
Le 20 octobre 1745
Naissance de François Augustin Reynier Pélisson, comte de Jarjayes (1745-1822) à Upaix dans le Dauphiné ( dans les Hautes-Alpes). Il est le fils de Jean-Antoine Reynier (1713-1779), seigneur de Jarjayes et de Marguerite Nicollet (†1762).
Le 4 octobre 1745
Dans l’acte de baptême, célébré par le prêtre Garin, son parrain est le baron de Reynier, seigneur d’Upaix et sous-lieutenant du Roi, et sa marraine est Anne Reynier, sa tante maternelle.
François est l’enfant d’une famille noble et respectable , dictée par les traditions militaires de la province du Dauphiné, au service de la couronne de France depuis des années.
Ses parents se sont mariés à Upaix le mardi 25 septembre 1736. Ils auront quatre filles et six garçons…
François commence sa carrière militaire en collaborant aux travaux topographiques du lieutenant-général Pierre-Joseph de Bourcet (1700-1780, lieutenant général des armées du Roi et commandeur de l’ordre de Saint-Louis).
Le 5 mai 1762
Décès de sa mère, Marguerite Nicollet à Jarjayes.
En 1769
Il devient aide de camp du lieutenant-général Pierre-Joseph de Bourcet ; poste qu’il conservera jusqu’en 1779.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

Marie-Antoinette par Ducreux


Le 11 septembre 1770
François de jarjayes épouse à Grenoble la nièce du général de Bourcet, Marie-Anne Louise Bourcet de la Saigne (1755-1786). fille de Jean-Baptiste de La saigne Bourcet, sergent et directeur des fortifications Corse, elle n’a que quinze ans. Elle est de neuf ans sa cadette. Ils auront deux enfants.
Son frère, Pierre-Jean de Bourcet (1752-1822), est un militaire, un magistrat et un diplomate français qui sera premier Valet de chambre du Dauphin, Louis-Joseph (1781-1789), premier fils de Louis XVI et Marie-Antoinette. Il joue un rôle important dans l’organisation et la réalisation de la fuite vers Montmédy qui s’arrêtera à Varennes en 1791.

Le comte de Bourcet et sa famille par Landon, 1791
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles à trois heures et quart de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.

La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »

Louis XVI et Marie-Antoinette par Jean-Joseph Bernard
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Louis XVI à Reims
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde (1759-1802), Gros Madame, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne (1751-1819), frère des comtesses de Provence et d’Artois.

Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée « Mousseline » par la Reine.

En 1779
François est promu à l’état-major de l’armée avec le grade de colonel.
Le 22 octobre 1781

Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François premier Dauphin
Le 27 mars 1785
A sept heures et demi du matin, naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.

Louis-Charles, duc de Normandie par Élisabeth Vigée Le Brun
Le 15 août 1785
Le cardinal de Rohan est arrêté à Versailles devant toute la Cour dans le cadre de l’Affaire du Collier: on le soupçonne d’avoir voulu flétrir l’honneur de Marie-Antoinette. Les proches des Rohan et les ecclésiastiques sont outrés.
Le 31 mai 1786
Le Parlement acquitte le cardinal de Rohan dans l’Affaire du Collier mais madame de La Motte est condamnée à être marquée au fer rouge et détenue à perpétuité.

Le 9 juillet 1786
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette.

Sophie-Hélène-Béatrix de France par Élisabeth Vigée Le Brun
Le 2 octobre 1786
Décès de son épouse Marie-Anne Louise Bourcet de la Saigne (1755-1786).
Fin 1786
François de Jarjayes se remarie, à Livry, avec Louise Marguerite Émilie Henriette Quetpée de Laborde (1760-1837), veuve de Hinner, harpiste allemand célèbre et musicien et maître de harpe de Marie-Antoinette. Elle devient l’une des deux femmes de chambre survivancières de Marie-Antoinette qui lui marque la plus grande estime.

Philip Joseph Hinner – Maitre de harpe de Marie-Antoinette
Il ne faut pas confondre Louise Quetpée de La Borde (1760-1837), femme de chambre de Marie-Antoinette, avec Adélaïde-Suzanne de Vismes, l’épouse de Benjamin de La Borde, «dame du lit» de Marie-Antoinette.
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire.

Le 26 septembre 1787
Veuf , François se remarie à Livry (Seine-et-Oise) avec une des femmes de chambre de la Reine Marie-Antoinette, Louise Marguerite Émilie Henriette Quetpée de Laborde (1760-1837), elle-même veuve de Philippe-Joseph Hinner (décédé à Versailles le 14 avril 1784, à tout juste trente ans ), harpiste de la Reine, et mère de Louise Antoinette Laure Hinner, future Laure de Berny, amie d’Honoré de Balzac (1799-1850), qui est la filleule du Roi et de la Reine.
Le travail de son épouse consiste à superviser la mise en œuvre du service d’étage entier : commandes de la Reine, le lever, la toilette et les sorties.
Responsable de la location des diamants de la Reine, Marie-Antoinette a une confiance aveugle en elle qui lui reste fidèle jusqu’à la fin. Un jour, Madame de Jarjayes aurait amené à la cour, en présence de la Reine, le premier enfant de Monsieur Benoit Reynier, le frère cadet du chevalier. Marie-Antoinette aurait alors dit:
«Eh bien! Je veux faire un cadeau à la jeune mère, «Demandez de remettre à Madame de Jarjayes pour sa belle-sœur, deux tasses de Sèvres!»… qui sont toujours précieusement conservées dans la famille.
Ce mariage a un intérêt vital car de ce fait ,François peut approcher le Roi et la Reine. Il peut entrer dans leur intimité et gagner leur confiance. Il fait alors partie de la noblesse dite de Cour.

