Le 8 septembre 1749
Naissance de Marie-Thérèse de Savoie, au palais Carignan, à Turin.
Elle est le sixième enfant du prince de Carignan (1721-1778), Luigi-Vittorio di Savoie, prince de Carignan, et de Christine-Henriette de Hesse-Rheinfels-Rothenbourg (1717-1778), sœur des défuntes duchesse de Bourbon et Reine Polyxène de Sardaigne, défunte épouse du Roi Charles Emmanuel III .
Louis-Victor, son père, est un prince charmant à l’air martial qui ne se promène qu’en uniforme, espérant un jour diriger une armée si le Roi le sollicite pour la guerre. Il est aimé du peuple qui apprécie son enthousiasme, antithèse à la maussaderie royale. Sa haute taille en impose, tout autant que son visage allongé marqué en croix par un long nez droit et des sourcils incroyablement broussailleux qui surmontent des yeux noirs et pénétrants. Sa physionomie sévère impressionne, mais cette apparence est trompeuse. Très vite, le prince se révèle un hôte gracieux à la conversation diserte et charmante. A tous, grands ou petits, il présente la même attitude plaisante. Sa personnalité contrastée en fait à la fois un mécène des arts et un passionné de la gloire des armes qui s’enthousiasme pour tout ce qu’il entreprend.
En ce temps de paix, bien que gouverneur de la province d’Aoste, il se morfond dans l’inaction et se console en organisant manœuvres et parades des régiments qui dépendent de son autorité, pour mieux nourrir son imaginaire de hauts faits. Avec son tempérament joyeux, Louis-Victor forme un couple curieusement uni avec Christine, dernière des dix enfants du landgrave de Hesse-Rheinfels-Rotenburg qu’il a épousée en 1740. L’union est désintéressée puisque les Hesse n’ont quasiment pas de dot à donner à leur fille qui n’apporte dans la corbeille de mariage que l’alliance de sa sœur Polyxène avec le Roi Charles-Emmanuel.
Ainsi, par sa tante maternelle, Marie-Thérèse est-elle la nièce du Roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Emmanuel III (1701-1730-1773).
Petite, avec une magnifique chevelure blonde, Christine, sa mère, est une princesse terne, sans beauté ni esprit. Elle est d’un tempérament dépressif et envieux, accentué par une éducation protestante et revêche, qui lui a fait regarder avec dépit le mariage de Polyxène avec le Roi. Elle éprouve le même sentiment d’envie envers sa cadette, la ravissante Caroline (1714-1741), qui a épousé, en 1728, Louis-Henri, duc de Bourbon (1692-1740), le premier ministre de Louis XV. Obscure dernière-née de la quatrième branche d’une insignifiante principauté allemande, Christine ne survit qu’en s’efforçant de marier ses filles dans les cours d’Europe. Elle se plaint sans cesse, sa vie n’est qu’une vallée de larmes.
Par son père, la future princesse de Lamballe est de très haute naissance et fortement liée aux Bourbons. Elle descend des ducs de Savoie qui obtiennent la couronne royale en 1713. Son arrière-grand-père Victor-Amédée II, surnommé «le Renard de Savoie» passe son règne à louvoyer entre les cours de France, d’Espagne et du Saint-Empire afin d’obtenir cette couronne tant convoitée. Il épouse la nièce de Louis XIV, marie ses filles aux ducs de Bourgogne et d’Anjou (qui devient le Roi Philippe V d’Espagne) et prend pour maîtresse la comtesse de Verrue dont il a deux enfants.
Cette comtesse de Verrue étant née aristocrate française, de la famille des Luynes, finit par fuir son amant pour son pays d’origine. Elle laisse à leur père ses deux enfants illégitimes. Le garçon sera titré marquis de Suze. La fille, Marie-Victoire, épouse en 1714 un prince de branche cadette : Victor-Amédée, prince de Carignan. Le duc de Savoie imite Louis XIV en imposant des mariages entre ses enfants illégitimes et les branches collatérales de sa maison.
Le couple Carignan préfère mener une vie de plaisirs dans le Paris de la Régence. La princesse devient vite une proche du duc de Bourbon mais aussi du cardinal de Fleury. Discrète à la cour de France, menant longtemps joyeux train à l’hôtel de Soissons, autre branche savoyarde désormais éteinte et dont les Carignan récupèrent les biens, elle est très appréciée de la famille royale qui la reçoit toujours dans son intimité sous le titre incognito de marquise de Buscq.
A la fin de sa vie, elle est réputée pour sa dévotion. Marie Leszczyńska va jusqu’à la visiter lors de ses maladies de vieillesse, accompagnée de ses filles, du Dauphin et de la Dauphine. Elle n’oublie pas à son tour d’établir du mieux son fils et sa fille. Anne-Thérèse épouse le duc de Rohan-Soubise. La princesse de Savoie-Carignan a donc une autre petite-fille qui deviendra amie de Marie-Antoinette : la princesse de Guémenée, future Gouvernante des Enfants de France.
Son fils Louis- Victor épouse une princesse de Hesse, sœur de celle qui a épousé le duc de Bourbon dont la princesse de Savoie-Carignan est toujours proche. Ainsi la princesse de Lamballe descend de Henri IV et de Marie de Médicis par leur fille Chrétienne duchesse de Savoie, de la duchesse de Chevreuse et du duc de Luynes, favoris d’Anne d’Autriche et de Louis XIII et se retrouve cousine au second degré de Louis XV. Ces parents si dissemblables mènent une vie relativement paisible, rythmée par les seuls états d’âme de Christine.
Marie-Thérèse est confiée aux soins d’une «dame poitrine» grasse et fraîche, sous la surveillance attentive de sa gouvernante, qui adore sa protégée. Fidèle en affection, la princesse n’oubliera pas, même aux heures de la révolution, de lui faire verser sa pension, si l’on en croit cette note de sa trésorerie domestique de 1791 :
«N’omettez pas de compter dix louis pour la pension de ma nourrice de Turin.»
Dans les différentes résidences familiales où l’on ne respire pas la joie de vivre, Marie-Thérèse grandit au milieu de ses quatre sœurs aînées et de son frère Victor-Amédée (1753-1785). Trois autres enfants viendront agrandir la fratrie.
Tous reçoivent une éducation un peu maussade, plus marquée de rigueur allemande que de légèreté italienne. Ils vivent une enfance monotone, éloignés de la vie de cour et de ses intrigues. En arrivant à Versailles, Marie-Thérèse fera l’effet d’une petite provinciale… Au sein de cette troupe princière, la première née, Charlotte (1742-1794), future religieuse, donne le ton et tyrannise la fratrie par son caractère revêche. Marie-Thérèse se console des avanies de ses aînées auprès de Gabrielle (1748-1828), née un an avant elle, avec laquelle elle entretient une grande complicité. La future princesse Lobkowicz sait se défendre de celle que les enfants surnomment «la reine Christine».
Marie-Thérèse reçoit au palais Carignan l’honnête formation intellectuelle d’une princesse de second rang à laquelle le Roi ne croit pas d’avenir et dans l’esprit de laquelle il vaut mieux ne pas nourrir d’ambitions. Elle parle couramment l’italien, l’allemand et le français. Comme elle n’est pas très appliquée et que nul ne l’y contraint, son esprit rêveur se satisfait de son imagination plus que du savoir. Les frivolités retiennent son attention plus que les disciplines académiques. Elle sent et jauge avec finesse, ce qui souvent lui tient lieu de connaissance. De manière générale, elle fait confiance à son intuition.
Le 20 décembre 1762
Décès de sa sœur, la princesse Polyxène de Savoie-Carignan (1746–1762), restée célibataire, à Turin.
D’un caractère doux et effacé en apparence, Marie-Thérèse s’accommode avec souplesse des situations dans lesquelles la vie la place. Mais sa réserve n’est qu’apparente et son père a compris qu’elle n’est pas absence de personnalité. Louis-Victor qui l’observe s’amuse du jeu de sa fille qui cache un caractère fier. Elle tient de lui une énergie subitement éveillée par la contrariété ou l’épreuve et une force qu’on n’attendrait pas de sa frêle apparence. Son entourage parle «d’une vivacité rêveuse » et « d’une gaieté attendrie« . Elle sait ce qu’elle veut, mais sait aussi dissimuler ses désirs sous des airs de détachement pour mieux parvenir à ses fins. Sa physionomie est un peu à l’image de son caractère : charmante, mais sans reliefs qui retiennent l’attention. En revanche, elle hérite de la splendide chevelure blonde de sa mère qui lui descend jusqu’au milieu du dos et fera l’admiration de la cour de Versailles. Cette blondeur abondante et difficile à discipliner encadre un visage ovale aux yeux en amande d’un bleu gris pâle. Tout cela lui donne parfois une apparence diaphane et irréelle d’une nymphe dont elle a aussi la grâce. Le piquant vient de son nez, pointu comme celui de sa mère et légèrement retroussé « en pied de marmite » et une bouche petite mais très bien dessinée avec des dents éclatantes et parfaitement rangées. Un léger zézaiement ajoute à ce charme qui pourrait être mutin si elle ne restait continuellement dans une prudente réserve. Marie-Thérèse est d’un tempérament inquiet et sans cesse aux aguets. Au-delà d’une apparente indifférence, sa sensibilité la rend attentive aux événements comme aux individus et elle est souvent plus préoccupée de leur sort que du sien propre. Au point que l’on se demande un temps si la vocation religieuse ne serait pas le lot de son inclination au retrait.
Elle passe ainsi pour une enfant douce, sage et pieuse, traits de caractère qui vont pousser le duc de Penthièvre (lui-même fils du comte de Toulouse fils légitimé de Louis XIV et de madame de Montespan), l’un des hommes les plus riches d’Europe, à la choisir comme épouse de son fils Louis Alexandre de Bourbon (1747-1768), prince de Lamballe.
Le prince de Lamballe est un dévergondé et son père pense l’assagir en lui donnant une épouse vertueuse. Malgré le penchant de son père pour une vie paisible, malgré une mère à la douceur angélique, le prince de Lamballe est une sorte d’opposé ostentatoire et attentatoire aux qualités parentales.
Né le 6 septembre 1747, Louis-Alexandre subit dès ses premières années, une succession de drames qui marquent son caractère. Il a cinq ans lorsque son frère, le comte de Guingamp, meurt en 1752. A sept ans, il perd sa mère et voit son père sombrer dans un accablement distant. Il est confié aux soins de sa grand-mère, la comtesse de Toulouse. En 1755, son petit frère, le duc de Châteauvillain (1748-1755), décède d’une brusque fièvre, le laissant seul avec sa dernière sœur, Adélaïde (1753-1821). A son retour d’Italie, le duc de Penthièvre, qui désormais va l’élever seul, lui fait donner par l’abbé Imbert une éducation marquée par le sens du devoir, par les obligations de son rang et celles de sa foi chrétienne. Aucun des préceptes paternels ne semble trouver grâce à ses yeux. La formation du duc est à la fois trop austère et trop confiante. L’austérité a suscité le goût contraire pour le vice. Louis-Alexandre étouffe dans cette atmosphère patriarcale. Il révèle pourtant très jeune de réelles qualités militaires à la tête du régiment d’infanterie qui lui est confié. Dans les salons, il montre un visage affable, mais tout cela n’est que façade et mensonge : son psychisme s’est enfermé dans une indifférence distante qu’il croit protectrice et ne lui laisse au cœur qu’un vide abyssal.
« Monsieur le prince de Lamballe eut le malheur de faire un mauvais usage de sa liberté.»
Fortaire, majordome du duc de Penthièvre
Le prince de Lamballe se laisse entraîner dans les excès d’une sexualité compulsive, voire pathologique. Il ne goûte pas tant les prudes jeunes femmes de l’aristocratie que les professionnelles du Palais-Royal, telles «la Famfalle» ou «la Farine» qu’il retrouve dans maisons accueillantes de la rue Neuve-Saint-Etienne et la rue Valois-du-Roure.
Le 14 janvier 1767
Le Roi savoyard annonce à la Cour de Turin le mariage par procuration de Marie-Thérèse pour le 17 janvier.
Le 17 janvier 1767
Marie-Thérèse épouse le prince de Lamballe, arrière-petit-fils de Louis XIV (branche légitimée) par procuration à Turin.
Le 23 janvier 1767
La nouvelle princesse de Lamballe fait ses adieux à sa famille.
Le 24 janvier 1767
Marie-Thérèse, par petites étapes de chemins de montagne, arrive à l’abbaye de Pont-de-Beauvoisin, frontière des deux Etats. Après que lui ont été présentées la vicomtesse d’Aché et la comtesse de Guébriant, ses dames de compagnie, et les officiers de son service, elle doit se dépouiller de ses vêtements italiens pour revêtir la garde-robe française que le duc de Penthièvre a fait constituer pour elle. On sait, cependant, que deux ans plus tard, ce cérémonial ne se déroulera pas ainsi pour la Dauphine Marie-Antoinette, en aura-t-on donc fait usage pour la princesse de Lamballe?
La suite turinoise salue la princesse et se retire.
C’est seule que Marie-Thérèse poursuit sa route au milieu de sa nouvelle suite française. L’hiver est particulièrement neigeux et la délégation piémontaise peine à regagner Turin. Au passage du Mont-Cenis, il faut descendre des voitures et aller à pied dans le froid hivernal. Deux dames de la princesse vont mourir dans cette équipée.
Le 25 janvier 1767
Elle est à La Tour-du-Pin. A chaque relais, ce sont des harangues, des concerts, des soupers et des bals qui font coucher à point d’heure…
Le 26 janvier 1767
Elle atteint Roanne.
Le 27 janvier 1767
L’escorte arrive à Moulins.
Le 28 janvier 1767
Marie-Thérèse fait étape à La Charité.
Le 29 janvier 1767
On fait escale à Montargis.
Le 30 janvier 1767
«Nous nous mîmes tous deux à rire et les expressions nous manquèrent pour rendre nos sentiments» raconte la nouvelle princesse de Lamballe.
Marie-Thérèse et sa suite arrivent à Montereau. Durant le repas, elle reçoit un jeune homme roux (ce qu’elle devine malgré sa perruque… Judas n’est-il pas dit roux : elle entrevoit cela comme un mauvais présage…) portant la livrée du duc de Penthièvre qui lui apporte un bouquet de fleurs de la part de son époux.
Le 31 janvier 1767
Le mariage a lieu à Nangis. Marie-Thérèse y paraît aux yeux des courtisans vêtue d’une robe blanche et rose, semée de boutons de fleurs en tissu, qui met en valeur son teint diaphane et s’accorde à ravir avec sa blondeur. Elle rencontre le duc de Penthièvre et le prince de Lamballe dans lequel, toute confuse, elle reconnaît le gentilhomme au bouquet de la veille.
Même la comtesse de Genlis qui médit sur tout et tous est obligée d’en convenir :
« Madame de Lamballe est extrêmement jolie, quoique sa taille n’eût aucune élégance, et qu’elle eût des mains affreuses qui contrastent singulièrement avec la délicatesse de son visage.»
Le 1er février 1767
Marie-Thérèse écrit à sa mère :
« Puissé-je n’avoir à vous faire partager que mon bonheur. M. de Lamballe est infiniment aimable, je puis vous assurer qu’il est beaucoup mieux que son portrait. Il est, à ce qu’il me paraît, d’un caractère affectueux et facile et m’a témoigné beaucoup de tendresse. Il est bien doux de trouver dans les devoirs les plus précieuses jouissances. Il faut en convenir, les Français sont bien aimables. Ma mère, votre fille sera heureuse en ce pays. Mon beau-père me comble de caresses.»
Le 2 février 1767
La compagnie repart pour Paris et arrive à l’hôtel de Toulouse où aucune illumination extérieure n’a pu être organisée : les Penthièvre portent le deuil de la comtesse de Toulouse morte le 30 septembre 1766.
Le soir, un souper de cent trente couverts éclairé a giorno réunit les princes du sang.
Penthièvre déploie devant ses cousins le luxe de son incroyable fortune.
Le 5 février 1767
Accompagnée de son époux et du duc de Penthièvre, Marie-Thérèse se rend à Versailles pour y être présentée par la comtesse de La Marche, reconnue pour sa rare laideur. Louis XV reçoit sa nouvelle nièce avec grâce, et selon le protocole l’embrasse sur les deux joues. L’accueil de la Reine est tout aussi charmant : elle manifeste son affabilité coutumière.
Marie-Thérèse est ensuite conduite chez la Dauphine, Marie-Josèphe de Saxe, qui se meurt d’une tuberculose qu’elle a contractée en soignant son mari. Malgré sa fatigue, la Dauphine se montre attentive à la nouvelle venue qui ne sait comment se comporter devant cette moribonde. Puis c’est le tour des filles de France. Madame Adélaïde, l’aînée, juge sa nouvelle nièce un peu gauche. En revanche, Madame Victoire, douce et effacée, se montre d’emblée bienveillante. Marie-Thérèse trouvera souvent refuge auprès d’elle, lorsque, tourmentée par les avanies de la Cour, elle cherchera un asile.
« Elle est jolie sans avoir les traits réguliers. Elle est d’un caractère gai et naïf et n’a pas beaucoup d’esprit peut-être. Elle fuit les discussions et donne raison tout de suite plutôt que de se disputer. C’est une douce, bonne et obligeante femme, incapable d’une pensée mauvaise.C’est la bienveillance et la vertu même: jamais l’ombre d’une calomnie n’a osé l’atteindre.»
La baronne d’Oberkirch
Le 13 mars 1767
La Dauphine Marie-Josèphe (1731-1767) meurt de tuberculose, âgée de trente-six ans.
Pendant quelques semaines, Marie-Thérèse jouit de la douceur de se croire aimée. Malheureusement, les désillusions ne tardent pas.
L’attitude étonnante de son mari sème le trouble dans son esprit. De son épouse, Lamballe confesse :
« Elle brille par son manque de science amoureuse.»
Louis-Alexandre de Bourbon, prince de Lamballe
Le couple ne connaît pas le bonheur : très vite, le prince reprend ses habitudes et délaisse son épouse qui se réfugie auprès de son beau-père. Elle commence à développer des accès de mélancolie, est saisie de vapeurs qui la plongent dans des évanouissements plus ou moins longs. Son mari attrape des maladies sexuelles et la contamine plusieurs fois ; elle y gagne des cicatrices et des boutons.
