
Le 31 mars 1755
Naissance de Joseph Weber, fils de Jean-George Weber, conseiller de la magistrature de Vienne et chef du bureau d’approvisionnement des vivres et de Marie-Constance Hoffmann, qui sera choisie pour être la nourrice de Marie-Antoinette, qui lui demeurera attachée, comme Desdémone à la sienne. Or , à cette fidélité de cœur pour sa mère, ce frère de lait répond par la même pour la Reine.
Le 2 novembre 1755
Naissance à la Hofburg, à Vienne, de Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine, quinzième des seize enfants qu’auront François Ier (1708-1765), Empereur du Saint-Empire et Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), Reine de Hongrie et de Bohême.

Aile Léopoldine de la Hofburg à Vienne où se trouve la chambre de l’Impératrice Marie-Thérèse 
Elle est décrite par le grand maître de Cour comme «fort petite mais tout à fait saine».

Marie-Constance Weber prend dès lors la petite Antonia sous sa coupe en lui offrant son sein.

Portrait de la famille impériale par Martin Van Meytens, 1755

La petite Madame Antoine et Sa grande sœur,
qui est aussi Sa préférée, Charlotte

L’Archiduchesse Antonia
Enfant, Marie-Antoinette rend souvent visite à Sa nourrice en compagnie de Sa mère, qui, à une occasion, est très généreuse en cadeaux aux petits Webers. Joseph, le frère de lait de Marie-Antoinette, dit que les Archiducs et Archiduchesses sont encouragés à se lier d’amitié avec des enfants communs.
Le 13 octobre 1762


Concert du jeune Wolgang Mozart, âgé de six ans devant la famille impériale dans un salon du château de Schönbrunn. L’enfant désireux de montrer toute sa fougue tombe sur le sol dans son élan sur son clavier. A cette occasion, la famille impériale aurait ri, sauf la plus jeune des archiduchesses, Antonia, qui l’aurait aidé à se relever. Il lui aurait répondu : «Je vois que vous êtes bien bonne. Plus tard je vous épouserai !»



Le 21 avril 1770
« Le départ de la Dauphine était prévu à neuf heures le lendemain matin, 21 avril. L’heure matinale était délibérée. Quel que soit l’avenir brillant de la mariée, ces séparations n’étaient pas, et ne pouvaient guère s’attendre à être, des occasions heureuses. Le comte Khevenhuller a rapporté dans son journal qu’on espérait éviter la détresse qui avait accompagné les adieux des archiduchesses Marie-Caroline et Marie-Amélie. En avril 1768, Marie-Caroline avait sauté de la voiture au dernier moment pour donner à son Antoine adorée une série d’étreintes passionnées et larmoyantes. En cette froide matinée de printemps, c’est l’impératrice qui serre encore et encore sa fille contre elle. « Adieu, ma très chère enfant, une grande distance va nous séparer… Faites tant de bien aux Français qu’ils puissent dire que je leur ai envoyé un ange. » Puis elle s’est effondrée et a pleuré. Joseph Weber, avec sa mère la nourrice, fut autorisé à regarder le cortège partir. Il se rappelait toujours comment Madame Antoine, incapable de contrôler ses propres sanglots, tendait encore et encore le cou par les fenêtres, pour apercevoir une dernière fois sa maison.»
Marie-Antoinette, Le Voyage – Antonia Fraser



Règlement à lire tous les mois
A votre réveil vous ferez tout de suite, en vous levant, vos prières du matin à genoux et une petite lecture spirituelle, ne fût-ce même que d’un seul demi quart d’heure, sans vous être encore occupée d’autre chose ou avoir parlé à personne. Tout dépend du bon commencement de la journée et de l’intention, dont on la commence, ce qui peut rendre les actions même indifférentes bonnes et méritoires. C’est un point, sur lequel vous serez très exacte, son exécution ne dépend que de vous, et il peut en résulter votre bonheur spirituel et temporel. Il en est de même avec les prières du soir et examen de conscience ; mais je répète encore, celles du matin et la petite lecture spirituelle sont des plus importantes. Vous me marquerez toujours, de quel livre vous vous servez. Vous vous recueillerez pendant le jour le plus souvent que vous pourrez, surtout à la sainte messe. J’espère que ;vous l’entendrez avec édification tous les jours, et même deux les dimanches et les jours de fête, si c’est coutume à votre cour. Autant que je souhaite que vous soyez occupée de la prière et bonne lecture, aussi peu voudrais-je que vous pensiez introduire ou faire autre chose que ce qui est de coutume en France ; il ne faut prétendre rien de particulier, ni citer ce qui est ici d’usage, ni demander qu’on l’imite ; au contraire il faut se prêter absolument à ce que la cour est accoutumée à faire. Allez, s’il se peut, l’après-dînée, et surtout tous les dimanches aux vêpres ou au salut. Je ne sais pas si la coutume est en France de sonner l’angelus, mais recueillez-vous alors, si non en public, du moins dans votre cœur. Répondez agréablement à tout le monde, avec grâce et dignité : vous le pouvez, si vous voulez. Il faut aussi savoir refuser. Dans mes états et dans l’empire vous ne sauriez vous refuser à accepter des placets, mais vous les donnerez tous à Starhemberg, et vous adresserez tout le monde à lui ou à Schaffgotsch, si le premier était empêché, en disant à tout le monde, que vous les enverrez à Vienne, ne pouvant faire rien de plus. Depuis Strasbourg vous n’accepterez plus rien, sans en demander l’avis de M. ou de Mme de Noailles, et vous renverrez à eux tous ceux qui vous parleront de vos affaires, en leur disant honnêtement, qu’étant vous-même étrangère, vous ne sauriez vous charger de recommander quelqu’un au roi. Si vous voulez, vous pouvez ajouter, pour rendre la chose plus énergique : « l’Impératrice, ma mère, m’a expressément défendu de me charger d’aucune recommandation ». N’ayez point de honte de demander conseil à tout le monde, et ne faites rien de votre propre tête. Vous avez un grand avantage, que Starhemberg fera avec vous le voyage de Strasbourg à Compiègne ; il est très aimé en France, il vous est très attaché. Vous pouvez lui tout dire et tout attendre de ses conseils ; il restera encore huit à dix jours à Versailles. Vous pouvez m’écrire sincèrement par son canal ; tous les commencements de mois j’expédierai d’ici à Paris un courrier : en attendant vous pourriez préparer vos lettres pour les faire partir tout de suite à l’arrivée du courrier. Mercy aura l’ordre de l’expédier d’abord. Vous pouvez de même m’écrire par la poste, mais sur peu de choses, et que tout le monde peut savoir. Je ne crois pas que vous deviez écrire à votre famille, hors dans des cas particuliers et à l’empereur, avec qui vous vous arrangerez sur ce point. Je crois que vous pourriez encore écrire à votre oncle et tante de même qu’au prince Albert. La reine de Naples souhaite votre correspondance ; je n’y trouve aucune difficulté. Elle ne vous dira rien que de raisonnable et d’utile ; son exemple doit vous servir de règle et d’encouragement, sa situation ayant été en tout et étant bien plus difficile que la vôtre. Par son esprit et par sa déférence elle a surmonté tous les inconvénients, qui ont été grands ; elle fait ma consolation et a l’approbation générale. Vous pouvez donc lui écrire, mais que tout soit mis en façon à pouvoir être lu par tout le monde. Déchirez mes lettres, ce qui me mettra à même de vous écrire plus ouvertement ; j’en ferai de même avec les vôtres. Ne faites aucun compte sur les affaires domestiques d’ici ; elles ne consistent que dans des faits peu intéressants et ennuyants. Sur votre famille vous vous expliquerez avec vérité et ménagement : quoique je manque souvent d’en être entièrement contente, vous trouverez peut-être que c’est ailleurs encore pis, qu’il n’y a ici que des enfantises et jalousies pour des riens, qu’autre part c’est bien plus soutenu. Il me reste encore un point par rapport aux Jésuites. N’entrez dans aucun discours, ni pour, ni contre eux. Je vous permets de me citer et de dire que j’ai exigé de vous de n’en parler, ni en bien, ni en mal : que vous savez, que je les estime, que dans mes pays ils ont fait grand bien, que je serais fâchée de les perdre, mais que si la cour de Rome croit devoir abolir cet ordre, je n’y mettrais aucun empêchement ; qu’au reste j’en parlais toujours avec distinction, mais que même chez moi je n’aimais pas à entendre parler de ces malheureuses affaires.
Le 16 mai 1770
Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin est célébré dans la chapelle royale de Versailles.
Les mariés sont décrits comme gauches et timides.
Le mariage vu par Sofia Coppola dans Marie-Antoinette en 2006