François Augustin Reynier de Jarjayes
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.


Y sont réunis tous les protagonistes de la Révolution future…
Jean-François Balmer est Louis XVI dans Les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Tableau de Jacques-Louis David
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.

Le 15 juillet 1789
Rappel de Necker sous la pression populaire.
Le 16 juillet 1789
Le comte d’Artois et les Polignac émigrent sous les conseils de la Reine: la duchesse est très impopulaire; on la juge débauchée et intéressée.

Madame de Tourzel (1749-1832) devient Gouvernante des Enfants de France.
Le 17 juillet 1789
Réception de Louis XVI à l’Hôtel de Ville de Paris.
Peinture monumentale de Jean-Paul Laurens (vers 1887)
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.
Eau-forte, vers 1817, de Paul Jakob Laminit (1773-1831)

Le peuple croit à une orgie antidémocratique…
Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin
Marie-Antoinette dort. Le bruit que font des gens sous Ses fenêtres La réveille. Elle sonne, Madame Thibault, Sa première femme de chambre en quartier :
– Que se passe-t-il?
– Ce sont-là des femmes de Paris qui n’ont pas dû trouver à se coucher, répond Madame Thibault.
Marie-Antoinette cherche à se rendormir…
A six heures du matin
Comme mus par un signal convenu, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes se rassemblent en rangs serrés. Menaçante, la foule s’approche du château et un groupe s’engouffre dans la cour par la grille de la chapelle, restée mystérieusement ouverte. Les gardes du corps sont débordés. La meute se dirige vers les appartements de la Reine ( comment en connaissent-ils la voie? On dit que le duc d’Orléans faisait partie de la foule pour la leur indiquer…) en hurlant.
Assaut du château en haut de l’escalier de la Reine dans Les Années Lumières (1989)
Les femmes de la suite de la Reine, Mesdames de Jarjayes, Thiebault et Auguié, qui ont veillé toute la nuit, ferment à double tour les portes de la Salle des Gardes et des deux Antichambres. Elles réveillent la Reine. qu’elles arrachent à demi-vêtue (Madame Thiebault Lui passe une jupe et Elle se trouve dans l’appartement du Roi en tenue du matin très modeste… Elle se changera pour partir vers Paris) . et Lui font emprunter, en toute hâte, le passage secret à la tête du lit de Sa chambre officielle qui conduit chez le Roi.

Les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée.

La famille royale est ramenée de force à Paris.

Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
Dès 1790
Jarjayes est envoyé en mission secrète à Turin auprès du comte d’Artois de la part du Roi. Il doit engager le Roi de Sardaigne à employer ses bons offices et, s’il est nécessaire, son autorité, pour s’opposer à la continuation des manœuvres des émigrants, «contraires au devoir de bon voisinage et qui doivent blesser ses sentiments particuliers» ainsi que l’indique Alexandre de Lameth..
A cette époque, Jarjayes a le grade de lieutenant-colonel aide maréchal des logis de l’armée.
Entre 1790 et 1793
Le comte de Jarjayes est en mission auprès d’Axel de Fersen (1755-1810).

Le 12 juillet 1790
Constitution civile du clergé.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.

Le 4 septembre 1790
Démission de Necker
Le 1er janvier 1791
Projet d’évasion de la famille royale (plan de Fersen, Bouillé et Breteuil) …
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire qui partent pour Rome.

Le Roi doit intervenir pour qu’elles soient autorisées à quitter le territoire français.
Le 1er avril 1791
Décoré de l’Ordre de Saint-Louis, Jarjayes est nommé par Louis XVI adjudant général colonel et directeur adjoint au dépôt de la guerre. Ayant su gagner la confiance des souverains, le chevalier est chargé par eux de diverses missions secrètes en France ou à l’étranger.
Le 18 avril 1791
La Famille Royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud.
Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.
Michèle Morgan et Richard Todd dans le film de Jean Delannoy ( 1956)
Le 22 mai 1791
Jarjayes obtient les galons de maréchal de camp.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Le 21 juin 1791

Hanna Schygulla, dans La Nuit de Varennes (1982) d’Ettore Scola interprète une comtesse de Laborde, prénommée Sophie, mais qui ne peut qu’être l’épouse de François de Jarjayes…
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Barnave est envoyé par l’Assemblée, en compagnie de Pétion (1756-1794) et de Latour-Maubourg (1756-1831), pour ramener la famille royale à Paris.
Les trois députés rejoignent la berline royale au lieu-dit du Chêne fendu, sur la commune de Boursault.
La Reine, le Dauphin, Barnave et le Roi dans la berline du retour de Varennes
Barnave est envoyé à la rencontre de la famille royale après la fuite interrompue à Varennes. Pendant les trois jours que dure le voyage de retour, il est touché par la dignité de la Reine, et le petit Dauphin fait une partie du voyage sur ses genoux. Face au grossier Pétion, qui croit avoir séduit Madame Elisabeth, Marie-Antoinette trouve au jeune commissaire une réserve qui Lui paraît de bon aloi.
Madame Elisabeth, Pétion, Madame de Tourzel et Madame Royale leur font face
Le Roi est suspendu.
Marie-Antoinette entame avec lui une correspondance secrète par l’intermédiaire du chevaliers de Jarjayes (1745-1822). Antoine Barnave entre alors en correspondance suivie avec la souveraine et La rencontre à plusieurs reprises. Malgré un échange de lettres quasi quotidien pendant de nombreux mois, les différents projets ne se concrétisent pas.
Pour des raisons de prudence, c’est Jarjayes qui écrit à la place de Barnave , soit sous sa dictée, soit en recopiant un texte préparé. Barnave rejoint alors les monarchistes constitutionnels du club des Feuillants, ce qui lui vaut la haine du peuple parisien et des jacobins lesquels dénoncent « Barnave noir derrière, et blanc devant ».

