Sommaire de l’article :
- Le château destiné à madame de Pompadour
- Le projet abandonné des tables volantes du Petit Trianon de Loriot
- La chambre du Roi au Petit Trianon : La chambre où Louis XVI ne dormira jamais
- La chapelle du Petit Trianon
- Les communs du Petit Trianon : des cuisines de Louis XV aux logements du personnel
- Le cadeau de Louis XVI pour Marie-Antoinette à son avènement
- Le réchauffoir
- La pièce d’Argenterie au Château du Petit Trianon
- Le Salon du billard du Petit Trianon
- L’escalier d’honneur ; Palier de l’escalier d’honneur
- L’Antichambre de Trianon
- La salle-à-manger
- Le Petit Salon
- Le Salon de Musique
- Le Boudoir ou cabinet des glaces mouvantes ; Sous le Boudoir
- Le cabinet de toilette
- L’Attique :
- La chambre-à-coucher de Madame Royale
- La chambre de madame Campan
- La chambre de la Première Dame d’Honneur
- La bibliothèque de la Reine
- Le cabinet du Roi
- Le Temple de l’Amour
- La rougeole de Marie-Antoinette
- Le petit théâtre de la Reine
- Le règlement de Trianon de par la Reine
- Le jeu de bague
- La chambre de la Reine : le mobilier aux épis
- La chaise de Marie-Antoinette au Petit Trianon
- Le cabinet des glaces mouvantes
- Sous la révolution : Charles Langlois
- Quand le Petit Trianon devint une auberge…
- Quand Marie-Louise était Impératrice…
- Le cabinet de Toilette
- À la Restauration
- Le rêve de l’Impératrice Eugénie à la mémoire de Marie-Antoinette
- Les fantômes de Trianon
- Le Petit Trianon renaît au temps de Marie-Antoinette
- À Versailles, la résurrection du Petit Trianon
- Un engouement pour la Reine martyre
- Le jardin d’Alain Ducasse
En 1758
Pour Madame de Pompadour (1721-1764), sa maîtresse, Louis XV envisage la construction d’un nouveau petit château au milieu des jardins qu’il a développés et embellis depuis une petite dizaine d’années. Il commande à Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), son Premier architecte, un pavillon de taille suffisamment conséquente pour y habiter et y loger une partie de sa suite. Gabriel signe ici un véritable manifeste de l’architecture néo-classique, exemple parfait de la mode « à la grecque » qui se répand alors en Europe.
Premier projet pour le Petit Trianon,
Les hésitations de Louis XV
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Les premières ébauches s’inspirent du tout nouveau château de l’Hermitage du Prince de Croÿ conçu selon un plan centré. Le projet est retardé par la Guerre de Sept ans mais ces événements permettent d’accroître le temps de réflexion et de fixer les hésitations des premiers plans.
Le projet de 1761 ne comprend que trois fenêtres par façade. Seule celle sur le jardin botanique présente quatre croisées sans ressaut, mais est mal adaptée au nivellement. Chaque croisée centrale est sommée d’un fronton circulaire, le tout étant richement orné, voire surchargé. Les proportions sont mal équilibrées et les escaliers extérieurs trop modestes. Cela ne convainc pas et ne parvient pas à surmonter les indécisions dont le Roi est souvent l’objet.
L’idée est de porter à cinq le nombre de croisées par façade, permettant à l’édifice de gagner en majesté par rapport aux premières ébauches et de satisfaire les exigences du terrain. On conserve le principe de quatre pilastres ou colonnes, selon l’orientation cardinale, qui viennent scander régulièrement les hautes fenêtres. La stéréotomie est finalement préférée, caractérisée par un décor ornemental uniquement géométrique. L’édifice est de plan carré et les dimensions, de douze toises par côtés sont fixées par la largeur du jardin à la française. C’est le choix d’un ordre colossal qui confère au bâtiment, malgré ses dimensions modestes, un caractère monumental tout en conservant l’harmonie des proportions.
De 1762 à 1768
Le chantier d’ Ange-Jacques Gabriel durera six ans, il est retardé par la guerre de Sept Ans (1756-1763).
Le 15 avril 1764
La marquise de Pompadour meurt d’une congestion pulmonaire, à l’âge de quarante-deux ans, à Versailles, ultime privilège, puisqu’il est interdit à un courtisan de mourir dans le lieu où résident le Roi et sa Cour.
Le bâtiment adopte une forme cubique extrêmement simple ; sa toiture est dissimulée par une balustrade.
Gabriel a su éviter un traitement décoratif trop simple ou trop austère en variant le traitement réservé aux façades du château qui offrent toutes cinq ouvertures par étage. La façade méridionale, sur la cour d’honneur, est sobrement ornée de quatre pilastres soulignant une légère saillie des trois travées centrales ; la façade nord reprend ce traitement mais avec un étage en moins à cause de la différence de niveau ; la façade est, qui donnait sur le jardin botanique de Louis XV, est la plus sobre ; en revanche, la façade occidentale, donnant sur le Jardin français, a reçu un traitement très soigné en étant savamment mise en valeur par une élégante terrasse et rehaussée par quatre majestueuses colonnes corinthiennes qui créent un léger avant-corps.
Les proportions de l’ensemble en font un chef-d’œuvre d’harmonie et d’élégance. Un jeu subtil de perrons permet de rattraper les différences de niveau et la forte déclivité du terrain d’ouest en est autorise la création d’un rez-de-chaussée accessible sur deux côtés.
À l’intérieur, l’espace des deux premiers étages s’organise autour d’une vaste cage d’escalier. La différence de niveau du terrain sur lequel est bâti le château permet aux pièces de réception du premier étage de s’ouvrir de plain-pied sur les jardins. L’appartement de Marie-Antoinette, entresolé, donne sur le jardin anglais et le Temple de l’Amour. On y remarque un cabinet dit «des glaces mouvantes», dont un ingénieux système de panneaux de boiseries mobiles permet d’obturer à volonté les deux portes fenêtres.
Le 1er février 1768
« Vous trouverez ci-joint, Monsieur, un état des tableaux nécessaires pour compléter la décoration intérieure du nouveau Trianon avec leurs grandeurs et places auxquelles ils sont destinés. C’est une occasion d’occuper plusieurs peintres du Roi. Marquez-moi les noms de ceux que vous jugerez pouvoir en être chargés. Vous pourrez aussi me proposer quelques sujets pour chacun des tableaux, afin que je sois en état de les mettre sous les yeux de Sa Majesté et de lui demander son choix. »
M. de Marigny à Cochin
Cochin s’ingénie à trouver « des sujets convenables et susceptibles de faire un bon effet de peinture » ; il pense à les tirer d’Homère ou du Tasse, mais il craint « que cela ne parût trop sérieux ».
« J’ai donc, répond-il, envisagé la chose dans une autre idée. C’est dans cette maison de plaisance que le Roi conserve ses plus belles fleurs ; j’ai cherché pour les dessus de porte des sujets où il puisse entrer des fleurs, pris dans les Métamorphoses, parce qu’il me semble que les tableaux en seront plus agréables, et pour la grande salle à manger des sujets relatifs aux aliments… »
Ayant donné sa liste pièce par pièce, Cochin désigne les artistes :
« Pour les quatre grands tableaux, je crois qu’il est besoin de tout ce que nous avons de mieux, et c’est une occasion peu commune. Aussi je crois qu’on peut les demander à MM. Pierre, Vien, de Lagrenée, Doyen. Quant aux dessus de porte, j’ai cherché à n’y point employer ceux qui sont déjà chargés d’en faire pour Bellevue [chez Mesdames], afin de répandre l’encouragement et l’émulation sur tous ceux qui font des efforts pour se distinguer. »
Le 22 mars 1768
Les sujets sont approuvés par le Roi et les commandes distribuées par Marigny.
Suivant les inventions de Cochin, les dessus de porte raconteront aux yeux, dans l’antichambre, des métamorphoses de nymphes en plantes, dans la salle à manger, les aventures des divinités protectrices des fruits et des fleurs, Vertumne et Pomone, Zéphyre et Flore, Vénus et Adonis, Bacchus et Érigone, dans le salon, l’histoire de Narcisse et de Hyacinthe, Adonis changé en anémone, Clytie en héliotrope. Trois compositions, dans la petite salle à manger, sont consacrées aux yeux des Grâces et de l’Amour : le dieu, dissimulant ses armes, leur adresse d’humbles prières pour être admis dans leur temple ; il se laisse même enchaîner de fleurs ; puis il rompt ses liens brusquement, les déesses prennent la fuite et il les poursuit de ses traits. Les peintres choisis pour interpréter toute cette mythologie sont Carême, Monnet, Belle, Jollain, Lépicié, Amand, bientôt remplacé par Renou, et la plupart exposent leurs toiles aux salons des années suivantes.
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska.
Le 1er septembre 1768
Présentation à la Cour de Jeanne du Barry (1743-1793), la nouvelle maîtresse de Louis XV.
C’est donc avec Madame du Barry que le Roi inaugure le Petit Trianon en 1768.
Le projet abandonné des tables volantes du Petit Trianon de Loriot
(texte et photos de Christophe Duarte ; Versailles – Passion)
Joseph Antoine Loriot fournit, en 1769, les maquettes de deux tables mouvantes pour le Petit Trianon. Le dessin du plancher de la salle à manger montre bien qu’elle était prévue.
Seul le centre devait descendre, une rose en métal masquant le trou.
« On voit au Louvre une table volante, merveilleuse pour sa construction. Elle doit être placée à Trianon, et est bien supérieure à celle de Choisy par la simplicité du mécanisme. Elle s’élève comme celle-là, du fond du parquet, rouverte d’un service, avec quatre autres petites tables appelées servantes, pour fournir aux convives les ustensiles dont ils ont besoin et se passer d’officiers subalternes autour d’eux. Elle redescend avec la même facilité, et dans l’intervalle où on la recouvre, des feuilles de métal remplissent le vide et forment une rose très agréable au coup d’œil. Cette machine est du sieur Loriot, artiste connu par plusieurs secrets, et, surtout par celui de fixer le pastel.»
Mémoires secrètes de Bachaumont
Ces tables volantes ne sont pas une nouveauté en Europe. Il y en avait également une dans la salle à manger du château de Choisy.
Pour des raisons de coût, Louis XV abandonne ce projet et il ne sera jamais mené à terme. Les contrepoids et mécanismes ne seront jamais installés au rez-de-chaussée du Petit Trianon.
Sous-sol du Petit Trianon où devait être installé le mécanisme des tables
A Trianon, Louis XV veut être chez lui. Dans toute sa composition soigneusement travaillée par Gabriel sous la vigilante tutelle du Roi, le bâtiment révèle cette recherche constante de confort et d’indépendance des fonctions, expérimentant ainsi, par cette séparation des maîtres et des serviteurs, des formules qui seront ensuite développées et démocratisées au XIXèe siècle dans tous les immeubles bourgeois : escalier des maîtres, escalier de service, chambres de domestiques, etc.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, son petit-fils, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
En 1772
Louis XV investit cette chambre et il accorde son cabinet intérieur, situé à l’étage inférieur, à Madame Du Barry, dans un acte de dérogation de son statut royal qui paraît alors impensable.
La chambre du Roi au Petit Trianon,
La chambre où Louis XVI ne dormira jamais
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Le décor des lambris, dont les trumeaux de glaces ont été restitués en 1985 à partir des dessins retrouvés sur la maçonnerie, est tendu d’un lampas de soie cramoisie tissé à Lyon dit «à musique chinoise», repris d’après les inventaires. Il se réfère à celui qui fut livré pour Louis XV en 1768.
La cheminée de marbre griotte et bronze dorés n’a été placée qu’en 1836. Elle provient des petits appartements de Marie-Antoinette au château de Versailles.
Aucun meuble d’origine n’ayant pu être identifié, le lit à la polonaise, daté vers 1775, en hêtre sculpté et doré, permet d’évoquer celui du Roi Louis XV, conservé par son successeur Louis XVI et qui sera utilisé alors par sa sœur Madame Elisabeth.
Les quatre bras de lumière en bronze doré dus à Claude Galle ont été livrés en 1810 pour le Salon de la Maison dite «du Baillage», ancienne Maison du Billard au Hameau.
En 1773
La chapelle du Petit Trianon
(Texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Dernière construction de Gabriel au Petit Trianon, la Chapelle est achevée en 1773, pour un coût de 68 500 livres. S’élevant sur deux niveaux selon le type palatin, elle est surmontée d’un clocheton à bulbe et d’une croix.
Éclairé par quatre fenêtres latérales, l’intérieur est lambrissé de gris sur toute sa hauteur. Son décor, de style néo-classique, procède d’une extrême sobriété. Les boiseries, très dépouillées, sont réalisées par Thomas. Antoine Rousseau modèle le chœur. La tribune royale fait face à l’autel. Ceinte d’une balustrade et supportée par quatre colonnes doriques, elle est accessible depuis le perron extérieur qui donne sur le Jardin français.
Deux colonnes ioniques en bois cannelé encadrent le maître autel, qui supporte un fronton cintré où Joseph Prévôt a sculpté une gloire rayonnante.
En 1784, déplorant que «toutes les pendules du château [se sont] détraquées en même temps», Marie-Antoinette commandera à Robert Robin (1742-1799), fournisseur du Roi, une horloge pour orner le clocher. Installée l’année suivante moyennant 24 000 livres, elle sonne tous les quarts d’heure et possède deux cadrans de tôle orientés l’un vers le château, l’autre vers les communs.
Le 14 brumaire an II, elle est démontée pour être transférée à la Convention nationale. Mais elle est déposée au Muséum national d’histoire naturelle où elle se trouve encore aujourd’hui, incorporée aux boiseries de la salle des espèces menacées et des espèces disparues. Elle est classée monument historique. Napoléon commande à Pierre-Basile Lepaute (1750-1843) , issu d’une grande famille d’horlogers, une nouvelle horloge. Non entretenue, celle-ci est restaurée en 2004 et dotée d’un système de remontage automatique.
En même temps que la chapelle, est créé un petit corps de logis qui abrite la sacristie et la maison du Suisse. Celui-ci fait office de portier du Petit Trianon. Il est seul à détenir la clef du domaine et, aussi, les droit et privilège de le faire visiter en l’absence de la Reine.
Les communs du Petit Trianon,
Des cuisines de Louis XV aux logements du personnel
(texte et photos de Christophe Duarte – Versailles Passion)
Situés le long de l’allée sud du Jardin français, les bâtiments des communs sont construits à partir de juillet 1770, les travaux ayant été initiés en 1767 puis suspendus par souci d’économie.
Ils remplacent la figuerie du premier jardin potager et fruitier de Claude Richard, sur sa partie occidentale, ainsi que les divers jardins et les serres qui bordent alors l’avenue menant au Grand Trianon.
Les cuisines et les offices donnent sur le jardin, un petit corps de logis sur l’avant est destiné au chapelain et un long mur à auvents longeant l’avenue et faisant face au bâtiment principal forme une cour intérieure, accessible par une grande porte cochère et abritant un lavoir.
La partie orientale est, dès sa construction, une cuisine dépendant du Petit Trianon, celle du château devenant insuffisante, surtout après l’adoption par Louis XV du projet de Loriot de «tables volantes», qui, s’il avait été mené à son terme, aurait permis de faire apparaître dans les salles à manger des tables déjà garnies. Un petit réchauffoir, plus proche du château, est aussi aménagé sous Louis XV au nord de la Cour de la chapelle.