L’abbé, serviteur subalterne, ne participe pas aux cérémonies de cour, au contraire de Mercy et Starhemberg, en leur qualité d’ambassadeurs de l’Impératrice.

Le 10 mai 1774
Louis XV meurt à trois heures et quart de l’après-midi.

La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »


Cette très belle miniature faisant partie d’un ensemble de portraits de la famille royale, appartenait au frère de lait de la Reine Marie-Antoinette, le chevalier Joseph Weber.
Les miniatures offertes par la souveraine servirent de frontispice à ses mémoires, publiées à Londres de 1804 à 1809, sous le titre «Mémoires concernant Marie-Antoinette, Archiduchesse de France et sur plusieurs époques importantes de la Révolution Françoise depuis son origine jusqu’au 16 octobre 1793». La gravure représentant la miniature de la Reine Marie-Antoinette est visible dans le tome I de l’édition de 1804, page 1.
En 1774
La ceinture de la Reine Marie-Antoinette
Il existe encore chez les Français un sage antique et galant, dont les reines de France ont désiré la conservation. A la mort du roi, les Français payent à la nouvelle reine un droit connu sous le nom de ceinture de la reine. Marie-Antoinette apprend que ce droit pèse sur les classes les plus infortunées; que les privilégiés ont trouvé moyen de ne pas y contribuer : elle supplie le roi de s’opposer à sa perception. Cet acte généreux plaît à Louis XVI ; et l’universalité de la nation applaudit au désintéressement, à la bienfaisance de la jeune reine. La poésie devait conserver le souvenir de ce sacrifice. Le comte de Coutourelle se fit l’organe du peuple reconnaissant; il adressa à la reine le quatrain que nous citons :
Mémoires de Weber, frère de lait de Marie-Antoinette, reine de France
« Vous renoncez, charmante souveraine. Au plus beau de vos revenus. A quoi vous servirait la ceinture de reine ?Vous avez celle de Vénus. »

Le 29 novembre 1780
Mort de l’Impératrice Marie-Thérèse, celle à qui Joseph doit sa destinée, après une courte maladie.

Ayant appris la nouvelle avant sa femme, Louis XVI charge l’abbé de Vermond de La prévenir avec le plus de ménagement possible. Lorsque l’abbé s’est acquitté de sa pénible tâche, le Roi rejoint Marie-Antoinette et trouve les mots qui conviennent pour apaiser Son immense douleur.


La nouvelle du décès de Marie-Thérèse n’arrive à Versailles que le 6 décembre 1780 :
«La douleur de la reine fut telle qu’on devait la prévoir et la craindre. Une heure après avoir appris cet événement, elle prit le deuil de respect, en attendant que le deuil de Cour fût prêt ; elle resta enfermée dans ses cabinets pendant plusieurs jours, ne sortit que pour entendre la messe, ne vit que la famille royale et ne reçut que la princesse de Lamballe ou la duchesse de Polignac. Elle ne cessait de parler du courage, des malheurs, des succès et des pieuses vertus de sa mère.»
Madame Campan
C’est pour Marie-Antoinette, «le plus affreux malheur.»

Détail d’une gravure représentant Marie-Antoinette avec le portrait de Sa mère,
Marie-Thérèse. 1780
En 1782
Joseph Weber arrive en France. Marie-Antoinette l’accueille avec affection et lui fait une place dans le bureau des Finances. Cela fait douze ans qu’ils ne se sont pas vus.
Le jour où Joseph Weber remet à la Reine le consentement que donne sa famille à son séjour en France, Marie-Antoinette, prenant un ton sérieux et exprimant un sentiment respectueux :
«Weber, conduisez-vous bien, et j’aurai soin de vous. Mais songez que vous n’êtes pas Français. Je ne dois pas protéger un étranger sans mérite, et même encore moins lorsqu’il m’appartient. Il faut valoir plus qu’un autre et gagner votre avancement ; alors je vous y aiderai. La place par laquelle vous allez commencer vous rapportera, m’a-t-on dit, mille écus d’appointements fixes, sans compter les gratifications. Pour votre début, vous devez être content.»

