Louis-Charles de France est le second fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Dauphin en 1789, puis prince royal de 1791 à 1792. Après la mort de son père, le 21 janvier 1793, et suivant l’ordre dynastique, il est reconnu comme titulaire de la couronne de France sous le nom de Louis XVII.
Pour la naissance de Son second fils, Louis-Charles, Marie-Antoinette recourt à un subterfuge qui, sans abolir la pratique intrusive de l’accouchement public, Lui permet d’en limiter la pénibilité.
Le 27 mars 1785 au petit matin
La Reine sent que le travail est imminent. Elle ne met dans la confidence que Son amie la duchesse de Polignac, et donne le change face aux courtisans pour dissiper leurs soupçons. Elle se fait ainsi violence pour repousser jusqu’à l’extrême limite le moment d’en faire l’annonce officielle.
Le Mercure de France rapporte que la Reine a accouché « après un travail fort court » et que de tous les princes du sang, seul le duc de Chartres se trouvait au baptême de l’enfant, « les autres princes et princesses n’ayant pu se rendre assez tôt pour s’y trouver ».
La ruse de la souveraine a parfaitement fonctionné !
Vers sept heures du soir
Louis-Charles de France naît au château de Versailles. Il est baptisé une heure plus tard dans la chapelle royale du château par le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, en présence d’Honoré Nicolas Brocquevielle, curé de l’église Notre-Dame de Versailles : son parrain est Louis Stanislas Xavier de France, comte de Provence, et sa marraine est Marie-Caroline de Naples, représentée par Madame Elisabeth.
« 27 mars 1785.
Couches de la reine du duc de Normandie à sept heures et demie ; tout s’est passé de même qu’à mon fils ; le baptême a été à huit heures et le Te Deum ; il n’y avait de prince que le duc de Chartres ; il n’y a eu ni compliment, ni révérences ; Monsieur et la reine de Naples parrains.»Journal de Louis XVI
Le 9 juillet 1786
à sept heures et demie du soir
La Reine Marie-Antoinette met au monde Son dernier enfant, une petite fille qui reçoit les prénoms de Marie-Sophie-Hélène-Béatrix, couramment appelée Sophie-Béatrix ou la Petite Madame Sophie.
La berceuse des enfants de France, Agathe de Rambaud (1764-1853) est désignée pour être la berceuse des enfants de France.
Elle est attachée à la personne du Dauphin de 1785 à 1792, alors que l’enfant est emmené au Temple, elle demande « à être emprisonnée avec lui pour pouvoir le servir de nouveau ».
Agathe de Rambaud
Alain Decaux écrit:
« Madame de Rambaud a été placée auprès du Dauphin depuis le jour de sa naissance jusqu’ au 10 Août 1792 soit pendant sept ans. Durant ces sept ans, elle ne l’a pas quitté, elle l’a bercé, elle l’a soigné, elle l’a vêtu, elle l’a consolé, elle l’a grondé. Dix fois, cent fois plus que Marie-Antoinette, elle a été pour lui, une véritable mère».
Son beau-frère, Georges-René Le Pelley de Pléville (1726-1805), dit « le Corsaire à la jambe de bois », sera ministre de la Marine en 1797…
En mai 1787
« La Reine ayant eu le bonheur de conserver la tendre amitié de Madame Louise, venait, deux fois l’année, à Saint-Denis, pour rendre ses devoirs à Sa tante. Elle lui amenait Ses jolis enfants, dont toutes ces bonnes Religieuses se montraient idolâtres; et la visite du jour de l’An était plus particulièrement consacrée aux cadeaux. Lorsque le duc de Normandie fut en sevrage, on le transporta chez la Fille de Louis XV, qui brûlait d’impatience de le voir. La Communauté, réunie en cercle, admira tout à son aise ce beau petit garçon, dont la physionomie, déjà distinguée comme celle de sa mère, promettait un si brillant avenir.
Comme on allait se séparer pour remonter dans les voitures, la Prieure bienveillante articula ces mots: Nos quatre Novices, que retiennent en ce moment les travaux de la Buanderie, vont être bien affligées de n’avoir pas vu ce que nous voyons!… Mais ce sera pour une autrefois.
« Non, non, ma chère Tante, s’écria la Reine aussitôt : Je comprends la privation de ces saintes filles. Allons toutes, de ce pas, à la Buanderie, que je n’ai pas encore remarquée.
Mon Fils voyagera dans votre monastère, et ne s’en portera que mieux. »
On se transporta gaiement jusqu’aux verdures où coule la jolie rivière intérieure. Les quatre Novices et les Sœurs Converses eurent la satisfaction de voir la Reine, et de baiser la main de son cher Enfant.»
L. Lafont d’Aussonne dans des Mémoires secrets et universels des Malheurs et de la Mort de la Reine de France
En juin 1787
La petite Sophie montre des signes d’inquiétudes, prise sans cesse par des convulsions.
L’épée de cour de Louis, duc de Normandie
Cette épée de proportions réduites, est celle d’un enfant princier : la poignée et le pommeau sont en agate, la branche de garde est en argent doré enrichie de pierreries enchâssées dans des chatons.
La lame, triangulaire, est gravée de fleurs sur les trois faces. Le fourreau est en peau de requin, muni de garnitures elles aussi en vermeil, le tout orné de pierreries.
Source : Musée de l’Armée
Le 19 juin 1787
La petite Sophie décède sans doute atteinte d’une tuberculose pulmonaire. La cause de son trépas est un peu mystérieuse mais il semble s’agir d’une grave infection pulmonaire.
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Jusque le 4 juin 1789
Avant le décès de son frère aîné, titré duc de Normandie, il a pour armes un écartelé de France et de gueules à deux léopards d’or, armés et lampassés d’azur qui est de Normandie.
Le 4 juin 1789
Son frère aîné, le Dauphin Louis-Joseph, meurt de la tuberculose osseuse à Meudon.
Comme deuxième fils de Louis XVI, Louis-Charles de France n’était donc pas destiné, à sa naissance, à succéder à son père, mais la mort de tuberculose osseuse — mal de Pott — de son frère aîné Louis-Joseph, le 4 juin 1789 en fait le Dauphin de France.
Un mois après la mort du Dauphin Louis-Joseph
Le duc d’Harcourt, la duchesse et leurs petites filles s’étant retirés, les appartements sont occupés par Louis Charles duc de Normandie, devenu Dauphin à l’âge de quatre ans, et par sa sœur aînée Madame Royale, accompagnés de leur gouvernante et de son mari, la duchesse et le duc de Polignac.
Selon les ordres donnés à Monsieur Loiseleur par la gouvernante dans les premiers jours de juillet, il faut procéder à de petits travaux consistant «dans quelques changements de cloisons légères pour distribuer convenablement au service de Madame fille du Roi».
Selon la volonté de madame de Polignac et de la Reine Elle-même, les travaux devaient commencer dès le lundi 6 juillet, malgré la présence du Prince et de la Princesse. La nouvelle organisation que madame de Polignac entendait mettre en place consistait à muer l’ancien appartement du Dauphin en un «Appartement des Enfants de France», commun au Dauphin et à sa sœur.
Ainsi, après la salle-des-Gardes et les deux antichambres, laissant sur la droite le service de Madame Royale, on trouverait sur la gauche trois chambres communicantes : la première pour Madame Royale dans l’ancienne chambre à coucher du Dauphin, la deuxième pour le Dauphin Louis-Charles dans le Cabinet d’angle, et la troisième pour la gouvernante dans l’ancienne bibliothèque.
A la suite, l’ancien appartement du duc d’Harcourt serait devenu celui de monsieur de Polignac, et celui de la duchesse d’Harcourt serait repris par la duchesse de Polignac pour y établir ses pièces de représentation, y compris la salle à manger dont elle demandait le rétrécissement.
Plan du rez-de-chaussée
du Corps Central le 6 juillet 1789 :
– Appartement des Enfants de France :
R1 : Salle des Gardes, R2 : Antichambre, R3 : Pièce des Nobles, R7 : Chambre à coucher de Madame Royale, R8 : Chambre à coucher du Dauphin, R9 : Chambre de veille de la duchesse de Polignac, R11 : escalier pour monter chez la Reine, R12 : garde-robe, R13 : bains.
