlet

Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.

Louis-Charles par Alexandre Kucharski

Le 20 juin 1791

Évasion de la famille royale. Louis-Charles est habillée en petite fille et joue le rôle d’une petite Aglaé, sa sœur est Amélie, filles de Madame de Korff, rôle qui revient à Madame de Tourzel. Marie-Antoinette devient leur gouvernante, Sophie Rochet et Louis XVI, l’intendant Durand. Madame Elisabeth est la dame de compagnie de la baronne de Korff.

Madame de Tourzel et le Dauphin (?) par Henri-Pierre Danloux
Estelle Skornik (Marie-Antoinette), Antoine Gouy (Louis XVI) et Adélaïde Bon (Madame Elisabeth) dans L'évasion de Louis XVI d'Arnaud Sélignac (2009)
L'attente chez Sauce vue par Jean Kemm dans l'Enfant-Roi (1923)

Le retour se fera au pas de marche durant trois jours.
L’assemblée envoie des députés pour escorter (et protéger) la famille royale : Antoine Barnave et Pétion qui vont voyager au sein de la berline.

 

Le 25 juin 1791

La famille royale rentre à Paris sous escorte.

 

Le 21 juin 1791

 Le Roi et la Famille Royale sont arrêtés à Varennes.

Chez l'épicier Sauce à Varennes, par Prieur
Le Dauphin dormant chez les Sauce, dans La Nuit de Varennes (1982) d'Ettore Scola
La Reine, le Dauphin, Barnave et le Roi dans la berline du retour de Varennes par Benjamin Warlop
Madame Elisabeth, Pétion, Madame de Tourzel et Marie-Thérèse par Benjamin Warlop

Après leur arrestation, madame de Tourzel et d’autres personnes liées à l’affaire de la fuite de Varennes sont gardées prisonnières et interrogées. La gouvernante n’est pas à la prison de l’Abbaye, mais gardée dans les appartements du Dauphin.

« La Reine montait chez M. le Dauphin, par un escalier qui communiquait intérieurement de son appartement dans celui de son fils ; elle passait chez M. le Dauphin accompagnée de quatre officiers ; elle trouvait la porte fermée. C’étaient les bornes de la prison de Mme de Tourzel, qui, étant suspendue de ses fonctions de gouvernante, était cependant constituée prisonnière dans une pièce de l’appartement du prince. Un des gardes frappait en disant : « La Reine » Le garde de Mme de Tourzel qui habitait la même chambre qu’elle allait ouvrir à la Reine qui entrait pour prendre son fils et le mener chez le Roi par l’intérieur ; ils étaient suivis par huit officiers.
Madame de Tourzel était arrêtée dans l’appartement de son malheureux petit prince, ne pouvant parler à personne.»

La princesse de Tarente

Louise-Elisabeth de Tourzel perçoit à son endroit une sorte de réticence du petit prince :

« On (a) cherché à éloigner de moi Mgr le Dauphin par la peur.»

Madame de Tourzel

Pour en avoir le cœur net, elle demande à Louis-Charles pourquoi, à son avis, ils ont été séparés. Le Dauphin répond :
« C’est pour avoir suivi papa.
_ C’est donc une action bien criminelle à vos yeux d’avoir donné au roi des marques de mon respect, de mon attachement et de mon dévouement à votre personne ? Dites-moi, je vous prie, de quel nom on peut qualifier la conduite que vous tenez et que croyez-vous qu’en pensera votre chère Pauline dont vous parlez si souvent ?»

demande Madame de Tourzel

Le Dauphin rougit alors et se jette dans les bras de sa gouvernante en disant :
« Pardonnez-moi. J’ai eu tort mais ne le mandez pas à ma chère Pauline car elle ne m’aimerait plus.»

Le 20 septembre 1791

En fin d’après-midi, Louis XVI et Marie Antoinette, le Dauphin et Madame Elisabeth se rendent à l’Opéra, pour assister à la représentation de « Psyché » au théâtre de l’Académie royale de Musique. Ils sont accompagnés de la Famille Royale. Les acclamations sont unanimes et multiples.

Le 1er mars 1792

Léopold II, le frère de Marie-Antoinette, meurt.

Voici l’extrait d’une lettre que Louis XVI adresse au précepteur de Louis-Charles, l’Abbé d’Avaux :

« Vous avez à former le cœur, l’esprit et le corps d’un enfant. L’exemple, de sages conseils, des louanges accordées avec art, et des réprimandes toujours faites avec douceur, feront naître dans le cœur de votre jeune élève la douce sensibilité, la honte de la faute, l’envie de bien faire, une louable émulation, et le désir de plaire à son instituteur.
Peu de livres, mais bien choisis; des livres élémentaires, clairs, précis et méthodiques; une aimable occupation qui ne fatigue point la mémoire, qui excite la curiosité, donne le goût de l’étude et l’amour du travail, doivent former bientôt l’esprit d’un enfant bien organisé, docile et studieux.

Des extraits souvent répétés, la promenade, des travaux champêtres dont l’instituteur doit partager les fatigues et les plaisirs, et qui peuvent se borner à la culture d’un petit jardin; quelque jeu avec des enfants du même âge, mais en présence du maître, voilà des moyens infaillibles pour conserver la santé de l’enfant, charmer ses ennuis, et fortifier son corps.

Que les principes des connaissances soient gravées dans la mémoire de mon fils; je méprise les hommes superficiels, ce sont des ignorants présomptueux, plus sujets à l’erreur que les autres hommes.

Exaltez à ses yeux les vertus qui font les bons rois, et que vos leçons soient proportionnées à son intelligence. Hélas! Il ne sera que trop tenté d’imiter un jour ceux de ses ancêtres qui ne furent recommandables que par des exploits guerriers. La gloire militaire tourne la tête. Eh! quelle gloire, que celle qui fait répandre des flots de sang humain, et ravage l’univers!

Apprenez-lui avec Fénelon, que les principes pacifiques sont les seuls dont le peuples conservent un religieux souvenir. Le premier devoir d’un prince est de rendre son peuple heureux : s’il sait être roi, il saura toujours bien défendre le peuple et sa couronne.

Apprenez-lui, de bonne heure, à savoir pardonner l’injure, oublier l’injustice, à récompenser les actions louables, à respecter les mœurs, à être bon, à reconnaître les services qui lui ont été rendus.

Parlez-lui souvent de la gloire de ses aïeux, et offrez-lui pour modèle de conduite, Louis IX, prince religieux, avec des mœurs et de la vérité; Louis XII qui ne veut point punir les conjurés du duc d’Orléans, et qui reçoit des Français le titre de Père du peuple; du grand Henri, nourrissant la ville de Paris qui l’outrage et lui fait la guerre; de Louis XIV, non lorsqu’il donne des lois à l’Europe, mais lorsqu’il pacifie l’univers, et qu’il est le protecteur des talents, des sciences et des beaux-arts.

Ce n’est point des exploits d’Alexandre ni de Charles XII, dont il faut entretenir votre élève : ces princes sont des météores qui ont dévasté la terre. Parlez-lui, et de bonne heure, des princes qui ont protégé le commerce, agrandi la sphère des arts, enfin des rois tels qu’il les faut aux peuple, et non tels que l’Histoire se plaît à les louer.

En attendant que votre jeune élève apprenne l’art de régner, faites réfléchir sur lui le miroir de la vérité sut tout ce qui peut lui rappeler qu’il n’est au-dessus des autres hommes que pour les rendre heureux.

[…]Au milieu des chagrins qui déchirent mon âme, mon unique consolation est dans mon fils.»

Louis XVI

Louis-Charles en petit savoyard : ce serait le portrait le plus ressemblant que nous possédons du Dauphin

Le 11 juin 1792

Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.

Lui et la Reine sont désormais surnommés «Monsieur et Madame Veto».

Louis XVI donnant une leçon de géographie à Louis-Charles alors qu'ils sont encore aux Tuileries
Louis-Charles et Marie-Thérèse par Marie-Victoire Lemoine

Le 20 juin 1792

Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries.

La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le peuple de Paris pénétrant dans le palais des Tuileries le 20 juin 1792 par Jan Bulthuis, vers 1800
Escalier monumental des Tuileries (juste avant sa destruction)

La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares …  les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine, elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.

« Avec le courage passif qui est le sien », selon Michel Vovelle, le Roi subit sans faiblir pendant deux heures le défilé de la foule, accepte de coiffer le bonnet phrygien et boit à la santé de la Nation pour faire passer les paroles de Legendre :

« Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore », mais refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, invoquant la loi et la constitution.

Image de Marie-Antoinette (1976) de Guy-André Lefranc

« Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.
L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine.
Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta :

« C’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire :  »
C‘est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne« .»

On voit bien que l'auteur de cette peinture s'est inspiré d'un buste de Marie-Antoinette (celui de Lecomte) pour La représenter
Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke

Mesdames de Lamballe, de Tarente, de La Roche-Aymon, de Mackau entourent alors la Reine, ainsi que Madame de Tourzel qui souligne dans ses Mémoires :

« La Reine était toujours dans la chambre du Roi, lorsqu’un valet de chambre de Mgr le Dauphin accourut tout hors de lui avertir cette princesse que la salle était prise, la garde désarmée, les portes de l’appartement forcées, cassées et enfoncées, et qu’on le suivait. On se décida à faire entrer la Reine dans la salle du Conseil, par laquelle Santerre faisait défiler sa troupe pour lui faire quitter le château. Elle se présenta à ces factieux au milieu de ses enfants, avec ce courage et cette grandeur d’âme qu’elle avait montrés les 5 et 6 octobre, et qu’elle opposa toujours à leurs injures et à leurs violences. Sa Majesté s’assit, ayant une table devant elle, Mgr le Dauphin à sa droite et Madame à sa gauche, entourée du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui ne cessa d’opposer un mur inébranlable au peuple rugissant, qui l’invectivait continuellement. Plusieurs députés s’étaient aussi réunis auprès d’elle. Santerre fait écarter les grenadiers qui masquaient la Reine, pour lui adresser ces paroles :
« On vous égare, on vous trompe, Madame, le peuple vous aime mieux que vous le pensez, ainsi que le Roi ; ne craignez rien.
– Je ne suis ni égarée ni trompée, répondit la Reine, avec cette dignité qu’on admirait si souvent dans sa personne, et je sais (montrant les grenadiers qui l’entouraient) que je n’ai rien à craindre au milieu de la garde nationale ».
Santerre continua de faire défiler sa horde en lui montrant la Reine. Une femme lui présente un bonnet de laine ; Sa Majesté l’accepte, mais sans en couvrir son auguste front. On le met sur la tête de Mgr le Dauphin, et Santerre, voyant qu’il l’étouffait, le lui fait ôter et porter à la main.
Des femmes armées adressent la parole à la Reine et lui présentent les sans-culottes ; d’autres la menacent, sans que son visage perde un moment de son calme et de sa dignité.
Les cris de «Vivent la Nation, les sans-culottes, la liberté ! à bas le veto ! » continuent.
Cette horde s’écoule enfin par les instances amicales et parfois assez brusques de Santerre, et le défilé ne finit qu’à huit heures du soir.
Madame Elisabeth, après avoir quitté le Roi, vint rejoindre la Reine, et lui donner de ses nouvelles.
Ce prince revint peu après dans sa chambre, et la Reine, qui en fut avertie, y entra immédiatement avec ses enfants.
»

Vers dix heures du soir

Pétion et les officiers municipaux font évacuer le château.

Même s’il a subi une humiliation, Louis XVI a fait échouer la manifestation, par son obstination imprévue et sa fermeté tranquille, et il se tient désormais sur ses gardes. Surtout, elle renforce l’opposition royaliste, le déchaînement de la foule et le courage du Roi suscitant un courant d’opinion en sa faveur. Des départements parviennent à Paris adresses et pétitions pour dénoncer la manifestation, même si de nombreux clubs envoient des pétitions hostiles au Roi. Pétion est suspendu de ses fonctions de maire. Louis XVI conserve sa détermination à défendre la Constitution en espérant un sursaut de l’opinion en sa faveur, ce qui se manifeste le 14 juillet, troisième fête de la fédération, étant l’objet de manifestations de sympathie.

Le 11 juillet 1792

«La patrie en danger».

Le 25 juillet 1792

Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.

En juillet 1792

« La reine était si mal gardée et il était si facile de forcer son appartement que je lui demandai avec instance de venir coucher dans la chambre de Mgr le Dauphin. Elle eut bien de la peine à se décider (…) Elle finit par y consentir mais seulement les jours où il y aurait du bruit dans Paris.»

Madame de Tourzel

A partir de ce moment, la Reine, la gouvernante et le Dauphin cohabitent dans cette chambre pendant les nuits.

« Mgr le Dauphin, qui aim(e) beaucoup la reine, enchanté de la voir coucher dans sa chambre, cour(t) à son lit dès qu’elle (est) éveillée, la ser(t) dans ses petits bras en lui disant les choses les plus tendres et les plus aimables.»

Madame de Tourzel

Fin juillet 1792

Le prince royal ne peut plus se rendre dans son jardin, se trouvant à l’extrémité de la terrasse d’eau aux Tuileries, du fait de l’insécurité régnante. Il peut retourner une dernière fois dans le jardin de la marquise de Leyde, où il peut jouer avec un enfant de son âge.

Le 3 août 1792

Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.

Jeudi 9 août 1792

Marie-Antoinette va alternativement chez le Roi, et chez Ses enfants, accompagnée de Madame Elisabeth, et retourne dans le cabinet du Roi.

Le 10 août 1792

Sac des Tuileries. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.

Dernière messe de la famille royale aux Tuileries. Nuit du 9 août 1792

Roederer, le «procureur syndic du département» convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.

Image d'Un peuple et son Roi (2018) de Pierre Schoeller
Le cortège funèbre de la monarchie commence par une haie d'honneur des chevaliers de Saint-Louis qui lèvent leurs épées dans Un peuple et son Roi

Traversant le jardin des Tuileries, et marchant sur des feuilles tombées des arbres, Louis XVI aurait dit :

« L’hiver arrive vite, cette année ».     

Dans ses mémoires, madame de Tourzel raconte ainsi la scène :

« Nous traversâmes tristement les Tuileries pour gagner l’Assemblée. MM. de Poix, d’Hervilly, de Fleurieu, de Bachmann, major des Suisses, le duc de Choiseul, mon fils et plusieurs autres se mirent à la suite de Sa Majesté mais on ne les laissa pas entrer ».

Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Lise Delamare est Marie-Antoinette dans La Marseillaise (1938) de Jean Renoir
Gravure allemande représentant la Famille Royale à l'Assemblée


Traversant le jardin des Tuileries, le petit cortège royal pénètre dans la salle où se réunit l’Assemblée, d’ailleurs fort clairsemée. La présidence est occupée ce jour-là par Vergniaud. Louis XVI s’adresse à lui en disant :

« Je suis venu ici pour éviter un grand crime et je pense que je ne saurai être plus en sûreté qu’au milieu de vous. Vergniaud lui répond en ces termes : Sire, vous pouvez compter sur la fermeté de l’Assemblée nationale ; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées

Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge grillagée du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logotachygraphe) , où ils restent toute la journée.

La foule envahit la cour du château et cherche à gagner les étages supérieurs.Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.

La prise des Tuileries le 10 août 1792
Saccage de la chambre de la Reine aux Tuileries
Images d'Un Peuple et Son Roi (2018)

La famille s’entasse dans cet antre : Louis XVI, Marie-Antoinette qui prend son fils sur ses genoux, Madame Élisabeth et Madame Royale. Elle y étouffera littéralement toute la journée.

Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».

Le petit Dauphin a faim et soif. Monsieur de Joly, dernier ministre de la Justice de Louis XVI, auquel le jeune prince donnait la main pendant le trajet du palais au Manège, se dévoue pour aller chercher un repas à la cantine de l’Assemblée. Par scrupule – et aussi sans doute en vertu d’une méfiance non sans raison -, il goûte tous les mets. À tel point même que Louis-Charles lui dit : «Assez, ministre, assez !».

Louis-Charles a atteint l’âge où un enfant commence à raisonner, détail particulièrement important chez un garçon aussi intelligent. Ceci précisé, que peut comprendre le jeune Prince Royal (c’est le titre qui, depuis la constitution de 1791 désigne l’héritier du trône) aux événements de cette sinistre journée ?
Une fois de plus, il voit son peuple sous son jour le plus horrible. Bien sûr nous savons que le vrai peuple parisien, et même français, ne forme qu’une minorité des émeutiers. Mais l’enfant est trop jeune pour connaître ce détail.
Pour lui qui s’intéresse déjà à tout ce qui est militaire et qui aime faire tirer le canon, le bruit du combat ne doit pas l’effrayer. Mais, une fois de plus, il lui faut quitter le palais auquel il était habitué, mais, cette fois, il se retrouve en prison avec toute sa famille. À son âge, que peut-il comprendre à tout ce charivari répété ?
Les déceptions se suivent au fil du temps. Et pourtant, il sait qu’il est destiné à monter sur le trône à la suite de son père et il ne l’oubliera jamais. Terrible ambiguïté pour un prince aussi jeune.
Il a exactement sept ans quatre mois et quatorze jours.

Pendant toute la journée et durant les suivantes, le prince royal a supporté et supportera tout sans se plaindre, ni s’effrayer. Le soir, Louis-Charles s’inquiète au sujet de son chien qui est resté, dans son appartement, aux Tuileries. Personne ne sait ce qu’il est devenu. Accablé de chaleur, de fatigue et de veille, l’enfant s’assoupit sur le sein de sa mère.

Le soir du 10 août 1792

La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.

Vendredi 11 août 1792

La Famille Royale se trouve sans vêtements de rechange. M. Pascal, officier des cent suisses, qui a une corpulence comparable à celle de Louis XVI, lui offre des vêtements ; la duchesse de Gramont transmet du linge de corps à Marie Antoinette ; la comtesse Gover-Sutherland, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre, apporte des vêtements pour le prince royal.

Louis XVI apprenant l’envoi de linges que la duchesse de Gramont, sœur de feu le duc de Choiseul, vient de faire à la Reine, lui écrit le billet suivant, qui indique que la duchesse de Gramont ne borne pas ses offres à celle de quelques vêtements :

« Au sein de l’Assemblée nationale, le 11 août.
Nous acceptons, Madame, vos offres généreuses, l’horreur de notre position nous en fait sentir tout le prix, nous ne pourrons jamais reconnaître tant de loyauté que par la durée de nos plus tendres sentiments.
Louis.
»

Louis XVI

Samedi 12 août 1792

Louis XVI et sa famille retournent, à dix heures, dans la loge du logographe.
Le soir, ils retournent aux Feuillants. Il espère y goûter un peu de repos et conserver avec lui les cinq gentilshommes qui l’avaient accompagné. Mais la garde est changée par des hommes jaloux et méchants. Le Roi passe, avec sa famille, dans la salle où l’on a préparé le souper. Ils sont servis, pour la dernière fois, par les cinq gentilshommes. La séparation prochaine rend ce repas triste et funèbre, car Louis XVI a appris qu’un décret ordonne de les faire arrêter. Louis XVI ne mange pas mais le prolonge autant qu’il le peut. Il ordonne aux cinq gentilshommes de le quitter, et leur fait embrasser ses enfants. Pendant ce temps, la garde monte pour se saisir d’eux mais ils arrivent à s’échapper par un escalier dérobé.

Le 13 août 1792

La Commune décide de transférer la famille royale au Temple… en passant par la place Louis XV qu’on a déjà rebaptisée Place de la Révolution, on montre au Roi comme la statue de son grand-père est en train d’être déboulonnée pour faire disparaître toutes les marques du régime qui devient dès lors ancien…

Arrivée de la famille royale au Temple dans Les Années Terribles de Richard Heffron

A onze heures du soir 

Alors que le Dauphin est gagné par le sommeil et que madame de Tourzel est surprise d’être emmenée en direction de la Tour, le Roi  comprend qu’il a été joué par la Commune.

Pétion, qui estimait que la grande Tour était en trop mauvais état, a résolu de loger la famille royale dans la petite en attendant la fin des travaux ordonnés pour isoler la prison du monde extérieur.

Charles-Eloi Vial

La famille royale amenée au Temple le 13 août 1792 dans Les Années Terribles (1989)
Caricature qui montre Louis XVI coiffé du bonnet vert des forçats

Selon Madame de Tourzel, la famille royale, accueillie par Santerre, voit d’abord la cour du palais illuminée de lampions comme s’ils étaient attendus pour une fête ; on retrouve l’ambiance des grands couverts qui rythmaient la vie de Cour à Versailles et aux Tuileries…

Charles-Eloi Vial

Après un splendide dîner servi dans l’ancien palais du comte d’Artois ( où la famille royale espère encore être logée) , la messe est dite dans un salon. Après avoir visité les lieux, Louis XVI commence à répartir les logements.

Jane Seymour et Sean Flynn , qui est son propre fils

La Tour qui fit tant frémir Marie-Antoinette, autrefois, qu’Elle avait demandé à Son beau-frère qu’il la détruise. Était-ce un pressentiment de Sa part? 

Quittant les magnifiques salons du comte d’Artois, la famille royale est emmenée dans la petite tour pour être logés dans les appartements de Jacques-Albert Barthélemy, ancien avocat archiviste de l’ordre de Malte, détenteur de cette charge depuis 1774. Il avait obtenu ce logement de fonction en 1782, où il vivait , en vieux célibataire et il n’y avait véritablement de la place chez lui que pour loger un seul maître de maison. Pour des raisons de sécurité, les domestiques héritent des pièces du bas, les plus confortables, tandis que la famille royale loge dans les parties hautes de la tour, dans des pièces à l’abandon depuis des années. Du mobilier est apporté du Garde-Meuble et du palais du Temple afin de compléter celui de l’archiviste.

Charles-Eloi Vial

La Tour du Temple
A son arrivée au Temple, on retire au Roi tout objet coupant avec lequel il pourrait attenter à ses jours...
Marie-Antoinette couche Son fils au Temple dans Les Années Terribles (1989)

Le 20 août 1792

On vient chercher tous ceux qui n’appartiennent pas à la Famille Royale stricto sensu. Madame de Lamballe, Madame de Tourzel et sa fille Pauline sont transférées dans l’affreuse prison de la Petite Force, les trois dames sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse.

Le 3 septembre 1792

Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.

Massacre de la princesse de Lamballe

Le 21 septembre 1792

Abolition de la royauté.

Repas de la famille royale au Temple
Repas de la famille royale au Temple entre le 13 août 1792 et le 11 décembre 1792 (film Marie-Antoinette de Jean Delannoy, 1956)
Et en 1976 dans la série de Guy-André Lefranc
Louis-Charles dans Marie-Antoinette de Van Dyck (1938)

Une anecdote sur Marie-Antoinette et Son fils, Louis-Charles, à la prison du Temple :

« Alors que la famille royale est emprisonnée et étroitement gardée dans le Temple, les révolutionnaires découvrirent un coffre de fer dans l’une des pièces, un fait qu’ils considèrent comme hautement suspect, donnant lieu à d’innombrables rumeurs et enquêtes.

Alors que les prisonniers dînent sous les yeux attentifs de leurs gardiens, le Dauphin aperçoit un biscuit sur la table, s’y intéresse et dit à sa mère :

« Voici un merveilleux biscuit. Mère, si vous me le permettez, je connais un coffre où je pourrais le mettre en sécurité.

Inquiète à cause de la référence à un coffre – que les gardes peuvent considérer comme accablante – la Reine regarde autour d’Elle, à la recherche d’un coffre, tandis que les révolutionnaires surveillent attentivement chacun de ses mouvements, craignant une sorte de complot. La Reine dit finalement :

« Mon fils, je ne vois pas le coffre dont vous parlez.»

Désignant sa propre bouche, le Dauphin dit : «Voici l’accès.»

Louis XVI et sa famille à la prison du Temple par Edward Ward
Louis XVI et sa famille à la prison du Temple par Edward Ward

Le 29 septembre 1792

Louis XVI est séparé de sa famille et conduit au deuxième étage tandis que le troisième étage est réservé à Marie-Antoinette, Ses deux enfants et Sa belle-sœur, Madame Elisabeth.

À partir du 25 octobre 1792

Louis-Charles est confié à la garde de son père, qui poursuit son éducation avec le valet de chambre Cléry. Il est séparé de sa mère qu’il peut retrouver à l’occasion des promenades et repas.

 

Louis XVI s'occupant de l'éducation de son fils dans la Tour du Temple, Anonyme

Le 11 décembre 1792

Le Dauphin est à nouveau confié à Marie-Antoinette lorsque commence le procès de Louis XVI.

En attendant les envoyés de la convention, Louis XVI se permet une dernière partie de quilles avec son fils. Une fois celui-ci emmené chez sa mère, Louis XVI attend encore plusieurs heures et se plaint ensuite du temps manqué avec son fils.

Le lit de l’enfant n’étant pas emmené chez sa mère, il passe la nuit dans celui de sa mère.

Le procès commencé, le Roi ne peut communiquer avec sa femme et sa sœur. On lui accorde le droit d’avoir ses enfants auprès de lui mais à la condition d’être eux aussi séparés de leur mère. Louis XVI refuse d’occasionner un tel chagrin à sa femme et sacrifie ainsi un ultime bonheur.