De 1782 à 1789
«Je passais habituellement ma vie, une vie fort douce en vérité, avec les personnes attachées le plus intimement au service de la reine ; M. l’abbé de Vermont, son lecteur ; la respectable madame Thibault, première femme de chambre, et par qui elle distribuait tant d’aumônes ; madame Campan qui avait le même titre, en survivance de la baronne de Mizeri ; son beau-père, M. Campan, bibliothèque de Sa Majesté, homme riche, aimable et aimant le plaisir, à qui la reine a dit plus d’une fois avec une plaisanterie pleine de bonté «Surtout n’allez pas me gâter mon Weber.»
Joseph Weber, Mémoires

En tant que membre de la Maison de la Dauphine, Joseph Weber est probablement logé au Grand Commun. Son quartier était occupé aussi par les Dames de la Reine ( comme Madame Thiebault …) et une partie du secrétariat de la Reine.


Le Grand Commun
(texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Dans les 189 logements particuliers mis à la disposition des “logeants” s’entassent les courtisans les plus chanceux, laissant aux “galopins” l’inconvénient des allers-et-retours des appartements en ville.

Pour les légions de domestiques indispensables au palais et à ses habitants, des appartements communautaires ont été aménagés dans le Grand Commun, mais beaucoup doivent se contenter d’un lit sous les combles.




Manque d’espace, fumée, obscurité rendent les lieux peu accueillants, sans compter les multiples dégradations dues aux changements incessants d’occupants. Néanmoins, des courtisans de plus grande qualité, qui n’ont pu trouver de place au Château, habitent le Grand Commun.

A force de cloisonnement, d’entresols, on peut dénombrer 1 500 personnes réparties dans 220 logements.




Le 19 septembre 1783
Face à la place d’Armes, Le Martial d’Etienne de Montgolfier s’élève dans le ciel .

De toile de coton encollée de papier sur les deux faces, le ballon mesure 18,47 mètres de haut sur 13,28 de large et pèse 400 kg. Il se nomme Le Réveillon, du nom de son ami Jean-Baptiste Réveillon, directeur de la Manufacture royale de papiers peints. Celui-ci a réalisé un décor à fond bleu azur aux chiffres du Roi – deux L entrelacés – reliés par divers ornements, le tout doré.




Le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.

Louis-Charles, duc de Normandie par Élisabeth Vigée Le Brun

Le 1er août 1785
Le bijoutier Böhmer se rend chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Madame Campan, et évoque l’affaire qui l’amène avec elle: il s’agit de l’achat du collier qu’il avait réalisé avec son associé Bassenge, pour Madame du Barry, mais Louis XV étant mort, le bijou leur est resté sur les bras. Par l’entremise d’une aventurière, Jeanne de La Motte (1756-1791), la vente semblait possible car cette descendante d’un bâtard d’Henri II a approché le cardinal de Rohan, désolé d’être en disgrâce vis à vis de la Reine depuis Son arrivée en France. La comtesse de La Motte lui fait penser qu’en aidant Marie-Antoinette à acquérir cette parure, il pourrait espérer devenir ministre …

LE collier qui valait 1 600 000 livres
Henriette tombe des nues et va immédiatement rapporter à la Reine son entretien avec Böhmer. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, fait appeler l’abbé de Vermond et le baron de Breteuil (1730-1807), ministre de la Maison du Roi, afin de tirer les choses au clair.
Le 15 août 1785
Joseph Weber doit assister au scandale : alors que le cardinal de Rohan — qui est grand-aumônier de France — s’apprête à célébrer en grande pompe la messe de l’Assomption dans la chapelle du château de Versailles, il est convoqué dans les appartements du Roi en présence de la Reine, du garde des sceaux Miromesnil et du ministre de la Maison du Roi, Breteuil.

Au sortir des appartement du Roi, il est arrêté dans la Galerie des Glaces au milieu des courtisans médusés.







A la place de Louis XVI, trône au centre Louis XVIII
Le 9 juillet 1786
Marie-Antoinette met au monde Son dernier enfant, une petite fille qui reçoit les prénoms de Marie-Sophie-Hélène-Béatrix, couramment appelée Sophie-Béatrix ou la Petite Madame Sophie.

Madame Sophie par Elisabeth Vigée Le Brun



Le 19 juin 1787
La petite Madame Sophie décède sans doute atteinte d’une tuberculose pulmonaire. La cause de son trépas est un peu mystérieuse mais il semble s’agir d’une grave infection pulmonaire.

Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Joseph Weber est témoin de tous ces événements qui vont marquer la France ainsi qu’il les commentera dans ses Mémoires.

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.

« Les états-généraux s’étaient divisés dès leurs premières séances. Les deux premiers ordres voulaient que les pouvoirs de chaque député fussent vérifiés dans chambre à laquelle il appartenait, et le tiers prétendait qu’on qu’on devait faire cette vérification en commun.»
Joseph Weber



Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
« Ce fut au milieu de ces débats, qui excitaient les plus grandes agitations dans la capitales et les plus vives inquiétudes de la cour, que Marie-Antoinette eut la douleur de perdre Mgr le dauphin. Ce jeune prince était dans sa huitième année. il donnait déjà les plus brillantes espérances ; mais il était tombé depuis quelques temps dans un dépérissement affreux et il souffrait les douleurs les plus cruelles. Il rendit le dernier soupir le 4 juin 1789, entre les bras et couvert des larmes de cette excellente mère à qui il répondait souvent qu’il ne souffrait que quand il la voyait pleurer. Cette perte prématurée brisa le cœur de Marie-Antoinette.»
Joseph Weber

Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Tableau de Jacques-Louis David

Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker

Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.