– Service de Madame Royale : R4 et S2 à S3.
– Appartement du duc de Polignac :
Q15 : passage, Q15BIS : pièce du suisse, Q11 : première antichambre, Q12 : valet de chambre, Q10:
seconde antichambre, Q7BIS : salon, Q8 : chambre à coucher, Q9 : cabinet particulier, R10 : garde-robe à l’anglaise.
– Appartement de la duchesse de Polignac :
Q1 : entrée, Q1BIS : pièce du suisse, Q4 : réchauffoir, Q2 : antichambre, Q3 et Q3TER : service, Q5 : salle à manger, Q6 : salon de compagnie, Q6BIS : chambre à coucher, Q7 : cabinet particulier, Q14 : bains.
Les démontages préliminaires commencent le 6 juillet dans la bibliothèque destinée à devenir chambre de la gouvernante, et dans la chambre contiguë attribuée à monsieur de Polignac. La dépose des glaces se poursuit le lendemain dans l’ancien appartement de M. de Bourcet, ainsi que dans l’ancienne pièce de retraite des sous-gouverneurs. Madame de Polignac ne devait pas voir l’achèvement de ces travaux…
Un contemporain trace ainsi le portrait du nouveau Dauphin :
« Il avait un peu plus de quatre ans. Sa taille était fine, svelte cambrée et sa démarche pleine de grâce. Son front, large et découvert, ses sourcils arqués, ses grands yeux bleus, étaient frangés de longs cils châtains, son teint, d’une éblouissante blancheur, se nuançait du plus frais incarnat. Ses cheveux, d’un blond cendré, bouclaient naturellement et descendaient sur ses épaules.
On retrouvait sur sa physionomie noble et douce quelque chose de la dignité de Marie-Antoinette et de la bonté de Louis XVI.
Tous ses mouvements étaient pleins de grâce et de vivacité. Il était tendre pour ceux qui l’aimaient, attentif pour ceux qui lui parlaient, poli pour tout le monde. Ces excellentes qualités étaient toutefois tempérées par une vivacité et une impatience singulières. Il souffrait avec peine le joug des femmes commises à son service et combattait de toutes les forces de son âge la règle établie pour son lever et son coucher. Son indocilité cessait à la vue de sa mère.»
La petite calèche de Louis-Charles,
Promenade dans les jardins du Dauphin
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette petite calèche a appartenu au Dauphin Louis Charles qui l’utilisa dans les jardins.
Son avant-train est pourvu d’une barre de volée permettant d’atteler deux animaux, dans doute des chèvres, tandis que le train arrière porte une plateforme d’entretoise où peut se tenir un enfant de la suite du Prince.
Dotée des dernières nouveautés, la voiture est l’exacte réplique d’une véritable calèche : flèche à cul de cygne, ressorts en «C» et caisse conforme à la nouvelle mode «à l’anglaise» présentant à l’avant un profil concave et sinueux.
Le décor adopte un vocabulaire gracile et champêtre parfaitement au goût du jour. Sur la traverse du dossier figure une fleur de lys entre deux enroulement d’acanthe. Au centre des portières, en camaïeu d’or, des dauphins enlacés évoquent le jeune destinataire du véhicule.
En juin 1789
Alors que la Reine passe dans le salon de l’Œil-de-Bœuf avec Louis-Charles et Marie-Thérèse :
«La reine passa avec ses deux enfants, leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes … Elle me fit, en jetant un regard avec un sourire, ce salut gracieux qu’elle m’avait déjà fait le jour de ma présentation. Je n’oublierai jamais ce regard qui devait s’éteindre si tôt.»
François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe
Le 14 juillet 1789
Le peuple prend la Bastille.
Le 16 juillet 1789
Les Polignac émigrent sous les conseils de la Reine: la duchesse est très impopulaire.
Madame de Polignac est remplacée par la marquise de Tourzel (1749-1832), veuve du Grand Prévôt de France.
Le 24 juillet 1789
Marie-Antoinette adresse à la nouvelle gouvernante de Ses enfants cette émouvante lettre où Elle les décrit si bien :
« Mon fils a quatre ans quatre mois moins deux jours. Je ne parle pas ni de sa taille, ni de son extérieur, il n’y a qu’à le voir. Sa santé a toujours été bonne, mais, même au berceau, on s’est aperçu que ses nerfs étaient très-délicats et que le moindre bruit extraordinaire faisait effet sur lui. Il a été tardif pour ses premières dents, mais elles sont venues sans maladies ni accidents. Ce n’est qu’aux dernières, et je crois que c’était à la sixième, qu’à Fontainebleau il a eu une convulsion. Depuis il en a eu deux, une dans l’hiver de 87 à 88, et l’autre à son inoculation ; mais cette dernière a été très-petite. La délicatesse de ses nerfs fait qu’un bruit auquel il n’est pas accoutumé lui fait toujours peur ; il a peur, par exemple, des chiens parce qu’il en a entendu aboyer près de lui. Je ne l’ai jamais forcé à en voir, parce que je crois qu’à mesure que sa raison viendra, ses craintes passeront. Il est, comme tous les enfants forts et bien portants, très étourdi, très léger, et violent dans ses colères ; mais il est bon enfant, tendre et caressant même, quand son étourderie ne l’emporte pas. Il a un amour-propre démesuré qui, en le conduisant bien, peut tourner un jour à son avantage. Jusqu’à ce qu’il soit bien à son aise avec quelqu’un, il sait prendre sur lui, et même dévorer ses impatiences et colères, pour paraître doux et aimable. Il est d’une grande fidélité quand il a promis une chose ; mais il est très indiscret, il répète aisément ce qu’il a entendu dire, et souvent sans vouloir mentir il ajoute ce que son imagination lui a fait vois. C’est son plus grand défaut, et sur lequel il faut bien le corriger. Du reste, je le répète, il est bon enfant, et avec de la sensibilité et en même temps de la fermeté, sans être trop sévère, on fera toujours de lui ce qu’on voudra. Mais la sévérité le révolterait, parce qu’il a beaucoup de caractère pour son âge ; et, pour donner un exemple, dès sa plus petite enfance le mot pardon l’a toujours choqué. Il fera et dira tout ce qu’on voudra quand il a tort, mais le mot pardon, il ne le prononcera qu’avec des larmes et des peines infinies. On a toujours accoutumé mes enfants à avoir grande confiance en moi, et quand ils ont eu des torts, à me les dire eux-mêmes. Cela fait qu’en les grondant j’ai l’air plus peinée et affligée de ce qu’ils ont fait que fâchée. Je les ai accoutumés tous à ce que oui, ou non, prononcé par moi, est irrévocable, mais je leur donne toujours une raison à la portée de leur âge, pour qu’ils ne puissent pas croire que c’est l’humeur de ma part. Mon fils ne sait pas lire, et apprend fort mal ; mais il est trop étourdi pour s’appliquer. Il n’a aucune idée de hauteur dans la tête, et je désire fort que cela continue. Nos enfants apprennent toujours assez tôt ce qu’ils sont. Il aime sa sœur beaucoup, et a bon cœur. Toutes les fois qu’une chose lui fait plaisir, soit d’aller quelque part ou qu’on lui donne quelque chose, son premier mouvement est toujours de demander pour sa sœur de même. Il est né gai. Il a besoin pour sa santé d’être beaucoup à l’air, et je crois qu’il vaut mieux pour sa santé le laisser jouer et travailler à la terre sur les terrasses que de le mener plus loin. L’exercice que les petits enfants prennent en courant, en jouant à l’air est plus sain que d’être forcés à marcher, ce qui souvent leur fatigue les reins.
