
Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville, comte puis duc de Choiseul-Stainville (en 1758) et duc d’Amboise (en 1764)
Le 28 juin 1719
Naissance de Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville. Il est le fils aîné de François-Joseph de Choiseul-Beaupré, marquis de Stainville ( 1696-1769), qui a 30 000 livres de rente et se livre «au plaisir de la bonne chère, sa passion dominante», et de Françoise-Louise de Bassompierre (1695-1758).
Le 2 juillet 1719
Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville est baptisé en la basilique de Saint-Epvre.
En 1739
Après la défense du Rhin et la campagne de Flandre, Choiseul est promu sous-lieutenant.

En 1741
Étienne François participe à la campagne de Bohême.
En 1744
Il participe à la campagne d’Italie, notamment la bataille de Coni (30 septembre 1744), pendant la guerre de Succession d’Autriche, dans le régiment de Navarre.
En 1743
Choiseul est promu colonel, puis brigadier et maréchal de camp.
De 1745 à 1748
Etienne-François est aux Pays-Bas pendant les sièges de Mons, Charleroi et Maastricht et atteint le rang de lieutenant général.
En 1747
Choiseul a un enfant avec Antoinette-Eustachie (la sœur aînée de Louise Honorine Crozat du Châtel qu’il épousera en 1750) déjà mariée en 1744 au duc de Gontaut ; au moment de mourir, celle-ci aurait fait promettre à sa sœur Louise (âgée de dix ans) d’épouser le futur duc de Choiseul. Une autre des sœurs de Louise est une des intimes de la marquise de Pompadour (1721-1764), qui va donc désormais appuyer totalement sa carrière diplomatique.
Le 22 décembre 1750
Choiseul épouse Louise Honorine Crozat du Châtel (1734-1801), fille de Louis-François Crozat et petite-fille d’Antoine Crozat, fondateur de la Compagnie de la Louisiane et une des premières fortunes de France sous Louis XIV, à St-Eustache à Paris. Louise Honorine respecte ainsi la promesse qu’elle a faite à sa sœur sur son lit de mort en épousant Etienne-François, sans fortune, à qui elle apporte une dot de plus de cent vingt mille livres de rente. Ce mariage lui apporte aussi l’hôtel Crozat, rue de Richelieu (nos 91/93), construit en 1706 par Cartault pour Pierre Crozat (1661-1740), grand-oncle de l’épousée.

Dans une lettre envoyée à Madame du Deffand (1696-1780), Louise Honorine évoque une éducation peu satisfaisante qu’elle ne doit ni aux livres ni aux préceptes. C’est à l’école du malheur, «la meilleure de toutes», qu’elle doit sa grandeur d’âme.

Accaparé par la lecture, le duc de Choiseul délaissera souvent sa femme. Celle-ci lui confie un jour :
– Je voudrais être un livre, ce serait ma seule chance d’être feuilletée par vous tous les soirs.
– Je vous préférerais en almanach, ma chère, car je pourrais en changer tous les ans.
Le 28 décembre 1750
Choiseul fait partie, avec le Roi Stanislas Leszczynski (1677-1766), des membres fondateurs de l’Académie de Stanislas à Nancy.

Fondée en même temps que la bibliothèque publique, la Société Royale des Sciences et Belles-Lettres de Nancy a pour but de sélectionner les ouvrages de la bibliothèque. Elle décerne également des prix destinés à des auteurs ou inventeurs lorrains afin de porter à leur plus haut niveau les sciences, les lettres et la culture.
En 1751
Louise Honorine fait une fausse couche un an après son mariage.
En juillet 1753
Brièvement bailli des Vosges, il devient maréchal de camp en Flandre, sous les ordres du prince de Soubise (1715-1787).
En octobre 1753
À son retour, en octobre, une lettre du maréchal de Noailles (1708-1766) l’informe que le duc de Nivernais (1716-1798) quitte l’ambassade de Rome. Nommé à sa place, il mena les négociations concernant les troubles provoqués par la résistance janséniste à la bulle papale Unigenitus, La bulle Unigenitus ou Unigenitus Dei Filius est la bulle que le pape Clément XI fulmine en septembre 1713 pour dénoncer le jansénisme.
En 1755
L’abbé Barthélémy rejoint les Choiseul à Rome. Louise Honorine côtoie alors savants, artistes et mène une vie de réceptions et de distractions.

En août 1756
Après l’invasion de la Saxe, alliée de l’Autriche, par Frédéric II (1712-1786), un second traité signé le 1er mai 1757 transforme le précédent accord en alliance offensive : Louis XV s’engage à lever une armée de 105 000 hommes et à fournir à l’Autriche des subsides annuels de 30 millions de livres.

Choiseul se défend d’avoir participé à ces négociations mais il semble qu’il en ait eu vent par Madame de Pompadour et le cardinal de Bernis. S’il affirme que la lecture du traité le déprime, il n’en juge pas moins qu’il est selon lui le seul possible.
Il parvient à cimenter la nouvelle alliance entre la France et l’Autriche par un autre traité, assorti de la promesse d’un mariage entre le Dauphin, futur Louis XVI (1754-1793) et l’Archiduchesse Marie-Antoinette (1755-1793).
De 1756 à 1763
La Guerre de Sept Ans
La guerre de Sept Ans oppose la Prusse (alliée du Royaume-Uni ) à une coalition formée par la France, l’Autriche, la Russie, la Saxe, la Suède, la Pologne. La guerre se déroule surtout en Allemagne et en Bohême.
Cette guerre est due à la volonté de Marie-Thérèse d’Autriche de récupérer la Silésie, qu’elle avait dû céder au Roi de Prusse Frédéric II en 1748, à la fin de la guerre de Succession d’Autriche.
L’organisation de l’armée durant les premières années de la guerre de Sept Ans est catastrophique, les différents ministres qui se succèdent n’ayant jamais assez d’autorité politique pour véritablement définir et proposer un cadre prospectif de réforme. Confusion et désertion (trois amnisties sont accordées par le Roi entre 1757 et 1761) règnent à tous les niveaux de la hiérarchie militaire. On doit incorporer les milices aux compagnies faute d’hommes volontaires. Les principales réformes entamées concernent les fortifications, les camps militaires, les hôpitaux militaires et l’artillerie, sans toucher directement à l’organisation des corps militaires eux-mêmes. Belle-Isle, nommé le 3 mars, augmente le traitement des officiers et la solde des soldats (2 deniers).
Le Royaume-Uni s’unit à la Prusse afin que celle-ci l’aide à protéger le Hanovre (propriété personnelle du Roi d’Angleterre ). La France se trouve entraînée dans la guerre à la suite de son alliance avec l’Autriche, parce que la Prusse attaque la Saxe (l’Électeur de Saxe est le beau-père du dauphin de France) et parce qu’elle est en guerre contre le Royaume-Uni au Canada et en Inde.