En prolongement vers l’ouest du bâtiment est ajouté un logement pour le concierge avec un jardin arrière.
Les offices sont agrandies en 1781 sur instruction de Marie Antoinette.
Au fur et à mesure de l’importance qu’elle accorde au Petit Trianon et de l’augmentation de ses séjours au domaine, les communs sont réaménagés et adaptés à l’ordinaire de la Reine.
Le jardin du second corps est clos afin de former une nouvelle cour et le mur à auvent est remplacé par un véritable bâtiment.
Gustave Desjardins fait de ces édifices une description exhaustive qui montre l’organisation permettant de servir deux potages et vingt plats pour le déjeuner et deux potages et dix plats pour le dîner, ce nombre étant doublé en cas de réception :
«Il y a une cuisine pour les viandes froides, une autre pour les potages et entremets, avec une cheminée, un four et seize réchauds. Une troisième, très vaste, pour les grandes et moyennes entrées avec un four, une cheminée et vingt-huit réchauds. Une quatrième, plus petite, pour la pâtisserie spéciale aux entremets, avec four et cheminée. Une cinquième, de grande dimension, pour la rôtisserie, avec un four, une cheminée et seize réchauds. Une sixième pour la pâtisserie proprement dite, avec cheminée et four. Suivent : un garde-manger, un office pour le gobelet-vin, avec une cheminée et quatre réchauds. La paneterie avec four et cheminée. Une pièce pour la distribution du vin, une autre pour l’argenterie, divisée en deux compartiments : le premier destiné à la garde, le second au lavage. Viennent ensuite le lavoir de toute la batterie de cuisine et une salle à manger pour les officiers de la bouche».
Gustave Desjardins
L’autre aile est convertie en remises et écuries, pouvant accueillir une dizaine de chevaux, ainsi que des chaises à porteurs. De cette longue bâtisse, on ne voit que des fenêtres grillées, fenêtres de corridors ou de cuisines masquées par un épais treillis.
En raison de ces modifications, le concierge est installé dans le petit logis à l’avant de la chapelle, que l’on appelle «la maison du Suisse». Celui de Marie-Antoinette, qui est aussi son garde-meuble, se nomme Pierre-Charles Bonnefoy du Plan : il est chargé de veiller sur les lieux et surtout les mouvements d’œuvres ou de mobiliers. Il contrôle l’accès au domaine, à l’aide des gardes-suisses du Roi.
Les combles de ces bâtiments abritent des logements du personnel, certains ayant même pu accueillir un temps des membres de la cour, comme le comte de Noailles. On trouve, aujourd’hui, dans ce long bâtiment des appartements de service et un salon de thé. Depuis le printemps 2007, la «maison du Suisse», dans la tradition d’autrefois, sert d’accueil pour les visiteurs du domaine.
Fin Avril 1774
Alors que le Roi et Jeanne du Barry se trouvent à Trianon, c’est là que le souverain ressent les premiers malaises. Souffrant, il est transporté au château de Versailles. Fidèle, Jeanne reste aux côtés du Roi et ne le quitte pas malgré le risque de contamination: il est atteint de la petite vérole.
Le 10 mai 1774
Mort de Louis XV.
La bougie à la fenêtre qui indiquait aux gens massés dans la cour de marbre que le Roi vivait encore s’éteint…
Le jeune Roi Louis XVI (1754-1793) offre le Petit Trianon à Marie-Antoinette (1755-1793) qui souhaite avoir une résidence de campagne où échapper aux contraintes de Son rang. Louis XVI aurait usé de cette formule :
« Vous aimez les fleurs, Madame, j’ai un bouquet à vous offrir. C’est le Petit Trianon ».
C’est sans doute trop galant pour venir effectivement de lui… D’autres témoins rapportent différemment la scène en ces termes :
« Madame, ces beaux lieux ont toujours été le séjour des favorites des rois, conséquemment ils doivent être le vôtre »
Louis XVI
Marie-Antoinette y engage de grands travaux.
La clé du Petit Trianon, donnée à Marie-Antoinette par Louis XVI.
Lorsqu’il la Lui donna, il y avait un ruban avec 531 diamants.
Le jardin anglo-chinois de Marie-Antoinette
( Texte : Une dynastie de jardiniers et de botanistes : les Richard, Jean Dominique Bourzat ;
illustrations : Barbara Pudelko – Versailles-passion )
« Dès que Marie-Antoinette prend possession de son domaine du Petit Trianon, le 6 juin 1774, elle décide de transformer radicalement le jardin botanique et ornemental. La Reine ne rêve que d’un jardin anglo-chinois dont la mode fait fureur à l’époque. Le marquis de Girardin a dépensé des sommes folles pour sacrifier à cette anglomanie dans son château d’Ermenonville. Le duc d’Orléans a fait de même au parc Monceau.»
« Respectueuse des usages, elle s’adresse à Antoine Richard pour réaliser son projet. Antoine élabore un projet un peu contourné qui fait disparaître la botanique au profit d’un jardin anglais, mais qui conserve les grandes serres chaudes. La Reine accueille froidement son projet, elle le trouve sans grâce et le rejette. La princesse de Beauvau lui vante alors les jardins que le comte de Caraman a créés dans son hôtel de la rue Saint-Dominique à Paris. Ces jardins font l’admiration de tous ceux qui suivent cette mode venue d’Angleterre où la nature n’obéit plus à une ordonnance rigoureuse, symétrique et géométrique, mais où elle peut s’épanouir de façon sauvage et débridée.»
« Marie-Antoinette demande au comte de lui dessiner les plans de son futur jardin. Celui-ci s’acquitte de sa tâche avec zèle, et le 10 juillet (1774) il lui remet une ébauche où une rivière serpente au milieu de prairies verdoyantes, où des bouquets d’arbres ornementaux alternent avec des fabriques telles qu’un temple, un belvédère, un rocher, une montagne ou une grotte.»
« Le 23 juillet (1774), Marie-Antoinette se rend chez le comte de Caraman pour admirer les jardins de son hôtel parisien. Elle en revient enchantée et ordonne des ordres pour que les travaux commencent au plus vite. La réalisation de ce jardin anglais est confiée à Richard Mique, nommé en septembre 1774 premier architecte du Roi et en janvier 1775 l’intendant général des bâtiments de la Reine.»
« Claude et Antoine Richard deviennent en 1774 les jardiniers de la Reine et à partir du 1er janvier 1775, ils sont les seuls responsables des jardins du Petit Trianon. Claude a en charge le jardin anglais et Antoine, le jardin français. Bien vite la tutelle du comte de Caraman, prince éclairé mais amateur, devient pesant aux Richard et à Mique. Ce dernier réussit à évincer le comte jardinier grâce à l’appui du comte d’Angivillers, directeur des bâtiments du Roi. Faute de crédits, les travaux ne commencent vraiment qu’en 1776. Il revient à Claude Richard les travaux de terrassement et de plantations d’arbres. »
« Il doit suivre les plans du comte de Caraman et se conformer aux dessins d’Hubert Robert. »
« À la fin de l’année 1778, rivières et lacs sont creusés et glaisés, mais trois années supplémentaires seront nécessaires pour modeler le paysage par l’apport d’innombrables tombereaux de bonne terre, de centaines d’arbres d’ornement et de milliers de plantes et de fleurs. On pourra considérer le jardin anglais comme terminé à la fin de l’année 1781.»
Une dynastie de jardiniers et de botanistes : les Richard, Jean Dominique Bourzat
Le 6 juin 1774
Marie-Antoinette pend la crémaillère de Sa nouvelle possession, en compagnie de Madame Clotilde (1759-1802), les Provence et les Artois, Ses belles-sœurs et beaux-frères et son royal époux qui, peu de temps après, lui remet la clef du domaine sertie de 531 diamants, exécutée par le serrurier François Brochois et l’orfèvre-joaillier Michel Maillar.
Marie-Antoinette ne change que peu de choses de l’intérieur de cette résidence et le mobilier de 1789 sera à peu près celui qui s’y trouvait à la mort de Louis XV :
« Tout fut conservé sans exception et la reine couchait dans un lit très fané et qui avait même servi à la comtesse du Barry ».
Mémoires de Madame Campan
La salle des gardes
Un premier projet de 1763 prévoit dans cette grande salle du rez-de-chaussée une bibliothèque botanique, qui n’est finalement pas réalisée, et l’on y trouve, jusqu’au milieu du XIXe siècle, les gardes du corps. Pour cette raison, le décor est simple : les murs sont décorés d’une fausse coupe de pierre et le parquet est fait de grosses planches.
Les deux tableaux exposés, du peintre autrichien Johann Georg Weikert, ont été commandés pour être placés dans la grande salle à manger du premier étage et représentent tous deux le spectacle qui avait été donné le 24 janvier 1765 à Schönbrunn en l’honneur du second mariage de Joseph II, avec la princesse de Bavière. Marie-Antoinette demande à sa mère Marie-Thérèse la réalisation de copies de ces deux toiles qu’Elle affectionne ; sur l’une d’elles, Elle apparaît à l’âge de dix ans dansant avec Ses frères un ballet-pantomime de Gluck, l’autre représente Ses sœurs aînées interprétant quatre Muses dans un opéra.
Elle reçoit le 18 mars 1778 ces œuvres dont Elle dit :
« Ils augmenteront bien le plaisir que j’ai quand je suis à Trianon.»
Le réchauffoir
(texte et photos : Christophe Duarte – Versailles Passion)
Située derrière le Vestibule de l’Escalier d’Honneur, cette salle sert uniquement à réchauffer les mets servis sur la table royale. Les véritables cuisines se trouvent dans les Communs, éloignés du Château, au-delà de la Chapelle, afin d’en écarter les nuisances.
Au-dessus du potager, dans la vitrine, ont été placés des éléments de la batterie de cuisine de Trianon datant du XIXe siècle, marqué du chiffre de Louis-Philippe, dont une bassine à confiture et un plat en faïence du XVIIIe siècle, élément d’un service du commun de Trianon, orné du chiffre «T» couronné.
La pièce d’Argenterie au château du Petit Trianon
Le buffet situé à gauche contient plusieurs pièces du « service attributs et groseilles » en porcelaine de Sèvres, livré pour Louis XV à Trianon en 1763, utilisé sans doute au Petit Trianon à partir de 1768, et complété par Marie-Antoinette jusqu’en 1790. En l’état actuel il se compose de six assiettes aux ailes ornées de trophées de fleurs, de tasses à sorbets, d’un compotier, d’une jatte et de deux plats.
Le buffet situé à gauche contient plusieurs pièces du « service attributs et groseilles » en porcelaine de Sèvres, livré pour Louis XV à Trianon en 1763, utilisé sans doute au Petit Trianon à partir de 1768, et complété par Marie-Antoinette jusqu’en 1790. En l’état actuel il se compose de six assiettes aux ailes ornées de trophées de fleurs, de tasses à sorbets, d’un compotier, d’une jatte et de deux plats.
Le buffet situé entre les fenêtres présente plusieurs pièces du « service à perles et barbeaux » en porcelaine de Sèvres, commandé par la reine Marie-Antoinette en 1782. Les barbeaux sont un semi de fleurs de bleuet (ou barbeaux), très à la mode dans les années 1780. Un plateau de pot à jus, un pot à jus, un saladier et une assiette ont pu être rassemblés.
Le troisième buffet, à droite, rassemble des objets précieux du Petit Trianon au XIXe siècle : une assiette en porcelaine dure (avec kaolin) ornée du portrait philosophe Malebranche (1638-1715 du service iconographique » livré en 1824 pour Louis XVIII ; plusieurs assiettes du service en porcelaine dure de Sèvres, livré pour Louis-Philippe à Trianon en 1847, dont deux assiettes au marli fleuri imprimé du service à dessert du roi, et deux autres, plus simples, du service des Princes. Au-dessous sont présentés des objets utilisés pour le service de la chapelle du Petit Trianon, en argent et vermeil, œuvre de Bertrand Paraud livrée en 1825, dont certaines pièces possèdent encore leur écrin de maroquin.
Poursuivons la visite des lieux de la Reine…
En terme d’esthétique comme de fonctionnalité, le Petit Trianon constitue un jalon important dans l’histoire de l’architecture. Toute son organisation s’articule autour de l’escalier d’honneur desservant l’étage noble, puis deux escaliers annexes accèdent vers l’attique à l’appartement du Roi et une série d’appartements d’invités comportant, pour chacun, chambre et cabinet de robe, eux-mêmes distribués par un couloir central, selon une conception véritablement proche de celle d’un hôtel.
En passant par le hall d’escalier, on accède au salon du billard.
Le salon du billard du Petit Trianon,
de Louis XV au duc d’Orléans
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Cette grande pièce d’angle ornée d’un lambris de hauteur a conservé sa vocation d’origine : il s’agissait de la salle de billard de Louis XV.
Les deux canapés et la banquette qui s’y trouvaient étaient alors recouverts d’une belle perse, toile imprimée à décor floral. Marie-Antoinette décide en 1784 de transférer au premier étage le billard du rez-de-chaussée, où un autre de moindre qualité à l’usage des officiers le remplace. Grâce aux mémoires de livraison, la description du billard de Marie-Antoinette a été retrouvé. En chêne massif, celui-ci fut livré par Masson, «paumier de Sa Majesté Louis XVI» en 1776. Louis-Philippe fera à nouveau placer un billard, œuvre de Mathurin-Louis Cosson, dans cette pièce. Sur la cheminée est présenté un buste de Marie-Antoinette d’après Louis-Simon Boizot, c’est un moulage en plâtre patiné de 1781.
Le billard est livré par Mathurin-Louis Cosson en 1830 et le porte-queues par Félix Remond. Tous deux étaient présentés dans l’Appartement du duc de Berry au palais des Tuileries.
Ils sont envoyés au Petit Trianon en 1836 pour être placés au premier étage. Ils descendent au rez-de-chaussée en 1839 où ils demeurent jusqu’au XXe siècle. Placés par la suite à l’Attique du Nord au Château, puis, en 2002, dans la salle de billard au Grand Trianon. Ils sont replacés dans ce salon en novembre 2017.
Marie-Antoinette d’après Simon Boizot, 1781
Ressortons donc vers le grand escalier …
L’escalier d’honneur
( photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion et Ignasi López-Vidal )
Du vestibule, on accède à l’escalier d’honneur du château, tournant à deux volées droites, construit en pierre calcaire de Saint-Leu et orné d’une rampe en bronze doré et fer forgé, œuvre des serruriers Louis Gamain et François Brochois.
Son dessin est ample et scandé de médaillons ovales à tête de coq, qui portaient à l’origine le chiffre de Louis XV, remplacé ensuite par celui de Marie-Antoinette, les lettres M et A entrelacées.
Le décor mural est simplement traité en pierre de taille, formant une transition ornementale entre l’intérieur et l’extérieur. Entre le pilastre et le premier panneau, est un autre pilastre à cadre rempli d’un trophée de musique en cuivre fondu d’une seule pièce, composé d’une lyre, d’un caducée avec deux serpents entrelacés autour du dit caducée, une branche de palme et de laurier avec graine.
Le sol est carrelé de marbre blanc veiné et vert Campan.