Le 20 janvier 1793

Louis-Charles revoit son père pour un dernier adieu.

Détail d'une gravure représentant Louis XVI enseignant à son fils Louis-Charles au Temple
Louis XVI se voyant annoncer le début de son procès le 11 décembre 1792 et profitant de ses derniers moments avec son fils ( Les Années Terribles, 1989)
Début du procès de Louis XVI à la Convention, le 11 décembre 1792 (film La Révolution française, partie 2 Les Années Terribles, 1989)
Les adieux de Louis XVI par Benjamin Warlop

Le 21 janvier 1793

Louis XVI est exécuté, place de la révolution, anciennement place Louis XV.

 Aux yeux des royalistes, le Dauphin Louis-Charles succède à son père, en vertu du principe selon lequel la continuité dynastique est automatique en France (un nouveau Roi succède au Roi précédent dès l’instant de la mort de ce dernier). Sous le nom de Louis XVII, il est reconnu comme tel par le comte de Provence, frère cadet de Louis XVI et futur Louis XVIII, alors émigré à Hamm, près de Dortmund en Westphalie. Les Vendéens et les Chouans, mais aussi de fidèles royalistes dans d’autres provinces, se battent en son nom. Leurs étendards portaient l’inscription : « Vive Louis XVII ».

Le comte de Provence s’autoproclame Régent et proclame le Dauphin Roi de France Louis XVII.

Images de Marie-Antoinette de Van Dyke
Marie-Antoinette reconnaît alors Son fils comme le nouveau Roi Louis XVII. Image des Années Terribles (1989) de Richard Heffron
Miniature de Louis-Charles de France au Temple, vers 1793-1796
Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke
Assignat à l'effigie de Louis XVII

Mars 1793

Début de l’insurrection en Vendée.

Henri de la Rochejaquelein
Louis-Charles au Temple par Bellanger avant son enfermement

«De notre jeune Roi
Prends pitié ! Dieu puissant,
Dieu bienfaisant !
Contre les oppresseurs,
Que ton bras foudroyant
Signale son pouvoir.
C’est l’effroi du méchant.
C’est le fils de Louis,
C’est le sang de Henri,
Ce sang chéri !
Que ses titres sacrés
t’intéressent pour lui,
Dieu juste, des bons rois,
tu dois être l’appui.
Il est infortuné
Ce jeune et faible Roi,
Tu sais pourquoi.
Il est fils de ces Rois,
Protecteurs de ta loi
Protège un tel enfant,
Venge-le, venge-toi.
Grand Dieu du haut des cieux,
Écoute tes sujets,
Les vrais Français.
Dans leurs justes douleurs,
Exauce leurs souhaits.
Sauve le Roi, la France,
Et donne leur paix.»

Une chanson royaliste pour Louis XVII (1795)

Jacques Cathelineau


Louis-Charles est confié à sa mère au troisième étage du Temple. Les captifs bénéficient à cette époque d’un confort incontestable (baignoire, garde-robe, nourriture abondante). Plusieurs tentatives d’évasion sont fomentées par des royalistes afin de délivrer Marie-Antoinette et Ses enfants.

Marie-Antoinette (Maud Wyler) apprenant les mathématiques à Son fils dans Marie-Antoinette, ils ont jugé la Reine (2018) d'Alain Brunard
Pages d'écriture du petit Roi

Un après-midi, Louis-Charles se blesse un testicule alors qu’il chevauche un bâton. Le docteur Brunier vient le trouver ; il sera soigné par sa mère et sa tante.

Louis-Charles jouant aux quilles dans sa chambre du Temple, image des Années Terribles (1989) de Richard Heffron
Gouache de Jean-Baptiste Mallet: Au centre, assise sur une chaise, se tient Marie-Antoinette, à Sa gauche, Madame Royale, vêtue de blanc sur un fauteuil, et le jeune Louis XVII qui se tient debout. Entre eux Madame Elisabeth. A droite de la composition, deux municipaux surveillent la scène.
Louis XVII au Temple, auteur inconnu
Louis-Charles et Marie-Thérèse au Temple

Le 3 juillet 1793

Par arrêté du Comité de salut public du 1er juillet 1793, Louis-Charles est enlevé à sa mère et mis sous la garde du cordonnier Antoine Simon (« l’instituteur » désigné sait pourtant à peine écrire) et de sa femme, qui résident au Temple.

Image de Marie-Antoinette de Van Dyke

Ce n’est que lorsque les envoyés du Comité de salut public La menacent de s’en prendre à la vie de Ses enfants que Marie-Antoinette les laissent emmener Son Chou d’amour qui logera dans l’ancien «appartement» de Louis XVI, un étage en dessous…

Le cordonnier Simon

Pendant une heure, la Reine lutte pour convaincre les cinq municipaux de Lui laisser Son fils… en vain…

Image de Marie-Antoinette de Van Dyke
La Fin de la royauté (1910) Louis-Charles est enlevé à sa famille. La Reine est interprétée par Sarah Bernhardt
Image des Années Terribles (1989) de Richard Heffron

La Reine reste avec Sa fille et Sa belle-sœur. Elle guette les passages de Son fils dans l’escalier du Temple.
Louis-Charles est enfermé au deuxième étage, le but est alors d’en faire un petit citoyen ordinaire et de lui faire oublier sa condition royale.

Tous les jours, le petit garçon subit rosseries et humiliations. Alors qu’il ne cesse de pleurer l’absence de sa mère à laquelle on l’a arraché pour le livrer à Simon, il est sommé de jurer fidélité à la République, et d’apprendre par cœur des chants révolutionnaires et paillards. Il résista noblement au début, exigeant même qu’on lui montrât le décret ayant ordonné tant de souffrances puis, brisé, il dut se soumettre à toutes les exigences de son maître.

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Louis XVII dans Marie-Antoinette, ils ont jugé la Reine (2018) d'Alain Brunart

Pour le jeune Louis XVII, les humiliations étaient pires encore quand Simon amenait avec lui dans la tour ses amis de beuverie, devant lesquels il aimait se vanter, démonstration à l’appui, de mater le jeune Roi de France.

Louis XVII au Temple par Charles-Ambert Wahlain

Depuis qu’il a été séparé de sa mère Marie-Antoinette, le jeune Louis XVII vit au second étage de tour du Temple, sous la tutelle du cordonnier Antoine Simon (1736-1794), un révolutionnaire fanatique que la Convention a chargé «d’éduquer » le jeune Roi et à son épouse Marie Jeanne, née Aladame (1746-1819). Ne pouvant sacrifier un tel otage, les révolutionnaires ont trouvé une solution intermédiaire pour éliminer cette incarnation de la royauté qu’est Louis XVII : en faire un parfait sans-culotte.

Louis XVII servant Simon le Cordonnier
Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
Image de Ils ont jugé la Reine (2018) d'Alain Brunart

Louis-Charles déplore qu’il est « toujours seul » et que « sa mère n’est pas là pour l’aider ». Il croit que sa mère se trouve dans l’une des autres tours et il veut désespérément la voir, incapable de comprendre pourquoi Elle ne peut pas venir. 

Le 2 août 1793

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

Le 6 août 1793

La ville de Montbrison s’étant soulevée au cri de « vive le Roi Louis XVII ! », Simon présenta le petit prince à la cantonade en déclamant : « Voici le Roi de Montbrison. Je m’en vais l’oindre, l’encenser et le couronner ! »

Et, joignant le geste à la parole, il l’oignit en lui renversant son verre sur la tête et en lui frottant douloureusement les cheveux, l’encensa en lui soufflant des bouffées de sa pipe à la figure et le couronna en le coiffant du bonnet phrygien. Devant la petite figure rouge de colère et de honte du jeune Louis XVII, Simon demanda alors : « Que me ferais-tu, Capet, si tes amis te délivraient et si tu devenais Roi de France pour de vrai ? »

Et alors cet enfant imposa le silence et le respect à tout le monde en répondant : « Je vous pardonnerais ».

La vie de Louis XVII se déroule sous la garde des époux Simon qui n’ont pas envers le jeune Roi le comportement cruel que les historiens leur attribueront. Antoine Simon est un personnage rude, il est vrai, et a un langage quelque peu grossier que Louis XVII apprend… mais sa femme sait donner à l’enfant des soins attentifs en lui donnant une nourriture abondante, des vêtements bien entretenus et en lui achetant même des jouets.

Le docteur Thierry, médecin des prisons et nommé par la Commune (il a remplacé le dimanche 12 mai 1793 les docteurs Brunier, médecin des Enfants de France depuis 1788 à Versailles, et La Caze, chirurgien), qui visite souvent l’enfant, trouve toujours ce dernier en bonne santé, sauf un mal qu’il soigne rapidement. Madame Royale, dont le Journal fut « corrigé » par son oncle usurpateur, Louis XVIII (dans le but d’accréditer une mort ultérieure survenue au Temple), insinua que l’état de santé déficient du jeune Roi aurait commencé à se manifester dès juillet 1793. Toutefois, les rapports faits par le Docteur Thierry indiquent la bonne santé générale de Louis XVII et, de façon détaillée, les remèdes prescrits et les menus des repas donnés à celui-ci. (Cf. Archives Nationales. F. 7-4392. Police Générale. Prisonniers du Temple, f.42. Commission des secours publics).

Le 30 septembre 1793

Jacques-René Hébert, qui est substitut du Procureur de la Commune, reçoit de Simon un billet le pressant de venir le voir au Temple en toute urgence ; il a des informations importantes à lui transmettre. Cela concerne, comme on va le voir, Louis XVII. Hébert s’exécute.

On ignore sous quelle perfide incitation Simon alerta Hébert pour lui rapporter ces terribles accusations. Toutefois, en réfléchissant un peu, on comprend tout le manège monté par les responsables de la Commune – dont le Procureur était P-G. Chaumette- pour perdre la Reine en souillant le jeune Roi. En effet, on sait que la Commune a en charge la gestion de la prison du Temple et des prisonniers de celle-ci ; le Procureur Chaumette et son adjoint ont donc un pouvoir hiérarchique sur Simon. Il n’est, par conséquent, point difficile de soupçonner cette mise en scène :Simon, sur ordre d’Hébert, son supérieur, adresse un billet à ce même Hébert pour faire croire qu’il se passe des jeux troubles au Temple… Tout ceci, pour obliger l’enfant-Roi de déposer si affreusement contre ses parentes. On ignore aussi les conversations qui s’échangent entre eux et Louis XVII pendent toute une semaine !..

La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur
Détail de  Louis XVII dans la Tour du Temple par Charles-Albert Walhain

Toute une semaine pour amener le pauvre enfant à signer une déposition à l’encontre de sa mère et de sa tante ! Ce délai- du 30 septembre au 6 octobre 1793, jour de la signature du procès-verbal par le jeune Roi, laisse supposer que des pressions, des menaces, des promesses furent faites à celui-ci ou simplement un peu d’alcool… pour l’amener à cette signature.

Ce qui est évident est que la rédaction – bien solide par ses tournures juridiques et bien insidieuse par ses détails scabreux – n’a pu être faite par un enfant de huit ans…

 

 

 

Le 6 octobre 1793

  • Affaire Louis XVII-Naundorff, Naundorff, « roi de France », voyant, gourou … et imposteur!« , par Paul-Eric Blanrue http://www.zetetique.org/naundorff.html
  • http://louisxvii.canalblog.com/
  • Louis XVII : la vérité (2000) de Philippe Delorme ; éditions Pygmalion
  • Louis XVII, l’enfant du temple ; son portrait authentique mais oublié. Le crime de la République, article d’Emile Mourey, le 10 mars 2020 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/louis-xvii-l-enfant-du-temple-son-222177
  • Louis XVII et les Mystères du Temple (1994) de Pierre Sipriot aux éditions l’Archipel
    • Sources :

      • Le Roi Perdu (1931) d’Octave Aubry
      • Louis XVII (2017) d’Hélène Becquet ; chez Perrin
      • https://gw.geneanet.org/darbroz?fbclid=IwAR3BNJcih_ZteJtbwpkj5Zd-n-TB7aEOcl9mvKxN6xs-S0Gkcc8Zeyi1VR0&lang=en&n=de+france&nz=theze&oc=1&p=louis+charles&pz=rose documents répertoriés par Charles-Olivier Blanc
      • Affaire Louis XVII-Naundorff, Naundorff, « roi de France », voyant, gourou … et imposteur!« , par Paul-Eric Blanrue http://www.zetetique.org/naundorff.html
      • http://louisxvii.canalblog.com/
      • Louis XVII : la vérité (2000) de Philippe Delorme ; éditions Pygmalion
      • Louis XVII, l’enfant du temple ; son portrait authentique mais oublié. Le crime de la République, article d’Emile Mourey, le 10 mars 2020 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/louis-xvii-l-enfant-du-temple-son-222177
      • Louis XVII et les Mystères du Temple (1994) de Pierre Sipriot aux éditions l’Archipel

      Pour Jean-Claude Pilayrou, Louvel serait Louis XVII

      Le 17 août 1833

      Âgée de soixante-dix ans, Madame Agathe Mottet Rambaud, fait la déposition suivante :

      « Dans le cas où je viendrais à mourir avant la reconnaissance du Prince, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, je crois devoir affirmer ici par serment, devant Dieu et devant les hommes, que j’ai retrouvé, le 17 août 1833, Monseigneur duc de Normandie, auquel j’eus l’honneur d’être attachée depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792, et comme il était de mon devoir d’en donner connaissance à S. A. R. Madame la duchesse d’Angoulême, je lui écrivis dans le courant de la même année. Je joins ici la copie de ma lettre. Les remarques que j’avais faites dans son enfance sur sa personne ne pouvaient me laisser aucun doute sur son identité partout où je l’eusse retrouvé. Le Prince avait, dans son enfance, le col court et ridé d’une manière extraordinaire. J’avais toujours dit que si jamais je le retrouvais, ce serait un indice irrécusable pour moi. D’après son embonpoint, son col ayant pris une forte dimension est resté tel qu’il était, aussi flexible. Sa tête était forte, son front large et découvert, ses yeux bleus, ses sourcils arqués, ses cheveux d’un blond cendré, bouclant naturellement. Il avait la même bouche que la Reine et portait une petite fossette au menton. Sa poitrine était élevée; j’y ai reconnu plusieurs signes alors très-peu saillants, et un particulièrement au sein droit. La taille d’alors était très cambrée et sa démarche remarquable. C’est enfin identiquement le même personnage que j’ai revu, à l’âge près. Le prince fut inoculé au château de Saint-Cloud, à l’âge de deux ans et quatre mois, en présence de la Reine, par le docteur Joubertou, inoculateur des Enfants de France; et de la Faculté, les docteurs Brunier et Loustonneau. L’inoculation eut lieu pendant son sommeil, entre dix et onze heures du soir, pour prévenir une irritation qui aurait pu donner à l’enfant des convulsions, ce qu’on craignait tous que ce sont les mêmes marques que j’ai retrouvées, auxquelles on donna là forme d’un triangle. Enfin j’avais conservé, comme une chose d’un grand prix pour moi, un habit bleu que le Prince n’avait porté qu’une fois. Je le lui présentai en lui disant, pour voir s’il se tromperait, qu’il l’avait porté à Paris. «Non, Madame; je ne l’ai porté qu’à Versailles, à telle époque. » Nous avons fait ensemble des échanges de souvenirs qui, seuls, auraient été pour moi une preuve irrécusable que le Prince actuel est véritablement ce qu’il dit être : l’orphelin du Temple. »
      Agathe Mottet – Veuve de Rambaud, attachée au service du Dauphin, duc de Normandie, depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792.

      En 1837

      « Je déclare ici et sur mon honneur et devant Dieu que le fils de Louis XVI est mort dans mes bras dans la tour du Temple. … Toute ma vie j’ai dit la vérité, ce n’est pas quand j’atteindrai [la fin] que je la trahirai

      Etienne de Lasne, dans une lettre à A. Beauchesne

      Au début de 1841

      Sous la signature de Gozzoli, rédacteur-gérant de La Voix d’un proscrit, Laprade (qui avait été affublé du titre de « président du conseil de l’Eglise catholique évangélique« ) et cinq autres compères, publièrent un désaveu cinglant de leur adhésion à la cause naundorffiste. (Nous savons par l’abbé Laprade que Morel de Saint-Didier lui-même, sans signer le document, en partageait l’esprit.) Ils y rapportent comment, ayant enquêté sur le passé du bonhomme, ils ont été contraint de conclure à la supercherie. Ils mettent en cause la réalité des apparitions, la moralité personnelle de leur ancien «roi», soulignent les contradictions de la doctrine – bref, ils sapent l’édifice qui les a portés pendant tant d’années.

      Le 22 juin 1841

      L’abbé Laprade écrivait une lettre sévère, à la mesure de sa tristesse et de ses remords :

      « Pauvre sire de Normandie qu’as-tu fait de ta baguette, que sont devenus tes talismans imaginaires?(…) quand je songe à mes dispositions d’autrefois et à mes sentiments d’aujourd’hui, je suis si honteux et humilié de mon passé que je voudrais être trois fois taupe pour ne plus le voir et trois mille fois lièvre pour ne plus le rappeler. Quoi! des hommes généreux et intelligents avaient pu planter un drapeau près de l’hôtel de Camberwell? Ils avaient pu faire à cet homme l’honneur de le regarder comme pouvant être de quelque poids dans la balance des destinées humaines…ma foi, ma foi; convenons-en, nous étions en démence. Aussi, dès que j’ai eu aperçu le bout des oreilles de notre Guillot je l’ai fui à toutes jambes et je cours encore.

      Le 10 août 1845

      « Nous soussignés, docteurs-médecins en fonctions à Delft, Jean Soutendam et Jean-Gérard Kloppert, autrefois Officier de Santé, et comme tel adjoint comme médecin consultant par feu Son Excellence le ministre List, déclarons avoir traité en 1845 celui qui se nommait Charles-Louis de Bourbon duc de Normandie. 

      « Beaucoup d’intérêt fut témoigné à l’auguste malade. Des bulletins furent envoyés journellement sur l’état de sa santé au ministre susdit, qui de temps en temps vint en personne prendre des informations. […] Les pensées du malade s’arrêtaient principalement sur feu son malheureux père, Louis XVI, sur le spectacle effroyable de la guillotine ; ou il joignait les mains pour prier et demander, avec des paroles entrecoupées, de bientôt rejoindre au ciel son royal père. Presque jusqu’au dernier soupir ce fut ainsi. Et Charles-Louis de Bourbon mourut en notre présence le 10 août 1845. »

      Témoignage des deux médecins qui soignèrent «Naundorff» jusqu’à sa dernière heure, Delft, le 30 mai 1872

      On a retrouvé sur le corps du dénommé Naundorff les sept spécificités corporelles qu’auraient eues Louis XVII et qui étaient connues et témoignées selon certains, et également archivées dans les rapports médicaux (Archives de Versailles), sans que les naundorffistes ne montrent cette pièce en question.

       

      Cette pièce importante se trouve à Deft : Archives Notariales de Deft et copie conforme au Archives Bourgmestrales – volume 46, folio 35, verso 3 à 7.

       

       

       

      Voici le procès verbal :  

      « Aujourd’hui 12 août 1845, le soir à 6 heures et à la requête de Charles Edmond de Bourbon, aussi connu sous le nom de Naundorff, demeurant à Deft en la rue dite de Voostrat, section 5, n° 85, accompagné de M. Cornélis Théodorus Van Meurs, major d l’Artillerie, chevalier du Lion néerlandais, du Maître Jacobus Van Buren, avocat et juge demeurant à…et connu de moi, notaire.. »

       

      Karl-Wilhelm Naundorff

      « Moi, notaire, Simon Adrianus Sholten, notaire de l’arrondissement de la Haye, résidant à Deft, assisté de Messieurs Carel Heyne den Back, employé au secrétariat de la Vielle et de Adriaan Mardus Schagen Van Leewen, employé à mon étude, connus de moi, notaire, je me suis rendu à une maison située à l’Oude-Deft, section2, n°62 à Deft où le requérant m’a montré dans une des chambres un cadavre qu’il déclara à moi, notaire, être celui de Charles Louis, Duc de Normandie ( Louis dix-sept), ayant été connu sous le nom de Charles Guillaume Naundoff, né au Château de Versailles en France, le 27 mars 1785 … »« Le requérant, Charles Edmond de Bourbon, fait cette déclaration en présence des ci-dessus nommés Van Meurs et Van Buren qui déclarent par ceci reconnaître le cadavre montré pour celui du père du requérant. »« Ainsi furent présents : M. Jean Sontendam, docteur-médecin, demeurant à Deft, Louis Snabilié, docteur-médecin, premier officier de Santé de la 2ème classe, chevalier de l’Ordre Militaire de Guillaume, Joannes Gerdus Kloppert, docteur médecin et accoucheur, officier de santé de 2ème classe, demeurant à Deft, connus de moi, notaire lesquels Messieurs déclarèrent reconnaître le cadavre montré pour celui de la personne qu’ils on traitée médicalement en sa dernière maladie. »

       

      « Et le requérant a prié les médecins susnommés d’expliquer leurs expériences des signes extérieurs qui caractérisaient le cadavre et après avoir examiné à cette fin le cadavre prescrit, les nommés médecins ont noté les signes suivants :.. »

        Sont énumérées les sept spécificités corporelles qu’avaient Louis XVII :

      1. Le naevius maternus à la cuise ;
      2. L’excroissance du sein droit ;
      3. Le cou très ridé ;
      4. Disposition des deux incisives sortantes « en lièvre » au milieu de la denture inférieure ;
      5. Forme du front large et fort, fuyant et s’évasant ;
      6. Disposition des yeux bleus avec leurs arcades sourcilières arquées avec un écartement si précis « qu’il comportait entre eux une distance égale à la longueur d’un œil » ;
      7. Anomalie de la forme du lobe des oreilles, notamment de l’oreille droite (nettement visible sur la photo représentant Naundorff su son lit de mort et identique à celle d’un portrait de Louis XVII enfant).

        Ce constat se termine ainsi :

      « Le requérant m’a prié, moi, notaire, de donner acte en minute de tout ce qui précède et qui est ci-dessus mentionné et, après lecture faite au requérant, aux témoins assistants, aux médecins sus-nommés et aux témoins ici-présents : Carel Heyne Van Back et Adriaan Marius Schagen Van Leeuwen, tous deux ci-dessus nommés, toutes ces personnes ont signé. »

      Signé :Charles Edmond de Bourbon, Van Meurs, Van Buren, Jean Soutendam, Dr Snabilié, Dr Kloppert, C. Heyne den Back, A.M. Scagen Van Leewen, S.A ?. Scholten, notaire. »

      Enregistré à Deft, le 13 août 1845, volume 46,folio 35, verso 3à 7. reçu 80 cents pour droits et 38 additionnels, ensemble 1 florin 10 cents et demi. Deux feuilles, six renvois

      Le receveur : signé : V.D. Mandèle « Pour signé conforme : signé SA Scholten, notaire »

      Le cas Richemond

      Claude Perrin naquit à Lagnieu (Ain) le 7 septembre 1786. Il est bossu, ayant une épaule plus haute que l’autre. C’est d’ailleurs lui-même qui le précise lorsqu’il doit se défendre devant la Justice de ses supercheries. Il est cependant soldat et ceci lui donne le goût de la tenue militaire qu’il arbore fièrement. Il parle de lui à la troisième personne, ce qui démontre un dédoublement de la personnalité ou une haute opinion de soi, les deux possibilités ne s’excluant l’une l’autre.

      Claude Perrin, dit baron de Richemond

      On ne sait d’où lui vient l’idée du nom qu’il adopte (« Richemond »), du titre qu’il s’accorde (« baron ») ni, enfin, de l’idée de jouer le rôle d’un faux Dauphin. Il est vrai que la rumeur de l’évasion de Louis XVII battait son plein dans les campagnes de France et Claude Perrin, presque du même âge que Louis XVII, à un an près, doté de cheveux châtain clair, entrevoit peut-être un autre rôle à tenir sur la scène de la vie que celui auquel le destin le prédispose. En 1831, il écrit et publie lui-même un livre : « Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI », puis en 1846 il publie «Mémoires d’un contemporain », livre qui contredit le premier.

      Dans le premier récit (« Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI »), le faux Dauphin Richemond n’indique ni date, ni nom, ni désignation précise d’aucun lieu susceptible de décrire les situations vécues par le vrai Roi ; il ne sait même pas quand, à quelle date et comment eut lieu l’évasion du Temple ; ses propos sont contradictoires mais, apparemment, cela et ne le gênait pas pour persévérer dans ses mensonges. Ainsi désavoua-t-il son premier livre : par exemple, il supprime l’épisode dans lequel il vécut chez « les Sauvages ». ; il avait dit qu’il avait passé « plus de six ans, tout seul, nu comme eux, le corps peint, etc. Ces Sauvages s’appelaient les Mamelucks. ». Il prétend, de plus, avoir eu la petite vérole dans la Tour du Temple ; or Louis XVII avait été inoculé et n’eut jamais cette maladie.