Pendant les sept années de guerre, le Roi de Prusse (qui en fait se bat seul contre les autres pays européens) alterne les victoires (comme celle de Rossbach en 1757) et les défaites (comme celle de Kunesdorf en 1759). Très compétent pour les affaires militaires, Frédéric II a bénéficié aussi de la médiocrité du commandement des armées adverses (en 1759, alors qu’ils viennent de détruire l’armée prussienne, Russes et Autrichiens renoncent à marcher sur Berlin, la capitale prussienne, alors qu’elle est sans défense). En janvier 1762, le «second miracle » est l’arrivée au pouvoir en Russie de Pierre III (1728-1762) qui, grand admirateur de Frédéric, retire son pays de la coalition.
En 1763, ne pouvant vaincre Frédéric, la France et l’Autriche acceptent la paix. La Prusse conserve la Silésie.
En Europe, la guerre de Sept Ans a eu des conséquences très importantes. La Prusse devient une grande puissance avec qui l’Autriche doit composer en Allemagne. La France perd sa prépondérance militaire et diplomatique.
Parallèlement, la guerre se déroule aussi en Amérique du Nord, où les Français installés au Québec luttent contre les Britanniques, mais également en Inde, où ils se disputent le contrôle d’une partie du pays. Les Britanniques sont victorieux. La France perd son empire colonial pour le bénéfice des Britanniques et des Espagnols. Le Royaume-Uni devient la première puissance coloniale et maritime et prépare ainsi sa place de première puissance industrielle du XIXe siècle. Par ailleurs la guerre coûte cher et les finances françaises en sortent avec de très lourds déficits et une forte dette.
Le trésor royal étant exsangue, Choiseul lance le « don des vaisseaux » qu’il fait financer grâce à la volonté de revanche de l’opinion. Il investit dans les colonies des Antilles, notamment Saint-Domingue et il achète la Corse à la république de Gênes mais subit un lourd échec en tentant une opération de colonisation rapide de la Guyane.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens contre le Roi.
En ce 5 janvier 1757, un carrosse attend le Roi dans le passage couvert qui va de la cour royale au parterre nord. Vers six heures du soir, le souverain descend son escalier intérieur et traverse la salle des gardes du corps. Il est accompagné du Dauphin, du capitaine des Gardes du roi, des Grand et Petit écuyers et du colonel des Gardes suisses. Il fait nuit. Au sortir de la pièce, éclairée par des torches, le Roi est assailli par un individu qui le frappe violemment. Ayant conservé son chapeau, le forcené est maîtrisé, car il aurait dû se découvrir devant le Roi.
Portant la main au côté droit, le Roi pense qu’on lui a donné un coup de coude ou de poing, selon les sources. Mais sa main est ensanglantée. Le couteau a pénétré entre la quatrième et la cinquième côte, causant une blessure longue, mais superficielle. On transporte Louis XV dans sa chambre. Il saigne abondamment. Choqué, il finit par s’évanouir. Revenu à lui, il croit qu’il va mourir. Il réclame un prêtre, confie le royaume au Dauphin et demande pardon à la Reine des peines qu’il lui a infligées.

Du 12 février au 26 mars 1757
Procès de Robert-François Damiens(1715-1757). Il a quarante-deux ans et a servi plusieurs conseillers au Parlement, très critiques envers le Roi et la marquise de Pompadour. Ces critiques régulières sont montées à la tête de Damiens, au caractère influençable et exalté.

Le 28 mars 1757
Damiens est exécuté Place de Grève. Son supplice, à l’instar de celui de Ravaillac, compte de nombreuses tortures, avant qu’il soit écartelé et brûlé. Damiens s’est rendu coupable du crime suprême : celui de « parricide commis sur la personne du Roi » et donc de lèse-majesté.

En 1757
Choiseul est nommé ambassadeur à Vienne, grâce à Madame de Pompadour.
À cette époque, parallèlement avec le rapprochement entre la Grande-Bretagne et la Prusse, la France, sous l’impulsion du cardinal de Bernis, avait opéré un renversement diplomatique en signant un traité d’alliance avec l’Autriche le 1er mai 1756.
Dans ce traité, la France promet de soutenir l’Autriche en cas de guerre tandis que l’Autriche doit apporter son aide à la France contre n’importe quelle puissance ennemie, à l’exception de l’Angleterre.