Sur le demi-palier de l’escalier à la septième marche, une autre petite porte, à gauche, permet de rejoindre la galerie chinoise du jeu de bague par un long corridor créé en 1781.
Arrivés au niveau du palier, prenons la porte de droite pour entrer dans l’antichambre.
L’Antichambre de Trianon
( texte et photos d’Ignasi López-Vidal – Le Petit Trianon, le Domaine d’une Reine )
Le décor de l’antichambre est sobre. Les murs sont lambrissés sur toute leur hauteur et peints en vert d’eau réchampi de blanc.
L’antichambre est parfois appelée «salle des buffets» ou «salle des poêles» car deux gros poêles de faïence sont disposés de chaque côté de la porte menant à la salle à manger, qu’ils contribuent aussi à chauffer sans gâter la luxueuse décoration de ce lieu de réception. Démontés lors de la Révolution, ils sont remplacés en 1805 par deux nouveaux appareils de chauffage à mosaïque.
Une des toiles les plus connues représentant Marie-Antoinette est exposée dans l’antichambre : Marie-Antoinette à la rose.
Deux bustes de marbre de Louis-Simon Boizot (1743-1809), commandés par Marie-Antoinette en 1777 à l’occasion de la visite de Son frère Joseph (1741-1790), sont disposés sur des gaines de chêne sculpté peint et doré, de chaque côté de la porte-fenêtre ouvrant sur le Jardin français, et représentent Joseph II et Louis XVI, le premier portant l’ordre de la Toison d’Or et le Roi, le cordon de l’Ordre su Saint-Esprit.
Créée en 1783, elle est l’une des cinq répliques du portrait officiel de 1782 réalisées par l’artiste elle-même; dans la première, qui fait alors scandale, la Reine pose en robe de gaulle et en chapeau de paille, préfigurant son goût pour le Hameau que l’on construit à proximité.
La salle-à-manger
L’antichambre ouvre sur la grande salle à manger, véritable laboratoire de dégustation des fruits et légumes cultivés dans le domaine.
Son décor est entièrement consacré à la nature, selon le vœu de Louis XV d’une harmonie végétale entre la décoration intérieure du château et ses jardins.
Louis XV qui soupa ici pour la première fois le 11 septembre 1769, avait prévu l’installation des tables volantes destinées à monter déjà garnies et servies des sous-sols.
On y retrouve, comme dans les deux pièces voisines, des lambris richement sculptés par Honoré Guibert (1720-1791) représentant, dans leur partie basse, des entrelacs de fruits. Sur les panneaux hauts, flambeaux et carquois pendent de couronnes de fleurs.
La cheminée de marbre bleu turquin, de Jacques-François Dropsy (1710-1788), figurent des têtes de bouc, guirlandes et corbeilles de fleurs et de fruits, ainsi que des trophées qui rappellent la vocation de la pièce.. Elle est surmontée d’un miroir orné de pampres de vigne tenus par un mascaron bachique.
Les peintures dans la Chambre à manger du Petit Trianon
( texte de Pierre de Nolhac ; illustrations de Barbara Pudelko – Versailles-passion)
Aucun bâtiment royal, même le plus modeste, ne s’achève sans une commande pour les peintres.
Les peintures commandées en 1768 sont enfin mises en place.
Le 22 mars 1768, les sujets sont approuvés par le Roi et les commandes distribuées par Marigny.
Suivant les inventions de Cochin, les dessus de porte raconteront aux yeux, dans l’antichambre, des métamorphoses de nymphes en plantes, dans la salle à manger, les aventures des divinités protectrices des fruits et des fleurs, Vertumne et Pomone, Zéphyre et Flore, Vénus et Adonis, Bacchus et Érigone, dans le salon, l’histoire de Narcisse et de Hyacinthe, Adonis changé en anémone, Clytie en héliotrope. Trois compositions, dans la petite salle à manger, sont consacrées aux jeux des Grâces et de l’Amour : le dieu, dissimulant ses armes, leur adresse d’humbles prières pour être admis dans leur temple ; il se laisse même enchaîner de fleurs ; puis il rompt ses liens brusquement, les déesses prennent la fuite et il les poursuit de ses traits. Les peintres choisis pour interpréter toute cette mythologie sont Carême, Monnet, Belle, Jollain, Lépicié, Amand, bientôt remplacé par Renou, et la plupart exposent leurs toiles aux Salons des années suivantes.
De plus importants morceaux, qui doivent décorer les parois de la salle à manger, seront payés 4.000 livres à des maîtres tels que Doyen, Vien, Lagrenée et Noël Hallé, à qui Pierre cédera sa commande et son sujet. Il y a la Pêche, représentée par Neptune et Amphitrite, entourés de leur cortège marin, qui offre des poissons sortant des filets, des perles et des coquillages, brillant morceau de mythologie et de nus à la Boucher ; il y a la Chasse, symbolisée par Diane, partageant son gibier entre ses compagnes et des bergers ; la Moisson, figurée par Cérès et Triptolème, enseignant aux hommes l’art d’utiliser le blé ; enfin la Vendange, qui ne peut être autre chose que le triomphe de Bacchus.
On compte alors quarante-neuf chaises pour les convives. Elles sont évoquées par des fauteuils et des chaises de Georges Jacob en acajou massif faisant partie d’un ensemble livré en 1787 pour la laiterie de Rambouillet.
Louis XV attendit assez longtemps les tableaux qu’il avait commandés. Ceux de la salle à manger furent mis en place en 1773. Encore n’y en eût-il que trois d’acceptés, le travail de Hallé, la Vendange, ayant déplu. Pierre termina en hâte, pendant le mois de décembre, le tableau qu’il avait commencé et qui remplaça celui de Hallé. Plus tard, un autre incident se produisit : au moment où Marie-Antoinette prit possession de Trianon, on trouva « par trop leste » la composition de Doyen sur la Pêche ; il fallut l’ôter aussitôt, et prier l’artiste d’en faire un autre. Comme il esquissait sa peinture de mauvaise humeur et ne se pressait pas de l’achever, pour couper court aux impatiences de la Reine, M. d’Angiviller reprenait le tableau de Hallé, le faisait retoucher et placer dans la bordure vide. Ainsi fut achevée, en 1776, la décoration de la salle à manger de Marie-Antoinette. Mais, deux ans plus tard, lui arrivaient de Vienne les grandes toiles, qui représentaient des épisodes des fêtes données dans son enfance, à l’occasion du mariage de Joseph II. Il fallut modifier une fois de plus le décor, afin d’y introduire les deux peintures.
Le Trianon de Marie-Antoinette Pierre de Nolhac
De là, on peut continuer tout droit dans le Petit Salon.
Le Petit Salon
La petite salle à manger contiguë devait aussi accueillir une des «tables volantes» du projet abandonné de Loriot (voir dessin du projet de 1769). Elle sert sous Louis XV aux repas en tête à tête et aux soupers galants. Son décor reprend le thème de la nature et les panneaux sont sculptés de paniers et d’ornements végétaux, à l’égal de l’antichambre, mais dans la seule partie haute des lambris. En juin 1784, Marie-Antoinette transforme la petite salle à manger en salle de billard et fait installer dans cette pièce le billard qui se trouve au rez-de-chaussée.
Une console desserte en placage d’acajou par Riesener, portant les marques du Garde-Meuble de la Reine à Trianon.
Sur la cheminée est disposée une pendule cage, œuvre de Nicolas Sotiau, en bronze ciselé et doré, le socle en marbre blanc, livrée en 1788 pour le Cabinet du Conseil de Louis XVI à Saint-Cloud.
De part et d’autre, deux œufs d’autruche montés en buis blanc et ébène, d’époque Louis XVI, proviennent des anciennes collections de la Couronne et furent exposés au Petit Trianon en 1867, tout comme les deux paires de bras de lumière en bonze ciselé et doré, attribuées à Quentin Claude Pitoin, en 1775.
Les dessus-de-porte, qui remplacent les originaux non retrouvés, sont dus à Jean-Baptiste Pater. Ils représentent Le Concert, Le Bain et La Pêche. Ils furent placés à Trianon par Louis-Philippe.
Deux portraits se font face de part et d’autre de la porte d’entrée. A gauche, le portrait de Louis XV par Armand Vincent de Montpetit, peint à l’huile sur verre en 1774. A droite, le portrait de Madame de Pompadour en jardinière, peint en 1754 par Carle Van Loo.
Une nouvelle présentation au Petit Trianon :
Le service, dit « à perles et barbeaux »
Le château de Versailles a reçu en dation un ensemble de 75 pièces d’un service de porcelaine livré pour Marie-Antoinette en 1782. Ce service, dit « à perles et barbeaux », était constitué de 295 pièces produites par la manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Les pièces aujourd’hui acquises s’ajoutent aux 15 pièces déjà présentes dans les collections du château. L’ensemble sera présenté au public au Petit Trianon sur une table dressée illustrant l’art de vivre à la française au XVIIIe siècle.
Le service se composait de pièces dites « de premiers services » utilisées pour les potages et les plats principaux. Ces premiers services nécessitaient, entre autres, 24 assiettes à potages, 18 pots à jus et leurs plateaux, deux saucières ou encore deux saladiers. Un dernier service, appelé le dessert ou le fruit, requérait 96 assiettes plates, 16 compotiers ou encore 24 tasses à glace et leurs quatre plateaux.
À ces services, se rajoutait une longue liste de différents types de seaux à rafraîchir les bouteilles ou les verres.
Ce service est un chef-d’œuvre de la manufacture de Sèvres qui sollicita pour son exécution ses meilleurs artisans. En effet, le service « à perles et barbeaux » se distingue par le raffinement de son décor qui présente une parfaite harmonie de couleur où dominent le bleu des barbeaux et le vert du fond, bordés de frises de perles soulignées de filets peints à l’or. Les pièces de formes, difficiles à façonner, sont nombreuses et variées et ont été réalisées dans un délai très court. Le coût total du service était de 12 420 livres.
Les 75 pièces acquises aujourd’hui grâce à cette exceptionnelle dation rejoignent quinze pièces déjà conservées par le château de Versailles,faisant de cet ensemble le plus complet des services datant de l’Ancien Régime présents dans les collections du Château. Par ailleurs, parmi les 75 pièces nouvellement acquises, 53 sont issues du service à dessert et certaines montrent des formes particulièrement rares et intéressantes.
Le service « à perles et barbeaux » fait partie de ces objets qui ont appartenu à Marie-Antoinette nous éclairant le plus sur son goût. En effet, le motif des perles se détachant sur la bordure à fond vert correspond à un choix personnel de la Reine. De même, elle affectionnait infiniment les motifs de bleuets qui figuraient dans la décoration de son appartement au Petit Trianon et notamment dans le célèbre mobilier aux épis, livré en 1787 par Georges Jacob pour sa chambre.
Si l’on tourne sur la droite en continuant ce circuit d’escargot, nous gagnons le salon de compagnie.
Le salon de Musique
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Le salon de compagnie est la pièce principale des appartements de la Reine. Marie-Antoinette en fera le salon de musique où Elle aime à retrouver Ses intimes.
Ce salon est la pièce principale de l’étage noble du Petit Trianon et sert de salon des jeux et de musique.
Le décor textile est un Damas trois couleurs de Lyon.
Le mobilier sont des substituts évoquant au mieux l’esprit de cette pièce.
La pendule aux sphinx du comte de Provence au château de Brunoy, est l’oeuvre de l’horloger Le Paute vers 1780.
La vogue des lanternes s’est développée au cours du XVIIIe siècle, pour ne plus se limiter aux seuls escaliers et antichambres, où leur présence se justifie par la cage de verre qui met les flammes à l’abri des courants d’air. Elle se généralise bientôt pour la même raison dans les salons d’angles et les lanternes atteignent alors un luxe encore jamais vu. Pour Louis XV à Trianon, où les pièces d’angles sont nombreuses, les frères Delaroue livrèrent de nombreuses et belles lanternes, mais le salon de compagnie, qui est central, reçoit un lustre de cristal. Marie-Antoinette le conservera jusqu’après 1784, mais ordonne alors cette très riche lanterne pour la substituer au lustre du salon de compagnie.
Cette lanterne est exécutée pour ce salon sur ordre de Marie-Antoinette par Pierre-Philippe Thomire, elle sera vendu à la révolution et rachetée en 1811 par Napoléon qui le plaça au Pavillon Français avant qu’elle ne retrouve sa place en 1867.
La lanterne est circulaire à quatre glaces dans une monture de bronze doré, partiellement vernie en bleu lapis, avec ornements de diamants faux. Les quatre montants de la cage revêtus de flèches et de houlette relient les deux ceintures, décorées de trophées champêtres allégoriques aux quatre saisons. La ceinture supérieure est surmontée de quatre trophées de musique, celle du bas est censée reposer sur quatre têtes de zéphyrs. La cage est suspendue par quatre arcs à la corde détendue, reliés entre eux par un bandeau étoilé et réunis au sommet par un carquois à flèches. Le chandelier à douze branches en rinceaux arabesques est rattaché à une torche enflammée qu’entourent trois jeunes faunes musiciens, assis sur un coussin.
On retrouve en partie haute des panneaux muraux la coquille traditionnelle, le reste étant dévolue à une décoration raffinée évoquant la nature, avec des chaînes de fleurs et de fruits sculptées par Guibert. Parfaite illustration de l’esprit floral, les deux « L » du chiffre de Louis XV sont formés de feuilles enlaçant trois fleurs de lys au naturel sous une couronne de fleurs.
Les travaux des années 1970 ont permis de refaire les cadres des glaces et des tableaux, et de découvrir la couleur vert d’eau originale, qui remplaça le gris Trianon placé sous l’Impératrice Eugénie. Sous les lambris ont aussi été découverts les tracés des projets présentés au Roi pour les décors.
Les deux canapés et les six fauteuils de Jean-Baptiste Séné proviennent des anciennes collections de la Couronne et sont entrés au Petit Trianon en 1868.
Les soubassements sont finement ouvragés par les menuisiers Jean-Antoine Guesnon et Clicot, avec, sur fond de tournesols, des branches de lys mêlées de couronnes de roses.
Près de la cheminée, les deux bergères et l’écran de Nicolas Quinibert Foliot sont livrés en 1771 pour Madame Du Barry au château de Saint-Hubert.
L’ ‘imposante cheminée en brèche violette reprend le motif de tournesols sculpté sur les lambris.
La chambre de Marie-Antoinette
Cette pièce était le cabinet de retraite de Louis XV avant de devenir la chambre de madame du Barry en 1772, puis celle de Marie-Antoinette en 1774.
La chambre de la Reine, le boudoir et le cabinet de toilette voisins possèdent un plafond abaissé, permettant de créer le niveau supérieur d’entresol, ce qui accentue la sensation d’intimité. Nous verrons ce qu’en fera la Reine en 1787…
Dans la chambre, une porte à gauche donne dans le Boudoir de Marie-Antoinette.
Le Boudoir ou cabinet des glaces mouvantes
( photographies d’Ignasi López-Vidal )
Cette petite pièce de l’angle nord-est du château n’est à l’origine destinée qu’à permettre le passage par un petit escalier entre le rez-de-chaussée et les appartements privés du Roi situés en entresol ou en attique.
Sous Louis XV commençait ici les cabinets privés du Roi, fermés par des serrures dues à Brochois, pour que «lorsque le Roy a fermé le second tour, aucune clef ne puisse ouvrir».