« Enhardie par l’impunité, la populace parisienne se porta en foule, sur les deux après midi, à la Bastille où elle comptait trouver un nouvel approvisionnement d’armes et de poudre à canon. Le gouverneur, M. de Launay, perdit la tête à cette occasion. Il admit d’abord dans les cours intérieures quantité de personnes avec lesquelles il entretint des pourparlers pendant plus de deux heures. Voyant ensuite la populace arriver de tous côtés sur le château dont la garde lui était confiée, il fit lever les premiers pont-levis et tirer un coup de canon qui tua ou blessa quelques hommes du peuple dans la rie Saint-Antoine. M. de Launay n’avait avec lui que trente hommes du régiment de Salis-Samade et une centaine d’invalides qui composaient la garnison ordinaire de la Bastille. Quelque peu considérable que fût cette force, il aurait été possible de se défendre pendant plusieurs jours ; mais, soit que le gouverneur ne fût pas sûr des dispositions de sa petite troupe, soit qu’il fût intimidé par les vociférations de cette multitude furieuse qui inondait toutes les rues et places adjacentes, soit qu’il espérât pouvoir se sauver par une capitulation, après avoir fait la faute de tirer un coup de canon , il fit la faute, plus grande encore de donner l’ordre qu’on baissât le dernier pont-levis qui fermait l’entrer du château. La populace irritée s’y précipita alors, le saisit et le conduisit sur la place de l’Hôtel-de-Ville où elle le punit cruellement de son imprévoyance en lui tranchant la tête, après l’avoir accablé de coups et d’outrages. Sa tête, promenée au bout d’une pique, fut portée au Palais-Royal. »
Joseph Weber

comme dans cette image des Adieux à la Reine (2012) de Benoît Jacquot


Le 16 juillet 1789
A minuit, Madame de Polignac et sa famille montent en carrosse pour s’enfuir. On apporte à la duchesse un billet de la Reine:
« Adieu la plus tendre des amies, le mot est affreux ; voilà l’ordre pour les chevaux. Adieux. Je n’ai que la force de vous embrasser.»

Départ des Polignac dans Les Années Lumières (1989)

Le 5 octobre 1789
Des milliers de parisiennes marchent sur Versailles pour réclamer du pain.

« Le roi chassait ce jour-là dans les environs de Meudon. Aussitôt que l’on eut connaissance à Versailles de la marche des femmes, la reine ordonna à M. de Saint-Priest, ministre de l’intérieur, de faire avertir le monarque du danger qui le menaçait ainsi que sa famille.»
Joseph Weber

La famille royale se replie dans le château…
« Cependant, résolu de me rendre utile, j’allai dans la salle des nobles avec l’intention d’y passer la nuit. Madame Elisabeth m’ayant aperçu, m’appela pour lui rendre compte de tout ce que j’avais vu et entendu dans le public, et me chargea de sortir encore pour si la grande clarté qu’on apercevait près de l’Assemblée nationale ne venait pas de sa maison de campagne [Montreuil] qu’elle croyait incendiée par les poissardes de Paris.(…) De retour de mes perquisitions, je trouvai les grilles et toutes les portes fermées, les environs sans gardes ni renforts quelconques, et quoique, en sortant, j’eusse averti le suisse, de la part de Madame Elisabeth, de me laisser rentrer, ayant un rapport à faire à cette princesse , je ne pus me faire entendre quoique je frappasse, à coups redoublés avec le grand marteau.
Joseph Weber
Me trouvant dans l’impossibilité de rendre compte de ma mission, et de passer la nuit au château, je retournai à mon logement, accablé de douleur en pensant aux danger que courait la famille royale.»

A minuit
« Je fus tiré de mes tristes réflexions par le bruit d’une partie de la horde parisienne qui passa à minuit sous mes fenêtres, rue Sartory, pour se rendre dans l’église Saint-Louis, et dans les corps-de-garde de ce quartier. Mon inquiétude, augmentée par l’arrivée de ces bandes, m’arracha de chez moi, et me fit courir de tous côtés pour prendre de nouvelles informations. Je vis que cette multitude restait assez tranquille, et j’appris que le roi et la reine venaient d’être rassurés par le marquis de La Fayette qui leur avait :
Joseph Weber
« Qu’il répondait sur la tête de la conduite de ses soldats ; et que la famille royale pouvait en conséquence se livrer sans inquiétude au repos.« »

« Je sais , dit la Reine, qu’on vient de Paris pour demander ma tête ; mais j’ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l’attendrai avec fermeté.»
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis.




« Deux gardes-du-corps qui étaient en sentinelle, l’un auprès de la grille, l’autre sous une voûte qui conduisait au grand escalier [de la Reine], M. Desbuttes et M. de Varicourt, furent massacrés sans pitié ; leur tête fut coupée à l’instant par l’homme à longue barbe ( je pensais cette apparition dans le film américain de 1938, incongrue, elle est historique !) dont j’ai parlé, et dès cette heure on vit ces têtes promenées dans les rues de Versailles, au bout des piques de douze pieds de longueur.»
Joseph Weber

« Une bande d’assassins, au nombre d’environ soixante, tant hommes que femmes, ayant des guides à sa tête, pénétra sans peine jusqu’à la porte de la reine. Le garde-du-corps qui y était en sentinelle, M. le chevalier Miomandre de Sainte-Marie, refusa de leur livrer passage, et engagea seul le combat avec cette horde de furieux.»
Joseph Weber

« Un de ses camarades, nommé du Repaire, accourut d’une salle voisine, et essaya de lui donner quelque secours en défendant avec lui la porte de la reine. L’un et l’autre furent renversés à coups de piques et de sabres sur la tête et dans le corps, et laissés pour morts sur le parquets de la salle. Ils avaient cependant eu le temps de crier par la serrure à la première femme de chambre :
Joseph Weber
« Sauvez la reine, ses jours sont en danger ! »


« Heureusement les femmes de chambre furent éveillés par ces cris, et elles ne perdirent pas un seul moment pour avertir leur auguste maîtresse du danger qu’elle courrait. La reine n’eut que le temps de sauter hors du lit et de s’enfuir par un long et étroit corridor intérieur qui communiquait de son appartement à l’œil-de-bœuf, Sa Majesté trouva la porte de ce corridor fermée, et il lui fallut encore attendre quelques minutes, au milieu des inquiétudes les plus cruelles, avant qu’elle fut ouverte.»
Joseph Weber




La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Toute la Famille Royale se retrouve dans le Salon de l’Œil-de-Bœuf.


Arrive La Fayette _ qu’il a fallu réveillé, ce qui lui vaudra le surnom de Général Morphée…_ qui conseille au Roi de se présenter au balcon.