En récompense, la terre de Stainville est érigée en duché et l’ambassadeur prend le titre de duc de Choiseul dès 1758.
En 1758
Après un séjour à Vienne, le couple revient à Paris. Le duc de Choiseul obtient les secrétariats d’Etat aux Affaires étrangères de 1758 à 1761, à la Guerre de 1761 à 1771 puis à la Marine de 1761 à 1766.
Choiseul devient ainsi de fait Premier Ministre de Louis XV. Il est préoccupé par la modernisation de l’État et son renforcement face au pouvoir de l’Église, symbolisant l’alliance sociologique et politique entre une frange libérale de la noblesse européenne et la bourgeoisie progressiste d’affaires…
L’accès au pouvoir de Choiseul s’effectue dans un contexte de défaites militaires en Allemagne et de conflit entre Louis XV (1710-1774) et la Cour à propos de l’influence de la marquise de Pompadour.

Il adopte Claude-Antoine-Gabriel de Choiseul (1760-1738), fils d’une cousine issue de germains, qui avait épousé sa nièce Marie-Stéphanie de Choiseul (1763-1833).
« Léger et frivole dans son privé jusqu’à l’effronterie, ses reparties cinglantes sont restées dans la postérité : “J’aime mon plaisir à la folie ; j’ai une très belle et très commode maison à Paris ; ma femme a beaucoup d’esprit ; ce qui est fort extraordinaire, elle ne me fait pas cocu ; ma famille et ma société me sont agréables infiniment… On a dit que j’avais des maîtresses passables, je les trouve, moi, délicieuses ; dites-moi, je vous prie, quand les soldats du roi de Prusse auraient douze pieds, ce que leur maître peut faire à cela ?”
Le duc de Choiseul est roué dans l’intrigue jusqu’au cynisme, il joignait aux grandes capacités de l’homme d’État le rayonnement d’un chef de parti, et de ce double fait il a dominé la vie politique de son temps »

Claude-Antoine Gabriel de Choiseul-Beaupré (1760 – 1838) est le fils du comte Claude-Antoine de Choiseul et de Diane Gabrielle de La Baume, marquise de Montrevel. sera fait duc de Choiseul et pair de France, en 1787, par Louis XVI.


Choiseul use de la séduction et de la manipulation au service d’une vision exigeante de la raison d’État, instrumentalisant par exemple la marquise de Pompadour jusqu’à en faire un objet de sa puissance, dupant le cardinal de Bernis (1715-1794) devenu son marchepied pour accéder au pouvoir et instrumentalisant le Roi d’Espagne Charles III (1716-1788) afin d’en faire un allié docile de la France.

La politique de Choiseul se fait en deux périodes : il se concentra sur l’effort de guerre et les moyens d’en sortir entre 1758 et 1762, puis entre 1762 et 1770 sur la rénovation de la politique étrangère, la reconstruction d’une flotte susceptible de rivaliser avec l’Angleterre et la modernisation de l’armée.

En 1758
L’accès au pouvoir de Choiseul s’effectue dans un contexte de défaites militaires en Allemagne et de conflit entre Louis XV et la cour à propos de l’influence de la marquise de Pompadour.

Depuis la mort du Cardinal de Fleury, en 1743, la France semblait en crise de direction politique et déchirée par les luttes de factions. Rapidement, Choiseul met fin à l’effondrement de l’autorité royale. Sa réussite lui permet de devenir Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères de 1758 à 1761. A peine installé, il fait nommer banquier de la Cour son ami le financier Jean-Joseph de Laborde à la principale fonction économique et commerciale du royaume.

En politique étrangère, il considère que les deux premiers traités franco-autrichiens ont été très mal négociés et demande un renouvellement du traité de Versailles entre la France et l’Autriche, prévoyant de s’assister réciproquement et de ne faire la paix que d’un commun accord. Toujours en 1761, il devient Secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Marine, poste auquel il a appelé le lieutenant général de la police Antoine de Sartine, transférant le Secrétariat d’État aux Affaires étrangères à son cousin Choiseul-Praslin. En 1766, il reprend les Affaires étrangères, Choiseul-Praslin héritant de la Marine.
En 1761
En politique étrangère, Choiseul considère que les deux premiers traités franco autrichiens ont été très mal négociés et demande un renouvellement du traité de Versailles entre la France et l’Autriche, prévoyant de s’assister réciproquement et de ne faire la paix que d’un commun accord. Toujours en 1761, il devient secrétraire d’Etat à la Guerre et à la Marine, poste auquel il a appelé le lieutenant général de la police Antoine de Sartine (1729-1801), transférant le secrétariat d’État aux Affaires étrangères à son cousin César-Gabriel de Choiseul-Praslin (1712-1785).

En 1762
La négociation franco-britannique permit à Choiseul de séparer l’Angleterre de la Prusse. Le 3 novembre 1762 sont signés les préliminaires de paix de Fontainebleau entre la France, l’Espagne et l’Angleterre qui sont définitivement ratifiés lors du traité de Paris le 10 février 1763. Jamais Frédéric II de Prusse ne pardonnera ce qu’il estime une trahison de l’Angleterre. La France évacue les territoires des alliés de l’Angleterre en Allemagne, ainsi que les territoires du Hanovre, propriété personnelle du Roi de Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne rend Belle-Île à la France, prise en 1761. Dans les colonies américaines :
- La Grande-Bretagne obtint de la France l’Île Royale, l’Isle Saint-Jean, l’Acadie et le Canada, y compris le bassin des Grands Lacs et la rive gauche du Mississippi.
- Conformément à la capitulation conditionnelle de 1760, la Grande-Bretagne garantit une liberté de religion limitée aux Canadiens.
- L’Espagne reçoit l’ouest du Mississippi, donc la Louisiane, et le delta ainsi que la Nouvelle-Orléans.
- L’Espagne cède quant à elle la Floride à la Grande-Bretagne.
- La France conserve des droits de pêche à Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent. En retour, elle acquiert Saint-Pierre-et-Miquelon et recouvre ses lucratives possessions dans les Antilles.
Dans le reste du monde :
- La France récupère ses comptoirs en Inde (Pondichéry) et son poste de traite des esclaves sur l’île de Gorée (Sénégal) mais elle doit céder Saint-Louis du Sénégal.