Je vais maintenant parler de ce qui l’entoure. Trois sous-gouvernantes, mesdames de Soucy, belle-mère et belle-fille, et madame de Villefort. Madame de Soucy la mère, fort bonne femme, très instruite, exacte, mais mauvais ton. La belle-fille, même ton. Point d’espoir. Il y a déjà quelques années qu’elle n’est plus avec ma fille ; mais avec le petit garçon il n’y a pas d’inconvénient. Du reste, elle est très fidèle et même un peu sévère, avec l’enfant : Madame de Villefort est tout le contraire, car elle le gâte ; elle a au moins aussi mauvais ton, et plus même, mais à l’extérieur. Toutes sont bien ensemble.
Les deux premières femmes, toutes deux fort attachées à l’enfant. Mais madame Lemoine, une caillette et bavarde insoutenable, contant tout ce qu’elle sait dans la chambre, devant l’enfant ou non, cela est égal. Madame Nouville a un extérieur agréable, de l’esprit, de l’honnêteté ; mais on la dit dominée par sa mère, qui est très intrigante.
Brunier le médecin a ma grande confiance toutes les fois que les enfants sont malades, mais hors de là il faut le tenir à sa place ; il est familier, humoriste et clabaudeur.
L’abbé d’Avaux peut être fort bon pour apprendre les lettres à mon fils, mais du reste il n’a ni le ton, ni même ce qu’il faudrait pour être auprès de mes enfants. C’est ce qui m’a décidée dans ce moment à lui retirer ma fille ; il faut bien prendre garde qu’il ne s’établisse hors les heures des leçons chez mon fils. C’est une des choses qui a donné le plus de peine à madame de Polignac, et encore n’en venait-elle toujours à bout, car c’était la société des sous-gouvernantes. Depuis dix jours j’ai appris des propos d’ingratitude de cet abbé qui m’ont fort déplu.
Mon fils a huit femmes de chambre. Elles le servent avec zèle ; mais je ne puis pas compter beaucoup sur elles. Dans ces derniers temps, il s’est tenu beaucoup de mauvais propos dans la chambre, mais je ne saurais pas dire exactement par qui ; il y a cependant une madame Belliard qui ne se cache pas de ses sentiments : sans soupçonner personne on peut s’en méfier. Tout son service en hommes est fidèle, attaché et tranquille.»Marie-Antoinette
Madame de Tourzel, ayant reçu les consignes et les conseils de la Reine le 24 juillet, entre en fonctions le 26. Elle s’installe presque aussitôt, avec sa fille cadette Pauline, près des Enfants Royaux, mais selon une organisation toute différente de celle qui avait été arrangée par madame de Polignac.
Cette fois, la notion d’un «Appartement des Enfants de France» étant exclue, le Dauphin Louis-Charles dispose de tout l’appartement de son défunt frère Louis-Joseph (excepté la bibliothèque), et sa sœur Madame Royale de celui de la duchesse d’Harcourt (hormis le cabinet particulier sur parterre, la pièce des bains et les entresols sur cours).
Louis-Charles passe sa première enfance dans l’insouciance, sa vie parmi les enfants de la Cour se déroulant entre les escaliers du château de Versailles et la terrasse du Midi où a été aménagé un petit jardin qui fait le bonheur de l’héritier du trône. Il est entouré d’une nombreuse Maison, comprenant de très nombreux serviteurs attachés à sa personne, parmi lesquels Agathe de Rambaud, sa berceuse, madame de Tourzel sa gouvernante et Jean-Baptiste Cant Hanet dit Cléry, son valet.
Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale. Louis-Charles y paraît dans les bras de sa mère.
Cette sympathie devenue si rare depuis des mois émeut tant les souverains que le Roi, la Reine et le Dauphin, même, descendent rejoindre les convives. Dans l’euphorie générale, un Garde demande la permission de placer le petit Dauphin sur l’immense table en fer-à-cheval que celui-ci parcourt de bout en bout sans renverser le moindre verre. La famille royale fait le tour de la table, dit un mot aux uns et aux autres, puis rentre dans ses appartements.
Le Dauphin a fait part à sa mère de son « désir d’être le témoin.
– Mais vous ne saurez que dire à ces Messieurs
– Ne soyez pas en peine, Maman, je ne serai pas embarrassé».
« A peine tous les officiers furent-ils entrés que le jeune prince dit à ceux qui étaient au premier rang :
» Je suis, Messieurs, ravi de vous voir mais bien fâché d’être trop petit pour vous apercevoir tous« .
Puis, remarquant un officier qui était très grand : » Monsieur, lui dit-il, portez-moi dans vos bras pour que je voie tous ces Messieurs. »
Et il dit alors avec une gaieté charmante :
« Je suis bien aise, Messieurs, d’être au milieux de vous. »
Tous les officiers étaient transportés et attendris en voyant, dans un âge aussi tendre un enfant aussi aimable.»Madame de Tourzel
Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée.
Cosme-Joseph de Saint-Aulaire, le chef de brigade des gardes-du-corps en service, entre dans la chambre du Dauphin et avertit madame de Tourzel que le château et envahi :
« Je me levai précipitamment et je portai sur le champ Mgr le Dauphin chez le Roi qui était alors chez la Reine.»
Madame de Tourzel
« Ma mère me fit coucher dans son appartement : vers cinq heures du matin, j’entendis les portes s’ouvrir vivement. La Reine parut. Elle était à peine habillée et avait l’air très effrayé. Elle prit Madame, l’emmena et demanda à ma mère de monter , sans perte de temps, Monseigneur le Dauphin chez le Roi
Malgré son agitation, la Reine remarqua mon trouble Bonne, comme toujours, elle me fit un geste de la main : « N’ayez pas peur, Pauline, restez tranquille« , me dit-elle.»
Pauline de Tourzel, plus tard comtesse de Béarn
Accompagnée de Sa fille, Marie-Antoinette rejoint la chambre du Roi où est réunie toute la famille royale.
Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule.
Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie en tenant la main de Ses enfants. Pour pouvoir La viser, la foule crie : «Pas d’enfants!».
Louis-Charles et Marie-Thérèse rentrent dans la chambre d’apparat du Roi.
La famille royale est ramenée de force à Paris, on appelle le Roi, la Reine et le Dauphin, « le boulanger, la boulangère et le petit mitron».
Ils s’installent aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place. En arrivant dans ce vieux palais des rois, Louis-Charles se navre :
«Tout est laid, ici, Maman
-Louis XIV y logeait et s’y trouvait bien, mon fils, ne soyons pas plus difficiles que lui.»
« Rien n’était préparé pour les recevoir. Mgr le Dauphin passa la nuit sans gardes, dans un appartement ouvert de tous côtés et dont les portes pouvaient à peine se fermer. Je les barricadai avec le peu de meubles que je trouvai et je passai la nuit près de son lit, plongée dans la douleur et les plus tristes réflexions.»
Madame de Tourzel
L’appartement de madame de Tourzel est au rez-de-chaussée du pavillon de Flore des Tuileries. Sa fille loge dans l’entre-sol au-dessus. Le Dauphin est placé près du Roi ; son appartement communique avec celui de sa gouvernante par un escalier dont elle et la Reine ont seules la clef.
« Les chambres du Roi et du Dauphin sont voisines : Louis XVI fait pratiquer un oculus qui lui permet, sans sortir de sa chambre de surveiller le sommeil de son fils. A côté du lit de Louis-Charles se dresse celui de la gouvernante. Les deux lits sont recouverts de damas vert, celui du Dauphin est rehaussé de franges. A côté, un cabinet sert à la fois de salle d’études et de salle de jeux à l’enfant.»
Jacques Bernot, Madame de Tourzel, gouvernante des enfants de Louis XVI (2022) ; Nouvelles Editions Latines
C’est dans cet appartement , pendant les quelques jours de calme qui suivent leur arrivée à Paris, que la Reine vient prendre le thé et assister aux petits jeux de Madame Royale, du Dauphin, de Pauline et des enfants des autres dames invitées à ces petites réunions. Pendant que la Reine s’entretient avec les autres dames dans le salon, Pauline a la haute surveillance et la direction des amusements. Ces douces réunions n’ont qu’une courte durée. Bientôt, la Reine cesse de se rendre chez madame de Tourzel dans la crainte de la compromettre en lui témoignant trop d’affection.
