Jean-Balthazar d’Adhémar
Le 6 février 1736
Naissance, dans de pauvres conditions, à Nîmes, de Jean-Balthazar d’Adhémar. Il est le fils de Balthazard d’Adhémar (1685-1761) et de Marie de Cambis de Fons (née vers 1715).
Le comte d’Adhémar doit, pour faire reconnaître ses droits et recueillir les honneurs de la Cour, faire preuve de patience et de ténacité.
En 1746
Jean-Balthazar entre dans le régiment de Rosen.
En 1747
Adhémar passe lieutenant dans le régiment de Rouergues.
En 1755
Il est fait capitaine dans le régiment de Rouergues.
En 1757
Adhémar devient aide-major dans le régiment de Rouergues.
En 1761
Décès de son père, Balthazard d’Adhémar (1685-1761).
En 1762
Jean-Balthazar est nommé major de la citadelle de Nîmes.
Jean-Balthazar d’Adhémar par Carmontelle
En 1765
Il finit par s’imposer à la Cour de Louis XV (1710-1774) ; il a droit aux honneurs de la Cour, est fait colonel de Chartres infanterie en 1765, , étant appelé le comte d’Adhémar depuis 1767.
D’autres sources en font un véritable aventurier. Ainsi, « devenu de son propre fait vicomte d’Adhémar […] il se fit recommander par Vaudreuil, et le clan Polignac, subjugué par son savoir-faire, intrigua pour lui obtenir le commandement du régiment de Chartres-Infanterie. »
En 1772
Adhémar se marie, par l’entremise du comte de Ségur à Gabrielle Pauline Bouthillier de Chavigny (1735-1822), veuve du marquis de Valbelle, et confortablement riche. Elle est dame du palais de la Reine Marie Leszczynska (1703-1768) d’abord, puis tout naturellement « dame pour accompagner » la Dauphine Marie-Antoinette.
Miniature représentant la comtesse d’Adhémar
Ecole française du XVIIIe siècle. » La Comtesse d’Adhemar en buste de face » (dame d’honneur de la Reine Marie-Antoinette).
Miniature ronde sur ivoire, cerclée de cuivre doré ciselé. Diamètre : 5,7 cm. Cadre en bois. Porte un billet manuscrit collé au dos : » Comtesse d’Adhemar, née du Bouthilier, dame d’honneur des deux dernières Reines, Marie Leszczynska et Marie-Antoinette « . B.E.
La comtesse d’Adhémar : la riche veuve comtesse de Valbelle née de Bouthilier de Chavigny, épouse un aventurier, Jean- Balthazar Montfalcon, qui adopte le prestigieux nom de Comte d’Adhemar. Il est un ami de la duchesse de Polignac. La comtesse sera l’auteure des très intéressants » Souvenirs sur Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche, Reine de France, et sur la Cour de Versailles « , publiés seulement en 1836. La plume de la comtesse est alerte. Acérée et pointue le plus souvent. Le livre est un pamphlet, avec pour cible le duc d’Orléans, dépeint comme l’organisateur machiavélique des « événements affreux qui ont couvert la France de sang et de deuil ».
Adhémar résolut d’arriver par les femmes et épouse une riche veuve, Madame de Valbelle, laquelle perd patience face aux infidélités de son mari et se fait dévote :
« […]dernière métamorphose des femmes tendres, dont le cœur accoutumé à être rempli par un objet , finit par l’être de Dieu, parce que c’est le seul qui leur reste.«
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczynska.
Marie Leszczynska par Jean-Marc Nattier
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Marie-Antoinette par Ducreux
Le mariage vu par Sofia Coppola (2006)
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait 64 ans.
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI
Louis XVI à Reims
Jean d’Adhémar est un membre influent du clan Polignac_ il jouit de l’entière confiance de la «Duchesse Jules».
« Les vrais amis de madame de Polignac souffrent de l’ascendant qu’a pris sur elle monsieur d’Adhémar ; ils voient dans cette faiblesse une nouvelle preuve de la franchise et de la solidité des affections de cette jeune femme. Elles croit des vertus à son ami, elle croit à son attachement et y tient sans autre calcul que celui d’aimer qui nous aime. »
Marc de Bombelles
Yolande de Polignac Au chapeau de paille par Élisabeth Vigée Le Brun (1783)
Le soi-disant Adhémar n’est , selon Ghislain de Diesbach, qu’un aventurier qui a fait fortune grâce à son esprit et à son entregent.