En 1762
Hôtel des Affaires Etrangères et de la Marine :
la voix de la France au XVIIIe siècle
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles passion )
L’Hôtel des Affaires étrangères et de la Marine est construit à Versailles par Jean-Baptiste Berthier en 1762 à la demande du duc de Choiseul, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères pour abriter les services et les archives des Affaires étrangères et de la Marine.


Il est contigu à l’hôtel de la Guerre achevé deux ans auparavant par Berthier et dont il reprend la même technique de construction de voûtes plates, à la fois économique et limitant les risques d’incendie. Pour son usage diplomatique, une galerie d’apparat fut construite pour donner une image de prestige de la France mais également de Choiseul qui en a choisi la décoration et l’ordonnancement, galerie toujours existante aujourd’hui.







C’est dans ce bâtiment que sera négocié le traité de Paris de 1783 mettant fin à la guerre d’Indépendance américaine.


A l’étage d’apparat de l’hôtel, est construit une galerie de cinq pièces en enfilade où sont installées les archives diplomatiques. La disposition et la décoration de cette galerie démontrent l’ambition personnelle et diplomatique de Choiseul. La galerie s’ouvre par la salle des Traités avec un grand portrait de Choiseul rentrant dans Rome et se ferme par la salle des Missions, au centre se trouve la salle «France», la plus luxueuse, avec de part et d’autre les salles «Puissances du Midi» et « Puissances du Nord » et les salles «Puissances d’Italie» et «Puissances d’Allemagne».

En 1800, le bâtiment abritera la bibliothèque de l’école centrale qu’elle partage non sans difficultés avec une partie des archives de la Marine restées dans le bâtiment, aucune des deux parties n’entretenant le bâtiment. En 1834, le ministère des Finances souhaitera que l’hôtel ne fasse plus partie des biens de la Couronne et demande donc tant aux archives de la Marine qu’à la bibliothèque de déménager. La municipalité de Versailles accepte de verser un loyer avant d’en faire l’acquisition en 1838, les archives de la Marine partant rue Royale à Paris. La place libérée par ces dernières est occupée tour à tour ou en même temps par la caisse d’épargne, le mont de piété, des sociétés savantes de la ville, les archives ou un musée local.



A partir de 1870, se pose un problème de place, le nombre de volumes de la bibliothèque augmentant considérablement, principalement par des dons (elle atteindra 200 000 volumes en 1920). Dans les années 1880, la caisse d’épargne et le mont-de-piété quittent le bâtiment permettant l’extension des salles de lectures et l’installation du musée au quatrième étage.



Louis XV (vers 1760) par Van Loo


En 1766
Il reprend les Affaires étrangères, Choiseul-Praslin héritant de la Marine.

Dès 1766
Le mariage du Dauphin est envisagé par Choiseul alors que le futur Roi n’a que douze ans.
De 1766 à 1770, succédant au Cardinal de Bernis, il est fait duc et Paire de France.
La politique de Choiseul se fait en deux périodes : il se concentre sur l’effort de guerre et les moyens d’en sortir entre 1758 et 1762, puis entre 1762 et 1770 sur la rénovation de la politique étrangère, la reconstruction d’une flotte susceptible de rivaliser avec l’Angleterre et la modernisation de l’armée.


L’appartement du duc de Choiseul (1760 – 1770),
Le secrétaire d’Etat des Affaires Etrangères de Louis XV
( Texte et photos de Christophe Duarte – Versailles Passion )





Cet appartement se répand sur cinq étages : le rez-de-chaussée est réservé au travail du ministre (antichambre, cabinet de travail et bureaux des commis). Le premier étage est réservé aux salons de réception. Le deuxième étage était dévolu aux appartements privés.

Enfin, le troisième étage et l’Attique est dévolu aux appartements des proches du ministre.

La pièce que nous voyons aujourd’hui, la seule avec des boiseries, faisait partie de cet appartement. Cependant, les boiseries ne datent pas de cette époque et proviennent de l’Hôtel de la Chancellerie, rue de la Chancellerie à Versailles, d’où le mortier de Chancelier de France.

Le 15 avril 1764
La marquise de Pompadour meurt d’une congestion pulmonaire, à l’âge de quarante-deux ans, à Versailles, ultime privilège, puisqu’il est interdit à un courtisan de mourir dans le lieu où résident le Roi et sa Cour.

L’entourage de Madame de Choiseul (1696-1780) s’attache à souligner la patience, la modération et la prudence d’une femme dont l’époux est un séducteur volage qui la trompe publiquement. La duchesse trouve dans l’amitié avec Madame du Deffand et l’abbé Barthélémy une consolation aux maux de la vie.

Le 5 février 1766
Stanislas Leszczyński trébuche, lorsque sa robe de chambre que lui a offerte Marie Leszczyńska, prend feu accidentellement, au moment où il veut raviver la braise et il tombe dans la cheminée de sa chambre du château de Lunéville. Grièvement brûlé, le duc de Lorraine de quatre-vingt-sept ans va souffrir une douloureuse agonie de dix-huit jours.
Le 23 février 1766
Décès de Stanislas Leszczyński.

Le lendemain, on embaume le corps. Conformément à son vœu, ses entrailles et son cœur sont aussitôt transportés en un cénotaphe de l’église Saint-Jacques de Lunéville où ils reposent jusqu’à la Révolution. Son corps est inhumé à l’église Notre-Dame de Bonsecours de Nancy.
En 1766
Choiseul, à la suite du décès du Roi et duc Stanislas Leszczynski et conformément à la convention de 1735, en février 1766, prend officiellement possession du Barrois et de la Lorraine au nom du Roi. Il crée le Grand-gouvernement de Lorraine et Barrois qui acte l’annexion du Duché de Lorraine et de Bar par le Royaume de France. Ce Grand gouvernement gérait les territoires suivants :
- le Duché de Lorraine et de Bar,
- la province des Trois-Évêchés (province Française de facto depuis 1552),
- le Luxembourg français (baillage de Thionville, prévôté de Montmédy),
- le duché de Carignan,
- le pays de la Sarre,
- le duché de Bouillon.