Le Dauphin peut faire quelques promenades dans le jardin des Tuileries et Pauline partage ses jeux ; il est escorté de quelques gardes nationaux, sous les ordres d’un chef de bataillon, qui écartent la foule se pressant avec intérêt sur le passage du petit prince, pour l’admirer en faisant l’éloge de sa gentillesse et de sa beauté. La gouvernante ne peut être satisfaite de ces exercices insuffisants ; la pépinière du jardin est donc disposée pour devenir le jardin particulier du Dauphin, et c’est là qu’il prend ses ébats avec plus de liberté, toujours avec Pauline.
Peu à peu le dialogue s’établit entre le petit Dauphin et sa gouvernante :
« Ce jeune prince, extrêmement avancé pour son âge, me demandait souvent la raison de son changement de situation et me disait : » Je vois bien qu’il a des méchants qui font de la peine à papa et je regrette nos bons gardes du corps que j’aimais bien mieux que ces gardes-là, dont je ne me soucie pas du tout.«
Je lui répondis que le roi et la reine seraient très fâchés s’il n’était pas honnête vis-à-vis de la garde nationale et, s’il parlait devant elle de son désir de revoir les gardes du corps, qu’il fallait toujours les aines mais rien n’en parler qu’entre nous (…) « Vous avez raison » dit-il.»Madame du Tourzel
La gouvernante s’attache et ne tarit bientôt plus d’éloges en parlant du petit prince :
« Sa mémoire (est) admirable et il (a) une pénétration d’esprit si singulière qu’il (fait), dès l’âge de quatre ans, les réflexions les plus justes sur ce qu’il voi(t) et ce qu’il enten(d) (…) Le jeune prince (est) extrêmement curieux, faisant des questions sur tout ce qu’il vo(it). Il s’aper(çoit) très bien si les réponses qu’on lui fait (sont) justes ou non et (a) alors des réparties assez plaisantes.»
Madame du Tourzel
Quelques anecdotes donnent de l’enfant une image charmante :
« Un jour que je le reprenais pour quelque chose qu’il avait dit mal à propos, une personne qui était chez moi lui dit en badinant :
–Je parie que Madame de Tourzel a tort et que Monsieur le Dauphin a toujours raison.
–Monsieur, lui dit-il en riant, vous êtes un flatteur car je me suis mis en colère ce matin.»Madame du Tourzel
La gouvernante est ferme dans ses principes éducatifs :
« (Le Dauphin) voulut faire l’essai de ce qu’il avait à attendre de moi et voir si je saurais lui résister. Il se refusa à quelque chose que je lui demandais et me dit du plus grand sang-froid :
» – Si vous ne faites pas ce que je veux, je crierai. On m’entendra de la terrasse et qu’est-ce que l’on dira ?
– Que vous êtes un méchant enfant.
– Mais si mes cris me font mal ?
– Je vous ferai coucher et je vous mettrai au régime d’un malade.«
Alors il se mit à crier, à taper des pieds et à faire un tapage affreux. Je ne lui dis pas une parole ; je fis faire son lit et demandai un bouillon pour son souper. Alors il me regarda fixement, cessa ses cris et me dit :
« J’ai voulu voir de quelle manière je pourrais vous prendre ; je vois que je n’ai d’autre moyen que de vous obéir. Pardonnez-moi, je vous promets que cela n’arrivera plus.«
Le lendemain, il dit à la reine :
« Savez-vous qui vous m’avez donné pour gouvernante ? C’est Madame Sévère.« »Madame de Tourzel
Le 4 Janvier 1790
« Le roi est aussi gras que s’il n’avait aucun souci. Par ses ordres, on a réservé un petit jardin pour l’amusement du Dauphin, on y a bâti un petit pavillon où il se retire en cas de pluie : je le vis à l’ouvrage avec sa bêche et son râteau, mais non sans deux grenadiers pour l’accompagner. C’est un joli petit garçon, d’un air très avenant ; il ne passe pas sa sixième année ; il se tient bien. Partout où il va, on lui ôte son chapeau, ce que j’observais avec plaisir.»
Arthur Young
En 1790, le Dauphin est continuellement dans le jardin, et va tous les soirs se promener dans le parc de Meudon. Marie-Antoinette le mène quelques fois Elle-même à la promenade, surtout quand la princesse de Tarente, Sa dame du palais, est de service. Elle connaît sa discrétion, la noblesse de ses sentiments et son extrêmement attachement pour Elle.
Mardi 9 février 1790
Le Roi, la Reine et le Dauphin sont venus à la cathédrale, sans gardes et sans aucune suite. Ils sont descendus de voiture à la porte de l’église. Louis XVI et Marie Antoinette tiennent la main du Dauphin. Le peuple, attendri et plein de joie, répète mille fois :
« Vive le Roi, vive la Reine, vive Monsieur le Dauphin.»
Louis XVI contemple son peuple, et des larmes se sont échappées. Le peuple crie une seconde fois : « vive la Reine ». Alors le Dauphin se met à claquer des mains. Le Roi et la Reine entendent ensuite la messe à l’autel de la vierge. Après la messe, le Roi, la Reine et le Dauphin se sont rendus aux Enfants Trouvés
Marie-Antoinette dit au Dauphin :
« Mon fils, vous êtes ici dans un asile pour pauvres orphelins abandonnés par leurs parents. N’oubliez jamais ce que vous avez vu et accordez un jour votre protection à ces malheureux.»
Ils se sont ensuite retirés, à douze heures, accompagnés de monsieur Bailly et du marquis de La Fayette.
Louis-Charles s’intéresse beaucoup à l’hôpital et demande fréquemment à le visiter. Pendant cette période, il commence aussi à garder son argent de poche dans un petit coffret que lui offre sa tante Elisabeth. Le Roi, qui le voit compter son argent à l’intérieur de la caisse, lui dit : « Quoi, Charles, vous économisez comme un avare !»
L’enfant répond : «Oui, père, je suis avare, mais c’est pour les pauvres enfants perdus.»
Le 11 mars 1790
Un lapin blanc élevé par le Dauphin le mord à la lèvre.
Été 1790
La famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud.
Le 13 juillet 1790
Les «fédérés», venus de tous les coins de France, sont invités à se rendre aux Tuileries :
« On les f(ait) défiler devant (le roi) et la famille royale au pied du grand escalier des Tuileries. Le roi demand(e) le nom de chaque députation et parl(e) à chacun de ses membres avec une bonté qui redoubl(e) encore leur attachement. La reine leur présent(e) ses enfants et leur dit quelques mots avec cette grâce qui ajout(e) un nouveau prix à tout ce qu’elle d(it). Transportés de joie, ils entr(ent) dans les Tuileries aux cris de « Vive le roi ! »»
Madame de Tourzel
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Le Roi prête serment de fidélité aux lois nouvelles :
« Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois».
La Reine, se levant et montrant le Dauphin :
« Voilà mon fils, il s’unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments».
Courant novembre jusqu’au 8 décembre 1790
Séjour de la famille royale au château de Saint-Cloud.
Le 1er janvier 1791
La Constitution du Royaume de France remplace le titre de Dauphin par celui de «prince royal », ce changement étant la conséquence logique du remplacement du titre de Roi de France par celui de Roi des Français.
Louis XVI et Marie-Antoinette reçoivent les hommages de la Famille Royale, de la Cour, de la municipalité de Paris et de la garde nationale de Paris. La députation de la municipalité, accompagnée de celle de la garde nationale, est conduite chez le Roi et chez la Reine par les officiers des Cérémonies.
Vers midi, le Roi, accompagné de Monsieur, et précédé des chevaliers, commandeurs et officiers de l’Ordre du Saint-Esprit, marchant processionnellement, et portant, ainsi que Louis XVI, l’habit de l’Ordre, se rend à la Chapelle du château des Tuileries, où il entend la grand’messe chantée par sa Musique, et célébrée par Mgr de Roquelaure, évêque de Senlis et premier aumônier du Roi. La Reine et la Famille Royale y assistent dans la tribune. Madame Stanislas de Clermont-Tonnerre a fait la quête.
