Le 19 août 1743
Naissance à Vaucouleurs en Lorraine de Jeanne Bénédicte Bécu, fille naturelle d’Anne Bécu, dite Cantigny (1713-1788). Emmanuel de Waresquiel a récemment écrit qu’elle serait plutôt née en 1745, en Espagne.
Qui est le père de Jeanne Bécu ? Parmi plusieurs hypothèses, la mieux fondée semble désigner Jean-Jacques-Baptiste Gomard de Vaubernier, dit en religion Frère Ange ( né vers 1715- 1804). C’est un moine tertiaire franciscain, du couvent de franciscains appelés Les Picpus où Anne Bécu, couturière, se rendait régulièrement pour son ouvrage. C’est ce prêtre qui, le 1er septembre 1768, bénira en l’église Saint-Laurent à Paris, le mariage de Jeanne avec Guillaume du Barry. Toute sa vie, la comtesse du Barry se fera appeler (et signera) de Vaubernier. N’est-ce pas là, tout simplement, l’aveu de son origine paternelle ?
Emmanuel de Warequiel lui suppose pour père Claude Billard Dumonceaux, un riche financier qui sera protecteur du mari d’Anne Bécu de Cantigny, Nicolas Rançon.
Le 19 juillet 1749
Sa mère , Anne Cantigny-Bécu, épouse Nicolas Rançon de Montrabé († en 1788).
Dès 1749
Jeanne Bécu est mise en pension au couvent des dames de Saint-Aure, dans le couvent parisien de la rue Neuve-Sainte-Geneviève. Claude Billard Dumonceaux, receveur général à l’hôtel-de-ville de Paris, accepte alors d’être son parrain et la place en pensionnant chez les Adoratrices du Sacré-Coeur, au couvent de Saint-Aure pour y recevoir une éducation soignée. Elle y reste neuf ans, y souffre d’une règle sévère mais y apprend l’écriture et l’orthographe, la lecture, le calcul, la musique, le dessin, la danse, la broderie, l’histoire et – bien sûr – la religion.
Elle en sort en 1758 et prend le nom de mademoiselle Lange qui provient du surnom de son père «le frère l’Ange».
En 1759
Elle est embauchée comme coiffeuse chez madame Lametz pendant cinq mois mais est renvoyée peu après pour avoir eu une liaison avec son fils (qu’elle faillit épouser mais dont elle épuise la fortune).
Peu après, elle sert comme femme de chambre chez la veuve d’un fermier général, Élisabeth de Delay de Lagarde (née Roussel), retirée dans son château de La Courneuve. Mais elle est vite renvoyée pour avoir couché avec les deux fils de la famille.
Au contact d’une société choisie, elle acquiert alors peu à peu l’aisance et la distinction de manières qui ne la quitteront plus.
Vers 1761
Jeanne devient vendeuse dans une boutique de mode située rue Neuve-des-Petits-Champs, À la toilette. Ce commerce appartient à Claude Edmé Labille (1705-1788), père de la future portraitiste Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803). Elle y est remarquée par beaucoup d’hommes à cause de sa beauté (grande aux yeux bleus, aux cheveux d’un blond cendré, au teint de lys).
En 1763
Quoiqu’on en dise parfois, Jeanne a sans doute bien appartenu à la maison de la Gourdan, même si ce fut de manière épisodique.
Née Marguerite Stock (1727-1783), cette «courtière d’amour» a commencé sa carrière comme «appareilleuse sous le manteau», rue Sainte-Anne. Le succès aidant, elle acquiert un très bel appartement rue Comtesse-Artois, d’où son surnom de Petite Comtesse. Là, au milieu d’un salon magnifique, aux murs de damas cramoisi, elle reçoit depuis 1743 les plus riches libertins de la capitale. Les Mémoires secrets l’appellent la «surintendante des plaisirs de la cour et de la ville».
« La figure (de la Gourdan), sans être jolie, avait ce piquant qui usurpe les droits de la beauté. Sa taille était svelte, et toute sa personne inspirait un air de volupté qui appelle et commande le désir. Ses yeux agaçants lançaient des traits qui rarement manquaient leur but et ses manières, ses discours, annonçaient qu’elle figurerait avec avantage sur un théâtre plus digne de ses charmes et de son esprit. »
Jeanne ne vit pas à demeure chez la Gourdan, son travail chez Labille l’en empêchant. Elle se met alors à fréquenter le demi-monde. L’éblouissante beauté de la jeune fille la fait vite remarquer. Il semble avéré que, comme sa mère, Jeanne a connu une jeunesse des plus légères.
La plus ancienne figurine en cire exposée chez Madame Tussaud à Londres porte le nom de Belle au bois dormant, et serait datée du milieu des années 1760. Il est dit que la maîtresse royale, qui vivait alors à Paris comme courtisane, en est le modèle :
En 1764
Elle est reçue dans plusieurs salons parisiens, où Jean-Baptiste, comte du Barry-Cérès (1723-1794), dit Le Roué, un gentilhomme toulousain quadragénaire renommé, dans les milieux de la galanterie, pour sa dépravation et son absence totale de scrupules, fait sa connaissance. Il n’est pas beau et a des mœurs dissolues mais son courage et son franc-parler attirent Jeanne qui devient sa maîtresse alors qu’elle n’a que dix-neuf ans.
« Le physique de Jean du Barry trahit son âme. C’est un personnage sans élégance, aux traits épais, de santé assez médiocre mais à l’énergie prodigieuse et à l’aplomb imperturbable. C’est un Gascon impertinent, frivole, vantard, dont le bagout compense , auprès des femmes, la laideur.»
Jacques de Saint-Victor
Le 15 avril 1764
Madame de Pompadour meurt d’une congestion pulmonaire à l’âge de quarante-deux ans.
Le 25 septembre 1765
Jeanne se rend au pavillon de monsieur le duc de Richelieu. Jean du Barry, heureux d’avoir la jolie Jeanne Bécu à ses côtés, veut aussi la marchander auprès du Roi. Il espère que si Jeanne devient la maîtresse officielle du Roi de France, il obtiendra de nombreuses charges pour lui et pour sa famille et devenir très riche. Il va arriver même jusqu’à la surnommer «le morceau du Roi».
Le 23 mai 1766
Jean du Barry et Jeanne Beauvarnier, comme on l’appelle alors, quittent la rue Neuve-Saint-Eustache (actuelle rue d’Aboukir) et louent un appartement au 16 rue de la Jussienne pour un loyer de trois mille livres. Le couple mène grand train.
Le 20 février 1767
Les deux amants se trouvent à l’étroit dans l’appartement rue de Jussienne aussi louent-ils tout l’hôtel. Là, ils tiennent alors salon une fois par semaine, «avec tout ce qu’il y a de mieux, c’est à dire de plus gâté et de plus corrompu, à la Cour et à la Ville», précise la police. A tous ces débauchés, du Barry offre quelques courtisanes de haute volée, afin que son salon demeure fidèle à sa réputation.
Le 4 janvier 1768
Un incendie détruit en partie le mobilier du salon de Marguerite Gourdan, qui demeure rue Comtesse-d’Artois jusqu’au début de l’année 1773.
En 1768
Jean du Barry fait ainsi l’éloge de sa conquête au maréchal de Richelieu (1696-1788), vieux libertin très bien en cour, qui imagine de la présenter au Roi Louis XV (1710-1774).
Le comte d’Espinchal, qui a connu Jeanne avant son élévation et qui sera plus tard de ses familiers, la dépeint en peu de mots :
« Elle est bonne, généreuse, d’une société douce, excellente amie, très charitable et extrêmement obligeante.»
Au printemps 1768
La rencontre avec le Roi se fait discrètement, par l’intermédiaire de Dominique Lebel (1696-1768), premier valet de chambre du Roi. Cette opération n’est pas dénuée d’arrière-pensée politique pour Richelieu, qui veut contrer le Premier ministre Étienne François de Choiseul (1719-1785). Ce dernier, élevé au ministère par la défunte marquise de Pompadour (1721-1764), espère placer auprès du Roi sa sœur, la duchesse de Grammont, ou toute autre femme à sa dévotion.
En peu de temps, Louis XV s’éprend vivement de Jeanne, dotée d’un charme infini, et dont les talents aux jeux de l’amour lui donnent une nouvelle jeunesse. Il est non seulement ébloui par la beauté de Jeanne mais par aussi son caractère : Jeanne commence à le tutoyer, lui coupe la parole, le traite comme si il n’était pas le Roi de France (ce qui est le rêve de Louis XV). Jeanne n’est pas comme toutes les précédentes maîtresses de Louis XV, ce qui est nouveau chez le Roi de France. Louis XV commence à s’attacher de plus en plus de Jeanne Bécu.
La déconvenue de Choiseul est très vive, et immense son ressentiment à l’égard de madame du Barry, qui lui fait perdre en peu de temps son influence prépondérante auprès du Roi (pour lequel il nourrit un secret mépris).
L’année 1768 clôt, pour Louis XV, une décennie ponctuée de deuils familiaux : celui de sa fille Élisabeth de France (1727-1759), duchesse de Parme, morte en décembre 1759 ; de son petit-fils aîné Louis de France (1751-1761), mort en mars 1761 ; de sa petite-fille Isabelle de Bourbon-Parme, morte en novembre 1763 ; de sa favorite en titre sincèrement regrettée, madame de Pompadour, morte en avril 1764 ; de son gendre Philippe Ier de Parme, mort en juillet 1765 ; de son fils et héritier Louis de France (1729-1765), mort en décembre 1765 ; de sa belle-fille Marie-Josèphe de Saxe, morte en mars 1767 ; enfin de sa femme, la discrète Marie Leszczyńska, morte le 24 juin 1768.
De plus, un projet de remariage avec l’Archiduchesse Marie-Élisabeth de Habsbourg-Lorraine, (sœur aînée de Marie-Antoinette), a échoué, la beauté de cette princesse de vingt-cinq ans ayant été ravagée par la variole, maladie courante à l’époque – et dont le Roi mourra.
Le Roi, toujours très beau mais vieillissant (il a alors cinquante-huit ans) et neurasthénique, est donc libre. Il désire faire de mademoiselle de Vaubernier sa nouvelle favorite. Mais cela ne peut s’accomplir sans une présentation officielle à la cour par une personne y ayant ses entrées, et sans que la personne présentée soit mariée.
Jeanne trouve grâce devant la malignité du prince de Talleyrand, qui la met fort au-dessus de madame de Pompadour pour le ton et la parole. Celle-ci, dit-il, « diffère en tous points de Madame du Barry, qui, moins bien élevée, était parvenue à avoir un langage assez pur. Madame du Barry a les yeux moins grands, mais ils sont plus spirituels ; son visage est bien fait et ses cheveux de la plus grande beauté ; elle aime à parler, et elle a attrapé l’art de conter assez gaiement. »
Quant aux manières, dès la première heure, elles sont parfaites : « Elle a beaucoup de beauté, surtout par le bas du visage », note le duc de Croy, « un air très noble, aisé, doux, sans prétention, fort bien faite, et en tout l’air d’une bonne personne. »
« Je fus étonné, dit le comte de Belleval, comment, pour n’y avoir point été élevée, elle avait pris le ton et les manières des femmes de la Cour. » Cet « air très noble » qui rehausse jusqu’à la fin une beauté irréprochable, c’est déjà ce qu’ont remarqué les inspecteurs de Monsieur de Sartine, quand ils ont vu, pour la première fois, apparaître à l’Opéra la maîtresse de Jean du Barry.
Françoise-Claire du Barry, que tous appellent Chon, est la sœur célibataire de Jean et Guillaume.
Comment réussir quand on est pauvre et laide dans un monde où rien ne se fait hors du plaisir et de l’argent ? Madame Adélaïde dira d’elle :
« La comtesse du Barry n’était rien sans sa belle-sœur, qui n’était rien sans elle.»