En 1776, Marie-Antoinette fait transformer l’endroit en boudoir. L’escalier est supprimé et l’on installe un mécanisme ingénieux permettant d’obturer par de grands miroirs s’élevant du sol les deux fenêtres de cette pièce, qui est directement accessible depuis le perron est donnant sur le jardin anglo-chinois. La mécanique est installée à l’étage inférieur sous la direction de l’ingénieur des Menus-Plaisirs, Jean-Tobie Mercklein.
Un escalier qui venait du rez-de-chaussée passait par cette pièce, alors dénommée pièce à café, qui permettait au Roi de gagner l’entresol où il retrouvait madame du Barry.
Supprimés, ces cabinets sont remplacés par un cabinet intérieur, accessible depuis le perron.
On appelle dès lors ce boudoir le « Cabinet des glaces mouvantes », dans lequel la Reine vient rechercher intimité et discrétion, mais dont elle peut aussi sortir facilement par le perron pour accéder aux jardins, en toute indépendance.
Sous le Boudoir
Lors de la construction du Petit Trianon, se trouvait ici un escalier. Celui-ci, très privé, essentiellement réservé à l’usage du Roi, desservait, les quatre étages. Les portes des paliers étaient munies de serrures très perfectionnées qui, une fois fermées à double tour, ne pouvaient être ouvertes que par le Roi a l’aide de la clef qu’il était seul à posséder. Du rez-de-chaussée, l’escalier permettait de gagner l’étage noble où il ouvrait sur le salon de compagnie et sur le cabinet de retraite du Roi, devenu par la suite la chambre à coucher de Jeanne du Barry puis de Marie Antoinette…
En 1776, cet escalier est démoli sur ordre de Marie Antoinette. Au rez-de-chaussée, on installe le mécanisme des «glaces mouvantes» du boudoir de la Reine, situé au-dessus. Celui-ci est réalisé par Jean-Tobie Mercklein. Vendu à la Révolution, ce système de poulies quasi théâtral est restitué en 1985, rendu totalement opérationnel et même modernisé par son électrification.
Repassons par la chambre pour accéder au cabinet de toilette, qui, dans l’enfilade des deux pièces précédentes, possède un plafond abaissé ce qui accentue la sensation d’intimité.
Le cabinet de toilette
Cette pièce ne possède pas de décoration particulière. C’est surtout par sa proximité avec la chambre que le cabinet gagne en praticité, de même qu’avec son aménagement : il doit contenir une baignoire comme Marie-Antoinette aime en utiliser et tous les ustensiles indispensables à l’art si singulier de la toilette d’une dame du XVIIIe siècle.
Effectivement, en ressortant de la chambre vers le grand escalier on gagne la salle-de-bain :
Ici se termine l’appartement de la Reine.
Le cabinet de toilette est directement relié par l’escalier d’attique à la première chambre de l’entresol, située juste au-dessus. Là, dans une alcôve, couche la première femme de chambre, Louise Bibault de Misery (1732-1804), dans un premier temps, que la Reine, la sachant proche de la comtesse de Noailles (1729-1794), surnomme «l’impératrice-reine» tant elle est portée sur l’étiquette et la religion. En 1786, cette chambre reviendra à Henriette Campan (1752-1822).
Repassons par la chambre pour regagner le palier qu’il faut retraverser pour atteindre l’endroit par lequel nous sommes arrivés. Nous entrons par la porte de droite dans l’antichambre. Prenons, à présent, la porte de gauche : un escalier nous mène à l’étage supérieur du Petit Trianon, l’Attique.
L’Attique
L’attique est la plus haute partie du Petit Trianon .
L’escalier qui nous y mène :
On arrive alors à un couloir qui mène à des salons ou chambres attribuées aux habitué(e)s du petit château.
Ces privilégiées sont Madame Royale et Madame Élisabeth, Madame de Polignac puis madame de Tourzel (elle n’y logera pas, en fait, car la Reine ne séjournera pas à Trianon durant l’été 1789) et Madame Campan.
La chambre-à-coucher de Madame Royale
(texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion)
Cette chambre à coucher de suite, aux boiseries simplement moulurées et à la cheminée de pierre peinte en faux marbre gris, est consacrée à l’évocation de Marie-Thérèse, dite Madame Royale, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette, qui loge à l’étage d’Attique.
La tenture de coton reproduit une toile de la manufacture de Jouy des années 1780. Sur la cheminée est exposé un biscuit de Sèvres représentant Madame Royale bébé. Le modèle en fut donné par le sculpteur Clodion. Il s’agit d’un tirage du XIXe siècle. Dans l’angle de la cheminée est accrochée une petite étagère-encoignure en marqueterie de Gilles Joubert, livrée avec onze autres en mai 1768 pour le Petit Trianon. Elle porte la marque du Garde-meuble de la Reine.
La commode et le secrétaire en acajou et bronzes dorés, œuvres de Jean-Jacques Pafrat, proviennent du château de Raincy, propriété du duc d’Orléans, père de Louis-Philippe, dans laquelle ils seront saisis à la Révolution.
Sur la commode est exposé un buste de Madame Royale en biscuit de Sèvres, daté vers 1820, alors qu’elle est devenue Duchesse d’Angoulême après son mariage avec le fils de Charles X, son cousin germain.
La pièce est notamment décorée d’une belle pendule pyramide en marbre peint et bronze doré. La petite table à écrire placée au centre de la pièce, œuvre de Benneman, datant de 1790 en placage d’amarante et marqueterie de bois de rose et citronnier, au plateau décoré d’un bouquet de fleur, provient du cabinet intérieur de Madame Elisabeth à Compiègne. Elle est entrée à Versailles en 1835.
Deux peintures de Châtelet sont présentées au mur. L’une représente une vue du Belvédère datée de 1786. L’autre, datée de 1785, représente une fête de nuit donnée par Marie-Antoinette dans les jardins de Saint-Cloud.
La chambre de madame Campan
(texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion)
Les fonctions de la Première femme de chambre consistent dans l’exécution du «service de la Chambre» : lever, toilette, promenades et voyages. Elle assure les présentations à la Reine, en l’absence des dames d’Honneur et d’Atours.
Le mobilier est une évocation de ce qu’il pouvait être sous l’Ancien Régime : le guéridon, livré par Jacob-Desmalter en 1810, fut placé dans le boudoir du Hameau. La coiffeuse en placage de bois de rose, avec filets en bois de citronnier teint et pieds à gaine, date de la fin du XVIIIe siècle. Les quatre fauteuils et les deux chaises de Georges Jacob, recouverts de tissu peint, portent une inscription sous les angles «CO n°64», apposée à côté de la marque Trianon, qui laisse penser que ces sièges furent livrés pour les communs ou la conciergerie du Petit Trianon.
C’est là aussi que se trouve la chambre du Roi qui tient plus son nom pour Louis XV que pour Louis XVI, évoquée en 1772.
La chambre de la Première Dame d’Honneur,
Une évocation de l’intimité de Marie-Antoinette au Petit Trianon
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
En 1775, alors que Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, est nommée par la Reine surintendante de sa maison, Laure Auguste de Fitz-James, princesse de Chimay, reçoit la charge de Dame d’Honneur.
Cette chambre entresolée lui est donc destinée. La princesse reste Dame d’Honneur jusqu’à la chute de la Monarchie. Toujours présente auprès de la Reine, la Dame d’Honneur supervise Son emploi du temps, assiste, derrière la Surintendante, au lever de la Reine, l’escorte à la messe, à Son couvert public, et participe à Sa promenade et à Son jeu.
Le tissu en coton imprimé, offert par la maison Pierre Frey en 2008, est une reproduction d’une «indienne» de la fin du XVIIIe siècle, qui permet d’évoquer celle qui s’y trouvait à la fin de l’Ancien Régime. Elle recouvre un papier peint gris de 1837 qui a été conservé.
Quelques meubles proviennent du Petit Trianon, les autres permettent d’évoquer l’ameublement simple de cette pièce.
Un lit à la polonaise prenait place le long du mur.
Une toilette «de campagne» d’époque Louis XVI, attribuée à Riesener, en placage d’acajou, porte les marques au feu du Garde-Meuble de Marie-Antoinette, et au pinceau, celle du Château de Trianon avant 1789. Le guéridon en acajou à piètement carré, par Riesener également, est livré pour la Reine à Marly en 1781. Quant à la table à écrire en acajou, elle est livrée pour Louis XVI en 1777. Autour de ces meubles sont dispersés des sièges en cabriolet d’Adrien-Pierre Dupain, couverts d’un lampas cramoisi et blanc, qui sont livrés pour Marie-Antoinette soit pour Saint-Cloud, soit pour le salon de la Maison de la Reine au Hameau. Près de la cheminée, la chaise-voyeuse est l’œuvre de Jacob. Elle est livrée en 1789 pour la propriété de Madame Elisabeth à Montreuil.
L’étagère en acajou massif suspendue au mur porte la marque du Garde-Meuble de la Reine et celle au pinceau du Château de Trianon.
Sur la cheminée, la pendule en marbre blanc et bronze doré, sommée d’une torche enflammée, comporte un mouvement signé Robert Robin de la fin du XVIIIe siècle. Elle est entrée à Versailles sous Louis-Philippe.
La bibliothèque de la Reine,
Les romans de Trianon
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
La Reine dispose d’une lectrice, Louise Quetpée de Laborde (1760-1837), qui Lui amène un livre quand Elle en exprime le désir, mais Elle ne vient jamais elle-même en cet endroit, ce qui aurait été inconvenant. Les armoires grillagées, disparues au XIXe siècle, ont été restituées en 2008 selon les plans de l’architecte Mique datés de 1780.
La bibliothèque contient surtout des ouvrages de littérature, dont beaucoup de théâtre, mais aussi quelques livres de botanique.
La table à écrire en acajou, par Jean Henri Riesener, est livrée en 1784 pour la Maison de la Reine. Elle porte la marque au fer du Garde-Meuble de la Reine et, au pinceau, celle du Château de Trianon.
En juillet 1774
Succombant à la mode du jour d’un paysage irrégulier et pittoresque, romantique et imprévu, la Reine souhaite un jardin dans le nouveau style «anglo-chinois» à la place du Jardin botanique de Louis XV. L’architecte Ange-Jacques Gabriel (1698-1782) en dresse un premier plan qui ne convainc pas.
Elle demande un projet à Antoine Richard, fils de Claude Richard et jardinier de Trianon. Compliqué, besogneux, peu élégant et sans grâce, ce projet n’est pas non plus retenu, car son auteur apparaît meilleur jardinier que paysagiste et, surtout, son désir de préserver les serres du jardin botanique qu’il a créé avec son père ne concorde pas avec les vœux de la Reine d’un jardin «à la mode».
En outre, la Reine rejette les extravagances dont on peut parfois lui prêter le goût, préférant le bucolique à l’illusion.
Le comte de Caraman (1727-1807), puis Richard Mique (1728-1794) lui dessinent un jardin à l’anglaise, dans lequel ils dispersent des fabriques à caractère sauvage. Ils installent ainsi un lac, une petite montagne, des rochers et une grotte tapissée de fausse verdure pour le repos de Marie-Antoinette.
Le très savant jardin botanique de Claude Richard est alors détruit,. On le remplace provisoirement durant l’année 1775 par des arbres et du gazon en même temps que l’on commence le creusement de la rivière et la création de la «grande île» .
Automne 1775
Marie-Antoinette se lie d’amitié avec la comtesse de Polignac (1749-1793), une jeune femme de peu de moyens mais dont elle apprécie la gaieté d’esprit. La Reine se montrera généreuse envers cette amie et tout son entourage…
Avant le 23 avril 1776
Au début de l’année, Pierre-Charles Bonnefoy du Plan (1732-1824) est nommé concierge et intendant du garde-meuble du Petit Trianon.
En août 1776
Construction du jeu de bague.
Le Jeu de bague du jardin anglo-chinois de Marie-Antoinette
« Le goût n’est pas seulement aux jardins chinois ; on raffolait de chinoiseries de toutes sortes, on donne des fêtes. La Reine veut avoir à Trianon un jeu de bague chinois comme celui de Monceau. Un dessinateur, à la fin de l’année 1775, va prendre le croquis de ce dernier, et, dès les premiers jours de 1776, un modèle en relief est présenté à Marie-Antoinette qui l’approuve.
Le jeu de bague de Monceau consistait en un vaste parasol autour duquel tournait une plate-forme. Deux chimères caparaçonnées portaient les hommes. Les dames s’asseyaient sur deux sièges que des chinois à demi couchés tenaient de côté à bras tendus. Les bagues sortaient de lanternes suspendues au bord du parasol.
En imitant ce jeu à Trianon, Richard Mique l’embellit et l’amplifie. On a creusé, à l’ouest de la terrasse du château, une fosse destinée à cacher le mécanisme et les hommes chargés de le mouvoir. Au niveau du sol, une plate-forme pivote autour d’un mât couronné par un immense parasol. Ce mât est soutenu par un groupe de trois chinois, dont les corps évidés et les mains couvertes de plomb cachent les ferrures qui assurent la solidité de la construction. Au sommet du parasol, tourne une girouette ornée de deux dragons dorés. Quatre dragons ou chimères, à cornes de cuivre, servant de monture aux hommes, alternent avec autant de paons dont la croupe offre des sièges aux dames. Des chapeaux chinois font entendre leurs clochettes quand la mécanique est en mouvement. Toutes les sculptures, en chêne des Vosges et de Hollande, sont exécutées par Bocciardi (sculpteur ordinaire des Menus Plaisirs du Roi). Les bagues sortent de carquois disposés autour de la plate-forme. Plus tard, le choc de la lance fatiguant la reine, on imagine un jeu de balles que le mémoire du mécanicien Merklein qualifie aussi de jeu chinois.»
Le Petit Trianon : histoire et description de Gustave Adolphe Desjardins
La rivière du Hameau est creusée.
L’orangerie de Trianon est aménagée en théâtre
Le cabinet du Roi au Petit Trianon
Ce cabinet est la seule pièce qui est remeublée pour Louis XVI en 1777, le Roi ayant conservé le mobilier de son aïeul dans le reste de l’Appartement.
La commode :
La commode est commandée à Riesener par ordre du 19 juillet 1777. Elle est livrée le 6 août 1777 «pour le service du Roy au château de Trianon» et enregistrée sous le n° 2906 dans le Journal du Garde-Meuble de la Couronne. Placée dans le cabinet de travail de Louis XVI au Petit Trianon, elle est acquise par le baron Edouard de Rothschild. Rachetée en vente publique le 19 mars 1981, elle réintègre son emplacement d’origine.
Un panneau rectangulaire avec un bord inférieur se superpose au centre avec l’avant et l’arrière. Le plateau est plaqué de marqueterie de frettes en simulé relief interrompu au centre par une réserve ovale plaquée d’un trophée emblématique de la poésie et de la littérature.
Le bureau plat :
Le bureau plat a été commandé par Marie-Antoinette pour Louis XVI. Toujours fabriqué par Riesener en 1777, il a été vendu pendant la Révolution. Il est resté entre des mains privées jusqu’à son achat par J. Paul Getty en 1971.
Depuis 2001, le bureau est prêté à long terme au château de Versailles où il est exposé dans la pièce pour laquelle il a été réalisé.