En avril 1767
Le prince de Lamballe, à force de galanteries, se retrouve «poivré». Un rapport de police note ainsi la chose :
« Lamballe a présentement une très bonne galanterie. Il ignore lui-même qui lui a fait ce cadeau.»
Heureusement soignée, Marie-Thérèse s’en sort sans dommage. A la suite de cette péripétie, elle fait une sorte de dépression. Extrêmement tendue, elle est reprise par ses maux de tête lui cause de fréquents évanouissements.
Je reviendrai sur ses symptomes de la princesse qui font sourire ou qui agacent alors qu’ils sont la preuve d’une hypersensibilité au sens psychiatrique du terme. On devine que ces preuves des moeurs sca ndaleuses de son époux ne peuvent que coquer au plus haut cette jeune mariée qui devait croire encore au bonheur marital…
Le 27 mai 1767
Christine répond à sa fille avec des paroles pleines d’illusions : elle ne veut pas que le projet matrimonial tourne à l’échec.
« Vous avez bien fait, ma chère fille, de n’en parler à personne. Les hommes n’aiment pas qu’on fasse de semblables confidences. [… ] Ce moment de froid ne durera pas, si vous n’y opposez que de la tendresse et une conduite irréprochable. […] Prenez courage, ma chère fille, votre mari vous reviendra plus tendre et plus empressé et ce sera peut-être un moyen pur me donner un petit-fils que je chérirai comme j’aime sa mère.»
Marie-Thérèse sombre dans la tristesse. Elle a des évanouissements qui inquiètent son entourage. L’absence de bonheur est un poison lent qui la tue.
Eté 1767
Les effets de la détérioration physique de Louis-Alexandre commencent par une fatigue qui le laisse chaque jour plus languissant. Il tousse beaucoup et se voûte comme prématurément vieilli. Il n’a pourtant pas encore vingt ans.
En septembre 1767
Marie-Thérèse voit disparaître les diamants de sa corbeille de mariage : ils partent dans l’escarcelle des prostituées de Paris. On a pensé à un vol. Il s’agissait en fait d’un don du prince à une fille qu’il a engrossée.
En novembre 1767
Le duc de Penthièvre parvient à récupérer les diamants de famille dont il paie la valeur à la prostituée qui les rend. Il lui dit qu’il prendrait soin de son enfant si elle est effectivement grosse comme elle semble le soupçonner et que dans tous les cas il pourvoirait à ses besoins, en retour, il exige d’elle qu’elle ne revoie pas le jeune prince son amant.
Le prince de Lamballe, malgré une constitution en apparence solide, est de santé fragile.
En avril 1768
Louis-Alexandre fait une chute de cheval ; il s’alite pour ne plus se relever. La syphilis est en train de gagner. On le ramène à Paris pour le soigner. Son état de délabrement est si avancé que les médecins essaient toutes les pharmacopées sans succès. On finit par proposer l’opération humiliante de la castration. Lamballe subit sans se plaindre ces traitements inhumains. Son épouse et son père se relaient sans discontinuer à son chevet.
La cruauté populaire le surnommera alors le prince «sans balle».
Après l’opération, les médecins conseillent la campagne pour la convalescence. C’est à Lucienne (Louveciennes) que l’on transporte le moribond.
Le 20 avril 1768
Son aumônier, l’abbé Tascher, administre à Louis-Alexandre les sacrements de l’Eglise.
Début mai 1768
Le duc de Penthièvre demande à Fortaire de rester devant la porte de son fils afin d’en interdire l’entrée à Marie-Thérèse et à Adélaïde. Il ne veut pas qu’elles assistent à cette déchéance et subissent l’odeur pestilentielle du malade.
Le 6 mai 1768, à huit heures du matin
Louis-Alexandre de Lamballe décède de la syphilis, à Louveciennes, dans le petit château que Louis XV rachétera tout bientôt pour l’offrir à sa nouvelle maîtresse, la comtesse du Barry. Avec le produit de cette vente, le duc de Penthièvre louera le château de Passy à monsieur de Boulainvillier pour que la princesse de Lamballe dispose d’une résidence à proximité de Paris. Alexandre a demandé à être inhumé sans cérémonie à Rambouillet auprès de sa mère et de ses grand-parents.
Le 9 mai 1768
Le prince de Lamballe est inhumé. Aucun membre de sa famille ne l’accompagne. Sont présents pour l’accueillir le curé de la paroisse , quelques ecclésiastiques du canton et cent pauvres à qui le duc a fait distribuer du blé et payé l’impôt de la taille pour une année.
La princesse se retrouve veuve et sans enfant à dix-neuf ans.
Marie-Thérèse se réfugie quelques semaines à l’abbaye de Saint-Antoine-des-Champs, à proximité de la Bastille. C’est un lieu habituel de retraite surnommé «l’hôpital des âmes malades».
Elle y est accueillie par l’abbesse, Gabrielle-Charlotte de Beauvau, qui gouverne une vingtaine de cisterciennes. Adélaïde se retire dans un monastère de Montmartre. La femme et la sœur de Lamballe s’ensevelissent dans des cloîtres pour cacher leur honte d’une si scandaleuse existence.
Accomplissant ses devoirs chrétiens, Marie-Thérèse n’a pas de goût pour la piété. Elle et sa belle-sœur ont un grand appétit d’amusements après l’épreuve de la mort de Lamballe. C’est à cette époque que Penthièvre surnomme sa bru «Marie la Folle» à cause de l’exubérance de ses divertissements.
Pendant l’été 1768
Penthièvre vend le petit château de Lucienne à Louis XV qui l’offrira à sa nouvelle maîtresse, la comtesse du Barry, deux ans plus tard.
Bien que peu attristée de la perte de son mari, Marie-Thérèse se voit offrir la chaumière aux Coquillages (aujourd’hui, une dépendance du château de Rambouillet) par son beau-père (il la fait édifier pour elle).
Cet ermitage au milieu d’un jardin à l’anglaise est significatif de l’engouement pour le pittoresque campagnard qui se développe à partir de 1760 et dont attestera également le hameau de la Reine à Versailles (construit entre 1783 et 1787). D’extérieur, cette construction ressemble à une chaumière et elle est de nouveau, comme à l’origine, couverte en chaume, mais l’intérieur est très richement décorée (marbre, coquillages, nacre) ; c’est le but d’une fabrique : étonner le visiteur. La chaumière est constituée de deux pièces. Une vaste salle, décorée à l’aide de coquillages, etc. Une salle plus petite se cache derrière deux portes dérobées de chaque côté de la cheminée. Cette pièce est décorée de peintures murales et d’un miroir, que le duc fit recouvrir de nacre afin que la princesse ne puisse plus voir son visage abîmé. Des automates, grandes ingéniosités du XVIIIe siècle, se trouvaient dans la plus petite des pièces. Ils ont été dérobés.
Le médecin chirurgien Seyffert, médecin de la cour et futur médecin personnel du prince François-Xavier de Saxe au château de Chaumot, sauve la princesse d’une grave maladie, se gagnant ainsi la protection de Marie-Antoinette et une très grande réputation ; on viendra même de Paris à Chaumot pour se faire guérir par lui.
Le duc de Penthièvre, après le décès de son fils, garde sa belle-fille (Marie-Thérèse) auprès de lui. Ensemble, ils sont très actifs dans diverses œuvres pieuses et charitables.
Le 13 octobre 1768
Son frère, Victor-Amédée épouse Marie-Josèphe de Lorraine-Lambesc qui resserre les liens familiaux avec la France.
Le 18 novembre 1768
Il faut recevoir à l’hôtel de Toulouse le Roi de Danemark, Christian VII, âgé de dix-neuf ans (il est né en 1749 comme la princesse de Lamballe) qui vient d’arriver à Paris. Malgré une psychologie compliquée, il se montre spirituel et galant.
Le duc de Penthièvre lui fait donc les honneurs de l’Hôtel de Toulouse.
La réception de Christian VII soulève des problèmes d’étiquette qui préoccupent singulièrement le maître de cérémonie de la Cour. Les visites des princes sont réglées suivant les rites d’un rigoureux protocole.
En sa qualité de veuve, la princesse de Lamballe doit attendre son royal visiteur, « couchée dans son lit, tendu de gris, entre deux draps, tous les rideaux tirés, sauf un côté. »
L’usage veut, en effet, que les princesses veuves reçoivent le Roi dans leur lit, et non sur le lit. Deux fauteuils sont disposés, pour Christian VII et le duc de Penthièvre, dans « le balustre auprès du lit », tandis que les dames invitées assistent à la visite en grand habit.
Dr. Cabanès, La princesse de Lamballe intime, d’après les confidences de son médecin, Albin Michel éditeur, Paris.
Le 25 novembre 1768
Une éblouissante réception est donnée au Palais-Royal en l’honneur de Christian VII. Un dîner de près de mille personnes à l’occasion duquel les Orléans ont fait représenter en surtout de table la ville de Copenhague en biscuit de Sèvres.
Le 7 décembre 1768
Adélaïde de Penthièvre est présentée à la Cour par la comtesse de La Marche.
Le 1er janvier 1769
Le duc de Chartres, futur duc d’Orléans, prince du sang, épouse la belle-sœur de Marie-Thérèse : la fille du duc de Penthièvre est certes issue d’une branche illégitime de la maison de France mais elle est aussi, depuis la mort de son frère, la plus riche héritière du royaume.
En 1769
Après la période de deuil qui a suivi la mort de la Reine, le parti des dévots, soutenu par Mesdames, les filles du Roi, n’ayant pu remarier Louis XV à l’Archiduchesse d’Autriche Marie-Élisabeth, pense à Marie-Thérèse. Elles l’invitent régulièrement à dîner, à souper…où Louis XV lui manifeste une grande bienveillance. Ironie du sort, il est une nouvelle fois question pour elle de convoler avec un homme esclave de ses sens. Mais le projet fait long feu, la comtesse du Barry, nouvelle maîtresse du Roi avant d’en devenir la favorite officielle, ne voulant pas perdre ce prestigieux amant qu’elle tient, justement, par le plaisir des sens.
Le 5 avril 1769
Adélaïde de Penthièvre épouse Philippe de Chartres.
Le 4 mai 1770
La princesse de Lamballe recevait la lettre suivante du grand-maître des cérémonies :
« Madame, le Roi m’a ordonné d’informer Votre Altesse Sérénissime qu’il se rendra à Compiègne le 13 de ce mois, pour aller le 14 au-devant de Madame la Dauphine, à quelque distance au delà, et l’y ramener ensuite avec lui. Sa Majesté reviendra le 15 à Versailles, où se fera, le 16, la cérémonie du mariage de Monseigneur le Dauphin, à laquelle le Roi m’a donné ordre de vous inviter de sa part, ainsi qu’au souper qui aura lieu ce jour-là. Je suis avec un profond respect, etc. »
Pierre de Nolhac
Lundi 14 mai 1770
Compiègne : la première rencontre entre Marie-Thérèse de Carignan et Marie-Antoinette. La nuit venue, à la cérémonie du coucher, les deux jeunes femmes n’échangent qu’un sourire, un regard…
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI, épouse l’Archiduchesse d’Autriche Marie-Antoinette. C’est la première rencontre entre les deux femmes. Marie-Thérèse a vingt-et-un ans, Marie-Antoinette bientôt quinze.
A dix heures du soir
Le Roi passe au festin royal dans la grande salle d’Opéra royal, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel, qui est alors inaugurée.
A partir de 1748, Ange-Jacques Gabriel reprend les plans de ses prédécesseurs. Les premiers de travaux de gros œuvre sont exécutés. Les difficultés financières et les atermoiements quant à l’aménagement intérieur conduisent à les interrompre en 1756. Ils reprennent entre 1763 et 1765 avant d’être à nouveau arrêtés. La décision de terminer l’Opéra Royal intervient en 1768, lorsqu’est conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette.
Un lieu doit être trouvé pour célébrer les festivités. Assisté du machiniste Blaise-Henri Arnoult, Gabriel met la touche finale aux plans de l’Opéra Royal. Celui-ci est achevé en deux ans au terme d’un chantier pharaonique sur lequel travaillent nuit et jour des centaines d’ouvriers.
Arnoult le conçoit de manière à accueillir soit des spectacles soit des festivités. Lors des grandes réceptions, le plancher de la salle est rehaussé au niveau de la scène par des crics toujours en place, formant un gigantesque plateau d’environ 50 mètres sur 20 mètres. En revanche, dans la configuration spectacles, l’Opéra Royal accueille jusqu’à 1336 spectateurs. Une machinerie répartie sur 35 mètres de hauteur permet d’effectuer des changements de décors spectaculaires à la vue du public. La salle, entièrement exécutée en bois, dispose en outre d’une acoustique exceptionnelle.
Avec les invités priviltégiés de la Cour, Marie-Thérèse accompagne les épouyx jusqu’à la chambre nuptiale …
Le mariage ne sera pas consommé cette nuit-là…
La Cour, la France, l’Europe jaseront alors quant l’aptitude à la sexualité des mariés et même vis à vis de la sexualité de Louis-Auguste. L’assistance de Marie-Thérèse sera alors précieuse à la Dauphine car la princesse a déjà enduré ces sarcasmes.
Les mois qui suivent
Marie-Thérèse les passe au côté de son beau-père, loin de la Cour, où elle ne possède encore aucune attache, où elle n’occupe aucune fonction
À partir de 1771
La princesse de Lamballe est de plus en plus assidue à la Cour et se rapproche de la Dauphine, qui voit en elle une alliée sûre et une amie sincère.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence (1755-1824) et de Marie-Joséphine de Savoie (1753-1810), la cousine de Marie-Thérèse de Lamballe.
Mercy note que la princesse fait preuve envers Marie-Antoinette «d’une affection toute particulière» et cela, ne lui plaît guère ; il estime simplement que «cette chère Lamballe» est trop disposée «à flatter les caprices et les fantaisies de la Dauphine qui la reçoit fréquemment seule».
A l’hiver 1772
Marie-Antoinette relance la mode des promenades en traîneau, qui étaient Son habitude à Vienne.
Le 6 octobre 1773
Adélaïde de Chartres, sa belle-soeur, donne naissance à son premier fils, titré duc de Valois, c’est le futur Louis-Philippe Ier. Marie-Thérèse espérait être sa marraine, mais c’est la Dauphine qui est choisie par les Orléans.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie (1756-1805), sœur de Marie-Joséphine, comtesse de Provence.
Par Polyxène de Hesse (1706-1735), sœur de Christine Henriette ( elle-même mère de Marie-Thérèse de Lamballe…), qui fut Reine de Sardaigne, par son mariage avec le Roi Charles-Emmanuel III de Sardaigne (1701-1773). les comtesses de Provence et d’Artois sont cousines de Marie-Thérèse de Lamballe, car il s’agit de leur grand-mère.
Le 19 avril 1774
La Dauphine emmène Marie-Thérèse à l’Académie royale de musique de Paris.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt à trois heures et quart de l’après-midi
Le Dauphin devient Roi sous le nom de Louis XVI.
Louis XV à peine mort, les courtisans se ruent vers le nouveau Roi.
Le nouveau Roi est tout de suite effrayé par le poids des responsabilités, plus qu’enivré par son nouveau pouvoir.
La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »
Marie-Antoinette se libère alors du carcan auquel on L’avait contrainte depuis Son arrivée à Versailles. En montant sur le trône, Elle se libère ainsi de Sa dame d’honneur, la comtesse de Noailles, qui est la tante de la princesse de Lamballe : la mère du duc de Penthièvre était une Noailles. Et cela se traduit dans la vêture et particulièrement dans la mode capillaire :
Devenue Reine, Marie-Antoinette continue à fréquenter la Princesse, mais de fausses et venimeuses rumeurs (lancées pour nuire et attisées par les ennemis de la Reine) commencent déjà à entacher leur amitié.
Toutefois, la Princesse conserve son caractère pieux et raisonnable, alors que la Reine se laisse aller à ses penchants de plus en plus frivoles.
Marie-Antoinette nage en plein bonheur. Elle a totalement oublié la morosité qui régnait à Versailles dans les premiers mois qui avaient suivi son arrivée en France. Ce sont tous Ses rêves d’enfant qui se réalisent. Pour Elle, être Reine, c’est avoir le loisir de faire tout ce qu’Elle souhaite quand Elle le souhaite. Elle peut maintenant donner libre cours à toutes Ses fantaisies et ne va pas s’en priver.
La jeune Reine garde, de Sa vie de Dauphine, la fâcheuse habitude de se moquer des vieilles gens qu’Elle appelle les «siècles»…
« ….. Passé trente ans, je ne comprends pas comment on ose paraître à la Cour… »
Cela est devenu si coutumier que l’on chantonne à Paris :
«Petite Reine de vingt ans,
Qui traitez aussi mal les gens,
Vous repasserez en Bavière.»
En juillet 1774
« Madame de Chartres et la princesse de Lamballe avaient décidé de dîner seules, à Vanves, chez la duchesse de Bourbon. Le duc de Chartres insista en vain pour les accompagner et finit par s’incliner devant leur volonté. Alors que les trois princesses allaient dîner, on vint les prévenir qu’un montreur d’animaux désirait leur faire voir un ours et un tigre parfaitement apprivoisés. Cette distraction imprévue piqua leur curiosité, et on introduisit les bêtes dans le parc. Les animaux ont commencé par des gentillesses qui les ont fait rire, puis, tout à coup, ils sont devenus méchants, ont brisé leurs chaînes et sont entrés au château. On avertit bientôt les princesses épouvantées qu’ils mangeaient tout ce qui se trouvait préparé pour le repas. Finalement, après beaucoup de singeries, l’ours et le tigre se démasquèrent ; c’étaient le duc de Chartres et le duc de Fitz-James…Voilà le genre de facéties auxquelles on ne se livrera jamais dans ce pays-ci.»