Elle a environ treize ans de plus que Jeanne, cette provinciale qualifiée de laide, petite claudicante, célibataire, presque vierge doit servir de chaperon à la future comtesse.
Le 1er septembre 1768
Jeanne Bécu de Vaubernier épouse le frère de son amant, Guillaume du Barry (1732-1811), qui peut rentrer chez lui, muni d’une pension annuelle de 5 000 livres. Guillaume reçoit également le comté de L’Isle-Jourdain. Guillaume, comte Dubarry, âgé de trente-six ans, est capitaine dans les troupes détachées de la marine, il est fils majeur de feu Antoine Dubarry, a ncien capitaine dans le régiment de l’Île de France, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et de Catherine Cécile Thérèse de Lacase.
Jean du Barry étant déjà marié avec Ursule Dalmas de Vernongrèse (qui terminera ses jours dans un couvent et dont il a un fils, Adolphe, né en 1749, qui sera le protégé de sa tante, Jeanne…), il contourne la difficulté en faisant épouser à Jeanne son frère cadet, le comte Guillaume du Barry (1732-1811), gros garçon, «petit, mal fait», réputé pour ne pas avoir le moindre esprit. Le mariage est célébré par le frère Gomard de Vaubernier qu’on tient pour être le père de Jeanne… Jeanne devient donc la belle-sœur de son amant tandis que son mari est immédiatement renvoyé dans son Languedoc natal avec cinq mille livres en récompense de sa complaisance.
Pour la marraine, on recourt à la comtesse de Béarn ; issue d’une très ancienne famille, mais aussi très âgée et surtout très endettée, elle accepte cet emploi contre paiement de ses dettes, à la réprobation des courtisans bien-pensants.
Le 12 décembre 1768
Le premier appartement de madame du Barry au château de Versailles de plain pied sur la Cour Royale !
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Lors de son arrivée à la Cour, la comtesse du Barry occupe l’appartement de Dominique Lebel (1696-1768), le valet de chambre de Louis XV, décédé quelques mois auparavant. Cet appartement se situe au-rez-de-chaussée de la Cour Royale, dans l’Aile dite «du Gouvernement» et qui deviendra plus tard l’Aile Gabriel. Cet appartement se compose de six pièces, dont trois à cheminée et huit entresols.
Ce n’est qu’en 1770 qu’elle quitte cet appartement pour s’installer dans l’appartement que nous connaissons aujourd’hui, au-dessus de celui du Roi.
Le 22 avril 1769
Mariée et munie d’un nom mieux sonnant que Bécu, madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour, par la comtesse de Béarn, à qui l’on règle des dettes pour la convaincre de jouer ce rôle de marraine.
À la différence de madame de Pompadour, Jeanne du Barry s’adapte parfaitement aux usages de la Cour mais ne s’intéresse guère aux affaires et ne cherche pas à jouer de rôle politique – ce dont Louis XV lui sait gré.
Images de Jeanne Bécu, comtesse du Barry, dernière maîtresse de Louis XV, dans Secrets d’Histoire
avec Alexia Giordano dans le rôle de Jeanne
Sa causerie, que ses amis ont tant aimée, est délicieuse. Dès la première rencontre, Jeanne séduit : « Ses yeux bleus bien ouverts, raconte François de Belleval, ont un regard caressant et franc, qui s’attache sur celui à qui elle parle et semble suivie sur son visage l’effet de ses paroles. Elle a le nez mignon, une bouche très petite et une peau d’une blancheur éclatante. Enfin, l’on est bientôt sous le charme. »
La comtesse du Barry s’installe dans le très vaste appartement , qui prend jour tant sur la cour de marbre que sur la cour des Cerfs, en 1769, à proximité immédiate des Petits Appartements du Roi qui avait, quelques années auparavant, distrait ces pièces de son usage personnel pour y loger sa belle-fille, Marie-Josèphe de Saxe, veuve depuis 1765. Celle-ci disparut deux ans plus tard et le logement, vacant, est attribué à madame du Barry.
Après le souper, les convives de la favorite regagnent les salons ouvrant sur la cour de marbre – le grand salon et le salon d’angle, pour s’asseoir aux tables de jeux et prolonger la soirée jusque tard dans la nuit, dans une atmosphère que l’on prétend franche et décontractée.
Le grand cabinet de la comtesse du Barry
Le grand cabinet de la comtesse du Barry
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Le grand cabinet de madame du Barry occupe la partie orientale de l’ancienne galerie des chasses exotiques de Louis XV. L’ensemble des élévations est habillé par des lambris composés de travées courantes alternant avec des parcloses sculptées de largeur variable, le motif sculpté des parcloses les plus étroites étant condensé.
Les ébrasements, seuls élément subsistant de l’aménagement pour le petit appartement du Roi mis en œuvre en 1735, sont richement sculptés avec des motifs d’animaux exotiques (lions), des motifs végétaux (guirlandes de fleurs, feuilles, palmes, branches de laurier, …), des coquilles, et au-dessus de la fenêtre, le chiffre du Roi dans un médaillon. Les autres médaillons (cinq par ébrasement) ont été bûchés.
Les deux consoles entre-fenêtres sont livrées en 1767 pour la galerie de l’Hôtel des Menus-Plaisirs à Paris.
Le mobilier présent dans la pièce se compose d’un canapé et six fauteuils à la Reine du XVIIIe siècle par l’ébéniste Jean-Baptiste Lebas. Présents au château des Tuileries au XIXe siècle, le canapé et deux fauteuils entrent au Petit Trianon en 1867 à l’occasion de l’exposition organisée sous les auspices de l’impératrice Eugénie.
La belle cheminée en marbre griotte à décor de palmiers est d’un modèle exotique tout à fait original. Elle subsiste de la galerie des chasses et atteste, elle aussi, du raffinement du décor de 1735.
Le salon de Compagnie a reçu un grand canapé et douze fauteuils sculptés de fleurs, en bouquets au dossier et en guirlandes à la ceinture. Douze chaises identiques les accompagnent, mais sans les fleurs.
Les chaises Delanois de Louis Delanois,1769
D’une série initiale de treize livrée en 1769 pour le salon de compagnie de madame du Barry à Versailles, elles seront envoyées à Louveciennes en mai 1774, suite à la retraite de la Cour de la comtesse après la mort de Louis XV. Libérée du conformisme du Garde-Meuble de la Couronne, elle passe commande à Paris essentiellement auprès du marchand mercier Simon-Philippe Poirier, à l’exception des sièges commandés au menuisier Louis Delanois. Ce dernier conçoit pour cette cliente exigeante un mobilier à la pointe du goût, d’où toute trace du style rocaille est bannie, dont témoignent ces chaises livrées dont une plus haute pour le Roi.
La forme même de ces sièges est novatrice. Le dossier médaillon, dont Delanois est peut-être l’inventeur, y fait l’une de ses premières apparitions et les pieds ne sont plus galbés mais en gaine et cannelés. Le sculpteur Joseph-Nicolas Guichard y place des ornements d’un goût nouveau, que la finesse de la dorure due à Jean-Baptiste Cagny met en valeur. La frise d’entrelacs à rosette à la ceinture, le tore de feuilles de laurier sur la face du dossier, comme le ruban tournant sur le côté, enfin les rosaces tournantes et les grandes feuilles d’acanthe tenant le dossier, sont autant d’éléments parmi d’autres d’un vocabulaire jusque-là inédit, tiré essentiellement du répertoire antique remis à la mode par le goût «à la grecque».
Saisies à la Révolution, on les retrouvent dans la Collection André Meyer à New York. Elles sont achetées à New York le 26 octobre 2001.
Depuis le XVIIe siècle se sont développées les boissons chaudes exotiques. Après avoir été considérées comme des drogues, des modes ou des médicaments, elles se sont imposées sous Louis XV. A tel point que le Roi aime à les préparer lui-même et surtout lors des petits soupers. Il dispose même, dans l’appartement de madame du Barry, d’une pièce spécifique pour fabriquer son café.
La seconde pièce se nomme le grand salon. On peut actuellement y voir un buste (sur la cheminée) et un tableau représentant Louis XV .
Le grand cabinet débouche sur la chambre à coucher mais également sur la salle-à-manger. Celle-ci a été restaurée et on peut y voir des boiseries en vernis Martin vert qui sont d’origine. Cette pièce ainsi que les suivantes, l’antichambre et la pièce des bains de madame du Barry, donnent directement sur la Cour des Cerfs, sur laquelle donnaient les appartements des favorites de Louis XV.
La salle-à-manger de madame du Barry,
Les repas de société du XVIIIe siècle
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Cette salle à manger fut créée en 1738. De cette date, il reste le décor des voussures des fenêtres : elle servait alors de salle à manger d’hiver à Louis XV, qui en avait une autre pour l’été à l’étage supérieur. A partir de 1751, elle sert d’antichambre à la salle à manger voisine, avant de devenir, en 1763, la chambre des Bains du Roi. La Dauphine, Marie-Josèphe de Saxe, en fit sa chambre et elle y mourut le 13 mars 1767. Madame du Barry lui rend sa destination première de salle-à-manger et la pièce suivante devint une pièce des buffets.
La table devait sans doute être démontable et plusieurs tables de services, des dessertes devaient meubler cette pièce ainsi que trente chaises de Delanois.
On accède à l’appartement par le petit degré du Roi, puis par une antichambre où se trouvent des armoires. En leur temps, elles contenaient le linge de table, l’argenterie et la vaisselle. Un magnifique service de table dit « le service aux rubans bleus » trône derrière une vitrine, il est composé de trente-sept pièces dont certaines au chiffre de la propriétaire. Elles sont en pâte tendre, sortent tout droit de la manufacture royale de Sèvres; elles furent acquises par madame Du Barry le 1er septembre 1770.
Les services de porcelaine de madame du Barry
Dès 1769, Madame du Barry commande les meubles et les objets d’art auprès du marchand-mercier Simon-Philippe Poirier, l’un des meilleurs fournisseurs, qui fait appel à Charles-Nicolas Dodin, peintre de figures de la Manufacture de porcelaine de Sèvres et à Martin Carlin, ébéniste célèbre. La comtesse effectue plusieurs commandes à la manufacture de Sèvres soit pour son propre usage soit pour en faire les cadeaux aux personnages qu’elle veut gagner. Les services utilisés à Versailles prend place dans la pièce des buffets de son appartement : un grand service de table «au ruban bleu céleste», ponctué d’or et parsemé d’une guirlande de fleurs diverses est livré en 1769-1770, un petit service « aux amours » livré en 1770, un service à petits vases et guirlandes, un à fond bleu céleste et à décor d’oiseaux et un service à décor chinois.
La plupart des porcelaines de la comtesse seront malheureusement dispersées pendant la révolution. Dans le même lieu se trouve un petit escalier menant à une ravissante pièce aux dimensions réduites , la bibliothèque.
La bibliothèque de madame du Barry,
Un petit cabinet pour les plaisirs de la lecture
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
On accède à la bibliothèque depuis l’antichambre en montant trois marches. Ce passage fut successivement ouvert ou condamné, au gré des occupants et de l’étendue de l’appartement. Lorsque cette pièce faisait partie des petits appartements du Roi, elle accueillait le cabinet de distillation, puis une partie de la bibliothèque.
Quand Madame Adélaïde en obtient l’usage, elle fait aménager une bibliothèque avec des portes munies de grillages. Celle-ci est déposée, puis remontée pour madame du Barry qui demande néanmoins des améliorations : une alcôve est rajoutée, les portes furent munies de glace, et un décor blanc et or est appliqué. Lorsqu’en 1769, la princesse va s’installer au rez-de-chaussée auprès de ses sœurs, madame du Barry se fait attribuer cette bibliothèque. On ouvre alors une porte de communication et la pièce est agrandie d’une niche abritant un sofa. La bibliothèque a un plan rectangulaire avec une alcôve à l’est et une fenêtre au sud. Le volume laissé libre au milieu des placards est petit et peu éclairé.