      « Richemond » fut reconnu par des personnes qualifiées : madame Bequet, qui avait été au service de Marie-Antoinette jusqu’au 10 août 1792; madame Fillette, qui avait été fille de garde-robe du Dauphin ; madame de Rambaud, berceuse du Dauphin… Ce sont là, à l’évidence, les déclarations de Perrin qui, en réalité, ne reçut jamais un témoignage de reconnaissance réelle, écrit, daté et signé sous serment et déposé devant une Instance officielle quelconque (Tribunal, Police, Notaire..).

      Il raconte dans « Mémoires d’un contemporain » que trois ans auparavant, en 1843, il rencontra madame de Rambaud, que celle-ci le reconnut bien évidemment en tant que Louis XVII mais comme elle avait auparavant reconnu aussi en Naundorff le Roi, qu’elle aurait décidé de « s’en remettre au Ciel pour faire un choix » (ibidem – page 370). Il est patent que ces propos sortirent du cerveau déséquilibré de Perrin et non de la bouche de Madame de Rambaud. Il précise qu’il « n’a pas revu cette dame depuis ce jour », ce qui est étrange car cette reconnaissance était très importante pour Madame de Rambaud ; aurait-elle évité de revoir celui qu’elle avait chéri ?

      La petite fille de de madame de Rambaud, dans une lettre datée du 26 janvier 1884 et adressée l’Abbé Laurent (curé de la paroisse de Sainte Marguerite sur Duclair), écrivit :

      « Je m’empresse de satisfaire votre demande. Madame de Rambaud, ma grand-mère, a, en effet, reconnu Louis XVII dans la personne du prétendant Naundorff et n’en a reconnu d’autres. Richemont, il est vrai, s’est fait présenter à elle ; mais à ma connaissance il n’en est rien résulté pour ce personnage de cette entrevue….son frère (le frère – Charles- de son beau-père, Casimir Verger) a connu M. de Joly, que j’ai vu moi-même chez ma grand-mère et qui, comme elle, a attesté ses convictions…Signé L. Verger, née de Rambaud »

      Madame de Rambaud vivra encore dix années après la supposée rencontre avec « Richemond » ; elle meurt le 18 octobre 1843 en n’ayant jamais renié la reconnaissance en Naundorff le Roi qu’elle avait élevé pendant sept années. La petite-fille de Madame de Rambaud, Ernestine de Rambaud, dans une lettre qu’elle écrivit en juin 1849 affirma la fidélité de sa grand-mère à cette reconnaissance capitale : « Encore aujourd’hui elle (Madame de Rambaud) ne doute pas de son identité (Louis XVII=Naundorff)».

      Une lettre écrite par le soi-disant baron de Richemont, tentant d'exiger légalement que Marie- Thérèse, la duchesse d'Angoulême, déclare nuls et non avenus les actes de décès liés à Louis XVII et «restaure les droits» de son statut. Cette lettre est écrite en 1849;  Marie-Thérèse est une femme de soixante-dix ans vivant en exil à Frohsdorf. Les hommes qui prétendaient être son frère l'ont harcelée avec de telles lettres et ont tenté de faire pression sur la justice pour qu'elle reconnaisse leur « véritable identité» jusqu'à sa mort.

      Comme Hergavault, Richemond sait séduire et comme de très nombreuses personnes espéraient retrouver Louis XVII, elles acceptèrent de le rencontrer mais jamais elles ne le reconnurent vraiment ; une seule rencontre et aucune reconnaissance. Lors du procès de Perrin, la Cour ne retint que les dépositions écrites de Mesdames Bequet et Fillette (respectivement le 20 décembre 1842 et le 15 juillet 1844) dans lesquelles elles déclarent seulement avoir rencontré « Richemond » une seule fois, sans préciser une reconnaissance quelconque.

      Claude Perrin meurt à Gleize (Rhône) le 10 août 1853, huit ans jour pour jour après Naundorff…

      Perrin/Richemond, Hergavault, Bruneau, Williams, Mévès… tous ces « faux Dauphins » avaient des yeux marrons et seul, un « faux Dauphin » avait les yeux bleus : « Naundorff ». Louis XVII avait les yeux bleus…

      En 1943

      André Castelot soumet au Docteur Locard, directeur du laboratoire de Police Technique de Lyon, une boucle des cheveux du «Dauphin», propriété de l’abbé Ruiz, jointe à une mèche de Naundorff, qui lui avait été remise par le baron de Genièbre. Le but était de chercher si les cheveux correspondent ou non. Selon les naundorffistes, la confrontation, pratiquée d’après des microphotographies, donnerait des résultats époustouflants : les deux échantillons comporterait la même excentration du canal médullaire, un caractère jugé très rare par l’expert lyonnais. L’identité d’origine des deux mèches de cheveux semble irrécusable : pour les partisans de Naundorff, comment croire que cette excentration, si exceptionnelle, est due à la seule intervention du hasard?

      En 1947

      Alain Decaux (1925-2016) publie son premier livre, Louis XVII retrouvé,  et soutient la thèse survivantiste _ ou naundorffiste_ qui perd par la suite tout crédit chez les historiens. Le futur ministre se ravisera d’ailleurs de cette conclusion de jeunesse.  

      En septembre 1950

      Le cercueil de Naundorff est ouvert à Delft, sous la conduite du Docteur Hulst, médecin expert près les tribunaux hollandais. Castelot, pour s’assurer des conclusions de la première analyse, prie ce dernier d’envoyer à Locard une mèche provenant directement du squelette. Il fait bien. On procède à une seconde expertise.

      Le 4 mai 1951

      La sentence de la trichoscopie tombe, terrible pour le camp survivantiste. Locard écrit dans son rapport :

      « Ces cheveux, d’origine indiscutée, ne présentent pas l’excentrement caractéristique. Ainsi donc les cheveux de Naundorff (…) ne sont pas identiques à ceux de Louis XVII». Le Dr Locard, qui avait entre-temps reçu, par le biais du marquis de Tinguy, d’autres cheveux provenant de Louis XVII qu’il a également analysés, ajoute qu’il semblait établi «que le Dauphin présentait une anomalie capillaire caractéristique» non retrouvée chez Naundorff. Les cheveux n’appartenaient pas à la même personne. La «preuve scientifique», qui, c’est le cas de le dire, n’avait tenu qu’à un cheveu, tombait à l’eau.»

      Le spécialiste lyonnais confiera plus tard à Castelot que les deux premières mèches étaient si semblables, qu’il était fort possible que toutes deux aient été prises sur le crâne de Louis XVII.

      En 1975

      La relique du cœur Pelletan, récupérée par de la famille lointaine de Louis XVII, finit par être donnée à la basilique de Saint-Denis par la princesse Massimo.

      Coeur de Louis XVII

      En 1996

      Après cinq ans d’enquêtes, Paul-Éric Blanrue a conclu à l’imposture du dénommé Naundorff (Le mystère du Temple, la vraie mort de Louis XVII, Claire Vigne éditrice, 1996, p. 229-287) et à la réalité de la mort du petit Roi à la date mentionnée par l’état civil. Il a repris cette thèse dans la préface des Souvenirs de la duchesse d’Angoulême (Communication et Tradition, 1997) dont il a établi l’édition critique, ainsi que dans une dizaine d’articles. Ni Alain Decaux, ni André Castelot, ni personne, n’y a répondu.

      En 1998

      Des analyses sont menées par l’Université de Louvain et le CHU de Nantes à partir de cheveux et de fragments d’humérus de Naundorff et de cheveux des descendants des sœurs de Marie-Antoinette. Conclusion : les restes de Naundorff ne sont pas ceux du dauphin Louis XVII.

      En 1999-2000

      L’historien – journaliste Philippe Delorme contacte la noblesse française afin que le cœur du petit décédé le 8 juin 1795 soit analysé avec la méthode ADN. Le résultat est que le cœur examiné était celui d’un parent de Marie-Antoinette, donc en principe de Louis XVII.

      Monsieur Delorme a officiellement mis un terme à cette énigme; mais certains avancent que le cœur est celui du frère de Louis XVII, décédé en 1789. Le cœur embaumé de cet enfant a disparu sous la Restauration. Une bataille acharnée se déroule depuis entre Mr Delorme et les partisans de l’autre thèse. Mais une médecin-légiste a affirmé au cours d’une émission diffusée en janvier 2007 qu’elle serait bien en peine de faire la différence entre un cœur embaumé (frère de Louis XVII) et un cœur non embaumé (cœur du décédé le 8 juin 1795).

      Monsieur Delorme devait rechercher le cœur du frère ainé de Louis XVII. Il n’y a pas eu de suite : la tombe de Louis-Joseph a, en effet, été ouverte et vidée le 16 octobre 1793 !

      En 2004

      De nouveaux prélèvements sont effectués sur le squelette de Naundorff. On procède à des analyses en Hollande et en Autriche, mais la famille dite de Bourbon n’a pas fait connaître les résultats.

      Ce semble éloquent …

      Le 8 juin 2004

      Pour le professeur Jean Tulard, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, appelé par le ministre de la Culture à donner son avis sur le dépôt du cœur de Louis « XVII », l’analyse de l’ADN du cœur, conjuguée avec l’enquête menée sur son origine et les péripéties de son histoire, est suffisante pour attester de la mort du prince au Temple.

      Sources :

      • Le Roi Perdu (1931) d’Octave Aubry
      • Louis XVII (2017) d’Hélène Becquet ; chez Perrin
      • https://gw.geneanet.org/darbroz?fbclid=IwAR3BNJcih_ZteJtbwpkj5Zd-n-TB7aEOcl9mvKxN6xs-S0Gkcc8Zeyi1VR0&lang=en&n=de+france&nz=theze&oc=1&p=louis+charles&pz=rose documents répertoriés par Charles-Olivier Blanc
      • Affaire Louis XVII-Naundorff, Naundorff, « roi de France », voyant, gourou … et imposteur!« , par Paul-Eric Blanrue http://www.zetetique.org/naundorff.html
      • http://louisxvii.canalblog.com/
      • Louis XVII : la vérité (2000) de Philippe Delorme ; éditions Pygmalion
      • Louis XVII, l’enfant du temple ; son portrait authentique mais oublié. Le crime de la République, article d’Emile Mourey, le 10 mars 2020 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/louis-xvii-l-enfant-du-temple-son-222177
      • Louis XVII et les Mystères du Temple (1994) de Pierre Sipriot aux éditions l’Archipel

      Jacques-René Hébert est guillotiné : lors de son trajet de la conciergerie à la place de la Révolution, il est hué par le peuple. Quand vient son tour de « jouer à la main chaude » (« être guillotiné »), Hébert doit être traîné à l’échafaud : sa tête montrée par le bourreau est saluée par des quolibets.

       

      Il est vraisemblable que le Comité de salut public, au moment ou la tête de Hébert roule sur l’échafaud, est fixé sur la situation réelle au Temple. Après la mort des hébertistes le Comité de sûreté générale regarde comme inutile la surveillance particulière réduite à deux gardes nationaux pour la famille royale (trois personnes).

      Si l’enfant est mort avant la chute de la Commune hébertiste, les mêmes autorités – la Commune de Pache et Chaumette puis le Comité de salut public -, en admettant que tous soient au courant, feraient en logique tout pour cacher ce décès au public. Mais cela ne prouve pas qu’il y ait eu substitution.

      Les 27 et 29 mars 1794

      Les 7-9 germinal An II une séance de la Commune de Paris :

      «On nomme les membres qui doivent aller au Temple y maintenir l’ordre et la tranquillité; le citoyen Cressant est proposé: plusieurs s’opposent à son admission et lui reprochent d’avoir plaint le sort du jeune Capet (sic), d’avoir même recueilli les noms de ceux qui montent journellement au Temple ». Après délibération le conseil arrête l’exclusion de Cressant du conseil, renvoyé à l’administration de police et scellés sur ses papiers (il ne sortira de prison que plus tard). »

      Moniteur XX, 69 et 154

      On effectue des travaux d’isolation et de confinement strict de l’enfant pour prévenir tout enlèvement. Quatre commissaires sont nommés à cet effet (Moniteur XIX, 239). Depuis cette date sept membres du conseil général de la Commune forment la nouvelle commission spéciale de la surveillance du Temple.

      Le Roi semble mieux traité. voir Ng p 564

      Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke

      Le 8 mai 1794

      On vient chercher Madame Elisabeth au Temple pour la conduire à la Conciergerie.

      Adieux de Madame Royale à Madame Élisabeth

      En mai 1794

      Déposition de Barelle

      D’après une dépêche conservée dans les Dropmore papers, Robespierre aurait sorti Louis-Charles (peut-être un autre enfant) de la prison du Temple et l’aurait conduit à la forteresse de Meudon en mai 1794, répétition d’une opération qui pourrait avoir lieu au cas où les armées ennemies encercleraient Paris. On sait que le vieux château de Meudon est alors devenu un arsenal et une réserve de poudre. Si l’information donnée par l’informateur du gouvernement anglais est exacte, on trouve une logique immédiate qui tient à l’inquiétude de Robespierre. Celui ci avait de bonnes raisons de penser que tôt ou tard les armées coalisées encercleraient la capitale. Cette hypothèse n’est pas à rejeter absolument. Pour négocier une porte de sortie pour lui et les membres des comités on peut penser qu’ils avaient l’intention de mettre dans la balance la vie même de l’enfant du Temple qu’on transporterait hâtivement du Temple à Meudon, avec la menace dissuasive d’une explosion des réserves de poudre et le sacrifice de l’otage (cette hypothèse a davantage de sens qu’un nébuleux projet d’exfiltration de cet enfant dont Robespierre se serait rendu complice… mais l’information est peut-être simplement inexacte. Quoi qu’il en soit de ce pont particulier qui a donné lieu à de nombreuses spéculations fantaisistes, les dépêches, issues des Dropmore papers (Public Record office à Londres), sont utilisées et discutées par MM. de Beaucourt et Gustave Bord, historiens «royalistes» qui contrairement à MM. Alphonse Aulard et Albert Mathiez (dont les théories y sont parfois mises à mal), pensent qu’elles contiennent des vérités. Comme souvent, la «vérité», justement, est entre deux. Les informateurs des cabinets étrangers se trompent ou sont mal renseignés sûrement plus qu’ils ne cherchent à tromper (comme cela a parfois été exagérément soutenu par Jacques Godechot).

      Le 10 mai 1794

      Exécution de Madame Élisabeth.

      Madame Royale reste seule au Temple, au dessus de chez son petit frère…

      On sait que la Commune de Paris et la haute administration du ministère de la guerre, à savoir Bouchotte, Ronsin, Vincent, Turreau, Quétineau, Hanriot, Santerre etc. sont, en ce même hiver 1794, au moment de tenter un coup d’état militaire contre la Convention et ses comités tout puissants qu’ils critiqueent. Ils désirent imposer à la France entière le gouvernement de Paris et de ses sections, appuyés sur un conseil de régence dont Jean-Nicolas Pache (1746-1823) serait Grand Juge. On sait aussi que le général Henriot à la veille de la révélation du complot «pachiste» par (selon la tradition) le sieur Souberbielle, lui même médecin de Robespierre qui lui a fait part de ses craintes, est pardonné par Robespierre. Celui-ci demande aussitôt à Saint-Just et aux comités de gouvernement de reprendre la Commune et sa force armée en main, de décapiter sans délai le mouvement popularisé par Hébert et d’épurer la Commune «gangrenée par l’étranger» (Pache est arrêté et remplacé par Lescot de Fleuriot).

      En mai, l’enfant du Temple semble se bien porter, ce qui n’est pas le cas de sa sœur qui doit être accablée de chagrin depuis le départ de sa tante Elisabeth dont elle ignore le sort :

      Ceux qui ont eu l’occasion de voir Louis XVII dans le lieu où les tyrans le retiennent en captivité s’accordent à dire qu’il est de la plus belle figure. On le coëffe d’un bonnet rouge, on l’occupe à faire des souliers, on lui paye son travail avec des sous de fonte des cloches, et on le laisse jouer avec des polissons. Quant à madame, sa sœur, elle a dépéri d’une manière effrayante, on la fait travailler à des chemises pour la nation.

      Extrait des feuilles de Paris du 5 juin (1794), n°164 in Journal de la Guerre du 12 juin 1794, p.1340

       

      Le 11 juin 1794

      Le citoyen Desault chirurgien major du grand hospice de l’humanité de Paris (est) arrêté au moment où il donn(e) sa leçon et conduit à la Maison d’arrêt du Luxembourg. Le citoyen Manoury (est) nommé pour le remplacer provisoirement.

      Extrait des feuilles de Paris du 5 juin (1794), n°164 in Journal de la Guerre du 11 juin, p.1402)

      Le 27 juillet 1794

      Chute de Maximilien de Robespierre ( né le 6 mai 1758), il est guillotiné le lendemain.

      … Antoine Simon fait partie du convoi de la guillotine.

      Marie Jeanne Aladame (1745-1819) la veuve Simon, ancienne domestique entrée aux Incurables en 1796, assurera toujours que l’enfant mort en janvier 1794 fut remplacé, et cela jusque sous la Restauration où, pressée par Decazes elle soutiendra une version contraire. Jusqu’à sa mort, le 10 juin 1819) elle assure néanmoins aux religieuses qui s’occupent d’elle que l’enfant du Temple a été substitué (remplacé), alimentant une rumeur qui a marqué l’historiographie légitimiste.

      Jusqu’au 28 juillet 1794

      Louis-Charles est enfermé au secret dans une chambre obscure, sans hygiène ni secours, pendant six mois. Son état de santé se dégrade, il est rongé par la gale et surtout la tuberculose. Il vit accroupi. Sa nourriture lui est servie à travers un guichet et peu de personnes lui parlent ou lui rendent visite. Ces conditions de vie entraînent une rapide dégradation de son état de santé. L’isolement total dans lequel il est placé laisse planer un certain mystère et donne l’occasion à l’imagination populaire de soulever l’hypothèse de substitution de l’enfant et de son exfiltration, donnant naissance au « mythe évasionniste et survivantiste ».

      Le 28 juillet 1794

      Le député Barras découvre ainsi un enfant mutique, brisé psychologiquement. Les comités de salut public et de sûreté générale nomment Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section du Temple, pour le garder, lui et sa sœur.

      Louis XVII au Temple par Gustave Wappers, 1850, musée des Beaux-arts de Belgique

      Son sort s’améliore relativement, mais le prisonnier de la tour du Temple est rongé par la tuberculose, ce qu’omet de signaler Laurent lorsqu’il écrit, sur le bulletin de la tour du Temple, que les prisonniers « se portent bien ».

      Après le 27 juillet 1794

      Après le 9 thermidor, Barras fait désigner comme garde le citoyen Laurent, ancien président de la section du Temple, avec ordre d’améliorer les conditions de détention de l’enfant.

      Le 9 novembre 1794

      Jean-Baptiste Gomin (1757-1841), fils d’un tapissier de l’île Saint-Louis, est nommé adjoint de Laurent et devient gardien des enfants de France à la prison du Temple. L’enfant est décrit en bonne santé mais il doit certainement y avoir des signes avant coureur de sa maladie qu’ils ne perçoivent pas.

      Le 19 décembre 1794

      C’est seulement lors de la visite, le 19 décembre 1794 (et non en mars 1795), des citoyens représentants du Comité de sûreté générale Harmand, Mathieu et Reverchon qu’on constaterait, prétendra beaucoup plus tard Harmand, des anomalies physiques (tumeurs au genou droit et au poignet gauche) et psychologiques (mutisme).

      Entre décembre 1794 et mai 1795

      Aucune disposition sur la santé de Louis Charles n’est prise par l’exécutif. L’indifférence semble prédominer.

      ‘Louis XVII in chains’ by Achille-Joseph-Étienne Valois, 1827. [credit: Photo © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin]

      Cette indifférence à soigner l’enfant pourrait bien avoir un rapport avec les négociations de paix en cours avec l’Espagne qui réclame, entre autres, les deux enfants de Louis XVI. La République craint, elle, d’abandonner son otage qui permettrait à ses ennemis de relancer la coalition et de réactiver la guerre pour organiser une restauration de leur choix. La mort de l’enfant arrangerait la haute politique française.

      Retrouver les portraits authentiques du petit Roi relèverait, si l’on en croit tout ce qui a été dit, écrit et publié, de l’enquête policière. Eh pourtant, c’est bien le peintre Greuze de Tournus qui est la piste la plus intéressante. En 1791, avant l’incarcération de la famille royale, il a fait un premier portrait de l’enfant alors qu’il n’avait que six ans (en dessous, à gauche). Il n’est pas besoin d’être un grand spécialiste pour constater une ressemblance probable avec le portrait oublié que j’ai replacé au milieu, compte tenu, bien entendu, qu’en quatre ans, un visage d’enfant s’allonge mais que certains détails ne changent pas (la bouche avec sa lèvre inférieure déjà bourbonienne, la chevelure, le nez, les yeux). L’enfant a pourtant bien changé. Les épaules sont tombantes, la poitrine étroite et rentrée, le visage émacié. Les joues se sont creusées, la bouche ne sourit pas et le regard n’est plus le même.

      Ce tableau oublié tout à fait inconnu s’est vendu dans une salle des ventes parisienne, le 11 octobre 1981. La description était la suivante : «Portrait présumé du dauphin Louis XVII, attribué à Greuze» L’inscription collée au dos donnait les précisions suivantes : «Portrait du dauphin Louis XVII à l’âge de dix ans. Huile sur toile attribuée à Greuze, non signée, portant en haut et à droite les armes de la famille royale de France.»

      Le tableau est merveilleusement peint. Les cheveux blonds sont d’une grande finesse. L’expression du visage est d’une étrange délicatesse mais révèle un état maladif. Madame Vigée Le Brun, amie de Marie-Antoinette qui fit plusieurs portraits de la famille royale ayant émigré dès 1789, ne peut en être l’auteure. En revanche, plusieurs artistes ont pu peindre l’héritier de la couronne. Tout d’abord Ducreux qui a dessiné Louis XVI au Temple, Prieur qui peignit Marie-Antoinette à la Conciergerie, et tous ceux qui firent les portraits des héros de la Révolution… mais c’est bien le tournusien Greuze qui est la piste la plus crédible. Il était alors à Paris. C’est d’ailleurs l’hypothèse retenue dans le catalogue «Chrysanthemum» qui fait par ailleurs remonter l’origine du tableau jusqu’au baron Mayer de Rothschild.

      Il s’agit de Louis XVII dans sa triste authenticité et non dans une posture académique d’enfant royal.

      Le 31 mars 1795

      Laurent démissionne. Il est remplacé par Etienne Lasne (1757-1841), ancien peintre en bâtiment, de la section Des droits de l’homme.

      Les citoyens Lasne et Gomin traitent l’enfant avec douceur mais son état les inquiète.

      Le 13 avril 1795

      « Un enfant vivant est au Temple : il est incommodé selon un rapport de Sevestre sur le caractère et les signes extérieurs de la maladie.»

      (source ? Moniteur XXIV, 650)

      Le 3 mai 1795 (14 Floréal an III)

      Les gardiens Gomin et Lasne inscrivent sur les registres du Temple « Le petit Capet est indisposé ».

      Le 6 mai 1795 (17 Floréal an III)

      La tuberculose prend un tour critique, caractérisé par l’apparition d’une péritonite.

      Dans les derniers jours de mai 1795

      Les gardiens signalent au comité de Sûreté générale que l’enfant Capet manifeste « une indisposition et des infirmités qui paraissent prendre un caractère grave ».

      Cette fois le gouvernement réagit. Le docteur Desault médecin chef de l’Hôtel Dieu, examine l’enfant et prétend, dit-on, ne pas le reconnaître (ce que confirme son épouse), confirme la gravité de l’état du malade mais … meurt les jours suivants. On le remplace par ses collègues Pelletan, chirurgien, qui observe certains symptômes caractéristiques révélant un stade avancé d’une maladie infectieuse mortelle, et demande confirmation de diagnostique à son collègue Dumangin qui l’approuve. Il s’agit pour eux d’un «vice scrofuleux» qui signifie tuberculose osseuse. Cette maladie a frappé son frère aîné, décédé le 4 juin 1789. Il est possible que les carences en vitamines C et D, le confinement et le manque d’exercice prolongé après le départ des Simon, ou encore l’humidité aient favorisé l’apparition de cette maladie chez Louis-Charles. Il est possible enfin que Marie-Antoinette ait été porteuse saine de cette maladie et l’ait transmise à ses deux fils, mais il n’y a aucune évidence à cela.

      Le Comité « arrête que le premier officier de santé de l’hospice de l’Humanité visiterait le malade en présence de ses gardiens et administrerait des remèdes ». Le docteur Desault passe à cette époque pour être le premier praticien de Paris.

      Pendant tout ce temps, l’état du petit Roi s’est tellement aggravé qu’enfin, à la demande pressante des geôliers, on fait venir un médecin. M. Desault le soigne et lui prescrit quelques remèdes, bien qu’il fait comprendre dès le début à Gomin qu’il a peu d’espoir de guérison pour l’enfant. Ils le déplacent dans une pièce plus claire et ensoleillée, mais il est très faible et le changement ne freine guère la progression de la maladie. Bien que son bon ami le conduise souvent jusqu’à la plate-forme de la Tour, le léger mieux apporté par la respiration de l’air frais compense à peine la fatigue que lui coûte l’effort.

