
Germaine de Staël par Marie-Éléonore Godefroid
Le 22 avril 1766
Naissance de Anne-Louise-Germaine Necker (1766-1817) à Paris, dans l’ancien hôtel d’Hallwyll, rue Michel-le-Comte.

L’hôtel d’Hallwyll, rue Michel-le-Comte
Elle est la fille du financier genevois Jacques Necker (1732-1804) et de Suzanne Curchod (1737-1794).


Enfant déjà, Louise Necker brille par son intelligence. Élevée par sa mère, fille d’un pasteur calviniste, aux conceptions religieuses dévotes, Germaine reçoit une éducation opposée au système de Rousseau (1712-1778), qui considérait que le développement moral devait suivre le perfectionnement des organes de perception, Madame Necker considérant qu’il faut exercer l’intelligence par un afflux précoce d’idées. Son père la surnomme «M. de Saint-Écritoire» et sa mère se plaint à qui veut l’entendre :
« Ce n’est rien , absolument rien à côté de ce que j’en voulais faire.»
Elle lui donne une instruction encyclopédique et l’enfant suscite rapidement la curiosité des hôtes de ses parents par l’étendue de son érudition. Minette, comme on l’appelle alors, est admise dans le salon maternel où elle côtoie hommes d’affaires, académiciens, économistes et philosophes.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

Marie-Antoinette par Ducreux


Le mariage vu par Sofia Coppola (2006)
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
La nouvelle Reine Marie-Antoinette soupire :
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »

Louis XVI et Marie-Antoinette par Jean-Joseph Bernard
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Louis XVI à Reims par Benjamin Warlop
En 1776


Son père est le financier qui a fait fortune comme banquier à Paris devient ministre des finances de Louis XVI de 1776 à 1781.

avec Jacques Morel qui incarne Louis XVI

Le 5 septembre 1778
Louis XVI accorde la somme annuelle de 42.000 livres pour l’Hospice de la Charité (Hôpital Necker)
L’état des malades, dans l’hôtel-Dieu (hôpital), était déplorable ; empilés jusqu’à six dans des lits de 4 pieds 4 pouces de large, obligés pour s’y placer de se mettre trois à la tête et trois aux pieds, perchés quelquefois jusque sur le ciel de lit, ces malheureux ne pouvaient goûter ni repos, ni sommeil ; toutes les règles de l’hygiène étaient méconnues. Justement émue de l’aspect de tant d’infortunes et de misères, Mme Suzanne Necker résolut d’utiliser le pouvoir de son mari, directeur général des finances, pour venir en aide aux malheureux.

Étant données les idées du jour, Monsieur Necker, alors tout puissant, n’a pas grande peine à obtenir du Roi une somme de 42,000 livres qui devait être prise tous les ans sur les fonds de la loterie royale, pour faire l’essai d’une maison de charité de 120 lits.
Cet établissement est sous la haute direction de madame Necker.

Pour jeter donc quelque lumière sur des questions souvent agitées et jamais résolues, pour mieux connaître la dépense des hôpitaux et le genre de soins qu’ils exigent, on a entrepris par ordre de Sa Majesté de faire l’essai d’un petit hôpital de 120 malades, seuls dans un lit, soignés avec la plus grande propreté, et toutes les attentions nécessaires à leur rétablissement ; placés dans des salles bien aérées, sans odeur, sans bruit, servies par des sœurs de la Charité et par un médecin et un chirurgien logés dans la maison et consacrés à cette seule occupation; nourris avec des aliments les plus salutaires et traités avec les drogues les mieux choisies.
L’hôpital Necker est fondé en 1778 dans la rue de Sèvres, à l’emplacement de l’ancien couvent des bénédictines Notre-Dame-de-Liesse, par Suzanne Necker, l’épouse de Jacques Necker, financier genevois et ministre de Louis XVI. Elle le dirige jusqu’en 1788. D’abord appelé hospice de la Charité, il devient hospice des paroisses de Saint-Sulpice et du Gros Caillou, puis hospice de l’Ouest pendant la Révolution. Il compte alors une centaine de lits. En 1802, il reçoit le nom de sa fondatrice et devient l’hôpital Necker.