Image de Louis XVI, L’Homme qui ne voulait être Roi (2011) de Thierry Binisti
Sans hésiter, alors que quelques balles viennent encore de frapper, Louis XVI fait ouvrir les fenêtres et se montre. Il est acclamé mais perçoit des cris : » A Paris! A Paris! »


Soudain une clameur s’écrit » La Reine au balcon! « …
La rumeur de Sa fuite envahit la populace… Marie-Antoinette prend le Dauphin dans Ses bras et Sa fille par la main, et majestueuse , Elle s’avance devant l’adversité …


« Une voix cria alors : « Point d’enfants! ». La reine, par un mouvement de ses bras en arrière, repoussa ses enfants dans la salle, et resta seule sur le balcon, croisant ses bras sur sa poitrine, avec une contenance d’un calme, d’une noblesse, d’une dignité impossible à dépeindre et semblant ainsi attendre la mort. »
Joseph Weber


« Cet acte de résignation étonna tellement ;les assassins et inspira tant d’admiration au gros peuple, qu’un battement de mains général et des cris « bravo ! Vive la reine ! » répétés de tous côtés, déconcertèrent les malveillants. Je vis cependant un de ces forcenés ajuster la reine et son voisin baisser le canon du fusil d’un coup de main, et près de massacrer ce brigand qui, sans doute, était un de ceux qui avaient fait l’irruption du matin.»
Joseph Weber



La famille royale est ramenée de force à Paris.
« L’armée parisienne, satisfaite d’emmener avec elle la famille royale, ne songea plus qu’à s’en retourner, et se concerta sur l’ordre de la marche. Il fut arrêté qu’elle partirait aussitôt que la cour serait prête, et que l’on irait directement à l’Hôtel-de-Ville.»
Joseph Weber




A l’instar de la Cour, Joseph suit la famille royale à Paris.
Là, Weber logera chez monsieur de Mory qu’il nommera son respectable hôte dans ses mémoires.
Le 20 février 1790
La mort à Vienne de Joseph II constitue une perte affective et politique pour Marie-Antoinette. Léopold II (1747-1792), leur frère, devient Empereur des Romains.

« L’attachement que la reine portait à son auguste frère est dénoncé comme un crime. Elle fut obligée de dévorer en secret la douleur que lui causa la perte d’un parent aussi cher.»
Joseph Weber
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.

« Je fus témoin de cette cérémonie. Je n’en ferai point la description ; on la trouve partout. Je vis cinq cent mille personnes réunies dans un cirque imposant, lever le bras au même moment pour jurer d’être fidèle à la loi et au roi. Il faisait un temps horrible ; mais plus la pluie tombait avec force, plus les éclats de joie et les danses semblaient se ranimer.»
Joseph Weber


« Tous ces fédérés, à leur arrivées des provinces, demandaient à être présentés au roi ; et témoins des vertus de ce monarque et de son auguste compagne, ils rivalisaient d’empressement à leur payer un juste tribut d’admiration et d’éloges.»
Joseph Weber
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Départ de Monsieur et Madame ( le comte et la comtesse de Provence) qui prennent la route de Gand.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le 20 juin 1792
Le peuple des faubourgs, encadré par des gardes nationaux et ses représentants, comme le brasseur Santerre (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), pénètre dans l’assemblée, où Huguenin lit une pétition. Puis elle envahit le palais des Tuileries. La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.


« Ce fut à ce moment qu’un furieux voulut frapper la sœur du roi, en s’écriant : »Voilà l’Autrichienne qu’il faut tuer. » Un officier de la garde se hâta de la nommer. « Pourquoi, lui dit Madame Elisabeth, ne pas leur laisser croire que je suis la reine, vous auriez peut-être évité un plus grand crime.»
Joseph Weber

elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
La Reine n’a pu parvenir jusqu’au Roi ; elle est dans la salle du conseil et on avait eu de même l’idée de la placer derrière la grande table, pour la garantir autant que possible de l’approche de ces barbares … les révolutionnaires passent devant Elle afin de L’observer :
« Je vis dans la séparation de Leurs Majestés un danger plis imminent pour la reine. Résolu de voler à son secours, et de contribuer, aux dépens de mes jours, à l’arracher des mains des assassins, je quittai mon poste pour me rendre dans les appartements, disant à mes camarades que je m’empresserais de revenir les instruire de la situation de la famille royale.»
Joseph Weber

«Elle avait attaché à sa tête une cocarde aux trois couleurs qu’un garde national lui avait donnée. Le pauvre petit dauphin était, ainsi que le roi, affublé d’un énorme bonnet rouge. La horde défila devant cette table ; les espèces d’étendards qu’elle portait étaient des symboles de la plus atroce barbarie. Il y en avait un qui représentait une potence à laquelle une méchante poupée était suspendue ; ces mots étaient écrits au bas : Marie Antoinette à la lanterne. Un autre était une planche sur laquelle on avait fixé un cœur de bœuf, autour duquel était écrit : cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.
L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine.
Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même mais elle ajouta : « c’est vous qui faites le malheur de la nation.
– On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Epouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez ».
Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : « c’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne »».
Le 10 août 1792
La journée du 10 août commence en réalité dans la nuit du 9 au 10 août. En pleine nuit, le tocsin sonne au couvent des Cordeliers.

Une heure plus tard, toutes les églises de Paris répondent au signal donné par Danton. Ce sont les quarante-huit sections de Paris, dont les révolutionnaires se sont rendus maîtres. Danton lance alors les sections parisiennes à l’assaut de l’hôtel de Ville, met à la porte la municipalité légale et y installe sa « commune insurrectionnelle », qui s’effondrera le 9 thermidor avec Robespierre.


Jane Seymour dans Les Années Lumière

Le deuxième acte se joue alors. Le commandant de la garde Nationale, Galliot de Mandat, favorable à Louis XVI, est convoqué à l’hôtel de ville. C’est un piège. Dès qu’il y pénètre, il est assassiné. Son corps est jeté dans la seine, et sa tête, plantée sur une pique. Antoine Santerre (1752-1809), le roi des faubourgs, le remplace.
Les Tuileries constituent le dernier objectif. Pour défendre le palais, le Roi peut compter sur ses mille à mille deux cents gardes Suisses, sur trois cents chevaliers de Saint louis, sur une centaine de nobles et de gentilshommes qui lui sont restés fidèles. La Garde nationale est passée dans le camp adverse. Seul le bataillon royaliste des « filles de Saint Thomas » est demeuré fidèle au souverain.



On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide alors de gagner l’Assemblée nationale. Il est accompagné par sa famille, Madame Élisabeth, la princesse de Lamballe, la marquise de Tourzel, ainsi que des ministres, dont Étienne de Joly, et quelques nobles restés fidèles.