      Le 29 mai 1795

      Desault fait sa dernière visite au malade car il meurt le 1er juin, à l’âge de cinquante-sept ans.

      Madame de Tourzel parvient à s’assurer des contacts avec Gomin et Lasne, anciens commissaires de la Commune de Paris, en charge de la surveillance du petit Roi au Temple. Elle prend connaissance des interventions de Desault et Pelletan, les derniers médecins qui tentent d’adoucir les souffrances de l’enfant … Le témoignage du docteur Jeanroy, « un vieillard de plus de quatre-vingts ans, d’une probité peu commune et profondément attaché à la famille royale. Il (a) été choisi pour assister à l’ouverture du jeune roi ; et pouvant compter sur son témoignage comme le mien propre, (elle) le f(ait) passer chez (elle)».

      De réputation fiable et solide, qui l’a fait choisir par les membres de la Convention pour fortifier de sa signature la preuve que le jeune roi n’a pas été empoisonné.« Ils n'(ont) pas eu besoin d’employer le poison : la barbarie de leur conduite vis-à-vis d’un enfant de cet âge d(oit) immanquablement le conduire au tombeau. Sa bonne constitution prolongea so n supplice ; la malpropreté dans laquelle on le laissait volontairement et le défaut d’air et d’exercices, lui avaient dissous le sang et vicié toutes les humeurs.»

      Madame de Tourzel

      Pour la marquise, le jeune prince est bien mort au Temple.

      Les trois médecins de Louis XVII au Temple meurent presque en même temps

      Le 1er juin 1795

      Mort de Pierre Joseph Desault, né à Vouhenans (Haute-Saône) le 6 février 1738 d’une famille rurale de sept enfants et mort à Paris , il était chirurgien et anatomiste.

      Le 5 juin 1795

      François Doublet, né le 30 juillet 1751,  était médecin de la faculté de médecine de Paris et membre de la société royale de médecine. 

       

      Pierre Joseph Desault

      Le 6 juin 1795

      Le docteur Pelletan, quarante-huit ans, chirurgien en chef de l’Hospice de l’Humanité, succède au docteur Desault.

      Ne voulant pas prendre seul la responsabilité de soigner l’enfant, le Comité de sûreté général lui adjoint le docteur Dumangin, cinquante-et-un ans, médecin chef de l’hospice de l’Unité (Hôpital de la Charité de Paris). Ils n’ont aucun espoir. Ils lui font prendre des médicaments qu’il avale avec difficulté.  Heureusement, sa maladie ne le fait pas beaucoup souffrir ; c’est une débilité et un dépérissement total plutôt qu’une douleur aiguë. Il a plusieurs crises pénibles ; la fièvre le saisit, ses forces diminuent de jour en jour, et il expire sans lutte.

      Dans la nuit du 7 au 8 juin 1795

      Gomin et Lasne alarmés par l’état de santé de l’enfant ont envoyé cherché en urgence le docteur Pelletan. Il répond qu’il viendra demain matin avec le docteur Dumangin.

      Le lundi 8 juin 1795 (20 prairial an III)

      Les docteurs Dumangin et Pelletan arrivent ensemble à onze heures du matin au Temple, l’état de l’enfant s’est aggravé.

      A trois heures de relevée

      Louis XVII meurt dans sa prison, probablement d’une péritonite ulcéro-caséeuse venue compliquer la tuberculose (le « vice scrofuleux » qui a déjà coûté la vie à son frère aîné), à l’âge de dix ans et après presque trois ans de captivité.

      A trois heures de relevée

      Louis XVII meurt dans sa prison, probablement d’une péritonite ulcéro-caséeuse venue compliquer la tuberculose (le « vice scrofuleux » qui a déjà coûté la vie à son frère aîné), à l’âge de dix ans et après presque trois ans de captivité.

       « Le sieur Lasne gardien et moi, nous prêtions nos soins au petit dauphin, et enfin à trois heures (de l’après-midi) lorsque le sieur Gomin fut revenu, l’enfant venait de mourir ». Pelletan arrivé à quatre heures confirme la mort. Le docteur Dumangin arrive à huit heures, il apprend le décès du fils Capet.»

      Témoignage de Damont commissaire civil au Temple

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      Note manuscrite écrite par Jean-Baptiste Gomin, gardien des enfants de France à la prison du Temple, sur les événements concernant la mort du jeune prince. Portant au bas du document une note manuscrite signée Alcide de Beauchesne: «De la main de Gomin, l'un des gardiens du temple au moment de la mort de Louis XVII».

      Les commissaires le pleurent amèrement, tant il s’est fait aimer par ses douces qualités. Il avait beaucoup d’intelligence ; mais l’emprisonnement et les horreurs dont il est la victime l’ont beaucoup changé ; et même, s’il a vécu, il est à craindre que ses facultés mentales ont été atteintes. Le seul poison qui a abrégé sa vie est l’impureté, jointe aux traitements horribles, à la dureté et à la cruauté sans exemple exercés sur lui.

      Le 9 juin 1795

      A onze heures du matin, le chirurgien Philippe-Jean Pelletan réalise son autopsie qui confirme le diagnostic de tuberculose. Il est secondé par trois médecins dont le docteur Dumangin. C’est justement dans ce rapport d’autopsie que le docteur Pelletan va aussi raconter une idée que lui est venue à l’esprit : celle de s’emparer en toute discrétion du cœur de l’enfant mort et le garder dans sa poche. Après, le cadavre du petit Roi va être jeté dans une fosse commune au cimetière de Sainte-Marguerite. Il va le garder dans l’alcool et le cœur va devenir dur comme de la pierre.

      « Vous m’aviez à la vérité proposé d’autres adjoints; et sur mon observation que, d’après les qualités personnelles et les rapports qu’avaient eus M. Pierre Lassus (1741-1807) avec Mesdames de France et Nicolas Dieudonné Jeanroy (1750-1816) dans la Maison de Lorraine, leurs signatures seraient d’un tout autre poids, vous aviez agréé ce choix. » 

      Le docteur Dumangin rédige le procès-verbal d’autopsie, recopié en quatre exemplaires : Un pour le Comité de sûreté générale et un pour chaque médecin. L’exemplaire  du docteur Dumangin est conservé aux Archives Nationales depuis 1891.

      « Des doutes intempestifs se sont élevés sur l’identification du cadavre car on n’a pas pensé (ou voulu ? disent certains) le présenter à Marie-Thérèse Charlotte, sa sœur, ni à madame de Tourzel sortie de prison, ni à Hue, ni à Tison, ni à Marie Jeanne Aladame, la veuve de Antoine Simon, ni à aucun des anciens médecins du dauphin (le docteurs Brunier et le docteur Naudin, médecin des prisons). Mais il a été reconnu par un ancien garde national (le citoyen Gagnié, «ancien chef du Temple»), présent à l’autopsie, qui déclara en août 1817 avoir vu le dauphin aux Tuileries, tenant la main à sa mère et se promenant dans son petit jardin aménagé.»

      Ce même jour

      François Chopart, chirurgien, né le 30 octobre 1743 à Paris, y meurt à l’âge de cinquante-et-un ans.

      Il se dit que Pierre Joseph Desault, François Doublet et François Chopart en savaient trop sur l’autopsie d’un faux Louis XVII, il ne fallait pas qu’ils puissent parler : on les a empoisonnés.

      Le 12 juin 1795

      Louis-Charles est enterré dans le cimetière Sainte-Marguerite. Sous la Restauration, Louis XVIII fait rechercher la sépulture de son neveu : l’énigme de « l’enfant du Temple » se développe alors avec les témoignages contradictoires de ceux qui ont assisté à l’enterrement le 10 juin (fossoyeur, concierge du cimetière, abbé …) qui évoquent une inhumation en fosse commune (le corps ne pouvant dès lors plus être identifié), une réinhumation dans une fosse particulière près de la Chapelle de la Communion de l’église, voire dans le cimetière de Clamart.

      Le 12 juin 1795 (24 prairial an III)

      L’acte de décès de Louis XVII est rédigé. L’original du document a disparu dans les incendies de la Commune de 1871 mais l’acte avait été recopié par des archivistes et un exemplaire se trouve aussi aux Archives Nationales :

      « Du vingt-quatre prairial de l’an trois de la République (12 juin 1795)

      Acte de décès de Louis Charles Capet du vingt de ce mois (8 juin), trois heures après-midy, âgé de dix ans deux mois, natif de Versailles, département de Seine-et-Oise, domicilié à Paris aux Tours du Temple, section du Temple, fils de Louis Capet, dernier roy des Français, et de Marie Antoinette Josèphe Jeanne d’Autriche.
      Sur la déclaration faite à la maison commune, par Etienne Lasne, âgé de trente-neuf ans, profession gardien du Temple, domicilié à Paris rue et section des Droits-de-l’Homme n° 48 : le déclarant a dit être voisin ; et par Rémy Bigot, âgé de cinquante-sept ans, profession employé, domicilié à Paris vieille rue du Temple n° 61 : le déclarant a dit être ami.
      Vu le certificat de Dussert, Commissaire de Police de ladite section, du vingt-deux de ce mois (10 juin). Officier public : Pierre Jacques Robin.

      (Signé) : Lasne, Robin, Bigot. »

      Le 24 juin 1795

      Monsieur, toujours en émigration , est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII.

      Dès 1795, des rumeurs faisaient courir le bruit que le Dauphin, remplacé dans sa geôle par un autre garçon, aurait été libéré du Temple. Ces rumeurs avaient été favorisées par les exhumations des restes d’un enfant au crâne scié — traces d’une autopsie — du cimetière Sainte-Marguerite (au cours des deux exhumations réalisées en 1846 et en 1894, plusieurs spécialistes attribuent pourtant le corps à un sujet masculin âgé de plus de seize ans, d’1,63 m et de morphologie différente de celle de Louis XVII) et l réaction thermidorienne : tandis que les royalistes osaient à nouveau s’afficher comme tels, des accords de paix étaient négociés entre la République et les révoltés vendéens et chouans ( traités de La Jaunaye, de la Mabilais et de Saint-Florent-le-Vieil ). La mort du petit Roi, en juin de cette même année, fut par conséquent accueillie avec scepticisme par une partie de l’opinion publique. Ce contexte permit l’éclosion de théories «évasionnistes» et «survivantistes» …

      Dès le début du XIXe siècle, des «faux Dauphins» commencèrent à apparaître et à réunir un nombre variable de partisans autour de leurs prétentions. Les condamnations des trois premiers (Hervagault, Bruneau et un certain Hébert, connu sous le titre de «baron de Richemont») à de lourdes peines de prison ne découragèrent pas d’autres imposteurs, dont le plus célèbre est l’horloger prussien Karl-Wilhelm Naundorff (date de naissance inconnue-10 août 1845), qui eut de nombreux adeptes jusqu’à la fin du XXe siècle.

      Dans les récits qu’ils firent de leur prétendue évasion du Temple, la plupart de ces prétendants reprenaient la trame du roman de Regnault-Warin, qui évoque des agents royalistes envoyés par Charette qui s’introduisent dans la tour, où ils apportent, au moyen d’une cachette ménagée dans un « cheval de bois », un orphelin drogué à l’opium destiné à prendre la place du vrai Dauphin. Ce dernier, dissimulé dans le même objet, est ainsi libéré de sa prison. Aux termes de nombreuses péripéties, et notamment d’une tentative d’exfiltration vers l’Amérique, l’orphelin royal est repris avant de mourir de maladie.
      Malgré les nombreuses invraisemblances et le triste dénouement de ce récit, la thèse de la substitution gagne ainsi un nouveau mode de diffusion le cheval de bois étant quelquefois remplacé par un panier de linge sale, et Charette par le comte de Frotté, ce dernier ayant effectivement échafaudé, sans pouvoir y donner suite, des projets d’enlèvement des orphelins royaux.
      Aux imposteurs plus ou moins convaincants s’ajoutent de nombreux fous (comme Dufresne, Persat et Fontolive) ou encore des personnages dont l’identification à Louis XVII a surtout été l’œuvre de tiers, le plus souvent de manière posthume : c’est notamment le cas de l’officier de marine puis architecte français Pierre Benoît (actif à Buenos Aires ), du pasteur iroquois Eliézer Williams, du musicien anglais Augustus Meyes, du célèbre naturaliste John James Audubon et même de Louvel (assassin du duc de Berry, cousin de Louis XVII).

      Les circonstances exactes de la mort de Louis XVII et la rumeur concernant une éventuelle évasion de la prison du Temple ont attisé la curiosité de nombreux auteurs, comme Gosselin Lenôtre (1855-1935), André Castelot (1911-2004) ou Alain Decaux (1925-2016).

      Monument funéraire de Louis XVII à la basilique de Saint-Denis

      Il demeure quelques partisans de la survivance du prince.

      A partir de 1798 commence la saga des faux dauphins.

      Ainsi ce début du XIXe siècle verra-t-il revenir de nombreux prétendants au titre de Louis XVII – on en a comptés environ cent cinquante… : le baron de Richemont, l’horloger prussien Karl-Wilheim Naundorff, Jean-Marie Hervagault ou Mathurin Bruneau ont pu chercher à rencontrer la duchesse d’Angoulême pour se faire reconnaître.

      Marie-Thérèse n’en reçut aucun !

      Le dénommé Jean-Marie Hervagault, en fugue pour la dixième fois, annonce qu’il est Louis XVII (des rumeurs circulent dès 1795 sur la survie de Louis XVII). Il sera jugé et finira ses jours en prison en 1812. Notons que lors d’une fugue précédente, son père n’a pas voulu le reconnaître !

      Sous le Consulat

      Barras, l’un des responsables du renversement de Robespierre en 1794 et directeur de la République de 1795 à 1799, a bénéficié d’un traitement de faveur de la part de Louis XVIII ) partir de 1814. Il n’est pas exilé, comme beaucoup d’anciens députés de la Convention (1792-1795).

      Il a déclaré sous le Consulat, lors d’un repas, que le fils de Louis XVI était vivant et qu’il «verrait pendre ce diable de corse». Témoignage devant notaire d’une invitée.

       

      L'Apothéose de Louis XVII par William Hamilton

      Sous le premier Empire

      Si l’on en croit les « Mémoires de Talleyrand », à entendre Joséphine de Beauharnais, Napoléon considère avoir la preuve absolue de l’existence de Louis XVII. Il en est si sûr qu’il dit souvent à son entourage : « Quand je voudrai, je sèmerai la discorde dans la famille du prétendant ! ».

      En 1814

       L’empire français s’écroule et Napoléon prend pour la première fois le chemin de l’exil. Quant à Joséphine, lorsque le Czar Alexandre va la visiter, il lui dit : « Qui mettrons nous sur le trône de France, Madame ? », elle lui répond : « Mais le fils de Louis XVI, évidemment ».

      A la Restauration

      Voici l’ignare Bruneau et le dandy «Baron de Richemont».
      Puis arrive Naundorff, apparu en Prusse. On trouve des traces de lui en 1809.

      Le docteur Pelletan va essayer de rendre ce cœur à la famille du petit Roi pendant la restauration, mais ils vont refuser et finalement il va le donner à Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris. Pendant la révolution de 1830 l’archevêché va être pillé et le cœur va être récupéré par le fils du Docteur Pelletan qui va se rendre personnellement à l’archevêché pour sauver la royale relique.

      Un témoignage navrant du citoyen Gagnié «ancien chef du Temple» est cité dans l’instruction commandée par Louis XVIII au sujet de la détention et de la mort de son neveu. Il assure avoir vu plusieurs fois le Dauphin avec sa mère et c’est le même enfant qu’il découvrit au Temple pendant l’hiver 1795-96 : 

      « En montant l’escalier qui conduisait au corridor attenant à la chambre de Louis XVII, je sentis une odeur extrêmement infecte qui sortait de la susdite chambre dans laquelle on entrait pas et voyant que depuis trois jours l’enfant renvoyer ses aliments tel qu’on lui portait, je demandai d’obtenir promptement une autorisation du Comité de sûreté générale et de faire ouvrir la porte de sa prison, ce qui fut exécuté, et je proteste qu’en entrant, je vis le jeune prince courbé et accroupi ayant ses bras retresés (sic), une tumeur au genou et au bras dans l’impossibilité de se redresser et ayant le cou rongé de gale, que l’ayant interrogé sur ce qu’il n’avait pas pris de nourriture depuis trois jours, il me répondit: «Que veux tu mon ami, je veux mourir.» Je certifie de plus que cet enfant était véritablement le fils de Louis XVI que j’avais vu aux Tuileries, le même que j’avais vu amené au Temple avec le roi et prendre ses récréations dans le jardin en présence de toute sa famille, enfin le même que je vis après la mort de Louis XVI lorsqu’il fut visité en présence d’un municipal qui était médecin, en ma présence et celle de M. Caillieux, administrateur. La reine craignant que ce ne fut une hernie mais elle sut que ce n’était qu’une glande engorgée que je fus même chargé d’acheter un bandage, le même à qui je donnai des serins et des pigeons lorsqu’il était avec le même Simon, le même que je vis au billard avec La Bazanerie chef de Bataillon (….) Fait à Paris le 27 juillet 1817 et signé Gagnié, ancien chef du Temple.»

      En 1819-1820

      Naundorff aurait contacté le duc de Berry, fils du futur Charles X. Il se rend en France dans les années 1830, vivant de l’hospitalité de ses partisans. Certaines personnes ayant connu Louis XVII reconnaissent en lui le fils de Marie-Antoinette. Mais que peuvent valoir ces témoignages quarante ans après les faits ? Naundorff donne des renseignements sur la vie du Dauphin. A-t-il soutiré ces informations des gens qui le reconnaissaient ?

      Naundorff est expulsé de France. Il vivra à Londres, fondera une religion, partira pour les Pays-Bas où il mettra une bombe connue sous le nom de «bombe Bourbon». Le Roi l’autorise à porter le nom de Bourbon. Naundorff meurt   à Delf. Ses partisans se battront pendant des décennies pour sa reconnaissance. Sa famille existe toujours. Une branche vit en France, l’autre au Canada. Elle a été déboutée lors d’un procès en 1954.

      Le 13 février 1820

      Assassinat du duc de Berry (1778-1820), fils du comte d’Artois (1757-1836).

      Le 14 février 1820

      La mort du duc de Berry

      On a prétendu que Louis Louvel (1783-1820), l’assassin, pouvait être Louis XVII car Louis XVIII l’aurait autorisé à se rendre à l’échafaud coiffé d’un chapeau… Louvel était sobre et travailleur. Il était cultivé, ne se liait à personne. Il a toujours dit avoir agi seul.

      Louvel-Louis XVII. des confidences ? De qui ? Ils sont tous morts !

      1: le vrai Louvel était en pension de juin 1791 à octobre 1795, donc possibilité d’introduire dans la famille Louvel un inconnu et de le faire passer pour le fils de la famille de retour à Versailles (1794);

      Les derniers moments du duc de Berry, par Alexandre Menjaud

      2: Robespierre est passé devant chez les Louvel à Versailles tous les jours d’avril à novembre 1789 (première possibilité d’un lien). Robespierre est à Versailles le 20 juin 1791 quand le père Louvel envoie à Paris le futur régicide, en pension. Aurait-il profité du carrosse de Robespierre ?      Il a été dit que Robespierre aurait postulé ou aurait été pressenti pour devenir gouverneur du Dauphin. Du moins son nom a circulé pour occuper la charge.

      3: Le conventionnel Lecointre accompagne Robespierre le 17 juillet 1791 ( jour de la fusillade du champ de Mars) dans la quête d’un abri sûr. Les Lecointre et les Louvel sont liés (le père Lecointre était parrain chez les Louvel). Et nous retrouvons le soir de la chute de Robespierre Lecointre festoyant avec Barras et les autres membres de la conjuration qui fit chuter le « tyran ».

      Un lien Robespierre – Lecointre – famille Louvel ; un second,  Barras – Lecointre – famille Louvel !

      4: En 1804, Louvel déclare avoir 19 ans (âge de Louis XVII), alors qu’il en a presque 21 ! (ce n’est pas un témoignage, c’est marqué sur son livret ouvrier !)

      5: En 1806, Louvel est réformé de la Garde Impériale par Larrey et Sue, amis de Desault, médecin au Temple en mai-juin 1795. Louvel est affecté à l’Artillerie de la Garde Impériale, à Paris, en 1805. Il fut réformé pour varicocèle.

      6 : En 1814, Louvel, qui n’aime pas l’armée, rejoint Napoléon à l’île d’Elbe. il y restera deux mois comme sellier. A-t-il voulu parler à l’empereur ?

      7 : L’abbé Arnoux, chargé par la famille royale de tirer les vers du nez du régicide, meurt à 28 ans le jour de l’ouverture du procès Louvel ! (d’une maladie poitrinaire, officiellement).

      8 : Louvel écrit : je n’ai pas déshonoré ma Nation, je n’ai pas déshonoré ma fille. N’ayant pas d’enfant, la fille de Louvel est-elle la Nation ? (texte lu aux pairs de France).

      9 : Louvel ressemble étrangement à Joseph II d’Autriche, oncle de Louis XVII (test réalisé sur quinze personnes – onze ont mis Joseph II en premier, et François II en second, cousin de Louis XVII – sur vingt portraits de même taille).

      Les oreilles de Louis XVII et de Louvel présentent de fortes ressemblances.

      10 : Louis XVIII ordonne une messe à la mémoire de Louis XVII pour le 8 juin 1821, soit un an et un jour après la mort du régicide. (cérémonie annulée). C’est la première fois que Louis XVIII ordonne cela.

      11 : En 1816, Louis XVIII fait effectuer des recherches sur les restes de Louis XVII au cimetière Sainte-Marguerite. Le jardinier en chef des jardins du Luxembourg, Toussaint Charpentier, déclare au préfet Anglés qu’au moment de l’enterrement de l’enfant du Temple, on lui fit creuser de nuit une fosse au cimetière de Clamart pour recevoir un petit cercueil. Une personne de la Municipalité aurait déclaré que le petit Capet aurait bien du chemin à faire pour retrouver sa famille.

      Ce Charpentier est également employé à Trianon. Son fils  en tant que jardinier en chef à partir de 1824. Ces gens connaissent la marraine de Louvel, Madame Belleville. Curieux !

      12 : Les restes de Louvel sont transférés dans une fosse commune, mais bien vite, on les exhume et les transporte dans un lieu toujours inconnu. Volonté de Louis XVIII de ne pas créer un lieu de pèlerinage républicain, ou d’inhumer Louvel dans une tombe royale ? (il existe des emplacements vides à la basilique de Saint-Denis).

      13 : Le comte de Vaisons (Le Roi perdu, de l’académicien Octave Aubry), qui n’a jamais existé, (mais le général-marquis de Bonneval correspond à son profil) arrête son enquête diligentée par Louis XVIII à la mort de Louvel en juin 1820. 

      14 : Louis XVII se blessa aux parties génitales en jouant au cavalier avec un bâton, ceci lorsqu’il était encore avec sa mère, sa tante et sa sœur. On lui mit un suspensoir. Louvel avait également un suspensoir. Il avait été réformé de l’Artillerie de la Garde Impériale en 1806 pour varicocèle :
      « La varicocèle testiculaire est une pathologie bénigne qui se caractérise par une dilatation des veines au niveau du cordon spermatique. Elle peut causer des problèmes de fertilité chez l’homme.« 
      Il se pourrait qu’il y ait eu une erreur de diagnostic, de conséquences de l’accident.

      Voici l’explication de l’affaire selon Jean-Claude Pilayrou :

      Robespierre a enlevé le Dauphin et l’a confié au père Louvel. On sait ce qui adviendra par la suite de Robespierre.
      Barras a enlevé le remplaçant de Louis XVII. Caché à St Domingue, il meurt en 1803 ( ?).
      Louis XVIII fit faire une enquête par Bonneval. Entre temps, Louvel tue le duc de Berry.

      Louis XVIII, qui est perturbé par les apparitions continuelles de faux dauphins (Hervagault, Bruneau, Dufresnes…), se demande si Louvel n’est pas Louis XVII, qui vient de se venger de son état de roi  déchu en tuant Berry. Il fera faire une enquête approfondie. Louvel n’ayant pipé mot, il le laissera aller à la guillotine.

      Aujourd’hui comme hier, les héritiers du secret gardent le silence. Et l’analyse ADN de 2000 fut un pieux mensonge, destiné à protéger la mémoire du roi assassin: Louis XVII.