La capacité d’accueil de l’hôpital Necker augmente régulièrement jusqu’à atteindre 470 lits au début du XXe siècle. Originellement consacré à la médecine et à la chirurgie de l’adulte, sa proximité avec l’hôpital des Enfants Malades modifie finalement son activité. En 1927, les deux hôpitaux fusionnent pour devenir l’hôpital Necker-Enfants Malades.
Histoire de l’hôpital Necker : 1778-1885, Raymond Gervais
Dès 1779
Le prestige de son père lui ouvre les portes de ce que l’Europe compte à la fois d’aristocrates et d’intellectuels éclairés. Ses parents ne veulent pas d’un gendre catholique, mais il y a fort peu de protestants dans la noblesse française, et les amis suisses qu’ils fréquentent sont tenus pour trop provinciaux. Elle rejette inlassablement ses nombreux prétendants:

Axel de Fersen
Axel de Fersen (1755-1810) , Monsieur de Mecklembourg, Louis de Narbonne (1755-1813) qui devient un de ses amants par la suite, et même William Pitt (1759-1806), sont parmi les plus connus.
Claude Winter interprète Suzanne Necker dans le téléfilm L’Été de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis 
Madame Necker est très fâchée, sa santé se dégrade et elle se croit , par la faute de Louise , proche de la mort.

William Pitt
William Pitt, membre des communes , chancelier de l’Échiquier à vingt-trois ans … Serait sans doute un excellent parti… et Madame Necker est favorable à cette union, mais Louise ( c’est encore le prénom par lequel on l’appelle) oppose un refus obstiné – elle a rencontré Pitt à Fontainebleau, il ne lui a pas déplu, mais elle ne veut pas quitter son père.
Son mariage qui ne sera pas heureux_ est arrangé avec un Suédois protestant et titré, de dix-sept ans son aîné, ravi d’épouser la dot d’une jeune femme que l’on dit souvent gauche : le baron Erik Magnus Staël von Holstein (1749-1802), ambassadeur du Roi Gustave III de Suède (1746-1792) auprès de la Cour de France à Versailles.
S’étant porté candidat alors qu’elle n’a que treize ans, il saura attendre …

Isabelle Candelier est Suzanne Necker
dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti

Suzanne Necker, née Curchod
Mademoiselle Necker passe pour l’une des plus riches héritières d’Europe, elle était fille d’un homme illustre qu’entouraient les faveurs de l’opinion publique.

dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
En 1780
Le goût de la vie sociale parisienne et l’intérêt de sa famille pour la politique la lient à la France. Très jeune, à quatorze ans à peine, elle tient son cercle et sait converser avec les hôtes du salon de sa mère. Elle a appris l’anglais et le latin, l’art de la danse et la musique, la récitation et la diction, est souvent allée au théâtre. Tout fait d’elle une jeune fille différente, par son érudition et sa culture, des jeunes filles de son milieu, élevées de façon plus traditionnelle, qui étonne ses contemporains par la vivacité de son intelligence.

Louise Necker à l’âge de quatorze ans par Carmontelle
« Mademoiselle Necker annonce à la première vue l’esprit que tous ses amis s’accordent à reconnaître et à chérir en elle, parce qu’il est d’un genre excellent . Elle est l’idole et le portrait de son père. Cette ressemblance devrait en faire une laide personne et c’est ce qu’elle n’est pas . Sans un seul joli trait son ensemble doit plaire .»
Journal de Bombelles
Louis XVI sait que la question du déficit et donc des impôts est primordiale. S’inspire-t-il de la Reine qui aime le jeu en créant la « Loterie royale de France » ? On peut lire dans les gazettes :
« Le roi s’établit en quelque sorte le chef de tous les tripots de son royaume, leur donne l’exemple d’une abominable cupidité et semble vouloir faire de ses sujets autant de dupes. »
En février 1781
Necker publie un opuscule à couverture bleue, le Compte Rendu au Roi, c’est-à-dire le budget de la France. Mesure révolutionnaire : dépenses et recettes sont présentées et sortent de l’ombre. On sait alors ce que coûtent la maison du Roi, de la Reine, les pensions, rentes et libéralités accordées aux courtisans. On découvre par exemple que la princesse de Lamballe s’était vu attribuer la charge de surintendante de la Maison de la reine – charge qui avait disparu -, avec cent cinquante mille livres de traitement. Necker dénonce toutes ces prodigalités du Trésor royal au bénéfice de quelques milliers de privilégiés.
« C’est donc à ce genre d’abus, écrit-il, dont on ne peut mesurer l’étendue que j’ai cru devoir opposer les plus grands obstacles. »
De ce compte-rendu au Roi, le public retient surtout le détail des 28 millions de pensions et de gratifications, soit environ un huitième du budget annuel.
Bien entendu, l’opinion s’est précipitée pour acheter le « livre bleu ». Six cent mille exemplaires ont été vendus le premier jour, cent mille en quelques semaines. Le livre est même traduit en anglais, en allemand et en italien. On rêve d’Amérique, d’assemblée, de vote, d’égalité et de justice. Mais les privilégiés s’unissent contre Necker, des Polignac aux parlementaires, des frères du roi aux évêques et aux financiers.