C’est la dernière fois que les chevaliers du Saint-Esprit s’assemblent, et que Louis XVI revêt le costume et le collier de l’Ordre.
Louis XVI et Marie Antoinette soupent au Grand Couvert. Monsieur Pétion de Villeneuve, maire de Paris, refuse de faire le compliment du nouvel an à Marie-Antoinette.
A l’occasion du nouvel an, l’usage est de donner l’aubade sous les fenêtres du Roi. La Musique du Roi se rend au château des Tuileries, et interprète plusieurs reprises, en allusion à la liquidation des dettes de l’Etat décidée par l’Assemblée nationale, l’air de l’opéra-comique « des dettes ». Louis XVI dispose, à cette date, dans sa caisse de 280 926 livres, et reçoit 12 000 livres.
Des vainqueurs de la Bastille viennent présenter, pour étrennes, à Monsieur le Dauphin, un domino fait de pierre et de marbre de cette prison d’Etat.
Sur le couvercle sont gravés des vers :
« Des pierres et des murailles, qui renfermaient d’innocentes victimes de pouvoir arbitraire, ont été transformés en jouet pour être offert, Monseigneur,
comme un hommage de l’amour du peuple et pour vous apprendre qu’elle est sa puissance. »
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire, ses grand-tantes, qui partent pour Rome.
Le 18 avril 1791
La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud.
Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale. Louis-Charles est habillée en petite fille et joue le rôle d’une petite Aglaé, sa sœur est Amélie, filles de Madame de Korff, rôle qui revient à Madame de Tourzel. Marie-Antoinette devient leur gouvernante, Sophie Rochet et Louis XVI, l’intendant Durand. Madame Elisabeth est la dame de compagnie de la baronne de Korff.
Le retour se fera au pas de marche durant trois jours.
L’assemblée envoie des députés pour escorter (et protéger) la famille royale : Antoine Barnave et Pétion qui vont voyager au sein de la berline.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Famille Royale sont arrêtés à Varennes.
Après leur arrestation, madame de Tourzel et d’autres personnes liées à l’affaire de la fuite de Varennes sont gardées prisonnières et interrogées. La gouvernante n’est pas à la prison de l’Abbaye, mais gardée dans les appartements du Dauphin.
« La Reine montait chez M. le Dauphin, par un escalier qui communiquait intérieurement de son appartement dans celui de son fils ; elle passait chez M. le Dauphin accompagnée de quatre officiers ; elle trouvait la porte fermée. C’étaient les bornes de la prison de Mme de Tourzel, qui, étant suspendue de ses fonctions de gouvernante, était cependant constituée prisonnière dans une pièce de l’appartement du prince. Un des gardes frappait en disant : « La Reine » Le garde de Mme de Tourzel qui habitait la même chambre qu’elle allait ouvrir à la Reine qui entrait pour prendre son fils et le mener chez le Roi par l’intérieur ; ils étaient suivis par huit officiers.
Madame de Tourzel était arrêtée dans l’appartement de son malheureux petit prince, ne pouvant parler à personne.»La princesse de Tarente
Louise-Elisabeth de Tourzel perçoit à son endroit une sorte de réticence du petit prince :
« On (a) cherché à éloigner de moi Mgr le Dauphin par la peur.»
Madame de Tourzel
Pour en avoir le cœur net, elle demande à Louis-Charles pourquoi, à son avis, ils ont été séparés. Le Dauphin répond :
« C’est pour avoir suivi papa.
_ C’est donc une action bien criminelle à vos yeux d’avoir donné au roi des marques de mon respect, de mon attachement et de mon dévouement à votre personne ? Dites-moi, je vous prie, de quel nom on peut qualifier la conduite que vous tenez et que croyez-vous qu’en pensera votre chère Pauline dont vous parlez si souvent ?»
demande Madame de Tourzel
Le Dauphin rougit alors et se jette dans les bras de sa gouvernante en disant :
« Pardonnez-moi. J’ai eu tort mais ne le mandez pas à ma chère Pauline car elle ne m’aimerait plus.»
Le 20 septembre 1791
En fin d’après-midi, Louis XVI et Marie Antoinette, le Dauphin et Madame Elisabeth se rendent à l’Opéra, pour assister à la représentation de « Psyché » au théâtre de l’Académie royale de Musique. Ils sont accompagnés de la Famille Royale. Les acclamations sont unanimes et multiples.
Le 1er mars 1792
Léopold II, le frère de Marie-Antoinette, meurt.
Voici l’extrait d’une lettre que Louis XVI adresse au précepteur de Louis-Charles, l’Abbé d’Avaux :
« Vous avez à former le cœur, l’esprit et le corps d’un enfant. L’exemple, de sages conseils, des louanges accordées avec art, et des réprimandes toujours faites avec douceur, feront naître dans le cœur de votre jeune élève la douce sensibilité, la honte de la faute, l’envie de bien faire, une louable émulation, et le désir de plaire à son instituteur.
Peu de livres, mais bien choisis; des livres élémentaires, clairs, précis et méthodiques; une aimable occupation qui ne fatigue point la mémoire, qui excite la curiosité, donne le goût de l’étude et l’amour du travail, doivent former bientôt l’esprit d’un enfant bien organisé, docile et studieux.Des extraits souvent répétés, la promenade, des travaux champêtres dont l’instituteur doit partager les fatigues et les plaisirs, et qui peuvent se borner à la culture d’un petit jardin; quelque jeu avec des enfants du même âge, mais en présence du maître, voilà des moyens infaillibles pour conserver la santé de l’enfant, charmer ses ennuis, et fortifier son corps.
Que les principes des connaissances soient gravées dans la mémoire de mon fils; je méprise les hommes superficiels, ce sont des ignorants présomptueux, plus sujets à l’erreur que les autres hommes.
Exaltez à ses yeux les vertus qui font les bons rois, et que vos leçons soient proportionnées à son intelligence. Hélas! Il ne sera que trop tenté d’imiter un jour ceux de ses ancêtres qui ne furent recommandables que par des exploits guerriers. La gloire militaire tourne la tête. Eh! quelle gloire, que celle qui fait répandre des flots de sang humain, et ravage l’univers!
Apprenez-lui avec Fénelon, que les principes pacifiques sont les seuls dont le peuples conservent un religieux souvenir. Le premier devoir d’un prince est de rendre son peuple heureux : s’il sait être roi, il saura toujours bien défendre le peuple et sa couronne.
Apprenez-lui, de bonne heure, à savoir pardonner l’injure, oublier l’injustice, à récompenser les actions louables, à respecter les mœurs, à être bon, à reconnaître les services qui lui ont été rendus.
Parlez-lui souvent de la gloire de ses aïeux, et offrez-lui pour modèle de conduite, Louis IX, prince religieux, avec des mœurs et de la vérité; Louis XII qui ne veut point punir les conjurés du duc d’Orléans, et qui reçoit des Français le titre de Père du peuple; du grand Henri, nourrissant la ville de Paris qui l’outrage et lui fait la guerre; de Louis XIV, non lorsqu’il donne des lois à l’Europe, mais lorsqu’il pacifie l’univers, et qu’il est le protecteur des talents, des sciences et des beaux-arts.
Ce n’est point des exploits d’Alexandre ni de Charles XII, dont il faut entretenir votre élève : ces princes sont des météores qui ont dévasté la terre. Parlez-lui, et de bonne heure, des princes qui ont protégé le commerce, agrandi la sphère des arts, enfin des rois tels qu’il les faut aux peuple, et non tels que l’Histoire se plaît à les louer.
En attendant que votre jeune élève apprenne l’art de régner, faites réfléchir sur lui le miroir de la vérité sut tout ce qui peut lui rappeler qu’il n’est au-dessus des autres hommes que pour les rendre heureux.
[…]Au milieu des chagrins qui déchirent mon âme, mon unique consolation est dans mon fils.»
Louis XVI
Le 11 juin 1792
Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.
Lui et la Reine sont désormais surnommés «Monsieur et Madame Veto».
Le 20 juin 1792
Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries.