La comtesse de Jarjayes permet d’acheminer cette correspondance, du moins dans les premiers temps, quand la Reine est sous étroite surveillance aux Tuileries, après le retour de Varennes, c’est-à-dire pendant environ trois mois. Femme de chambre de Marie-Antoinette, jouissant d’une entière confiance, elle donne à son mari les lettres destinées à Barnave, et remet à la Reine les lettres en réponse de Barnave, apportées par le comte.

Marie-Antoinette écrit la lettre sur une table placée près de Son lit, et la cache sous un livre. Sur un signe convenu, la comtesse s’approche , fait semblant d’effectuer un rangement ; elle s’empare de la lettre en tournant le dos à la porte et la glisse dans son corsage.
Jane Seymour dans Les Années Lumière (1989)

Quand son mari vient, elle se jette dans ses bras et, pendant qu’ils s’étreignent, elle place la lettre dans la poche du comte. Celui-ci, dès qu’il le peut, se rend auprès de Barnave à qui il remet la missive royale. Ce dernier, après en avoir pris connaissance, dicte sa réponse au comte de Jarjayes, qui l’apporte à sa femme, laquelle la remet discrètement à Marie-Antoinette.
Il existe, bien sûr des variantes à ce scénario, toutes les façons d’agir ont pour but de déjouer la surveillance.
Geneviève Casile dans Marie-Antoinette (1975) de Guy-André Lefranc
Michèle Morgan est Marie-Antoinette (1956) pour Jean Delannoy
Dans certains cas, Marie-Antoinette donne des instructions précises à Son agent :
« Je désire, par l’attachement que je vous connais pour ma personne et pour le bien public, que vous cherchiez à voir M. Barnave et que vous lui disiez que … »
A partir de juillet 1791
On envoie Jarjayes en mission auprès de Barnave (1761-1793).

Le 15 juillet 1791
Barnave prononce devant l’assemblée un discours sur « L’inviolabilité royale, la séparation des pouvoirs et la terminaison de la Révolution française ». Il exhorte le roi, par l’entremise de sa correspondance avec Marie-Antoinette, à se rallier sincèrement à la Constitution, à condamner les menées des émigrés, et obtenir de l’Empereur Romain Germanique,, frère de la Reine, la reconnaissance du nouveau régime.
Fin juillet 1791
Marie-Antoinette écrit au comte de Jarjayes pour lui demander d’intervenir auprès de Barnave dans un but déterminé :
« Je n’ai qu’un moment à moi. Vous pouvez dire que je serai bien aise que ces Messieurs m’envoient un mémoire ou un projet de lettre pour l’empereur [d’Autriche]. Vous leur rappellerez, en même temps, le peu de moyens que j’ai, tant pour écrire que pour persuader mon frère, la confiance n’ayant jamais existé entre nous.»
Marie-Antoinette archive la correspondance avec beaucoup de méthode en donnant un numéro d’ordre aux lettres de Barnave et aux siennes propres. Elle ajoute parfois une note explicative :
« Ayant eu le consentement de l’agent de garder son écriture, je ne copierai plus, désormais, et je me bornerai à quelques notes aux numéros qui en auront besoin.»
Le 2 août 1791
Jarjayes est nommé directeur général du dépôt de la Guerre.
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.