La table à écrire :
La table à écrire a été livrée en août 1777. Elle est enregistrée dans le Journal du Garde Meuble dans lequel elle est décrite comme «une belle table à écrire en marqueterie». Elle a coûté 3 500 livres. Elle est aujourd’hui conservée à Waddesdon Manor.
De forme rectangulaire à côtés plats soutenue sur quatre pieds droits effilés, de section carrée avec des coins dentelés, la table est équipée d’une glissière d’écriture qui sort de l’avant et, à sa droite, d’un tiroir étroit et peu profond qui s’étend sur toute la profondeur et est divisé à l’avant en trois compartiments pour le matériel d’écriture. Ils contiennent encore un pot et une éponge en métal argenté. L’encrier d’origine est manquant. Le tiroir principal, sécurisé par une serrure, sort de l’extrémité gauche.
Le secrétaire :
Le secrétaire repose sur une base légèrement en saillie, supportée par quatre pieds. Il a des avant-angles inclinés et des côtés qui s’écartent doucement à leur jonction avec les coins arrière. Il contient un tiroir dans la frise au-dessus d’un abattant, qui est contre-lesté, et deux portes. Le nid derrière la façade abattante est composé d’un pigeonnier central flanqué de chaque côté de trois tiroirs, avec au-dessus de deux étages supplémentaires, divisés en trois et deux compartiments respectivement. Les ferrures pour le matériel d’écriture dans le tiroir inférieur droit sont manquantes.
Dans le plancher du casier central, un volet à charnière, fixé par un loquet à ressort actionné par un mécanisme secret, donne accès à un puits qui contient deux tiroirs, un de chaque côté.
Les portes s’ouvrent pour révéler deux compartiments, au-dessous duquel il y a, à gauche, deux tiroirs superposés, et, à droite, un rabat à charnière à un coffre-fort qui a des fausses façades de tiroir assorties.
Au-dessus des compartiments supérieurs se trouvent deux tiroirs secrets qui flanquent le puits. Des serrures individuelles sont installées sur le tiroir droit et le coffre-fort. La serrure à double jet de la façade rabattable sécurise également le tiroir dans la frise.
Le 26 février 1777
Richard Mique propose à Marie-Antoinette son projet finalisé d’aménagement du jardin. Elle en écarte l’ermitage à cloche, le parc de moutons à la chinoise, le salon de colonnes d’eau jaillissante et la fausse ruine. Les autres fabriques sont confirmées, la réalisation de maquettes est engagée et les travaux de terrassement se poursuivent.
Le coût est estimé à 300 000 livres, ce qui provoque des tensions entre Mique, l’architecte, le comte d’Angiviller, le Directeur des Bâtiments du Roi et Necker, le directeur du Trésor, auxquelles seul le Roi parvient à mettre un terme.
Au printemps 1777
Le jeu de bague chinois est inauguré à proximité du petit château; c’est un manège surmonté d’une immense ombrelle de six mètres de diamètre tournant sur un pivot.
Le mât est soutenu par trois sculptures de Chinois, en chêne des Vosges et de Hollande, et au sommet tournait une girouette ornée de deux dragons dorés. Les joueurs prennent place sur quatre chimères à cornes de cuivre, les joueuses sur des paons, (Certains ont pu prendre les paons pour des autruches, car on avait diminué leurs queues, peut être à cause des robes …) et s’amusent à décrocher, avec des lances de cinquante centimètres de longueur, les anneaux de métal suspendus (les douze lances de bois garnies de pointes de cuivre et les quatre-vingt-quatre anneaux de laiton sont conservés dans deux coffrets de peau noire à l’extérieur et rouge à l’intérieur, les dragons sont protégés par des housses de toile garnie de frange, gland, filet, houppe et jasmin et les paons sont recouverts de drap écarlate et blanc). Le mécanisme, mû par deux serviteurs, a été installé dans une fosse et son entretien délicat a été confié à l’ingénieur royal Jean-Tobie Mercklein.
Le 5 mai 1777
Les modèles du Temple de l’Amour sont terminés.
Le 1er juin 1777
La Reine passe la journée à Trianon accompagnée des seules Mesdames de Lamballe et de Polignac.
En Juin 1777
Fouilles de terrain sur l’emplacement du Temple de l’Amour.
Septembre 1777
Commencement de la construction du Temple de l’Amour.
Le 3 septembre 1777
Souper, illumination et spectacle à Trianon.
L’inauguration du jardin anglais au Petit Trianon
Cette fête dure tout le jour.
« Le parc représent(e) une foire : les dames de la cour (sont) les marchandes, la Reine tenait un café comme limonadière ; il y (a) des théâtres et des parades çà et là. »
D’après les mémoires de dépenses, on a figuré sur la pelouse, au moyen de planches et de châssis, une place publique avec des bornes et des fontaines placées dans des niches : on y voit des boutiques de boulanger, charcutier, rôtisseur et pâtissier. Ailleurs, une guinguette est entourée de vingt et un berceaux de treillage, chacun d’eux portant le nom d’une maison royale sur un écriteau. Plus loin, on rencontre un théâtre en plein vent, à la façade ornée de motifs d’architecture. Sur un autre point, c’est un cabinet de Cornus dont la devanture offrait diverses inscriptions. Des guirlandes de fleurs relient entre elles toutes ces fabriques, et au milieu du jardin, sur un socle peint en marbre rouge, s’élève un pavillon d’où l’on embrasse l’ensemble de la décoration. Le soir, le jardin est éclairé par 2600 lumières colorées. A l’extérieur, « les avenues du château (sont) bordées de boutiques de marchands de Paris qu’on (a) engagés à venir et à chacun desquels on (paie) quatre louis pour ses faux frais. »
Carlin, le célèbre arlequin de la comédie italienne, et Dugazon, de la comédie française, cachés dans des carcasses d’osier en forme de pie et de dindon, font une parade dans la boutique d’un oiseleur. Sur le théâtre improvisé, on représente des proverbes entremêlés de couplets, l’opéra-comique des Sabots et un ballet grotesque, les Meuniers, où l’on voit figurer un homme habillé en femme, un président, un commissaire, des meuniers, des savoyards et des paysans allemands. Enfin, au jeu de bague, entouré pour la circonstance d’un amphithéâtre de gradins, sur lesquels on a peint quarante vases de porcelaine garnis de fleurs, il y eut une fête chinoise, à laquelle les musiciens des gardes françaises, travestis en chinois, prêtèrent leur concours.
Le Petit Trianon : histoire et description de Gustave Adolphe Desjardins
Mars 1778
Commencement de la construction du Belvédère de Trianon.
Juin 1778
Fouilles de terrain sur l’emplacement de la nouvelle salle de comédie de Trianon.
« L’été de 1778 fut extrêmement chaud : juillet et août se passèrent sans que l’air eût été rafraîchi par un seul orage. La Reine, incommodée par sa grossesse, passait les jours entiers dans ses appartements fermés et ne pouvait s’endormir qu’après avoir respiré l’air frais de la nuit, en se promenant, avec les princesses et ses frères, sur la terrasse au-dessous de son appartement. Ces promenades ne firent d’abord aucune sensation ; mais on eut l’idée de jouir, pendant ces belles nuits d’été, de l’effet d’une musique à vent. Les musiciens de la chapelle eurent l’ordre d’exécuter des morceaux de ce genre, sur un gradin que l’on fit construire au milieu du parterre. La Reine, assise sur un des bancs de la terrasse, avec la totalité de la famille royale, à l’exception du Roi qui n’y parut que deux fois, n’aimant point à déranger l’heure de son coucher, jouissait de l’effet de cette musique. Rien de plus innocent que ces promenades, dont bientôt Paris, la France, et même l’Europe, furent occupés de la manière la plus offensante pour Marie-Antoinette. »
« Des habitants de Versailles et des soldats voulurent jouir de ces sérénades et il y eut foule depuis onze heures du soir jusqu’à deux et trois heures du matin. Des hommes s’adressèrent à la Reine et leurs « conversations » furent révélées, déformées et calomniées. Quelques femmes inconsidérées osèrent s’éloigner et descendre dans le bas du parc mais la Reine, Madame et madame la comtesse d’Artois se tenaient par le bras et ne quittaient jamais la terrasse. Vêtues de robes de percale blanche avec de grands chapeaux de paille et des voiles de mousseline, lorsque les princesses étaient assises sur les bancs, on les remarquait difficilement ; debout, leurs tailles différentes les faisaient toujours reconnaître et l’on se rangeait pour les laisser passer.»
Extrait des Mémoires de madame Campan
Le 13 juillet 1778
Le Temple de l’Amour est achevé. Cela atteint le «sommet de la perfection et du bon goût», selon le prince de Ligne. Pour Son enchantement, les fenêtres de Marie-Antoinette s’ouvrent sur ce temple, érigé au milieu de la grande île. Pour en décorer le centre, on préfère au projet d’une statue de Cupidon enfant proposé par Deschamps une œuvre similaire de Bouchardon, déjà réalisée depuis 1746, et qui correspond parfaitement au thème du lieu.
L’île est garnie de fleurs et plantée de «pommiers-paradis et rosiers pelotes-de-neige» qui prodiguent des effluves parfumés.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant sera surnommée «Mousseline» par la Reine.
Fin mars 1779
Marie-Antoinette attrape une rougeole très douloureuse, cause de violents maux de gorge et d’aphtes. Elle se retire donc à Trianon afin de préserver Sa petite fille et Son mari de tout risque de contagion. Elle est alors veillée par le comte d’Esterházy (1740-1805), le baron de Besenval (1721-1791) et les ducs de Coigny (1737-1821) et de Guînes (1735-1806). On oublie que ces gentilshommes ont été désignés directement par Louis XVI. Ne la quittent pas non plus le comte et la comtesse de Provence, le comte d’Artois et la princesse de Lamballe.
« Les trois semaines que nous passâmes à Trianon furent très agréables, uniquement occupés de la santé et de l’amusement de la reine, de petites fêtes simples dans un lieu charmant , des promenades en calèches ou sur l’eau. Point d’intrigues, point d’affaires, points de gros jeux. Seule la magnificence qui y régnait pouvait faire soupçonner qu’on était à la cour.»
Valentin Ladislas, comte d’Esterházy
Des hommes en tant que garde-malades étaient alors indispensables puisque la rougeole pouvait entraîner de graves conséquences sur les dames potentiellement enceintes. Les moyens de contraception n’existaient pas encore et donc toutes ses dames du palais en âge de procréer pouvaient être enceintes.
De plus, dans ces situations de maladies contagieuses à risque pour les femmes, Marie Leszczynska agissait de même et personne ne trouvait rien à redire…
Du 12 au 21 avril 1779
Séjour de la Reine à Trianon.
Trianon 14 avril 1779
Lettre de Marie-Antoinette à Sa mère, concernant la décision de passer une période de tranquillité dans ce qu’Elle appelle toujours «Mon Trianon» :
« Je ne peux que m’applaudir pour avoir pris cette décision, le vert est fascinant et le calme est parfait. Il y a eu beaucoup d’améliorations dans mes jardins, c’est vraiment un parterres charmant, mes serres commencent à devenir magnifiques. J’ ai fait planter une quantité de plantes rares. Celles que vous m’avez envoyées ont fleurie au-delà de toute attente, et j’en ai donné quelques-unes au jardin du Roi. J’ai des chrysanthèmes d’une beauté éblouissante et d’innombrables variétés de roses dont mon jardinier est si fier que les gens de ce métier viennent les étudier sur place.»
Marie-Antoinette à Sa mère
Le 2 août 1779
Commencement de la construction du Rocher.
Le « Jardin alpin » qui est en train de naître rappelle à la Reine les décors de Son enfance et participe à modifier le regard que l’on porte jusqu’alors sur les paysages de montagne.
Fin août 1779
La nouvelle salle de comédie est achevée.
Au printemps de 1780
« Marie-Antoinette ordonne des agrandissements dans les communs du Petit Trianon. L’enceinte de ces dépendances, sous Louis XV a la même étendue qu’aujourd’hui, mais les bâtiments n’en occupent que la moitié. Les cuisines et offices donnent du côté du jardin ; et, sur le devant, il n’existe qu’un corps de logis destiné au logement du Suisse, à gauche de la porte cochère qui donne entrée dans la cour des cuisines ; tout le reste, vers le salon frais, est occupé par des potagers. Mique propose de supprimer ces derniers et d’élever des constructions à la place. D’après son plan les communs se trouvent divisés en trois parties :
1. Un premier groupe près du château, comprenant la chapelle, la sacristie, le corps de garde des ouvriers pompiers, et le logement du suisse ;
2. Les cuisines et offices dans une cour allongée avec le garde-meuble et l’appartement du concierge ;
3. Dans la portion la plus éloignée de l’habitation, des écuries pour les chevaux de la Reine et des remises.»
Petit Trianon, histoire et description, Gustave Desjardins
Le 1er juin 1780
Après deux années de travaux, débutés en juin 1778, le petit théâtre de Trianon est inauguré avec le Roi et le Fermier et La Gageure imprévue et des illuminations. L’extérieur n’offre aucun caractère, car il est destiné à être caché par le Jardin alpin, d’un côté, et le Jardin français, de l’autre.
Seule la porte donne matière à décoration par le sculpteur Joseph Deschamps (1743-1788), encadrée par deux colonnes ioniques portant un fronton orné, en tympan, d’un génie d’Apollon.
Fin juin 1780
La pièce située au-dessus du boudoir de Trianon devient une bibliothèque.
Le 1er juillet 1780
Début de la construction de la grotte, œuvre de l’architecte Richard Mique (1728-1794),probablement achevée à la fin du mois d’août.
Septembre-octobre 1780
Construction du corridor de tentes reliant le Jeu de Bague à la salle de comédie. Il sert pour la première fois pour le spectacle du 12 octobre.
Du 10 au 20 septembre 1780
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 19 septembre 1780
Marie-Antoinette joue en costume Le Devin du Village pour une poignée d’intimes sélectionnés avec soin.
Le 20 septembre 1780
Jules de Polignac est élevé au rang de duc héréditaire de Polignac. La comtesse de Polignac devient ainsi duchesse.
Le 29 novembre 1780
Mort de l’Impératrice Marie-Thérèse après une courte maladie.
C’est pour sa fille, «le plus affreux malheur».
Augmentation des communs et construction du corridor du Jeu de Bague: on complète l’ensemble par une petite galerie semi-circulaire en treillage, surmontée d’un toit de pagode chinoise en écailles de poissons, avec des dragons aux angles, des dauphins sur les arêtes, des girouettes au sommet. Des guirlandes, des glands, des clochettes pendent de toutes parts. Les couleurs sont les plus éclatantes et dont le salon central ovale est meublé de douze bancs de bois peint avec des dossiers à entrelacs chinois, pour le confort des spectateurs.
Du 10 au 12 octobre 1780
Séjour de la Reine à Trianon.
Lors de travaux réalisés dans le château de Gabriel l’année suivante, on crée en sous-sol une galerie qui permet un accès direct, sous le perron menant au jeu de bague, à une porte placée sur le demi-palier de l’escalier central.
Ce divertissement a des détracteurs, qui critiquent sa frivolité et reprochent l’opposition de style avec le château tout proche. C’est sans doute aussi ce jeu qui participera aux reproches faits à la Reine lors de sa disgrâce.
Le 31 mai 1781
Le Belvédère est achevé.