Les ébrasements et l’arrière-voussure de la fenêtre sont habillés avec des lambris simplement moulurés qui pourraient subsister du cabinet de distillation de Louis XV ou du premier aménagement de la bibliothèque pour Madame Adélaïde en 1753. Ailleurs, les élévations sont principalement composées par les portes vitrées des étagères garnies de livres, et de parcloses sculptées. L’alcôve est habillée de lambris d’appuis sculptés et de miroir sur les trois côtés.
La chambre à coucher, est située exactement au-dessus de celle (privée) de Louis XV. Elle possède encore aujourd’hui un lit, qui était celui de la Dauphine.
Il s’agit de l’ancien salon de compagnie de Marie-Josèphe de Saxe. Les boiseries sont reprises en s’inspirant des boiseries existantes et une cheminée de style rocaille démodée mais adaptée aux boiseries est installée. Les ébrasements sculptés de la galerie de 1735 sont conservés et les élévations sont habillées de nouveaux lambris, hormis le renfoncement central nord qui était démuni de boiseries. Les espaces de service placés au nord de cette pièce sont construits et une porte sous tenture aménagée dans l’élévation nord, au milieu de l’alcôve qui est lambrissée à l’identique des autres élévations de la pièce.
Pour témoigner de la richesse du décor sculpté de l’ancienne galerie des chasses exotiques, seuls les ornements des médaillons de l’ébrasement sud-ouest de la chambre ont été rétablis à titre d’évocation. L’esthétique dût-elle en pâtir, leur restitution complète envisagée au départ s’avérait anachronique avec l’état de référence des années du Barry.
Images de Jeanne du Barry (2023) de Maywenn
A la demande du Roi, le parquet est remplacé par des tomettes car trop bruyant : le Roi est dérangé dans sa chambre juste au-dessous.
Cette superbe Ariane endormie représente peut être madame du Barry :
La salle-de-bain de madame du Barry
L’évolution des décors à travers le temps
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Une porte, à la droite de la cheminée, permet d’accéder via un étroit escalier à la Grande bibliothèque (qui n’appartenait pas à l’appartement), située au-dessus du cabinet du conseil qui possédait une grande hauteur de plafond. On peut encore aujourd’hui voir les bibliothèques — vides — qui accueillaient de nombreux ouvrages. La salle-de-bains est aménagée en 1765 pour Louis XV avec deux baignoires.
Entre 1766 et 1767, Marie-Josèphe fait installer une cloison légère pour séparer la chaise, installée dans un réduit, et les bains.
En 1767, le Roi récupère cette salle pour en faire la pièce des bains qui est précédé par la chambre des bains au sud, l’actuelle pièce des buffets. En 1770, madame du Barry fait ériger une cloison vitrée pour délimiter un couloir du côté de la fenêtre : elle était composée d’une porte vitrée et de glaces placées en face de la fenêtre pour assurer l’éclairage de la salle-de-bains.
En 1774, cette pièce perd sa fonction de salle d’eau et deviendra la garde-robe de Thierry, Premier valet de chambre du Roi. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, la cloison sera démolie et le dallage remplacé par un parquet. La corniche décorée d’oves, de putti, d’oiseaux et de rinceaux, a été recopiée par moulage de la corniche de la salle-à-manger dans les années 1940. Les emplacements des deux baignoires et de la cloison sont matérialisés au sol.
Il a toujours été question de l’odeur de l’ambre et du musc au XVIIIe siècle. la parfumerie, qui ont toujours été jugées intrigantes et séduisantes. Marie-Jeanne Bécu, comtesse du Barry, qui est entrée dans l’histoire parce qu’elle est devenue favorite de Louis XV, est consciente de cela. C’est le potentiel érotique de l’ambre qui fascine madame du Barry, qui après ses bains parfumés habituels a l’habitude de saupoudrer une pommade à base de gomme opoponax, de géranium, de cannelle et de rose sur ses parties intimes. Madame l’appelait baptême « ambre » , ce qui signifie « baptême ambré ». Obtenue de Commiphora, la résine opoponax a un parfum très doux ; dans l’Antiquité, on croyait qu’elle était une sorte de panacée contre tous les maux possibles, à tel point qu’elle était aussi utilisée lors des exorcismes.
Mattia Scavuzzo
Le poêle en faïence provient du château de Rosamel. Daté aux alentours de 1770, ce poêle pyramide émaillé blanc dans le goût transition, se compose d’une chambre de combustion formant piédestal en talus, chantourné en plan, orné sur le devant d’un trophée des Sciences suspendu à un nœud de ruban et encadré de deux consoles d’angle dont le galbe est couvert d’un large feuillage d’acanthe. Ornée d’un motif classique d’entrelacs, la ceinture est couronnée d’une tablette en surplomb qui sert de base au conduit du poêle dissimulé derrière un imposant décor architecturé en forme de balustre. Le piédouche du conduit est flanqué d’un cartouche uni entouré de feuillages de chêne et couronné de deux branches de laurier situées à la base de la panse galbée. Le col du conduit, qui est orné d’un masque d’Apollon rayonnant, soutient un chapiteau sommé d’un panier empli de fleurs de faïence.
Intermédiaire de la coterie du maréchal de Richelieu, Jeanne du Barry n’est pas sans influencer discrètement telle ou telle décision, obtenant ainsi la grâce de plusieurs condamnés à mort. Mais malgré les intrigues de la duchesse de Grammont et d’autres femmes envieuses de sa position, elle s’efforce d’être agréable à tous (contrairement à madame de Pompadour, qui ne pardonnait pas les offenses et s’en vengeait même âprement).
Voltaire, à qui elle avait envoyé deux baisers par la poste, lui adressa par retour de courrier ce célèbre quatrain :
« Quoi, deux baisers sur la fin de la vie !
Quel passeport vous daignez m’envoyer !
Deux, c’est trop d’un, adorable Égérie,
Je serai mort de plaisir au premier.»
Cependant, le clan Choiseul ne désarme pas. L’une de ses créatures, Pidansat de Mairobert, publie des Mémoires secrets à l’origine des attaques dont Madame du Barry est dès lors constamment l’objet. Il diffuse ou suscite des chansons grivoises, des pamphlets injurieux et même des libelles pornographiques (tels L’Apprentissage d’une fille de modes ou L’Apothéose du roi Pétaud). Par la force des choses, madame du Barry se trouve soutenue par le parti dévot, hostile à Choiseul. Pour avoir conclu le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette, le Premier ministre se croyait intouchable.
Jean du Barry place aux côtés de Jeanne, sa sœur Françoise-Claire, dite Chon (1730-1809), installée dans un appartement, certes modeste , mais à côté de celui de Jeanne dont elle sera le chaperon, en fait l’espion de son frère. La place semble bien trouvée pour cette petite provinciale, boiteuse et même un peu bossue ; sa laideur cache un esprit vif, des manières distinguées et une adresse remarquable ; elle a l’esprit gascon dans le meilleur sens du terme. Avec son franc-parler, Chon sait facilement remettre les courtisans qui la toisent de haut à leur place.
Images de Jeanne Bécu, comtesse du Barry, dernière maîtresse de Louis XV, dans Secrets d’Histoire
avec Alexia Giordano dans le rôle de Jeanne
Le 24 Juillet 1769
Louis XV offre à sa nouvelle favorite, le Petit Trianon, bâti autrefois pour madame de Pompadour, pour s’y reposer en paix, ainsi que le domaine de Louveciennes et de Saint-Vrain ainsi que tous les revenus de ces châteaux. Le duc de Penthièvre a vendu Luciennes (surnom de Louveciennes) -où son fils, le prince de Lamballe, est décédé, l’an passé- à Louis XV .
À la Cour, Jeanne est haïe par certains courtisans qui ne supportent pas qu’une jeune fille de maquerelle et sans bonne famille devienne la nouvelle maîtresse du Roi. Ces courtisans ont à leur tête le duc de Choiseul. Celui-ci, est ministre des affaires étrangères et est entrain d’organiser le mariage du Dauphin de France et de l’Archiduchesse d’Autriche. Il se sait puissant et croit qu’il va faire chasser la nouvelle favorite sans aucune difficulté…
Louveciennes à une quinzaine de lieues de Versailles. Louis XV n’a donc pas grand route à faire pour visiter sa favorite.
Louveciennes, ou Luciennes, comme l’on dit alors, n’est qu’une grosse maison carrée avec une aile et un toit à la Mansart. Madame du Barry le fera agrandir par Gabriel.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Prévenue contre madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie.
« J’avoue l’avoir imaginée plus belle. Elle est assez grande, de corpulence moyenne avec une forte poitrine, très jolie mais pas de celle qu’on peut qualifier de belle. Elle ressemble tout à fait aux gravures mais en moins bien, avec une forte touche de son ancienne profession.
Son teint est clair, sa peau très lisse bien que la fraicheur de la jeunesse se soit évaporée. Son visage est ovale, plutôt long, son front haut est surmonté de cheveux fins très abondants. Elle porte du rouge mais discrètement et en petite quantité.
Ses yeux bleu clair sont vifs, son regard est des plus capricieux. Ses sourcils sont bien formés, de même que son nez. Sa bouche est jolie, ses lèvres très rouges et ses dents belles, mais elle a une sorte de petit sourire satisfait dont la saveur évoque fortement son ancien commerce. Son menton est très joli, sa voix forte, elle a bon air, ses manières obligeantes sont pleine de civilité, mais vulgaires.
Son comportement est extrêmement libre et enjoué. Elle est naturellement bienveillante, généreuse et charitable, mais par son caractère que j’imagine aussi chaud que son tempérament, son langage est grossier et indélicat lorsqu’elle est en colère.»
Description de madame du Barry par la duchesse de Northumberland, invitée de la comtesse à l’occasion du mariage du Dauphin
Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’Impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le duel vu par Hollywood (1938) Gladys George est madame du Barry dans Marie-Antoinette (1938) de W.S. Van Dyke
Le 20 août 1770
« Le Dauphin devait souper à l’Hermitage, petit château situé à la porte de la ville ( de Compiègne) où le Roi fait souvent ses retours de chasse avec sa société plus intime, et nommément avec la comtesse du Barry. La Dauphine me témoign(e) qu’elle voi(e) avec peine que le Dauphin (soit) entraîné à ces soupers, que cela a l’air de vouloir le séparer d’elle pour l’introduire dans une société peu convenable, que le Dauphin lui-même l’envisage ainsi et a du regret d’être à des sorties de parties de plaisir. Elle me parle ensuite du Dauphin en me disant … qu’il mépris(e) souverainement la comtesse du Barry et les gens de sa cabale, que lui ayant demandé pourquoi il se laiss(e) entraîner dans la société de ces gens-là, Monsieur le Dauphin a répondu qu’il fa(ut) bien user de prudence et se prêter pour l’amour de la paix.»
Mercy à Marie-Thérèse
En septembre 1770
La comtesse du Barry inaugure avec le Roi le Petit Trianon.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
Pour racheter les péchés de son père (le dernier étant sa liaison déclarée avec madame du Barry), la plus jeune fille de Louis XV, Madame Louise – mystique depuis l’enfance – entre au carmel de Saint-Denis et y prononcera ses vœux le 12 septembre 1771.
Le 23 octobre 1770
Jeanne inaugure les agrandissement de Louveciennes par Gabriel par un dîner donné en l’honneur du Roi où participent ses nouveaux «amis», Mesdames de Mirepoix, Flavacourt et L’Hôpital, ainsi que Messieurs de Condé, Lusace, Soubise, Richelieu, d’Aiguillon, Estillac, Croissy, Noailles, Chauvelin et Saint-Florentin.