Le 1er octobre 1791
Première séance de l’Assemblée législative.
Le 5 octobre 1791
Entrevue secrète de Barnave avec Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette joue manifestement un double jeu. Elle cherche en effet avec l’énergie du désespoir à sauver Sa famille et la monarchie. Bien qu’en réalité Elle n’adhère pas aux idées de Barnave concernant la soumission du Roi à la constitution, Elle se montre touchée et intéressée par les arguments de ce dernier. Elle écrit ainsi à Mercy (1727-1794) en parlant de Barnave et du club des Feuillants :
« Quoiqu’ils tiennent toujours à leurs opinions, je n’ai jamais vu en eux que grande franchise, de la force et une véritable envie de remettre de l’ordre et par conséquent l’autorité royale. […] Quelques bonnes intentions qu’ils montrent, leurs idées sont exagérées».
En écrivant à Son frère, Léopold II, Elle mentionne également l’éloquence captivante de Barnave.
Le 31 octobre 1791
Décret contre les émigrés, invités à revenir en France sous peine de confiscation de leurs biens.
Le 29 novembre 1791
Décret faisant des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé des “suspects”.
Le comte de Jarjayes est plus qu’un courrier, plus qu’un porte-plume : la Reine le charge parfois de fournir à son correspondant quelques explications verbales.
Le 15 novembre 1791
Marie-Antoinette mande à Barnave :
« La personne pourra dire tout ce qui s’est passé à l’occasion de M. de Narbonne [candidat au poste de ministre de la Guerre]. Il est clair qu’un arrangement de quelques intrigants … »
Il arrive une fois que le comte de Jarjayes écrive à la Reine pour Lui faire, de la part de Barnave et de ses amis, communication d’une extrême urgence au cours de la nuit. La lettre est remise par l’intermédiaire de la comtesse :
« A la Reine, samedi à huit heurs du matin
Ces Messieurs m’ont écrit à quatre heures du matin , pour me charger de faire savoir à la reine, au moment de son lever, qu’un message du Roi à l’Assemblée serait plus avantageux et plus convenable que s’il y allait lui-même.»
Le 1er décembre 1791
François-Augustin de Jarjayes, maître de camp, conseille à Marie-Antoinette de faire porter à la garde du Roi un uniforme aux trois couleurs qui sont aujourd’hui les trois couleurs françaises. Il préconise que la garde du Roi, déjà en bleu et blanc, change son collet jaune en rouge, le jaune étant la couleur de l’armée des émigrés à Coblentz. Sinon il faut s’attendre à une fermentation populaire :
« Faut-il perdre un royaume pour des couleurs, pour mille détails frivoles, alors même que pour le conserver, on s’arme de tant de constance et l’on fait tant de sacrifices ? On a le peuple français avec des rubans, avec des propos, avec des souris ; on perd également par de petites choses.»
Le 2 décembre 1791
La Reine répond ceci à Jarjayes :
« Il est impossible de changer davantage l’uniforme de la garde du Roi : tous les ordres pour les fournitures sont faites . On s’est d’autant plus pressé qu’il est essentiel que cette garde puisse, au moins en partie, commencer son service au mois de janvier. L’inconvénient du bleu céleste (qui ressemblait aux régiments étrangers) étant levé, le jonquille ne peut pas en avoir , puisque tout le monde sait que les grenadiers de France étaient ainsi et que, pour se rapprocher des couleurs de Coblentz, il faudrait prendre le ventre de biche. Quant aux trois couleurs, les cocardes, les cravates et tout ce qui est d’ordonnance pour les troupes de ligne étant suivi exactement, il n’y a pas un mot à dire. La cavalerie et :l’infanterie seront habillées de même, à quelques différences prêts. Cette uniformité paraît plus noble, plus imposante et surtout moins chère.»
Le 3 décembre 1791
Cette réponse vaut à la Reine cet avertissement de Jarjayes :
« Les trois couleurs mettent le peuple avec le roi contre les jacobins, le jaune met le peuple avec les jacobins contre le roi ; il n’y a rien à espérer, lorsqu’on balance entre un royaume et un uniforme.»
Image des Années Lumière (1989) de Robert Enrico
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Le 26 décembre 1791
Jarjayes écrit en son nom propre à la Reine ( lettre n°42) et s’adresse à Elle en utilisant la formule «Sa Majesté».
Le 13 février 1792
Visite clandestine de Fersen aux Tuileries : il rencontre le Roi et la Reine.
Le 25 mars 1792
Ultimatum de la France sur l’Autriche.
Le 20 avril 1792
Déclaration de guerre au Roi de Bohême et de Hongrie, François II.
Le 22 mai 1792
Jarjayes est promu au grade de maréchal de camp.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 20 juin 1792


La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
Le Roi refuse.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 3 août 1792
Une majorité de sections de Paris demande la déchéance de Louis XVI.
Le 10 août 1792
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.

Traversant le jardin des Tuileries, Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge grillagée du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logotachygraphe) , où ils restent toute la journée.
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses « de déposer à l’instant leurs armes« .

La position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du Roi est alors exécutée et l’on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le Roi sacrifie les Suisses en leur ordonnant de rendre les armes en plein combat.

Des neuf cent cinquante Gardes suisses présents aux Tuileries, environ trois cents sont tués au combat ou massacrés en tentant de se rendre aux attaquants après avoir reçu l’ordre du Roi de rendre les armes en plein combat.

Le Roi est suspendu de ses fonctions.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles. Quatre pièces du couvent leur avaient été assignées pendant trois jours.



Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Massacre de la princesse de Lamballe
Massacres dans les prisons.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 3 décembre 1792
Pétion (1756-1794) renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis comparaît devant la Convention pour la première fois. Il est autorisé à choisir un avocat. Il demandera l’aide de Tronchet, de De Sèze et de Target. Celui-ci refusera. M. de Malesherbes (1721-1794) se portera volontaire.
Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.
Le lundi 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI

Le 2 février 1793
Anéanti par la journée du 21 janvier 1793, Jarjayes est chez lui lorsqu’un inconnu (Toulan, commissaire chargé de surveiller la famille royale au Temple) vient frapper à sa porte et lui remet ce billet de la Reine :
« Vous pouvez prendre confiance en l’homme qui vous parlera de ma part, en vous remettant ce billet. Ses sentiments me sont connus ; depuis cinq mois il n’a pas varié. Ne vous fiez pas trop à la femme de l’homme qui est enfermé ici avec nous : je ne me fie ni à elle, ni à son mari.»