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares … les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :
« Avec le courage passif qui est le sien », selon Michel Vovelle, le Roi subit sans faiblir pendant deux heures le défilé de la foule, accepte de coiffer le bonnet phrygien et boit à la santé de la Nation pour faire passer les paroles de Legendre :
« Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore », mais refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, invoquant la loi et la constitution.
« Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.
L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine.
Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta :
« C’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : » C‘est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne« .»
Mesdames de Lamballe, de Tarente, de La Roche-Aymon, de Mackau entourent alors la Reine, ainsi que Madame de Tourzel qui souligne dans ses Mémoires :
« La Reine était toujours dans la chambre du Roi, lorsqu’un valet de chambre de Mgr le Dauphin accourut tout hors de lui avertir cette princesse que la salle était prise, la garde désarmée, les portes de l’appartement forcées, cassées et enfoncées, et qu’on le suivait. On se décida à faire entrer la Reine dans la salle du Conseil, par laquelle Santerre faisait défiler sa troupe pour lui faire quitter le château. Elle se présenta à ces factieux au milieu de ses enfants, avec ce courage et cette grandeur d’âme qu’elle avait montrés les 5 et 6 octobre, et qu’elle opposa toujours à leurs injures et à leurs violences. Sa Majesté s’assit, ayant une table devant elle, Mgr le Dauphin à sa droite et Madame à sa gauche, entourée du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui ne cessa d’opposer un mur inébranlable au peuple rugissant, qui l’invectivait continuellement. Plusieurs députés s’étaient aussi réunis auprès d’elle. Santerre fait écarter les grenadiers qui masquaient la Reine, pour lui adresser ces paroles :
« On vous égare, on vous trompe, Madame, le peuple vous aime mieux que vous le pensez, ainsi que le Roi ; ne craignez rien.
– Je ne suis ni égarée ni trompée, répondit la Reine, avec cette dignité qu’on admirait si souvent dans sa personne, et je sais (montrant les grenadiers qui l’entouraient) que je n’ai rien à craindre au milieu de la garde nationale ».
Santerre continua de faire défiler sa horde en lui montrant la Reine. Une femme lui présente un bonnet de laine ; Sa Majesté l’accepte, mais sans en couvrir son auguste front. On le met sur la tête de Mgr le Dauphin, et Santerre, voyant qu’il l’étouffait, le lui fait ôter et porter à la main.
Des femmes armées adressent la parole à la Reine et lui présentent les sans-culottes ; d’autres la menacent, sans que son visage perde un moment de son calme et de sa dignité.
Les cris de «Vivent la Nation, les sans-culottes, la liberté ! à bas le veto ! » continuent.
Cette horde s’écoule enfin par les instances amicales et parfois assez brusques de Santerre, et le défilé ne finit qu’à huit heures du soir.
Madame Elisabeth, après avoir quitté le Roi, vint rejoindre la Reine, et lui donner de ses nouvelles.
Ce prince revint peu après dans sa chambre, et la Reine, qui en fut avertie, y entra immédiatement avec ses enfants.»
Vers dix heures du soir
Pétion et les officiers municipaux font évacuer le château.
Même s’il a subi une humiliation, Louis XVI a fait échouer la manifestation, par son obstination imprévue et sa fermeté tranquille, et il se tient désormais sur ses gardes. Surtout, elle renforce l’opposition royaliste, le déchaînement de la foule et le courage du Roi suscitant un courant d’opinion en sa faveur. Des départements parviennent à Paris adresses et pétitions pour dénoncer la manifestation, même si de nombreux clubs envoient des pétitions hostiles au Roi. Pétion est suspendu de ses fonctions de maire. Louis XVI conserve sa détermination à défendre la Constitution en espérant un sursaut de l’opinion en sa faveur, ce qui se manifeste le 14 juillet, troisième fête de la fédération, étant l’objet de manifestations de sympathie.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
En juillet 1792
« La reine était si mal gardée et il était si facile de forcer son appartement que je lui demandai avec instance de venir coucher dans la chambre de Mgr le Dauphin. Elle eut bien de la peine à se décider (…) Elle finit par y consentir mais seulement les jours où il y aurait du bruit dans Paris.»
Madame de Tourzel
A partir de ce moment, la Reine, la gouvernante et le Dauphin cohabitent dans cette chambre pendant les nuits.
« Mgr le Dauphin, qui aim(e) beaucoup la reine, enchanté de la voir coucher dans sa chambre, cour(t) à son lit dès qu’elle (est) éveillée, la ser(t) dans ses petits bras en lui disant les choses les plus tendres et les plus aimables.»
Madame de Tourzel
Fin juillet 1792
Le prince royal ne peut plus se rendre dans son jardin, se trouvant à l’extrémité de la terrasse d’eau aux Tuileries, du fait de l’insécurité régnante. Il peut retourner une dernière fois dans le jardin de la marquise de Leyde, où il peut jouer avec un enfant de son âge.
Le 3 août 1792
Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.
Jeudi 9 août 1792
Marie-Antoinette va alternativement chez le Roi, et chez Ses enfants, accompagnée de Madame Elisabeth, et retourne dans le cabinet du Roi.
Le 10 août 1792
Sac des Tuileries. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.
Roederer, le «procureur syndic du département» convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.
Traversant le jardin des Tuileries, et marchant sur des feuilles tombées des arbres, Louis XVI aurait dit :
« L’hiver arrive vite, cette année ».
Dans ses mémoires, madame de Tourzel raconte ainsi la scène :
« Nous traversâmes tristement les Tuileries pour gagner l’Assemblée. MM. de Poix, d’Hervilly, de Fleurieu, de Bachmann, major des Suisses, le duc de Choiseul, mon fils et plusieurs autres se mirent à la suite de Sa Majesté mais on ne les laissa pas entrer ».
Traversant le jardin des Tuileries, le petit cortège royal pénètre dans la salle où se réunit l’Assemblée, d’ailleurs fort clairsemée. La présidence est occupée ce jour-là par Vergniaud. Louis XVI s’adresse à lui en disant :
« Je suis venu ici pour éviter un grand crime et je pense que je ne saurai être plus en sûreté qu’au milieu de vous. Vergniaud lui répond en ces termes : Sire, vous pouvez compter sur la fermeté de l’Assemblée nationale ; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées.»
Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge grillagée du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logotachygraphe) , où ils restent toute la journée.
La foule envahit la cour du château et cherche à gagner les étages supérieurs.Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.
La famille s’entasse dans cet antre : Louis XVI, Marie-Antoinette qui prend son fils sur ses genoux, Madame Élisabeth et Madame Royale. Elle y étouffera littéralement toute la journée.
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».
Le petit Dauphin a faim et soif. Monsieur de Joly, dernier ministre de la Justice de Louis XVI, auquel le jeune prince donnait la main pendant le trajet du palais au Manège, se dévoue pour aller chercher un repas à la cantine de l’Assemblée. Par scrupule – et aussi sans doute en vertu d’une méfiance non sans raison -, il goûte tous les mets. À tel point même que Louis-Charles lui dit : «Assez, ministre, assez !».
Louis-Charles a atteint l’âge où un enfant commence à raisonner, détail particulièrement important chez un garçon aussi intelligent. Ceci précisé, que peut comprendre le jeune Prince Royal (c’est le titre qui, depuis la constitution de 1791 désigne l’héritier du trône) aux événements de cette sinistre journée ?
Une fois de plus, il voit son peuple sous son jour le plus horrible. Bien sûr nous savons que le vrai peuple parisien, et même français, ne forme qu’une minorité des émeutiers. Mais l’enfant est trop jeune pour connaître ce détail.
Pour lui qui s’intéresse déjà à tout ce qui est militaire et qui aime faire tirer le canon, le bruit du combat ne doit pas l’effrayer. Mais, une fois de plus, il lui faut quitter le palais auquel il était habitué, mais, cette fois, il se retrouve en prison avec toute sa famille. À son âge, que peut-il comprendre à tout ce charivari répété ?