Le 24 juin 1768
Décès de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768).

En peu de temps, Louis XV s’éprend vivement de Jeanne Bécu (1743-1793), dotée d’un charme infini, et dont les talents aux jeux de l’amour lui donnent une nouvelle jeunesse. Il est non seulement ébloui par la beauté de Jeanne mais par aussi son caractère : Jeanne commence à le tutoyer, lui coupe la parole, le traite comme s’il n’était pas le Roi de France .

La déconvenue de Choiseul est très vive, et immense son ressentiment à l’égard de Madame du Barry, qui lui fait perdre en peu de temps son influence prépondérante auprès du Roi (pour lequel il nourrit un secret mépris).
Le 22 avril 1769
Mariée et munie d’un nom mieux sonnant que Bécu, Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour .

Le clan Choiseul ne désarme pas. L’une de ses créatures, Pidansat de Mairobert, publie des Mémoires secrets à l’origine des attaques dont Madame du Barry est dès lors constamment l’objet. Il diffuse ou suscite des chansons grivoises, des pamphlets injurieux et même des libelles pornographiques (tels L’Apprentissage d’une fille de modes ou L’Apothéose du roi Pétaud). Par la force des choses, Madame du Barry se trouve soutenue par le parti dévot, hostile à Choiseul. Pour avoir conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette, le Premier ministre se croyait intouchable.
À la Cour, Jeanne du Barry est haïe par certains courtisans qui ne supportent pas qu’une jeune fille de maquerelle et sans bonne famille devienne la nouvelle maîtresse du Roi. Ces courtisans ont à leur tête le duc de Choiseul. Celui-ci est entrain d’organiser le mariage du Dauphin de France et de l’Archiduchesse d’Autriche. Il se sait puissant et croit qu’il va faire chasser la nouvelle favorite sans aucune difficulté…
Le 27 novembre 1769
Décès de son père, François, Joseph de Choiseul-Beaupré, marquis de Stainville ( 1696-1769), chevalier de la Toison d’Or (branche autrichienne), à Paris.

Le 14 mai 1770
La rencontre entre le Dauphin et sa future épouse a lieu, au pont de Berne, dans la forêt de Compiègne. Le Roi, le Dauphin et la Cour sont là pour accueillir le cortège de Marie-Antoinette.

À Sa descente du carrosse, la future Dauphine fait la révérence au Roi et est présentée par lui au duc de Berry, lequel Lui fait un discret baiser sur la joue.

Le 16 mai 1770
Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

Prévenue contre Madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie. Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.

Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. Marie-Antoinette est persuadée que Jeanne du Barry a forcé la décision du Roi.

Fin 1770
La disgrâce du duc de Choiseul l’exile dans sa propriété de Chanteloup, en Touraine, par ordre de Louis XV. Madame de Choiseul, que rejoignent le duc de Lauzun et Madame de Grammont, découvre à Chanteloup les joies d’une vie simple, loin des artifices de la cour. Elle administre parfaitement le domaine, s’intéresse à l’élevage et à la culture. Elle lit les Mémoires de Madame de Maintenon et joue la comédie avec ses amis tandis qu’elle reçoit la visite de hautes personnalités qui bravent ainsi l’autorité royale. Madame de Choiseul fait preuve de dignité et de fierté dans l’exil.

En 1771
Il doit démissionner de sa charge de colonel général des Suisses. Comme l’écrit un chroniqueur :
« jamais un ministre au faîte de la faveur et de la puissance ne fut aussi triomphant que le duc de Choiseul dans sa disgrâce ».
Malgré tout, le Roi Louis XV conserve une haute opinion de Choiseul ; apprenant le démembrement de la Pologne, il s’écria : « ah ! Cela ne serait pas arrivé, si Choiseul eût été encore ici ».
Le 6 janvier 1771
« Un autre courrier vint nous porter la disgrâce des Choiseul. J’avoue, j’en suis bien affectée… N’oubliez jamais que votre établissement était l’ouvrage des Choiseul, qu’ainsi vous n’oublierez jamais de leur devoir dse la reconnaissance… mais ne vous laissez induire dans aucune faction, restez neutre en tout ; faites votre salut, l’agrément du Roi et la volonté de votre époux.«
Marie-Thérèse à Marie-Antoinette
L’Impératrice Marie-Thérèse, après avoir formellement déploré cette situation, se satisfait parfaitement du duc d’Aiguillon, qu’elle juge « doué de peu de génie et de talents, sans crédit et harcelé sans cesse par des factions ».
Durant son bannissement, Choiseul est visité par des personnages puissants et apparaît comme un véritable chef de l’opposition.
« Le duc de Choiseul, exilé à Chanteloup, y avait toute la France »
L’abbé Morellet

Cet objet resté confidentiel mais néanmoins infiniment célèbre, est bien autre chose qu’une simple tabatière en ors de couleurs. Son caractère exceptionnel tient tout d’abord de sa taille : 8 centimètres de longueur, sur 6 centimètres de largeur et 2,4 centimètres de hauteur. Sur toutes ses faces, protégées par des plaques de cristal, sont insérées d’extraordinaires miniatures peintes à la gouache sur vélin, dues au talent de Louis-Nicolas Van Blarenberghe.

Une des faces de cette tabatière représente Choiseul en séance de travail dans son appartement ministériel
au château de Versailles entouré des portraits de Louis XV et de la Marquise de Pompadour.