Après la mort du Roi
Le comte de Jarjayes organise avec Toulan (1761-1794) et Lepitre (1764-1821) une tentative d’évasion de la famille royale enfermée au Temple qui prévoyait son embarquement au Havre à destination de l’Angleterre. Prévu pour début mars, ce plan échouera par la faute de Lepitre.
Jarjayes demande alors à Toulan de l’aider à s’introduire au Temple, pour rencontrer la Reine. Toulan souhaite que Jarjayes en demande tout d’abord la permission à la Reine, ce qu’il fait.
Marie-Antoinette répond alors à Jarjayes :
« Maintenant si vous êtes décidé à venir ici il serait mieux que ce fût bientôt. Mais mon dieu prenez bien garde d’être reconnu, surtout de la femme qui est enfermée ici avec nous.»

La Reine évoque madame Tison qu’on a placée auprès de la famille royale avec son mari pour la surveiller.

Repas de la famille royale en 1976 dans la série de Guy-André Lefranc : madame Tison se trouve en arrière-plan…
Adroit, Toulan fait pénétrer au Temple Jarjayes qui, ayant parlé à la Reine, fournit les fonds nécessaires. On se procure des voitures et des passeports; les fugitifs doivent gagner la Normandie puis l’Angleterre.
Elle poursuit dans un troisième message :
« Prenez garde à Madame Archi. Elle me paraît bien liée avec l’homme et la femme dont je vous parle dans l’autre billet. Tâchez de voir Madame Th.; on vous expliquera pourquoi. Comment est votre femme, elle a le cœur trop bon pour n’être pas bien malade.»

Gouache de Jean-Baptiste Mallet : Au centre, assise sur une chaise, se tient Marie-Antoinette, à Sa gauche, Madame Royale, vêtue de blanc sur un fauteuil, et le jeune Louis XVII qui se tient debout. Entre eux Madame Elisabeth. A droite de la composition, deux » municipaux » surveillent la scène.
Toulan transmet à Jarjayes ce message de la Reine :
« Votre billet m’a fait bien du bien. Je n avais aucun doute sur le Nivernais (il s’agit de Goguelat) mais j’étais au désespoir qu’on pût seulement en penser du mal. Ecoutez bien les idées qu’on vous proposera; examinez-les bien dans votre prudence. Pour nous, nous livrons avec une confiance entière. Mon dieu, que je serais heureuse et surtout de pouvoir vous compter au nombre de ceux qui peuvent nous être utiles! Vous verrez le nouveau personnage : son extérieur ne prévient pas , mais il est absolument nécessaire et il faut l’avoir. T… (Toulan) vous dira ce qu’il faut faire pour cela. Tâchez de vous le procurer et de finir avec lui avant qu’il revienne ici. Si vous ne le pouvez pas voyez M. de la Borde de ma part, si vous n’y trouvez pas de l’inconvénient. Vous savez qu’il a de l’argent à moi.»

Voici le cinquième message de la Reine à Jarjayes :
« En effet je crois qu’il est impossible de faire aucune démarche dans ce moment près de Monsieur de la B… toutes auraient de l’inconvénient. Il vaut mieux que ce soit vous qui finissiez cette affaire par vous-même si vous pouvez. J’avais pensé à lui pour vous éviter l’avance d’une somme si forte pour vous.»

Les plans de Toulan et Jarjayes suscitent l’espoir de la Reine :
« T… m’a dit ce matin que vous aviez fini avec le comm… Combien un ami tel que vous m’est précieux !».

« Je serais bien aise que vous pussiez aussi faire quelque chose pour T… ; il se conduit trop bien avec nous pour ne pas le reconnaître.»

Une fois hors du Temple, Toulan préconisait la fuite vers la côte, pour cela une vaste berline dans laquelle prendraient place Marie-Antoinette et les siens ainsi que Jarjayes et Lepître tandis que Toulan à cheval les précéderait afin de préparer l’embarcation qui devait les conduire outre Manche. Mais Marie-Antoinette leur rappelle Varennes et il est préféré l’emploi de trois cabriolets.