Mémoires secrets de Bachaumont
Le 2 mars 1775
Madame la princesse de Lamballe est toujours fort accueillie de la Reine. Sa Majesté empressée de la voir, lui fait écrire de se rendre chez elle à son passage, lors de son retour de Rennes et de ne point craindre de paraître en tel état qu’elle fût. En entrant chez la souveraine, Son Altesse est agréablement surprise de se voir peinte sur une glace de l’appartement de la Reine. On ne doute plus aujourd’hui, dans un degré de faveur si marquée, qu’elle ne l’emporte et n’obtienne la surintendance, malgré la prétention des vraies princesses du sang.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims. Les princes de Carignan assistent aux événements. Curieusement Marie-Thérèse et son beau-père n’y sont pas : Adélaïde de Chartres attend son troisième enfant et elle a réclamé leur présence pour l’assister dans cette grossesse peut-être fragile puisqu’elle a déjà perdu un nourrisson. Penthièvre et sa bru la retrouvent donc au château d’Anet.
Le 13 juillet 1775
« J’ai un beau projet en tête, écrit Marie-Antoinette, le 13 juillet 1775, au compte de Rosenberg, un vieil ami viennois qu’elle honore de ses confidences ; j’ai demandé au roi de prendre Madame de Lamballe pour surintendante. Jugez de mon bonheur ! Je rendrai mon amie intime heureuse et j’en jouirai encore plus qu’elle ! C’est encore un secret… je n’en parle pas à l’Impératrice, il n’y a que l’Empereur qui le sache. Prêchez-le bien à n’en pas parler…… »
Marie-Antoinette au comte de Rosenberg
Le 6 août 1775
Naissance de Louis-Antoine, duc d’Angoulême, fils du comte et de la comtesse d’Artois.
Les courtisans ont immédiatement été informés de la naissance d’un garçon, et le tollé, les applaudissements et les cris de joie dans les couloirs et les salons où les gens s’attendaient ont été entendus dans le château et même le pays.
Marie-Antoinette est restée avec Sa belle-sœur jusqu’à ce que cette dernière soit lavée et remise au lit, puis elle est retournée dans Ses appartements où Madame Campan l’attendait et a pleuré amèrement.
La stérilité du couple royal fait jaser…
Le 12 août 1775
« La comtesse d’Artois a joyeusement accouché le 6 à trois heures trois quarts ; il y a eu trois moments très douloureux, mais globalement le travail n’a pas duré plus de deux heures. « J’étais toujours dans sa chambre : il ne me sert à rien de dire à ma chère mère combien j’ai souffert en voyant un héritier pas le mien ; cependant à la fin, j’ai décidé que ni la mère ni le bébé ne me manqueraient aucune attention nécessaire. »
Marie-Antoinette à Sa mère
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois et donc cousin de la princesse de Lamballe
Le 19 septembre 1775
Marie-Antoinette octroie à Son «cher cœur» le titre très lucratif de «surintendante de la Maison de la Reine», dont la charge consiste à organiser les plaisirs de celle-ci. Cependant très vite, la Reine se rend compte que son amie et cousine est trop sérieuse pour cette fonction et s’y ennuie.
En conséquence, la princesse prend possession de l’appartement que le Roi lui octroie au premier étage du pavillon de la surintendance, à l’extrémité de l’aile des Princes, coté ville. Un logement de douze pièces et onze entresols, donnant sur la cour de Monsieur et sur la rue de la Surintendance et, sous le prétexte que cet appartement n’était pas en état, plutôt car «elle désir(e) ne pas compromettre une petite étiquette par laquelle les princesses du sang ne veulent pas inviter par message à venir chez elles, elle ne s’appropri(e) pas l’usage dont jou(it) la dame d’honneur de donner des bals». Son appartement a vue sur la rue et la petite cour intérieure de la surintendance. Voisin de l’appartement des enfants de France, il communique au château, par l’escalier de Provence et quelques marches, à la galerie basse des Princes.
Sur le palier du nouvel escalier l’antichambre de la princesse de Lamballe dispose une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle à deux fenêtres est le petit salon où la princesse de Lamballe a coutume de recevoir la Reine.
Vient ensuite une pièce similaire – grand salon de réception de la princesse de Lamballe -, qui ouvre ensuite sur la chambre-à-coucher de la princesse, belle pièce carrée a deux fenêtres sur la cour de Monsieur. Cette chambre donne sur deux cabinets intérieurs aux plafonds assez hauts, dont le premier a une fenêtre sur la cour et une autre sur la rue, le second servant de boudoir a deux fenêtres sur la rue. On y trouve là successivement un petit cabinet, un boudoir, une bibliothèque, une garde robe, des bains et une chambre pour la dame d’honneur, nous écrit madame de Laage de Volude.
La princesse dispose encore, dans cette enfilade, de deux grandes pièces ,– probablement entresolées – destinées à sa toilette. Elles servent de garde robe ou cabinet-de-toilette dont une est retranchée pour les commodités à l’anglaise à cause de leur proximité de la chambre-à-coucher. A côté, se trouve la chambre de la dame d’honneur de la princesse de Lamballe, au débouché de l’escalier intérieur.
En automne 1775
Délaissant Marie-Thérèse (sans l’oublier pour autant), Marie-Antoinette se tourne alors vers «la plus fraîche et plus insolente» Yolande de Polignac qui, pour longtemps, prend la place de l’amie dévouée. Elle est née l’exact même jour que Marie-Thérèse, le 8 septembre 1749.
La princesse et sa chaise
Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan a, comme de nombreux nobles de l’époque, une chaise de poste. Cette voiture était tirée non pas par deux chevaux, mais « par quatre, ce qui en faisait une des plus rapide du pays ».
Après la mort de la princesse de Lamballe, c’est son confident, l’abbé de la Coninais, qui s’en servira pour quitter Paris, vers son château de la Coninais, à Dinan. Il laissera les affaires de la princesse sur place, lorsqu’il fuira vers l’Angleterre.
En début de l’été 1776
Marie-Thérèse est en cure à Plombières pour soigner sa santé fragile. Elle écrit à la Reine au sujet de son beau-frère qui réclame le gouvernement du Poitou.
Été 1776
Depuis le retour de la princesse de Lamballe, il se manifeste déjà des indices de la plus forte jalousie de la part de cette surintendante envers la comtesse de Polignac. Cependant, les deux amies de la Reine sauront vivre en intelligenc e pour ne pas se nuire mutuellement de façon à épargner la Reine de leurs états d’âme. Marie-Thérèse ne sera pas sans somatiser…
Il est certain que cette dernière a un avantage décidé, et il est assez extraordinaire que ce soit le prince de Ligne, qui tout à coup est parvenu à la plus haute faveur auprès de la Reine, qui a beaucoup contribué à appuyer et augmenter le crédit de la comtesse de Polignac .
La Reine, qui s’ennuie un peu dans les salons de Madame de Lamballe, se presse pour passer les soirées chez la comtesse de Polignac, sans pour autant abandonner complètement Son autre amie.
En septembre 1776
« La pension de la reine a été plus que doublée. Cependant, la reine a contracté des dettes et, néanmoins, on ne voit pas qu’elle ait augmenté ses charités et générosités si ce n’est par quelques galanteries à Mme de Lamballe.»
Le comte de Mercy
Ayant plus de temps à elle, la princesse de Lamballe part à la campagne, reprend ses activités charitables et rachète l’hôtel de Toulouse (siège actuel de la Banque de France à Paris) à son beau-père.
Il faut reconnaître que la princesse de Lamballe donne beaucoup. La Reine l’appelle «la caissière des pauvres»…
Hiver 1776
L’hiver est particulièrement enneigé et c’est une nouvelle occasion des parties de traîneaux, accompagnées par le prince de Lambesc et quelques officiers.
« La princesse de Lamballe parut enveloppée de fourrures avec l’éclat et la fraîcheur de vingt ans (elle en a vingt-sept). On pouvait dire que c’est le printemps sous la marte et l’hermine.»
Henriette Campan
« La reine a éprouvé un petit accident qui a fait connoître tout l’amour dont on est pénétré pour elle. Elle alloit par eau dans une de ses gondoles ; une fenêtre est venue à tomber, le coup a effleuré la reine et a causé une légère contusion au bras de Mme la princesse de Lamballe, qui s’est évanouie : cependant, grâce à une saignée, toutes les alarmes se sont dissipées, et cette princesse a éprouvé combien elle étoit chère à notre souveraine qui en ce moment lui a témoigné le plus tendre intérêt. »
Louis-François Metra
Début 1777
La princesse de Lamballe (1779) par Marie-Victoire Lemoine
Marie-Thérèse cède son appartement de service à la comtesse de Provence et s’installe dans un grand logement au rez-de-chaussée du pavillon d’Orléans, en dessous de celui de son beau-frère, le duc de Chartres. Elle est ravie car ce cadre lui paraît plus digne de ses fonctions. La surintendante y donne à souper en l’honneur de la Reine quatre fois par semaine.
« La reine va moins fréquemment le soir chez la princesse de Guéménée que chez la princesse de Lamballe. Mais les séances chez cette dernière ne sont guère moins dangereuses, les intrigants s’y trouvent d’un genre un peu plus illustre, c’est la seule différence.»
Le comte de Mercy
Le 6 février 1777
Elle organise notamment un dîner suivi d’un bal auquel ne sont conviées que des femmes, ce qui choque la Cour et irrite la Reine.
« La Reine a soupé chez madame la princesse de Lamballe, où elles étaient douze femmes, sans aucun homme, apparemment par étiquette. Quoi qu’il en soit, cela a beaucoup ennuyé Sa Majesté, qui s’est pressée de se mettre en habit de bal (en sultane), et s’est rendue au Palais Royal; elle s’y est surtout amusée d’un quadrille qu’on lui a donné; il avait été composé par le sieur Gardel qui avait fait les répétitions et présidait à l’exécution. Les habillements, dans le costume espagnol, étaient de la plus grande magnificence; il n’y en avait aucun qui ne coûtât 2,000 écus: ce sont des seigneurs et dames de la cour qui dansaient et l’ont fait aussi bien que les coryphées du second ordre de l’Opéra; on avait choisi les airs les plus délicieux de ce spectacle, et c’est son orchestre qui formait la symphonie. Le quadrille a duré un gros quart d’heure et a tellement plu à la Reine, qu’elle a demandé qu’on recommençât. M. le duc de Chartres avait la fièvre depuis deux jours et n’en avait rien dit pour ne pas troubler la fête; mais il n’a pu danser, ni être aussi gai que de coutume. ll y a eu gros jeu, comme la première fois, à ce bal. On a calculé l’argent qui s’est perdu aux deux bals du Palais Royal; il se monte à 1,800,000 livres; ce qui n’a pas également satisfait tout le monde. On cite M. d’Autichamp, comme ayant fait la plus grosse perte. Au reste, il est temps pour la santé de la Reine que le carnaval finisse. On remarque qu’elle s’en altère et que Sa Majesté maigrit beaucoup.»
Le 12 février 1777
Marie-Thérèse entre dans la franc-maçonnerie en devenant membre de la loge féminine « la Candeur » . Elle s’intéresse au mouvement des Lumières, à l’Encyclopédie, à la condition des femmes et à l’amitié féminine.
« A la même époque j’ai fait aussi le portrait de la princesse Lamballe. Sans être jolie elle paraissait l’être à quelque distance ; elle avait de petits traits, un teint éblouissant de fraîcheur, de superbes cheveux blonds, et beaucoup d’élégance dans toute sa personne. (…) Me voilà bien loin, chère amie, de l’année 1779…»
Elisabeth Vigée Le Brun à la princesse Kourakin
En avril-mai 1777
Visite en France de l’Empereur Joseph II, sous le nom de comte de Falkenstein.
« La princesse de Lamballe a fort déplu à l’empereur. La reine convint que par engouement elle s’était trompée sur cette favorite et qu’elle était au repentir de l’avoir mise à la place qu’elle occupe.»
Mercy à l’Impératrice Marie-Thérèse, le 15 juin 1777
Le 1er juin 1777
La Reine passe la journée à Trianon accompagnée des seules Mesdames de Lamballe et de Polignac.
Été 1777
La princesse de Lamballe prend les eaux de Plombières… Quand elle revient des eaux de Plombières, Marie-Antoinette l’accueille avec des démonstrations de bonté qui toutefois ne trompent pas Mercy :
« (…) cet accueil n’est qu’une forme de bienséance qui devient de plus en plus embarrassante et gênante. La reine cherche quelquefois à se tromper elle-même à cet égard, mais comme elle permet toujours, à l’abbé de Vermond et à moi, de lui exposer sans détour nos réflexions et nos remarques, S. M. finit par convenir de bonne foi que nous ne nous méprenons guère sur le vrai état de ses affections. »
Mercy à l’Impératrice Marie-Thérèse
Le 1er septembre 1778
Décès de sa mère, Christine-Henriette de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg (1717-1778), après une longue et douloureuse maladie, au palais Carignan de Turin.
Elle avait eu neuf enfants :
- La princesse Charlotte de Savoie-Carignan (1742 –1794) est morte célibataire; elle était une religieuse;
- Victor-Amédée II de Savoie-Carignan (Turin,1743 – 1780) marié à Joséphine de Lorraine (1753-1797)
- La princesse Léopoldine de Savoie-Carignan (1744 – 1807) qui a épousé Don Andrea IV Doria-Pamphili-Landi, 8e Prince di Melfi;
- La princesse Polyxène de Savoie-Carignan (1746 – 1762) meurt, célibataire;
- La princesse Gabrielle de Savoie-Carignan (1748 – 1828) mariée à Ferdinand Philippe Joseph, prince de Lobkowicz;
- Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan (Turin, 1749 – 1792) mariée à Louis Alexandre de Bourbon, prince de Lamballe;
- Le prince Thomas de Savoie-Carignan (1751 –1753)
- Le Prince Eugène de Savoir-Carignan, comte de Villafranca (1753 – 1785) marié (sans approbation dynastique) à Élisabeth Anne Magon de Boisgarin;
- La princesse Catherine de Savoie-Carignan (1762– 1823) mariée à Philippe Colonna, 9e Prince de Paliano.
Christine-Henriette de Hesse-Rheinfels- Rotenbourg
En 1778
L’appartement que la princesse de Lamballe occupait dans le château de Versailles est donné au fils du comte d’Artois, le duc d’Angoulême, et elle descend dans celui qui était immédiatement en dessous et qui est composé du même nombre de pièces. Mais, dans ce nouveau logis, Madame de Lamballe ne séjourne guère. Elle ne se sent plus chez elle dans le palais où elle ne vient que lorsque l’y appellent les obligations de sa charge. Quand elle es à Versailles, elle demeure dans une maison située, non loin du château, entre la rue des Bons-Enfants et la Petite-Place. Cette maison, que l’on appelait l’hôtel d’Eu, encore qu’elle soit de proportions modestes, a appartenu, ainsi que l’hôtel voisin, l’hôtel du Maine, au duc de Penthièvre, qui l’a vendu à sa belle-fille en 1775.
Le salon est en soie rouge, avec deux bergères peintes en gris et couvertes de péquin fond jaune à fleurs. Les murs étaient ornés de tableaux, de portraits dont un de forme carrée réprésente la Reine, l’amie toujours chère malgré son abandon. Un groupe de biscuit de Sèvres, deux Savoyards se battant, rappellent son pays à la surintendante et un autre groupe, les joies passées du Trianon. Il semble que le jeu soit l’habituelle occupation de Madame de Lamballe à l’hôtel d’Eu, dont toutes les pièces sont garnies de tables à lansquenet, à tric-trac, à piquet.
La dame d’honneur était logée au premier étage, sur la rue des Bons-Enfants, et les dames pour accompagner, à l’entresol. Les chambres sont tendues de tapisseries, les couchettes sont nombreuses dans l’hôtel, où il y a un logement pour les gens de service, pour Roland, le concierge, et pour l’intendant Toscan. Dans la remise, sur la Petite-Place, se trouvent voiture en gondole, berline brune, chaise de poste de demi-deuil, chaises à porteurs et carrosse de cérémonie garni de glaces. C’est à l’hôtel d’Eu que vit la princesse avec ses dames. Elle ne paraît plus au château de Versailles que dans les cérémonies d’apparat.
Raoul Arnaud, La princesse de Lamballe, 1911
Le 16 décembre 1778
Décès de son père, Louis-Victor de Savoie-Carignan (1721-1778) au palais Carignan de Turin. Il a assurément subi le phénomène de glissement qui l’a fait rejoindre son épouyse dans le trépas. On sait de qui la princesse tient sa sensibilité maladive. Marie-Thérèse est donc orpheline en cinq mois. Elle l’apprend le 22 décembre. Elle le savait malade et était déterminée à partir pour Turin dès après l’accouchement de la Reine.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant sera surnommée «Mousseline» par la Reine.
En 1779
Béatrix-Étiennette Renart de Fuchsamberg d’Amblimont (1764-1842) – future marquise de Lage de Volude- est présentée au duc de Penthièvre et à sa belle-fille, la princesse de Lamballe. Elle plaît à la Princesse, qui, charmée de sa grâce et de sa vivacité, s’éprend bientôt pour elle d’une affection véritablement maternelle. La présence de la jeune fille devient si nécessaire à la Princesse que celle-ci veut la garder auprès d’elle. Son bonheur est de la former suivant ses goûts, et sur les leçons qu’elle-même a reçues. Compagne inséparable de Mme de Lamballe, Melle d’Amblimont la suit dans ses voyages aux différents châteaux du duc de Penthièvre, à Eu, à Vernon, à Sceaux, à Crécy, à Anet, à Rambouillet.
En septembre 1780
Décès de son frère aîné, Victor-Amédée II de Savoie-Carignan (Turin,1743 – 1780) à Turin.
Le 24 décembre 1778
Un réveillon est donné pour la Reine chez madame de Lamballe. La princesse a la faiblesse, en 1777, de se laisser affilier à la Franc-Maçonnerie, dont elle ne soupçonne pas les tendances.
Le but de la secte était, à cette époque, d’accaparer quelques personnes de la Cour, surtout celles admises dans l’intimité des souverains. La princesse aimant les fêtes ; on la prend par son point faible …
Le 29 novembre 1780
Mort de Marie-Thérèse d’Autriche
Une mort à l’image de sa vie : un exemple de dignité et de force. Atteinte d’un «durcissement des poumons», elle se sentait, disait-elle, «devenir intérieurement comme de la pierre».