      Pour Jean-Claude Pilayrou, Louvel serait Louis XVII

      Le 17 août 1833

      Âgée de soixante-dix ans, Madame Agathe Mottet Rambaud, fait la déposition suivante :

      « Dans le cas où je viendrais à mourir avant la reconnaissance du Prince, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, je crois devoir affirmer ici par serment, devant Dieu et devant les hommes, que j’ai retrouvé, le 17 août 1833, Monseigneur duc de Normandie, auquel j’eus l’honneur d’être attachée depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792, et comme il était de mon devoir d’en donner connaissance à S. A. R. Madame la duchesse d’Angoulême, je lui écrivis dans le courant de la même année. Je joins ici la copie de ma lettre. Les remarques que j’avais faites dans son enfance sur sa personne ne pouvaient me laisser aucun doute sur son identité partout où je l’eusse retrouvé. Le Prince avait, dans son enfance, le col court et ridé d’une manière extraordinaire. J’avais toujours dit que si jamais je le retrouvais, ce serait un indice irrécusable pour moi. D’après son embonpoint, son col ayant pris une forte dimension est resté tel qu’il était, aussi flexible. Sa tête était forte, son front large et découvert, ses yeux bleus, ses sourcils arqués, ses cheveux d’un blond cendré, bouclant naturellement. Il avait la même bouche que la Reine et portait une petite fossette au menton. Sa poitrine était élevée; j’y ai reconnu plusieurs signes alors très-peu saillants, et un particulièrement au sein droit. La taille d’alors était très cambrée et sa démarche remarquable. C’est enfin identiquement le même personnage que j’ai revu, à l’âge près. Le prince fut inoculé au château de Saint-Cloud, à l’âge de deux ans et quatre mois, en présence de la Reine, par le docteur Joubertou, inoculateur des Enfants de France; et de la Faculté, les docteurs Brunier et Loustonneau. L’inoculation eut lieu pendant son sommeil, entre dix et onze heures du soir, pour prévenir une irritation qui aurait pu donner à l’enfant des convulsions, ce qu’on craignait tous que ce sont les mêmes marques que j’ai retrouvées, auxquelles on donna là forme d’un triangle. Enfin j’avais conservé, comme une chose d’un grand prix pour moi, un habit bleu que le Prince n’avait porté qu’une fois. Je le lui présentai en lui disant, pour voir s’il se tromperait, qu’il l’avait porté à Paris. «Non, Madame; je ne l’ai porté qu’à Versailles, à telle époque. » Nous avons fait ensemble des échanges de souvenirs qui, seuls, auraient été pour moi une preuve irrécusable que le Prince actuel est véritablement ce qu’il dit être : l’orphelin du Temple. »
      Agathe Mottet – Veuve de Rambaud, attachée au service du Dauphin, duc de Normandie, depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792.

      En 1837

      « Je déclare ici et sur mon honneur et devant Dieu que le fils de Louis XVI est mort dans mes bras dans la tour du Temple. … Toute ma vie j’ai dit la vérité, ce n’est pas quand j’atteindrai [la fin] que je la trahirai

      Etienne de Lasne, dans une lettre à A. Beauchesne

      Au début de 1841

      Sous la signature de Gozzoli, rédacteur-gérant de La Voix d’un proscrit, Laprade (qui avait été affublé du titre de « président du conseil de l’Eglise catholique évangélique« ) et cinq autres compères, publièrent un désaveu cinglant de leur adhésion à la cause naundorffiste. (Nous savons par l’abbé Laprade que Morel de Saint-Didier lui-même, sans signer le document, en partageait l’esprit.) Ils y rapportent comment, ayant enquêté sur le passé du bonhomme, ils ont été contraint de conclure à la supercherie. Ils mettent en cause la réalité des apparitions, la moralité personnelle de leur ancien «roi», soulignent les contradictions de la doctrine – bref, ils sapent l’édifice qui les a portés pendant tant d’années.

      Le 22 juin 1841

      L’abbé Laprade écrivait une lettre sévère, à la mesure de sa tristesse et de ses remords :

      « Pauvre sire de Normandie qu’as-tu fait de ta baguette, que sont devenus tes talismans imaginaires?(…) quand je songe à mes dispositions d’autrefois et à mes sentiments d’aujourd’hui, je suis si honteux et humilié de mon passé que je voudrais être trois fois taupe pour ne plus le voir et trois mille fois lièvre pour ne plus le rappeler. Quoi! des hommes généreux et intelligents avaient pu planter un drapeau près de l’hôtel de Camberwell? Ils avaient pu faire à cet homme l’honneur de le regarder comme pouvant être de quelque poids dans la balance des destinées humaines…ma foi, ma foi; convenons-en, nous étions en démence. Aussi, dès que j’ai eu aperçu le bout des oreilles de notre Guillot je l’ai fui à toutes jambes et je cours encore.

      Le 10 août 1845

      « Nous soussignés, docteurs-médecins en fonctions à Delft, Jean Soutendam et Jean-Gérard Kloppert, autrefois Officier de Santé, et comme tel adjoint comme médecin consultant par feu Son Excellence le ministre List, déclarons avoir traité en 1845 celui qui se nommait Charles-Louis de Bourbon duc de Normandie. 

      « Beaucoup d’intérêt fut témoigné à l’auguste malade. Des bulletins furent envoyés journellement sur l’état de sa santé au ministre susdit, qui de temps en temps vint en personne prendre des informations. […] Les pensées du malade s’arrêtaient principalement sur feu son malheureux père, Louis XVI, sur le spectacle effroyable de la guillotine ; ou il joignait les mains pour prier et demander, avec des paroles entrecoupées, de bientôt rejoindre au ciel son royal père. Presque jusqu’au dernier soupir ce fut ainsi. Et Charles-Louis de Bourbon mourut en notre présence le 10 août 1845. »

      Témoignage des deux médecins qui soignèrent «Naundorff» jusqu’à sa dernière heure, Delft, le 30 mai 1872

      On a retrouvé sur le corps du dénommé Naundorff les sept spécificités corporelles qu’auraient eues Louis XVII et qui étaient connues et témoignées selon certains, et également archivées dans les rapports médicaux (Archives de Versailles), sans que les naundorffistes ne montrent cette pièce en question.

       

      Cette pièce importante se trouve à Deft : Archives Notariales de Deft et copie conforme au Archives Bourgmestrales – volume 46, folio 35, verso 3 à 7.

       

       

       

      Voici le procès verbal :  

      « Aujourd’hui 12 août 1845, le soir à 6 heures et à la requête de Charles Edmond de Bourbon, aussi connu sous le nom de Naundorff, demeurant à Deft en la rue dite de Voostrat, section 5, n° 85, accompagné de M. Cornélis Théodorus Van Meurs, major d l’Artillerie, chevalier du Lion néerlandais, du Maître Jacobus Van Buren, avocat et juge demeurant à…et connu de moi, notaire.. »

       

      Karl-Wilhelm Naundorff

      « Moi, notaire, Simon Adrianus Sholten, notaire de l’arrondissement de la Haye, résidant à Deft, assisté de Messieurs Carel Heyne den Back, employé au secrétariat de la Vielle et de Adriaan Mardus Schagen Van Leewen, employé à mon étude, connus de moi, notaire, je me suis rendu à une maison située à l’Oude-Deft, section2, n°62 à Deft où le requérant m’a montré dans une des chambres un cadavre qu’il déclara à moi, notaire, être celui de Charles Louis, Duc de Normandie ( Louis dix-sept), ayant été connu sous le nom de Charles Guillaume Naundoff, né au Château de Versailles en France, le 27 mars 1785 … »« Le requérant, Charles Edmond de Bourbon, fait cette déclaration en présence des ci-dessus nommés Van Meurs et Van Buren qui déclarent par ceci reconnaître le cadavre montré pour celui du père du requérant. »« Ainsi furent présents : M. Jean Sontendam, docteur-médecin, demeurant à Deft, Louis Snabilié, docteur-médecin, premier officier de Santé de la 2ème classe, chevalier de l’Ordre Militaire de Guillaume, Joannes Gerdus Kloppert, docteur médecin et accoucheur, officier de santé de 2ème classe, demeurant à Deft, connus de moi, notaire lesquels Messieurs déclarèrent reconnaître le cadavre montré pour celui de la personne qu’ils on traitée médicalement en sa dernière maladie. »

       

      « Et le requérant a prié les médecins susnommés d’expliquer leurs expériences des signes extérieurs qui caractérisaient le cadavre et après avoir examiné à cette fin le cadavre prescrit, les nommés médecins ont noté les signes suivants :.. »

        Sont énumérées les sept spécificités corporelles qu’avaient Louis XVII :

      1. Le naevius maternus à la cuise ;
      2. L’excroissance du sein droit ;
      3. Le cou très ridé ;
      4. Disposition des deux incisives sortantes « en lièvre » au milieu de la denture inférieure ;
      5. Forme du front large et fort, fuyant et s’évasant ;
      6. Disposition des yeux bleus avec leurs arcades sourcilières arquées avec un écartement si précis « qu’il comportait entre eux une distance égale à la longueur d’un œil » ;
      7. Anomalie de la forme du lobe des oreilles, notamment de l’oreille droite (nettement visible sur la photo représentant Naundorff su son lit de mort et identique à celle d’un portrait de Louis XVII enfant).

        Ce constat se termine ainsi :

      « Le requérant m’a prié, moi, notaire, de donner acte en minute de tout ce qui précède et qui est ci-dessus mentionné et, après lecture faite au requérant, aux témoins assistants, aux médecins sus-nommés et aux témoins ici-présents : Carel Heyne Van Back et Adriaan Marius Schagen Van Leeuwen, tous deux ci-dessus nommés, toutes ces personnes ont signé. »

      Signé :Charles Edmond de Bourbon, Van Meurs, Van Buren, Jean Soutendam, Dr Snabilié, Dr Kloppert, C. Heyne den Back, A.M. Scagen Van Leewen, S.A ?. Scholten, notaire. »

      Enregistré à Deft, le 13 août 1845, volume 46,folio 35, verso 3à 7. reçu 80 cents pour droits et 38 additionnels, ensemble 1 florin 10 cents et demi. Deux feuilles, six renvois

      Le receveur : signé : V.D. Mandèle « Pour signé conforme : signé SA Scholten, notaire »

      Le cas Richemond

      Claude Perrin naquit à Lagnieu (Ain) le 7 septembre 1786. Il est bossu, ayant une épaule plus haute que l’autre. C’est d’ailleurs lui-même qui le précise lorsqu’il doit se défendre devant la Justice de ses supercheries. Il est cependant soldat et ceci lui donne le goût de la tenue militaire qu’il arbore fièrement. Il parle de lui à la troisième personne, ce qui démontre un dédoublement de la personnalité ou une haute opinion de soi, les deux possibilités ne s’excluant l’une l’autre.

      Claude Perrin, dit baron de Richemond

      On ne sait d’où lui vient l’idée du nom qu’il adopte (« Richemond »), du titre qu’il s’accorde (« baron ») ni, enfin, de l’idée de jouer le rôle d’un faux Dauphin. Il est vrai que la rumeur de l’évasion de Louis XVII battait son plein dans les campagnes de France et Claude Perrin, presque du même âge que Louis XVII, à un an près, doté de cheveux châtain clair, entrevoit peut-être un autre rôle à tenir sur la scène de la vie que celui auquel le destin le prédispose. En 1831, il écrit et publie lui-même un livre : « Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI », puis en 1846 il publie «Mémoires d’un contemporain », livre qui contredit le premier.

      Dans le premier récit (« Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI »), le faux Dauphin Richemond n’indique ni date, ni nom, ni désignation précise d’aucun lieu susceptible de décrire les situations vécues par le vrai Roi ; il ne sait même pas quand, à quelle date et comment eut lieu l’évasion du Temple ; ses propos sont contradictoires mais, apparemment, cela et ne le gênait pas pour persévérer dans ses mensonges. Ainsi désavoua-t-il son premier livre : par exemple, il supprime l’épisode dans lequel il vécut chez « les Sauvages ». ; il avait dit qu’il avait passé « plus de six ans, tout seul, nu comme eux, le corps peint, etc. Ces Sauvages s’appelaient les Mamelucks. ». Il prétend, de plus, avoir eu la petite vérole dans la Tour du Temple ; or Louis XVII avait été inoculé et n’eut jamais cette maladie.

      « Richemond » fut reconnu par des personnes qualifiées : madame Bequet, qui avait été au service de Marie-Antoinette jusqu’au 10 août 1792; madame Fillette, qui avait été fille de garde-robe du Dauphin ; madame de Rambaud, berceuse du Dauphin… Ce sont là, à l’évidence, les déclarations de Perrin qui, en réalité, ne reçut jamais un témoignage de reconnaissance réelle, écrit, daté et signé sous serment et déposé devant une Instance officielle quelconque (Tribunal, Police, Notaire..).

      Il raconte dans « Mémoires d’un contemporain » que trois ans auparavant, en 1843, il rencontra madame de Rambaud, que celle-ci le reconnut bien évidemment en tant que Louis XVII mais comme elle avait auparavant reconnu aussi en Naundorff le Roi, qu’elle aurait décidé de « s’en remettre au Ciel pour faire un choix » (ibidem – page 370). Il est patent que ces propos sortirent du cerveau déséquilibré de Perrin et non de la bouche de Madame de Rambaud. Il précise qu’il « n’a pas revu cette dame depuis ce jour », ce qui est étrange car cette reconnaissance était très importante pour Madame de Rambaud ; aurait-elle évité de revoir celui qu’elle avait chéri ?

      La petite fille de de madame de Rambaud, dans une lettre datée du 26 janvier 1884 et adressée l’Abbé Laurent (curé de la paroisse de Sainte Marguerite sur Duclair), écrivit :

      « Je m’empresse de satisfaire votre demande. Madame de Rambaud, ma grand-mère, a, en effet, reconnu Louis XVII dans la personne du prétendant Naundorff et n’en a reconnu d’autres. Richemont, il est vrai, s’est fait présenter à elle ; mais à ma connaissance il n’en est rien résulté pour ce personnage de cette entrevue….son frère (le frère – Charles- de son beau-père, Casimir Verger) a connu M. de Joly, que j’ai vu moi-même chez ma grand-mère et qui, comme elle, a attesté ses convictions…Signé L. Verger, née de Rambaud »

      Madame de Rambaud vivra encore dix années après la supposée rencontre avec « Richemond » ; elle meurt le 18 octobre 1843 en n’ayant jamais renié la reconnaissance en Naundorff le Roi qu’elle avait élevé pendant sept années. La petite-fille de Madame de Rambaud, Ernestine de Rambaud, dans une lettre qu’elle écrivit en juin 1849 affirma la fidélité de sa grand-mère à cette reconnaissance capitale : « Encore aujourd’hui elle (Madame de Rambaud) ne doute pas de son identité (Louis XVII=Naundorff)».

      Une lettre écrite par le soi-disant baron de Richemont, tentant d'exiger légalement que Marie- Thérèse, la duchesse d'Angoulême, déclare nuls et non avenus les actes de décès liés à Louis XVII et «restaure les droits» de son statut. Cette lettre est écrite en 1849;  Marie-Thérèse est une femme de soixante-dix ans vivant en exil à Frohsdorf. Les hommes qui prétendaient être son frère l'ont harcelée avec de telles lettres et ont tenté de faire pression sur la justice pour qu'elle reconnaisse leur « véritable identité» jusqu'à sa mort.

      Comme Hergavault, Richemond sait séduire et comme de très nombreuses personnes espéraient retrouver Louis XVII, elles acceptèrent de le rencontrer mais jamais elles ne le reconnurent vraiment ; une seule rencontre et aucune reconnaissance. Lors du procès de Perrin, la Cour ne retint que les dépositions écrites de Mesdames Bequet et Fillette (respectivement le 20 décembre 1842 et le 15 juillet 1844) dans lesquelles elles déclarent seulement avoir rencontré « Richemond » une seule fois, sans préciser une reconnaissance quelconque.

      Claude Perrin meurt à Gleize (Rhône) le 10 août 1853, huit ans jour pour jour après Naundorff…

      Perrin/Richemond, Hergavault, Bruneau, Williams, Mévès… tous ces « faux Dauphins » avaient des yeux marrons et seul, un « faux Dauphin » avait les yeux bleus : « Naundorff ». Louis XVII avait les yeux bleus…

      En 1943

      André Castelot soumet au Docteur Locard, directeur du laboratoire de Police Technique de Lyon, une boucle des cheveux du «Dauphin», propriété de l’abbé Ruiz, jointe à une mèche de Naundorff, qui lui avait été remise par le baron de Genièbre. Le but était de chercher si les cheveux correspondent ou non. Selon les naundorffistes, la confrontation, pratiquée d’après des microphotographies, donnerait des résultats époustouflants : les deux échantillons comporterait la même excentration du canal médullaire, un caractère jugé très rare par l’expert lyonnais. L’identité d’origine des deux mèches de cheveux semble irrécusable : pour les partisans de Naundorff, comment croire que cette excentration, si exceptionnelle, est due à la seule intervention du hasard?

      En 1947

      Alain Decaux (1925-2016) publie son premier livre, Louis XVII retrouvé,  et soutient la thèse survivantiste _ ou naundorffiste_ qui perd par la suite tout crédit chez les historiens. Le futur ministre se ravisera d’ailleurs de cette conclusion de jeunesse.  

      En septembre 1950

      Le cercueil de Naundorff est ouvert à Delft, sous la conduite du Docteur Hulst, médecin expert près les tribunaux hollandais. Castelot, pour s’assurer des conclusions de la première analyse, prie ce dernier d’envoyer à Locard une mèche provenant directement du squelette. Il fait bien. On procède à une seconde expertise.

      Le 4 mai 1951

      La sentence de la trichoscopie tombe, terrible pour le camp survivantiste. Locard écrit dans son rapport :

      « Ces cheveux, d’origine indiscutée, ne présentent pas l’excentrement caractéristique. Ainsi donc les cheveux de Naundorff (…) ne sont pas identiques à ceux de Louis XVII». Le Dr Locard, qui avait entre-temps reçu, par le biais du marquis de Tinguy, d’autres cheveux provenant de Louis XVII qu’il a également analysés, ajoute qu’il semblait établi «que le Dauphin présentait une anomalie capillaire caractéristique» non retrouvée chez Naundorff. Les cheveux n’appartenaient pas à la même personne. La «preuve scientifique», qui, c’est le cas de le dire, n’avait tenu qu’à un cheveu, tombait à l’eau.»

      Le spécialiste lyonnais confiera plus tard à Castelot que les deux premières mèches étaient si semblables, qu’il était fort possible que toutes deux aient été prises sur le crâne de Louis XVII.

      En 1975

      La relique du cœur Pelletan, récupérée par de la famille lointaine de Louis XVII, finit par être donnée à la basilique de Saint-Denis par la princesse Massimo.

      Coeur de Louis XVII

      En 1996

      Après cinq ans d’enquêtes, Paul-Éric Blanrue a conclu à l’imposture du dénommé Naundorff (Le mystère du Temple, la vraie mort de Louis XVII, Claire Vigne éditrice, 1996, p. 229-287) et à la réalité de la mort du petit Roi à la date mentionnée par l’état civil. Il a repris cette thèse dans la préface des Souvenirs de la duchesse d’Angoulême (Communication et Tradition, 1997) dont il a établi l’édition critique, ainsi que dans une dizaine d’articles. Ni Alain Decaux, ni André Castelot, ni personne, n’y a répondu.

      En 1998

      Des analyses sont menées par l’Université de Louvain et le CHU de Nantes à partir de cheveux et de fragments d’humérus de Naundorff et de cheveux des descendants des sœurs de Marie-Antoinette. Conclusion : les restes de Naundorff ne sont pas ceux du dauphin Louis XVII.

      En 1999-2000

      L’historien – journaliste Philippe Delorme contacte la noblesse française afin que le cœur du petit décédé le 8 juin 1795 soit analysé avec la méthode ADN. Le résultat est que le cœur examiné était celui d’un parent de Marie-Antoinette, donc en principe de Louis XVII.

      Monsieur Delorme a officiellement mis un terme à cette énigme; mais certains avancent que le cœur est celui du frère de Louis XVII, décédé en 1789. Le cœur embaumé de cet enfant a disparu sous la Restauration. Une bataille acharnée se déroule depuis entre Mr Delorme et les partisans de l’autre thèse. Mais une médecin-légiste a affirmé au cours d’une émission diffusée en janvier 2007 qu’elle serait bien en peine de faire la différence entre un cœur embaumé (frère de Louis XVII) et un cœur non embaumé (cœur du décédé le 8 juin 1795).

      Monsieur Delorme devait rechercher le cœur du frère ainé de Louis XVII. Il n’y a pas eu de suite : la tombe de Louis-Joseph a, en effet, été ouverte et vidée le 16 octobre 1793 !

      En 2004

      De nouveaux prélèvements sont effectués sur le squelette de Naundorff. On procède à des analyses en Hollande et en Autriche, mais la famille dite de Bourbon n’a pas fait connaître les résultats.

      Ce semble éloquent …

      Le 8 juin 2004

      Pour le professeur Jean Tulard, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, appelé par le ministre de la Culture à donner son avis sur le dépôt du cœur de Louis « XVII », l’analyse de l’ADN du cœur, conjuguée avec l’enquête menée sur son origine et les péripéties de son histoire, est suffisante pour attester de la mort du prince au Temple.

      Sources :

      • Le Roi Perdu (1931) d’Octave Aubry
      • Louis XVII (2017) d’Hélène Becquet ; chez Perrin
      • https://gw.geneanet.org/darbroz?fbclid=IwAR3BNJcih_ZteJtbwpkj5Zd-n-TB7aEOcl9mvKxN6xs-S0Gkcc8Zeyi1VR0&lang=en&n=de+france&nz=theze&oc=1&p=louis+charles&pz=rose documents répertoriés par Charles-Olivier Blanc
      • Affaire Louis XVII-Naundorff, Naundorff, « roi de France », voyant, gourou … et imposteur!« , par Paul-Eric Blanrue http://www.zetetique.org/naundorff.html
      • http://louisxvii.canalblog.com/
      • Louis XVII : la vérité (2000) de Philippe Delorme ; éditions Pygmalion
      • Louis XVII, l’enfant du temple ; son portrait authentique mais oublié. Le crime de la République, article d’Emile Mourey, le 10 mars 2020 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/louis-xvii-l-enfant-du-temple-son-222177
      • Louis XVII et les Mystères du Temple (1994) de Pierre Sipriot aux éditions l’Archipel

      Interrogatoire de Louis-Charles en vue d’obtenir des pièces à charge contre sa mère.  Sa sœur, qui ne le voit plus, est confrontée à lui et dit :

      « Il a grossi sans prendre de croissance». 

      « Le quinzième jour du premier mois de l’an second de la République française une et indivisible, Nous, maire, procureur syndic et membres de la commune de Paris nommés par le conseil général de ladite commune pour prendre des renseignements sur différents faits qui se sont passés au Temple, et recevoir les déclarations à cet égard, nous sommes rendus au Temple et arrivés dans ladite Tour, et nous étant présentés au Conseil du Temple, sommes montés à l’appartement du premier occupé par Louis Charles Capet pour entendre ses déclarations au sujet des propos et des événements dont il peut avoir connaissance. Il nous a déclaré que l’hiver dernier pendant qu’il habitait l’appartement de ses mère, tante et sœur, un particulier, nommé Dangé, était de garde auprès d’eux en qualité de commissaire du conseil ; un jour qu’il l’accompagnait à la promenade sur la plate-forme de la Tour, il le prit dans ses bras, l’embrassa et lui dit : « Je voudrais bien vous voir à la place de votre père. »
      Nous a déclaré pareillement qu’un autre particulier nommé Toulan, étant aussi de garde à la Tour à la même époque, lesdites femmes l’enfermèrent, lui déclarant, avec sa sœur dans une des tourelles pendant une heure et demie, un peu avant qu’on allumât la chandelle, et que pendant ce temps il s’est entretenu avec lesdites femmes, et qu’il n’entendit pas le sujet de leur conversation.

      Que dans une autre circonstance il entendit dire par ledit Toulan à sa mère et à sa tante que tous les soirs il enverrait aux environs du Temple un
      colporteur à dix heures et demie du soir pour lui faire crier toutes les nouvelles qui pourraient les intéresser; que par suite de cette promesse il s’aperçut que lesdites femmes un soir, ne se couchèrent qu’à onze heures passées et montrèrent de l’humeur de n’avoir point entendu les cris accoutumés dudit colporteur.

      Il a déclaré encore que quatre particuliers nommés Lepitre, Bruneau, Toulan et Vincent, pendant la durée de leur service dans les appartements
      avaient coutume d’approcher desdites femmes et de tenir des conversations avec elles à voix basse.

      Déclare en outre qu’ayant été surpris plusieurs fois dans son lit par Simon  et sa femme, chargés de veiller sur lui par la Commune, à commettre sur
      lui des indécences nuisibles à sa santé, il leur avoua qu’il avait été instruit dans ces habitudes pernicieuses par sa mère et sa tante, et que différentes fois elles s’étaient amusées à lui voir répéter ces pratiques devant elles, et que bien souvent cela avait lieu lorsqu’elles le faisaient coucher entre elles.

      Que de la manière que l’enfant s’en explique, il nous a fait entendre qu’une fois sa mère le fit approcher d’elle, qu’il en résultat une copulation et que il en résulta un gonflement à un de ses testicules, connu de la citoyenne Simon, pour lequel il porte encore un bandage et que sa mère lui a recommandé de n’en jamais en parler, que cet acte a été répété plusieurs fois depuis.

      Il a ajouté que cinq autres particuliers nommés Moelle, Lebœuf, Beugnot, Michonis et Jobert, conversaient avec plus de familiarité que les autres commissaires du Conseil avec sa mère et sa tante ; que Pétion, Manuel, Bailly et Lafayette s’étant comportés très mystérieusement aux Tuileries avec les femmes, il estimait qu’il existait une correspondance directe avec les quatre hommes et les commissaires du Temple depuis la détention de ces femmes au Temple, que dans l’intervalle de ces conférences on l’éloignait.