Jacques-François Lepître (1764-1821) nous a laissé son témoignage où l’on peut lire ceci :
« Nos dispositions étaient telles qu’on ne pouvait se mettre à notre poursuite que cinq heures après notre départ. Nous avions tout calculé, d’abord on ne montait à la tour qu’à neuf heures du soir pour mettre le couvert et servir le souper. La reine eut demandé qu’on ne servit qu’à neuf heures et demie. Frapper à plusieurs reprises, s’étonner de ne pas voir la porte s’ouvrir ; interroger la sentinelle, qui relevée à neuf heures ignorait ce qui s’était passé ; descendre à la salle du Conseil, faire part aux autres membres de la surprise qu’on éprouve, remonter avec eux, frapper de nouveau, appeler les sentinelles précédentes, ne recueillir que des notions vagues ; envoyer chercher un serrurier pour ouvrir les portes, dont nous eussions laissé les clefs en dedans ; ne réussir qu’avec beaucoup de peine et de temps, l’une de ces portes étant de bois de chêne et couverte de gros clous, la seconde de fer et toutes deux ayant des serrures telles qu’il fallait les jeter en dedans ou faire au gros mur une entaille considérable ; visiter les appartements, les tourelles, secouer violemment Tison et sa femme sans réussir à les réveiller ; redescendre à la salle du Conseil ; dresser un procès verbal, le porter au Conseil de la Commune, qui s’il n’eut pas été séparé, aurait perdu encore du temps en discussions inutiles ; envoyer à la police et chez le maire, aux comités de la convention, pour les mesures à prendre ; tout ce retard nous donnait les moyens de hâter notre fuite. Nos passeports bien en règle, puisque, alors président du Comité, je les eusse arrangés moi-même, ne nous laissaient aucune inquiétude pour la route, tant que nous conservions la supériorité de notre marche ».
Lepître raconte ceci en 1817, sous la restauration. En 1793, il est infiniment plus indécis. Il a déjà touché de Jarjayes une avance de 200 000 francs, il met une telle lenteur à faire établir les passeports que l’on atteint la date du 13 mars. En effet après la trahison de Dumouriez un demi-état de siège est proclamé et la commission des passeports reçoit l’ordre de ne plus délivrer de laissez-passer ! Ces événements rendent désormais impossible l’entière évasion des princesses et principalement celle de Louis-Charles sur lequel on exerce plus de surveillance. La même impossibilité n’existe pas encore de faire évader Marie-Antoinette seule, c’est ce qui détermine Jarjayes à supplier celle-ci, dont les jours sont plus particulièrement menacés, de profiter des ressources qui lui restent encore pour échapper à Ses bourreaux. Toulan, dont le zèle et le courage sont au dessus de tout éloge est chargé par Jarjayes de mettre sous les yeux de la Reine tous les détails relatifs au nouveau projet. Pour cette fois, Toulan se chargerait seul de La faire sortir et de La conduire dans un lieu où elle aurait retrouvé Monsieur de Jarjayes, qui avait fait de son côté des dispositions telles que le salut de la souveraine paraissait assuré.(L’exposé de ces plans d’évasion est établi sur des pièces et des rapports authentiques dans lesquels se trouve également consignée la part qu’a eue Lepître au premier projet et dont il parle dans ses souvenirs).
Mais Marie-Antoinette refuse de laisser Ses enfants !
Images de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy : on y voit Fersen échafaudant un plan d’évasion de la Reine au Temple… alors que c’est Jarjayes qui œuvrait alors avec Toulan 
Finalement, Marie-Antoinette refuse le projet de La faire évader seule du Temple:
«Nous avons fait un beau rêve, voilà tout ; mais nous y avons beaucoup gagné, en trouvant encore dans cette occasion une nouvelle preuve de votre entier dévouement pour moi. Ma confiance en vous est sans bornes ; vous trouverez dans toutes les occasions en moi du caractère et du courage ; mais l’intérêt de mon fils est le seul qui me guide, et quelque bonheur que j’eusse éprouvé à être hors d’ici je ne peux pas consentir à me séparer de lui. Au reste je reconnais bien votre attachement dans tout ce que vous m’avez détaillé hier. Comptez que je sens la bonté de vos raisons pour mon propre intérêt, et que cette occasion peut ne plus se rencontrer, mais je ne pourrais jouir de rien en laissant les enfants, et cette idée ne me laisse pas envie de regret.»

Marie-Antoinette adresse encore un dernier message à Jarjayes :
« Dites-moi ce que vous pensez de ce qui se passe ici.», griffonne-t-Elle dans la marge.

« e… vous remettra les choses convenues pour ha… l’empreinte que je joins ici est toutte autre chose je desire que vous la remettiez a la personne que vous savez etre venu me voir de Bruxelles l’hiver dernier, et que vous lui disiez en meme temps que la devise n’a jamais été plus vraie.
( l’«empreinte» est celle d’un pigeon volant, avec une devise «Tutto a te mi guida» [«tout me conduit vers toi»] destinée à Axel de Fersen)
Si vous n’etes pas content de h.. allez trouver mon neveu de ma part, vous pourrez aussi si vous voulez voir (septime) qui est ma ton dit a Londres depuis le mois d aoust et lui demander ce que vous avez payé ia pour nous si vous en avez besoin il connoit ma confiance aussi mais s’il est nécessaire vous pourrez lui faire voir ceci et lui dire ce que vous avez fait pour nous il nous est trop attaché pour ne pas en sentir le prix. au reste je m’engage a lui faire tenir compte de ce qu’il vous remettera et j’en fais meme s’il le faut mon affaire prop.
Dites moi ce que vous pansez de ce qui se passe ici»
Toulan remet à Jarjayes le legs que Cléry a caché après la mort du Roi : son anneau de mariage, son cachet ainsi que des cheveux de la Reine et des enfants devront être transmis à Monsieur, qui est à Hamm, en Westphalie.

Norma Shearer (1938) est Marie-Antoinette dans le film de Van Dyke
Marie-Antoinette conseille à Jarjayes d’aller voir Son neveu, François II ou Septeuil , toujours tracassée par les sommes considérables que Jarjayes a dû payer pour l’organisation de l’évasion manquée. Elle se sent responsable de leur remboursement.
En mai 1793
Jarjayes rejoint Turin, chargé des reliques laissées par Louis XVI et de diverses lettres, que la Reine le charge de remettre au comte de Provence et au reste de Sa famille, alors à Hamm.
Le 6 mai 1793
Il est nommé aide de camp par Victor-Amédée III (1726-1796), Roi de Sardaigne et beau-frère de Louis XVI. À la suite de cette nomination, il participe à la campagne militaire de 1793, dans l’armée sarde.
Dans la nuit du 1er au 2 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie. Elle y est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848).