Nous retrouvons ici le duc de Choiseul dans son appartement ministériel, à Versailles. Une vue imaginaire de Rome par Hubert Robert évoque la première ambassade du ministre.
Cette miniature offre un témoignage fondamental du bureau plat de Choiseul, chef-d’œuvre de l’ébénisterie rocaille attribué à Antoine-Robert Gaudreau, orné de bronzes de Philippe Caffieri après la mort du financier Grimod Du Fort. Ce meuble a par la suite appartenu à Talleyrand, puis au chancelier d’Autriche Metternich.

Au mur, le portrait « officiel » de Louis XV par Van Loo est accompagné par ceux de Madame de Pompadour, la bienfaitrice de Choiseul et de la duchesse de Gramont, la sœur très aimée.
En juillet 1771
Madame de Choiseul se querelle avec Madame du Deffand à propos de Madame d’Aiguillon, mère du duc d’Aiguillon dont la nomination aux Affaires étrangères est imminente. Louise Honorine reproche à son amie d’avoir rapporté des propos élogieux à Madame d’Aiguillon, donnant l’impression de quémander sa bienveillance. L’amitié que Madame du Deffand entretient avec Voltaire est source d’une seconde querelle; dans sa correspondance, Madame de Choiseul affirme n’éprouver que dégoût et pitié pour celui qui «souffle le froid et le chaud». Pourtant, elle aide Voltaire en 1770 dans la commercialisation des montres fabriquées à Ferney. Elle n’est pas plus indulgente pour Rousseau dont elle critique, dans une lettre écrite en 1766, le masque de vertu.

A partir de 1771
La santé de la duchesse s’altère. La demeure de Chanteloup est froide l’hiver et vétuste. Mais dans la correspondance échangée avec Madame du Deffand de 1761 à 1780, la duchesse exprime une philosophie de la vie fondée sur la tempérance et la raison. Elle ne trouve nul réconfort dans la religion et affirme sa méfiance à l’égard du conformisme.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à la situation qui L’oppose à Madame du Barry, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame Du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde, mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là Mme Du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1772
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
C’est bien peu… mais c’est le triomphe de la favorite et l’échec du cercle de Mesdames qui soutenaient la Dauphine contre elle.
Le 28 mars 1772
Le comte d’Artois prête serment entre les mains du Roi pour la charge de Colonel Général des Suisses et Grisons. Il succède au duc de Choiseul qui a dû en démissionner.


En juillet 1773
Théveneau de Morande, devenu une des « créatures » du clan Choiseul, s’attaque alors à Madame du Barry. Le ministre Sartine fait alors perquisitionner les libraires pour connaître l’éditeur. Finalement Théveneau est localisé à Londres, son arrestation échoue et c’est Beaumarchais qui est envoyé début 1774 pour négocier avec le libelliste.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole.

Le Dauphin devient Roi sous le nom de Louis XVI.
La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »

Le renvoi de Madame du Barry et l’exil du duc d’Aiguillon, ennemis du duc de Choiseul, sont vus comme des triomphes de la nouvelle souveraine.
« La créature est mise au couvent et tout ce qui porte ce nom de scandale est chassé de la Cour! »
Marie-Antoinette

Lors de la constitution du gouvernement de Louis XVI, questionné sur le choix des ministres, Choiseul répond alors :
« je ne vois que le comte de Vergennes pour les affaires étrangères ».
En effet, malgré ses différends avec Vergennes (1719-1774), celui-ci, issu du courant traditionnel diplomatique du cardinal Fleury (1653-1743), peut être considéré comme le continuateur de la politique de redressement de Choiseul.
Dès le 12 juin 1774
Choiseul reparaît à la Cour, mais à cette date, Maurepas domine le Conseil et Vergennes occupe le secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères.

Louis XVI lui réserve un accueil maussade, se bornant à lui dire :
« Monsieur de Choiseul, vous avez perdu une partie de vos cheveux ».
Louis XVI
Choiseul comprend qu’il n’a plus rien à espérer et repart dès le lendemain pour Chanteloup.


Dimanche 11 juin 1775

Louis XVI est sacré à Reims.