dans Marie-Antoinette de Guy-André Lefranc (1975)

Le 19 mai 1781
Jacques Necker démissionne. Après l’échec de Turgot, on attendait des miracles de cet étranger, ancien commis de banque et protestant de surcroît. Mais comment assainir les finances de l’État sans s’attirer la haine des parlements, des courtisans et… du Roi ?
« Je ne regrette que le bien que j’avais à faire et que j’aurais fait si l’on m’en eût laissé le temps. »
C’est sur ce regret vertueux que Necker, directeur général des Finances, prend congé de Louis XVI.
On accuse la Reine d’être responsable de la démission de Necker et de la faillite de l’Etat. C’est faux, bien entendu, Ses dépenses s’élevant tout au plus à 8% des revenus royaux. Toujours est-il qu’Elle devient Madame Déficit.
Le 5 juin 1782
La baronne d’Oberkirch rencontre la famille Necker et en fait le rapport:
« Après Tivoli, où nous prîmes d’excellent lait des fruits dans de la vaisselle d’or, nous allâmes faire une autre visite, bien plus intéressante, selon moi, chez M. et Madame Necker à Saint-Ouen. Ils avaient là une campagne qui leur appartenait.
Quelle que puisse être ma sympathie pour un protestant, il me faut avouer que M. Necker, après avoir tant parlé de la diminution des impôts, n’a fait que les augmenter. Ses ennemis semblent bien avoir quelque raison en l’accusant de charlatanerie.
Quant à moi, M. Necker ne me plut point. Je fus frappée de sa ressemblance inouïe avec Cagliostro,
mais sans son étincelant regard, sans sa physionomie étourdissante. C’était un Cagliostro guindé, aux formes roides et désagréables ; un vrai bourgeois de Genève.»