Une entrée au plafond très élevé, un seul salon, donnant sur un perron, et une salle à manger, le tout représentant les attributs de la campagne et de la chasse, composent simplement le rez-de-chaussée. Une petite salle existe pour loger la domesticité et Madame du Barry en fera construire une autre. A l’étage, il n’y a que deux chambres, l’une au Nord qui sera celle de la comtesse, et l’autre, au Sud, qui sera occupée par le Roi. Tout correspond parfaitement à ce goût intime et élégant mis à la mode par le Roi et sa favorite…
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. Marie-Antoinette est persuadée que Jeanne du Barry a forcé la décision du Roi.
Désormais consacrée compagne royale officielle, madame du Barry organise le mariage du comte de Provence (frère cadet du futur Louis XVI) avec Marie-Joséphine de Savoie.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence et de Marie-Joséphine de Savoie.
Images de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Le 2 septembre 1771
Louis XV lui offre un château à Louveciennes, qu’elle fait agrandir et décorer à son goût. Le pavillon de Musique, construit en 1771 par l’architecte Claude Nicolas Ledoux, est un petit édifice d’une grande importance historique, il est aujourd’hui considéré comme l’archétype du classicisme français.
Jean-Honoré Fragonard est également invité à décorer le château. Pour le pavillon, la maîtresse des lieux lui demande de réaliser une série de peintures murales, qu’il livre sous le titre de Progrès de l’amour dans le cœur d’une jeune fille.
Les quatre peintures (La Poursuite, La Surprise, L’Amant couronné et La Lettre d’amour) ont cependant été rejetées peu après leur installation, jugée trop éloignées du style néoclassique du pavillon. Le cœur lourd, Fragonard a repris ses œuvres pour les accrocher chez son cousin à Grasse, sa ville natale. La série a ensuite été achetée par J.P. Morgan et est aujourd’hui exposée dans la « Frick Collection » à New York.
Fête d’inauguration du pavillon de musique de Louveciennes que Jeanne a commandé à Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) :
Le dîner que Jeanne offre à la Cour est suivi d’un grand feu d’artifice.
« Elle est grande, bien faite, blonde à ravir, front dégagé, beaux yeux, sourcils à l’avenant, visage ovale, avec des petits signes sur la joue pour la rendre piquante comme pas d’autres; bouche au rire leste, peau fine, poitrine à contrarier le monde, en conseillant à beaucoup de se mettre à l’abri d’une comparaison … »
Le prince de Ligne
On a souvent affirmé que le rôle de madame du Barry en matière artistique fut inférieur à celui de Madame de Pompadour. Pourtant madame du Barry s’est intéressée aux arts. Mais la brièveté de son « règne » (cinq ans) ne lui a pas permis d’imprimer une marque comparable à celle de la précédente favorite.
Elle pratiquait le dessin avec talent. Elle a joué un rôle de mécène en encourageant l’artisanat d’art français. Elle inspira les plus grands artistes de son époque, dont le sculpteur Louis Boizot, directeur de la manufacture de Sèvres. Elle contribua aussi à l’essor du néo-classicisme en révélant l’architecte Claude Nicolas Ledoux, qui bâtit son pavillon de musique de Louveciennes, ou en passant des commandes aux peintres Joseph-Marie Vien, François-Hubert Drouais, Jean-Baptiste Greuze ou Jean-Honoré Fragonard, aux sculpteurs Félix Lecomte, Augustin Pajou ou Christophe-Gabriel Allegrain, et à d’autres encore.
Elle continue à faire développer la manufacture de Sèvres, fait passer plusieurs commandes aux architectes tels que Ledoux pour ses châteaux (Louveciennes) . Elle contribue également au style néo-classicisme.
Madame du Barry a, d’une certaine manière, inventé le style Louis XVI :
« Madame du Barry fut une courtisane, mais une courtisane amie des lettres, des artistes, et qui passa sur la terre en répandant libéralement autour d’elle l’or et les consolations ».
Par ailleurs, élégante et de goûts affirmés, madame du Barry exerce une influence prépondérante sur la mode vestimentaire de son époque. Elle lance notamment la vogue des étoffes à rayures, qui durera dans toute l’Europe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels.
En 1772
Jeanne est séparée de corps et de biens d’avec son époux. Pour le consoler, on lui donne le duché de La Roquelaure.
La commode de la chambre de Madame du Barry
( texte et photographies de Christophe Duarte – Versailles passion )
Cette commode est réalisée en 1772 pour la chambre de l’appartement de madame du Barry au château de Versailles. Elle est exécutée par la manufacture de Sèvres et par l’ébéniste Martin Carlin. Bâtie de chêne, placage de poirier, de bois rose et d’amarante, marbre blanc, bronze doré, porcelaine tendre et glace.
Les cinq vantaux de porcelaine représentent :
– Vantail central : L’Agréable Société d’après Jean-Baptiste Pater
– Vantail gauche : Par une tendre chansonnette d’après Nicolas Lancret
– Vantail droite : Conversation galante d’après Nicolas Lancret
– Côté gauche : La Comédie d »après C. Van Loo
– Côté droit : La Tragédie d’après Charles-Nicolas Dodin
La commode appartient au musée du Louvre suite à une dation en 1990.
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à cette situation, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame Du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde (1732-1800), mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là madame du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
A la suite d’humiliations répétées contre madame du Barry — entre autres au théâtre du château de Fontainebleau — Louis XV décide le renvoi de Choiseul et le fait remplacer par le duc d’Aiguillon, ce qui accrut encore la rancœur de Marie-Antoinette.
Le 1er janvier 1773
Alors que la comtesse du Barry, entourée de la duchesse d’Aiguillon et de la maréchale de Mirepoix, se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.
« Je lui ai parlé une fois, mais je suis bien décidée à en rester là et cette femme n’entendra plus jamais le son de ma voix.»
Durant la cérémonie des vœux de 1773
Elle tiendra parole ! … et écrira à Sa mère :
« C’est la plus sotte et impertinente créature qui soit imaginable ».
L’animosité de Marie-Antoinette reprend le dessus. Elle noie la favorite parmi la masse de courtisans, se débrouillant pour ne pas avoir à s’adresser à elle en particulier.
Désespérée, Jeanne tente alors maladroitement « d’acheter » la Dauphine en lui offrant de magnifiques pendants d’oreilles en diamant. Agacée, Marie-Antoinette répond à cette offre déplacée « qu’elle avait assez de diamants et qu’elle ne se proposait point d’en augmenter le nombre »…
Zamor entre au service de madame du Barry. Il est victime d’un trafic d’esclaves entre le Bengale et Madagascar. Zamor est né en 1762 dans l’actuel Bangladesh. Victime d’un trafic d’esclaves entre le Bengale et Madagascar, il retrouve la liberté en arrivant en France, en 1773, et entre à l’âge de onze ans au service de la comtesse du Barry. Elle espère ainsi faire de Zamor un instrument de séduction auprès de Louis XV. Bien plus tard, il évoque ses années d’adolescence en termes amers, disant que, si la belle Comtesse l’avait recueilli et élevé, c’était pour faire de lui son jouet. Elle permettait qu’on l’humiliât chez elle. Il y était sans cesse en butte aux railleries et aux insultes des familiers du château.
Le 20 mars 1773 selon la tradition
Le Roi, qui ne dédaignait pas de préparer lui-même son café, le laisse s’échapper s’attirant cette apostrophe de la favorite :
« Hé, La France ! Ton café fout le camp !…»
ce qui était de très mauvais goût (voire une insolence envers la majesté royale). En fait, la comtesse du Barry s’adressait à son valet de pied nommé La France à cause de sa région d’origine, l’Île-de-France.
Le 18 février 1773
Pendant le carnaval, le duc et la duchesse d’Aiguillon organisent un bal masqué des plus splendides dans leur hôtel de la place d’Armes auquel assiste Louis XV.
Au printemps 1773
Madame du Barry invite tous ses amis à une grande fête proprement féerique, en son hôtel de l’avenue de Paris. C’est Papillon de la Ferté (1727-1794), intendant des Menus Plaisirs, qui est chargés d’organiser les réjouissances placées sous le signe de l’Amour.
Le 19 juillet 1773
Adolphe du Barry (1749-1778), fils de Jean, épouse Hélène de Tournon (1756-1782), une petite-cousine désargentée du prince de Soubise.
Le vicomte est pourtant bel homme, il a des manières charmantes, il est modeste et connait bien la Cour. Sa tante, la favorite, l’apprécie beaucoup et elle le montre en toute occasion.
Le contrat du mariage du vicomte et de la vicomtesse du Barry porte comme marque d’honneur, les signatures de tous les derniers rois de France, celles de Louis XV, du Dauphin, le futur Louis XVI, du comte de Provence, futur Louis XVIII et du comte d’Artois, futur Charles X. A cette occasion, le comte Jean-Baptiste du Barry,« le roué » (le père du marié) revient de son exil de deux mois à l’Isle-Jourdain (d’où il avait été forcé d’aller suite à ses imprudences envers sa belle-sœur) et est présenté pour la première fois au Roi qui l’honore, prétendra-t-il dans sa lettre à Malesherbes (1721-1794) de 1775, «de plusieurs marques de bonté ». Mais madame du Barry reste très froide à son égard.
Le 1er août 1773
Présentation de la nouvelle vicomtesse du Barry à la Cour à Compiègne. Jeanne est sa marraine et l’accompagne comme il se doit. Hélène fait alors forte impression au Roi.
« Si ma nièce devenait la maîtresse du roi, au moins la place ne sortirait pas de la famille »,
lance ironiquement Jeanne pour couper court à toute rumeur.
La trentaine rayonnante, la favorite est accoudée sur un nuage vaporeux qui ploie plus sous le poids des fleurs que sous le corps aérien de la déesse Du Barry. Son mouvement est dansant et gracieux, souligné et accompagné de drapés blancs et bleu roi du vêtement tout simple. Ses longs cheveux ceints d’un ruban céleste se répandent en boucles exquises sur ses épaules et font écho aux nuages. Son regard n’est plus celui, insaisissable, du portrait de 1769, mais bienveillant, et son sourire enchanteur. Les beaux bras cerclés de perles, les roses et les fleurs de seringat que la favorite présente ajoutent encore au charme de l’œuvre. Tout est ici tendresse, mesure et harmonie de tons pastel et de lignes arrondies, à l’image de la dernière année du règne de Louis XV qui fut aussi la dernière passée par la comtesse du Barry à Versailles…
L’intrigue ratée de madame du Barry
Voyant que la dauphine Marie-Antoinette avait facilité la venue de Gluck à Paris, dès 1773, Madame du Barry s’était mis en tête d’avoir elle aussi son protégé, l’Italien Piccinni, fortement recommandé par l’ambassadeur du Royaume des Deux-Siciles ; il servirait de contrepoids à Gluck et pourrait faire quelque ombrage aux manœuvres de sa rivale, pour le plus grand bonheur des observateurs, toujours avides de ces petites bisbilles : « Les partisans de Madame du Barry lui ont fait entendre qu’elle ne pouvait mieux s’illustre que par une protection éclatante envers les arts ; ils l’ont excitée à se piquer d’émulation à cet égard avec Madame la Dauphine, et comme cette dernière protège hautement le Sieur Gluck, ils l’ont engagée à opposer une émule à ce dernier en la personne du Sieur Piccinni. » Au printemps 1774, la favorite entame des négociations pour l’inviter ; aussitôt le marquis Caraccioli, ambassadeur napolitain, traite en direct avec son homologue le baron de Breteuil, ministre de France à Naples. Manque de chance : Louis XV décède le 10 mai 1774 et le « règne » de sa maîtresse prend aussitôt fin.