Il naît pauvre à Nîmes et sa carrière semble devoir s’arrêter à un rang de capitaine dans le régiment de Rouergue, d’autant que des rhumatismes goutteux le font souffrir grandement.
Sa santé rétablie , il monte à Paris où il est protégé par les Ségur.
Besenval trace de lui un portrait charge :
«Né avec une ambition démesurée, il avait de plus les qualités nécessaires pour les mettre à profit ; une jolie figure , l’esprit doux, insinuant, et de conduite, il ne montrait point assez de génie pour offusquer , ni des qualités assez brillantes pour être craint. Ne sortant point du rôle et du caractère de protégé , il n’effarouchait personne et parvenait ainsi à ses fins sans qu’on cherchât à le barrer.»
Image de Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick : cet uniforme irlandais ressemble à celui que portait le régiment de Rouergue
Adhémar réussit à devenir chevalier d’honneur de Madame Élisabeth.
Madame Élisabeth par Élisabeth Vigée Le Brun
En 1778
Il est nommé ministre du Roi à l’ambassade de Bruxelles, où on le retrouve comme membre agrégé de la loge très aristocratique de l’Heureuse Rencontre (Tableau de 1777, cité comme absent en 1786), où il côtoie de grands seigneurs comme le Prince de Ligne, « l’enchanteur de l’Europe » ou des membres des Lignages de Bruxelles.
En 1780
Le cercle Vaudreuil-Polignac obtient pour M. d’Adhémar le commandement du régiment de Chartres-Dragons et tenta de mettre en avant sa candidature au porte-feuille de ministre de la Guerre. C’est Ségur qui est nommé. La Reine préfère soutenir Breteuil et non le comte d’Adhémar , quelques années plus tard pour prendre la tête de la maison du Roi.
Marie-Antoinette
Marie-Antoinette apprécie cependant la compagnie du comte et il est l’un des piliers de la troupe des Seigneurs qui joue à Trianon.
Le 1er mars 1780
Monsieur d’Adhémar est fait brigadier d’infanterie.
Le 12 octobre 1780
Dans Le Devin du Village de Rousseau, malgré son âge , il chante, d’une voix que d’aucuns disent chevrotante, d’autres excellente, le rôle du jeune héros, Colin , face à la Colette de Marie-Antoinette.
Cela ne manque pas d’ajouter à son ridicule, selon les plaisants du temps, et de petits vers se moquent de ce nouveau rôle :
Chevalier d’industrie
Major d’infanterie
Colin de comédie
C’est Monsieur d’Adhémar.»
Le 31 décembre 1780
Bombelles juge sévèrement le comte d’Adhémar, alors qu’on parle de quatre personnes pour remplacer M. de Montbarrey [au ministère de la Guerre]. Ce sont MM. ce Ségur, du Châtelet, de Vogüé et d’Adhémar.
«Malgré de fortes raisons pour douter que le nom d’Adhémar pût être justement celui de M. le major de Nîmes, il arriva à Paris, il y fut accueilli par M. de Vaudreuil. Plusieurs dames venaient de lire les lettres de Mme de Sévigné ; c’était un trop grand bonheur de retrouver un parent de cette fille qu’elle aimait tant, pour regarder de près à la généalogie. L’enthousiasme porta M. d’Adhémar. On voulut que M. le duc d’Orléans lui donne le commandement de son régiment de Chartres. Le nouveau colonel déploya les talents d’un bon major, il fit de sa troupe un ensemble parfait de ces machines à ressort qu’on appelle des soldats prussiens. Ce qui ne déserta pas subit les règles d’une discipline qui ne peut convenir à la nation française. Cette nouvelle méthode ayant perdu de son mérite après la retraite de M. de Choiseul, les faiseurs (c’est ainsi qu’on appelait les colonels comme M. d’Adhémar) furent obligés de chercher d’autres moyens de faire parler d’eux. Le chef du régiment de Chartres voulut aligner à ses vues la politique comme son bataillon.