« Mademoiselle Necker me parut une toute autre personne que ses parents, bien qu’elle eût aussi son
petit coin de genevois et son grand coin de thuriféraire. Ses yeux sont admirables ; à cela près, elle est laide ; elle a une belle taille, une belle peau et quelque chose de parfaitement intelligent dans le regard; c’est une flamme. Je portai d’elle un jugement qui s’est bien réalisé depuis; c’est et ce sera une femme remarquable.»
On dit pourtant que l’acné de Germaine la poursuivra longtemps sinon toujours…
Guy Tréjean est Jacques Necker dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis
Le 11 mai 1783
Marie-Antoinette écrit au Roi de Suède :
« Monsieur mon frère et cousin, M. le comte de Creutz, en quittant la France, emporte les regrets de toutes les personnes qui ont eu l’occasion de le connaître. Je profite de son départ pour témoigner à Votre Majesté ma reconnaissance à l’égard qu’elle a eu à ma recommandation, en faveur de M. de Staël. J’espère que sa conduite justifiera ce choix à la satisfaction des deux cours. Votre Majesté ne doit pas ignorer que, dans la guerre qui est heureusement terminée, les officiers suédois se sont particulièrement, distingués. J’ai applaudi de tout mon cœur à l’éloge public que le roi a fait de leur conduite, et j’ai saisi cette occasion de manifester le sincère attachement avec lequel je suis, monsieur mon frère et cousin, votre bonne sœur et cousine.»
« Marie-Antoinette »
En l’année 1785 d’autres candidatures de mariage sont écartées.
Alice Butaud interprète Germaine Necker dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
Le prince Georges Auguste de Mecklembourg (1748-1785) fait soumettre sa proposition par le truchement de M. Stadler:
« Les raisons qui me font désirer l’alliance de Monsieur Necker par la main de Melle Necker, sa fille, sont que, me trouvant cadet de famille et depuis 20 ans au service impérial lequel est très coûteux, mes affaires pécuniaires se sont extrêmement dérangées et je me suis vu forcé de contracter des dettes considérables…...»
Necker, surpris par cette candidature aussi clairement intéressée, opposa sans en parler à sa fille, un refus aussi ferme que courtois.
Germaine écrit quant à elle :
« M. de Staël est un homme parfaitement honnête, incapable de dire ni de faire une sottise, mais stérile et sans ressort. Il ne peut me rendre malheureuse que parce qu’il n’ajoutera pas au bonheur, et non parce qu’il le troublera. M. de Staël est le seul parti qui me convienne.»
Au début de 1786
quelques jours avant le mariage
Germaine écrit à Eric :
« je ne suis pas charmante et je suis sensible. Voilà l’opinion qu’il faut que vous ayez de moi. Tout le monde vous dira la première partie , et par la suite, vous saurez la seconde.»
Selon l’usage, après la cérémonie du mariage, la jeune mariée est retournée passer cinq jours chez ses parents.
Au dernier jour, sur le point de partir vivre chez son époux, elle écrit encore à sa mère (avec qui pourtant ses rapports se sont refroidis depuis le projet de mariage avec Pitt qu’elle a refusé) :
« Ma chère maman,
Je ne reviendrai pas ce soir chez vous. Voilà le dernier jour que je passe comme j’ai passé toute ma vie.
Qu’il m’en coûte pour subir un tel changement ! Je ne sais s’il y a une autre manière d’exister ; je n’en ai jamais éprouvé d’autres, et l’inconnu ajoute à ma peine.
Ah ! Je le sais, peut-être j’ai eu des torts envers vous, maman.
Dans ce moment, comme à celui de la mort, toutes mes actions se présentent à moi, et je crains de ne pas laisser à votre âme le regret dont j’ai besoin.
Mais je sens en ce moment, à la profondeur de ma tendresse, qu’elle a toujours été la même. Elle fait partie de ma vie et je me sens toute entière ébranlée, bouleversée, au moment où je vous quitte.Je reviendrai demain, mais cette nuit je dormirai sous un toit nouveau. Je prévois des regrets de toutes les minutes !
Je ne finirais pas : j’ai un sentiment qui me ferait écrire toute ma vie. Agréez, maman, ma chère maman, mon profond respect et ma tendresse sans borne.Ce jeudi matin, chez vous encore… »
Le 17 janvier 1786
Anne-Louise-Germaine Necker épouse Erik Magnus Staël von Holstein dans la chapelle luthérienne de l’ambassade de Suède.
Eric Magnus était né le 25 Octobre 1749 en Suède, d’une vieille famille de l’aristocratie; septième enfant de la famille, il a été destiné à la carrière des armes : à treize ans il faisait déjà partie du régiment d’Ostrogothie. Il se fait remarquer par Gustave III, le 19 Août 1772, le jour où en vingt minutes, devenu Roi, il se débarrasse par un coup d’état militaire de la Constitution de son pays et devient un Monarque absolu. Gustave III voulut bien s’intéresser à ce jeune officier qui deviendra son « cher Staël ». Il le fait chambellan de la Reine. L’ambition le portant, il est promu capitaine en mars 1776 et demande à Gustave III l’autorisation de se mettre au service du Roi Georges III d’Angleterre, qui se préparait à envoyer un corps expéditionnaire dans les colonies d’Amérique. N’ayant pu obtenir dans l’armée britannique la situation qu’il souhaitait, il se résout à aller à Paris. L’ambassadeur de Suède, le comte de Creutz (1731-1785), ami des Necker l’apprécie et se l’attache en qualité de secrétaire d’ambassade. A sa mort, le 30 octobre 1785, il lui succède en tant qu’ambassadeur de Suède à Paris.