Exit la du Barry ! Reste le cas de Piccinni. En pareille circonstance, Marie-Antoinette aurait pu se frotter les mains et penser que le départ de la favorite déchue éliminait d’emblée toute concurrence musicale pour Gluck. Mais c’est là qu’elle montre son intelligence et sa clairvoyance. Loin de voir en Piccinni « l’homme de sa rivale », elle reste persuadée que la vie musicale française a besoin de sang neuf, qu’elle doit s’ouvrir pour attirer toujours plus de talents vers ce nouvel aimant culturel en Europe qu’est Paris.
Marie-Antoinette et la musique, Patrick Barbier
Fin 1773
Jeanne installe sa mère, Anne Bécu, dite alors madame Rançon, au couvent de Sainte-Elisabeth, à Paris. Restée très proche d’elle, elle obtient même du Roi qu’il demande à la supérieure de Sainte-Elisabeth l’autorisation de voir sa mère chaque fois qu’elle le désirera.
Du temps de sa splendeur, Jeanne lui rendra souvent visite…
« On était édifié de la piété filiale avec laquelle Madame du Barry venait constamment rendre ses devoirs à sa mère, presque tous les quinze jours. Elle y passait une partie de la journée.»
Pidansat de Mairobert
Le petit théâtre des combles,
Le projet inabouti de théâtre de Louis XV
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Louis XV, malade, demande la création d’une salle de théâtre destiné à accueillir un petit nombre de spectateurs parmi les proches du Roi et de madame du Barry. Dans le prolongement de l’appartement de madame du Barry, à l’attique de l’Aile Neuve qu’il vient de construire, l’architecte Gabriel (1698-1782) prévoit, dans un espace restreint, de bâtir une salle en forme de fer à cheval, une loge royale dotée d’une garde-robe, un fosse d’orchestre et une scène pouvant accueillir un décor en cinq plans.
Louis XV mourra avant le début des travaux. Et ce petit théâtre de poche ne verra jamais le jour.
Ce projet a pu être reconstitué grâce aux plans conservés aux Archives Nationales et au logiciel VERSPERA. Le décor a été inventé par les étudiants de la licence pro de l’université de Cergy Pontoise.
La comtesse s’offre des objets remarquables : une pendule aux trois Grâces, surmontées d’un Amour, un baromètre-thermomètre de Passement orné de trois plaques de porcelaine de Sèvres.
La Maison-Rouge de Villiers-sur-Orge
Madame du Barry fit l’acquisition d’une petite ferme appelée la Maison rouge à Villiers-sur-Orge, près Longjumeau ». « On voit par le contrat de mariage de madame du Barry, que sa mère se nommait madame Rançon. Elle avait épousé en 1749 un nommé Rançon, commis aux aides, titre qu’on changea, dans le contrat en celui de comtesse intéressé dans les affaires du Roi. On conçoit qu’avec un aussi mince emploi pour toute fortune, M. et Mme Rançon devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position, madame du Barry n’oublie pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et elle la met à même de vivre largement. Quoiqu’elle n’ait ni les manières ni le langage d’une femme de qualité, on ne peut cependant continuer de donner ce nom de Rançon à la mère d’une comtesse qui a l’insigne honneur d’être la maîtresse du Roi, et on l’appelle madame de Montrable. C’est pour madame de Montrable que madame du Barry achète la maison rouge, et cette dame l’habitera fort longtemps. »
Samedi 1er janvier 1774
Le comte de Fersen, accompagné du comte de Creutz, ambassadeur de Suède en France, assiste à la cérémonie de l’Ordre du Saint-Esprit, et fait sa cour au Roi. Après avoir dîné, il va, avec le comte de Creutz, faire sa visite à la comtesse du Barry. Elle lui parle pour la première fois.
Le 14 avril 1774
Jeanne reçoit, en témoignage ultime de sa puissance, une commode en plaques de Sèvres «à fleurs et filets d’or» de Martin Carlin pour orner l’un des deux panneaux d’entre-fenêtres de la petite galerie de ses appartements versaillais.
Le 27 avril 1774
Alors que Jeanne et le Roi se trouvent à Trianon, c’est là que le souverain ressent ses premiers malaises: il a des douleurs dans la jambe, une forte migraine et des frissons.
Son premier chirurgien, monsieur de La Martinière, diagnostique une fièvre sérieuse et insiste pour que le Roi regagne Versailles:
«Sire, c’est à Versailles qu’il faut être malade.»
Faisant fi des avis de madame du Barry, le chirurgien organise le transport: sous son manteau en robe de chambre, le Roi montre dans sa voiture. Son lit est fait à la hâte, un lit de camp est installé à côté.
Souffrant, Louis XV est transporté au château de Versailles. Fidèle, Jeanne du Barry reste aux côtés du Roi et ne le quitte pas malgré le risque de contamination. Le déjeuner lui est répugnant, il n’a de goût à rien . Même la partie de chasse ne l’enchante pas, il reste dans sa voiture et a très froid. Le duc de Croÿ qui l’accompagne est inquiet en disant :
« Le Roi est malade!»
Le premier médecin et le premier chirurgien se consultent et décrètent un traitement avec application de mouches sur les tempes et administration d’opium.
La nuit du Roi est catastrophique.
Le 28 avril 1774
Les hommes de médecine saignent le Roi, mais aucune amélioration n’est visible. Ils envisagent une deuxième voire une troisième saignée si besoin est. Louis XV sait ce que cela signifie : après la troisième saignée, il devra recevoir les saints sacrements.
Ces hommes de médecine sont impuissants et ne savent plus quel remède proposer . Ils demandent l’aide de deux confrères, le médecin de madame du Barry et un médecin réputé de Paris. Mais personne n’arrive à mettre un nom sur ce mal.
Dans la nuit du 28 au 29 avril 1774
Le visage du Roi se couvre d’une éruption, ce sont les symptômes de la petite vérole. Monsieur de la Martinière ose déclarer qu’il considère Louis XV comme perdu.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père.
Le 30 avril 1774
Le visage du Roi est couvert de pustules.
Le 4 mai 1774
La messe est célébrée dans la chambre du Roi, l’archevêque s’entretient avec lui.
Le 5 mai 1774
Le confesseur s’installe non loin de la chambre du Roi au cas où. Mais le Roi n’arrive pas à se confesser, ses évanouissements et ses plaies l’empêchent d’avoir l’esprit clair pour cet acte ultime.
Durant la nuit du 6 Mai 1774
La santé du Roi se dégrade de plus en plus et ses heures semblent comptés. Louis XV conseille à Jeanne de quitter Versailles pour le château de Rueil (demeure du duc d’Aiguillon).
Dans la nuit du 7 mai 1774
Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux. A sept heures du matin, il se fait administrer le Saint Sacrement puis il souhaite recevoir ses filles une dernière fois. Seul le clergé est autorisé à approcher le malade, ses filles restent sur le seuil de la chambre. La Dauphine est dans la pièce voisine.
Le Dauphin et ses frères sont priés de s’installer au rez-de-chaussée du château : ils n’ont pas été inoculés. Après s’être confessé, le Roi se sent plus tranquille, accepte son sort avec calme, et La Martinière note même une légère amélioration.
Le 7 Mai 1774
Jeanne quitte Versailles pour le château de Val de Ruel, à Rueil-Malmaison.
Le 8 mai 1774
L’état du Roi empire tout à coup, il délire, la gangrène se déclare, l’infection se généralise.
Les serviteurs commencent à fuir.
Le 9 mai 1774 au soir
L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV. L’agonie est interminable. Ses paupières sont fermées tant il y a de croûtes, son visage est enflé et presque noir. Le Roi resté conscient se demande combien de temps va encore durer son agonie.
Dans la nuit du 9 au 10 mai 1774
Comme il est d’usage, une chandelle allumée est placée au balcon de la chambre royale, elle sera soufflée dès le constat de la mort du Roi.
Le 10 mai 1774
A trois heures du matin
Le Roi ne voit plus rien.
A midi
Le Roi est inconscient, seuls les ecclésiastiques prient autour de lui. Plus personne d’autre n’est autorisé à rester. Les membres de la Cour et du gouvernement stationnent au seuil de la chambre royale dont les portes sont grandes ouvertes puisque la mort d’un souverain doit être publique.
Entre quinze heures et quinze heure trente.
Louis XV expire à Versailles. Il avait soixante-quatre ans.
La chandelle est soufflée.
Selon le protocole, le chambellan coiffé d’un chapeau à plumes noires, apparaît à la fenêtre et s’écrit :
«Le Roi est mort!»
puis changeant de couvre-chef pour un chapeau à plumes blanches, il réapparaît pour annoncer :
«Vive le Roi!»
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI. Comme toujours en pareille circonstance, les courtisans se ruent vers les appartements du nouveau souverain.
Toujours selon l’usage, l’embaumement doit être pratiqué, le cœur momifié et porté dans une église de France. Mais devant l’état du corps, les hommes de médecine refusent : il n’y a pas d’embaumement et le cœur reste à sa place.
Des ouvriers mettent en bière «ces restes pestiférés». Un seul abbé veille le mort, se tenant précautionneusement très éloigné et muni d’un mouchoir sous le nez, tant la puanteur règne dans la chambre. Aucune grande cérémonie n’est prévue. Le cercueil quitte Versailles dans la nuit, escorté d’une quarantaine de gardes et de pages, en direction de la basilique Saint-Denis.
Le 12 mai 1774
deux jours après la mort de Louis XV
Sur le papier, Louis XVI ne l’exile pas à l’abbaye de Pont aux Dames, il ne fait que lui «permettre» d’aller voir sa «tante» à ladite abbaye ! :
« J’espère Madame que vous ne douterez pas de toute la peine que je ressens d’être obligé de vous annoncer une défense de paroître à la Cour. Mais je suis obligé d’exécuter les ordres du Roi, qui me charge de vous marquer que son intention, est que vous n’y veniez pas, jusqu’à nouvel ordre de sa part. Sa Majesté, en même tems, veut bien vous permettre d’aller voir Madame votre Tante, à l’abbaye du Pont aux Dames, et je vais écrire en conséquence à Madame l’abbesse afin que vous n’éprouviez aucune difficulté. Vous voudré bien m’accuser la réception de cette lettre, par celui qui vous la remettra, afin que je puisse justifier à Sa Majesté de l’exécution de son ordre. J’ay l’honneur Madame d’être votre… »
« Quand une femme n’est plus aimée, qu’elle fasse tout sauf pleurer ! »
Jeanne du Barry
On vient chercher la comtesse à Reuil pour aller l’enfermer au couvent de Pont-aux-Dames, à Meaux. C’est une sorte de Bastille pour femmes aux confins de la Brie et de la Champagne, «avec défense de voir qui que ce fût».
A l’annonce du sort que lui réservent Louis XVI et Marie-Antoinette, Jeanne s’effondre en larmes.
« La créature est mise au couvent et tout ce qui porte ce nom de scandale est chassé de la Cour ! »
Marie-Antoinette à Sa mère
Madame du Barry arrive au petit matin à l’abbaye de Pont-aux-Dames et découvre un monastère médiéval, tombant à moitié en ruine, lugubre et sans vie. La cinquantaine de sœurs qui vivent recluses sans ce couvent sont toutes vêtues d’un costume sévère, robe blanche et voile noir.
Elles accueillent très froidement la nouvelle recrue qu’on leur a présentée comme un monstre de perversité. La mère supérieure, Gabrielle de La Roche-Fontenilles, a donné des consignes strictes : personne ne doit s’entretenir avec la prisonnière.
Images de Jeanne du Barry (2023) de Maywenn
Ce même jour
On célèbre les obsèques de Louis XV.
Les Parisiens sont indifférents.
« Louis a rempli sa carrière; . Et fini ses tristes destins ; . Tremblez, voleurs ; . Fuyez, putains ! Vous avez perdu votre père.»