Petit pavillon d’architecture octogonale, il fait partie des fabriques disposées dans le nouveau jardin du Petit Trianon par l’architecte de la Reine et sert de salon de musique. Il est flanqué d’un rocher artificiel d’où jaillit une cascade et est entouré de montagnes en miniature, l’ensemble composant un jardin alpin.
Il est gardé par huit sphinges de pierre, sculptées par Joseph Deschamps qui est aussi à l’origine de la décoration des huit façades, dont les bas-reliefs sont une allégorie aux quatre saisons et dont les frontons sont ornés des attributs de la chasse et du jardinage.
Le salon intérieur est luxueusement décoré, les arabesques peintes sur du stuc représentent des scènes de la nature, le sol est pavé de marbre et le plafond, œuvre de Jean-Jacques Lagrenée, évoque des angelots évoluant dans un ciel bleu.
Du 25 au 30 juin 1781
Séjour de la Reine à Trianon.
Du 15 juillet au 2 août 1781
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 18 juillet 1781
Concert nocturne dans le jardin français.
Le 1er août 1781
Fête donnée en l’honneur du comte de Falkenstein, souper, spectacle, Iphigénie en Tauride de Gluck et Guillard et illumination à Trianon.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789).
Décembre 1781
Commencement des travaux du corridor du jeu de bague.
Fin janvier 1782
Marie-Antoinette tombe de cheval ce qui provoque une fausse couche. La Reine souffre d’une jambe… Elle déclare un érysipèle qui rend une de Ses joues quelque temps cramoisie…
Cette mauvaise jambe La fera toujours boiter…
Du 7 au 18 mai 1782
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 6 juin 1782
Fête à Trianon en l’honneur du comte et de la comtesse du Nord, souper, spectacle, La Jeune Française au sérail de Gardel et Zémire et Azor de Marmontel et Grétry, et illumination.
Le 26 mai 1782
Monsieur de Beaumarchais lit devant le comte et la comtesse du Nord le manuscrit du Mariage de Figaro, encore interdit à la scène.
Le 6 juin 1782
La Reine donne une représentation à Trianon pour la comtesse du Nord. Elle y chante Zémire et Azor de Grétry, la Jeune Française au sérail de Gardel.
Après le dîner de trois cents couvert, Trianon est illuminé.
Le 22 juin 1782
Le Rocher de Trianon est achevé.
Au Rocher s’associe la Grotte qui est quasiment creusée dedans, elle ne se situe pas plus loin qu’à cent mètres du Petit Trianon :
En venant du Rocher, on découvre sur la gauche l’entrée d’un petit vallonnement au fond duquel court un ruisseau.
« Des roches couvertes de mousse en révèlent les approches; mais on a quelque peine à en découvrir l’accès. On y retrouve cependant les arrangements essentiels qu’indiquent à notre curiosité les recueils de dessins sur Trianon commandés par Marie-Antoinette: l’entrée basse auprès de laquelle tombe une petite cascade, l’emplacement du banc de mousse où l’on ne risque point d’être surpris, car une baie pratiquée dans le rocher laisse voir les arrivants, enfin l’étroit escalier d’une dizaine de marches donnant accès au-dessus de la butte et permettant de se dérober par la fuite aux indiscrets.
Voilà des détails ingénieux, usités en bien d’autres grottes et qui montrent qu’un architecte peut penser à tout; mais ils ne sont pas sans donner matière aux médisances.»Pierre de Nolhac
Enfin, dans le fond, un escalier permet d’atteindre une entrée qui donne directement au-dessus de l’ensemble. Ce second accès permet à l’occupant des lieux d’éviter un intrus qui s’approcherait de la grotte par le chemin du vallon.
La Reine paiera chèrement cet aménagement innocent. La rumeur publique ne manquera pas en effet d’alimenter les pires calomnies sur son utilisation et, en 1789, une foule de curieux se presse pour voir ce qui n’est pourtant qu’un simple élément pittoresque comme on en trouve dans presque tous les jardins du temps.
Du 7 au 21 juillet 1782
Séjour de la Reine à Trianon.
Du 15 au 24 août 1782
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 24 octobre 1782
La Reine donne à madame de Polignac la place de gouvernante des Enfants de France en remplacement de madame de Guéménée.
Du 2 au 7 juin 1783
Premier séjour de la Reine à Trianon avec Madame Royale.
Le 9 août 1783
Fête et illumination à Trianon en l’honneur de la femme de l’ambassadeur d’Angleterre, la duchesse de Manchester.
Au début de 1784
Les maisons du Hameau sont couvertes.
Au château, le petit salon du premier étage est transformé en billard.
Le 27 juin 1784
Marie-Antoinette joue sur la scène de Trianon le rôle de Rosine du Barbier de Séville de Beaumarchais devant un public choisi comprenant le Roi de Suède.
Du 20 juillet au 8 août 1784
Séjour de la Reine à Trianon.
Du 28 août au 19 septembre 1784
Séjour de la Reine à Trianon.
Madame Royale loge au Petit Trianon, le Dauphin et sa suite, dont madame de Polignac en tant que gouvernante, investissent le Grand Trianon.
Le 21 novembre 1784
Mort de Claude Richard père ( né le 13 août 1705), jardinier du Petit Trianon.
En 1785
Achèvement des maisons du hameau de la Reine.
Le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette.
Le 26 mai 1785
Séjour de la Reine à Trianon pour quelques jours.
Du 19 juin au 12 juillet 1785
Séjour de la Reine à Trianon.
Les 24, 26 et 29 juin 1785
Bals à Trianon , dans une tente dressée dans le jardin français.
Du 1er au 24 août 1785
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 17 mai 1786
Dîner offert à Trianon à l’Archiduc Ferdinand et sa femme.
Du 22 au 29 mai 1786
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 9 juillet 1786
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette. Selon les usages, le bébé est immédiatement baptisé.
Le 17 juillet 1786
Dîner offert à Trianon au comte et à la comtesse de Nellembourg, alias l’Archiduc Ferdinand (1754-1806) et sa femme, Marie-Béatrice d’Este.
Le 4 août 1786
Fêtes au Petit Trianon pour le voyage de l’Archiduchesse Marie-Christine (1742-1798), gouvernante des Pays-Bas et sœur de Marie-Antoinette.
Du 29 août au 24 septembre 1786
Séjour de la Reine à Trianon.
En 1787
Marie-Antoinette a un véritable goût pour tout ce qui est champêtre. Elle commence à redécorer le Petit Trianon. Pour Sa chambre à coucher, la Reine a une idée tout à fait révolutionnaire pour le temps: créer un trait d’union entre la chambre et le parc, comme si la beauté du jardin se prolongeait à l’intérieur du palais apportant les fleurs et les arbustes qui pouvaient être admirés à l’extérieur.
C’est pour cela que Marie-Antoinette ordonne un nouveau mobilier au charme pastoral, connus sous le nom de «mobilier aux épis».
Les meilleurs artisans du temps travaillent pour créer un vrai chef d’œuvre dont la nouveauté est donnée par la vérité avec laquelle les fleurs, les pommes de pin et les épis sont sculptés et peints.
Sous Louis XV les bois des chaises destinées aux personnes royales étaient dorées et les fleurs étaient sculptées d’une façon ronde, ici on a une sculpture si méticuleuse et précise, avec les couleurs naturelles, qu’on a l’impression de toucher de vraies fleurs, ce qui fait de ces meubles quelque chose d’unique pour l’époque. Et toujours exceptionnels de nos jours.
Le menuisier Georges Jacob (1739-1814) a le génie de créer des chaises et des fauteuils en bois sculpté et peint, décorés par des guirlandes de muguet, de jasmin, de lierre, de pomme de pins et d’épis, de gerbes de blé liées par des rubans, autour desquelles s’enroulent des branches de lierre et de jasmin, qui témoignent le grand désir de Marie-Antoinette d’une vie simple et champêtre, sans oublier un luxe élégant et délicat.
Le dessin a dû en être donné par Jean-Démosthène Dugourc.
Ce lit figurait à la fin du XVIIIe au château de Fontainebleau, et inscrit sur les inventaires du garde-meuble royal.
Tout le mobilier est livré par le marchand mercier Hébert qui, après l’abolition de la monarchie et la vente aux enchères de tous les meubles des résidences royales, rachètera l’ensemble en 1793. La commode de Schwerdfeger est aujourd’hui conservée au Musée national de Kouskovo près de Moscou.
Les sculptures sur bois des sièges sont l’œuvre de Jean-Baptiste-Simon Rode, celles du lit, aujourd’hui disparu, de Pierre-Claude Triquet, les peintures «au naturel» sont de Jean-Baptiste Chaillot de Prusse et le tissu brodé de bouquets de roses, de boutons d’or, de bleuets et de barbeaux (il s’agit de l’étoffe d’origine), sont le chef-d’œuvre de l’atelier lyonnais Defarges, qui employa six mois pour réaliser les broderies.
Aujourd’hui le fauteuil de toilette est conservé au Getty Museum de Los Angeles, le lit n’a pas encore été retrouvé, mais les deux fauteuils, les deux chaises, l’écran de la cheminée et le tabouret de pied ont été achetés par le château de Versailles (en 1942) et sont retournés à leur lieu d’origine où ils font revivre la grâce et le style uniques de Marie-Antoinette.
La chaise de Marie-Antoinette au Petit Trianon
( Texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Acquise par Jean Paul Getty en 1972, les origines illustres de cette chaise ont été révélées quelques années après son acquisition lors de recherches minutieuses par les Conservateurs du Getty. Elle faisait partie d’une suite commandée pour la chambre de Marie-Antoinette au Petit Trianon
Ressemblant à des bâtons d’osier liés, la chaise comporte quatre pieds effilés qui reposent sur des pieds fantaisistes en «pomme de pin».
Une vannerie stylisée orne son dossier et son assise, et des bandes sinueuses de lierre et de muguet parcourent les bras et les jambes. Bien que son cadre en bois soit maintenant dépouillé de couleur, la sculpture de la chaise a été peinte dans des teintes naturalistes. Le velours de couleur rousse cache toute trace du tissu d’ameublement en coton d’origine.
Alliant style et praticité, la chaise cache un ingénieux mécanisme pivotant qui a permis à Marie-Antoinette de se tourner avec désinvolture tandis que Ses cheveux étaient coiffés et poudrés. Son bas du dos a facilité cette partie importante de sa toilette quotidienne.
En 1787 encore
Marie-Antoinette demande à son architecte Mique de redessiner la décoration du cabinet des glaces mouvantes.
Les frères Jules-Hugues et Jean-Siméon Rousseau réalisent des lambris richement ouvragés dans un style arabesque: les sculptures se détachent en blanc sur un fond peint de bleu, à la manière des camées de Wedgwood, marque du nouveau goût de la France pour l’anglomanie.
Le mobilier commandé à Georges Jacob n’ayant pas été retrouvé, cette pièce est meublée de sièges, du même Georges Jacob, qui furent livrés en 1785 pour le Pavillon du comte de Provence au parc de Balbi à Versailles. Ce mobilier se compose d’un lit de repos, de trois fauteuils et deux chaises, le tout couvert d’un poult-de-soie bleu garni d’une broderie de dentelle et de soie.
A ces fauteuils, on joint un guéridon, créé en 1786 par Gapard Schneider, Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) et Jean Jacques Lagrenée le Jeune (1739-1821), manufacture de Sèvres. En acajou, fer, bonze ciselé doré et patiné, papier, verre, porcelaine et marbre blanc. Le guéridon, enrichi des bonzes de Thomire, présente un détail rare: les faces des pieds en gaine, protégées par un plaque de verre, sont ornées d’arabesques peintes sur papier par Lagrenée le jeune.
On repasse dans la chambre pour atteindre le cabinet de toilette de la Reine.
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire éprouve la Reine qui s’inquiète aussi pour la santé de Son fils aîné.
Le 21 juin 1787
Marie-Antoinette s’enferme seule au Petit Trianon avec Madame Élisabeth, sans suite, pour pleurer Sa fille.
Le 24 juin 1787
Séjour de la Reine à Trianon pour quelques jours.
Le 1er juillet 1787
La Reine préside un bal donné à Trianon.
Quiconque sera «vêtu honnêtement» pourra entrer à Trianon a décidé Marie-Antoinette en annonçant les portes ouvertes de Son domaine le dimanche.
Du 1er au 25 août 1787
Séjour de la Reine à Trianon.
Les 5, 7 et 11 août 1787
Bals à Trianon.
Du 15 juillet au 14 août 1788
Séjour de la Reine à Trianon.
Le 24 juillet 1788
Le dernier dîner à Trianon du couple royal.
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 5 octobre 1789
Marie-Antoinette est au Petit Trianon et le Roi à la chasse lorsqu’on apprend que des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
Marie-Antoinette quitte alors Trianon pour n’y plus jamais revenir….
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée.
Le Roi accepte de suivre la populace à Paris et de s’installer au palais des Tuileries.
Dès le départ de la famille royale
Trianon est quasiment laissé à l’abandon, aux seules mains du personnel qui continue d’y loger. Les travaux sont interrompus.
En 1792
Très attaché au domaine, l’ancien jardinier de la Reine, Antoine Richard, est nommé conservateur du jardin et des pépinières de Trianon par le Jean-Marie Roland (1734-1793), ministre de l’Intérieur.
En août 1792
Après la chute de la monarchie, l’intégralité du mobilier et des objets du Petit Trianon est réuni à celui du domaine de Versailles.
Le 10 juin 1793
Le mobilier est vendu au rabais, sur décret de la Convention.
La tourmente révolutionnaire épargne le domaine qui est livré au public.
Le Petit Trianon est beaucoup plus dévasté que le Grand Trianon, bien que ses boiseries aient subsisté.
Le 3 octobre 1793
Le jeu de bague est vendu aux enchères pour le prix de 20 000 livres.
En 1793
On envisage d’y installer une école botanique et d’agriculture.
Rien n’est entrepris de tout cela et le petit château est loué sous le Directoire à un limonadier nommé Langlois qui en fait un lieu de divertissement, hôtel au château où les chambres se louent fort cher, débit de boisson et salle de bal au Pavillon Français où l’on danse.
Charles Langlois
« Quand vient le Directoire et son besoin de fêtes, de lieux de plaisirs et de réunion, Charles Langlois, qui voit l’Elysée transformé en hôtel garni et ses jardins changés en guinguettes ; Bagatelle devenir aussi un centre de plaisirs et un café, a une idée qu’on doit trouver admirable autour de lui.
À deux pas, un local superbe, le petit Trianon, s’offre à sa spéculation ; les pièces, coquettes et peu abîmées, s’ouvrent sur d’admirables terrasses, et non loin, dans les allées capricieuses du jardin anglo-chinois, toutes les pittoresques constructions du hameau de Marie-Antoinette se prêtent à merveille à de fructueuses opérations.
Il loue le petit Trianon, et, comme il ne veut ou ne peut en assurer seul l’exploitation, il le sous-loue à un nommé Brunet pour cinq mois, du 1er floréal au 30 thermidor an IX, en se réservant certains droits.
Il lui cède, d’après le bail, « dans le château du petit Trianon, l’appartement de la reine, l’appartement du roi, trois chambres au-dessus ; l’appartement dit Bonnefoy et les chambres des femmes, donnant sur l’avenue ; une écurie, une remise, une pièce pour serrer le fourrage, la cuisine qui est sous le château, le garde-manger, l’office, trois caves ; deux salles par en bas et un salon donnant sur le jardin ».Langlois conserve la jouissance du « Boudoir de la Reine, ses deux cabinets de garde-robe » et celle d’une partie de la cave « qui donne sur le palier de l’escalier ».