Erik Staël von Holstein
Le soir de son mariage, en changeant de nom, elle décide de changer aussi son prénom, devenant Germaine de Staël !
Ce mariage arrangé n’est pas un mariage d’amour, pas même un mariage heureux, et la jeune femme cherche ailleurs un bonheur qu’elle n’a pas. Sa vie entière est d’ailleurs une quête perpétuelle d’un bonheur, qu’elle ne trouve guère. Son mari désargenté parvient à se faire nommer ambassadeur de Suède, ce qui lui procure une pension confortable de 25 000 livres alors que sa femme lui apporte une dot identique (de 25 000 livres). La fortune de son épouse permet au diplomate scandinave de mener un train de vie qui rehausse l’éclat de sa patrie aux yeux des Français.

Le 1er février 1786
Ayant désormais rang d’ambassadrice, Germaine est présentée à la Cour.
Lors de sa présentation à la Cour, elle arrivera en retard et perdra la garniture de sa robe au moment de se relever de sa troisième révérence en embrassant le bas de la robe de la Reine.
La Reine l’entraîne alors dans un boudoir où on lui répare sa robe.
Marie-Antoinette au Livre par Elisabeth Vigée Le Brun, 1788
« Le succès de madame la baronne de Staël a fortement inquiété certaines personnes. Voici quelques détails peu connus sur sa réception. En entrant dans le cabinet de la Reine, elle parut un peu embarrassée, et son trouble augmenta à l’arrivée du Roi. La Reine, cherchant sans doute à excuser l’air gêné de ses révérences, dit qu’elle avait peur.
«.. Si vous avez peur ici, dit obligeamment le monarque à l’ambassadrice, vous aurez donc peur partout.»
Le trait aussi délicat qu’ingénieux remit madame la baronne, à qui Leurs Majestés donnèrent mille témoignages d’intérêt et de bonté. Un falbala de sa jupe s’étant dérangé au moment de la présentation, la Reine fit appeler Mademoiselle Bertin, sa marchande de modes, pour réparer cet accident.»
Mademoiselle Bertin est incarnée par Sophie Desmarets dans Si Paris nous était conté de Sacha Guitry (1956)
Louis XVI aurait alors dit à Germaine :
« Si vous ne vous trouvez pas à votre aise chez nous, vous ne le serez nulle part.»

Jessica Atkins en Madame de Pompadour dans un épisode de Doctor Who : La fille dans la cheminée (2006)
La jeune femme est invitée à un souper formel dont sont absents les souverains et l’on joue pour elle deux petits spectacles.

dans un style de 1777( de parle de la robe et la coiffure de la présentée ! ) ,
mais qui laisse imaginer l’ambiance protocolaire d’une présentation à la Cour.
La baronne d’Oberkirch n’est pas tendre avec Germaine lors de sa présentation à la cour :
« Elle avait peu de succès, chacun la trouvait laide, gauche, empruntée surtout; elle ne savait que faire d’elle-même et se trouvait très déplacée, on le voyait, au milieu de l’élégance de Versailles. M de Staël au contraire parfaitement beau et de la meilleure compagnie; il a de fort bonnes manières et semblait peu flatté de la compagnie de sa femme. Depuis son mariage Madame de Staël s’est rendue ridicule par sa pruderie; elle prends des airs pincés et prétentieux de Genève, et les airs impertinents des parvenus pour des façons de grande dame…la genevoise se voit à travers la femme supérieure, à travers l’ambassadrice surtout.»

Buste de Jacques Necker
Le 22 juillet 1787
Naissance de son premier enfant, Gustavine, qui meurt le 8 avril 1789.
Staël compose Jane Gray, tragédie en cinq actes et en vers, publiée en septembre 1790.
Le marquis de Bombelles disait que la conversation de Germaine était comme un feu de billebaude, n’offrant jamais un instant de repos.
« Un soir, elle est allée porter son flux de paroles chez Madame de Polignac, et là, un triple cercle de jeunes gens l’entourait pour entendre ce qu’elle ne cesse de dire d’extraordinaire sur l’amour, qui semble toujours l’occuper et qu’elle n’inspire à personne.»
Par le rang de son père, ministre chéri des Français, Mme de Staël côtoie à plusieurs reprises la Reine. Elle parle de Son courage lors des journée d’octobre. Comme Marie-Antoinette, l’écrivain est victime de libelles et de calomnies. C’est que, comme la Souveraine, elle est sortie du rang imparti à la femme. Elle transgresse en écrivant.