Il me communiqua ses projets. Je l’encourageai à les suivre parce qu’au milieu de beaucoup d’ignorance je remarquai de l’esprit. Peu de temps ensuite M. d’Adhémar[suivit] un cours de Droit public à Strasbourg. J’étais dans le secret de ce genre de travail, qui consistait à entendre pendant une heure par jour un petit professeur, confus dans ses idées et auquel l’érudition la plus rebutante tenait lieu de bon sens. Après un pareil cour de trois mois, le superficiel élève d’un maître imbécile partit pour voyager. En six mois il vit la moitié de l’Europe, et je le retrouvais à Versailles décidant sur l’administration des principales Cours en homme qui croyait en connaître à fond les avantages et les défauts. Il était juste de mettre en évidence une telle justesse de coup d’œil et une aussi grande facilité dans les aperçus, M. d’Aiguillon nomma M. d’Adhémar au poste de ministre de France à Bruxelles. Est-ce dans cette place, dont la nullité est évidente, qu’il a puisé le grand art d’apprécier les choses, si nécessaires au chef d’un département comme celui de la Guerre en France ? Cette question est curieuse à résoudre.»
Marquis de Bombelles
Le 3 décembre 1781
Adhémar est fait maréchal des camps et armées du Roi.
En 1782
Le comte d’Adhémar acquiert les terres, seigneuries et châteaux de Thun et d’Évecquemont.
Esterhazy rapporte comment le cercle de la reine songea au comte d’Adhémar pour le ministère de la Guerre :
«... j’appris le désastre de Gibraltar et la banqueroute de M. de Guéménée. Une fièvre double que j’avais gagnée à Poitiers et qui me suivit en Auvergne me retint quelque temps dans cette province. A mon retour, la cour était à Choisy et je fus du voyage. M. de Montbarey quitta le ministère de la guerre ; il avait déplu à la reine eu donnant le gouvernement de Gravelines à M. de Pontécoulant, avant qu’elle eût eu le temps de le demander au roi pour M. de Vaudreuil , dont l’oncle, qui venait de mourir, en était pourvu. Un intervalle assez considérable s’écoula avant que le successeur de M. de Montbarey fut nommé. On voulait changer la forme de ce ministère, pour en charger sous un nom différent M. d’Adhémar, qui n’était que brigadier. Le projet transpira; on en fit tant de couplets et ce choix parut si ridicule que ceux qui l’avaient fait durent abandonner. La place fut donnée en 1782 à M. de Ségur, lieutenant général qui avait perdu un bras à la guerre de 1741, et qui avec un peu d’esprit avait fait de bonnes choses.»
Valentin d’Esterházy
Le comte d’Adhémar est préféré au duc de La Vauguyon pour aller résider en Angleterre en qualité d’ambassadeur.
« Vous connaissez par vous-même une partie de ce qu’il [le comte d’Adhémar] vaut, mais ce n’est pas du côté des agréments que je veux vous le faire connaître aujourd’hui. Je désire même que vous oubliiez ce qu’il a pu vous paraître à cet égard. Vous le trouverez simple, honnête, sûr dans la société, enfin rempli des qualités essentielles qui e n ont fait mon ami le plus intime, c’est à ce titre que je le recommande à vous, ma chère Georgina […] Je dois vous ajouter encore que, quoique la fortune ne l’ait pas bien traité jusqu’ici, il n’est pas moins de la plus grande naissance et qu’en le nommant à l’ambassade d’Angleterre, le roi n’a pas cru faire moins de justice à son nom qu’à son mérite.»
Yolande de Polignac à Georgiana de Devonshire
Georgiana, duchesse du Devonshire par Gainsborough (1787)
Le 3 mars 1783
Le 2 mai 1783
Le 10 mai 1783
Il est nommé ambassadeur à Londres, en remplacement du comte de Moustier. Pour quelles raisons ?
« Il avait eu le malheur d’ennuyer la reine : pour le punir, on lui avait donné une ambassade ».
Mémoires de Madame de Campan
Le comte d’Adhémar par Carmontelle
Sa principale mission à Londres est d’établir un terrain d’entente avec le ministère britannique, c’est-à-dire avec Charles James Fox (1749-1806) puis avec le Second Pitt (1759-1806), mais il s’avère assez vite peu fait pour cet emploi : le Roi ne peut pas attendre de son ambassadeur les moindres lumières, sur la vie politique anglaise.
James Fox
Il commet surtout une bévue inexcusable en soutenant maladroitement Fox, qu’il méprise pourtant quand il admire l’éloquence du jeune Pitt.