Louis XVI reçoit alors Choiseul en audience à Reims.
Le 12 juin 1775
La Reine accorde une audience à Choiseul : aidée en cela par les gens du parti Noailles et par le comte d’Artois, Marie-Antoinette a tout fait par Elle-même pour faire rentrer Choiseul en grâce. Mais ni Elle ni personne n’ont rien pu gagner auprès du Roi. La Reine garde rancune au Roi de cet échec.
Louis XVI ne pardonne pas à Choiseul de s’être vivement opposé à son père, le Dauphin Louis-Ferdinand (1729-1765), à propos de l’expulsion des Jésuites en 1764, à tel point que lorsque le Dauphin mourut en 1765, le bruit des opposants fit courir la rumeur que Choiseul l’avait fait empoisonner.
Le Roi, cédant aux instances de la Reine, lui permet toutefois de revenir à Paris.
Autonome 1775
Les choiseulistes ne désespèrent pas de revenir au pouvoir et voient donc d’un très bon oeil un de leur héros, le duc de Lauzun séduire de plus en plus la jeune Reine. Après la fameuse aventure de la plume de héron, voilà ce que les mémoires du duc de Lauzun racontent :
Mon projet, et c’était le parti le plus sage, était de passer une grande partie de l’hiver en Italie ; mais jamais la reine n’y voulut consentir ; et pour m’éloigner au moins quelques jours de la cour,
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58316323/f350.item.r=reine
vers la fin de Fontainebleau, je fis un voyage à Chanteloup, où je trouvai tout le monde extrêmement occupé de ma faveur. Madame la duchesse de Gramont surtout, fondait les plus hautes espérances sur mon crédit près de la reine. Elle ne tarda pas à m’en parler et à me dire que le goût que la reine avait pour moi ne me rendait rien difficile près d’elle. Je lui dis qu’elle me traitait avec distinction, à la vérité, mais que ne prétendant à aucun crédit, et étant résolu à ne jamais rien demander, je ne
pouvais juger quelle en était la mesure. Madame de Gramont répliqua qu’elle ne voulait pas m’engager à lui confier mon secret, si je n’en avais pas l’intention, mais que personne ne doutait que le goût de la reine pour moi n’eût eu les suites qu’il devait naturellement avoir, et que je ne fusse son amant ; que par conséquent elle ne me faisait pas l’injure de penser que je ne ferais pas tous mes efforts pour ramener le duc de Choiseul à la tête du ministère. J’assurai madame de Gramont qu’elle ne saurait plus mal juger l’espèce de liaison que j’avais avec la reine ; que je n’étais nullement à portée d’intriguer ni de lui donner des conseils ; et que, quand j’aurais sur elle une influence que je n’avais pas, je lui étais trop attaché pour la porter jamais
à se mêler des ministres du roi ; que tout le monde savait combien j’étais dévoué à M. le duc de Choiseul, et que, quand je le pourrais, je croirais lui rendre un très-mauvais service en le mettant à la tête des affaires. — Et pourquoi ? reprit madame de Gramont avec une grande vivacité. — C’est, lui dis-je, que M. le duc de Choiseul n’aurait plus maintenant qu’à perdre ; que le but des gens les plus ambitieux ne pouvait être que de réunir une grande réputation et une haute considération à de belles places et à une fortune considérable ; qu’il n’y avait pas en Europe de ministre qui eût joui d’autant de réputation et de considération; qu’il était peut-être le seul qui eût vu le prince qui l’avait exilé abandonné pour lui de ses courtisans même ; qu’en redevenant ministre, on le rendrait peut-être responsable des événements malheureux amenés par les fautes de ses prédécesseurs. —M. le duc et madame la duchesse de Choiseul furent de mon avis ; mais madame de Gramont continua de répéter avec chaleur que tous ceux qui aimaient M. de Choiseul devaient désirer le voir encore gouverner un grand royaume, et dans tous les genres augmenter sa, fortune. Je ne me laissai pas persuader ; malgré son attachement pour la reine, je ne pouvais me dissimuler tous les inconvénients qu’aurait pour elle M. de Choiseul subjugué par une femme aussi impérieuse que sa soeur. On continua de me fort bien traiter à Chanteloup. où je restai encore quelques jours; mais madame de Gramont me jura une haine éternelle.»
A notre connaissance, jamais cet extrait n’est apparu aussi complet dans aucune biographie consacrée à Marie-Antoinette. Seule l’histoire de la plume de héron ornant la coiffure de la jeune et jolie reine a intéressé ses biographes, soulignant seulement dans quel embarras elle se retrouve vis-à-vis d’un grand séducteur.
Or ici, il est explicitement dit que tout est orchestré de Chanteloup, lieu d’exil de l’ancien ministre de Louis XV et dont la soeur ne cache pas l’ambition.

Il ne faut pas pour autant prendre pour argent comptant ces mémoires. Dans ce genre littéraire, le héros ou l’héroïne qui raconte sa vie se donne toujours le beau rôle, exagère, ou invente carrément. D’autant plus que Lauzun mort guillotiné en 1793 n’a pas eu le temps de rédiger ses mémoires mais a laissé des papiers épars repris et certainement complétés par une main anonyme. Si cette personne a inventé de toute pièce cette scène, cela signifie aussi qu’elle avait connaissance, entre la Terreur et l’Empire, temps de la rédaction, que le parti du duc de Choiseul avait bien projet plus ou moins certain ou peut-être relevant de la rumeur, de donner un amant à la Reine, un amant qui saurait manipuler Marie-Antoinette, elle-même manipulant Louis XVI.
Marie-Antoinette est ici clairement l’enjeu de la lutte entre les deux bords politiques qui s’opposent depuis le règne de Louis XV. D’un côté le parti anti-autrichien, plus ou moins représenté par Mesdames, dit aussi le parti dévot, héritier de la ligne du Dauphin père de Louis XVI, de l’autre les choiseulistes que Marie-Antoinette soutient ostensiblement depuis son mariage. Les anti-autrichiens financent la campagne de calomnies contre la jeune reine, lui attribuant des amants les plus improbables (dont le prince de Lamballe décédé en 1768 !). Avec ce passage, nous découvrons que le parti choiseuliste n’est pas en reste car lui souhaite réellement lui donner un amant, non seulement le moins discret mais surtout à leurs bottes. Ainsi, Choiseul, et surtout sa soeur (qui n’a jamais digéré avoir été évincée par madame du Barry auprès de Louis XV dont elle se rêvait favorite) pensent pouvoir manipuler la jeune Reine et de là son époux le Roi, pauvre benêt qui cède à tous les caprices de sa femme.
Comment aucun biographe, historien n’a-t-il pu évoquer ce fait ? Même les Girault de Coursac l’occultent, eux dont la thèse principale est de montrer Marie-Antoinette comme la créature des choiseulistes amenée à dominer son mari ? Les Girault de Coursac ont aussi un autre cheval de bataille : ignorer les mémorialistes, à leurs yeux tous menteurs, flagorneurs ou apocryphes. On ne peut leur donner entièrement tort sur ce point mais même si Lauzun n’a jamais écrit cela de lui-même, même si jamais la cour concurrente de Chanteloup n’a jamais fomenté un tel complot, il était une évidence pour l’auteur post-Lauzun de ces mémoires rédigées entre la Terreur et la Restauration que les choiseulistes voulaient donner à Marie-Antoinette un amant de leur parti, puissant et célèbre dans toute l’Europe.
On lit bien avec ce passage et ceux précédents que Marie-Antoinette est en effet terriblement embarrassée. Elle se sait l’enjeu de ces partis. D’un côté ceux qui veulent la voir «repasser la Barrière», mettant fin à l’alliance avec l’Autriche car reine pourvue d’amants aux yeux du public et de l’autre ceux qui veulent effectivement lui donner un amant bien réel afin de retrouver ou renforcer leur pouvoir. Marie-Antoinette se sait piégée et doit en même temps ménager ses amis choiseulistes qu’elle croit être ses seuls soutiens à la cour. D’où son port de la plume de héron au Grand Couvert.
Le 18 mai 1777
Joseph II est présent à la cérémonie de l’Ordre du Saint-Esprit. Il y rencontre Choiseul revenu de ses terres pour l’occasion, qu’il traite avec bonté. Il lui tend la main et disant :
« Je suis charmé d’avoir le plaisir de vous voir avant mon départ. Comment vous trouvez-vous de la vie libre, tranquille, de la campagne, après les fatigues actives du ministériat?
_ Très bien, Sire.»
Il lui parle longuement mais d’objets indifférents. Apercevant l’oreille attentive que le Roi prête à cet échange, Joseph II s’en va le retrouver en lui disant que « Monsieur de Choiseul est une ancienne connaissance qu'(il) retrouv(ait) avec plaisir».
Le duc sera mécontent d’avoir tiré si peu parti du séjour de l’Empereur.
Joseph II rapporte le fait au Roi et à la Reine l’après-midi. Il rapporte que si Choiseul avait été en place, sa tête inquiète et turbulente aurait pu jeter le royaume dans de grands embarras. Le Roi applaudit à cette observation, mais cela déplaît à la Reine.