      Il nous a déclaré qu’il n’avait rien de plus à nous faire connaître.

      Le citoyen et la citoyenne Simon nous déclare avoir appris ces faits de la bouche de l’enfant qui les leur a répété plusieurs fois et qu’il les pressait
      souvent de le mettre à portée de nous en faire la déclaration.

      Après avoir reçu la présente déclaration, y avons posé notre signature conjointement avec le citoyen Hébert, substitut du procureur-syndic de la Commune qui est survenu.

      A Paris, dans la Tour du Temple les jour et an que dessus.»

      LOUIS-CHARLES CAPET.

      PACHE, maire; CHAUMETTE, procureur-syndic ; HÉBERT, substitut;
      FRIRY, commissaire du conseil général; SEGUY, commissaire de service au Temple ; HEUSSÉE, administrateur de police ; SIMON ; D. E. LAURENT, commissaire du conseil général.

      CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.66-71.

      Le 14 octobre 1793

      Hébert lance l’accusation d’inceste qui vaut à la Reine une réplique mémorable :

      « J’en appelle à toutes les mères.»

      Louis XVII au Temple par Charles-Louis de Coubertin, 1875

      Et l’ombre pâle dit à Dieu dans le ciel :
      « Je suis orphelin et pas roi du tout ;
      Hier, j’étais un prisonnier fatigué,
      Les meurtriers de mon père ont nourri mon âme de fiel.
      Pas moi, Seigneur, le nom royal convient.
      La nuit dernière, je me suis endormi dans le dungeon dear
      Mais ensuite j’ai vu ma mère dans mes rêves,
      Dis, dois-je la trouver ici ?

      extrait de Le Roi Louis XVII, une ode de Victor Hugo

      La Reine réprouve les ignobles accusations d'Hébert avec grandeur par Benjamin Warlop

      Le 16 octobre 1793

      Marie-Antoinette est exécutée.

      Simon ne doute pas, quant à lui, que le roi ne soit infecté du mal vénérien, quoique, depuis la mort de la reine, on ne lui ait plus présenté de prostituées. Mais il croit que ce que l’on fit à cette époque pour le faire déposer contre sa mère, et prouver par l’état de santé la vérité des dépositions, a suffi pour le corrompre et le gangrener. Il prétend donc très décidément qu’il a du mal et qu’on ne fait rien pour l’en guérir.

      Ces derniers propos laissent supposer qu’il y a eu, de la part des géôliers de l’enfant, la volonté de «s’en défaire», mot expressif que l’on retrouve souvent dans la bouche des représentants de l’autorité, à la Commune, dans les comités et même à la Convention, dont la signification est non pas «tuer», mais «faire mourir ou tuer en secret». Le mot «s’en défaire» apparaît encore dans une autre dépêche concernant le Dauphin (FM, II, p.358) ou dans celle dans laquelle, prémices de la loi des suspects, il est question des «gens à argent» que l’on veut «expolier» (spolier) pour financer des «intelligences à l’étranger», et que l’on enfermera dans un local du château de Chantilly ou de l’Isle Adam où il sera plus facile de «s’en défaire» (FM, II, 48).

      Les époux Simon sont surveillés par la Commune de Paris et son procureur, Louis-Gaspard Chaumette (1763-1794) quant à leur comportement envers le petit Roi. Il ne faut pas se montrer trop tendre au risque de perdre la vie. C’est dans ce jeu, entre ombres et lumière, qu’ils doivent organiser leur comportement quotidien envers l’enfant : dureté affichée lorsque les municipaux sont présents, et bonté, surtout celle de Marie-Jeanne Simon, lorsqu’ils sont absents. La « femme Simon » aime, en réalité « son petit Charles » ; elle n’a pas eu d’enfant et elle reporte sur lui toute sa tendresse maternelle frustrée. 

      Il est certain que Louis XVII adopte les manières des sans-culottes que Simon lui inculque (chants révolutionnaires, port du bonnet phrygien, vocabulaire grossier). On sait avec quelle peine horrifiée sa tante et sa sœur, du deuxième étage de la Tour où elles sont enfermées, entendent les chants de l’enfant, pendant qu’il joue dans la cour.

      Le 13 novembre 1793

      Une dépêche adressée au gouvernement britannique à la date donne les renseignements suivants:

      Antoine Simon corrigeant Louis-Charles (𝘨𝘳𝘢𝘷𝘶𝘳𝘦, 𝘏𝘪𝘴𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘎𝘪𝘳𝘰𝘯𝘥𝘪𝘯𝘴 𝘱𝘢𝘳 𝘈𝘭𝘱𝘩𝘰𝘯𝘴𝘦 𝘥𝘦 𝘓𝘢𝘮𝘢𝘳𝘵𝘪𝘯𝘦/ Bibliothèque 𝘕𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘢𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘍𝘳𝘢𝘯𝘤𝘦)

      « Après avoir appris au roi toutes les impuretés imaginables, Hébert lui apprend maintenant toutes sortes de blasphèmes. Sa santé cependant s’affaiblit chaque jour, et il a presque un dévoiement (intestinal) continuel. Hébert commence à devenir en horreur à la populace; il a été personnellement insulté à la Halle. Il n’est pas douteux que le Comité de sûreté générale n’ait pratiqué cette manœuvre.»

      Le 19 novembre 1793

      Un bulletin de la santé de Louis-Charles, portant le cachet de la Commune de Paris, et signé par le cordonnier-tuteur Antoine Simon. Ce bulletin est ainsi conçu :

      « Louis a passé la nuit assez tranquillement, ayant moins toussé que la précédente, de l’avis du citoyen Monier, médecin. Il a pris ce matin du petit lait et le continuera pendant quelques jours. Ensuite il prendra quelques légers purgatifs, ce qui n’annonce qu’une légère indisposition.»

      Le 15 décembre 1793

      A ces témoignage font écho les dépêches conservées à Dropmore par le baron de Fortecue (Fortescue Ms.) cités par G Bord (royaliste) qui les interprète différemment de Mathiez (communiste) : « Le roi est très malade.»

      Le 28 décembre 1793

      « Le roi est malade toujours d’une espèce dévoiement»

      (FM, II, 488)

      Depuis que sa maladie a empiré fin décembre l’enfant a logiquement reçu des soins (à base d’opium ou autre substance dangereuse ?) des médecins de l’Hôtel Dieu qui savent donc à quoi s’en tenir sur son état. Tout au moins le docteur le Monnier mais aussi peut-être le médecin Naudin qui, alors, soigne madame Simon (visite le 7 nivôse an II), et a certainement dû examiner l’enfant qui, malade lui aussi, vit chez elle.

      Le 10 janvier 1794

      «Il est très amaigri. »

      Le 19 janvier 1794

      Simon, rappelé à ses fonctions municipales, quitte le Temple :  Simon a dû choisir entre sa place au Temple et son mandat de municipal à la Commune de Paris car on lui refuse le cumul … ; il choisit la Commune. Sa femme le suit peu après. En réalité, on le soupçonne de « royalisme » – bien camouflé sous des jurons révolutionnaires – ce qui était vrai. Il périra avec Robespierre le 8 thermidor an II.                         On ne prévoit pas de remplaçant pour Louis XVII. Sa femme, malade, quitte donc également la prison.

      Si l’enfant royal est mort ou enlevé à l’époque du départ des Simon, le secret en aurait donc été soigneusement maintenu, au cours de l’hiver 1793-94, par la Commune de Paris encore dirigée par Pache et Chaumette et jusqu’en ventôse An II lorsque le maire Pache, envoyé en prison avec sa famille, est remplacé par Payan puis Lescot de Fleuriot, et que Chaumette, Ronsin, Hébert, Chaumette, Deschamps des Tournelles, Vallet de Villeneuve, Proly, Brichet, Péreyra, Guzman, le ci-devant comte Scipion du Roure et autres maratistes de circonstance et/ou piliers de la Commune de Paris sont arrêtés.

      L’informateur du gouvernement britannique, qui entrevoit Simon à sa sortie du Temple, ajoute d’autres précisions au sujet du petit prisonnier :

      « On ne lui donne, pour l’amuser, que les livres les plus infâmes, et enfin, depuis la mort du roi (Louis XVI, il n’est rien qu’on ne fasse pour le corrompre.»

      Drake à Lord Grenville

      « (Simon) prétend que, de temps en temps, il sent sa position et se désespère, alors les commissaires (de la Commune) l’étourdissent avec de l’eau de vie et en le faisant jour au billard. Il prétend aussi que plusieurs fois, Hébert l’a menacé de la guillotine, et que cette menace l’effraye si horriblement qu’il a vu souvent cet enfant s’évanouir à cette menace. Les deux gardes nationaux qui ont monté la garde au temple ont appris à peu près des détails semblables, mais ont ajouté que les princesses étaient obligées à laisser leur porte toujours ouvertes et qu’elles étaient persécutées. »

      Compte tenu de la situation faite à l’enfant au Temple depuis l’été 1793, sa consommation forcée et régulière d’alcool, son exposition à l’humidité des lieux à la fin de l’automne on peut admettre que sa santé s’est détériorée comme le révèle le bulletin de santé de novembre. Il tousse et il semble atteint de coliques persistantes.

      L’hypothèse de son décès prématuré est donc légitime de même que la question de sa substitution éventuelle, même si les dépêches ultérieures adressées par Drake à Lord Grenville laissent penser que à en lire certains documents officiels, l’enfant était encore vivant en février 1794.

      Eh pourtant, à la fin de janvier 1794, Louis XVII semble bien portant, si l’on en croit les autorités :

      1 – Le procès-verbal de « décharge » de la garde du petit prisonnier, confié aux époux Simon, effectué par le quatre municipaux Legrand, Lasnier, Cocherfer et Lorinet qui précisent que les Simon « leur ont exhibé la personne dudit Capet en bonne santé ».

      (Collection Etienne Charavay- « Papiers du Temples »).

      2 – La déclaration de Lasnier, gardien de Louis XVII, précisant également que les Simon « ont remis cet enfant en bonne santé », déclaration qui parut dans le Moniteur Universel du 3 pluviôse an II (22 janvier 1794).

      Après le départ des Simon, Louis XVII déménage et est enfermé au deuxième étage de la Tour.

      Mais est-ce le même enfant ? toute la question est là. Si il était mort pour une raison ou une autre, les membres de la Commune avaient tout à redouter la grande colère des comités de gouvernement, et notamment le comité de salut public qui n’a aucun intérêt à perdre son otage précieux. Dans ce cas, de leur propre chef, les meneurs de la Commune de Paris auraient-ils procédé au remplacement du cadavre (enterré anonymement) par un enfant, peut être un orphelin qui mourut lui même un an et demi plus tard (8 juin 1795) ?

      Les conclusions des médecins qui l’autopsièrent sont, paraît-il, contradictoires et jettent un doute sur l’identification du corps, notamment le docteur Desault qui ne l’a pas reconnu, témoignage relayé inlassablement son épouse et son entourage après son décès..

      A partir de là, commence un état de solitude, de réel abandon.

      Louis-Charles est cloîtré dans une chambre du Temple.  Il reçoit sa nourriture par un petit guichet et vit dans la pénombre. Les commissaires qui se succèdent chaque jour pour le garder ne peuvent le voir. Pas de visite de médecin.

       

      Le 12 février 1794

      Après une longue interruption, nouvelle dépêche relative à l’enfant. Elle est troublante par ce qu’elle suggère :

      « Simon devenu si effrayé par le danger qu’il courait (l’enfant ou lui même ?), qu’il se prêtait à tout ce que voulaient les scélérats, ne rendait compte de rien et ne travaillait qu’à la sortie de cette place».

      (FM, II, 528)

      Dans quelque sens qu’on lit cette phrase on en retient que l’état de l’enfant du Temple est sérieux voire critique et que les autorités de la Commune (les «scélérats») ont demandé à Simon de se montrer discret sur ce qu’il a vu.

      Le 10 mars 1794

      Une Dénonciation du 20 ventôse an II «relative à des faits qui se sont passé à la garde de la tour du temple et à une consigne qui empêchait les officiers d’Etat major de pénétrer dans cette maison» (AN, W 88, dos. 11, 2 pièces.) laisse penser que la Commune aux abois (ses membres sont arrêtés ces mêmes jours) ne tient pas à ce que des officiers viennent constater ou surprennent des faits relatifs à ce qui s’est passé au Temple.

      Le 16 mars 1794

      Une Importante déclaration de Georges Couthon, le 26 ventôse an II, à la veille de la chute de la Commune, alors que Ronsin, Vincent, Hébert sont arrêtés, laisse penser qu’il y a eu «conspiration»:

      « Les preuves de la conspiration que nous avons dévoilée s’accumulent au Comité de sûreté générale. Je suis chargé de vous faire part d’un fait qu’il n’y a plus d’inconvénients à révéler puisque que les coupables sont en lieu de sûreté, le voici. On a tenté de faire parvenir au Temple, aux enfants Capet, une lettre, un paquet et cinquante louis en or. Le but de cet envoi était de faciliter l’évasion du fils de Capet; car les conjurés ayant formé le projet d’établir un conseil de régence, la présence de l’enfant était nécessaire à l’installation du régent

      Georges Couthon

      Louis-Charles au Temple

      La veuve Simon déclare à la Police au début de la Restauration qu’elle a vu des choses lors du déménagement de janvier 1794. Voiture, panier de linge… Elle dit que le Dauphin est sorti du Temple. Elle prétend qu’il est venu la voir à l’hospice sous l’Empire. Puis elle change plus tard de version et dit que c’est le second de cuisine Meunier (en poste à Versailles, aux Tuileries, au Temple) qui lui a dit que l’enfant avait quitté la prison.

      Le 24 mars 1794

      Jacques-René Hébert est guillotiné : lors de son trajet de la conciergerie à la place de la Révolution, il est hué par le peuple. Quand vient son tour de « jouer à la main chaude » (« être guillotiné »), Hébert doit être traîné à l’échafaud : sa tête montrée par le bourreau est saluée par des quolibets.

       

      Il est vraisemblable que le Comité de salut public, au moment ou la tête de Hébert roule sur l’échafaud, est fixé sur la situation réelle au Temple. Après la mort des hébertistes le Comité de sûreté générale regarde comme inutile la surveillance particulière réduite à deux gardes nationaux pour la famille royale (trois personnes).

      Si l’enfant est mort avant la chute de la Commune hébertiste, les mêmes autorités – la Commune de Pache et Chaumette puis le Comité de salut public -, en admettant que tous soient au courant, feraient en logique tout pour cacher ce décès au public. Mais cela ne prouve pas qu’il y ait eu substitution.

      Les 27 et 29 mars 1794

      Les 7-9 germinal An II une séance de la Commune de Paris :

      «On nomme les membres qui doivent aller au Temple y maintenir l’ordre et la tranquillité; le citoyen Cressant est proposé: plusieurs s’opposent à son admission et lui reprochent d’avoir plaint le sort du jeune Capet (sic), d’avoir même recueilli les noms de ceux qui montent journellement au Temple ». Après délibération le conseil arrête l’exclusion de Cressant du conseil, renvoyé à l’administration de police et scellés sur ses papiers (il ne sortira de prison que plus tard). »

      Moniteur XX, 69 et 154

      On effectue des travaux d’isolation et de confinement strict de l’enfant pour prévenir tout enlèvement. Quatre commissaires sont nommés à cet effet (Moniteur XIX, 239). Depuis cette date sept membres du conseil général de la Commune forment la nouvelle commission spéciale de la surveillance du Temple.

      Le Roi semble mieux traité. voir Ng p 564

      Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke

      Le 8 mai 1794

      On vient chercher Madame Elisabeth au Temple pour la conduire à la Conciergerie.

      Adieux de Madame Royale à Madame Élisabeth

      En mai 1794

      Déposition de Barelle

      D’après une dépêche conservée dans les Dropmore papers, Robespierre aurait sorti Louis-Charles (peut-être un autre enfant) de la prison du Temple et l’aurait conduit à la forteresse de Meudon en mai 1794, répétition d’une opération qui pourrait avoir lieu au cas où les armées ennemies encercleraient Paris. On sait que le vieux château de Meudon est alors devenu un arsenal et une réserve de poudre. Si l’information donnée par l’informateur du gouvernement anglais est exacte, on trouve une logique immédiate qui tient à l’inquiétude de Robespierre. Celui ci avait de bonnes raisons de penser que tôt ou tard les armées coalisées encercleraient la capitale. Cette hypothèse n’est pas à rejeter absolument. Pour négocier une porte de sortie pour lui et les membres des comités on peut penser qu’ils avaient l’intention de mettre dans la balance la vie même de l’enfant du Temple qu’on transporterait hâtivement du Temple à Meudon, avec la menace dissuasive d’une explosion des réserves de poudre et le sacrifice de l’otage (cette hypothèse a davantage de sens qu’un nébuleux projet d’exfiltration de cet enfant dont Robespierre se serait rendu complice… mais l’information est peut-être simplement inexacte. Quoi qu’il en soit de ce pont particulier qui a donné lieu à de nombreuses spéculations fantaisistes, les dépêches, issues des Dropmore papers (Public Record office à Londres), sont utilisées et discutées par MM. de Beaucourt et Gustave Bord, historiens «royalistes» qui contrairement à MM. Alphonse Aulard et Albert Mathiez (dont les théories y sont parfois mises à mal), pensent qu’elles contiennent des vérités. Comme souvent, la «vérité», justement, est entre deux. Les informateurs des cabinets étrangers se trompent ou sont mal renseignés sûrement plus qu’ils ne cherchent à tromper (comme cela a parfois été exagérément soutenu par Jacques Godechot).

      Le 10 mai 1794

      Exécution de Madame Élisabeth.

      Madame Royale reste seule au Temple, au dessus de chez son petit frère…

      On sait que la Commune de Paris et la haute administration du ministère de la guerre, à savoir Bouchotte, Ronsin, Vincent, Turreau, Quétineau, Hanriot, Santerre etc. sont, en ce même hiver 1794, au moment de tenter un coup d’état militaire contre la Convention et ses comités tout puissants qu’ils critiqueent. Ils désirent imposer à la France entière le gouvernement de Paris et de ses sections, appuyés sur un conseil de régence dont Jean-Nicolas Pache (1746-1823) serait Grand Juge. On sait aussi que le général Henriot à la veille de la révélation du complot «pachiste» par (selon la tradition) le sieur Souberbielle, lui même médecin de Robespierre qui lui a fait part de ses craintes, est pardonné par Robespierre. Celui-ci demande aussitôt à Saint-Just et aux comités de gouvernement de reprendre la Commune et sa force armée en main, de décapiter sans délai le mouvement popularisé par Hébert et d’épurer la Commune «gangrenée par l’étranger» (Pache est arrêté et remplacé par Lescot de Fleuriot).

      En mai, l’enfant du Temple semble se bien porter, ce qui n’est pas le cas de sa sœur qui doit être accablée de chagrin depuis le départ de sa tante Elisabeth dont elle ignore le sort :

      Ceux qui ont eu l’occasion de voir Louis XVII dans le lieu où les tyrans le retiennent en captivité s’accordent à dire qu’il est de la plus belle figure. On le coëffe d’un bonnet rouge, on l’occupe à faire des souliers, on lui paye son travail avec des sous de fonte des cloches, et on le laisse jouer avec des polissons. Quant à madame, sa sœur, elle a dépéri d’une manière effrayante, on la fait travailler à des chemises pour la nation.

      Extrait des feuilles de Paris du 5 juin (1794), n°164 in Journal de la Guerre du 12 juin 1794, p.1340

       

      Le 11 juin 1794

      Le citoyen Desault chirurgien major du grand hospice de l’humanité de Paris (est) arrêté au moment où il donn(e) sa leçon et conduit à la Maison d’arrêt du Luxembourg. Le citoyen Manoury (est) nommé pour le remplacer provisoirement.

      Extrait des feuilles de Paris du 5 juin (1794), n°164 in Journal de la Guerre du 11 juin, p.1402)

      Le 27 juillet 1794

      Chute de Maximilien de Robespierre ( né le 6 mai 1758), il est guillotiné le lendemain.

      … Antoine Simon fait partie du convoi de la guillotine.

      Marie Jeanne Aladame (1745-1819) la veuve Simon, ancienne domestique entrée aux Incurables en 1796, assurera toujours que l’enfant mort en janvier 1794 fut remplacé, et cela jusque sous la Restauration où, pressée par Decazes elle soutiendra une version contraire. Jusqu’à sa mort, le 10 juin 1819) elle assure néanmoins aux religieuses qui s’occupent d’elle que l’enfant du Temple a été substitué (remplacé), alimentant une rumeur qui a marqué l’historiographie légitimiste.

      Jusqu’au 28 juillet 1794

      Louis-Charles est enfermé au secret dans une chambre obscure, sans hygiène ni secours, pendant six mois. Son état de santé se dégrade, il est rongé par la gale et surtout la tuberculose. Il vit accroupi. Sa nourriture lui est servie à travers un guichet et peu de personnes lui parlent ou lui rendent visite. Ces conditions de vie entraînent une rapide dégradation de son état de santé. L’isolement total dans lequel il est placé laisse planer un certain mystère et donne l’occasion à l’imagination populaire de soulever l’hypothèse de substitution de l’enfant et de son exfiltration, donnant naissance au « mythe évasionniste et survivantiste ».

      Le 28 juillet 1794

      Le député Barras découvre ainsi un enfant mutique, brisé psychologiquement. Les comités de salut public et de sûreté générale nomment Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section du Temple, pour le garder, lui et sa sœur.

      Louis XVII au Temple par Gustave Wappers, 1850, musée des Beaux-arts de Belgique

      Son sort s’améliore relativement, mais le prisonnier de la tour du Temple est rongé par la tuberculose, ce qu’omet de signaler Laurent lorsqu’il écrit, sur le bulletin de la tour du Temple, que les prisonniers « se portent bien ».

      Après le 27 juillet 1794

      Après le 9 thermidor, Barras fait désigner comme garde le citoyen Laurent, ancien président de la section du Temple, avec ordre d’améliorer les conditions de détention de l’enfant.

      Le 9 novembre 1794

      Jean-Baptiste Gomin (1757-1841), fils d’un tapissier de l’île Saint-Louis, est nommé adjoint de Laurent et devient gardien des enfants de France à la prison du Temple. L’enfant est décrit en bonne santé mais il doit certainement y avoir des signes avant coureur de sa maladie qu’ils ne perçoivent pas.

      Le 19 décembre 1794

      C’est seulement lors de la visite, le 19 décembre 1794 (et non en mars 1795), des citoyens représentants du Comité de sûreté générale Harmand, Mathieu et Reverchon qu’on constaterait, prétendra beaucoup plus tard Harmand, des anomalies physiques (tumeurs au genou droit et au poignet gauche) et psychologiques (mutisme).

      Entre décembre 1794 et mai 1795

      Aucune disposition sur la santé de Louis Charles n’est prise par l’exécutif. L’indifférence semble prédominer.

      ‘Louis XVII in chains’ by Achille-Joseph-Étienne Valois, 1827. [credit: Photo © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin]

      Cette indifférence à soigner l’enfant pourrait bien avoir un rapport avec les négociations de paix en cours avec l’Espagne qui réclame, entre autres, les deux enfants de Louis XVI. La République craint, elle, d’abandonner son otage qui permettrait à ses ennemis de relancer la coalition et de réactiver la guerre pour organiser une restauration de leur choix. La mort de l’enfant arrangerait la haute politique française.

      Retrouver les portraits authentiques du petit Roi relèverait, si l’on en croit tout ce qui a été dit, écrit et publié, de l’enquête policière. Eh pourtant, c’est bien le peintre Greuze de Tournus qui est la piste la plus intéressante. En 1791, avant l’incarcération de la famille royale, il a fait un premier portrait de l’enfant alors qu’il n’avait que six ans (en dessous, à gauche). Il n’est pas besoin d’être un grand spécialiste pour constater une ressemblance probable avec le portrait oublié que j’ai replacé au milieu, compte tenu, bien entendu, qu’en quatre ans, un visage d’enfant s’allonge mais que certains détails ne changent pas (la bouche avec sa lèvre inférieure déjà bourbonienne, la chevelure, le nez, les yeux). L’enfant a pourtant bien changé. Les épaules sont tombantes, la poitrine étroite et rentrée, le visage émacié. Les joues se sont creusées, la bouche ne sourit pas et le regard n’est plus le même.

      Ce tableau oublié tout à fait inconnu s’est vendu dans une salle des ventes parisienne, le 11 octobre 1981. La description était la suivante : «Portrait présumé du dauphin Louis XVII, attribué à Greuze» L’inscription collée au dos donnait les précisions suivantes : «Portrait du dauphin Louis XVII à l’âge de dix ans. Huile sur toile attribuée à Greuze, non signée, portant en haut et à droite les armes de la famille royale de France.»