Roederer, le « procureur syndic du département » convainc le Roi de se réfugier à l’assemblée Nationale avec sa famille. Ceux qui ne font pas partie de la famille royale ne sont pas autorisés à les accompagner.


Joseph Weber n’a jamais quitté ses services ; et , en cette tragique extrémité de cette matinée, il a réussi à se faire prendre au nombre des gardes de la dernière escorte.
« Il chemine donc au flanc de la famille royale, ruisselant de pleurs et hoquetant de sanglots
« Les commissaires, s’apercevant que toutes les personnes qui, par devoir ou par zèle, s’étaient réunies dans les appartements de Leurs Majestés, résolues de les défendre ou de périr avec elles , se disposaient à les accompagner, firent tous leurs efforts pour s’y opposer.
Joseph Weber
_Grenadiers, vous allez faire tuer le roi, criait Roederer ; et s’adressant tantôt au roi, tantôt à la reine, il leur représentait avec chaleur qu’un tel cortège, irritant encore plus la fureur du peuple, ne pouvait qu’ajouter à leurs dangers.
Nous étions restés, jusque-là, mes dix-huit camarades et moi, à ce même poste où nous avions joué, entre les mains de M. d’Hervilly, de mourir pour nos maîtres. Nous crûmes donc que les circonstances nous faisaient un devoir indispensable de désobéir pour cette fois aux ordres du roi, et les cris véhéments du procureur-syndic n’eurent pas l’effet que s’en promettait sa perfidie. La famille royale eut à peine ouvert sa marche, que nous nous attachâmes à ses pas. Réunis, en descendant l’escalier, à un grand nombre de nos camarades, nous escortâmes sur la droite Leurs Majestés jusqu’à la porte de l’Assemblée. Cent grenadiers suisses prirent la gauche ; pour moi, me trouvant au milieu de mes camarades, je réussis à me placer le plus près possible de Madame Elisabeth. Arrivés au jardin des Tuileries, nous le traversions à pas lents. L’excès de mon trouble, la pâleur de mon visage frappèrent la reine ; elle me fixa attentivement, et se penchant vers sa sœur pour lui parler à l’oreille, elle lui transmit pour moi ces paroles qui me font encore tressaillir : « Weber, la reine vous fait dire de vous posséder. » Derniers garants de cette même bonté dont elle m’honora depuis les jours de mon enfance, dernier regard qu’elle ait jeté sur moi, vous serez à jamais présents à ma pensée ; dans tous les instants de ma vie vous vous retracerez à ma reconnaissance et à ma douleur ! S’apercevant ensuite qu’une nouvelle larme décelait, malgré moi, l’anxiété et la profonde douleur auxquelles j’étais en proie, et que je cherchais à lui cacher, Madame Elisabeth eut l’extrême bonté d’ajouter, en me saisissant le bras : « Calmez-vous, Weber … soyez raisonnable ! « »
Traversant le jardin des Tuileries, et marchant sur des feuilles tombées des arbres, Louis XVI aurait dit : « L’hiver arrive vite, cette année ».



Louis XVI et sa famille sont conduits jusque dans la loge du greffier de l’Assemblée nationale (ou loge du logographe) , où la famille royale reste toute la journée. Louis XVI. en proie à la plus vive anxiété, se réfugie avec sa famille au sein de l’assemblée, où il entre en disant :
« Je suis venu ici pour éviter un grand crime qui allait se commettre. »
Dans ses mémoires, Madame de Tourzel raconte ainsi la scène :
« Nous traversâmes tristement les Tuileries pour gagner l’Assemblée. MM. de Poix, d’Hervilly, de Fleurieu, de Bachmann, major des Suisses, le duc de Choiseul, mon fils et plusieurs autres se mirent à la suite de Sa Majesté mais on ne les laissa pas entrer ».



Revenu dans le château, Bachmann demande un ordre précis du Roi, et cet ordre ne venant pas, il organise la défense des Gardes suisses qui font face à l’envahissement des émeutiers.









Le soir du 10 août 1792
La famille royale est logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur sont dédiées… pendant trois jours.
Le 13 août 1792


Le 18 août 1792
« Douze hommes à piques furent envoyés par ma section pour s’assurer de ma personne. Ils arrivèrent chez M. de Mory, mon respectable hôte, comme nous allions nous mettre à table, au moment où nous étions loin de nous attendre à une pareille visite. Ils s’emparèrent de moi, et sans me laisser le temps de prendre congé de M. de Mory que cet événement avait jeté dans la plus grande consternation, ils me conduisirent d’abord au bureau de section de la Croix-Rouge pour faire insérer dans le protocole du jour le procès-verbal du secours que cette section avait prêté à la mienne pour mon arrestation, et lui promettre aide en pareille circonstance.
Joseph Weber
Cette cérémonie d’usage finie, on me fit monter en voiture ; le renfort se retira, et les six hommes d ma section, seulement, m’escortèrent ensuite jusqu’à mon corp-de-garde, rue Favart, où l’on me retint quelque tempos, et d’où j’arrivai enfin au couvent des Filles-St-Thomas, rue Vivienne, pour y subir un premier interrogatoire.
En passant rue de Richelieu devanbt la boutique de mon marchand de linge, je me rappelai que j’avais sur moi un rouleau de quarante doubles louis. Assuré que j’allais être dévalisé en prison, je demandai aux gens de l’escorte d’entrer un instant dans la boutique. Ils me l’accordèrent sous la condition que je ne m’y arrêterais qu’un moment. Je me hâtai de faire à la marchande un court exposé de ma situation ; je lui dis à voix basse que je venais d’être arrêté, que l’on me conduisait en prison, et que j’y serai vraisemblablement dépouillé ; je la priai de tenir en dépôt ces quarante double louis, et de me donner seulement cent livres en assignats pour ma dépense journalière. Sans attendre sa réponse je jetai sur le comptoir le rouleau que je pris la précaution de couvrir de linge à la vue de son beau-frère et de deux jeunes personnes qui travaillaient à côté d’elle. La marchande me répondit qu’il ne lui était pas possible de me donner des assignats ; que son mari était à la campagne, et qu’il avait emporté par distraction, la clef de son armoire.
Je m’en consolai facilement, ayant encore quinze doubles louis dans ma bourse ; et m’estimant assez heureux d’avoir sauvé mon rouleau, je rejoignis mes conducteurs.»
Joseph Weber est emprisonné à la Force.