Les provinciaux, beaucoup plus tristes, organisent un grand nombre d’offices pour le repos de l’âme du Roi.
Le 22 septembre 1774
Aubert rachète à la comtesse du Barry le grand corps de diamant pour quatre cent cinquante mille livres et une parure en rubis et diamants pour cent cinquante mille livres. C’est le seul moyen qu’a Jeanne de régler les dettes qu’elle avait en quittant Versailles. Son train de vie était trop fastueux ; elle dépensait plus qu’elle ne gagnait. Dès sa disgrâce, la masse de créanciers se presse pour se faire rembourser.
Jeanne est très inquiète. Ses premières semaines à Pont-aux-Dames sont donc éprouvantes. Prise entre la dureté de son emprisonnement, la curée des créanciers et l’incertitude quant à son sort, elle se réfugie dans la dévotion.
Elle assiste chaque matin à la messe, suit les offices, prend ses repas avec les sœurs ; son attitude respectueuse, sa grande égalité d’humeur, sa gentillesse commencent à susciter la bienveillance du couvent.
La sévère supérieure prend même goût aux promenades avec sa prisonnière.
Au cours de ses nombreuses promenades, Jeanne commence à s’attacher à Pont-aux-Dames. Elle rêve désormais d’une vie simple. La prison de Pont-aux-Dames lui permet finalement de se retrouver.
En décembre 1774
Madame de La Roche-Fontenilles plaide la cause de sa pensionnaire . Le nouvel homme fort du régime, Monsieur de Maurepas (1701-1781), qui ne voit pas d’hostilité à la libération de la comtesse , transmet la lettre au Roi.
Mais Louis XVI répond par un non catégorique.
Madame du Barry se porte de mieux en mieux, malgré son isolement. Elle se montre, non pas indifférente à son sort, mais elle prend sa nouvelle vie avec philosophie.
Bientôt les conditions de détentions s’améliorent, elle vit avec une vingtaine de domestiques ( chiffre qui paraît cependant exagéré) et finit par obtenir l’autorisation de recevoir les visites de sa mère, de ses belles-sœurs et de quelques fidèles. La duchesse d’Aiguillon, le duc de Brissac et le prince de Ligne commencent à prendre le chemin de Pont-aux-Dames.
C’est le prince qui va réussir à la faire sortir du couvent.
A la fin de l’hiver 1775
Ligne lui propose d’aller plaider sa cause auprès de la Reine avec qui il est en bonne relation.
Louis XVI accepte de lui redonner la liberté, mais ne veut pas qu’elle puisse revenir à la Cour, ni même dans les environs, notamment Louveciennes. Madame du Barry devra rester à plus de dix lieues de Paris ou de Versailles. On l’incite à chercher une nouvelle résidence loin de la Cour. C’est alors qu’elle apprend que le domaine de Saint-Vrain, dans le sud de Paris, est à vendre… Elle le fait donc acheter par le duc d’Aiguillon. Il lui en coûtera deux cent mille livres.
La comtesse du Barry vivra à Saint-Vrain de 1775 à 1777.
Elle vient s’y installer, le Roi Louis XVI lui ayant interdit de s’approcher à moins de dix lieues de Paris.
Craignant que son exil à Saint-Vrain ne soit définitif (la Reine Marie Antoinette la déteste) elle demande à l’architecte Ledoux de lui concevoir un château aux goûts de l’époque.
Elle a fait distribuer du pain, de la viande et du bois aux nécessiteux, principalement l’hiver 1775 -1776, qui fut un des plus rigoureux du siècle.
Elle y organise de nombreuses réceptions pour la noblesse locale.
En mars 1775
Jeanne est enfin libérée mais se voit interdite d’aller à Paris. Elle part alors pour son château de Saint-Vrain et y restera quelques mois. Mais elle restera fidèle aux sœurs de Pont-aux-Dames qu’elle retournera régulièrement voir. Elle cherchera même à en aider certaines pendant la Terreur…
La comtesse décide d’installer près d’elle sa mère, Madame Rançon de Montrabé, qui lui a tant manqué dans son exil: elle lui achète le domaine de Maison-Rouge à Villiers-sur-Orge.
Madame du Barry organise des fêtes où elle convie toute la noblesse des environs. Sa table est réputée. Le dimanche, elle invite aussi, comme cela se faisait beaucoup, les paysans à venir danser dans son parc.
En octobre 1775
Madame du Barry se sépare de son hôtel de l’avenue de Paris, qu’elle vend au comte de Provence.
Jeanne a-t-elle le désir de s’implanter à Saint-Vrain lorsqu’elle demande à Claude-Nicolas Ledoux, son architecte de prédilection, un projet de construction d’un nouveau château avec salle de spectacle?
Elle se sépare encore de bijoux, de tableaux, de meubles pour s’acquitter de ses dettes.
En novembre 1775
Le comte d’Artois parvient à acquérir quatre grands tableaux de Vernet représentant les quatre Heures du Jour. La comtesse n’est pas pressée de s’en séparer… mais les vend tout de même pour dix-neuf mille deux cents livres.
Un dimanche de 1776
Profitant de l’absence de la plupart des domestiques, trois vagabonds s’introduisent dans le château. Ils arrivent jusqu’à la chambre de la comtesse et, sous la menace, lui réclament ses bijoux. Madame du Barry réagit avec fermeté sur le moment, ce qui décontenance ses agresseurs. A moitié ivres, les voleurs battent en retraite en proférant de sordides menaces. Une fois l’incident passé, Jeanne s’effondre ; elle prend peur.
En octobre 1776
Louis XVI autorise enfin à Jeanne d’aller à Paris, elle regagne alors son cher Louveciennes. Ainsi le Roi lui rend-il sa liberté, mais en plus il décide de lui conserver ses biens personnels, notamment ses bijoux, ainsi que ses rentes sur l’hôtel de ville et le revenu des Loges de Nantes… C’est l’assurance d’une nouvelle vie très fastueuse !
Madame du Barry va s’empresser de vendre Saint-Vrain.
Jeanne mène une vie paisible en son château de Louveciennes où ses amis d’autrefois viennent la visiter fréquemment. Dans les rares pièces du château, l’ambiance est devenue magique car pendant sa disgrâce, on y a fait porter la plus grande partie de son mobilier de Versailles.
« On aurait pu se croire chez la maîtresse de plusieurs qui tous l’avaient enrichie de leurs dons.»
Elisabeth Vigée Le Brun
Louveciennes ressemble à un magasin d’antiquaire qui aurait entassé de fabuleux trésors de sensualité.
« C’était un endroit délicieux tant pour le luxe et la magnificence que pour le goût.»
Le comte de Cheverny
Le «roué» est en exil, le Roi est mort, Jeanne , à trente-trois ans, va désormais vivre pour elle-même.
Elle est gourmande (elle prendra rapidement de l’embonpoint), trait probablement hérité de ses aïeux maternels qui exercèrent des métiers de bouche.
En 1777
Jeanne se dépêche de vendre le château de Saint-Vrain alors que les travaux allaient commencer.
Les habitants du village garderont un bon souvenir du séjour de la comtesse.
Hélène du Barry donne naissance à un fils, Achille-Alexandre-Benoît qui a pour parrain son grand-père maternel, Hugues François de Tournon.
En mai 1777
Jeanne a l’honneur de recevoir dans sa demeure le frère aîné de Marie-Antoinette, Joseph II d’Autriche alors que celui-ci est venu rendre visite à sa sœur et son beau-frère.
En visite à Marly, l’Empereur décide de se rendre incognito à Louveciennes pour voir le merveilleux pavillon de Ledoux. En réalité, il sait que la comtesse est dans son domaine et il veut la rencontrer. En parcourant les jardins, il fait en effet sa connaissance, et, après deux heures en sa compagnie, lui offre le bras pour achever sa visite du parc. Madame du Barry n’ose accepter, eu égard à son rang :
« Ne faites point de difficulté, Madame, la beauté est toujours reine, répond galamment le frère de Marie-Antoinette.»
Ayant contracté une passion pour le jeu, Adolphe du Barry amène d’abord sa femme à Spa, où son père avait jadis englouti des fortunes. Là, le couple se lie à un aventurier, le comte Rice, un Irlandais qui les entraîne en Angleterre, à Bath, la station thermale de la haute société anglaise. Tout le monde s’installe à l’hôtel Royal Crescent et on mène grand train. Mais le feu couve car le couple est en crise. Hélène, furieuse d’avoir été bannie de la Cour par la faute du nom qu’elle porte. Il semble qu’elle soit devenue la maîtresse de Rice. Le vicomte, en découvrant son infortune, provoque l’Irlandais en duel.
Le 30 mai 1778
Admiratrice de Voltaire, elle est à son chevet lorsqu’il meurt.
En août 1778
Jeanne accompagne son nouvel amant, Louis-Hercule, duc de Cossé-Brissac (1734-1792) dans son commandement de Vaussieux, la base d’opérations pour l’envoi des troupes aux insurgents américains.
Le 10 novembre 1778
Décès de son neveu, Adolphe vicomte du Barry (1749-1778), qui était militaire, à Bath, sur la colline de Claverton, il est tué en duel par le comte de Rice: les deux hommes se retrouvent au petit matin. Chacun est armé de deux pistolets et d’une épée. Du Barry tire le premier, blesse Rice dans la cuisse et lui brise le fémur. Mais, surmontant sa douleur, l’Irlandais répond en tirant deux coups de pistolet. Le vicomte s’effondre, raide mort.
La nouvelle du décès de son neveu est une rude épreuve pour la comtesse du Barry. Elle était liée à lui maternellement.
La peine de la favorite sera aggravée par l’attitude de la vicomtesse du Barry dès son retour en France à pouvoir changer de nom. La nouvelle comtesse de Tournon pourra ainsi revenir à la cour de Louis XVI.
En 1781
Jeanne fait la connaissance de la peintre officielle de la Reine, Élisabeth-Vigée Le Brun et se fait peindre aussi par elle.
« L’été comme l’hier, Madame du Barry portait des robes-peignoirs de percale ou de mousseline blanche, et tous les jours, quel temps qu’il fît, elle se promenait dans son parc ou dehors, sans qu’il résultât aucun inconvénient pour elle, tant le séjour de la campagne avait rendu sa santé robuste.»
Elisabeth Vigée Le Brun
Même le duc de Choiseul rencontre celle qui suscite encore dans son exil tant d’intérêts. Il vient incognito… mais cela est vain, car après avoir feint de l’appeler Milord North qui accompagnait le prince de Beauvau, Jeanne l’accoste :
– A présent, monsieur le duc, trêve de plaisanterie. Je suis très flattée de l’honneur que vous me faites en venant me voir. Asseyons-nous et causons. Vous êtes bien bon de ne pas avoir gardé aucune rancune contre moi, ironise-t-elle.
– Je n’en ai jamais eu, répond Choiseul… après tant d’acharnement , cette réplique est un peu faible !
Le 12 mars 1782
Hélène du Barry – de Tournon épouse un de ses cousins, Jean-Baptiste de Tournon, marquis de Claveyron, évitant ainsi le procès que menaçait de lui faire « le roué » pour offense a la mémoire des du Barry.
Le 8 décembre 1782
Hélène de Tournon, marquise de Claveyron meurt neuf mois après son mariage. Son époux inconsolable de sa perte, la suivra dans la tombe quatre ans plus tard, le 29 avril 1786.
Le 28 novembre 1783
Mort de Marguerite Gourdan (1727-1783) à Paris.
Durant toute sa vie, Jeanne eut de nombreux amants même après la mort de son royal-amant. Jeune, belle et célibataire, elle sera tour à tour maîtresse d’un certain Henry Seymour (1746-1830), le comte puis le duc de Cossé-Brissac (qui durera plus longtemps et sera son plus grand amour), Louis-Antoine de Rohan-Chabot et tant d’autres.