      Le tableau est merveilleusement peint. Les cheveux blonds sont d’une grande finesse. L’expression du visage est d’une étrange délicatesse mais révèle un état maladif. Madame Vigée Le Brun, amie de Marie-Antoinette qui fit plusieurs portraits de la famille royale ayant émigré dès 1789, ne peut en être l’auteure. En revanche, plusieurs artistes ont pu peindre l’héritier de la couronne. Tout d’abord Ducreux qui a dessiné Louis XVI au Temple, Prieur qui peignit Marie-Antoinette à la Conciergerie, et tous ceux qui firent les portraits des héros de la Révolution… mais c’est bien le tournusien Greuze qui est la piste la plus crédible. Il était alors à Paris. C’est d’ailleurs l’hypothèse retenue dans le catalogue «Chrysanthemum» qui fait par ailleurs remonter l’origine du tableau jusqu’au baron Mayer de Rothschild.

      Il s’agit de Louis XVII dans sa triste authenticité et non dans une posture académique d’enfant royal.

      Le 31 mars 1795

      Laurent démissionne. Il est remplacé par Etienne Lasne (1757-1841), ancien peintre en bâtiment, de la section Des droits de l’homme.

      Les citoyens Lasne et Gomin traitent l’enfant avec douceur mais son état les inquiète.

      Le 13 avril 1795

      « Un enfant vivant est au Temple : il est incommodé selon un rapport de Sevestre sur le caractère et les signes extérieurs de la maladie.»

      (source ? Moniteur XXIV, 650)

      Le 3 mai 1795 (14 Floréal an III)

      Les gardiens Gomin et Lasne inscrivent sur les registres du Temple « Le petit Capet est indisposé ».

      Le 6 mai 1795 (17 Floréal an III)

      La tuberculose prend un tour critique, caractérisé par l’apparition d’une péritonite.

      Dans les derniers jours de mai 1795

      Les gardiens signalent au comité de Sûreté générale que l’enfant Capet manifeste « une indisposition et des infirmités qui paraissent prendre un caractère grave ».

      Cette fois le gouvernement réagit. Le docteur Desault médecin chef de l’Hôtel Dieu, examine l’enfant et prétend, dit-on, ne pas le reconnaître (ce que confirme son épouse), confirme la gravité de l’état du malade mais … meurt les jours suivants. On le remplace par ses collègues Pelletan, chirurgien, qui observe certains symptômes caractéristiques révélant un stade avancé d’une maladie infectieuse mortelle, et demande confirmation de diagnostique à son collègue Dumangin qui l’approuve. Il s’agit pour eux d’un «vice scrofuleux» qui signifie tuberculose osseuse. Cette maladie a frappé son frère aîné, décédé le 4 juin 1789. Il est possible que les carences en vitamines C et D, le confinement et le manque d’exercice prolongé après le départ des Simon, ou encore l’humidité aient favorisé l’apparition de cette maladie chez Louis-Charles. Il est possible enfin que Marie-Antoinette ait été porteuse saine de cette maladie et l’ait transmise à ses deux fils, mais il n’y a aucune évidence à cela.

      Le Comité « arrête que le premier officier de santé de l’hospice de l’Humanité visiterait le malade en présence de ses gardiens et administrerait des remèdes ». Le docteur Desault passe à cette époque pour être le premier praticien de Paris.

      Pendant tout ce temps, l’état du petit Roi s’est tellement aggravé qu’enfin, à la demande pressante des geôliers, on fait venir un médecin. M. Desault le soigne et lui prescrit quelques remèdes, bien qu’il fait comprendre dès le début à Gomin qu’il a peu d’espoir de guérison pour l’enfant. Ils le déplacent dans une pièce plus claire et ensoleillée, mais il est très faible et le changement ne freine guère la progression de la maladie. Bien que son bon ami le conduise souvent jusqu’à la plate-forme de la Tour, le léger mieux apporté par la respiration de l’air frais compense à peine la fatigue que lui coûte l’effort.

      Le 29 mai 1795

      Desault fait sa dernière visite au malade car il meurt le 1er juin, à l’âge de cinquante-sept ans.

      Madame de Tourzel parvient à s’assurer des contacts avec Gomin et Lasne, anciens commissaires de la Commune de Paris, en charge de la surveillance du petit Roi au Temple. Elle prend connaissance des interventions de Desault et Pelletan, les derniers médecins qui tentent d’adoucir les souffrances de l’enfant … Le témoignage du docteur Jeanroy, « un vieillard de plus de quatre-vingts ans, d’une probité peu commune et profondément attaché à la famille royale. Il (a) été choisi pour assister à l’ouverture du jeune roi ; et pouvant compter sur son témoignage comme le mien propre, (elle) le f(ait) passer chez (elle)».

      De réputation fiable et solide, qui l’a fait choisir par les membres de la Convention pour fortifier de sa signature la preuve que le jeune roi n’a pas été empoisonné.« Ils n'(ont) pas eu besoin d’employer le poison : la barbarie de leur conduite vis-à-vis d’un enfant de cet âge d(oit) immanquablement le conduire au tombeau. Sa bonne constitution prolongea so n supplice ; la malpropreté dans laquelle on le laissait volontairement et le défaut d’air et d’exercices, lui avaient dissous le sang et vicié toutes les humeurs.»

      Madame de Tourzel

      Pour la marquise, le jeune prince est bien mort au Temple.

      Les trois médecins de Louis XVII au Temple meurent presque en même temps

      Le 1er juin 1795

      Mort de Pierre Joseph Desault, né à Vouhenans (Haute-Saône) le 6 février 1738 d’une famille rurale de sept enfants et mort à Paris , il était chirurgien et anatomiste.

      Le 5 juin 1795

      François Doublet, né le 30 juillet 1751,  était médecin de la faculté de médecine de Paris et membre de la société royale de médecine. 

       

      Pierre Joseph Desault

      Le 6 juin 1795

      Le docteur Pelletan, quarante-huit ans, chirurgien en chef de l’Hospice de l’Humanité, succède au docteur Desault.

      Ne voulant pas prendre seul la responsabilité de soigner l’enfant, le Comité de sûreté général lui adjoint le docteur Dumangin, cinquante-et-un ans, médecin chef de l’hospice de l’Unité (Hôpital de la Charité de Paris). Ils n’ont aucun espoir. Ils lui font prendre des médicaments qu’il avale avec difficulté.  Heureusement, sa maladie ne le fait pas beaucoup souffrir ; c’est une débilité et un dépérissement total plutôt qu’une douleur aiguë. Il a plusieurs crises pénibles ; la fièvre le saisit, ses forces diminuent de jour en jour, et il expire sans lutte.

      Dans la nuit du 7 au 8 juin 1795

      Gomin et Lasne alarmés par l’état de santé de l’enfant ont envoyé cherché en urgence le docteur Pelletan. Il répond qu’il viendra demain matin avec le docteur Dumangin.

      Le lundi 8 juin 1795 (20 prairial an III)

      Les docteurs Dumangin et Pelletan arrivent ensemble à onze heures du matin au Temple, l’état de l’enfant s’est aggravé.

      A trois heures de relevée

      Louis XVII meurt dans sa prison, probablement d’une péritonite ulcéro-caséeuse venue compliquer la tuberculose (le « vice scrofuleux » qui a déjà coûté la vie à son frère aîné), à l’âge de dix ans et après presque trois ans de captivité.

      A trois heures de relevée

      Louis XVII meurt dans sa prison, probablement d’une péritonite ulcéro-caséeuse venue compliquer la tuberculose (le « vice scrofuleux » qui a déjà coûté la vie à son frère aîné), à l’âge de dix ans et après presque trois ans de captivité.

       « Le sieur Lasne gardien et moi, nous prêtions nos soins au petit dauphin, et enfin à trois heures (de l’après-midi) lorsque le sieur Gomin fut revenu, l’enfant venait de mourir ». Pelletan arrivé à quatre heures confirme la mort. Le docteur Dumangin arrive à huit heures, il apprend le décès du fils Capet.»

      Témoignage de Damont commissaire civil au Temple

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      Note manuscrite écrite par Jean-Baptiste Gomin, gardien des enfants de France à la prison du Temple, sur les événements concernant la mort du jeune prince. Portant au bas du document une note manuscrite signée Alcide de Beauchesne: «De la main de Gomin, l'un des gardiens du temple au moment de la mort de Louis XVII».

      Les commissaires le pleurent amèrement, tant il s’est fait aimer par ses douces qualités. Il avait beaucoup d’intelligence ; mais l’emprisonnement et les horreurs dont il est la victime l’ont beaucoup changé ; et même, s’il a vécu, il est à craindre que ses facultés mentales ont été atteintes. Le seul poison qui a abrégé sa vie est l’impureté, jointe aux traitements horribles, à la dureté et à la cruauté sans exemple exercés sur lui.

      Le 9 juin 1795

      A onze heures du matin, le chirurgien Philippe-Jean Pelletan réalise son autopsie qui confirme le diagnostic de tuberculose. Il est secondé par trois médecins dont le docteur Dumangin. C’est justement dans ce rapport d’autopsie que le docteur Pelletan va aussi raconter une idée que lui est venue à l’esprit : celle de s’emparer en toute discrétion du cœur de l’enfant mort et le garder dans sa poche. Après, le cadavre du petit Roi va être jeté dans une fosse commune au cimetière de Sainte-Marguerite. Il va le garder dans l’alcool et le cœur va devenir dur comme de la pierre.

      « Vous m’aviez à la vérité proposé d’autres adjoints; et sur mon observation que, d’après les qualités personnelles et les rapports qu’avaient eus M. Pierre Lassus (1741-1807) avec Mesdames de France et Nicolas Dieudonné Jeanroy (1750-1816) dans la Maison de Lorraine, leurs signatures seraient d’un tout autre poids, vous aviez agréé ce choix. » 

      Le docteur Dumangin rédige le procès-verbal d’autopsie, recopié en quatre exemplaires : Un pour le Comité de sûreté générale et un pour chaque médecin. L’exemplaire  du docteur Dumangin est conservé aux Archives Nationales depuis 1891.

      « Des doutes intempestifs se sont élevés sur l’identification du cadavre car on n’a pas pensé (ou voulu ? disent certains) le présenter à Marie-Thérèse Charlotte, sa sœur, ni à madame de Tourzel sortie de prison, ni à Hue, ni à Tison, ni à Marie Jeanne Aladame, la veuve de Antoine Simon, ni à aucun des anciens médecins du dauphin (le docteurs Brunier et le docteur Naudin, médecin des prisons). Mais il a été reconnu par un ancien garde national (le citoyen Gagnié, «ancien chef du Temple»), présent à l’autopsie, qui déclara en août 1817 avoir vu le dauphin aux Tuileries, tenant la main à sa mère et se promenant dans son petit jardin aménagé.»

      Ce même jour

      François Chopart, chirurgien, né le 30 octobre 1743 à Paris, y meurt à l’âge de cinquante-et-un ans.

      Il se dit que Pierre Joseph Desault, François Doublet et François Chopart en savaient trop sur l’autopsie d’un faux Louis XVII, il ne fallait pas qu’ils puissent parler : on les a empoisonnés.

      Le 12 juin 1795

      Louis-Charles est enterré dans le cimetière Sainte-Marguerite. Sous la Restauration, Louis XVIII fait rechercher la sépulture de son neveu : l’énigme de « l’enfant du Temple » se développe alors avec les témoignages contradictoires de ceux qui ont assisté à l’enterrement le 10 juin (fossoyeur, concierge du cimetière, abbé …) qui évoquent une inhumation en fosse commune (le corps ne pouvant dès lors plus être identifié), une réinhumation dans une fosse particulière près de la Chapelle de la Communion de l’église, voire dans le cimetière de Clamart.

      Le 12 juin 1795 (24 prairial an III)

      L’acte de décès de Louis XVII est rédigé. L’original du document a disparu dans les incendies de la Commune de 1871 mais l’acte avait été recopié par des archivistes et un exemplaire se trouve aussi aux Archives Nationales :

      « Du vingt-quatre prairial de l’an trois de la République (12 juin 1795)

      Acte de décès de Louis Charles Capet du vingt de ce mois (8 juin), trois heures après-midy, âgé de dix ans deux mois, natif de Versailles, département de Seine-et-Oise, domicilié à Paris aux Tours du Temple, section du Temple, fils de Louis Capet, dernier roy des Français, et de Marie Antoinette Josèphe Jeanne d’Autriche.
      Sur la déclaration faite à la maison commune, par Etienne Lasne, âgé de trente-neuf ans, profession gardien du Temple, domicilié à Paris rue et section des Droits-de-l’Homme n° 48 : le déclarant a dit être voisin ; et par Rémy Bigot, âgé de cinquante-sept ans, profession employé, domicilié à Paris vieille rue du Temple n° 61 : le déclarant a dit être ami.
      Vu le certificat de Dussert, Commissaire de Police de ladite section, du vingt-deux de ce mois (10 juin). Officier public : Pierre Jacques Robin.

      (Signé) : Lasne, Robin, Bigot. »

      Le 24 juin 1795

      Monsieur, toujours en émigration , est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII.

      Dès 1795, des rumeurs faisaient courir le bruit que le Dauphin, remplacé dans sa geôle par un autre garçon, aurait été libéré du Temple. Ces rumeurs avaient été favorisées par les exhumations des restes d’un enfant au crâne scié — traces d’une autopsie — du cimetière Sainte-Marguerite (au cours des deux exhumations réalisées en 1846 et en 1894, plusieurs spécialistes attribuent pourtant le corps à un sujet masculin âgé de plus de seize ans, d’1,63 m et de morphologie différente de celle de Louis XVII) et l réaction thermidorienne : tandis que les royalistes osaient à nouveau s’afficher comme tels, des accords de paix étaient négociés entre la République et les révoltés vendéens et chouans ( traités de La Jaunaye, de la Mabilais et de Saint-Florent-le-Vieil ). La mort du petit Roi, en juin de cette même année, fut par conséquent accueillie avec scepticisme par une partie de l’opinion publique. Ce contexte permit l’éclosion de théories «évasionnistes» et «survivantistes» …

      Dès le début du XIXe siècle, des «faux Dauphins» commencèrent à apparaître et à réunir un nombre variable de partisans autour de leurs prétentions. Les condamnations des trois premiers (Hervagault, Bruneau et un certain Hébert, connu sous le titre de «baron de Richemont») à de lourdes peines de prison ne découragèrent pas d’autres imposteurs, dont le plus célèbre est l’horloger prussien Karl-Wilhelm Naundorff (date de naissance inconnue-10 août 1845), qui eut de nombreux adeptes jusqu’à la fin du XXe siècle.

      Dans les récits qu’ils firent de leur prétendue évasion du Temple, la plupart de ces prétendants reprenaient la trame du roman de Regnault-Warin, qui évoque des agents royalistes envoyés par Charette qui s’introduisent dans la tour, où ils apportent, au moyen d’une cachette ménagée dans un « cheval de bois », un orphelin drogué à l’opium destiné à prendre la place du vrai Dauphin. Ce dernier, dissimulé dans le même objet, est ainsi libéré de sa prison. Aux termes de nombreuses péripéties, et notamment d’une tentative d’exfiltration vers l’Amérique, l’orphelin royal est repris avant de mourir de maladie.
      Malgré les nombreuses invraisemblances et le triste dénouement de ce récit, la thèse de la substitution gagne ainsi un nouveau mode de diffusion le cheval de bois étant quelquefois remplacé par un panier de linge sale, et Charette par le comte de Frotté, ce dernier ayant effectivement échafaudé, sans pouvoir y donner suite, des projets d’enlèvement des orphelins royaux.
      Aux imposteurs plus ou moins convaincants s’ajoutent de nombreux fous (comme Dufresne, Persat et Fontolive) ou encore des personnages dont l’identification à Louis XVII a surtout été l’œuvre de tiers, le plus souvent de manière posthume : c’est notamment le cas de l’officier de marine puis architecte français Pierre Benoît (actif à Buenos Aires ), du pasteur iroquois Eliézer Williams, du musicien anglais Augustus Meyes, du célèbre naturaliste John James Audubon et même de Louvel (assassin du duc de Berry, cousin de Louis XVII).

      Les circonstances exactes de la mort de Louis XVII et la rumeur concernant une éventuelle évasion de la prison du Temple ont attisé la curiosité de nombreux auteurs, comme Gosselin Lenôtre (1855-1935), André Castelot (1911-2004) ou Alain Decaux (1925-2016).

      Monument funéraire de Louis XVII à la basilique de Saint-Denis

      Il demeure quelques partisans de la survivance du prince.

      A partir de 1798 commence la saga des faux dauphins.

      Ainsi ce début du XIXe siècle verra-t-il revenir de nombreux prétendants au titre de Louis XVII – on en a comptés environ cent cinquante… : le baron de Richemont, l’horloger prussien Karl-Wilheim Naundorff, Jean-Marie Hervagault ou Mathurin Bruneau ont pu chercher à rencontrer la duchesse d’Angoulême pour se faire reconnaître.

      Marie-Thérèse n’en reçut aucun !

      Le dénommé Jean-Marie Hervagault, en fugue pour la dixième fois, annonce qu’il est Louis XVII (des rumeurs circulent dès 1795 sur la survie de Louis XVII). Il sera jugé et finira ses jours en prison en 1812. Notons que lors d’une fugue précédente, son père n’a pas voulu le reconnaître !

      Sous le Consulat

      Barras, l’un des responsables du renversement de Robespierre en 1794 et directeur de la République de 1795 à 1799, a bénéficié d’un traitement de faveur de la part de Louis XVIII ) partir de 1814. Il n’est pas exilé, comme beaucoup d’anciens députés de la Convention (1792-1795).

      Il a déclaré sous le Consulat, lors d’un repas, que le fils de Louis XVI était vivant et qu’il «verrait pendre ce diable de corse». Témoignage devant notaire d’une invitée.

       

      L'Apothéose de Louis XVII par William Hamilton

      Sous le premier Empire

      Si l’on en croit les « Mémoires de Talleyrand », à entendre Joséphine de Beauharnais, Napoléon considère avoir la preuve absolue de l’existence de Louis XVII. Il en est si sûr qu’il dit souvent à son entourage : « Quand je voudrai, je sèmerai la discorde dans la famille du prétendant ! ».

      En 1814

       L’empire français s’écroule et Napoléon prend pour la première fois le chemin de l’exil. Quant à Joséphine, lorsque le Czar Alexandre va la visiter, il lui dit : « Qui mettrons nous sur le trône de France, Madame ? », elle lui répond : « Mais le fils de Louis XVI, évidemment ».

      A la Restauration

      Voici l’ignare Bruneau et le dandy «Baron de Richemont».
      Puis arrive Naundorff, apparu en Prusse. On trouve des traces de lui en 1809.

      Le docteur Pelletan va essayer de rendre ce cœur à la famille du petit Roi pendant la restauration, mais ils vont refuser et finalement il va le donner à Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris. Pendant la révolution de 1830 l’archevêché va être pillé et le cœur va être récupéré par le fils du Docteur Pelletan qui va se rendre personnellement à l’archevêché pour sauver la royale relique.

      Un témoignage navrant du citoyen Gagnié «ancien chef du Temple» est cité dans l’instruction commandée par Louis XVIII au sujet de la détention et de la mort de son neveu. Il assure avoir vu plusieurs fois le Dauphin avec sa mère et c’est le même enfant qu’il découvrit au Temple pendant l’hiver 1795-96 : 

      « En montant l’escalier qui conduisait au corridor attenant à la chambre de Louis XVII, je sentis une odeur extrêmement infecte qui sortait de la susdite chambre dans laquelle on entrait pas et voyant que depuis trois jours l’enfant renvoyer ses aliments tel qu’on lui portait, je demandai d’obtenir promptement une autorisation du Comité de sûreté générale et de faire ouvrir la porte de sa prison, ce qui fut exécuté, et je proteste qu’en entrant, je vis le jeune prince courbé et accroupi ayant ses bras retresés (sic), une tumeur au genou et au bras dans l’impossibilité de se redresser et ayant le cou rongé de gale, que l’ayant interrogé sur ce qu’il n’avait pas pris de nourriture depuis trois jours, il me répondit: «Que veux tu mon ami, je veux mourir.» Je certifie de plus que cet enfant était véritablement le fils de Louis XVI que j’avais vu aux Tuileries, le même que j’avais vu amené au Temple avec le roi et prendre ses récréations dans le jardin en présence de toute sa famille, enfin le même que je vis après la mort de Louis XVI lorsqu’il fut visité en présence d’un municipal qui était médecin, en ma présence et celle de M. Caillieux, administrateur. La reine craignant que ce ne fut une hernie mais elle sut que ce n’était qu’une glande engorgée que je fus même chargé d’acheter un bandage, le même à qui je donnai des serins et des pigeons lorsqu’il était avec le même Simon, le même que je vis au billard avec La Bazanerie chef de Bataillon (….) Fait à Paris le 27 juillet 1817 et signé Gagnié, ancien chef du Temple.»

      En 1819-1820

      Naundorff aurait contacté le duc de Berry, fils du futur Charles X. Il se rend en France dans les années 1830, vivant de l’hospitalité de ses partisans. Certaines personnes ayant connu Louis XVII reconnaissent en lui le fils de Marie-Antoinette. Mais que peuvent valoir ces témoignages quarante ans après les faits ? Naundorff donne des renseignements sur la vie du Dauphin. A-t-il soutiré ces informations des gens qui le reconnaissaient ?

      Naundorff est expulsé de France. Il vivra à Londres, fondera une religion, partira pour les Pays-Bas où il mettra une bombe connue sous le nom de «bombe Bourbon». Le Roi l’autorise à porter le nom de Bourbon. Naundorff meurt   à Delf. Ses partisans se battront pendant des décennies pour sa reconnaissance. Sa famille existe toujours. Une branche vit en France, l’autre au Canada. Elle a été déboutée lors d’un procès en 1954.

      Le 13 février 1820

      Assassinat du duc de Berry (1778-1820), fils du comte d’Artois (1757-1836).

      Le 14 février 1820

      La mort du duc de Berry

      On a prétendu que Louis Louvel (1783-1820), l’assassin, pouvait être Louis XVII car Louis XVIII l’aurait autorisé à se rendre à l’échafaud coiffé d’un chapeau… Louvel était sobre et travailleur. Il était cultivé, ne se liait à personne. Il a toujours dit avoir agi seul.

      Louvel-Louis XVII. des confidences ? De qui ? Ils sont tous morts !

      1: le vrai Louvel était en pension de juin 1791 à octobre 1795, donc possibilité d’introduire dans la famille Louvel un inconnu et de le faire passer pour le fils de la famille de retour à Versailles (1794);

      Les derniers moments du duc de Berry, par Alexandre Menjaud

      2: Robespierre est passé devant chez les Louvel à Versailles tous les jours d’avril à novembre 1789 (première possibilité d’un lien). Robespierre est à Versailles le 20 juin 1791 quand le père Louvel envoie à Paris le futur régicide, en pension. Aurait-il profité du carrosse de Robespierre ?      Il a été dit que Robespierre aurait postulé ou aurait été pressenti pour devenir gouverneur du Dauphin. Du moins son nom a circulé pour occuper la charge.

      3: Le conventionnel Lecointre accompagne Robespierre le 17 juillet 1791 ( jour de la fusillade du champ de Mars) dans la quête d’un abri sûr. Les Lecointre et les Louvel sont liés (le père Lecointre était parrain chez les Louvel). Et nous retrouvons le soir de la chute de Robespierre Lecointre festoyant avec Barras et les autres membres de la conjuration qui fit chuter le « tyran ».

      Un lien Robespierre – Lecointre – famille Louvel ; un second,  Barras – Lecointre – famille Louvel !

      4: En 1804, Louvel déclare avoir 19 ans (âge de Louis XVII), alors qu’il en a presque 21 ! (ce n’est pas un témoignage, c’est marqué sur son livret ouvrier !)

      5: En 1806, Louvel est réformé de la Garde Impériale par Larrey et Sue, amis de Desault, médecin au Temple en mai-juin 1795. Louvel est affecté à l’Artillerie de la Garde Impériale, à Paris, en 1805. Il fut réformé pour varicocèle.

      6 : En 1814, Louvel, qui n’aime pas l’armée, rejoint Napoléon à l’île d’Elbe. il y restera deux mois comme sellier. A-t-il voulu parler à l’empereur ?

      7 : L’abbé Arnoux, chargé par la famille royale de tirer les vers du nez du régicide, meurt à 28 ans le jour de l’ouverture du procès Louvel ! (d’une maladie poitrinaire, officiellement).

      8 : Louvel écrit : je n’ai pas déshonoré ma Nation, je n’ai pas déshonoré ma fille. N’ayant pas d’enfant, la fille de Louvel est-elle la Nation ? (texte lu aux pairs de France).

      9 : Louvel ressemble étrangement à Joseph II d’Autriche, oncle de Louis XVII (test réalisé sur quinze personnes – onze ont mis Joseph II en premier, et François II en second, cousin de Louis XVII – sur vingt portraits de même taille).

      Les oreilles de Louis XVII et de Louvel présentent de fortes ressemblances.

      10 : Louis XVIII ordonne une messe à la mémoire de Louis XVII pour le 8 juin 1821, soit un an et un jour après la mort du régicide. (cérémonie annulée). C’est la première fois que Louis XVIII ordonne cela.