Le 3 septembre 1793
Révélation du complot de l’œillet par le gendarme Gilbert :

Images de Ils ont jugé la Reine (2019) d’Alain Brunard 
Un royaliste, le chevalier de Rougeville (1761-1814) introduit dans la cellule de la Reine avec Michonis (1735-1794), un membre de la Commune, y avait laissé un message secret dissimulé au cœur d’un œillet. Elle y peut lire ces mots : « J’ai des hommes et de l’argent »

Le chevalier de Rougeville
Elle répond avec la pointe d’une épingle:« Je suis gardée à vue, je ne parle à personne; je me fie à vous; je viendrai »



L’affaire est tout près de réussir.
A l’heure fixée, sans doute accompagnée de Michonis et Rougeville, la Reine sort de son cachot, Elle traverse la pièce où sont les gendarmes, pénètre dans la loge du concierge, passe par deux guichets. Hélas, à ce moment, pris de peur ou voulant faire payer plus cher sa complicité, Gilbert arrête la fugitive.
Malgré ses supplications, les promesses des deux sauveteurs, chuchotées dans la nuit, car le poste de garde est à deux pas, il se refuse obstinément à lui laisser passer la grille.
La malheureuse voit s’effondrer ainsi sa dernière chance de salut.
Isabelle Duthillier était Marie-Antoinette (2018) dans La Dernière Etreinte
Le complot de l’Œillet prévoyait que la Reine rejoigne Madame de Jarjayes au Grand Berceau, propriété de Hérault de Séchelles (sur le territoire de Livry-Gargan), avant de partir avec elle pour l’Allemagne. Ce plan a, comme les précédents, échoué.

Château où l’on devait conduire la Reine

Les concierges Richard, la femme de journée Marie Harel sont dans le secret.
La Reine semble être transférée dans une autre cellule ( les avis divergent) et Ses conditions de détention sont durcies.

La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur
Le nouveau concierge Bault et sa femme traitent la prisonnière avec moins d’égards que leurs prédécesseurs.

Le 14 et 15 octobre1793
Procès de Marie-Antoinette qui est condamnée à mort.
Marie-Antoinette confie à Tronson-Ducoudray, Son avocat, à la faveur d’une interruption d’audience, les derniers pauvres souvenirs qui lui restent : deux anneaux d’or qui lui servaient peut-être de pendants d’oreille et une mèche de ses cheveux. L’avocat devait les remettre à la » citoyenne Laborde « , à Livry.
Tout cela sera confisqué lors de l’interrogatoire de Tronson, le 16 octobre.Derrière la « citoyenne Laborde » se cache Louise-Marguerite-Emilie Quelpée de La Borde, l’une des anciennes premières femmes de chambre de la reine, l’épouse du chevalier de Jarjayes, un fidèle parmi les fidèles. Louise de Jarjayes habitait alors chez son père, au château de Livry (aujourd’hui Livry-Gargan), au nord-est de Paris.
Le tribunal n’est pas dupe et incarcère une première fois » l’amie » de la reine aux Madelonnettes. Délivrée au bout de six semaines, celle-ci est de nouveau arrêtée à Livry en 1794 avec sa fille et son gendre, et écrouée aux Anglaises dont elle ne sortira qu’après la chute de Robespierre.
Emmanuel de Waresquiel
Jarjayes, lui, se sera alors réfugié à Turin depuis plusieurs mois.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.

Ftançois de Jarjayes émigre en Sardaigne où il devient l’aide de camp du Roi.
Le 18 novembre 1793
Antoine Barnave est incarcéré à la Conciergerie. En arrivant quelques semaines plus tôt, il aurait pu y retrouver Marie-Antoinette…
Les 27 et 28 novembre 1793
Barnave est jugé. Malgré la plaidoirie qu’il prononce lui-même, il est condamné à mort.
Le 29 novembre 1793
A environ midi
Antoine Barnave est guillotiné, en même temps que l’ancien garde des Sceaux, Duport-Dutertre (1754-1793).
On aurait trouvé sur son cœur un morceau de robe de Marie-Antoinette…

Fragment d’une robe de Marie-Antoinette (celle de Varennes?) en soie brochée, conservé par Barnave. (Musée Carnavalet , Paris )
Le 21 janvier 1794
Fersen reçoit la copie d’un billet de Marie-Antoinette à Jarjayes avec une lettre de Jarjayes.
« Il m’apporta une lettre de M. de Jarjayes qui ne me disait pas tout ce que j’espérais. Il m’envoyait seulement un fragment de lettre de la R… à lui, dont voici la copie. C’était écrit par elle-même.
Axel de Fersen, journal
«Vous ne pouvez pas douter du regret que j’éprouve de vous voir partir, mais je sais vos raisons, et votre zèle et votre attachement se montrent encore d’une manière bien touchante pour nous. Nous avons fort approuvé ce qu’on nous a dit de votre part. Vous en voyez la prevue par ce qu’on vous remettra. Il est essentiel de recommander aux personnes que vous allez trouver le plus grand secret. J’ai cru même devoir me réserver de dire un jour moi-même le nom de t… pour vous éviter toute question sur cela, et que vous puissiez dire que vous l’ignorez. Quand vous serez en lieu de sûreté, je voudrais bien que vous puissiez donner de mes nouvelles à mon grand ami qui est venu l’année dernière me voir. Je ne sais où il est, mais ou Mr. Gog: [Goguelat] ou Mr. Crawford, que je crois à Londres, pourront vous l’indiquer. Je n’ose pas lui écrire, mais voila l’empreinte de ma devise. Mandez en l’envoyant que la personne à qui elle appartient sent que jamais elle n’a été plus vrai.» Cette devise était un cachet portant un pigeon volant avec la devise tutto a te mi guida. Son idée avait été dans le temps de prendre mes armes, et on avait pris le poisson volant pour un oiseau. L’empreinte était sur un morceau de carte, malheureusement la chaleur en avait absolument effacé l’empreinte. Je le conserve malgré cela précieusement dans ma cassette avec la copie du billet et le dessein du cachet.»
Le 2 février 1794 (14 Pluviose An II)
François de Jarjayes divorce de Louise Marguerite Émilie Henriette Quetpée de Laborde (1760-1837) à Paris.