Il laisse à Brunet « tous les ustensiles de cuisine qui s’y trouvent, ainsi que la verrerie, la faïence, bouteilles, chantier, tables et autres objets » à lui appartenant ; ce qui prouve que Langlois a commencé l’exploitation du Petit Trianon, ou, tout au moins, l’a meublé à cet effet. Brunet reconnaît que tout était en bon état, « tant par la fermeture que papier de tentures, que le marbre des cheminées », sauf « dans l’appartement du roi où il y a un chambranle de mutilé ».
Le prix du bail et de la location du mobilier n’est point très élevé, « 1.000 livres pour cinq mois, pour faire au dit Petit Trianon l’état de restaurateur, et louer les appartements garnis », — douze ans après que Marie-Antoinette l’a habité pour la dernière fois !
En homme pratique, Langlois se fait garantir par son bail « tous les jours son dîner, savoir : le potage et deux plats, et du vin… Le soir, une demi-bouteille de vin et un petit morceau ». Il a, en outre, le droit d’amener, sans payer, un invité avec lui. De plus, sur chaque personne « venant manger » chez Brunet, et entrant au jardin, il prélève la somme de 12 sous, car il n’a pas aliéné l’usage des jardins. « Il ne pourra entrer aucun individu dans le jardin, est-il dit dans l’acte, que du consentement du citoyen Langlois », et ce consentement c’est un droit d’entrée, le grimoire stipulant que « toutes personnes seront tenues de payer tous les jours » pour pénétrer dans le jardin « ou s’abonneront ».
Durant cette exploitation, Langlois a de nombreux visiteurs. Il en est quelques-uns d’illustres.
L’ambassadeur de Russie y fait un séjour assez prolongé ; puis il a des hôtes officiels. Le 30 messidor an IX, Goulard, « directeur national du domaine national de Versailles et dépendances », avise le « locataire du Petit Trianon » que le ministre de l’Intérieur lui ayant adressé « Son Éminence le cardinal Consalvi et Monsieur le comte Braschi », il lui enjoint de « lui donner tous les moyens de voir en détail l’intérieur des appartements du Petit Trianon et les jardins ». Consalvi et Braschi ne sont pas des clients pour Langlois. D’ailleurs, le temps n’est pas éloigné où tout « le domaine national » redeviendrait le domaine de la couronne impériale.Les appartements que Langlois s’est réservé, il les loue à son tour, faisant ainsi concurrence à Brunet ; il les loue fort cher et les étrangers qui trouvent ses prix excessifs font quelquefois appel à la justice pour les modérer. C’est ainsi qu’il advient avec un Anglais qui a conté lui-même sa mésaventure.
Il est d’abord émerveillé du logis qu’on lui donne :
« Nous dinâmes, dit-il, dans une petite chambre, qui était le boudoir de la Reine (c’est donc bien de l’appartement demeuré en propre à Langlois qu’il s’agit et c’est bien à lui qu’il eut affaire, bien que son nom ne fut pas prononcé), jouxtant immédiatement sa chambre à coucher. Elle est maintenant tout à fait dépouillée de son splendide ameublement d’autrefois, et n’a plus rien du palais que le nom ; en même temps, elle est extrêmement jolie… Nous dinâmes au Petit-Trianon et nous y couchâmes ; la chambre qui m’échut en partage était celle que l’infortuné Louis XVI occupait jadis, et la clef de la porte avait une étiquette attachée à son anneau sur laquelle on pouvait encore déchiffrer, bien que les lettres fussent à demi effacées, les mots : « appartements du roy. »
Quand vint le moment de régler, on lui fait présenter par la fille de l’hôtelière, « une fort jolie personne » (est-ce Pauline Langlois ?), une note fort élevée qui se décompose ainsi : « trois appartements de maître : 36 fr. ; bougie, 6 fr. ; bois, 9 fr. ; quatre lits de domestique, 12 fr. : total, 63 fr » . L’Anglais pousse les hauts cris ; l’hôte refuse de rien rabattre ; on va devant le juge de paix de Versailles, qui modère l’addition et la réduit à 36 .»
Le Cabaretier de Trianon (1911) de Maurice Dumoulin
On trouve un bon restaurant tenu par Brunet ( est-il apparenté à Mademoiselle Montansier (1730-1820) qui s’appelle Marguerite Brunet?) :
« Au Petit Trianon, Versailles, Monsieur Brunet y tient un excellent restaurant et y loue des appartements et chambres garnis, il y a des écuries et remises».
Le Journal de Paris, le 21 Mai 1804
Toutes ces gens seront congédiées après les visites de Napoléon et Joséphine en mars 1805.
Du 25 juillet 1793 au 11 août 1794
Les enchères commencent. Les biens sont éparpillés dans le monde entier.
Le 20 avril 1794
Le sculpteur Amable Boichard, nouvellement nommé après la démission des frères Rousseau , est chargé de «supprimer les emblèmes de la royauté et féodalité».
Trianon est déclaré propriété nationale et le terrain est partagé en dix lots.
Finalement, Antoine Richard obtient de l’administration que les biens nationaux des environs de Paris ne soient pas vendus, mais conservés par la République naissante. Il obtient le soutien du représentant du peuple envoyé en mission à Versailles et la vente est annulée par arrêté du 4 pluviôse an III.
Quand le Petit Trianon devint une auberge…
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Dans l’espoir de sauver le Petit Trianon et son domaine, Antoine Richard, ancien jardinier, se fait nommer Directeur des jardins botaniques de Trianon par la Convention et obtient un décret sur la nécessité de conserver les maisons et jardins nationaux.
En 1795
Le domaine de Trianon est morcelé en dix lots afin de pouvoir être plus facilement vendu. Richard parvient à en faire différer la vente jusqu’à ce que les esprits s’apaisent et que cette opération ne soit plus de mise.
A l’aube de l’Empire, l’état des murs, des canalisations et des arbres est catastrophique, mais l’essentiel est sauvé.
Dans l’espoir de sauver les constructions, il favorise la transformation du Petit Trianon en auberge, celle du Pavillon Français en café. Dans les entresols du Petit Trianon, sur les portes, on trouve toujours des encarts pour les cartes de visite des locataires ou des touristes. Cette situation hôtelière durera jusqu’en 1805, et l’on doit à Napoléon d’y avoir mis fin.
L’hôtelier du Petit Trianon n’est pas forcément de la plus grande honnêteté. On trouve dans la Revue de l’Histoire de Versailles de 1901 la relation d’un conflit entre un voyageur écossais et lesdits loueurs.
Après avoir commandé un dîner dans une petite pièce qui avait été le boudoir de la Reine, il avait visité les lieux le lendemain et avait séjourné dans une pseudo-chambre de Louis XVI qui n’y avait, bien évidemment, jamais résidé. En demandant sa note le lendemain matin, au regard de celle du traiteur qui lui parut raisonnable, il trouva celle du citoyen hôtelier tout à fait inacceptable, pour une valeur totalement injustifiée de 63 francs. L’écossais proposa une transaction de moitié, ce qui paraissait amplement suffisant, et vu la résistance des locateurs, s’orienta vers un juge de paix compétent qui assigna cette dernière partie. La responsable des lieux s’expliqua en séance qu’elle payait un lourd tribut à la nation , ce qui lui imposait d’appliquer des forts loyers à ses hôtes et que, par ailleurs, l’ambassadeur de l’Empereur de Russie avait logé chez elle sans aucune objection pour un prix du double.
Le juge déclara que la loi ne permettait pas d’écorcher les étrangers et que la facture serait de 36 francs au lieu de 63.
En 1796
Ne procurant jusqu’alors aucun revenu à l’administration, le Petit Trianon est loué à un cabaretier et aubergiste du nom de Charles Langlois.
En 1801
Le citoyen Mettereau succède à Charles Langlois. Les bals et fêtes populaires qui sont tenus à Trianon dégradent la résidence et les jardins. Les jardins sont délabrés, par manque d’entretien, et deux maisonnettes du Hameau menacent de s’écrouler.
En 1805
Le Petit Trianon reprend son rang de palais et il est affecté par l’Empereur Napoléon Ier (1769-1821) à sa sœur Pauline, princesse Borghèse (1780-1825).
Les travaux de réfection sont rapidement engagés : les couvertures sont refaites, les conduites révisées, le palier du premier étage est redallé de marbre, les cheminées sont restaurées, les peintures sont refaites à neuf, de gris pour l’attique ou les huisseries et de «couleur pierre à forte colle» pour les pièces secondaires. Les salles principales sont repeintes de couleurs grisées teintées de bleu ou de mauve. Les miroirs ayant tous disparu sont remplacés et de nouvelles toiles sont commandées.
Le projet de l’Empereur de réunir les deux Trianons dans un même enclos les séparant du parc entraîne la création d’un pont métallique, dit «de la Réunion», qui enjambe un chemin creux.
En 1810
Le domaine revient à l’Impératrice Marie-Louise (1791-1847) qui fait alors restaurer l’ancienne résidence de sa grand-tante, malgré le passé douloureux des lieux. Elle se plaît dans cette demeure qui lui rappelle le château de Laxenburg, en Autriche, dans lequel elle a résidé durant son enfance. Le coût trop élevé de réhabilitation du Pavillon frais ou de certaines chaumières du Hameau entraîne leur destruction.
Quand Marie-Louise était Impératrice…
( Texte et photos de Christophe Duarte – Versailles Passion )
En 1810, Napoléon entreprend une restauration radicale du Petit Trianon car l’Empereur l’octroie à sa nouvelle épouse Marie-Louise, petite nièce de Marie-Antoinette. On craint que le souvenir de cette tante guillotinée ne suscite chez elle un certain dégoût du château mais il n’en est rien.
La chambre de l’Impératrice Marie-Louise (1791-1847) occupe l’emplacement de celle de Marie-Antoinette au premier étage du Petit Trianon. Elle présente un décor à l’antique.
Ce décor, trop riche sans doute pour la pièce, de petites dimensions, peut être comparé à celui qui aujourd’hui compose la chambre de Marie-Louise à Compiègne.
C’était une sorte d’extravagance qui devait mal se fondre dans l’esprit du Petit Trianon, d’autant que tout le mobilier de Marcion, couvert de satin bleu ciel bordé d’or, était également doré.
Au plafond, est suspendu un grand voile de satin blanc bordé en or et en soie bleue, ornée en son centre d’une rosace en or.
Les rideaux de croisée sont confectionnés avec le même tissu, mais les rideaux de vitrage sont en mousseline brodée d’or.
Le lit, en bois sculpté, orné de cols-de-cygne, est en mousseline brodée d’or, la courtepointe et les rideaux extérieurs sont en satin bleu ciel à galons or et blanc. Ces derniers sont supportés par deux candélabres en bois doré surmontés de figures ailées.
Outre la commode, on trouve aussi dans cette chambre un secrétaire en forme de commode dont le tiroir du haut s’abat en écritoire et un guéridon à pied central doré.
Plusieurs flambeaux et candélabres prennent place sur la cheminée et les meubles, dont deux candélabres en forme de femmes ailées portant des girandoles.
Les sièges en bois doré réalisés par Pierre Benoit Marcion sont livrés en 1810. Recouverts d’un satin de soie bleu de ciel galonné blanc et or.
Le pot à eau et sa cuvette en porcelaine de Sèvres, est également dans la chambre et est de la couleur bleu de ciel de la même couleur que la chambre.
Le 25 août 1811
L’apogée de la vie impériale à Trianon est marqué par la «fête de l’Impératrice», prétexte à de grandes illuminations dans les jardins, à des scènes champêtres féeriques en musique et à des spectacles divers provoquant l’enthousiasme de la cour et du couple impérial.
Le cabinet de Toilette
( Texte et photos de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Un nouveau mobilier très luxueux dû à l’ébéniste Marcion est mis en place.
La pièce à l’attique du Petit Trianon évoque le cabinet de toilette de l’Impératrice Marie-Louise, puis de la duchesse d’Orléans. Il est tendu d’un damas de soie jaune restitué d’après les documents de Lyon, qui avait remplacé en 1837 la toile de Jouy «fond vert et médaillon» livré en 1811.
Le mobilier forme gondole est livré en 1810 par le tapissier du Garde-Meuble Impérial, Darrac, pour le cabinet de toilette au premier étage.
La paire d’applique Empire en bronze doré à deux lumières provient de la Galerie du palais de Saint-Cloud. Elle fut placée à Versailles en 1855, puis au Grand Trianon en 1888.
A l’origine recouvert en toile de Jouy, il reçoit un damas jaune en 1837, semblable à celui qui a été tendu sur les murs.
Le guéridon est livré en 1810 par l’ébéniste Pierre Benoit Marcion pour le Boudoir de Marie-Louise au Petit Trianon (actuel Cabinet des Glaces Mouvantes).
Sur la cheminée, le buste en biscuit de Sèvre de l’Impératrice Marie-Louise, envoyé par Sèvre à Versailles en 1962, est un tirage moderne d’après le buste de François Nicolas Delaistre réalisé en 1813.
Il est encadré par deux vases de Sèvres fond vert antique, peints par Béranger, livrés en 1810 avec la table de quadrille, pour le premier Salon de Marie-Louise (actuel Salon de billard).
Le feu est livré en 1809 par le bronzier Claude Galle pour le Premier Salon de Marie-Louise.
À la Restauration
La duchesse d’Angoulême (1778-1851), fille de Louis XVI et Marie-Antoinette, hérite du Petit Trianon, mais en raison des souvenirs douloureux qui s’y rattachent, elle n’y fait qu’une promenade et se contente de participer au dîner du mariage du duc de Berry (1778-1820) avec Marie-Caroline (1798-1870) en 1816.
Dans l’hypothèse de séjours de Louis XVIII ou Charles X, souvent évoquée, mais jamais réalisée, tout est quasiment laissé en l’état.
Dès son arrivée au pouvoir
Louis-Philippe (1830-1848) fait retirer les portraits de la famille royale, seule modification apportée au château par son prédécesseur. Il fait appel à son architecte Frédéric Nepveu qui achève de repeindre l’ensemble du premier étage de couleur grise, remplaçant l’ancien vert pâle qui rappelait les jardins entourant le château.
Louis-Philippe s’installe au Grand Trianon pour surveiller la transformation du château de Versailles en «Musée dédié à toutes les gloires de la France».
En juin 1837
Il attribue à son fils Ferdinand (1810-1842) et sa belle-fille la duchesse d’Orléans, Hélène de Mecklembourg un appartement à l’attique du Petit Trianon, quelques semaines après leur mariage. Hélène, après y avoir passé des jours heureux en compagnie de son époux, revient l’y pleurer (1842) et se consacrer à l’éducation de ses enfants. Elle y séjourne souvent, même si elle qualifie sa présence à Trianon d’exil. On conserve l’ameublement de 1810 non sans remanier la disposition des appartements. Les sièges sont recouverts par Jean-Louis Laflèche selon la mode du moment de même que les rideaux sont changés. Ces remplois alliés à de petits achats et des récupérations, épargnant des dépenses superflues avec la disparition des véritables «palais royaux» d’antan, participent à créer un style disparate, fantaisiste et déroutant, élégant et précieux, parfois rocaille ou gothique ; le pratique prend le pas sur la finesse et le raffinement dans ce nouveau mélange des genres historiciste. Les jardins, s’étendant jusqu’au hameau, sont aussi reconstruits ou rétablis selon la disposition du domaine de Marie-Antoinette.