Elle a pris congé de ses enfants, les présents et les absents. En prononçant le nom de Marie-Antoinette, elle n’a pas caché son émotion, puis, reprenant son calme, elle a dit :
« J’ai toujours désiré mourir ainsi ; mais je craignais que cela ne me fût pas accordé. Je vois à présent qu’on peut tout avec la grâce de Dieu.»
Pendant la nuit du 29 novembre, elle a lutté contre le sommeil :
« Je crains de m’endormir, je ne veux pas être surprise, je veux voir venir la mort.»
Cette leçon d’ultime courage, Marie-Antoinette ne l’oubliera pas à l’heure de Sa propre mort. C’est pour Elle «le plus affreux malheur».
La nouvelle du décès de l’Impératrice Marie-Thérèse n’arrive à Versailles que le 6 décembre 1780 :
« La douleur de la reine fut telle qu’on devait la prévoir et la craindre. Une heure après avoir appris cet événement, elle prit le deuil de respect, en attendant que le deuil de Cour fût prêt ; elle resta enfermée dans ses cabinets pendant plusieurs jours, ne sortit que pour entendre la messe, ne vit que la famille royale et ne reçut que la princesse de Lamballe ou la duchesse de Polignac. Elle ne cessait de parler du courage, des malheurs, des succès et des pieuses vertus de sa mère.»
Madame Campan
Le 10 janvier 1781
La princesse de Lamballe est élue grande maîtresse de la « Mère Loge Écossaise » .
« M. de Chartres, qui avait fait plusieurs voyages en Angleterre, était initié à tous les mystères des maçons, et la faction qui projetait déjà la subversion de l’ordre social, le conduisait, sans qu’il s’en doutât, au but qu’elle se proposait, persuadée que ces réunions, qui paraissaient si frivoles par le genre de travaux des sœurs, pouvaient être utile au projet qu’elle avait conçu de renverser du trône la branche régnante, pour y placer un chef de son choix, qui n’aurait d’autres prérogatives que celles du président des Etats-Unis, avec la seule différence que cette place serait héréditaire. Elle avait depuis longtemps jeté les yeux sur le duc en le nommant « Grand Orient de France » : ce qui lui donnait un nombre de partisans dans la classe la plus éclairée et la plus opulente du royaume.
Pour cacher ces trames, il fut proposé dans le conseil secret, de faire madame la princesse de Lamballe Grande Maîtresse. On ne put l’y déterminer qu’en lui disant, ce qui était vrai, que ces associations étaient d’une grande utilité pour les malheureux, et que sa présence ne ferait encore qu’exciter la générosité des frères. Et, quoiqu’elle eût un secret éloignement pour ces assemblées, comme elle était loin d’imaginer que des apparences si vertueuses cachassent des projets si destructeurs pour la maison royale, elle accepta.»La baronne Guénard de Méré
La princesse de Lamballe est initiée par la Loge La Candeur, de Paris, dont elle est cofondatrice. Promue Grande Maîtresse (en fait Vénérable-Maîtresse)de la Mère-Loge écossaise d’Adoption puis, en date du 18 janvier 1781, Grande Maîtresse de toutes les loges écossaises féminines régulières de France. Voici ce que dit le procès verbal de sa réception :
« Le dix-huitième jour du onzième mois de l’an de la science 5780, les membres de la révérente Mère-Loge écossaise d’Adoption ont offert à leur Sérénissime Sœur, Marie-Thérèse, Louise de Carignan, princesse de Lamballe, le titre de Grande Maîtresse de toutes les Loges écossaises régulières de France. La sérénissime Sœur l’a accepté et a subi les voyages et les épreuves et a prêté le serment. »
La princesse préside la Loge du Contrat Social …
En 1781, elle est élue Grande Maîtresse de la Mère Loge Écossaise d’Adoption, c’est-à-dire qu’elle est mise à la tête des Loges de Dames. Le jour de son installation, la « Sérénissime Sœur de Lamballe », le maillet en main, peut entendre le Frère Robineau lui chanter, au nom du rite, des couplets fort galants :
« Amour, ne cherche plus ta mère/Aux champs de Gnide ou de Paphos/Vénus abandonne Cythère/Pour présider à nos travaux. Etc… »
D’un esprit très léger, elle ne comprend pas ce qui se trame dans les Loges et n’ouvrira les yeux que lorsque la Révolution éclatera.
Mais alors elle fera son devoir sans aucune défaillance. Elle s’efforcera de réparer le mal dont elle avait été la complice inconsciente. En novembre 1791, elle prendra l’initiative de la surveillance qu’il était nécessaire d’exercer sur tous les foyers de conspiration. La secte jure de lui faire payer de sa vie son loyal retour au bien. La Franc-Maçonnerie profitera de toutes les circonstances pour frapper ceux dont elle a décidé la mort…
En 1781
Marie-Thérèse de Lamballe devient grande maîtresse des «loges d’adoption féminines», affiliées au Grand Orient, sans doute plus pour des raisons honorifiques que par réelle conviction.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.
La Reine a très bien passé la nuit, Elle sent quelques douleurs en s’éveillant, mais Elle se baigne malgré tout. Les douleurs reprennent à dix heures et demie
Seuls les membres de la famille royale, quelques dames de la Maison de la Reine et le garde des Sceaux sont autorisés à pénétrer dans la chambre de la Reine. Que les autres patientent dans le salon voisin ! Louis XVI accepte de les laisser entrer au tout dernier moment, et encore, ils restent bloqués au fond de la pièce, pour que l’air puisse circuler correctement.
La Reine se met sur Son lit de travail à une heure et un quart (juste à la montre de Louis XVI ) . L’accouchement ne dure que cinq quarts d’heure.
Cette naissance assoie Marie-Antoinette dans Sa position de Reine, car Elle n’est plus seulement l’épouse du Roi, Elle est désormais la mère de l’héritier du trône.
En novembre 1781
Marie-Antoinette lui écrit :
« Je vois que vous m’aimez toujours, ma chère Lamballe, et votre chère écriture m’a fait un plaisir que je ne saurai vous rendre.»
Hiver 1781-1782
En soignant son beau-père pendant cet hiver particulièrement froid, Marie-Thérèse tombe malade. Marie-Antoinette lui écrit alors :
« Je ne m’étonne pas que vous soyez tombée malade, je me serais plutôt étonnée du contraire. Je vous ai toujours dit que vous ne vous ménagiez pas assez. […] Moi, je grelotterais si je n’étais pas dans mon lit. Ne revenez pas tout de suite, soignez-vous, soignez M. de Penthièvre et puis je vous embrasserai cent fois. […] Adieu ma chère Lamballe, je trouve que vous êtes toujours bonne et aimable, que de près ou de loin vous êtes une amie vraie, tendre, sensible. Je vous rends bien tout cela.»
Marie-Antoinette lui fait obtenir cette même année une pension de 42 000 livres sur le service des affaires étrangères, ce qui a fait croire à certains que la princesse pouvait avoir la charge de missions secrètes.
Le 13 janvier 1782
La princesse de Lamballe s’occupe et négocie le mariage de Mademoiselle d’Amblimont avec le comte de Laage de Volude, enseigne des vaisseaux du Roi. Le comte de Laage de Volude est le cousin germain de la marquise de Las Cases, dame d’honneur de la princesse de Lamballe.
Le contrat de mariage est signé, ce jour, par Louis XVI, par Marie Antoinette, par Monsieur, par le comte d’Artois, par Madame Elisabeth, par Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, par le duc de Penthièvre et par la princesse de Lamballe.
Le 16 janvier 1782
C’est grâce à l’intercession et à la protection de la princesse que Béatrix-Stéphanie d’Amblimont (1764-1842) épouse le marquis de Laage de Volude (1763-1799). Le mariage est célébré dans la chapelle particulière de l’hôtel de la Guerre.
Le lendemain de la célébration, la mariée est nommée dame d’honneur de la princesse de Lamballe. Le couple disposera d’un logement à l’hôtel de Toulouse, résidence parisienne du duc de Penthièvre.
Le 17 janvier 1782
La marquise de Laage de Volude est présentée à Versailles au Roi et la Reine par la marquise de Guébrian, tante de son mari.
Le 20 janvier 1782
La comtesse de Laage de Volude est présentée au Roi et à la Famille Royale, par la princesse de Lamballe, en qualité de dame pour accompagner.
En 1783
Louis XVI qui affectionne la chasse demande à son oncle, le duc de Penthièvre, de lui céder son domaine de Rambouillet. Le duc tente une manœuvre pour l’en dissuader, car cette «crapaudière moyenâgeuse» comme l’appellera Marie-Antoinette, est la maison de son enfance. Mais devant l’insistance du Roi, il est contraint de céder l’ensemble pour dix-huit millions de livres. Penthièvre décide alors d’exhumer les corps des siens inhumés dans l’église de Rambouillet afin de les transférer dans la collégiale du château de Dreux. Marie-Thérèse, qui est en séjour à Eu, revient en hâte pour assister à la célébration.
Dans cette période-là, Florian la fréquente souvent à l’hôtel de Toulouse ou dans sa demeure à Passy pour égayer les soirées solitaires de la princesse avec ses propos charmants et ses bouts rimés.
En 1784
Jean-Pierre Claris de Florian avait rencontré la princesse de Lamballe pour la première fois, lors du décès de son mari.. Dans la Maison du duc de Penthièvre, plongée dans le deuil et la mélancolie depuis la mort du fils unique du duc, Florian apparaît rapidement comme une lueur de vie, apportant un rayon de soleil du Midi, son pays natal. Avec son charme et son humour il sait conquérir tous les cœurs, notamment ceux de la fille du duc, Louise-Marie Adélaïde, et de la princesse de Lamballe. Il égaie leurs soirées avec ses rires et ses boutades. Après quelques mois, Florian devra accompagner le duc lui-même dans tous ses déplacements. Ce sera la course entre bon nombre de châteaux, car les possessions du duc sont immenses. Ainsi Florian allait être confronté aux fastes de la vie de cour.
Fêtes, cérémonies et réceptions se succèdent. Aussi Florian assiste-t-il au mariage de Louise-Marie Adélaïde avec le duc de Chartres en 1769, et l’année suivante il suit le duc de Penthièvre à La Muette pour accueillir la Dauphine Marie-Antoinette. Il sera de toutes les fêtes à Versailles et ailleurs. Lors de l’entrée du dauphin et de la dauphine à Paris, il se trouve dans la loge de la duchesse de Chartres et de la princesse de Lamballe.
Page et puis gentilhomme du duc, et puis aussi écuyer de la princesse de Lamballe, Florian entamera une carrière militaire et littéraire sous les meilleurs auspices. Il publiera en alternance pièces de théâtre, poésies, nouvelles et pastorales. Florian dédicace ses premières «Nouvelles» à la princesse :
« Princesse, pardonnez, en lisant cet ouvrage
si vous y retrouvez crayonnés de ma main
les traits charmants de votre visage… »
La marquise de Laage de Voludes écrit ceci à propos d’elle dans un billet adressé à Madame de Polastron :
En septembre 1784
« J’ai été hier à la Comédie Italienne, ma chère amie. J’y ai vu Mme de Lamballe avec Mme de Las-Cases. Elle n’avait pas mis de rouge et de loin elle était d’une pâleur horrible. »
Dans la nuit du 23 au 24 décembre 1784
Marie-Thérèse manque mourir dans un incendie criminel déclenché dans les combles de l’hôtel de Toulouse au-dessus de son antichambre. Les dégâts sont importants, les toitures de cette aile et le garde-meuble sont partis en fumée.
En 1785
L’aventurière Jeanne de La Motte qui a organisé l’Affaire du collier pour détourner les 1 600 000 livres de pierres qui composent le fameux bijou est jugée, marquée au fer rouge et enfermée à la Salpêtrière… On sait que la princesse de Lamballe a cherché à visiter Jeanne de La Motte (pour l’aider à son évasion??? ) et qu’on l’a accueillie en ces mots :
« Madame de La Motte a été condamnée à être enfermée, pas à vous recevoir»…
Mais demeure le mystère de la raison de cette visite.
Était-ce en tant qu’émissaire de la Reine qui voulait prendre des nouvelles de la néfaste voleuse?
En juin 1785
Désillusionnée et désespérée, la princesse de Lamballe finit par accepter de se faire ausculter par le docteur Seiffert, médecin consultant du comte d’Artois, répertorié dans l’Almanach Royal (édition de 1785 pour l’extrait) sous le nom de «Seiffer» :
Le docteur Seiffert est un homme de la philosophie des Lumières, disciple de la science et de la franc-maçonnerie, qui rêve le bonheur de l’humanité. Bien que d’esprit républicain, ce bourru philanthrope se passionne pour le cas médical de la princesse. Devançant la psychanalyse, il veut creuser sa psychologie afin d’aider Marie-Thérèse à trouver l’origine de sa constitution maladive. Il comprend que sa pathologie conjugue une forme atypique d’épilepsie avec un dérèglement nerveux :
« La maladie de la princesse qui jusqu’ici a été comptée parmi les maladies épileptiques appartient d’après mes observations aux maladies léthargiques […]. Et ce que je suis à même de déterminer à l’avance, c’est que le mal après deux mois de soins diminuera graduellement comme il a progressé par degrés, de telle sorte que je pourrai calculer par anticipation le jour de la guérison et l’annoncer à la malade pour la rassurer.»
Jean-Geoffroy Saiffert
Le diagnostic semble hasardeux, mais il est précis et tient en une ligne : «léthargie chronico-périodique précédée de convulsions orageuses et cataleptiques.» : la princesse souffre d’épisodes nerveux qui se caractérisent par des évanouissements, des crises de céphalées et des catalepsies qui contraignent la princesse à mener une vie retirée. Seffeirt conclut à un diagnostic relevant d’une forme d’hystérie. Cette pathologie est atténuée par un traitement qui améliore la santé de la princesse. Selon lui, cet état vient en partie d’une grosseur située vers le pancréas qu’il convient de résorber.
Et le voici qui annonce à Marie-Thérèse que si elle suit son traitement et accepte de le voir quotidiennement, elle devrait être guérie onze mois plus tard.
Cet optimisme est quelque peu présomptueux.
Car si l’on approche du pancréas, on peut imaginer que le mal de la princesse y touche carrément… et qu’il puisse s’agir d’un diabète que l’on soignerait aujourd’hui à l’insuline. Qui dit diabète suggère hyperglycémies, certes, mais il y a aussi les hypoglycémies qui me semblent être le problème clef du mal de la princesse. Sans être purement épileptique, une personne diabétique peut atteindre un seuil épileptique par le biais d’hypoglycémies qui peuvent être le fruit de toute sorte de méfaits : le régime, pensera-t-on d’abord, mais les émotions bonnes ou mauvaises, qui perturbent la régularité de l’âme, la météorologie tant céleste que cordiale peut créer ces méfaits dans l’organisme.
Ainsi, la princesse de Lamballe que l’on taxait jusqu’alors de sensiblerie exacerbée et agaçante, voire ridicule, ne souffre-t-elle que d’une importante hypersensibilité qui la rend sujette à des malaises, qui paraissent anodins alors qu’ils sont très graves surtout avec les soins de l’époque …
Si le docteur Saiffert approche du diagnostic, il n’en perçoit cependant pas la clef et j’ignore s’il aurait pu soigner Marie-Thérèse du diabète ni de l’épilepsie. Au Moyen-Âge on aurait peut-être brûlé la princesse, de par , disait-on, sa proximité avec Dieu.
Le 28 juin 1785
Une lettre que Marie Antoinette écrit à la marquise de la Lage de Volude, amie et protégée de la princesse, évoque ceci :
« Je crois que vous faite très bien, Madame, de cacher à Mme de Lamballe, l’état de son frère : puisque vous avez envoyé au château de Douai, il vaut toute autant attendre les nouvelles avant de lui en rien dire. Je serai charmée de la voir ce soir et je ne lui parlerai de rien. J’étois à table quand j’ai reçu votre courrier ; mais je ne veux pas l’arrêter d’avantage. Soyez bien persuadée, Madame, de toute mon amitié.»
Cette lettre arrivera à destination deux jours après la mort du prince de Carignano, Eugenio, le 30 juin 1785.
Le 30 juin 1785
Décès du frère bien-aimé de la princesse, Eugène-Marie de Carignan, comte de Villafrancha (1753-1785), à Domart en Picardie, auteur d’une branche encore représentée, il avait obtenu grâce à l’appui de sa sœur le grade de colonel de Régiment qu’il a baptisé «de Savoie Carignan». En garnison à Saint-Malo, il y avait épousé, en 1781, Elisabeth Anne Magon de Lalande de Boisgarin (1765-1834), un mariage que ne reconnaissent ni le Roi de Sardaigne (il ne reconnaîtra ce mariage morganatique qu’au moment de la naissance de son fils en 1785, et il le créera même chevalier de Savoie) ni le Roi de France.
Eugène de Savoie-Carignan est inhumé dans l’église Saint-Médard de Domart.
Il laisse à son épouse un enfant de deux ans, Joseph-Marie de Savoie-Carignan (1783-1825), qui sera militaire de carrière, et deviendra sous-lieutenant du 33e régiment de dragons, lieutenant du 10e régiment de hussards, capitaine du 8e régiment de hussards en 1810, colonel du 6e régiment de hussards, et maréchal de camp à partir de 1821.
Le 27 octobre 1785
Le comte d’Artois, dans une lettre adressée à la marquise de Laage de Volude , fait mention de l’état de santé fragile de la princesse de Lamballe :
« L’humeur que la princesse de Lamballe vous a témoignée ne serait pas excusable, si elle-même n’était pas aussi souffrante et si elle n’avait pas besoin de vos soins. Cette humeur vous donne une preuve entière de son amitié ; et quand même votre cœur ne vous y porterait pas, il est de votre intérêt de chercher à la conserver. Dans le fond c’est une bien bonne femme (…)».
Elle raconte à Seiffert comment elle souffre de maux de tête fréquents depuis sa plus tendre enfance :
« (…) ces douleurs diminuèrent vers l’âge de douze ou treize ans et je ne souffrais plus alors que tous les mois, à des périodes régulières. On m’assura que, dès que je serais mariée, cesseraient complètement ces douleurs de tête. Il n’en fut rien ; au contraire, après mon mariage, mes souffrances devinrent plus vives et de plus longue durée.