Joseph Weber est alors interrogé par le président Collot-d’Herbois (mauvais comédien de province) de la manière la plus vétilleuse quand le beau-frère de la marchande arrive et demande la parole : en bon patriote qu’il dit être, il vient dénoncer le rouleau de doubles louis que Joseph a déposé sur le comptoir qu’il remet sur le bureau du citoyen président. Collot-d’Herbois décide de consigner le rouleau à la trésorerie de la section. Il l’interroge ensuite sur le lieu de sa naissance, sur son âge, sur son état. Il ajoute : « Êtes-vous du nombre de ceux qui tirèrent le sabre contre les Marseillais à la place Louis XV ? »
La réponse est affirmative, en ajoutant qu’il l’a fait uniquement pour sa défense personnelle.
-Il continue : « La reine a-t-elle pris beaucoup d’intérêt à votre situation ? Où vous êtes-vous retiré ensuite avec les autre grenadiers? «
– Weber répond : « Ni le roi ni la reine n’ont entendu parler de nous ; j’ignore ce que mes camarades blessés sont devenus ce jour-là ; pour mon compte, j’y suis resté chez un officier de service jusqu’à la nuit.«
– » Vous êtes très attaché au roi et à la reine.«
-« Ils sont mes bienfaiteurs, je me fais gloire de leur être dévoué à la vie et à la mort. »
Aveu maladroit et déplacé… Voilà Weber perdu !

« Après m’avoir tenu, tantôt à la barre, et tantôt enfermé dans la chapelle grillée, depuis quatre jusqu’à neuf heures du soir, et m’avoir fait signer le procès-verbal de l’interrogatoire que je venais de subir, il me renvoya au corps-de-garde pour y passer la nuit, sans s’embarrasser ni des murmures ni des cris d’improbation qui partaient, de toutes parts, contre les sentiments de prévention et de haine qui perçaient dans sa conduite à mon égard.»
Joseph Weber
Le 19 août 1792
A dix heures du matin, on conduit Weber en voiture, sous la même escorte que la veille, à l’Hôtel-de-Ville. Là un commissaire de sa section, après avoir vérifié l’interrogatoire, lit les quatre crimes de lèse-nation dont il est accusé :
« 1° D’être Autrichien,
2° d’être frère de lait de la reine,
3° d’avoir été du nombre des grenadiers des Filles-St-Thomas qui ont tiré le sabre contre les fédérés,
4° d’avoir escorté la famille royale, malgré l’ordre de Roederer jusqu’à la porte de l’Assemblée nationale, le 10 août à neuf heures du matin.»

Il ajoute une nouvelle déposition :
« Nous félicitons la section et le comité de surveillance d’avoir pu se saisir d’un aristocrate aussi dangereux que le citoyen Weber ; nous prévenons et nous certifions qu’il n’y a pas un homme plus habile dans le maniement des armes à feu ; que de plus il a appris à tous les aristocrates ses amis à tirer au pistolet ; et qu’enfin il a fait venir de son pays et leur a distribué une quantité de ces armes.»
Joseph n’a alors pas la possibilité de se justifier qu’un canonnier du faubourg St-Antoine prend la parole pour le charger quant à la journée du 10 août alors qu’il ne l’avait jamais ni vu ni entendu. Pétion et Manuel ordonnent à ce canonnier d’expédier Weber à l’hôtel de la Force.

On reconduit Joseph Weber à la Force en fiacre. Il y est enregistré, selon l’usage, le concierge de cette prison, le sieur Le Beau, lui promet de le traiter avec tous les égards possibles et le fait mettre dans la chambre appelée la chambre de Condé, où sont déjà les chevaliers de Rhulières, commandant de la garde à cheval de Paris, MM. Jurien (premier commis de la maison du roi et de la liste civile), Vochel (premier commis du département de la guerre et du bureau d’artillerie), et Desmaretz ( académicien ). Ces trois derniers sont élargis quelques jours plus tard et remplacés par MM. Le Fauchet ( l’administrateur des poudres et salpêtre : son père, au moment de son arrestation, se brûla sa cervelle d’un coup de pistolet), Saint-Brice (brigadier des gardes-des-corps du comte d’Artois), baron de Battencourt (officier-général), Poupaud de Beaubourg (garde de Monsieur), de La Merlière (commissaire de la comptabilité) et Magontier (premier valet de chambre de Monsieur).
« Je passai dans cette prison treize jours qui me parurent autant de mois, et, j’ose l’assurer, les inquiétudes qui me consumaient, provenaient autant de l’ignorance où j’étais du sort de la famille royale, que de mon incertitude sur celui qui m’attendait.»
Joseph Weber

Le 3 septembre 1792
Massacres dans les prisons: une foule armée de barres de fer, de piques et de bûches encercle les prisons de Paris, voulant y tuer les royalistes qu’une rumeur accuse d’y avoir caché des armes pour fomenter une contre-révolution.

Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.



Dans ses mémoires, Weber s’étonnera de s’en être sorti pendant les massacres de septembre …
Arrivé au comité de surveillance, le président du « tribunal » de pacotille, siégeant à la Force ne pose qu’une seule question à Weber : « Pourquoi avez-vous été, les 9 et 10 août, aux Tuileries?«
Weber répond, en substance, qu’il était membre de la garde nationale, qu’il avait monté la garde deux fois à l’Assemblée nationale et que ce n’était que le 9 août à sept heures du matin qu’il avait reçu l’ordre de se rendre dans les cours du château sous le commandement d’un lieutenant de la garde nationale (M. Guicher).
Apparemment, les septembriseurs n’ont pas su qu’il était le frère de lait de Marie-Antoinette…
Weber rappelle que les cris « A l’Abbaye, à Coblentz » signifiaient « à mort ». Lorsqu’un prisonnier est acquitté, deux forts des halles sortent en premier aux cris de « Vive la nation » et le prisonnier sort ensuite. Lorsqu’un malheureux est condamné à rejoindre « l’Abbaye » ou « Coblentz », il sort le premier du guichet pour être « pris en charge » par les assassins.
Joseph Weber est acquitté … comme Mme de Tourzel et sa fille Pauline.