Les anciennes ennemies se ressemblent désormais sous le pinceau de Vigée Le Brun
Le 20 octobre 1788
Décès de la mère de Jeanne, madame Rançon de Montrabé, née Anne Bécu (1713-1788), dans sa propriété de Maison-Rouge. Elle cède tous ses biens à sa nièce la plus prestigieuse, madame de Boisséson, née Marie-Joseph Bécu de Cantigny, dite «Betzi», âgée de dix-neuf ans (née le 21 août 1762 à Versailles, fille de Jean-Nicolas Bécu (1705-1766), décédée à Munich (Bavière) en 1855), cousine germaine de Jeanne du Barry…
Le 17 novembre 1788
Décès de son beau-père, Nicolas Rançon de Montrabé, auquel Jeanne avait accordé une rente viagère de deux mille livres puisque sa mère l’avait oublié dans son testament .
En 1789
Lorsque la révolution française éclate, (alors que beaucoup de nobles prennent le chemin de l’exil) Jeanne ne fuit pas et reste auprès de la famille royale.
Restant fidèle au Roi, elle l’aide dans ses moments les plus difficiles.
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.
Y sont réunis tous les protagonistes de la Révolution future…
Madame du Barry, sensibilisée aux questions politiques par le duc de Brissac, prend fait et cause pour Necker et pour les nationalistes. Le grand financier vient plusieurs fois la visiter à Louveciennes.
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Le 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 1er octobre 1789
Fête des gardes du corps du Roi en l’honneur du régiment de Flandres à l’Opéra de Versailles en présence de la famille royale.
Le 5 octobre 1789
Les parisiennes marchent sur Versailles…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
Le soir du 6 octobre 1789
Le château de Versailles est désert. Madame de Gouvernet est restée sur place :
« Une affreuse solitude régnait déjà à Versailles. On n’entendait d’autre bruit dans le château que celui des portes, des volets, des contrevents que l’on fermait et qui ne l’avaient plus été depuis Louis XIV. Mon mari disposait toutes choses pour la défense du château, persuadé que, la nuit venue, les figures étrangères et sinistres que l’on voyait errer dans les rues et dans les cours, jusque-là encore ouvertes, se réuniraient pour livrer le château au pillage. »
Deux des gardes royaux, Messieurs de Barghon-Monteil et Lefebvre de Lukerque, qui ont survécu à l’attaque parisienne du château trouvent refuge à Louveciennes chez madame du Barry. Ayant pris connaissance du secours que Jeanne leur apporte, Marie-Antoinette lui écrit une lettre de remerciement…
Après ces terribles événements, madame du Barry commence, elle aussi, à concevoir de vives réserves sur la suite…
« Si Louis XV avait vécu, tout cela n’aurait pas été ainsi.»
La comtesse du Barry, aussitôt, a l’honneur d’adresser à la Reine ces propos :
« Madame, Ces jeunes blessés n’ont d’autre regret de n’être point morts avec leurs camarades, pour une Princesse aussi parfaite, aussi digne de tous les hommages, que l’est, assurément, Votre Majesté. Ce que je fais, ici, pour les braves chevaliers, est bien au-dessous de ce qu’ils méritent; si je n’avais point une femme-de-chambre et mes autres serviteurs, je servirais vos Gardes, moi-même. Je les console, et je respecte leurs blessures, quand je songe, Madame, que sans leur dévouement et ces blessures, Votre Majesté n’existerait peut-être plus.
Luciennes est à vous, Madame. N’est-ce pas votre bienveillance et votre bonté qui me l’ont rendu? Tout ce que je possède me vient de la Famille Royale: j’ai trop bon cœur et trop de reconnaissance pour l’oublier jamais. Le feu Roi, par une sorte de pressentiment, me força d’accepter mille objets précieux, avant de m’éloigner de sa personne. J’ai eu l’honneur de vous offrir ce trésor, du temps des Notables; je vous l’offre encore, Madame, avec empressement et toute sincérité; vous avez tant de dépenses à soutenir, et des bienfaits sans nombre à répandre. Permettez, je vous en conjure, que je rende à César ce qui appartient à César.»
DE VOTRE MAJESTÉ
La très-fidèle et soumise servante et sujette
Comtesse du Barry
La Reine n’accepte pas ce trésor, offert pour la seconde fois; et ce trésor, enfoui dans les jardins de Louveciennes, en présence de deux serviteurs cupides et barbares, causera la mort de la comtesse du Barry…
En 1790
A Louveciennes, Madame du Barry est critiquée… comme tout ce qui porte habits et armoiries, en somme…
Le 20 février 1790
Mort à Vienne de Joseph II .
Été 1790
La famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud.
Des bruits courent selon lesquels Elle projette de s’évader…
Le 12 juillet 1790
Constitution civile du clergé.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Le 10 janvier 1791
Jeanne, accompagnée de sa femme de chambre et de quelques domestiques, passe la nuit dans l’hôtel parisien du duc de Brissac qui a donné ce soir-là une grande réception pour tirer les rois.
Le 11 janvier 1791
Le château de Louveciennes est cambriolé et on vole tous ses bijoux à Jeanne du Barry. Elle commet alors l’imprudence de publier ce qu’on lui a volé (ce qui moyenne la somme de 400 millions de nos jours) et promet de récompenser 2000 louis à qui les trouvera.
Or elle ignore que ce sera l’une des pièces maîtresses qui la conduiront à l’échafaud. Jeanne apprend que ses bijoux sont maintenant à Londres et y va fréquemment pour les identifier.
Sur les conseils de son notaire parisien, Maître Rouen, elle fait imprimer un placard, sous la forme d’une notice in-octavo, portant en gros titre:
«DEUX MILLE LOUIS A GAGNER et récompense honnête et proportionnée aux objets qui seront rapportés.»
Et le placard ajoute :
« Il a été volé chez Madame du Barry au château de Louveciennes dit Luciennes près Marly, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791 les diamants et bijoux ci-après.»
Suit une liste de quatre pages. Ce billet, tiré à plusieurs centaines d’exemplaires, est expédié à toutes les forces de police mais aussi aux marchands de bijoux, en France et à l’étranger. En laissant publier cet encart dans le public, madame du Barry a brisé la règle qu’elle s’imposait de rester discrète…
La liste de ses biens volés occupe à l’origine un tract de huit pages. Voici un petit échantillon des bijoux volés de madame du Barry, qui figuraient parmi les plus beaux de la France du XVIIIe siècle :
Une bague avec un très fin brillant blanc, oblong, pesant environ 35 grains, en serti cage
Un brillant similaire, pesant environ 50 grains, sans support.
Une paire de boucles d’oreilles de deux très beaux diamants pesant chacun environ 50 grains.
Une grappe finement montée en forme de rose de 528 brillants blancs, dont un gros au milieu, d’eau pure, pèse environ 24 grains.
Un collier de 24 brillants blancs fins, montés sur sertis sans support, de 15 à 20 grains chacun.
Une double corde de perles, composée d’environ 200 perles, pesant chacune 4 à 5 grains.
Une paire de bracelets de 24 brillants, pesant environ 15 à 16 grains chacun, finement montés, ayant au milieu une émeraude surmontée de deux monogrammes en diamants, l’un formant deux « L » et l’autre un « D » et un « B ». »
Un portrait de Louis XV, peint par Masse, serti dans une médaille d’or.
Un étui à cure-dents en or, émaillé de vert, au bout duquel se trouve un très gros brillant, pesant environ 12 grains, retenu par une vis.
Une paire de boutons de manchette, d’une émeraude, d’un saphir, d’un diamant jaune et d’un rubis ; chacun entouré de diamants.
Le 15 février 1791
On a retrouvé les bijoux de madame du Barry . Les voleurs avaient dérobé chez elle pour plusieurs millions de joyaux quatre jours plus tôt. Mais, terrible fatalité, c’est en Angleterre que les voleurs, Jean-Baptiste Levet, Joseph Amon, Joseph Harrys, Jacob Moyse et Joseph Abraham, sont arrêtés… or la procédure en ce pays est longue et coûteuse, voire tortueuse. Aussi la comtesse sera-t-elle contrainte de faire de nombreux voyages dans un pays qui bascule dans la contre-révolution.
Le 19 février 1791
La comtesse, ses quatre domestiques, son Joaillier Rouen (homonyme du notaire) et le vieux chevalier d’Escourre, l’un des aides de camp de Brissac, s’embarquent à Boulogne.
Le 20 février 1791
Départ de Mesdames Adélaïde et Victoire, ses adversaires de jadis, qui partent pour Rome.
Le voyage de madame du Barry ne peut que paraître suspect….
Pendant la traversée, on apprend à Jeanne que l’un de ses voleurs, Harrys, a tout avoué.
A Londres, elle s’installe à l’hôtellerie de Jeremyn Street tenue par un ancien cuisinier du duc d’Orléans.
Le 1er mars 1791
Jeanne est obligée de retourner en France pour gérer les poursuite contre le receleur de bijoux, Philippe Joseph.
En avril 1791
Pour tenter de récupérer ses chers bijoux, madame du Barry se rend à nouveau à Londres…alors qu’elle est étroitement surveillée par un certain Blache, agent de la police française, qui envoie régulièrement à Paris un rapport sur ses activités.
Le 18 avril 1791
La famille royale est empêchée de partir faire Ses Pâques à Saint-Cloud. Les projets d’évasion se concrétisent grâce, en particulier, à l’entremise d’Axel de Fersen.
Début mai 1791
Madame du Barry repart à Paris. Elle y arrive le 21 mai, pour être _deux jours plus tard !_ à nouveau rappelée à Londres. Comprenant que son séjour risque d’être long, elle s’installe dans une maison de Brutton Street, près de Berkeley Square.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.
Le 17 juillet 1791
Fusillade du Champ-de-Mars, rebaptisé Champ-de-la-Fédération.
A la fin de l’été 1791
En raison de la complexité de la procédure anglaise, Jean-Baptiste Levet, Joseph Amon, Joseph Harrys, Jacob Moyse et Joseph Abraham sont relâchés, et ce , malgré les aveux d’Harrys!
Le 25 août 1791
Jeanne du Barry rentre bredouille à Paris.
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.
Le 16 octobre 1791
Brissac est nommé commandant de sa garde constitutionnelle par Louis XVI.
Le duc s’étonne de la passivité du Roi face aux événements. Il propose de réagir avec les gentilshommes fidèles.
« Nous sommes résolus, répond Louis XVI, de ne rien faire du tout, à rester tranquille deux ou trois ans s’il le faut, jusqu’à ce que le peuple fatigué nous remette à notre place et nous voulons que la noblesse en fasse autant.
-Sire, ose le duc de Brissac, cela vous est facile avec vingt-cinq millions de liste civile mais nous , nobles, qui n’avons plus rien et qui avons tout sacrifié pour vous servir, il ne nous reste que deux partis : de nous réunir à vos ennemis pour vous détrôner ou de faire la guerre et de mourir au lit d’honneur, et Votre Majesté sait bien que, si on m’en croit, c’est ce dernier parti que nous prendrons.»
Le 19 décembre 1791
Le Roi oppose son veto au décret sur les prêtres insermentés.
Le 20 avril 1792
Déclaration de la guerre contre le Roi de Bohême et de Hongrie.
Le 27 mai 1792
Décret sur la déportation des prêtres réfractaires.
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi. On accuse son chef, Louis Hercule Timoléon de Cossé-Brissac (1734-1792) d’être antirévolutionnaire et responsable et d’avoir fait prêter à ses hommes le serment d’accompagner le Roi partout où il se rendrait. Le duc refuse de passer pour un lâche en fuyant.
Le 30 mai 1792
Brissac est arrêté et aussitôt transféré à la prison d’Orléans où siège la Haute Cour nationale.