Mon médecin ordinaire et Tronchin me firent prendre des calmants qui ne me soulagèrent point et, au début de 1782, je commençais à avoir des défaillances et des convulsions. Je cherchais du secours chez les médecins les plus célèbres. Hélas ! C’est sans doute l’usage de leurs médicaments qui m’a précipitée dans une situation faite pour inspirer l’effroi et la tristesse à tout le monde. De deux jours l’un, l’après-midi, exactement je tombe, monsieur, tous les deux jours, après une heure, dans une attaque d’un mal qui m’est inconnu, et je reviens à moi peu à peu, mais actuellement au bout de neuf heures seulement, et je reste comme brisée. »
Voici les impressions de Seiffert après avoir vu comment la princesse tombe dans un état de léthargie absolue :
« Vers une heure cinq minutes, elle devint pâle comme la mort, son pouls tomba jusqu’à soixante-cinq pulsions ; à une heure dix minutes, ses paupières se fermèrent, après s’être abaissées trois fois de suite ; puis il se produisit des spasmes précipités des muscles des yeux, auxquels succédèrent de violentes secousses convulsives de tout le corps. Elle tenait la bouche strictement fermée, et je n’ai point remarqué qu’il s’en échappât le moindre filet de salive, contrairement à ce qui s’observe dans l’épilepsie. »
A ces descriptions, il semble que Marie-Thérèse de Lamballe souffrait de diabète, qu’on qualifierait aujourd’hui de type 1 (insulino-dépendant) dont les hypoglycémies sévères auraient provoqué cet état ressemblant à l’épilepsie.
Le 28 octobre 1786
La princesse de Lamballe quitte, au profit de Madame (la comtesse de Provence) qui en prendra possession le lundi 2 février 1787, son nouvel appartement du rez de chaussée du pavillon de la surintendance de l’Aile des Princes du château de Versailles, donnant sur la rue de la surintendance.
Le 21 novembre 1786
Marie-Antoinette visite le nouvel appartement de la princesse de Lamballe : cet appartement se trouve dans l’Aile des Princes, au rez-de-chaussée, donnant sur le parterre du Midi. Les changements demandés par la princesse de Lamballe sont la démolition d’une cloison pour former une grande salle à manger, la démolition et la reconstruction d’un petit escalier, le changement d’un plancher et dans des raccommodements de lambris dans le salon et la salle à manger, le parquet des deux pièces citées précédemment, et enfin la pose de glaces.
En novembre 1786
Afin de se rapprocher de Ses enfants, la Reine installe Sa fille , Madame Royale et Son fils aîné, le Dauphin, dans l’appartement de Monsieur et de Madame. En conséquence, le couple princier doit céder la place et prendre possession des nouveaux appartements que le Roi leur octroie : c’est celui de la princesse de Lamballe qu’on destine à Madame.
La princesse déménage donc pour un autre appartement, plus petit, au rez-de-chaussée de l’aile des Princes, sur les parterres.
Le dernier appartement de la princesse de Lamballe au château de Versailles
(texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
«La Reine a été voir le nouvel appartement de madame la princesse de Lamballe. Les changements demandés par cette princesse consistent dans la démolition d’une cloison pour former une grande salle à manger, dans la démolition et la reconstruction d’un petit escalier, dans le changement d’un plancher dont partie est portée par la cloison qu’on doit démolir et dans des raccommodements de lambris dans le salon et la salle à manger».
Lorsqu’elle devient Surintendante de la Maison de la Reine, la Princesse de Lamballe emménage dans le Pavillon de la Surintendance, situé dans l’Aile du Midi. En 1787, le Comte et la Comtesse de Provence quittent le rez-de-chaussée du Corps Central pour venir occuper cet appartement. A cette date, elle déménage à l’angle du rez-de-chaussée de l’Aile du Midi.
Cet appartement se compose de quatorze pièces dont cinq en entresol (chambre de la Dame d’Honneur, chambre de la femme de chambre, chambre du Valet de pied, bibliothèque et garde-robe).
Inventaire de l’appartement :
Antichambre :
– Douze chaises de forme quarrée, couvertes de basane jaune, les bois peints en blanc,
– un paravent de six feuilles, couvert de drap rouge d’un côté, peint en rouge de l’autre sur 6 pieds de haut,
– un lit de sangle.
La salle à manger :
– quatre parties de rideaux gros de Tours cramoisi bordés autour d’un galon d’or,
– vingt chaises couvertes de panne cramoisie clouée de doux dorés sur galon d’or faux, les bois à moulures peints en jaune,
– un paravent de six feuilles couvert de velours de soie gaufré cramoisi, cloué de doux dorés sur galon d’or faux figuré,
– un paravent de six feuilles couvert des deux côtés de panne cramoisie, cloué de clous dorés sur galon d’or faux,
– un écran, le bois sculpté et doré, couvert de clamas cramoisi,
– une commode à la Régence de bois de placage et dessus de marbre à 2 grands tiroirs,
– un lustre de cristal de Bohème à huit lumières, à branches dorées,
– une paire de bras à trois branches à rocailles.
Le salon de Compagnie :
– un meuble de lampas vert et blanc bordé de crête partie à bois sculpté et doré et partie à bois peint en blanc, consistant en deux grands fauteuils à carreaux à bois doré,
– dix-huit chaises à carreaux,
– quatre voyeuses,
– deux petites chaises,
– quatre parties de rideaux de gros de Tours vert, bordés d’un galon de soie,
– vingt-quatre chaises en lyre de bois d’acajou, les fonds couverts en maroquin vert,
– un tapis de Savonnerie avec écussons au milieu représentant le bâton Royal et la main de justice, ayant au dessus une couronne,
– un lustre à six branches argenté de cristal de Bohême,
– deux paires de bras à deux branches, la tige cannelée avec une tête de bélier, ornée d’une guirlande de laurier entrelacée dans les branches, surmontée d’un vase orné de guirlande avec pommes de pin.
La salle de billard :
– une tenture en trois pièces de damas vert,
– quatre parties de rideaux de gros de Tours vert,
– douze chaises,
– quatre voyeuses,
– deux banquettes de velours d’Utrecht vert,
Chambre à coucher :
– un tapis de moquette fond blanc
– une paire de bras à deux branches, la tige cannelée avec une tête de bélier, orné d’une guirlande de laurier entrelacée dans les branches, surmontée d’un vase orné de guirlande terminée par une pomme de pin.
Quelques meubles sont encore présents dans les collections du château de Versailles :
– Suite de quatre chaises. Remises au Château de Versailles par les Archives départementales de Seine et Oise en décembre 1953.
– Pièces d’un service à «double filet bleu, roses et barbeaux». L’un des deux fut livré à Marie-Antoinette au cours du premier semestre 1781 et à la Princesse de Lamballe le 9 février 1781.
On retrouve à l’Hôtel de Soubise :
– une paire de chaises en acajou estampillées Sené,
– un bureau de Boulle qui meubla l’Appartement de la princesse de Lamballe avant de partir aux Tuileries pour la Convention Nationale en 1793.
Le 1er janvier 1787
Dans la biographie sur la duchesse de Devonshire d’Amanda Foreman (1998), on apprend que la princesse de Lamballe aurait entamé une campagne de diffamation contre madame de Polignac en faisant insérer dans le Courrier de l’Europe de janvier/février 1787 la nouvelle que Madame de Polignac serait tombée en disgrâce auprès de Marie-Antoinette… Alors le duc de Dorset (1745-1799), ambassadeur et amant de Georgiana (1757-1806), lui aurait demandé si Sheridan (1751-1816),le Beaumarchais anglais, pouvait écrire quelques articles en faveur de madame de Polignac.
« I am sorry that the Princesse de Lamballe is not likely to succeed with you, my dearest Duchess, but however I do assure you she is an amazing good natur’d creature. Il est vrai qu’elle est un tant soit peu bête, but that is not her fault. I hope par charité you will be civil to her and she may be of service to you here whenever you wish to recommend an awkward Englishman.»
Le duc de Dorset à Georgiana, duchesse de Devonshire
En novembre 1787
Philippe d’Orléans est exilé dans sa terre de Villers-Cotteret , pour avoir critiqué la politique du Roi en séance d’enregistrement au Parlement.
La princesse de Lamballe, madame de Montesson, M. de Segur, M. de Besenval viennent implorer Louis XVI, la Reine et les ministres en faveur du prince. Le Roi, alors autorise celui-ci à habiter Le Raincy, à condition qu’il ne vienne pas à Paris. Le souverain, probablement n’est pas dupe, lorsque «aimant à croire le prince revenu de ses égarements», il promet à la duchesse le retour de son époux. Philippe averti, sait dès lors que son exil touche à sa fin.
En mars 1788
Le conseil du Roi, souhaite rapprocher le monarque et son cousin pour obtenir de ce dernier une complicité dans la réalisation, notamment celle de la Cour Pleiniere destinée à remplacer les Parlements.
Le Salon Vert du château de Fontainebleau
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Fontainebleau , la vraie demeure des Rois )
Cette pièce est le Second Salon de Madame de Lamballe en 1786 puis Salon des Nobles de Madame Elisabeth en 1791. Le Cardinal Fesch en fera son Salon en 1804.
C’est en 1810 qu’est installé le très riche ensemble en bois doré par le menuisier Pierre Brion, couvert de son velours vert.
Cet ensemble est complété par un guéridon en acajou de Jacob-Desmalter.
1789
La Révolution gronde et la Reine commence à prendre conscience de Ses erreurs. Elle se fait plus sage et se rapproche à nouveau de la princesse.
Le 8 avril 1789
Marie-Thérèse et Etiennette de Laage de Volude vont rendre visite au Dauphin à Meudon.
Madame de Laage note dans ses mémoires :
« Quand nous sommes arrivées, on lui faisait la lecture. Il avait eu la fantaisie de se faire coucher sur un billard, on y avait étendu des matelas. Nous nous regardâmes, la princesse et moi, avec la même idée, que cela ressemblait au triste lit de parade après leur mort. »
Madame de Lamballe ayant demandé au petit malade quel livre il lisait à ce moment : « Un moment fort intéressant de notre histoire, madame, le règne de Charles VII ; il y a bien là des héros ! » Je me permis de demander si Monseigneur lisait de suite ou les morceaux les plus frappants. « De suite, Madame, je n’en connais pas assez long pour choisir, et tout m’intéresse. » Et ses beaux yeux mourants se tournaient vers la princesse, en lui disant cela.»
Le 21 avril 1789
La princesse de Lamballe se rend en grand secret avec son cousin, Henri de Hesse-Rheinfels, et Etiennette de Laage de Volude aux Petits-Carmes pour assister incognito depuis une tribune à une réunion de députés.
Etiennette écrit à sa mère :
« Nous avons tiré les rideaux car les vilains étaient bien capables de nous chasser. […] Nous sommes restés trois heures et nous sommes partis parce qu’ils faisaient un tapage infernal.»
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux à l’hôtel des Menus Plaisirs à Versailles.
La Reine se rend à la salle escortée par les Gardes du Corps du Roi, et accompagnée dans sa voiture par la comtesse de Provence, Madame Elisabeth, Mesdames Adélaïde et Victoire et par la princesse de Chimay sa Dame d’Honneur. La duchesse d’Orléans, la duchesse de Bourbon, la princesse de Conti et la princesse de Lamballe, en robes de Cour et somptueusement parées, se rendent à la salle de l’assemblée dans leurs voitures et prennent place dans les tribunes derrière le Roi.
Les fastes de l’Ancien régime vivent là leurs dernières heures.
Louis XVI fait un discours dans lequel il fait preuve d’excellentes intentions et donne de bonnes promesses.
Y sont réunis tous les protagonistes de la révolution future…
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le 16 juillet 1789
Marie-Antoinette demande à Madame de Polignac de quitter Versailles et de partir pour l’étranger. Ce qui favorise le rapprochement d’avec Sa chère Lamballe.
Appelée par Marie-Antoinette, dès le 20 juillet 1789, la princesse de Lamballe s’installe au château de Versailles et y reste tout le mois d’août.
Le 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 7 août 1789
Marie-Thérèse écrit à Etiennette de Laage de Volude :
« Hélas, ma chère cousine, nous sommes dans la narchie [sic] la plus affreuse. Quelque plaisir que j’ai à vous voir, je ne vous conseille pas de venir cet hiver. Paris n’est plus qu’une affreuse habitation, actuellement tout le monde s’en va en pays étranger.»
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
En septembre 1789
A la suite d’une rumeur qui prétend que le Trésor est épuisé, l’Assemblée nationale en appelle aux «dons patriotiques». Fortaire raconte que Penthièvre et sa belle-fille décident d’envoyer leur vaisselle de vermeil et d’argent à l’hôtel de la Monnaie pour être fondue. Marie-Thérèse, qui n’est pas d’humeur à se dépouiller, écrit à Toscan, l’intendant de son hôtel de Versailles :
« Il faut que vous disiez à Emy de rassembler toute celle que je possède, que vous ferez estimer par Auguste et vous la ferez porter à la Monnaie. […] En attendant, vous la ferez serrer pour qu’il n’en paraisse point chez moi. Il va sans dire que les couverts, ni les cuillers à ragoût et deux ou trois casseroles d’argent que j’ai fait faire dernièrement pour la cuisine, lorsque j’ai été empoisonnée*, n’entreront point dans la vaisselle qui sera portée à la Monnaie.»
*La princesse a été gravement intoxiquée par le vert-de-gris de casseroles de cuivre, et l’on a redouté un temps qu’il s’agisse d’un empoisonnement criminel.
Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.
Le peuple croit à une orgie antidémocratique…
Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le Roi est à la chasse, la Reine se trouve au hameau lorsqu’on vient La prévenir du danger qui approche…
On tente d’envisager le départ de la famille royale pour fuir cette émeute, mais les écuries sont vite occupées par la populace, ce qui rend ce projet impossible.
Marie-Antoinette sait que c’est Elle qui est particulièrement visée par celles qui viennent chercher «le boulanger, la boulangère et le petit mitron», mais Elle affirme avoir appris de Sa mère à ne pas cfraindre la mort et qu’Elle saura «l’attendre avec fermeté.»
Malgré cette image des Années Lumière (1988) la princesse de Lamballe n’est alors pas à Versailles, mais au château d’Eu, d’où elle apprendra ce qu’il advient à la famille royale … =>
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
Le 7 octobre 1789
Vers neuf heures du soir, un courrier de la Reine porte à Marie-Thérèse et les siens qui sont au château d’Eu les événements des jours précédents. La princesse n’hésite pas :
« Il faut que je parte sur le champ.»
Voilà une fougue amicale qui doit étonner tous ceux qui voient en Marie-Thérèse une fragile souffreteuse ….
Le 8 octobre 1789
En passant par Abbeville pour relayer, la princesse arrive à Paris le soir.
Le 9 octobre 1789
Marie-Thérèse rejoint la famille royale dans sa nouvelle résidence, le palais des Tuileries. Son appartement se trouve au rez de chaussée du Pavillon Flore.
La princesse de Lamballe occupe cet appartement à partir du 8 octobre 1789. Il donne, à la fois, sur le jardin et sur le pont royal. Il est sur le même niveau que celui de la Reine, au rez-de-chaussée. Elle surnomme, son appartement, « son donjon ». Il dispose de cinq fenêtres sur le jardin et de deux fenêtres sur les quais et sur le pont royal.
Marie-Thérèse reçoit, trois fois par semaine, à son thé, les épouses des fonctionnaires. Elle donne de brillantes soirées où l’on constate la présence d’officiers de la garde nationale. Ces soirées rencontrent un franc succès et la foule s’y presse.
« La Reine y assiste quelquefois, mais y reste peu et rentre dans Son intérieur, où elle s’entretient avec quelques dames de tout ce qui concerne Sa position. Toute la noblesse, restée à Paris, se fait un devoir de se présenter assidûment chez le Roi ; aussi l’affluence était-elle considérable aux Tuileries.»
Mémoires du comte de Paroy
La Princesse reste l’un des derniers soutiens de la Reine et leur amitié s’en trouve renforcée.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
« Chacun voulait voir la cérémonie de la Fédération, et la peur de ne pas trouver de place détermina un grand nombre de personnes à passer la nuit au Champ de Mars, les uns excités par un zèle patriotique, et les autres par la curiosité qu’inspirait un spectacle aussi extraordinaire. La pluie qui tombait par torrents ne diminua pas le zèle de chacun, et toutes les places se trouvèrent remplies. Une foule immense était derrière, et les coteaux de Passy et de Chaillot étaient également couverts de spectateurs. Les parapluies de diverses couleurs que nécessitait la pluie continuelle faisaient aussi un singulier effet. C’était le coup d’œil le plus extraordinaire, et qui aurait été magnifique s’il eût été éclairé par le soleil d’un beau jour.
Le cortège se mit en marche à six heures du matin, et parcourut les rues centrales de la capitale pour se rendre au Champ de Mars par le Cours-la-Reine. Pour y arriver commodément, on avait construit un pont de bateaux à son extrémité. Deux compagnies de volontaires ouvraient la marche; elles étaient suivies du corps municipal, des électeurs et des présidents de district. Des chasseurs et des vétérans précédaient ensuite les quarante-deux premiers départements, marchant par ordre alphabétique, chacun étant précédé de sa bannière où était inscrit le nom de son département, et ayant son oriflamme propre. Les officiers portaient l’épée nue. Les troupes de ligne venaient ensuite, et l’on y distinguait avec plaisir les gardes du corps, les carabiniers, les hussards et l’artillerie. Elles avaient à leur tête MM. de Ségur et de Mailly, maréchaux de France, suivis des lieutenants généraux et des maréchaux de camp, précédés de l’oriflamme. La marine, commandée par le comte d’Estaing, marchait ensuite; puis les quarante et un derniers départements, suivis de chasseurs et d’une compagnie de cavalerie qui fermait la marche.
Le ciel ne fut pas favorable à la fête. Les averses se succédaient continuellement; des torrents d’eau inondaient les rues, et la pluie ne cessa d’accompagner les bataillons tout le temps de leur marche. Quoique trempés jusqu’aux os, ils ne laissèrent échapper aucune plainte, et l’ordre de la marche n’en fut pas dérangé un instant. Les spectateurs bordaient leur passage; les croisées étaient garnies d’un monde prodigieux, et le reste de la ville déserte présentait le spectacle le plus extraordinaire.