Louise Marguerite Quetpée de Laborde
Le 10 août 1796
Naissance de sa fille avec Louise Marguerite Émilie Henriette Quetpée de Laborde, Anne-de Reynier Augustin Jarjayes ( 1796-1847).
Le 15 mai 1797 (26 Floreal an V)
François de Jarjayes et Louise Marguerite Émilie Henriette Quetpée de Laborde se remarient à Lyon.

Sous le Consulat
Jarjayes rentre en France et obtient le poste de vice-président de la compagnie des Salines de l’Est.
Sous la Restauration
Le 6 avril 1814
Louis-Stanislas, comte de Provence, est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII le Désiré.

Artois donne clairement le ton : reconnu par les « ultras », c’est-à-dire les royalistes les plus ardents, il approuve le rétablissement des anciennes mœurs et du précédent système (notamment les gardes suisses ), et s’oppose à la politique de pardon et d’oubli prônée par Louis XVIII, ce qui devient source de conflit entre les deux frères.
Le 4 février 1815
Le chevalier de Jarjayes reçoit de Louis XVIII (1755-1824) le grade de lieutenant-général, par ordonnance.
Le 1er mars 1815
La Restauration ne dure pas.
Napoléon quitte son exil de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan.
Avant l’entrée de Napoléon à Paris, les Bourbons n’ont plus d’autres choix que de fuir les Tuileries:
Le 15 mars 1815
Par décret de l’empereur Napoléon, Jarjayes est exclu de l’armée.
Le 19 mars 1815
Napoléon est aux portes de Paris. Louis XVIII et sa cour prennent la fuite pour Gand.

Le 18 juin 1815
La défaite de Waterloo réinstalle Louis XVIII sur le trône de France.



Transcription :
Ceci est mon testament
Je déclare que je suis séparé quant aux biens d’avec ma bien aimée femme Louise Quetpet de la Borde par suite de notre mariage à Lyon Pays de droit écrit ,sans avoir fait de contrat de mariage.
Je déclare aussi que ma femme et moi avons réglé amiablement nos droits, je veux, comme le veut ma femme, que le traité que nous avons fait à cette égard soit respecté.
Attendu cette séparation de biens et sous la foi du règlement que ma bien aimée femme et moi avons fait de nos droits, je fais les dispositions suivantes:Je donne et lègue à ma bien aimée femme tous les meubles meublant, habits, linge de lit, de table et de corps, bijoux, argenterie et deniers comptants, le tout m’appartenant et qui se trouvera à mon décès, tant dans mon appartement de Paris que dans ma maison de campagne de Fontenay aux Roses .
Je donne et lègue en outre à ma bien aimée femme l’usufruit à compter du jour de mon décès et pendant sa vie du tiers des capitaux et de tous les immeubles de ma succession ,c’est à dire le tiers des revenus net qui courront à compter du jour de mon décès ,jusqu’à celui de ma bien aimée femme, époque à laquelle le capital de cet usufruit appartiendra par égale part à mes héritiers légitimes.
Je déclare que le surplus de ma succession au moment de mon décès sera dévolu légitimement et par égale part à ma fille Augustine de Bourcet et pour l’autre moitié aux enfants de feue Mme Gautier mon autre fille.
Mes héritières recueilleront donc ma succession dans leur propositions ci-dessus, sauf l’exécution des dispositions que je viens de faire en faveur de ma bien chère et bien aimée femme.Je nomme pour exécuteur testamentaire Sieur Gautier, mon gendre. J’espère qu’il me donnera cette marque d’amitié.
Fait à Paris le deux Janvier dix huit cent vingt deux.
De Jarjayes
De plus, je donne et lègue à ma petite fille Mathilde de Bourcet une somme de dix mille francs réversible à ma fille Augustine de Bourcet, sa mère, dans le cas ou ma petite fille viendrait à décéder avant sa majorité .
A Fontenay aux Roses, le 10 Août 1822
De plus je donne et légué aux pauvres de la commune de Fontenay aux Roses une sme (somme) de trois cent francs que je pries Mr le Curé Goncerat de Ventois de bien leur distribuer.
Le 12 Août 1822
De Jarjayes.
Le 11 septembre 1822
François Augustin Reynier de Jarjayes meurt à Fontenay-aux-Roses, près de Paris.
Les japonais n’ont rien compris au personnage qu’ils ont voulu mettre en scène dans leur dessin animé Lady Oscar (1979) : leur Oscar de Jarjayes assiste Marie-Antoinette jusqu’au début de la révolution alors que c’est ensuite que le vrai s’illustrera !
Sources :
- Barnave et Marie-Antoinette (1989) de René Fonvieille, chez Glénat