Joseph Weber dit avoir subi une animosité particulière de Marie-Joseph Chénier, qui était convenu avec Collot-d’Herbois de le faire périr.
« Le citoyen Weber a été assez heureux aujourd’hui pour être déclaré innocent, parc jugement du tribunal populaire ; il s’est enrôlé par reconnaissance, et a pris l’engagement d’aller aux frontières ; mais comme il est Autrichien, nous ne pouvons exiger de lui ce sacrifice, et nous devons nous montrer aussi généreux que lui ; le comité vous propose de refuser les services militaires du citoyen Weber, et de déchirer sa cartouche.»
Dès que le commandant a fini ce récit, Weber est raccompagné jusqu’à son hôtel par ses nouveaux libérateurs qui redoutent qu’il ne tombe dans la main des Marseillais ou de quelques autres assassins. Il emploie sur-le-champ tous ses soins à faire lever les scellées qui avaient été apposées chez lui et à se procurer une quittance de capitation pour se faciliter le moyen d’obtenir de l’Hôtel-de-Ville un passe-port sans lequel il ne peut sortir de Paris.
Le 11 septembre 1792
La section fait remettre à Weber ses quarante double-louis. C’est ce jour qu’il parvient à faire lever les scellées mis chez lui.
Le 12 septembre 1792
Le consentement au départ de Weber est accordé.
Vers la mi-septembre 1792
Joseph Weber se rend sur la côte française en berline.



Le 18 septembre 1792
Weber traverse la Manche du Hâvre-de-Grâce à Portsmouth en Angleterre, par un temps un peu orageux.


Les mémoires de Joseph Weber s’achèvent à son départ de France.
Durant le reste de la révolution
Joseph Weber voyage entre la Grande-Bretagne, Bruxelles et Vienne…
Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI.

Le 14 octobre 1793
Marie-Antoinette comparaît devant Herman, le président du tribunal révolutionnaire.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .

Joseph n’écrit pas immédiatement ce qu’est sa douleur mais dans ses mémoires, son émotion éclate :
« L’excès de mon trouble, la pâleur de mon visage frappèrent la reine ; elle me fixa attentivement, et se penchant vers sa sœur pour lui parler à l’oreille, elle lui transmit pour moi ces paroles qui me font encore tressaillir : « Weber, la reine vous fait dire de vous posséder. » Derniers garants de cette même bonté dont elle m’honora depuis les jours de mon enfance, dernier regard qu’elle ait jeté sur moi, vous serez à jamais présents à ma pensée ; dans tous les instants de ma vie vous vous retracerez à ma reconnaissance et à ma douleur ! »
Joseph Weber
Alors à Vienne, Joseph Weber cherche-t-il à retrouver les Polignac qui s’y trouvent aussi pour mêler ses lames aux leurs?
Le 10 mai 1794
Exécution de Madame Élisabeth.

«En rédigeant ses mémoires, Joseph se souviendra du 10 août, lorsqu’il voyait la famille royale pour la dernière fois :
Joseph W eber
S’apercevant ensuite qu’une nouvelle larme décelait, malgré moi, l’anxiété et la profonde douleur auxquelles j’étais en proie, et que je cherchais à lui cacher, Madame Elisabeth eut l’extrême bonté d’ajouter, en me saisissant le bras : « Calmez-vous, Weber … soyez raisonnable ! « »
Le 8 juin 1795
Mort de Louis XVII à l’âge de dix ans. Il était atteint de tuberculose osseuse.

Provenance: ayant appartenu au frère de lait de la reine Marie-Antoinette, le chevalier Joseph Weber (1755-1829). Les miniatures que nous proposons lui auraient été offertes par la souveraine et servirent de frontispice à ses mémoires, publiées à Londres de 1804 à 1809, sous le titre «Mémoires concernant Marie-Antoinette, archiduchesse de France et sur plusieurs époques importantes de la Révolution Françoise depuis son origine jusqu’au 16 octobre 1793».
En 1806
Weber fait paraître à Londres ses Mémoires concernant Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche et Reine de France et de Navarre qui tracent d’Elle un portrait proche de l’hagiographie.
EN 1817
Joseph Weber est naturalisé français.
En 1818
Joseph Weber est anobli par Louis XVIII. Joseph devient le chevalier Weber.


Miniature: ayant appartenu au frère de lait de Marie-Antoinette, le chevalier Joseph Weber
En 1822
La polémique sur l’authenticité des mémoires de Weber a débuté lors de la réimpression de l’ouvrage en 1822 (seconde édition). L’éditeur fit en effet observer, dans l’avant-propos de la seconde édition, qu’il y avait dans le texte des disparates trop évidents pour qu’il soit sorti tout entier de la même plume et désigna, par une allusion fort claire pour les contemporains, le marquis Gérard-Trophime de Lally-Tollendal comme le principal coopérateur de Weber. Mais la «prolixité rebutante » d’autres parties de ces Mémoires avait amené le nouvel éditeur à faire des retranchements nombreux; de plus, il avait rectifié dans les notes des jugements «trop peu impartiaux» et ajouté en appendices diverses pièces justificatives. Weber protesta aussitôt contre les mutilations infligées au livre qui portait son nom et fit un procès à l’éditeur Baudoin frères (Tourneux, «Marie-Antoinette devant l’Histoire : Essai Bibliographique»).
Weber proteste contre «la plus odieuse diffamation», puisque l’avant-propos de la seconde édition des Mémoires lui dénie ses droits d’auteur sur ses mémoires originaux et «jusqu’à la qualité de sujet français». Weber réclame en outre contre les suppressions, les adjonctions et les altérations dont ses Mémoires ont été l’objet et qui en dénaturent le fond et la forme.
Malgré la plaidoirie du célèbre avocat Berryer, le chevalier Weber est débouté de ses demandes, l’éditeur ayant produit à l’audience une lettre de Lally-Tollendal par laquelle il reconnaît avoir rédigé, d’après ses souvenirs personnels et ceux du duc de Choiseul, ce qui concerne l’intérieur de la Reine, et d’après un petit nombre de notes de Weber, l’avant-propos et les trois premiers chapitres.
Le 24 juillet 1825
Lettres de chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint Louis pour l’ancien officier Joseph Weber, signature au cachet de Charles X, contresignatures originales du marquis de Clermont Tonnerre (1779-1865), ministre de la Guerre et du comte de Peyronnet (1778-1854), garde des sceaux.

Une page. in-folio oblong, sur vélin. Sans le sceau, ni la médaille.
En mars 1830
Joseph Weber meurt à Vienne, à l’âge de soixante-quinze ans.