Les déceptions se suivent au fil du temps. Et pourtant, il sait qu’il est destiné à monter sur le trône à la suite de son père et il ne l’oubliera jamais. Terrible ambiguïté pour un prince aussi jeune.
Il a exactement sept ans quatre mois et quatorze jours.
Pendant toute la journée et durant les suivantes, le prince royal a supporté et supportera tout sans se plaindre, ni s’effrayer. Le soir, Louis-Charles s’inquiète au sujet de son chien qui est resté, dans son appartement, aux Tuileries. Personne ne sait ce qu’il est devenu. Accablé de chaleur, de fatigue et de veille, l’enfant s’assoupit sur le sein de sa mère.
Le soir du 10 août 1792
La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.
Vendredi 11 août 1792
La Famille Royale se trouve sans vêtements de rechange. M. Pascal, officier des cent suisses, qui a une corpulence comparable à celle de Louis XVI, lui offre des vêtements ; la duchesse de Gramont transmet du linge de corps à Marie Antoinette ; la comtesse Gover-Sutherland, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre, apporte des vêtements pour le prince royal.
Louis XVI apprenant l’envoi de linges que la duchesse de Gramont, sœur de feu le duc de Choiseul, vient de faire à la Reine, lui écrit le billet suivant, qui indique que la duchesse de Gramont ne borne pas ses offres à celle de quelques vêtements :
« Au sein de l’Assemblée nationale, le 11 août.
Louis XVI
Nous acceptons, Madame, vos offres généreuses, l’horreur de notre position nous en fait sentir tout le prix, nous ne pourrons jamais reconnaître tant de loyauté que par la durée de nos plus tendres sentiments.
Louis. »
Samedi 12 août 1792
Louis XVI et sa famille retournent, à dix heures, dans la loge du logographe.
Le soir, ils retournent aux Feuillants. Il espère y goûter un peu de repos et conserver avec lui les cinq gentilshommes qui l’avaient accompagné. Mais la garde est changée par des hommes jaloux et méchants. Le Roi passe, avec sa famille, dans la salle où l’on a préparé le souper. Ils sont servis, pour la dernière fois, par les cinq gentilshommes. La séparation prochaine rend ce repas triste et funèbre, car Louis XVI a appris qu’un décret ordonne de les faire arrêter. Louis XVI ne mange pas mais le prolonge autant qu’il le peut. Il ordonne aux cinq gentilshommes de le quitter, et leur fait embrasser ses enfants. Pendant ce temps, la garde monte pour se saisir d’eux mais ils arrivent à s’échapper par un escalier dérobé.
Le 13 août 1792
La Commune décide de transférer la famille royale au Temple… en passant par la place Louis XV qu’on a déjà rebaptisée Place de la Révolution, on montre au Roi comme la statue de son grand-père est en train d’être déboulonnée pour faire disparaître toutes les marques du régime qui devient dès lors ancien…
A onze heures du soir
Alors que le Dauphin est gagné par le sommeil et que madame de Tourzel est surprise d’être emmenée en direction de la Tour, le Roi comprend qu’il a été joué par la Commune.
Pétion, qui estimait que la grande Tour était en trop mauvais état, a résolu de loger la famille royale dans la petite en attendant la fin des travaux ordonnés pour isoler la prison du monde extérieur.
Charles-Eloi Vial
Selon Madame de Tourzel, la famille royale, accueillie par Santerre, voit d’abord la cour du palais illuminée de lampions comme s’ils étaient attendus pour une fête ; on retrouve l’ambiance des grands couverts qui rythmaient la vie de Cour à Versailles et aux Tuileries…
Charles-Eloi Vial
Après un splendide dîner servi dans l’ancien palais du comte d’Artois ( où la famille royale espère encore être logée) , la messe est dite dans un salon. Après avoir visité les lieux, Louis XVI commence à répartir les logements.
La Tour qui fit tant frémir Marie-Antoinette, autrefois, qu’Elle avait demandé à Son beau-frère qu’il la détruise. Était-ce un pressentiment de Sa part?
Quittant les magnifiques salons du comte d’Artois, la famille royale est emmenée dans la petite tour pour être logés dans les appartements de Jacques-Albert Barthélemy, ancien avocat archiviste de l’ordre de Malte, détenteur de cette charge depuis 1774. Il avait obtenu ce logement de fonction en 1782, où il vivait , en vieux célibataire et il n’y avait véritablement de la place chez lui que pour loger un seul maître de maison. Pour des raisons de sécurité, les domestiques héritent des pièces du bas, les plus confortables, tandis que la famille royale loge dans les parties hautes de la tour, dans des pièces à l’abandon depuis des années. Du mobilier est apporté du Garde-Meuble et du palais du Temple afin de compléter celui de l’archiviste.
Charles-Eloi Vial
Le 20 août 1792
On vient chercher tous ceux qui n’appartiennent pas à la Famille Royale stricto sensu. Madame de Lamballe, Madame de Tourzel et sa fille Pauline sont transférées dans l’affreuse prison de la Petite Force, les trois dames sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse.
Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Une anecdote sur Marie-Antoinette et Son fils, Louis-Charles, à la prison du Temple :
« Alors que la famille royale est emprisonnée et étroitement gardée dans le Temple, les révolutionnaires découvrirent un coffre de fer dans l’une des pièces, un fait qu’ils considèrent comme hautement suspect, donnant lieu à d’innombrables rumeurs et enquêtes.
Alors que les prisonniers dînent sous les yeux attentifs de leurs gardiens, le Dauphin aperçoit un biscuit sur la table, s’y intéresse et dit à sa mère :
« Voici un merveilleux biscuit. Mère, si vous me le permettez, je connais un coffre où je pourrais le mettre en sécurité.
Inquiète à cause de la référence à un coffre – que les gardes peuvent considérer comme accablante – la Reine regarde autour d’Elle, à la recherche d’un coffre, tandis que les révolutionnaires surveillent attentivement chacun de ses mouvements, craignant une sorte de complot. La Reine dit finalement :
« Mon fils, je ne vois pas le coffre dont vous parlez.»
Désignant sa propre bouche, le Dauphin dit : «Voici l’accès.»
Le 29 septembre 1792
Louis XVI est séparé de sa famille et conduit au deuxième étage tandis que le troisième étage est réservé à Marie-Antoinette, Ses deux enfants et Sa belle-sœur, Madame Elisabeth.
À partir du 25 octobre 1792
Louis-Charles est confié à la garde de son père, qui poursuit son éducation avec le valet de chambre Cléry. Il est séparé de sa mère qu’il peut retrouver à l’occasion des promenades et repas.
Le 11 décembre 1792
Le Dauphin est à nouveau confié à Marie-Antoinette lorsque commence le procès de Louis XVI.
En attendant les envoyés de la convention, Louis XVI se permet une dernière partie de quilles avec son fils. Une fois celui-ci emmené chez sa mère, Louis XVI attend encore plusieurs heures et se plaint ensuite du temps manqué avec son fils.
Le lit de l’enfant n’étant pas emmené chez sa mère, il passe la nuit dans celui de sa mère.
Le procès commencé, le Roi ne peut communiquer avec sa femme et sa sœur. On lui accorde le droit d’avoir ses enfants auprès de lui mais à la condition d’être eux aussi séparés de leur mère. Louis XVI refuse d’occasionner un tel chagrin à sa femme et sacrifie ainsi un ultime bonheur.
Le 20 janvier 1793
Louis-Charles revoit son père pour un dernier adieu.
Le 21 janvier 1793
Louis XVI est exécuté, place de la révolution, anciennement place Louis XV.
Aux yeux des royalistes, le Dauphin Louis-Charles succède à son père, en vertu du principe selon lequel la continuité dynastique est automatique en France (un nouveau Roi succède au Roi précédent dès l’instant de la mort de ce dernier). Sous le nom de Louis XVII, il est reconnu comme tel par le comte de Provence, frère cadet de Louis XVI et futur Louis XVIII, alors émigré à Hamm, près de Dortmund en Westphalie. Les Vendéens et les Chouans, mais aussi de fidèles royalistes dans d’autres provinces, se battent en son nom. Leurs étendards portaient l’inscription : « Vive Louis XVII ».