Accaparé par la lecture, Choiseul délaissait souvent sa femme. Celle-ci lui confie un jour :
– Je voudrais être un livre, ce serait ma seule chance d’être feuilletée par vous tous les soirs.
– Je vous préférerais en almanach, ma chère, car je pourrais en changer tous les ans.
Le 20 mai 1777
Choiseul rend visite à l’Empereur à Paris, mais ne le trouve pas. Il semble que les deux hommes ne se reverront pas avant le départ de Joseph II.
En 1778
Les Choiseul reviennent à Paris et font édifier à Chanteloup la Pagode qui témoigne de la fidélité de tous ceux qui leur ont rendu visite pendant leur exil.


Célèbre pour avoir appartenu au duc de Choiseul qui s’y retire pendant sa disgrâce, le château de Chanteloup a été entièrement détruit au XIXe siècle. Il n’en reste qu’une spectaculaire et célèbre fabrique de jardin : « La Pagode » ou « Folie du duc de Choiseul » ou encore « Monument dédié à l’Amitié » (construction en 1775), monument de 44 mètres de haut, supporté par un péristyle de seize colonnes et seize piliers. Chacun des sept étages est construit en coupole).



Le 27 novembre 1769

Le 23 août 1780
Décès de Marie de Vichy-Chamrond (ou Champrond), marquise du Deffand (1696-1780), à Paris.
Quand, pendant son l’agonie, elle entendit son secrétaire étouffer ses pleurs, elle lui adressa ces derniers mots : « Vous m’aimez donc ? » On peut penser qu’il avait quelque amitié pour cette vieille femme qui avait été un des meilleurs écrivains de son temps, à la fois intelligente, pénétrante et sceptique.
Elle laisse, à sa mort, une correspondance fascinante représentative de l’esprit du XVIIIe siècle français.

Le 8 mai 1785
Décès de Choiseul au château de Chanteloup.
Après le service à Paris, le corps est transféré à Amboise. Le duc est enseveli dans le nouveau cimetière d’Amboise, qu’il avait donné à la ville et qui avait été béni le 26 mai 1775.

Après la mort de son époux qui ne lui laisse que des dettes en 1785, Louise Honorine de Choiseul se retire au couvent des Récolettes, rue du Bac, à Paris.
En 1791
Alors que la Révolution supprime les couvents, elle s’installe définitivement rue Saint-Dominique.
En 1794
Madame de Choiseul est arrêtée sur l’ordre du Comité de sûreté générale. Elle reste six mois dans la prison des Oiseaux mais elle échappe à la guillotine.
Elle intervient auprès de Bonaparte pour que son neveu le comte de Choiseul-Stainville soit radié de la liste des émigrés.
Le 3 décembre 1801
Louise Honorine de Choiseul meurt dans le plus grand dénuement. La postérité retient la figure d’une femme exemplaire, qui n’a pas sacrifié à la mode de la sensibilité, ainsi que la qualité de sa correspondance échangée avec Madame du Deffand et l’abbé Barthélemy .

Sources :
- BERTIERE, Simone, Les Reines de France au temps des Bourbons, tome 3 : La Reine et la favorite, éditions de Fallois, Paris, 2000, 559 p. + 32 p. de planches illustrées
- BERTIERE, Simone, Les Reines de France au temps des Bourbons, tome 4 : Marie-Antoinette L’insoumise, éditions de Fallois, Paris, 2002, 735 p. + 32 p. de planches illustrées
- COTTRET, Monique, Le duc de Choiseul, l’obsession du pouvoir, Taillandier, Paris, 2018, 432 p.
- GIRAULT DE COURSAC, Pierrette, L’éducation d’un roi, Louis XVI, l’O.E.I.L François-Xavier de Guibert, Paris, 1995 (seconde édition), 351 p.
- GIRAULT DE COURSAC, Paul et Pierrette, Louis XVI et Marie-Antoinette, vie conjugale, vie politique, l’O.E.I.L François-Xavier de Guibert, Paris, 1990, 868 p.
- LEVER, Evelyne, Marie-Antoinette, Fayard, Paris, 1991, 746 p.
- PETITFILS, Jean-Christian, Louis XVI, Perrin, Paris, 2005, 1 116 p.
- PETITFILS, Jean-Christian, Louis XV, Perrin, Paris, 2014, 900 p.