En 1837
Aménagés en musée, les châteaux de Versailles et de Trianon perdent dès lors leur rang de résidence officielle.
En 1867
L’Impératrice Eugénie (1826-1920) ordonne de replacer au Petit Trianon les meubles et objets des collections de l’État ayant appartenu à Marie-Antoinette et ayant été dispersés à la Révolution lors des ventes de plus de 17 000 lots sur l’ensemble du domaine de Versailles.
Le rêve de l’Impératrice Eugénie à la mémoire de Marie-Antoinette
(texte et photos de Christophe Duarte – Versailles Passion)
Outre les Souverains eux-mêmes et le Garde-Meuble, plusieurs collectionneurs s’investissent dans le projet.
On a choisi d’y exposer un portrait de Marie-Antoinette, un pastel représentant Louis XVII.
Les nombreux sièges sont choisis parmi les livraisons à des membres de la Famille Royale.
Les deux chaises à médaillon, de Nadal l’Aîné, sont anciennement dorées et font partie d’une série livrées en 1775 pour la bibliothèque et le cabinet du comte d’Artois à Versailles.
Thomire.
Le lit, de style Louis XVI et provenant du Garde-Meuble, est sans doute un achat récent, couvert d’un lampas des Indes fond jaune broché blanc.
Il comprend sommier, matelas et traversin et est couronné d’un baldaquin de bois sculpté peint en blanc.
Si la princesse Mathilde (1820-1904), cousine de Napoléon III (1808-1873), émet le souhait de prendre possession du Petit Trianon, il n’en est rien.
Il faut néanmoins attendre le XXe siècle et les travaux de Pierre Verlet (1908-1987), historien du mobilier royal, pour voir appliquer une identification précise et scientifique des meubles selon les inventaires des archives de la Maison du Roi.
Le 10 août 1901
Annie Moberly, enseignante britannique, lors de sa venue à Paris propose à Eleanor Jourdain de l’accompagner. Elles profitent de leur bref séjour pour visiter Versailles. Il fait chaud et orageux. Elles se perdent en cherchant le Petit Trianon et commencent à se sentir oppressées, mais aucune ne fait part de son sentiment à sa compagne. Elles aperçoivent sur le bord du chemin deux hommes portant un long manteau et un tricorne, bêches à la main, qui leur indiquent le chemin ; des jardiniers, pensent-elles. Arrivées près d’un cottage, Eleanor Jourdain remarque à l’intérieur une petite fille et une femme ; toutes deux portent un costume suranné. Enfin, elles arrivent à un pavillon chinois qu’elles prennent pour le Temple de l’Amour. L’atmosphère devient de plus en plus pénible. Annie, en particulier, se sent prise d’angoisse lorsqu’un homme assis au pied du pavillon tourne vers elle un visage menaçant et vérolé. C’est alors qu’un autre homme, grand et beau, cheveux bouclés sous un chapeau à larges bords, passe en coup de vent enveloppé dans une cape noire ; il s’arrête et leur sert un laïus dont elles ne comprennent qu’une chose : il faut tourner à droite. Les visiteuses arrivent près d’une petite maison aux volets clos. Sur la pelouse, Annie voit une femme en train de dessiner portant une robe de style particulier, un fichu vert et un chapeau blanc ; la femme lève la tête et de nouveau Annie ressent une impression désagréable. Les deux femmes arrivent à la hauteur de la maison suivante. Une porte s’ouvre, un jeune homme en sort qui leur donne l’impression d’être un serviteur. Elles veulent s’excuser, pensant être sur une propriété privée, mais l’homme les mène jusqu’à Trianon proche où elles sont brusquement environnées par une noce.
Quelques jours plus tard, Miss Moberly, toujours en proie à l’impression d’angoisse et d’irréalité de Versailles, en fait part à Miss Jourdain en lui demandant si elle n’a pas l’impression que les lieux sont « hantés ». Eleanor confirme son impression de malaise lors de la visite. Elles s’interrogent alors sur la cape portée bizarrement par l’homme aux cheveux bouclés en ce jour de grande chaleur ; son attitude, son air amusé leur semblent maintenant étranges et non-naturels. Mais c’est seulement en novembre, lorsque Eleanor Jourdain se rend à Oxford où Annie a depuis trois mois repris ses fonctions de directrice, qu’elles discutent plus longuement de leur expérience. Le fait que seule Eleanor ait vu la femme et la petite fille et que seule Annie ait vu la dessinatrice les trouble. Miss Moberly, justement, a vu un portrait de Marie-Antoinette par Wertmüller ; la Reine lui a paru étrangement ressemblante, pour le visage et les vêtements, à la femme de la pelouse. Elle se renseigne auprès d’une Française qui confirme que des rumeurs courent depuis longtemps sur la présence du fantôme de Marie-Antoinette à Versailles.
Au cours de leurs recherches, elles pensent se rappeler la présence d’une charrue qui n’existe pas en 1901, de même qu’un pont qu’elles ont franchi et qui a disparu ; elles découvrent que les «jardiniers» portaient un costume similaire à celui des gardes suisses de la Reine et que la porte d’où est sorti le serviteur est condamnée depuis longtemps ; elles identifient l’homme au visage vérolé comme étant le comte de Vaudreuil.
Cependant le pavillon chinois que les deux anglaises ont vu et qu’on a cru être une invention de leur part ( cf une analyse des faits de l’historien Léon Rey ) a effectivement existé, mais sous Louis XV. Des journalistes du paranormal ont donc récemment conclu que leur voyage spatio-temporel se serait effectué non pas en 1789, comme elles le pensaient, mais en 1774 … et la dame en blanc serait donc le fantôme de Madame du Barry plutôt que celui de Marie-Antoinette.
En 1954
Sous la direction de Gérald Van der Kemp (1912-2001), conservateur en chef du château de Versailles, les travaux de restauration du Petit Trianon commencent…
Le 29 mai 1970
Réouverture du Petit Trianon
Les premiers résultats de la restauration sont inaugurés (seule la salle à manger est ouverte). Ils sont le résultat d’un travail de fond réalisé par tranches depuis 1954 : mise hors d’eau, consolidation de l’escalier (1957), dépose, décapage des boiseries, etc.
En 2008
Le Petit Trianon renaît au temps de Marie-Antoinette
Pascale TESSIER
D’importants travaux de rénovation ont restauré les décors du XVIIIe siècle et triplé les surfaces ouvertes aux visiteurs de ce bijou néoclassique, conçu par Gabriel
Après un an de fermeture, le Petit Trianon rouvre ses portes à Versailles, dans le décor restauré de Marie-Antoinette, à la fin du XVIIIe siècle. Les 250 artisans mobilisés pour les travaux ne se sont pas contentés d’embellir ce qui se visitait jusqu’alors – le seul étage noble –, mais ont restauré à destination du public la totalité des espaces intérieurs, du rez-de-chaussée jusqu’à l’attique, sans oublier les jardins et le «Pavillon français» tout proche.
Louis XV rêvait d’un petit domaine lui permettant de se dépayser non loin du château, et sans mobiliser le lourd appareil de la Cour. Destiné à la marquise de Pompadour qui décédera avant la fin des travaux, habité par Madame Du Barry jusqu’à la mort de Louis XV, le Petit Trianon porte surtout l’empreinte de la Reine Marie-Antoinette qui se le fit offrir par Louis XVI, dès son accession au trône.
Le lieu se visite grilles fermées, comme si la reine venait juste de quitter les lieux
Son architecture extérieure est novatrice et son organisation intérieure fonctionnelle, puisqu’un jeu de couloirs permet au Roi, installé à l’attique, et à la Reine, logée à l’étage noble, de ne jamais croiser le personnel de service, affecté au rez-de-chaussée.
La restauration a pris soin de conserver cette disposition, tout comme elle a veillé à présenter un lieu vivant. Le Petit Trianon se visite grilles fermées, comme si la Reine venait juste de quitter les lieux, le 6 octobre 1789, alors qu’elle ignore qu’elle ne reviendra jamais à Trianon.
Rendue possible grâce au mécénat des Montres Breguet et à la passion de leur PDG, Nicolas Hayek, qui y ont investi 5,3 millions d’euros, la rénovation a consisté à restaurer ou rétablir les décors d’origine, dont les tapisseries avec leur décor de fleurs et de fruits ou la bibliothèque de la Reine avec ses livres, à regarnir les appartements avec certains de leurs meubles d’origine (de Louis XV à Napoléon III), à mettre l’installation technique aux nouvelles normes de sécurité.
Cette restauration s’inscrit dans la dynamique du Grand Versailles, vaste campagne de modernisation et d’aménagement du château et des jardins, et présente le Petit Trianon comme l’un des joyaux du domaine.
En 2014
À Versailles, la résurrection du Petit Trianon
par Claire Bommelaer
La totalité des espaces intérieurs est désormais restaurée et remeublée dans l’ambiance de l’époque de Marie-Antoinette
Après un an de fermeture, le Petit Trianon de Versailles ouvrira à nouveau ses portes le 2 octobre. Une date toute symbolique, puisqu’elle est à trois jours près la date anniversaire du départ de Marie-Antoinette, en 1789 : «Quand les émeutiers arrivent à la grille, la Reine se promène, un valet l’informe qu’il faut rentrer, puis partir», rappelle Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques. «Nous avons voulu arrêter l’histoire à ce moment-là, comme si on disait aux visiteurs : la Reine n’est pas là, profitons-en. » Pour la première fois, la totalité des espaces intérieurs du bâtiment, du jardin et du Pavillon français est accessible. Il était possible jusqu’alors de visiter les appartements de la Reine, à «l’étage noble», ainsi que certaines pièces de l’étage du Roi, sur rendez-vous.
Grâce au concours d’un mécène, les montres Breguet – déjà horloger de la cour, et fournisseur de Marie-Antoinette -, le Petit Trianon, ainsi que le Pavillon français situé à quelques mètres, ont été entièrement recouverts. L’ensemble des décors, des peintures ou des papiers peints a été restauré, les différents appartements remeublés avec des mobiliers d’origine. L’escalier d’honneur et sa rampe en fer forgé ont été remis à neuf. « Ce bâtiment, très novateur à l’époque, n’a été habité que par des femmes. Nous avons essayé de retrouver l’atmosphère de confort et d’intimité qui y régnait » , explique Pierre-André Lablaude. Construit à l’origine par Louis XV pour Madame de Pompadour – laquelle est décédée avant d’avoir pu y loger -, le Petit Trianon a d’abord accueilli Madame du Barry. Après Marie-Antoinette, il est vidé, puis mis en location. Napoléon y logera sa sœur Pauline Borghèse, puis l’impératrice Marie-Louise. La duchesse d’Orléans s’y installera en 1836. Mais Marie-Antoinette reste la figure emblématique de ce lieu, dont elle a fait sa retraite privée, loin des bruits de la Cour.
Un engouement pour la Reine martyre
Au rez-de-chaussée, désormais tel qu’il était à la fin de l’Ancien Régime, on trouve la salle de garde, la salle de billard, un réchauffoir avec son fourneau, et la salle dite de l’argenterie, où l’on peut voir deux ensembles de la manufacture de Sèvres, dont celui « à perles et barbeaux », commandé par Marie-Antoinette en 1781.
Dans les étages, c’est surtout la chambre de la Reine ainsi qu’un petit cabinet « des glaces mouvantes » – permettant de masquer les fenêtres afin de créer une intimité totale – qui attirent l’œil. Les travaux ont permis de refaire à l’identique la bibliothèque de la reine, marquée d’un PT («Petit Trianon»). Au fil du temps, Versailles s’est efforcé de retrouver des meubles d’époque, disparus ou vendus pendant la Révolution, afin de faire du Trianon un espace «habité». La restauration de nombreux petits cabinets de toilette renforce cette impression.
Ce sont des artisans français dont l’Atelier Mériguet-Carrère pour les peintures, Aubert Labansat pour les parquets, Garnier pour les bronzes et serrures qui ont travaillé à la renaissance du petit palais. Les couleurs d’origine ou les copies de papiers peints d’époque ont été travaillés à partir de lambeaux découverts lors des travaux. Les appartements de la Reine regorgent ainsi de décorations de fleurs et de fruits, rappelant les jardins. Les fenêtres d’origine, avec des grands carreaux, ont été rétablies.
Dans l’attique, aux côtés des pièces de Louis XV – qui n’y a de fait jamais dormi -, on peut désormais voir les chambres de Madame Royale, de l’impératrice Marie-Louise ou le boudoir de la duchesse d’Orléans. Une pièce est réservée « au petit musée » de l’impératrice Eugénie, qui s’était entichée de Marie-Antoinette. La plupart des objets exposés n’ont de fait pas appartenu à la reine. Mais on doit à l’Impératrice Eugénie d’avoir lancé un engouement pour la Reine martyre qui, depuis, n’a pas cessé.
Cette restauration exceptionnelle est financée par l’horloger Bréguet
Le jardin d’Alain Ducasse
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
A proximité du Petit Trianon, à l’abris des regards, se situe un jardin destiné à faire pousser quelques légumes.
Laissées en friche pendant quelques décennies, ces terres ont retrouvé leur vocation nourricière. Depuis un partenariat scellé il y a deux ans entre Alain Baraton, Jardinier en chef du Trianon et du Grand Parc de Versailles et le chef Alain Ducasse, le potager produit chaque saison de fin avril à janvier 150 kg de légumes et fruits de saison qui alimentent les cuisines du Plaza Athénée.
Le Général Georges Truffaut y faisait pousser des légumes pour approvisionner les Poilus de la guerre de 1914-18.
Sources :
- ARIZZOLI-CLEMENTEL, Pierre, L’Album de Marie-Antoinette: vues et plans du Petit Trianon à Versailles, Editions d’Art Gourcuff Gradenigo, 1999, réédition en 2008, Montreuil, 99 p.
- BERLY, Cécile, Le Versailles de Marie-Antoinette, éditions Artlys, Paris, 2013, 110 p.
- BERTIERE, Simone, Les Reines de France au temps des Bourbons, tome 4 : Marie-Antoinette L’insoumise, éditions de Fallois, Paris, 2002, 735 p. + 32 p. de planches illustrées
- BONCOMPAIN, Jacques, Quand Marie-Antoinette jouait la Comédie, Historama N°310 , septembre 1977, 129 p. (dernier article)
- BOURZAT Jean Dominique, Une dynastie de jardiniers et de botanistes : les Richard (2009) ; L’Harmattan
- BOYER, Marie-France, Les Lieux de la Reine, Thames & Hudson, Paris, 1995, 112 p.
- CAMPAN, Henriette, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre, suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, 3 volumes, deuxième édition, Bauduin frères, Paris, 1823, 402 p. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2050396.texteImage
- CASTELOT, André, Marie-Antoinette, Perrin, Paris, 1953, 588 p.
- CHANTERANNE, David, Marie-Antoinette – Reine des Arts, Château de Versailles (magazine) Hors série N°25 ; avril 2017, 82 p.
- CHAPMAN, Martin, Marie-Antoinette and the Petit Trianon at Versailles, Fine Arts Museum of, Etats-Unis, 2007
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