La colonne n’arriva qu’à midi à la place Louis XV. L’Assemblée s’y rendit, le président à la tête, marchant entre deux haies de drapeaux qui les escortèrent jusqu’au Champ de Mars, où leur arrivée et celle du Roi furent annoncées par des salves d’artillerie.
Le Roi arriva le dernier, avec la famille royale, en grande cérémonie, et accompagné d’un nombreux cortège. Quand chacun fut placé, l’évêque d’Autun, qui officiait, fit la bénédiction des drapeaux et célébra la messe immédiatement après; elle ne commença qu’à quatre heures. A l’élévation, M. de la Fayette, nommé par le Roi major général de la fédération, donna le signal du serment, monta à l’autel et le prononça; à l’instant, tous les sabres furent tirés et les mains levées. M. de la Fayette vint alors avertir le Roi que c’était le moment de prononcer le serment. La pluie tombait à grands flots, et un grand nombre de spectateurs qui étaient inondés cherchaient à en diminuer l’effet, en étendant leurs parapluies. Comme ils empêchaient de voir le Roi, la multitude se mit à crier: «A bas, à bas les parapluies!» M. de la Fayette, qui n’entendit d’abord que les mots: A bas, crut probablement que ce cri le regardait; il hésita un moment, et sa pâleur ordinaire redoubla sensiblement; mais, rassuré promptement, il continua sa marche et arriva au Roi, qui prononça la formule du serment. M. de Bonnai, président de l’Assemblée, la répéta, et avec lui trois cent mille voix. La Reine éleva plusieurs fois entre ses bras Mgr le Dauphin pour le faire voir au peuple et à l’armée, qui fit éclater des démonstrations de joie et d’amour pour le Roi et la famille royale.
Les personnes sincèrement attachées à la religion virent avec peine que, dans une cérémonie qui n’était rien moins que religieuse, et où l’attention se portait uniquement sur un spectacle aussi extraordinaire que celui dont on était témoin, on ne se fût pas borné à faire prêter le serment sur les saints Évangiles, plutôt que d’exposer à une sorte de profanation les mystères les plus augustes de notre religion.Après la cérémonie, une partie des fédérés alla dîner au château de la Muette, où l’on avait préparé des tables pour les recevoir. D’autres revinrent à Paris, et quelques-uns repartirent le soir même pour leurs provinces. M. de la Fayette se rendit à la Muette, où on lui prodigua, comme au Champ de Mars, les témoignages d’idolâtrie populaire dont M. Necker avait été l’objet l’année précédente. Il était alors à l’apogée de sa gloire; elle eut la durée de la faveur populaire, et ne lui laissa que le regret de n’avoir pas su profiter de sa position pour sauver son Roi et sa patrie des dangers qui les menaçaient. Sous le nom de liberté, qu’il prononçait avec tant de complaisance, la France était livrée à l’anarchie la plus complète, et tout ce qui y existait de gens honnêtes et vertueux gémissait sous le joug le plus tyrannique.
Le Roi retourna aux Tuileries aux cris répétés de: «Vivent le Roi et la famille royale!» Le duc de Villequier et plusieurs autres personnes sensées, qui épiaient avec soin la disposition des esprits, pensaient que le Roi pouvait tirer parti de cette journée, et auraient voulu qu’il montât à cheval, et qu’au lieu de prêter le serment exigé, il déclarât au milieu du Champ de Mars qu’étant pour cette fois à la tête de l’élite de la nation, il lui représentait qu’il trouvait un inconvénient réel à jurer fidélité à une Constitution qui n’était pas encore terminée, et dont l’ensemble pouvait seul démontrer les avantages et les inconvénients; qu’il était prêt, après cette observation, à faire le serment d’observer les articles décrétés, si la nation réunie lui en témoignait le désir. Le Roi consulta probablement son conseil. Les hommes qui le composaient n’avaient pas assez d’énergie pour oser risquer une pareille démarche, et ils l’en auront sûrement détourné, sous le prétexte des dangers qu’elle pouvait entraîner. La suite des événements donna malheureusement lieu de se repentir de n’avoir pas saisi cette occasion.»Madame de Tourzel
Le 28 novembre 1790
Marie-Thérèse est de retour à Paris avec son beau-père et Adélaïde d’Orléans. Elle reprend son service aux Tuileries et le duc de Penthièvre vient chaque jour faire sa cour à Louis XVI et Marie-Antoinette.
Le 3 décembre 1790
Le duc de Penthièvre voit Louis XVI pour la dernière fois de sa vie. Le vieillard dont la santé s’affaiblit ne veut plus rester dans cette ville en agitation. Il prend la route d’Eu le 5 décembre.
En avril 1791
Adélaïde d’Orléans était retournée au Palais-Royal dans l’espoir d’y retrouver ses enfants mais elle décide de rejoindre son père, accompagnée de sa fidèle dame d’honneur la marquise de Chastellux, se retire en Normandie auprès de son père, et s’établit à ses côtés afin de s’occuper de lui. Elle charge alors Marie-Thérèse de porter au duc d’Orléans sa lettre demandant la séparation.
En juin 1791
La Reine l’informe de sa fuite et lui enjoint de quitter la France. la Princesse avait envisagé son départ par Dieppe et Londres, munie d’un passeport en règle.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Madame de Lamballe émigre en Angleterre puis en Allemagne. Elle apprend, navrée, l’arrestation de la famille royale à Varennes.
La princesse et la Reine échangent alors une abondante (?) correspondance dans laquelle la Reine réaffirme ses sentiments d’affection envers la princesse.
Lettre collective de Louis XVI et de Marie Antoinette à la princesse de Lamballe, qui date du 30 juin 1791 :
« Je vous envoie un exprès, Madame ma chère cousine, pour vous rassurer à notre égard. Ce que vous marquez à la Reine sur l’état de M. de Penthièvre ne peut que nous faire de la peine. Ce sera me faire plaisir que de nous en donner souvent des nouvelles. Mais restez avec M. de Penthièvre.
Louis »
De la main du Roi
« J’espère, ma chère Lamballe, que vous vous rendrez à ce mot du Roi. Je vous ai dit et je vous répète que je vous aime autant de loin que de près. Pour vous il est mieux que vous soigniez cette santé ; pour moi il sera mieux de jouir de vous en bonne santé que de souffrir à vous voir souffrir. Vous voyez que c’est par égoïsme que j’agis. Nous sommes revenus assez bien portants. Le Roi est fort calme. Mes enfants n’ont pas du tout souffert. Je ne puis rien vous dire sur tout ce qui s’est passé, que vous ne sachiez entièrement par la voix publique. Adieu, mon cher cœur ; j’ai besoin de votre tendre amitié, et la mienne est à vous depuis que je vous ai vue. Dites le bien à M. de Penthièvre de se rassurer, et soignez-vous tous les deux. Je vous embrasse.
Marie Antoinette. »
De la main de la Reine
Le 6 juillet 1791
La princesse dîne à Bruxelles, chez les Sullivan, en compagnie d’Axel de Fersen. On ne parle que de bêtises et de commérages selon les dires du suédois…
Le 11 juillet 1791
Après un bref séjour à Bruxelles, la princesse de Lamballe, la comtesse de Ginestous et la comtesse de Lage de Volude sont à Aix-la-Chapelle.
La marquise de Las Cases, dame d’honneur de la princesse de Lamballe était partie en émigration sans la prévenir. Elles se retrouvent à Aix la Chapelle lorsque la princesse de Lamballe s’y trouve à partir de septembre 1791. La princesse de Lamballe lui fait part de son mécontentement qui ne dure pas très longtemps.
En septembre 1791
Marie-Thérèse rejoint Paris en septembre 1791, et ne quittera plus son amie.
Le 15 octobre 1791
Mue par un pressentiment, elle y dicte ses dernières volontés, nommant le marquis de Clermont-Gallerande son exécuteur testamentaire.
« La Reine me désire, je dois vivre ou mourir pour Elle ! »
Fin 1791
La Reine suppliait la Princesse de ne pas revenir à Paris, mais cette dernière, craignant pour la sécurité de ses biens menacés par les lois en préparation sur les biens d’émigrés, et aussi par dévouement, rentre à Paris, reprenant ses fonctions de surintendante aux Tuileries.
Selon une thèse défendue par Olivier Blanc, la princesse de Lamballe émarge sur les fonds secrets du ministère des Affaires étrangères. Son passeport d’avril 1791 avait été délivré par le ministre de Montmorin.
La presse révolutionnaire relaie bientôt une dénonciation lancée contre Madame de Lamballe par le comité de surveillance de l’Assemblée législative. On lui reproche d’avoir coordonné ou encouragé les activités du « Comité autrichien » et financée par les fonds de la Liste civile.
Ce comité permet de peser dans les délibérations des comités révolutionnaires, de se rallier certains gens de plume et de faire retarder le vote du décret de déchéance. Ce qu’on appelle encore les « conciliabules de la Cour » est avéré par de nombreuses pièces originales découvertes dans l’armoire de fer. Elles mettent en cause un certain nombre d’individus qui ont effectivement reçu de l’argent de la Cour et qui se sentent soudain menacés par des témoins, tels que l’Intendant de la Liste civile Arnault de Laporte ou la princesse de Lamballe.
En janvier 1792
Il n’est plus question, pour l’instant pour la princesse de Lamballe d’habiter à Versailles, en son hôtel du Maine. Cet hôtel se situe rue des Bons-Enfants à Versailles, et jouxte l’hôtel de Toulouse, appartenant à son beau-père. Elle l’avait acquis pour 70 000 livres vers 1780. Elle loue à Jean-Louis Bouche, pour 400 livres, un appartement dans cet hôtel.
Le 29 octobre 1791
La princesse prend la route depuis Aix-la-Chapelle seule et modestement vêtue !!!! elle arrive aux Tuileries et loge au Pavillon de Flore près des appartements de la Reine…. son retour est annoncé dans les journaux.
Du 14 au 18 Novembre 1791
Elle se rend à Anet pour voir Penthièvre, bien malade.
Fin novembre 1791
Elle rentre à Paris et rouvre son salon. Elle organise des soirées à partir de son retour à Paris, le 18 novembre 1791
En mars 1792
Le duc d’Orléans tente de se rapprocher de la Cour. Il veut que ses fils paraissent chez la princesse de Lamballe, sa belle-sœur. Il espère ainsi savoir par eux ce qu’il s’y passe. Mais ils n’en sont pas moins suspects à la princesse de Lamballe, qui ne les reçoit qu’avec une sorte d’embarras. Ils s’en plaignent à leur père. Etant taxée d’animer un comité autrichien par le duc d’Orléans, elle dédaigne pendant quelques temps ces clameurs. Mais s’apercevant qu’elles prennent de plus en plus de consistance, elle prend celui de fermer entièrement sa maison, et de ne plus recevoir personne à l’exception de la Famille Royale.
Le 20 juin 1792
Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries.
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
« Avec le courage passif qui est le sien », selon Michel Vovelle, le Roi subit sans faiblir pendant deux heures le défilé de la foule, accepte de coiffer le bonnet phrygien et boit à la santé de la Nation pour faire passer les paroles de Legendre :
« Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore », mais refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, invoquant la loi et la constitution.
La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares … les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :
Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.
L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine. Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta :
« c’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : «c’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne».
Mesdames de Lamballe, de Tarente, de La Roche-Aymon, de Mackau entourent alors la Reine, ainsi que Madame de Tourzel qui souligne dans ses Mémoires :
« La Reine était toujours dans la chambre du Roi, lorsqu’un valet de chambre de Mgr le Dauphin accourut tout hors de lui avertir cette princesse que la salle était prise, la garde désarmée, les portes de l’appartement forcées, cassées et enfoncées, et qu’on le suivait.
On se décida à faire entrer la Reine dans la salle du Conseil, par laquelle Santerre faisait défiler sa troupe pour lui faire quitter le château. Elle se présenta à ces factieux au milieu de ses enfants, avec ce courage et cette grandeur d’âme qu’elle avait montrés les 5 et 6 octobre, et qu’elle opposa toujours à leurs injures et à leurs violences.
Sa Majesté s’assit, ayant une table devant elle, Mgr le Dauphin à sa droite et Madame à sa gauche, entourée du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui ne cessa d’opposer un mur inébranlable au peuple rugissant, qui l’invectivait continuellement.
Plusieurs députés s’étaient aussi réunis auprès d’elle.
Santerre fait écarter les grenadiers qui masquaient la Reine, pour lui adresser ces paroles :
« On vous égare, on vous trompe, Madame, le peuple vous aime mieux que vous le pensez, ainsi que le Roi ; ne craignez rien.
– Je ne suis ni égarée ni trompée, répondit la Reine, avec cette dignité qu’on admirait si souvent dans sa personne, et je sais (montrant les grenadiers qui l’entouraient) que je n’ai rien à craindre au milieu de la garde nationale ».
Santerre continua de faire défiler sa horde en lui montrant la Reine. Une femme lui présente un bonnet de laine ; Sa Majesté l’accepte, mais sans en couvrir son auguste front. On le met sur la tête de Mgr le Dauphin, et Santerre, voyant qu’il l’étouffait, le lui fait ôter et porter à la main.
Des femmes armées adressent la parole à la Reine et lui présentent les sans-culottes ; d’autres la menacent, sans que son visage perde un moment de son calme et de sa dignité.
Les cris de «Vivent la Nation, les sans-culottes, la liberté ! à bas le veto !» continuent.
Cette horde s’écoule enfin par les instances amicales et parfois assez brusques de Santerre, et le défilé ne finit qu’à huit heures du soir.
Madame Elisabeth, après avoir quitté le Roi, vint rejoindre la Reine, et lui donner de ses nouvelles.
Ce prince revint peu après dans sa chambre, et la Reine, qui en fut avertie, y entra immédiatement avec ses enfants.»
Vers dix heures du soir
Pétion et les officiers municipaux font évacuer le château.
Même s’il a subi une humiliation, Louis XVI a fait échouer la manifestation, par son obstination imprévue et sa fermeté tranquille, et il se tient désormais sur ses gardes.
Surtout, elle renforce l’opposition royaliste, le déchaînement de la foule et le courage du Roi suscitant un courant d’opinion en sa faveur. Des départements parviennent à Paris adresses et pétitions pour dénoncer la manifestation, même si de nombreux clubs envoient des pétitions hostiles au Roi.
Pétion est suspendu de ses fonctions de maire.
Louis XVI conserve sa détermination à défendre la Constitution en espérant un sursaut de l’opinion en sa faveur, ce qui se manifeste le 14 juillet, troisième fête de la fédération, étant l’objet de manifestations de sympathie.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Le 20 juillet 1792
La sentence prononcée en 1786 contre madame de La Motte -qui vient de mourir à Londres- est cassée.
Il s’agit d’une mise en accusation indirecte de la Reine.
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick
Le 10 août 1792
La journée du 10 août commence en réalité dans la nuit du 9 au 10 août. En pleine nuit, le tocsin sonne au couvent des Cordeliers. Une heure plus tard, toutes les églises de Paris répondent au signal donné par Danton. Ce sont les quarante-huit sections de Paris, dont les révolutionnaires se sont rendus maîtres. Danton lance alors les sections parisiennes à l’assaut de l’hôtel de Ville, met à la porte la municipalité légale et y installe sa «commune insurrectionnelle», qui s’effondrera le 9 thermidor avec Robespierre.
Le deuxième acte se joue alors. Le commandant de la garde Nationale, Galliot de Mandat, favorable à Louis XVI, est convoqué à l’hôtel de ville. C’est un piège. Dès qu’il y pénètre, il est assassiné. Son corps est jeté dans la seine, et sa tête, plantée sur une pique. Santerre, le roi des faubourgs, le remplace.
Les Tuileries constituent le dernier objectif. Pour défendre le palais, le Roi peut compter sur ses mille à mille deux cents gardes Suisses, sur trois cents chevaliers de Saint louis, sur une centaine de nobles et de gentilshommes qui lui sont restés fidèles. La Garde nationale est passée dans le camp adverse. Seul le bataillon royaliste des «filles de Saint Thomas» est demeuré fidèle au souverain.
Roederer, le «procureur syndic du département» convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles. La foule envahit le palais des Tuileries et la princesse suit la Famille Royale qui se réfugie à l’Assemblée législative.
Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».
Louis XVI. en proie à la plus vive anxiété, se réfugie avec sa famille au sein de l’assemblée, où il entre en disant :
« Je suis venu ici pour éviter un grand crime qui allait se commettre. »
On conduit la famille royale dans la loge du logographe (ou sténographe), situé derrière le bureau de Vergniaud, président de séance, est placée en sécurité. C’est dans cette pièce de quelques 15 m² que Louis XVI et les siens vont assister aux débats de l’assemblée qui vont abolir la royauté en France, pendant les trois journées qui suivent.
Le petit Dauphin a faim et soif. Monsieur de Joly, dernier ministre de la Justice de Louis XVI, auquel le jeune prince donnait la main pendant le trajet du palais au Manège, se dévoue pour aller chercher un repas à la cantine de l’Assemblée. Par scrupule – et aussi sans doute en vertu d’une méfiance non sans raison -, il goûte tous les mets. À tel point même que Louis-Charles lui dit : «Assez, ministre, assez !».
Le Roi est suspendu de ses fonctions.
A une heure, Louis XVI et sa famille se rendent aux Feuillants où des chambres ont été préparées. Des commissaires de l’Assemblée nationale et un détachement de la garde nationale les accompagnent.
Toutes les chambres sont contigües : la première sert d’antichambre où veillent cinq gentilshommes qui ne veulent pas quitter le Roi (M. de Briges, le prince de Poix, le duc de Choiseul, le baron de Goguelat, M. de Saint-Pardoux et le baron d’Aubier) ; le Roi se trouve dans la seconde ; la Reine et les enfants dans la troisième ; Madame Elisabeth, la princesse de Lamballe et la marquise de Tourzel dans la dernière.