Le comte de Provence s’autoproclame Régent et proclame le Dauphin Roi de France Louis XVII.
Mars 1793
Début de l’insurrection en Vendée.
«De notre jeune Roi
Prends pitié ! Dieu puissant,
Dieu bienfaisant !
Contre les oppresseurs,
Que ton bras foudroyant
Signale son pouvoir.
C’est l’effroi du méchant.
C’est le fils de Louis,
C’est le sang de Henri,
Ce sang chéri !
Que ses titres sacrés
t’intéressent pour lui,
Dieu juste, des bons rois,
tu dois être l’appui.
Il est infortuné
Ce jeune et faible Roi,
Tu sais pourquoi.
Il est fils de ces Rois,
Protecteurs de ta loi
Protège un tel enfant,
Venge-le, venge-toi.
Grand Dieu du haut des cieux,
Écoute tes sujets,
Les vrais Français.
Dans leurs justes douleurs,
Exauce leurs souhaits.
Sauve le Roi, la France,
Et donne leur paix.»Une chanson royaliste pour Louis XVII (1795)
Louis-Charles est confié à sa mère au troisième étage du Temple. Les captifs bénéficient à cette époque d’un confort incontestable (baignoire, garde-robe, nourriture abondante). Plusieurs tentatives d’évasion sont fomentées par des royalistes afin de délivrer Marie-Antoinette et Ses enfants.
Un après-midi, Louis-Charles se blesse un testicule alors qu’il chevauche un bâton. Le docteur Brunier vient le trouver ; il sera soigné par sa mère et sa tante.
Le 3 juillet 1793
Par arrêté du Comité de salut public du 1er juillet 1793, Louis-Charles est enlevé à sa mère et mis sous la garde du cordonnier Antoine Simon (« l’instituteur » désigné sait pourtant à peine écrire) et de sa femme, qui résident au Temple.
Ce n’est que lorsque les envoyés du Comité de salut public La menacent de s’en prendre à la vie de Ses enfants que Marie-Antoinette les laissent emmener Son Chou d’amour qui logera dans l’ancien «appartement» de Louis XVI, un étage en dessous…
Pendant une heure, la Reine lutte pour convaincre les cinq municipaux de Lui laisser Son fils… en vain…
La Reine reste avec Sa fille et Sa belle-sœur. Elle guette les passages de Son fils dans l’escalier du Temple.
Louis-Charles est enfermé au deuxième étage, le but est alors d’en faire un petit citoyen ordinaire et de lui faire oublier sa condition royale.
Tous les jours, le petit garçon subit rosseries et humiliations. Alors qu’il ne cesse de pleurer l’absence de sa mère à laquelle on l’a arraché pour le livrer à Simon, il est sommé de jurer fidélité à la République, et d’apprendre par cœur des chants révolutionnaires et paillards. Il résista noblement au début, exigeant même qu’on lui montrât le décret ayant ordonné tant de souffrances puis, brisé, il dut se soumettre à toutes les exigences de son maître.
Pour le jeune Louis XVII, les humiliations étaient pires encore quand Simon amenait avec lui dans la tour ses amis de beuverie, devant lesquels il aimait se vanter, démonstration à l’appui, de mater le jeune Roi de France.
Depuis qu’il a été séparé de sa mère Marie-Antoinette, le jeune Louis XVII vit au second étage de tour du Temple, sous la tutelle du cordonnier Antoine Simon (1736-1794), un révolutionnaire fanatique que la Convention a chargé «d’éduquer » le jeune Roi et à son épouse Marie Jeanne, née Aladame (1746-1819). Ne pouvant sacrifier un tel otage, les révolutionnaires ont trouvé une solution intermédiaire pour éliminer cette incarnation de la royauté qu’est Louis XVII : en faire un parfait sans-culotte.
Louis-Charles déplore qu’il est « toujours seul » et que « sa mère n’est pas là pour l’aider ». Il croit que sa mère se trouve dans l’une des autres tours et il veut désespérément la voir, incapable de comprendre pourquoi Elle ne peut pas venir.
Le 2 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 6 août 1793
La ville de Montbrison s’étant soulevée au cri de « vive le Roi Louis XVII ! », Simon présenta le petit prince à la cantonade en déclamant : « Voici le Roi de Montbrison. Je m’en vais l’oindre, l’encenser et le couronner ! »
Et, joignant le geste à la parole, il l’oignit en lui renversant son verre sur la tête et en lui frottant douloureusement les cheveux, l’encensa en lui soufflant des bouffées de sa pipe à la figure et le couronna en le coiffant du bonnet phrygien. Devant la petite figure rouge de colère et de honte du jeune Louis XVII, Simon demanda alors : « Que me ferais-tu, Capet, si tes amis te délivraient et si tu devenais Roi de France pour de vrai ? »
Et alors cet enfant imposa le silence et le respect à tout le monde en répondant : « Je vous pardonnerais ».
La vie de Louis XVII se déroule sous la garde des époux Simon qui n’ont pas envers le jeune Roi le comportement cruel que les historiens leur attribueront. Antoine Simon est un personnage rude, il est vrai, et a un langage quelque peu grossier que Louis XVII apprend… mais sa femme sait donner à l’enfant des soins attentifs en lui donnant une nourriture abondante, des vêtements bien entretenus et en lui achetant même des jouets.
Le docteur Thierry, médecin des prisons et nommé par la Commune (il a remplacé le dimanche 12 mai 1793 les docteurs Brunier, médecin des Enfants de France depuis 1788 à Versailles, et La Caze, chirurgien), qui visite souvent l’enfant, trouve toujours ce dernier en bonne santé, sauf un mal qu’il soigne rapidement. Madame Royale, dont le Journal fut « corrigé » par son oncle usurpateur, Louis XVIII (dans le but d’accréditer une mort ultérieure survenue au Temple), insinua que l’état de santé déficient du jeune Roi aurait commencé à se manifester dès juillet 1793. Toutefois, les rapports faits par le Docteur Thierry indiquent la bonne santé générale de Louis XVII et, de façon détaillée, les remèdes prescrits et les menus des repas donnés à celui-ci. (Cf. Archives Nationales. F. 7-4392. Police Générale. Prisonniers du Temple, f.42. Commission des secours publics).
Le 30 septembre 1793
Jacques-René Hébert, qui est substitut du Procureur de la Commune, reçoit de Simon un billet le pressant de venir le voir au Temple en toute urgence ; il a des informations importantes à lui transmettre. Cela concerne, comme on va le voir, Louis XVII. Hébert s’exécute.
On ignore sous quelle perfide incitation Simon alerta Hébert pour lui rapporter ces terribles accusations. Toutefois, en réfléchissant un peu, on comprend tout le manège monté par les responsables de la Commune – dont le Procureur était P-G. Chaumette- pour perdre la Reine en souillant le jeune Roi. En effet, on sait que la Commune a en charge la gestion de la prison du Temple et des prisonniers de celle-ci ; le Procureur Chaumette et son adjoint ont donc un pouvoir hiérarchique sur Simon. Il n’est, par conséquent, point difficile de soupçonner cette mise en scène :Simon, sur ordre d’Hébert, son supérieur, adresse un billet à ce même Hébert pour faire croire qu’il se passe des jeux troubles au Temple… Tout ceci, pour obliger l’enfant-Roi de déposer si affreusement contre ses parentes. On ignore aussi les conversations qui s’échangent entre eux et Louis XVII pendent toute une semaine !..
Toute une semaine pour amener le pauvre enfant à signer une déposition à l’encontre de sa mère et de sa tante ! Ce délai- du 30 septembre au 6 octobre 1793, jour de la signature du procès-verbal par le jeune Roi, laisse supposer que des pressions, des menaces, des promesses furent faites à celui-ci ou simplement un peu d’alcool… pour l’amener à cette signature.
Ce qui est évident est que la rédaction – bien solide par ses tournures juridiques et bien insidieuse par ses détails scabreux – n’a pu être faite par un enfant de huit ans…
Le 6 octobre 1793