Le 8 juin 1792
Décret de formation d’un camp de fédérés à Paris.
Le 11 juin 1792
Louis XVI oppose son veto aux décrets des 27 mai et 8 juin.
Le 14 juin 1792
Madame du Barry est autorisée à rendre visite à son amant.
Le 20 juin 1792
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 10 août 1792
Sac des Tuileries.
Le 11 août 1792
Apprenant la chute de la monarchie, Brissac sait qu’il n’a plus qu’à attendre la mort. Il rédige son testament, institue sa fille comme légataire universel mais lui recommande «aussi ardemment une personne qui m’est chère et que les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse». Il s’agit de Jeanne :
« Je donne et lègue à Madame du Barry, de Louveciennes, outre et par-dessus ce que je lui dois, l’usufruit d’une terre en Poitou, une rente annuelle et viagère de 24000 francs ou bien une somme de 300 000 francs une fois payée en argent, le tout à son choix. Je la prie d’accepter ce faible gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis d’autant plus redevable que j’ai été la cause involontaire de la perte de ses diamants.»
Louis Hercule Timoléon de Cossé-Brissac
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.
Le 4 septembre 1792
Emprisonné à Orléans en attendant d’être jugé par la Haute-Cour, Brissac est transféré à Versailles. Au cours de ce transfert, les cinquante-deux prisonniers sont séparés de leur escorte, et livrés à une bande d’égorgeurs qui les réclamaient. Homme de grande force et de grand courage, Brissac résiste longtemps à ses assassins, reçoit plusieurs blessures et est finalement abattu par un coup de sabre.
Du 2 au 7 septembre 1792
On massacre dans les prisons de Paris.
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Le 9 septembre 1792
Mort de Louis Hercule Timoléon de Cossé-Brissac (1734-1792), ancien gouverneur de Paris et commandant de la garde constitutionnelle du Roi. Son cadavre mutilé et dépecé.
Il est inhumé le 9 septembre 1792 au cimetière Saint-Louis à Versailles.
Sa tête ensanglantée est lancée de l’extérieur dans le salon de la comtesse du Barry, sa maîtresse.
« Je suis dans un état de douleur qu’il vous est aisé de concevoir, écrit Jeanne à un ami après avoir appris la mort atroce de son amant. Le voilà consommé ce crime effroyable et qui me livre à des regrets éternels.»
Sa correspondance avec la duchesse de Mortemart, la propre fille du duc , témoigne de sa grande souffrance :
« Le dernier vœu de votre malheureux père, Madame, fut que je vous chérisse en sœur, écrit-elle ; ce vœu est trop conforme à mon cœur pour qu’il ne soit pas rempli. Recevez-en l’assurance et ne doutez jamais des sentiments qui m’attachent à vous pour le reste de ma vie.»
La fille de Brissac lui répond avec la même élégance :
« Le dernier vœu de celui que j’aime et regretterai toujours est celui de mon cœur : je vous aimerai en sœur et mon attachement pour vous ne finira qu’avec ma vie.»
Le 20 septembre 1792
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.
Du 16 au 18 janvier 1793
La Convention vote la mort du Roi. Philippe Égalité est l’un de ceux qui ont donné leur voix pour la peine capitale.
Le 21 Janvier 1793
Louis XVI est guillotiné place de la révolution.
Jeanne du Barry éprouve un profond chagrin quand elle apprend la mort du Roi de France et porte son deuil.
Jeanne se rend toujours à Londres pour trouver ses bijoux et cela commence à la rendre suspecte aux yeux des révolutionnaires.
Le 3 mars 1793
Elle quitte Londres pour Paris.
En fait, la comtesse du Barry avait réussi à se faire oublier depuis plusieurs années mais son état de favorite royale la rendait coupable aux yeux de la Convention.
Zamor se lie d’amitié avec George Grieve, un Anglais, à qui il raconte les secrets de sa maîtresse et presse son confrère de publier un pamphlet. Reconnaissant la main de son domestique, Jeanne le chasse de son emploi en raison de ses activités révolutionnaires. Zamor la dénonce au Comité de salut public.
Le 26 juin 1793
Ils lancent contre madame du Barry une pétition signée par trente-six habitants de Louveciennes.
Le 3 juillet 1793
Jeanne est arrêtée pour avoir conspirée avec l’Angleterre mais est remise en liberté un peu plus tard.
Le 7 juillet 1793
Une autre pétition «attestant les services rendus à la commune par la comtesse, sa bienfaisance constante pour les pauvres gens» est signée par cinquante-neuf habitants courageux.
Le 9 juillet 1793
L’administration départementale est prête à donner raison à madame du Barry et lever les scellés de ses bijoux. Mais il faut attendre l’enquête de la Convention.
Le 18 juillet 1793
Les deux commissaires envoyés, MM. Rotrou et Pellé, achèvent leurs investigations.
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 9 août 1793
Le Comité de sûreté générale est bien obligé de rendre un arrêté soulignant «qu’il n’y a aucun reproche fondé à faire ni contre la citoyenne du Barry, ni contre les personnes attachées à son service».
Jeanne est innocentée par la Convention !
Jeanne retrouve ses amis à Louveciennes. Louis-Auguste de Rohan-Chabot (1733-1807) tombe visiblement amoureux d’elle.
Le 7 septembre 1793
Il l’invite à passer quelques jours chez lui. Mais cette idylle, la dernière de la comtesse, sera brève : la Terreur va , en effet, rattraper Madame du Barry.
Le 17 septembre 1793
Malgré la pétition signée en sa faveur par cinquante-neuf habitants de Louveciennes, elle devint suspecte dès le vote de la loi des suspects.
Le 22 Septembre 1793
La comtesse est cette fois arrêtée par le Comité pour avoir conspiré contre la nouvelle république et mener la contre-révolution de l’intérieur. Elle est emprisonnée à Sainte-Pélagie.
Elle écrit à sa femme de chambre, Henriette Roussel, pour obtenir quelque linge. Elle s’inquiète aussi de ce que sont devenus ses domestiques. La plupart ont été arrêtés par Greive.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .
Le 19 novembre 1793
Jeanne du Barry est transférée de sa prison au Palais de Justice.
Le 22 novembre 1793
Le vice-président Dumas l’interroge en présence de Fouquier-Tinville. On lui reproche d’avoir conspiré contre la révolution, d’avoir procuré à ses ennemis des sommes exorbitantes dans ses différents voyages, d’avoir entretenu des correspondances avec les émigrés, d’avoir porté » le deuil du tyran », enfin d’avoir dilapidé les trésors de l’Etat par ses dépenses effrénées.
Certaines accusations sont justes, d’autres grotesques.
Le 3 décembre 1793
Fouquier-Tinville dépose le réquisitoire qu’il a achevé avec Greive. Le procès peut commencer.
Le 4 décembre 1793
Jeanne du Barry est transférée à la Conciergerie, l’antichambre de la mort.
Un Irlandais, un aventurier fécond en ressources, parvient à s’introduire dans sa prison et à lui communiquer un plan d’évasion qu’il a formé en sa faveur. Ce projet est hardi, mais non irréalisable.
« Pouvez-vous sauver deux personnes ? demande Madame du Barry.
— Non, une seule, répond l’Irlandais.
— Eh bien, ce n’est pas à moi qu’il faut songer.»
Et elle donne tout ce qu’elle possède pour que l’homme entreprenne de délivrer Adélaïde de Mortemart (1765-1820), la fille de Louis-Hercule de Cossé-Brissac qu’elle a tant aimé et auquel elle reste fidèle par delà la tombe.
L’Irlandais lui obéit et peut, en effet, arracher madame de Mortemart à l’échafaud. Il réussit à la faire passer en Angleterre.
C’est donc par un acte de dévouement que madame du Barry termine son existence
Le 6 décembre 1793
Son procès s’ouvre devant le Tribunal révolutionnaire présidé par Fouquier-Tinville (1746-1795).
Lorsqu’on lui demande son nom et son âge, elle a l’audacieuse coquetterie de répondre que ce n’est pas une question que l’on pose à une jolie femme… Elle est accusée d’émigration en Angleterre et là-bas, elle eut hélas la maladresse de porter le deuil à l’annonce de la mort de Louis XVI.
Jeanne du Barry est pourtant condamnée à la guillotine. Elle qui gardait toujours naïvement espoir est frappée de stupéfaction.
Elle se serait évanouie.
Le 8 Décembre 1793
Jeanne conserve espoir et continue à révéler où retrouver ses bijoux… Mais tout ceci n’était qu’une ruse. Sa déposition faite, on demande sans tarder à Sanson de remplir son office et de lui couper les cheveux.
Il fait déjà presque nuit lorsque la charrette arrive place de la Révolution par son itinéraire habituel le long de la rue Saint Honoré. C’est une journée glaciale de décembre et la foule est peut-être un peu plus clairsemée que d’habitude en raison du temps et de l’heure tardive, mais il y a encore assez de gens assez curieux pour voir mourir la favorite de l’ancien Roi : une foule importante s’est réunie pour assister à son exécution.
Cela doit être un soulagement pour toutes les personnes impliquées d’avoir enfin réussi à se rendre sur la place, mais l’épreuve de madame du Barry n’est pas encore terminée car elle descend de la charrette «plus comme un animal piégé qu’un être humain» selon Joan Haslip. Elle gravit les marches de l’échafaud en hurlant toujours et crie à la miséricorde tandis que la foule regarde avec étonnement.
A quatre heures du soir
Sentant l’agitation horrifiée de la foule, le bourreau déjà vif travaille avec encore plus de rapidité que d’habitude, l’attachant à la hâte à la guillotine et la forçant à descendre sur la planche alors qu’elle le supplie un instant de plus, s’il vous plaît monsieur, ne me faites pas de mal.
Elle se débat, pleure, implore… Ses derniers mots — sans doute apocryphes — seraient :
«De grâce monsieur le bourreau, encore un petit moment.»
Jeanne Bécu de Vaubernier, comtesse du Barry est guillotinée à Paris, place de la Révolution, anciennement place Louis XV.
« Les victimes aristocratiques de la Terreur étaient fières de leur sang-froid et de leur silence hautain face à la foule aboyée – pas Madame du Barry qui s’est complètement effondrée et a appelé sans cesse la foule à la sauver de son destin entre les cris et les pleurs avec peur.»
« Quand le couteau s’est finalement écrasé, il y eut un dernier cri de terreur horrible avant qu’un silence inquiet ne tombe sur la place, brisé seulement par le cri du bourreau de «Vive la Révolution» avant que le prochain prisonnier ne soit précipité avec un peu plus décorum sur les marches de bois glissantes.»
Madame Vigée Le Brun, qui connaît très bien madame du Barry, écrira :
« Madame du Barry est la seule femme, parmi toutes les femmes qui périrent dans les jours terribles, à ne pas supporter la vue de l’échafaud. Elle a crié, elle a imploré la pitié de la foule horrible qui se tenait autour de l’échafaud, elle les a excités à tel point que le bourreau s’est inquiété et s’est empressé d’achever sa tâche. Cela m’a convaincu que si les victimes de ces temps terribles n’avaient pas été si fières, n’avaient pas rencontré la mort avec un tel courage, la Terreur aurait pris fin bien plus tôt. Les hommes d’intelligence limitée manquent d’imagination pour être touchés par la souffrance intérieure, et la population est plus facilement agitée par la pitié que par l’admiration. »
Les spectateurs les plus endurcis avaient vu plusieurs centaines de personnes mourir avant elles, mais il semble que madame du Barry manque de sang-froid et ses cris terrifiés:
«Vous allez me faire du mal! Oh, ne me faites pas de mal! » ont été une surprise.
Jeanne est inhumée au cimetière de la Madeleine où 1 343 guillotinés de la place de la Concorde ont été enterrés.