Pour dormir, Louis XVI a une serviette qui lui tient de bonnet de nuit, et à demi habillé. Le baron d’Aubier et la marquise de Tourzel dorment au pied du lit de Louis XVI.
Madame Elisabeth, la princesse de Lamballe et la marquise de Tourzel dorment sur des matelas à même le sol.
Madame Mertins, première femme de chambre de la princesse de Lamballe, qui a sa confiance absolue, parvient à entrer à l’Assemblée nationale, par l’appartement de M. de Villemotte. Elle couche dans la même chambre que la princesse de Lamballe, à ses pieds.
Vendredi 11 août 1792
La Famille Royale se trouve sans vêtements de rechange. M. Pascal, officier des cent suisses, qui a une corpulence comparable à celle de Louis XVI, lui offre des vêtements ; la duchesse de Gramont transmet du linge de corps à Marie Antoinette ; la comtesse Gover-Sutherland, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre, apporte des vêtements pour le prince royal.
Louis XVI apprenant l’envoi de linges que la duchesse de Gramont, sœur de feu le duc de Choiseul, vient de faire à la Reine, lui écrit le billet suivant, qui indique que la duchesse de Gramont ne borne pas ses offres à celle de quelques vêtements :
« Au sein de l’Assemblée nationale, le 11 août.
Nous acceptons, Madame, vos offres généreuses, l’horreur de notre position nous en fait sentir tout le prix, nous ne pourrons jamais reconnaître tant de loyauté que par la durée de nos plus tendres sentiments.
Louis. »Louis XVI
Samedi 12 août 1792
Louis XVI et sa famille retournent, à dix heures, dans la loge du logographe.
Le soir, ils retournent aux Feuillants. Il espère y goûter un peu de repos et conserver avec lui les cinq gentilshommes qui l’avaient accompagné. Mais la garde est changée par des hommes jaloux et méchants. Le Roi passe, avec sa famille, dans la salle où l’on a préparé le souper. Ils sont servis, pour la dernière fois, par les cinq gentilshommes. La séparation prochaine rend ce repas triste et funèbre, car Louis XVI a appris qu’un décret ordonne de les faire arrêter. Louis XVI ne mange pas mais le prolonge autant qu’il le peut. Il ordonne aux cinq gentilshommes de le quitter, et leur fait embrasser ses enfants. Pendant ce temps, la garde monte pour se saisir d’eux mais ils arrivent à s’échapper par un escalier dérobé.
Le 13 août 1792
Selon Madame de Tourzel, la famille royale, accueillie par Santerre, voit d’abord la cour du palais illuminée de lampions comme s’ils étaient attendus pour une fête ; on retrouve l’ambiance des grands couverts qui rythmaient la vie de Cour à Versailles et aux Tuileries…
Après un splendide dîner servi dans l’ancien palais du comte d’Artois ( où la famille royale espère encore être logée) , la messe est dite dans un salon. Après avoir visité les lieux, Louis XVI commence à répartir les logements.
A onze heures du soir
Alors que le Dauphin est gagné par le sommeil et que madame de Tourzel est surprise d’être emmenée en direction de la Tour, le Roi comprend qu’il a été joué par la Commune.
Pétion, qui estimait que la grande Tour était en trop mauvais état, a résolu de loger la famille royale dans la petite en attendant la fin des travaux ordonnés pour isoler la prison du monde extérieur.
La Tour qui faisait tant frémir Marie-Antoinette, autrefois, qu’Elle avait demandé à Son beau-frère qu’il la détruise. Était-ce un pressentiment de Sa part ?
Quittant les magnifiques salons du comte d’Artois, la famille royale est emmenée dans la petite tour pour être logés dans les appartements de Jacques-Albert Berthélemy, ancien avocat archiviste de l’ordre de Malte, détenteur de cette charge depuis 1774. Il avait obtenu ce logement de fonction en 1782, où il vivait , en vieux célibataire et il n’y avait véritablement de la place chez lui que pour loger un seul maître de maison. Pour des raisons de sécurité, les domestiques héritent des pièces du bas, les plus confortables, tandis que la famille royale loge dans les parties hautes de la tour, dans des pièces à l’abandon depuis des années. Du mobilier est apporté du garde-meuble et du palais du Temple afin de compléter celui de l’archiviste.
Le second étage est attribué à la Reine et Sa fille, Marie-Thérèse . Elles couchent dans l’ancienne chambre de Barthélémy. Au même étage, la princesse de Lamballe dort dans l’antichambre, la marquise de Tourzel et le Dauphin partagent à nouveau la même chambre.
« La famille royale occupa d’abord la petite tour; il n’y avait que deux chambres à chaque étage, et une petite qui servait de passage de l’une à l’autre. On y plaça la princesse de Lamballe, et la Reine occupa la seconde chambre, en face de celle de Mgr le Dauphin. Le Roi logea au-dessus de la Reine, et l’on établit un corps de garde dans la chambre à côté de la sienne. Madame Élisabeth fut établie dans une cuisine, qui donnait sur ce corps de garde et dont la saleté était affreuse. »
Dans la nuit du 19 au 20 août 1792
On vient chercher tous ceux qui n’appartiennent pas à la Famille Royale stricto sensu. Marie-Antoinette confie alors la délicate princesse de Lamballe à la gouvernante de Ses enfants, car tous ignorent dans quel endroit les trois femmes seront conduites. Madame de Tourzel est transférée avec la princesse de Lamballe et Pauline à la prison de la Force. La marquise de Tourzel est sauvée par son sang froid et la compassion d’un membre de la convention, monsieur Hardy. Louise-Elisabeth et Pauline survivent miraculeusement à cet épisode. Madame de Lamballe, madame de Tourzel et sa fille Pauline sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse.
« Manuel, qui ne négligeait aucune occasion de plaire au peuple souverain, voulut lui donner le plaisir de notre translation à la Force. Il nous y fit conduire à midi, dans trois fiacres escortés par la gendarmerie. Comme c’était un jour de dimanche, une foule de curieux se portèrent sur notre passage, et nous fûmes accablées d’injures pendant notre trajet de l’Hôtel de ville à la Force. Nous y entrâmes par la rue des Ballets, et nous restâmes tous dans la salle du conseil, pendant qu’on inscrivait nos noms sur le registre de madame de Hanère, concierge de cette prison. C’était une très bonne femme, qui avait avec elle une fille qui fut parfaite sous tous les rapports.
Quand nos noms furent inscrits, Pauline et moi fûmes conduites dans deux cachots de cette prison, séparés l’un de l’autre; et madame la princesse de Lamballe dans une chambre un peu meilleure. Je fis l’impossible pour ne point être séparée de ma chère Pauline; et voyant que je ne pouvais rien gagner sur le cœur endurci de nos municipaux, je leur reprochai avec la plus grande véhémence l’inconvenance de séparer de sa mère une jeune personne de son âge; et je me laissai aller à toute l’impétuosité de ma douleur sans ménager aucune de mes expressions. »Madame de Tourzel
Les deux amies doivent se dire adieu. La princesse est conduite à la prison de la Force.
Initialement, Madame de Tourzel est séparée de sa fille ainsi que de la princesse de Lamballe dans l’affreuse prison de la Petite Force, mais grâce à l’intervention de Manuel, procureur syndic de la Commune de Paris, les trois dames sont réunies dans une seule cellule assez spacieuse, le 20 août 1792.
« M. Hardi, car c’est ainsi que s’appelait celui à qui Pauline et moi devons la conservation de notre existence, témoin de mon désespoir, fut trouver Manuel et lui représenta que c’était une barbarie inutile de séparer la mère et la fille, et le fit consentir à nous réunir. J’étais loin de l’espérer, et je fus bien étonnée d’entendre ouvrir ma porte à sept heures du soir, et de voir entrer Manuel et Pauline dans ma chambre. Je n’ai jamais éprouvé dans ma vie de satisfaction plus vive. Nous nous jetâmes dans les bras l’une de l’autre, sans pouvoir exprimer une parole, et avec un tel sentiment, que Manuel en fut attendri. Nous lui témoignâmes ensuite notre reconnaissance avec une telle vivacité, qu’il en fut ému au point de verser quelques larmes, et il m’offrit de m’amener aussi madame de Lamballe. Quoique ce fût naturellement à nous à l’aller trouver, je ne fis aucune objection, de peur de refroidir sa bonne volonté, et je lui en témoignai le plus grand désir. Il sortit sur-le-champ pour l’aller chercher et l’amena dans ma chambre. Nous le remerciâmes de bien bon cœur; et cette bonne princesse, ne voulant plus nous quitter, demanda qu’il lui fût permis d’occuper le second lit qui était dans mon cachot. Pauline, qui vit la répugnance qu’elle avait à passer la nuit seule dans cette prison, offrit de retourner dans la sienne, et Manuel nous proposa de nous établir toutes trois, le lendemain, dans la chambre où avait été mise d’abord cette princesse, comme étant plus saine et plus commode que la mienne. Ce n’était pas difficile, car celle-ci était un vrai cachot, privé d’air, n’ayant pour toute fenêtre que trois carreaux de vitre, et d’une humidité si excessive, que je fus enrhumée pour y avoir couché une seule nuit.
Le lendemain, à huit heures du matin, Manuel vint lui-même nous conduire dans la chambre de madame de Lamballe, où nous fûmes toutes trois réunies. On nous permit de faire venir de chez nous ce dont nous avions besoin. Comme Pauline et moi n’avions rien sauvé des Tuileries, et que nous ne possédions que ce qui était dans notre cassette, nous n’abusâmes pas de la permission, et nous louâmes ce qui nous était absolument nécessaire et dont nous ne pouvions nous passer. »Madame de Tourzel, Mémoires
« Madame la princesse de Lamballe fut parfaite dans sa triste situation. Douce, bonne, obligeante, elle nous rendait tous les petits services qui étaient en son pouvoir. Pauline et moi étions sans cesse occupées d’elle, et nous avions au moins la consolation, dans nos malheurs, de n’avoir qu’un cœur et qu’un esprit.
Cette bonne princesse voulait qu’on lui parlât avec franchise, et sur ce que je lui disais qu’après une conduite aussi honorable que la sienne, elle ne devait plus se permettre de petits enfantillages, qui lui faisaient tort, et commencer au contraire une nouvelle existence, elle me répondit avec douceur qu’elle en avait déjà formé la résolution, ainsi que celle de revenir à ses principes religieux, qu’elle avait un peu négligés.
Elle avait pris Pauline en amitié et nous disait journellement les choses les plus aimables sur le bonheur qu’elle éprouvait de nous avoir avec elle. Il nous fut impossible de ne pas prendre pour elle un véritable attachement; aussi fûmes-nous profondément affligées quand nous apprîmes la fin cruelle de cette pauvre malheureuse princesse. »Madame de Tourzel, Mémoires
Le 22 août 1792
Manuel, élu procureur-syndic, conduit Madame et mademoiselle de Tourzel dans la chambre de Madame de Lamballe : à huit heures du matin les voilà toutes les trois seules.
« Nous éprouvâmes un moment de bonheur de pouvoir partager ensemble nos infortunes.»
Le 23 août 1792
Les trois prisonnières reçoivent un paquet venant du Temple : des effets que leur envoie la Reine, Madame Elisabeth y joint une robe à elle pour Pauline.
« Le séjour à la Force était affreux. Cette maison n’était remplie que de coquins et de coquines qui tenaient des propos abominables et chantaient des chansons détestables. Les oreilles les moins chastes eussent été blessés de tout ce qui s’y entendait sans discontinuer, la nuit comme le jour.»
Madame de Tourzel
Les détenues ont obtenu de faire quelques pas, le soir, dans la cour.
Les 2 et 3 septembre 1792
Une foule armée de barres de fer, de piques et de bûches encercle les prisons de Paris, voulant y tuer les royalistes qu’une rumeur accuse d’y avoir caché des armes pour fomenter une contre-révolution. La princesse, tirée de sa cellule au matin du 3 septembre, est, d’après la reconstitution des procès-verbaux de la section des Quinze-Vingts, introduite devant une commission improvisée en hâte par les membres du comité de surveillance de la Commune du 10 août, et sommée de « nommer ceux qu’elle avait reçus à sa table»
Le 2 septembre sont massacrés tous les prêtres emprisonnés à la prison des Carmes.
Le 3 septembre 179
Vers onze heures du matin
La princesse de Lamballe est tirée de son cachot, elle est conduite, encadrée de deux hommes, devant un prétendu juge. Il s’agit du sinistre Jacques-René Hébert…
On lui demande surtout de témoigner sur la réalité de connivences de Louis XVI et Marie-Antoinette avec les puissances de la Coalition. Elle s’y refuse et c’est pour cette raison qu’on l’aurait mise à mort. Il est possible qu’on ait voulu éviter un procès équitable au cours duquel elle aurait pu mettre en cause un certain nombre de pêcheurs en eaux troubles soudoyés par la cour, comme Dossonville, Maillard ou le général Santerre, partie prenante dans les massacres de Septembre avec son beau-frère Panis. Dans les minutes qui suivirent ce semblant d’interrogatoire, elle fut « élargie », terme ambigu qui est interprété soit comme une libération, soit comme une mise à mort. Talleyrand, qui est encore à Paris à ce moment et qui doit embarquer pour Londres le surlendemain du crime, a indiqué à lord Grenville, secrétaire du Bureau des Affaires étrangères britannique, que Madame de Lamballe a été tuée à la suite d’une atroce méprise.
En sortant dans la cour de la prison, elle aurait eu, selon lui, un malaise, et les tueurs aux aguets, armés de bûches et de piques, croyant qu’elle avait reçu un premier coup, l’auraient frappée à leur tour. Cette version fut prise suffisamment au sérieux pour faire l’objet, le 24 septembre 1792, d’un mémorandum du ministère anglais.
La toute dernière fois que Madame de Tourzel évoque la princesse de Lamballe est au moment où elles doivent quitter leur cellule pour être jugées, la princesse de Lamballe en premier :
« Notre porte s’ouvrit sur les onze heures du matin, et notre chambre s’emplit de gens armés, qui demandèrent la princesse de Lamballe.
On ne parla pas de moi d’abord, mais je ne voulus pas l’abandonner, et je la suivis. On nous fit asseoir sur une des marches de l’escalier, pendant qu’on allait chercher toutes les femmes qui étaient dans la prison.
La princesse de Lamballe, se sentant faible, demanda un peu de pain et de vin; on le lui apporta; nous en prîmes toutes les deux; car, dans les occasions pareilles, un physique trop affaibli influe nécessairement sur le moral.
Quand on nous eut toutes rassemblées, on nous fit descendre dans la cour, où nous retrouvâmes mesdames Thibaut, Navarre et Basire. Je fus bien étonnée d’y trouver madame de Mackau, qui me dit qu’on l’avait enlevée, la veille, de Vitry pour la conduire dans cette effroyable prison.
On avait établi au greffe un tribunal pour juger les prisonniers ; chacun d’eux y était conduit par deux assassins de cette prison, qui les prenaient sous les bras pour les massacrer ou les sauver, suivant le jugement porté contre eux.
Il y avait dans la cour, où nous étions tous rassemblées, un grand nombre de ces hommes de sang ; ils étaient mal vêtus, à moitié ivres, et nous regardaient d’un air barbare et féroce.
Il s’était cependant glissé parmi eux quelques personnes honnêtes, et qui n’y étaient que dans l’espoir de saisir un moyen d’être utiles aux prisonniers, s’ils en pouvaient trouver l’occasion ; et deux d’entre elles me rendirent de grands services dans cette fatale journée.
Je ne quittai pas un instant cette pauvre princesse de Lamballe, tout le temps qu’elle fut dans cette cour. Nous étions assises à côté l’une de l’autre, quand on vint la chercher pour la conduire à cet affreux tribunal. Nous nous serrâmes la main pour la dernière fois, et je puis certifier qu’elle montra beaucoup de courage et de présence d’esprit, répondant sans se troubler à toutes les questions que lui faisaient les monstres mêlés parmi nous, pour contempler leurs victimes avant de les conduire à la mort ; et j’ai su positivement, depuis, qu’elle avait montré le même courage dans l’interrogatoire qui précéda sa triste fin. »Madame de Tourzel
A la mi-journées, après avoir reçu un en-cas de pain et de vin pris dans un escalier, les prisonnières sont conduites dans une petite cour où se trouvent rassemblés d’autres détenus. Madame de Tourzel a la surprise de retrouver Madame de Mackau ainsi que Mesdames Thibaud, Navarre et Basire, naguère au service des Enfants de France. Louise-Elisabeth est alors rassurée quant au sort de sa fille, par un homme qui se faufile jusqu’à elle.
« La certitude que Pauline était sauvée me rendit heureuse au milieu de tant de dangers.»
Madame de Tourzel
Louise-Elisabeth de Tourzel entend alors que le tribunal improvisé relaxe une partie des prisonniers : ceux pour dettes de la Grande-Force et des femmes de la Petite-Force. La gouvernante nourrit peu d’espoir quant à la justice expéditive.
Le moment vient pour la princesse de Lamballe d’être entendue par le tribunal :
« nous nous serrâmes la main pour la dernière fois et je puis certifier qu’elle montra beaucoup de courage et de présence d’esprit».
Elles ne se reverront pas.
« Quelques gens d’aussi mauvaise mine que ceux qui m’entouraient arrivent alors de l’autre côté de la cour pour me demander de venir au secours d’une femme qui se trouvait mal (…). Cette femme qui était celle du premier valet de chambre du roi (Madame de Septeuil), étant revenue à elle, fut emmenée hors de la cour.(…)L’infortunée princesse de Lamballe avait disparu pendant que je répondais aux questions des gens qui l’entouraient.»
Mémoires de la duchesse de Tourzel
On lui demande de témoigner contre Marie-Antoinette, et de jurer la haine du Roi et de la Reine.
La princesse refuse. Un gendarme lui glisse alors à l’oreille :
« Jurez, madame ou vous êtes morte».
Nouveau refus.
Hébert prononce alors la sentence
« qu’on élargisse madame…..»
Appuyant le corps évanoui de la princesse sur une borne qui va servir de billot, un reître tranche la tête à coups de sabre. Des femmes arrachent la robe blanche maculée de sang et un boucher ouvre le ventre pour en sortir les entrailles et le cœur.