William Pitt
Le 4 juin 1783
On ne sait, à la lecture de la Correspondance Politique, s’il se passionne réellement pour la vie parlementaire anglaise, où si le déchiffrage – et la copie- des gazettes anglaises fournisse la matière de ses dépêches.
Le comte de Vergennes se plaint par ailleurs de son manque de disposition : le ministre lui fait remarquer que ses dépêches ne sont pas suffisamment soignées, qu’« elles sont écrites avec facilité, mais le style léger n’est pas celui de notre métier. » Sur le fond, elles sont chargées de détails de la vie parlementaire, inutiles au Conseil du Roi qui nécessite cependant à cette période des informations sûres venant d’outre-Manche.
A propos du comte d’Adhémar, Tilly écrit :
« faible en amour comme dans les affaires, il remplaçait auprès des femmes les grands moyens de séduction qui lui manquaient par de l’adresse et de la cajolerie«
Dès le le 31 mai 1784
Incompris du ministre des Affaires étrangères, le comte de Vergennes ( 1719-1787 ) Adhémar lui avait recommandé de profiter …
… « pour les affaires urgentes d’une majorité que le temps et les nouvelles taxes affaibliront sans doute. C’est pendant ce temps là, Monsieur, qu’il faut nous presser de leur faire dans l’Inde tout le mal politique qu’il nous sera possible. Il s’agit seulement de nous conduire avec dextérité, car ils sont fort chatouilleux et se tourmentent sans cesse de nos relations avec les Princes indiens… L’attaque sourde que nous devrions commencer dès aujourd’hui s’acheminerait d’autant, et nous aurions fait bien du mal aux Anglais avant qu’ils pussent ou qu’ils voulussent s’en apercevoir…. Ils s’amusent en Parlement à savoir si M. Fox a été bien ou mal élu. Profitons de tant de fautes, de tant d’inconséquences, de tant d’embarras réels, de tant d’imperfections constitutionnelles. Et tandis qu’ils se disputent l’autorité, qu’ils vont chercher les moyens de soutenir leur crédit et leur commerce, qu’ils bataillent contre l’Irlande, occupons-nous sans relâche des moyens sourds et destructeurs qui peuvent saper leur puissance dans l’Inde. Il est certain que ce vaste domaine est la source de la fortune particulière et publique. C’est donc ce qu’il faut attaquer… Détruisons d’un seul coup la source féconde de leurs richesses, éclairons l’Asie, et cette partie du monde brisera ses fers« .
Le comte de Vergennes par Callet
Le 31 mars 1785
Des soucis de santé – une crise d’apoplexie qu’il fait dans la chambre de la Reine d’Angleterre – le laissent fortement diminué et l’amenèrent à délaisser son poste d’ambassadeur.
M. de La Luzerne le remplacera en 1787.
Le 8 août 1788
Convocation des États-Généraux à Versailles pour le 1er mai 1789.
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Tableau de Jacques-Louis David
« Ce que nous ne comprîmes point, ce fut le Tiers. On ne s’imaginait pas à la Cour, qu’une lutte sérieuse pût s’établir, par exemple, entre MM. de Montmorency et Robespierre, le duc de Coigny et La Camus, le comte de Vaudreuil et Marat, le prince de Lambesc et Chapelier; cela fit notre malheur et nous perdit en tous points. N’accordant à ces hommes aucune importance, aucun crédit, on les méprisa tant que, forts de leur obscurité, ils nous frappèrent à découvert, nous qui n’étions que trop à découvert. »
La comtesse d’Adhémar
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Jean-François Balmer dans Les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 17 novembre 1790
Le comte d’Adhémar meurt en son château de Thun, près de Meulan dans les Yvelines …
Le château de Thun
Il aurait été conquis par les idées révolutionnaires et serait mort républicain et fou.
Sa disparition que le comte d’Artois annonce à Vaudreuil ne suscite que l’indifférence :
« Nous n’avons aucune nouvelle que par vous de la mort d’Adhémar, et j’en doute encore, parce que cette nouvelle s’était répandue il y a quinze jours, et s’est trouvée fausse. En conséquence, je n’en ai rien dit à Mme de Polignac. Je l’ai depuis longtemps perdu comme ami, et depuis quelque temps je ne plains que ceux qui vivent. »