      11 : En 1816, Louis XVIII fait effectuer des recherches sur les restes de Louis XVII au cimetière Sainte-Marguerite. Le jardinier en chef des jardins du Luxembourg, Toussaint Charpentier, déclare au préfet Anglés qu’au moment de l’enterrement de l’enfant du Temple, on lui fit creuser de nuit une fosse au cimetière de Clamart pour recevoir un petit cercueil. Une personne de la Municipalité aurait déclaré que le petit Capet aurait bien du chemin à faire pour retrouver sa famille.

      Ce Charpentier est également employé à Trianon. Son fils  en tant que jardinier en chef à partir de 1824. Ces gens connaissent la marraine de Louvel, Madame Belleville. Curieux !

      12 : Les restes de Louvel sont transférés dans une fosse commune, mais bien vite, on les exhume et les transporte dans un lieu toujours inconnu. Volonté de Louis XVIII de ne pas créer un lieu de pèlerinage républicain, ou d’inhumer Louvel dans une tombe royale ? (il existe des emplacements vides à la basilique de Saint-Denis).

      13 : Le comte de Vaisons (Le Roi perdu, de l’académicien Octave Aubry), qui n’a jamais existé, (mais le général-marquis de Bonneval correspond à son profil) arrête son enquête diligentée par Louis XVIII à la mort de Louvel en juin 1820. 

      14 : Louis XVII se blessa aux parties génitales en jouant au cavalier avec un bâton, ceci lorsqu’il était encore avec sa mère, sa tante et sa sœur. On lui mit un suspensoir. Louvel avait également un suspensoir. Il avait été réformé de l’Artillerie de la Garde Impériale en 1806 pour varicocèle :
      « La varicocèle testiculaire est une pathologie bénigne qui se caractérise par une dilatation des veines au niveau du cordon spermatique. Elle peut causer des problèmes de fertilité chez l’homme.« 
      Il se pourrait qu’il y ait eu une erreur de diagnostic, de conséquences de l’accident.

      Voici l’explication de l’affaire selon Jean-Claude Pilayrou :

      Robespierre a enlevé le Dauphin et l’a confié au père Louvel. On sait ce qui adviendra par la suite de Robespierre.
      Barras a enlevé le remplaçant de Louis XVII. Caché à St Domingue, il meurt en 1803 ( ?).
      Louis XVIII fit faire une enquête par Bonneval. Entre temps, Louvel tue le duc de Berry.

      Louis XVIII, qui est perturbé par les apparitions continuelles de faux dauphins (Hervagault, Bruneau, Dufresnes…), se demande si Louvel n’est pas Louis XVII, qui vient de se venger de son état de roi  déchu en tuant Berry. Il fera faire une enquête approfondie. Louvel n’ayant pipé mot, il le laissera aller à la guillotine.

      Aujourd’hui comme hier, les héritiers du secret gardent le silence. Et l’analyse ADN de 2000 fut un pieux mensonge, destiné à protéger la mémoire du roi assassin: Louis XVII.

      Pour Jean-Claude Pilayrou, Louvel serait Louis XVII

      Le 17 août 1833

      Âgée de soixante-dix ans, Madame Agathe Mottet Rambaud, fait la déposition suivante :

      « Dans le cas où je viendrais à mourir avant la reconnaissance du Prince, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, je crois devoir affirmer ici par serment, devant Dieu et devant les hommes, que j’ai retrouvé, le 17 août 1833, Monseigneur duc de Normandie, auquel j’eus l’honneur d’être attachée depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792, et comme il était de mon devoir d’en donner connaissance à S. A. R. Madame la duchesse d’Angoulême, je lui écrivis dans le courant de la même année. Je joins ici la copie de ma lettre. Les remarques que j’avais faites dans son enfance sur sa personne ne pouvaient me laisser aucun doute sur son identité partout où je l’eusse retrouvé. Le Prince avait, dans son enfance, le col court et ridé d’une manière extraordinaire. J’avais toujours dit que si jamais je le retrouvais, ce serait un indice irrécusable pour moi. D’après son embonpoint, son col ayant pris une forte dimension est resté tel qu’il était, aussi flexible. Sa tête était forte, son front large et découvert, ses yeux bleus, ses sourcils arqués, ses cheveux d’un blond cendré, bouclant naturellement. Il avait la même bouche que la Reine et portait une petite fossette au menton. Sa poitrine était élevée; j’y ai reconnu plusieurs signes alors très-peu saillants, et un particulièrement au sein droit. La taille d’alors était très cambrée et sa démarche remarquable. C’est enfin identiquement le même personnage que j’ai revu, à l’âge près. Le prince fut inoculé au château de Saint-Cloud, à l’âge de deux ans et quatre mois, en présence de la Reine, par le docteur Joubertou, inoculateur des Enfants de France; et de la Faculté, les docteurs Brunier et Loustonneau. L’inoculation eut lieu pendant son sommeil, entre dix et onze heures du soir, pour prévenir une irritation qui aurait pu donner à l’enfant des convulsions, ce qu’on craignait tous que ce sont les mêmes marques que j’ai retrouvées, auxquelles on donna là forme d’un triangle. Enfin j’avais conservé, comme une chose d’un grand prix pour moi, un habit bleu que le Prince n’avait porté qu’une fois. Je le lui présentai en lui disant, pour voir s’il se tromperait, qu’il l’avait porté à Paris. «Non, Madame; je ne l’ai porté qu’à Versailles, à telle époque. » Nous avons fait ensemble des échanges de souvenirs qui, seuls, auraient été pour moi une preuve irrécusable que le Prince actuel est véritablement ce qu’il dit être : l’orphelin du Temple. »
      Agathe Mottet – Veuve de Rambaud, attachée au service du Dauphin, duc de Normandie, depuis le jour de sa naissance jusqu’au 12 août 1792.

      En 1837

      « Je déclare ici et sur mon honneur et devant Dieu que le fils de Louis XVI est mort dans mes bras dans la tour du Temple. … Toute ma vie j’ai dit la vérité, ce n’est pas quand j’atteindrai [la fin] que je la trahirai

      Etienne de Lasne, dans une lettre à A. Beauchesne

      Au début de 1841

      Sous la signature de Gozzoli, rédacteur-gérant de La Voix d’un proscrit, Laprade (qui avait été affublé du titre de « président du conseil de l’Eglise catholique évangélique« ) et cinq autres compères, publièrent un désaveu cinglant de leur adhésion à la cause naundorffiste. (Nous savons par l’abbé Laprade que Morel de Saint-Didier lui-même, sans signer le document, en partageait l’esprit.) Ils y rapportent comment, ayant enquêté sur le passé du bonhomme, ils ont été contraint de conclure à la supercherie. Ils mettent en cause la réalité des apparitions, la moralité personnelle de leur ancien «roi», soulignent les contradictions de la doctrine – bref, ils sapent l’édifice qui les a portés pendant tant d’années.

      Le 22 juin 1841

      L’abbé Laprade écrivait une lettre sévère, à la mesure de sa tristesse et de ses remords :

      « Pauvre sire de Normandie qu’as-tu fait de ta baguette, que sont devenus tes talismans imaginaires?(…) quand je songe à mes dispositions d’autrefois et à mes sentiments d’aujourd’hui, je suis si honteux et humilié de mon passé que je voudrais être trois fois taupe pour ne plus le voir et trois mille fois lièvre pour ne plus le rappeler. Quoi! des hommes généreux et intelligents avaient pu planter un drapeau près de l’hôtel de Camberwell? Ils avaient pu faire à cet homme l’honneur de le regarder comme pouvant être de quelque poids dans la balance des destinées humaines…ma foi, ma foi; convenons-en, nous étions en démence. Aussi, dès que j’ai eu aperçu le bout des oreilles de notre Guillot je l’ai fui à toutes jambes et je cours encore.

      Le 10 août 1845

      « Nous soussignés, docteurs-médecins en fonctions à Delft, Jean Soutendam et Jean-Gérard Kloppert, autrefois Officier de Santé, et comme tel adjoint comme médecin consultant par feu Son Excellence le ministre List, déclarons avoir traité en 1845 celui qui se nommait Charles-Louis de Bourbon duc de Normandie. 

      « Beaucoup d’intérêt fut témoigné à l’auguste malade. Des bulletins furent envoyés journellement sur l’état de sa santé au ministre susdit, qui de temps en temps vint en personne prendre des informations. […] Les pensées du malade s’arrêtaient principalement sur feu son malheureux père, Louis XVI, sur le spectacle effroyable de la guillotine ; ou il joignait les mains pour prier et demander, avec des paroles entrecoupées, de bientôt rejoindre au ciel son royal père. Presque jusqu’au dernier soupir ce fut ainsi. Et Charles-Louis de Bourbon mourut en notre présence le 10 août 1845. »

      Témoignage des deux médecins qui soignèrent «Naundorff» jusqu’à sa dernière heure, Delft, le 30 mai 1872

      On a retrouvé sur le corps du dénommé Naundorff les sept spécificités corporelles qu’auraient eues Louis XVII et qui étaient connues et témoignées selon certains, et également archivées dans les rapports médicaux (Archives de Versailles), sans que les naundorffistes ne montrent cette pièce en question.

       

      Cette pièce importante se trouve à Deft : Archives Notariales de Deft et copie conforme au Archives Bourgmestrales – volume 46, folio 35, verso 3 à 7.

       

       

       

      Voici le procès verbal :  

      « Aujourd’hui 12 août 1845, le soir à 6 heures et à la requête de Charles Edmond de Bourbon, aussi connu sous le nom de Naundorff, demeurant à Deft en la rue dite de Voostrat, section 5, n° 85, accompagné de M. Cornélis Théodorus Van Meurs, major d l’Artillerie, chevalier du Lion néerlandais, du Maître Jacobus Van Buren, avocat et juge demeurant à…et connu de moi, notaire.. »

       

      Karl-Wilhelm Naundorff

      « Moi, notaire, Simon Adrianus Sholten, notaire de l’arrondissement de la Haye, résidant à Deft, assisté de Messieurs Carel Heyne den Back, employé au secrétariat de la Vielle et de Adriaan Mardus Schagen Van Leewen, employé à mon étude, connus de moi, notaire, je me suis rendu à une maison située à l’Oude-Deft, section2, n°62 à Deft où le requérant m’a montré dans une des chambres un cadavre qu’il déclara à moi, notaire, être celui de Charles Louis, Duc de Normandie ( Louis dix-sept), ayant été connu sous le nom de Charles Guillaume Naundoff, né au Château de Versailles en France, le 27 mars 1785 … »« Le requérant, Charles Edmond de Bourbon, fait cette déclaration en présence des ci-dessus nommés Van Meurs et Van Buren qui déclarent par ceci reconnaître le cadavre montré pour celui du père du requérant. »« Ainsi furent présents : M. Jean Sontendam, docteur-médecin, demeurant à Deft, Louis Snabilié, docteur-médecin, premier officier de Santé de la 2ème classe, chevalier de l’Ordre Militaire de Guillaume, Joannes Gerdus Kloppert, docteur médecin et accoucheur, officier de santé de 2ème classe, demeurant à Deft, connus de moi, notaire lesquels Messieurs déclarèrent reconnaître le cadavre montré pour celui de la personne qu’ils on traitée médicalement en sa dernière maladie. »

       

      « Et le requérant a prié les médecins susnommés d’expliquer leurs expériences des signes extérieurs qui caractérisaient le cadavre et après avoir examiné à cette fin le cadavre prescrit, les nommés médecins ont noté les signes suivants :.. »

        Sont énumérées les sept spécificités corporelles qu’avaient Louis XVII :

      1. Le naevius maternus à la cuise ;
      2. L’excroissance du sein droit ;
      3. Le cou très ridé ;
      4. Disposition des deux incisives sortantes « en lièvre » au milieu de la denture inférieure ;
      5. Forme du front large et fort, fuyant et s’évasant ;
      6. Disposition des yeux bleus avec leurs arcades sourcilières arquées avec un écartement si précis « qu’il comportait entre eux une distance égale à la longueur d’un œil » ;
      7. Anomalie de la forme du lobe des oreilles, notamment de l’oreille droite (nettement visible sur la photo représentant Naundorff su son lit de mort et identique à celle d’un portrait de Louis XVII enfant).

        Ce constat se termine ainsi :

      « Le requérant m’a prié, moi, notaire, de donner acte en minute de tout ce qui précède et qui est ci-dessus mentionné et, après lecture faite au requérant, aux témoins assistants, aux médecins sus-nommés et aux témoins ici-présents : Carel Heyne Van Back et Adriaan Marius Schagen Van Leeuwen, tous deux ci-dessus nommés, toutes ces personnes ont signé. »

      Signé :Charles Edmond de Bourbon, Van Meurs, Van Buren, Jean Soutendam, Dr Snabilié, Dr Kloppert, C. Heyne den Back, A.M. Scagen Van Leewen, S.A ?. Scholten, notaire. »

      Enregistré à Deft, le 13 août 1845, volume 46,folio 35, verso 3à 7. reçu 80 cents pour droits et 38 additionnels, ensemble 1 florin 10 cents et demi. Deux feuilles, six renvois

      Le receveur : signé : V.D. Mandèle « Pour signé conforme : signé SA Scholten, notaire »

      Le cas Richemond

      Claude Perrin naquit à Lagnieu (Ain) le 7 septembre 1786. Il est bossu, ayant une épaule plus haute que l’autre. C’est d’ailleurs lui-même qui le précise lorsqu’il doit se défendre devant la Justice de ses supercheries. Il est cependant soldat et ceci lui donne le goût de la tenue militaire qu’il arbore fièrement. Il parle de lui à la troisième personne, ce qui démontre un dédoublement de la personnalité ou une haute opinion de soi, les deux possibilités ne s’excluant l’une l’autre.

      Claude Perrin, dit baron de Richemond

      On ne sait d’où lui vient l’idée du nom qu’il adopte (« Richemond »), du titre qu’il s’accorde (« baron ») ni, enfin, de l’idée de jouer le rôle d’un faux Dauphin. Il est vrai que la rumeur de l’évasion de Louis XVII battait son plein dans les campagnes de France et Claude Perrin, presque du même âge que Louis XVII, à un an près, doté de cheveux châtain clair, entrevoit peut-être un autre rôle à tenir sur la scène de la vie que celui auquel le destin le prédispose. En 1831, il écrit et publie lui-même un livre : « Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI », puis en 1846 il publie «Mémoires d’un contemporain », livre qui contredit le premier.

      Dans le premier récit (« Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI »), le faux Dauphin Richemond n’indique ni date, ni nom, ni désignation précise d’aucun lieu susceptible de décrire les situations vécues par le vrai Roi ; il ne sait même pas quand, à quelle date et comment eut lieu l’évasion du Temple ; ses propos sont contradictoires mais, apparemment, cela et ne le gênait pas pour persévérer dans ses mensonges. Ainsi désavoua-t-il son premier livre : par exemple, il supprime l’épisode dans lequel il vécut chez « les Sauvages ». ; il avait dit qu’il avait passé « plus de six ans, tout seul, nu comme eux, le corps peint, etc. Ces Sauvages s’appelaient les Mamelucks. ». Il prétend, de plus, avoir eu la petite vérole dans la Tour du Temple ; or Louis XVII avait été inoculé et n’eut jamais cette maladie.

      « Richemond » fut reconnu par des personnes qualifiées : madame Bequet, qui avait été au service de Marie-Antoinette jusqu’au 10 août 1792; madame Fillette, qui avait été fille de garde-robe du Dauphin ; madame de Rambaud, berceuse du Dauphin… Ce sont là, à l’évidence, les déclarations de Perrin qui, en réalité, ne reçut jamais un témoignage de reconnaissance réelle, écrit, daté et signé sous serment et déposé devant une Instance officielle quelconque (Tribunal, Police, Notaire..).

      Il raconte dans « Mémoires d’un contemporain » que trois ans auparavant, en 1843, il rencontra madame de Rambaud, que celle-ci le reconnut bien évidemment en tant que Louis XVII mais comme elle avait auparavant reconnu aussi en Naundorff le Roi, qu’elle aurait décidé de « s’en remettre au Ciel pour faire un choix » (ibidem – page 370). Il est patent que ces propos sortirent du cerveau déséquilibré de Perrin et non de la bouche de Madame de Rambaud. Il précise qu’il « n’a pas revu cette dame depuis ce jour », ce qui est étrange car cette reconnaissance était très importante pour Madame de Rambaud ; aurait-elle évité de revoir celui qu’elle avait chéri ?

      La petite fille de de madame de Rambaud, dans une lettre datée du 26 janvier 1884 et adressée l’Abbé Laurent (curé de la paroisse de Sainte Marguerite sur Duclair), écrivit :

      « Je m’empresse de satisfaire votre demande. Madame de Rambaud, ma grand-mère, a, en effet, reconnu Louis XVII dans la personne du prétendant Naundorff et n’en a reconnu d’autres. Richemont, il est vrai, s’est fait présenter à elle ; mais à ma connaissance il n’en est rien résulté pour ce personnage de cette entrevue….son frère (le frère – Charles- de son beau-père, Casimir Verger) a connu M. de Joly, que j’ai vu moi-même chez ma grand-mère et qui, comme elle, a attesté ses convictions…Signé L. Verger, née de Rambaud »

      Madame de Rambaud vivra encore dix années après la supposée rencontre avec « Richemond » ; elle meurt le 18 octobre 1843 en n’ayant jamais renié la reconnaissance en Naundorff le Roi qu’elle avait élevé pendant sept années. La petite-fille de Madame de Rambaud, Ernestine de Rambaud, dans une lettre qu’elle écrivit en juin 1849 affirma la fidélité de sa grand-mère à cette reconnaissance capitale : « Encore aujourd’hui elle (Madame de Rambaud) ne doute pas de son identité (Louis XVII=Naundorff)».

      Une lettre écrite par le soi-disant baron de Richemont, tentant d'exiger légalement que Marie- Thérèse, la duchesse d'Angoulême, déclare nuls et non avenus les actes de décès liés à Louis XVII et «restaure les droits» de son statut. Cette lettre est écrite en 1849;  Marie-Thérèse est une femme de soixante-dix ans vivant en exil à Frohsdorf. Les hommes qui prétendaient être son frère l'ont harcelée avec de telles lettres et ont tenté de faire pression sur la justice pour qu'elle reconnaisse leur « véritable identité» jusqu'à sa mort.

      Comme Hergavault, Richemond sait séduire et comme de très nombreuses personnes espéraient retrouver Louis XVII, elles acceptèrent de le rencontrer mais jamais elles ne le reconnurent vraiment ; une seule rencontre et aucune reconnaissance. Lors du procès de Perrin, la Cour ne retint que les dépositions écrites de Mesdames Bequet et Fillette (respectivement le 20 décembre 1842 et le 15 juillet 1844) dans lesquelles elles déclarent seulement avoir rencontré « Richemond » une seule fois, sans préciser une reconnaissance quelconque.

      Claude Perrin meurt à Gleize (Rhône) le 10 août 1853, huit ans jour pour jour après Naundorff…

      Perrin/Richemond, Hergavault, Bruneau, Williams, Mévès… tous ces « faux Dauphins » avaient des yeux marrons et seul, un « faux Dauphin » avait les yeux bleus : « Naundorff ». Louis XVII avait les yeux bleus…

      En 1943

      André Castelot soumet au Docteur Locard, directeur du laboratoire de Police Technique de Lyon, une boucle des cheveux du «Dauphin», propriété de l’abbé Ruiz, jointe à une mèche de Naundorff, qui lui avait été remise par le baron de Genièbre. Le but était de chercher si les cheveux correspondent ou non. Selon les naundorffistes, la confrontation, pratiquée d’après des microphotographies, donnerait des résultats époustouflants : les deux échantillons comporterait la même excentration du canal médullaire, un caractère jugé très rare par l’expert lyonnais. L’identité d’origine des deux mèches de cheveux semble irrécusable : pour les partisans de Naundorff, comment croire que cette excentration, si exceptionnelle, est due à la seule intervention du hasard?

      En 1947

      Alain Decaux (1925-2016) publie son premier livre, Louis XVII retrouvé,  et soutient la thèse survivantiste _ ou naundorffiste_ qui perd par la suite tout crédit chez les historiens. Le futur ministre se ravisera d’ailleurs de cette conclusion de jeunesse.  

      En septembre 1950

      Le cercueil de Naundorff est ouvert à Delft, sous la conduite du Docteur Hulst, médecin expert près les tribunaux hollandais. Castelot, pour s’assurer des conclusions de la première analyse, prie ce dernier d’envoyer à Locard une mèche provenant directement du squelette. Il fait bien. On procède à une seconde expertise.

      Le 4 mai 1951

      La sentence de la trichoscopie tombe, terrible pour le camp survivantiste. Locard écrit dans son rapport :

      « Ces cheveux, d’origine indiscutée, ne présentent pas l’excentrement caractéristique. Ainsi donc les cheveux de Naundorff (…) ne sont pas identiques à ceux de Louis XVII». Le Dr Locard, qui avait entre-temps reçu, par le biais du marquis de Tinguy, d’autres cheveux provenant de Louis XVII qu’il a également analysés, ajoute qu’il semblait établi «que le Dauphin présentait une anomalie capillaire caractéristique» non retrouvée chez Naundorff. Les cheveux n’appartenaient pas à la même personne. La «preuve scientifique», qui, c’est le cas de le dire, n’avait tenu qu’à un cheveu, tombait à l’eau.»

      Le spécialiste lyonnais confiera plus tard à Castelot que les deux premières mèches étaient si semblables, qu’il était fort possible que toutes deux aient été prises sur le crâne de Louis XVII.

      En 1975

      La relique du cœur Pelletan, récupérée par de la famille lointaine de Louis XVII, finit par être donnée à la basilique de Saint-Denis par la princesse Massimo.

      Coeur de Louis XVII

      En 1996

      Après cinq ans d’enquêtes, Paul-Éric Blanrue a conclu à l’imposture du dénommé Naundorff (Le mystère du Temple, la vraie mort de Louis XVII, Claire Vigne éditrice, 1996, p. 229-287) et à la réalité de la mort du petit Roi à la date mentionnée par l’état civil. Il a repris cette thèse dans la préface des Souvenirs de la duchesse d’Angoulême (Communication et Tradition, 1997) dont il a établi l’édition critique, ainsi que dans une dizaine d’articles. Ni Alain Decaux, ni André Castelot, ni personne, n’y a répondu.

      En 1998

      Des analyses sont menées par l’Université de Louvain et le CHU de Nantes à partir de cheveux et de fragments d’humérus de Naundorff et de cheveux des descendants des sœurs de Marie-Antoinette. Conclusion : les restes de Naundorff ne sont pas ceux du dauphin Louis XVII.

      En 1999-2000

      L’historien – journaliste Philippe Delorme contacte la noblesse française afin que le cœur du petit décédé le 8 juin 1795 soit analysé avec la méthode ADN. Le résultat est que le cœur examiné était celui d’un parent de Marie-Antoinette, donc en principe de Louis XVII.

      Monsieur Delorme a officiellement mis un terme à cette énigme; mais certains avancent que le cœur est celui du frère de Louis XVII, décédé en 1789. Le cœur embaumé de cet enfant a disparu sous la Restauration. Une bataille acharnée se déroule depuis entre Mr Delorme et les partisans de l’autre thèse. Mais une médecin-légiste a affirmé au cours d’une émission diffusée en janvier 2007 qu’elle serait bien en peine de faire la différence entre un cœur embaumé (frère de Louis XVII) et un cœur non embaumé (cœur du décédé le 8 juin 1795).

      Monsieur Delorme devait rechercher le cœur du frère ainé de Louis XVII. Il n’y a pas eu de suite : la tombe de Louis-Joseph a, en effet, été ouverte et vidée le 16 octobre 1793 !

      En 2004

      De nouveaux prélèvements sont effectués sur le squelette de Naundorff. On procède à des analyses en Hollande et en Autriche, mais la famille dite de Bourbon n’a pas fait connaître les résultats.

      Ce semble éloquent …

      Le 8 juin 2004

      Pour le professeur Jean Tulard, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, appelé par le ministre de la Culture à donner son avis sur le dépôt du cœur de Louis « XVII », l’analyse de l’ADN du cœur, conjuguée avec l’enquête menée sur son origine et les péripéties de son histoire, est suffisante pour attester de la mort du prince au Temple.

      Sources :

      • Le Roi Perdu (1931) d’Octave Aubry
      • Louis XVII (2017) d’Hélène Becquet ; chez Perrin
      • https://gw.geneanet.org/darbroz?fbclid=IwAR3BNJcih_ZteJtbwpkj5Zd-n-TB7aEOcl9mvKxN6xs-S0Gkcc8Zeyi1VR0&lang=en&n=de+france&nz=theze&oc=1&p=louis+charles&pz=rose documents répertoriés par Charles-Olivier Blanc
      • Affaire Louis XVII-Naundorff, Naundorff, « roi de France », voyant, gourou … et imposteur!« , par Paul-Eric Blanrue http://www.zetetique.org/naundorff.html
      • http://louisxvii.canalblog.com/
      • Louis XVII : la vérité (2000) de Philippe Delorme ; éditions Pygmalion
      • Louis XVII, l’enfant du temple ; son portrait authentique mais oublié. Le crime de la République, article d’Emile Mourey, le 10 mars 2020 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/louis-xvii-l-enfant-du-temple-son-222177
      • Louis XVII et les Mystères du Temple (1994) de Pierre Sipriot aux éditions l’Archipel

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