Voici les différents témoignages de cet ignoble massacre :
« La princesse de Lamballe est conduite à l’extérieur. En franchissant la porte, elle reçoit un violent coup de massue qui l’assomme ou la tue à moitié. Elle est ensuite traînée jusqu’à un endroit appelé cul de sac des prêtres, où on l’achève coup de piques et de hache. Alors, l’horreur se déchaîne. Sa tête, coupée, est plantée au bout d’une pique. On plante sur d’autres piques, son cœur et ses parties intimes. Le reste de son corps est traîne derrière le groupe qui se forme pour partir en procession dans les rues de Paris.»
« Elle est sortie et à la vue de la foule, elle s’est évanouie pendant qu’un tueur l’attrapait par le chignon bas qu’elle portait et lui a coupé la tête en se servant de la borne sise près de la porte protégeant le mur d’entrée des voitures .»
« La tête a été mise sur une pique et portée en triomphe… elle a été trempée dans un seau d’eau fraîche au coin du boulevard Beaumarchais et ensuite recoiffée par un homme de l’art.»
Près de la prison de la Force une foule hystérique vient de massacrer la princesse de Lamballe, a profané et mutilé son corps, et promène à travers les rues sa tête fichée au bout d’une pique. Selon une tradition restée longtemps vivace, le sinistre cortège serait passé devant cet immeuble – la maison Martin – qui fait angle avec la rue du Pont-aux-choux.
Il y a alors, au rez-de-chaussée, un débitant de vin. Selon un ancien usage, celui-ci a disposé à sa porte, sur une petite chaise, un seau rempli d’eau destiné à abreuver les chevaux des charretiers qui font halte dans son établissement. Celui qui portait la tête de Madame de Lamballe « rendue méconnaissable par le sang coagulé qui la couvrait » se serait arrêté un instant pour y laver son sinistre trophée en le plongeant à plusieurs reprises dans ce seau.
On connait la suite. La tête fut portée jusqu’à la prison du Temple pour être exhibée à Marie-Antoinette et ce n’est qu’à sept heures du soir, exténuée, que cette troupe avinée se présente à la section des Quinze-Vingts (qui siège alors à l’hospice des enfants-trouvés) pour y déposer les débits sanglants qu’elle promenait depuis des heures dans les rues de la capitale.
« Pour le reste du corps… les entrailles ont été prélevées et le cœur aurait été mangé par un homme !!! Les restes intimes ont été mis sur La garde d’une épée ou d’un sabre avec le geste très intelligent de le porter «en moustache» la pilosité ….
Pendant cette promenade un serviteur du duc de Penthièvre avec un sac ramassait les morceaux abandonnés et en fin d’après-midi après le retour du Palais Royal, la fatigue aidant, il a récupéré le reste pour se rendre au Commissariat des 15/20 (faubourg Saint-Antoine) et lesdits restes auraient été retirés et déposés dans le tombeau des Penthièvre.Le cortège bachique se dirige successivement au Palais-Royal, chez le duc d’Orléans, puis à l’hôtel de Toulouse, pour présenter les trophées sanglants au beau-père de la princesse, le duc de Penthièvre, avant d’arriver au Temple, pour faire contempler les restes de Son amie à Marie-Antoinette. L’entrée du Temple leur est interdite. On a dressé un cordon tricolore comme seule barrière pour les arrêter… »
Dans son « Paris pendant la Révolution (1789-1798) ou le Nouveau Paris », Louis-Sébastien Mercier décrit ce détail horrible du supplice post-mortem de la princesse de Lamballe :
« Lorsque les assassins se furent partagé les morceaux sanglants de son corps, l’un de ces monstres lui coupa la partie virginale et s’en fit des moustaches, en présence des spectateurs saisis d’horreur et d’épouvante.»
A l’intérieur de la tour du Temple, la famille royale, tenue dans l’ignorance des événements, ne sait rien du carnage qui se déroule dans Paris…
Un cri d’effroi est poussé au rez de chaussée : c’est madame Tison, qui vient de voir la pique sanglante. Cléry, qui lui aussi a vu le trophée macabre, est blanc d’effroi mais n’ose rien dire.
Une dispute éclate entre les gardes municipaux, les uns voulant que la Reine se montre, les autres ne le voulant pas. L’un d’eux finit par dire à Marie-Antoinette, qui demande ce qui se passe :
« Eh bien madame, puisque vous voulez le savoir, c’est la tête de madame de Lamballe que l’on veut vous montrer….»
La Reine tombe évanouie sans entendre la fin de la phrase. Les meurtriers continueront pendant prêt de trois heures à brailler et à réclamer la reine. Marie-Antoinette ne verra pas la tête de Son amie plantée sur la pique.
Post-mortem
Tandis que sa tête était promenée au bout d’une pique jusqu’à la tour du Temple, Adam Pitt raconte que son corps fut transporté sur des kilomètres (il parle plutôt de lieues…), profané, jusqu’au comité civil de la section des Quinze-Vingts. Enfin, la tête fut portée à son tour par un garçon boucher nommé Allaigre au comité, à sept heures du soir, après avoir été repoudrée, afin d’être « inhumée auprès du corps » dans une tombe du cimetière des Enfants-Trouvés. Quelques heures plus tard, le duc de Penthièvre dépêcha son fidèle valet Fortaire pour retrouver sa dépouille, en vain.
Sa mort donna lieu à une profusion de témoignages, très largement diffusés à l’époque et jusqu’à aujourd’hui, tant parmi les révolutionnaires que dans les milieux royalistes et contre-révolutionnaires, qui sont souvent sujets à caution, traduisant moins la réalité des faits qu’une vision fantasmatique. Ces textes décrivent avec force détails macabres, la mise à mort, la profanation par le nègre Delorme, la mutilation, le dépeçage, la fragmentation par un certain Charlat, tambour de son état, et l’exposition du corps abandonné dans un chantier de construction, vers le Châtelet, jusqu’au petit matin, «expriment les craintes et les luttes qui animent alors les différents protagonistes de la Révolution».
Côté révolutionnaire, on a présenté les « cadavres réparateurs » des victimes des massacres de Septembre, laissés sur le pavé, comme une réponse au complot fomenté dans les prisons et à la menace extérieure. Pour Antoine de Baecque, la description morbide de la mise à mort et des outrages visait à « exprimer l’anéantissement du complot aristocratique ». De même, il considère qu’ils servaient à « punir la femme de cour, ainsi que le supposé complot féminin et lesbien – menaçant la prééminence masculine – de «la Sapho de Trianon», vilipendée par les chroniqueurs et les gazetiers sous l’Ancien Régime. Les royalistes ont repris à leur compte ces récits, « en retournant leur sens pour montrer la régression du révolutionnaire à l’état de barbare et la monstruosité de la Révolution, opposée à la délicatesse du corps de la victime ».
Voici le témoignage d’un certain Jean Némery, écrivain public, qui se trouvait par hasard dans les environs de La Force ce maudit 3 septembre 1792 au matin :
« Venant de la rue Saint-Paul, je vis de nombreux curieux à l’entrée de la rue des Ballets, et j’appris qu’on massacrait à la Force. Le spectacle ne me tentait guère ; mais, il faut bien avoir vu quelque chose en ces temps où il y a tant de choses à voir. Je me mêlai donc aux curieux et, tout doucement, en me glissant entre les groupes, je réussis à atteindre presque le haut de la rue.
De l’endroit où je me trouvais, j’apercevais, au-dessus des têtes, l’entrée de la demeure du concierge de la prison devant laquelle se tenaient des hommes armés de sabres et de piques. C’étaient évidemment les exécuteurs.
Une femme apparut, encadrée par deux hommes et suivie par le guichetier. J’entendis dire que c’était la princesse de Lamballe, l’amie de la malheureuse Reine. Une scène rapide et atroce se déroula sous mes yeux. En apercevant les corps étendus au sol, la princesse fit un geste d’horreur et recula vivement. Les deux hommes qui l’encadraient la saisirent chacun par un bras et lui parlèrent ; elle répondit en faisant des gestes, mais je n’entendais pas ses paroles. Quelques-uns des exécuteurs s’étaient approchés du petit groupe et riaient, se moquant sans doute de la frayeur de la princesse. L’un deux la menaça de sa pique ; elle recula, leva un bras comme pour se protéger. Les exécuteurs s’étaient écartés et je crus qu’ils allaient la laisser passer.
Je respirais, lorsque, tout à coup, deux de ces démons se placèrent devant elle et la frappèrent, l’un d’une pique, l’autre d’un sabre. Elle poussa un cri, tituba, porta une main sur sa poitrine, puis tomba sur un petit tas de cadavres, un peu à gauche de la porte, vers la rue des Ballets ; elle essaya de se relever, mais elle reçut de nouveaux coups, ses bras s’agitèrent un moment, puis elle ne bougea plus. Les deux hommes qui l’accompagnaient n’avaient rien fait pour essayer d’empêcher ce meurtre.»
Pour autant qu’on puisse considérer ce témoignage comme véridique, je suis choqué du fait que, contrairement à ce que j’ai toujours cru et espéré (la princesse qui s’évanouit juste avant d’être assommée), elle était quand même consciente jusqu’au bout, au moment où on la frappait «avec une pique, où on la blessait apparemment à la poitrine, et puis qu’elle tombait, et qu’elle essayait de se relever sans succès» … et puis personne qui venait à son secours (au péril de sa vie évidemment, avec que des hommes saouls et dangereux dans les parages). En même temps, cela ne m’étonne pas qu’elle était restée consciente, face à la terreur d’une mort atroce, afin d’éviter la douleur, coûte que coûte.
Et malgré le fait que Madame de Lamballe savait que ses jours étaient comptés à Paris, dans les récits de Mme de Tourzel et de la marquise de Lâge de Volude (sa dame d’honneur) il s’avère qu’elle restait quand même relativement optimiste jusqu’à la fin, espérant peut-être encore«à la Force qu’on allait la ramener au Temple près de la reine.»
Parmi ces récits, on peut noter La Famille royale préservée au Temple. Extrait du récit de ce qui s’est passé au Temple dans les journées des 2 et 3 septembre 1792, dont le manuscrit a été cité par Georges Bertin en 1888, le récit des événements dans la Révolution de Paris, qui présente la princesse de Lamballe comme une comploteuse, La Vérité tout entière sur les vrais acteurs de la journée du 3 septembre 1792, le Bulletin du comte de Fersen au prince régent de Suède sur ce qui s’est passé en France ou Idée des horreurs commises à Paris dans les journées à jamais exécrables des 10 août, 2, 3, 4 et 5 septembre 1792 ou Nouveau Martyrologe de la Révolution française.
« Madame la Princesse de Lamballe a été martyrisée pendant quatre heures de la manière la plus horrible . La plume se refuse à ces détails ; on lui a arraché le sein avec les dents, et on lui a administré tous les secours possibles , pendant deux heures pour la faire revenir d’un évanouissement afin de lui faire mieux sentir la mort.»
Axel de Fersen, le 19 septembre 1792
« A la Force, ils y restèrent pendant cinq jours. Madame la ci-devant princesse de Lamballe y était détenue: son sincère attachement à l’épouse de Louis XVI était tout son crime aux yeux de la multitude; au milieu de nos agitations elle n’avait joué aucun rôle; rien ne pouvait la rendre suspecte aux yeux du peuple, dont elle n’était connue que par des actes multipliés de bienfaisance. Les écrivains les plus féroces, les déclamateurs les plus fougueux ne l’avaient jamais signalée dans leurs feuilles.
Le 3 septembre, on l’appelle au greffe de la Force ; elle comparaît devant le sanglant tribunal, composé de quelques particuliers. A l’aspect effrayant des bourreaux couverts de sang, il fallait un courage surnaturel pour ne pas succomber.
Plusieurs voix s’élèvent du milieu des spectateurs, et demandent grâce pour madame de Lamballe. Un instant indécis, les assassins s’arrêtent; mais bientôt après elle est frappée de plusieurs coups : elle tombe baignée dans son sang, et expire. Aussitôt on lui coupe la tête et les mamelles ; son corps est ouvert; on lui arrache le cœur; sa tête est ensuite portée au bout d’une pique et promenée dans Paris ; à quelque distance on traînait son corps. Les tigres qui venaient de la déchirer ainsi se sont donné le plaisir barbare d’aller au Temple montrer sa tête et son cœur à Louis XVI et à sa famille. Tout ce que la férocité peut produire de plus horrible et de plus froidement cruel fut exercé sur madame de Lamballe.
Il est un fait que la pudeur laisse à peine d’expressions pour le décrire ; mais je dois dire la vérité tout entière et ne me permettre aucune omission. Lorsque madame de Lamballe fut mutilée de cent manières différentes, lorsque les assassins se furent partagé les morceaux sanglants de son corps, l’un de ces monstres lui coupa la partie virginale et s’en fit des moustaches, en présence des spectateurs saisis d’horreur et d’épouvante.»Louis-Sébastien Mercier
« Il n’est pas possible de parler des massacres de la Force et d’oublier la plus intéressante de toutes les victimes qui périrent dans cette prison. Je serai bref cependant, attendu qu’à peu près toutes les circonstances de son horrible assassinat sont connues. Je dirai seulement quelques-unes de celles qui le sont moins. Je dirai, par exemple, qu’au moment où, soutenue par Truchon, dit le Grand Nicolas, et un autre scélérat de sa trempe, on la forçait de passer sur le monceau de cadavres amoncelés à la porte, et qu’elle s’évanouissait à chaque instant, Charlat, garçon perruquier de la rue Saint-Paul, imagine de lui enlever son bonnet avec le bout d’une pique; mais comme le misérable était ivre, il l’atteint au-dessus de l’œil et le sang jaillit aussitôt.
Grison l’étend à ses pieds d’un coup de bûche. On la frappe ensuite à coups de sabre, vingt piques sont enfoncées dans son corps, et quand elle n’est plus qu’un cadavre, Charlat lui coupe la tête, et son corps mutilé est livré à la populace, qui lui fait subir des outrages que la plume se refuse à décrire.
Sa tête est portée par Charlat, Grison, Mamin, le tisserand Radi, chez un marchand de vin du cul-de-sac des Prêtres; ils la déposent sur le comptoir et exigent que le marchand de vin boive avec eux à sa santé! puis on met cette tête au bout d’une pique. Je ne suivrai pas l’horrible procession à l’abbaye Saint-Antoine, au Temple, au Palais-Royal, à l’hôtel de Toulouse, et, je resterai encore quelque temps à la Force,…»Duval, dans ses Souvenirs de la Terreur, 1842
« Il passait rue Saint-Antoine au moment du massacre des prisonniers de la Force. Des monceaux de cadavres étaient ça et là; le sang coulait dans les ruisseaux comme l’eau de pluie. Épouvanté d’horreur et se sentant défaillir, mon père entra chez un marchand de vin et demanda un verre d’eau. Au moment où il buvait, une troupe d’égorgeurs entre dans la boutique du marchand et se fait servir du vin. L’un de ces monstres avait à la main une tête de femme fraîchement coupée, et dont la magnifique chevelure blonde était enroulée autour de son bras nu. Pour vider son verre, il posa cette tête toute droite sur le comptoir du marchand. C’était la tête de la princesse de Lamballe.»
Mémoires, baronne d’Oberkirch
Quelques heures plus tard, le duc de Penthièvre dépêche son fidèle valet Fortaire de retrouver sa dépouille, en vain.
«L’Héritage», revue d’études nationales, traitant de politique ( science et analyse), de philosophie, d’Histoire, de religion, des «forces occultes», de poésie, de livres, etc. estime que la mort de Madame de Lamballe est «un atroce assassinat maçonnique»… :
« Parlant des Francs-Maçons et de leurs forfaits, dans son admirable encyclique Humanum Genus, le Pape Léon XIII a écrit ces lignes : « Il n’est pas rare que la peine du dernier supplice soit infligée à ceux d’entre eux qui sont convaincus, soit d’avoir livré la discipline secrète de la Société, soit d’avoir résisté aux ordres des chefs ; et cela se pratique avec une telle dextérité que, la plupart du temps, l’exécuteur de ces sentences de mort échappe à la justice établie pour veiller sur les crimes et pour en tirer vengeance. »
Rien n’est plus vrai, en effet.
La Franc-Maçonnerie profite de toutes les circonstances pour frapper ceux dont elle a décidé la mort.
L’Héritage
Plus tard, en 1796, les assassins de la princesse de Lamballe seront jugés. L’un des principaux, Nicolas Le Grand, franc-maçon, est condamné à vingt ans de fers ; un autre, nommé Charlat, également franc-maçon, s’était engagé pour aller combattre les Vendéens, mais il est tué par ses camarades, à qui il faisait horreur à raison de sa participation au crime.
« La description morbide de la mise à mort et des outrages visait à « exprimer l’anéantissement du complot aristocratique ». De même, il considère qu’ils servaient à « punir la femme de cour, ainsi que le supposé complot féminin et lesbien – menaçant la prééminence masculine – de « la Sapho de Trianon », vilipendée par les chroniqueurs et les gazetiers sous l’Ancien Régime ». Les royalistes ont repris à leur compte ces récits, « en retournant leur sens pour montrer la régression du révolutionnaire à l’état de barbare et la monstruosité de la Révolution, opposée à la délicatesse du corps de la victime ».
Antoine de Baecque
sources :
- https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
- Raoul Arnaud, La princesse de Lamballe, 1911
- « Les dernières heures de la princesse de Lamballe », par Antoine de Baecke, L’Histoire, no 217, janvier 1998 – article dans lequel l’historien montre l’inexactitude des sévices subis par la princesse.
- La princesse de Lamballe intime (1922) du docteur Cabanes, Son rôle secret pendant la Révolution. Nombreux documents inédits, Paris, Albin Michel
- Le Mariage de la princesse de Lamballe (1956) par Castelnau Jacques
- La Princesse de Lamballe, (1979) de Michel de Decker, Paris, Perrin, 283 p. et 16 p. de planches
- La princesse de Lamballe: L’amie sacrifiée de Marie-Antoinette d’Emmanuel de Valicourt ; broché – Illustré, 4 novembre 2021
- La Princesse de Lamballe (1995) d’Alain Vircondelet, Paris, Flammarion, 1995, 273 p