En 1788
Erik Magnus Staël est fait baron von Holstein.

dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
Le 8 août 1788
Convocation des États-Généraux pour le 1er mai 1789.
Images des Années lumières de Robert Enrico

Jacques Necker par David Levine (1977)
Le 26 août 1788
Necker est rappelé aux finances.

dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
En 1789
Germaine est favorable à la Révolution française et à ses idéaux de 1789…

Denise Chalem est Germaine de Staël dans dans le téléfilm L’Été de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis
Le 8 avril 1789
Décès de sa fille Gustavine (1787-1789).

dans Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti

Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.

Bruno Crémer et Brigitte Fossey sont Louis XVI et Marie-Antoinette dans l’Été de la Révolution (1989) de Lazare Iglesis


Guy Tréjean est Jacques Necker dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis 

Discours de monsieur Necker

Raymond Gérôme est Necker dans Les Années Lumières (1989) de Robert Enrico



Images de l’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglésis 
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume

Le 23 juin 1789
Louis XVI reproche à Necker tout d’abord son inaction depuis bientôt deux mois, puis il proclame que «l’ancienne distinction des trois ordres doit être conservée», que les députés élus par chacun des trois ordres doivent former trois chambres séparées ne pouvant délibérer en commun qu’avec l’accord du Roi que «toutes les décisions prises depuis le 17 juin par les députés sont nulles, illégales et inconstitutionnelles».
Le Roi termine la séance par cette dernière phrase «je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre pour y reprendre vos séances. J’ordonne en conséquence au grand maître des cérémonies de faire préparer les salles.«
Louis XVI dit qu’on devait se séparer, lui-même se lève et sort. La noblesse et le clergé sortent, mais au centre de la salle immobile le Tiers demeure dans le silence.
Le grand maître des cérémonies Dreux Brézé s’avance pour faire évacuer la salle. Derrière lui, un piquet de Gardes Françaises et un piquet de Gardes Suisses se sont arrêtés à la porte.
Peter Ustinov est Mirabeau dans Les Années Lumière de Robert Enrico
Alors Mirabeau se dresse et lui lance:
« Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes».


Louis XVI s’indigne : «N’y a-t-il aucun père parmi eux? «

Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker.


dans Liberté Egalité Choucroute (1985)
de Jean Yanne
La famille Necker dans L’été de la Révolution de Lazare Iglésis
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.


C’est la Reine Elle-même qui presse Necker à reprendre sa place dans le gouvernement pour satisfaire la vindicte populaire.

La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.


dans le téléfilm L’Été de la Révolution (1989) de Lazare Iglésis

Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

Germaine se précipite à Versailles lorsqu’elle apprend les événements qui s’y préparent…
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

A Madame Necker, la Reine confie alors :
« Ils vont nous forcer, le Roi et moi, à nous rendre à Paris avec la tête de nos gardes du corps portées au bout de leurs piques!»
Germaine rejoint son père (et la famille royale) dans la chambre du Roi, et assiste à la fameuse scène «du balcon».
Image de Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti



La famille royale est ramenée de force à Paris.

Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

En 1790
Germaine de Staël écrit l’Éloge de M. de Guibert et deux tragédies en cinq actes et en vers, Montmorency et Rosamonde. Textes qui ne sont pas publiés.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Image du film Les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
« Les fédérés, en attendant qu’elle commence, quittent leurs rangs pour former des rondes immenses au bruit des cris mille fois répétés de : Vive le roi ! Bientôt le roi se place sur son trône. Cette foule se précipite pour le voir de plus près ; les cris, les battements de main redoublent avec une nouvelle ardeur, et ne cessent que pour recommencer encore. Jamais, dans les circonstances les plus belles de son règne, le monarque n’avait été l’objet de transports d’amour aussi touchants. Une voix s’élève pour proférer le cri de : Vive la nation ! Ce cri est accueilli par des huées répétées, et l’amant de la nation se dérobe bien vite à la honte qu’on lui prépare. On crie avec un égal enthousiasme : Vive la reine, vive le dauphin ! La reine, alors, élève son fils dans ses bras. Avec cette aimable figure qui portait déjà dans un âge si tendre l’empreinte du malheur, il répond au peuple par des sourires gracieux et des saluts enfantins. Mais l’humidité le pénètre ; sa mère l’enveloppe de son châle, et ce tableau de l’amour maternel, dans la grandeur et la pompe des rois, redoubla les transports de la multitude. Les yeux sont baignés de larmes, et tout le peuple est ému. Louis XVI, pendant quelques heures, redevint l’idole de ses sujets, le maître de son empire. Les factieux se dérobaient aux remords qui les poursuivaient ; le côté gauche de l’Assemblée nationale, honteux de voir échouer ses sinistres projets, s’était réfugié avec son chef, le duc d’Orléans, à l’extrémité de la tribune. Necker regardait de derrière un lambeau de tapisserie, tandis que, au pied du trône, se tenaient les plus fidèles amis de la monarchie : Cazalès, l’éloquent abbé Maury, le brave vicomte de Mirabeau, le dernier des chevaliers français.»
Mémoires du comte d’Hézecques
Le 31 août 1790
Naissance de son fils Auguste.
Le 1er septembre 1790
Naissance de son fils Ludvig-August de Staël (1790-1827).
Le 3 septembre 1790
Necker démissionne des finances.
En 1791
Germaine adopte une position critique dès 1791 et ses idées d’une monarchie constitutionnelle la font considérer comme une opposante gênante par les maîtres de la révolution. Elle tient un salon politique devenu haut lieu de la pensée « modérée ».
Elle aurait eu un projet pour faire échapper la famille royale mais Montmorin (1746-1792), lieutenant général pour le Roi, refuse d’y donner suite.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Le 21 juin 1791

Le Roi et la famille royale sont arrêtés à Varennes.

Chez l’épicier Sauce à Varennes, par Prieur
Le 25 juin 1791

La famille royale rentre à Paris sous escorte. Dans la berline, les voyageurs sont accompagnés de Barnave et de Pétion, qui pensera avoir séduit la sœur du Roi…
Le Roi est suspendu.
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.

Louis XVI, roi de France en roi citoyen (1791), par Jean-Baptiste-François Carteaux (1751 – 1813)
En 1792
Le 20 juin 1792

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine,
elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
Le Roi refuse.
Germaine assiste aux scènes odieuses de l’assaut du palais des Tuileries par la foule parisienne:
« Leurs visages reflétaient la grossièreté morale et physique, qui engendre le plus sûr et le plus insurmontable dégoût. S’ils étaient venus pour présenter des réclamations justifiées, pour protester contre l’injustice, contre la cherté de la vie, contre l’augmentation des impôts, contre l’enrôlement obligatoire dans l’armée, parce qu’ils portaient des haillons au lieu de vêtements, parce qu’ils avaient les mains noires de travail, parce que leurs femmes vieillissaient prématurément et que leurs enfants étaient terrorisés, alors tout chez eux n’aurait inspiré que de la pitié. Mais leurs horribles jurons et hurlements, leurs gestes menaçants, leurs armes de mort donnaient un spectacle terrifiant, capable d’anéantir à tout jamais le respect que le genre humain devrait inspirer.»

Image de Marie-Antoinette (1938) de Van Dyke
Après avoir évité de peu la mort dans un mouvement de foule place de Grève, Staël quitte Paris pour la Suisse. Malgré le statut de diplomate de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises.
Le 10 août 1792
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale.

Image du film Un Peuple et son Roi
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».

La position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du Roi est alors exécutée et l’on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le Roi sacrifie les Suisses en leur ordonnant de rendre les armes en plein combat.

Image du film Un Peuple et son Roi
Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 300 sont tués au combat ou massacrés en tentant de se rendre aux attaquants après avoir reçu l’ordre du roi de rendre les armes en plein combat.

Image du film Un Peuple et son Roi
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles. Quatre pièces du couvent leur avaient été assignées pendant trois jours.
Massacres dans les prisons.
Le 17 août 1792
Les Parisiens voient la guillotine pour la première fois :
« Elle est installée le 17 août place du Carrousel, derrière le château aux murs noircis et à moitié en ruine. Des soldats et tous ceux que l’on considère comme responsables du massacre des Parisiens sont exécutés. Les portes de Paris sont fermées . Les nobles, les partisans du roi et les ennemis de la Révolution sont pourchassés .
Parmi ces derniers, le ministre de la Guerre destitué … Narbonne … »
Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Massacre de la princesse de Lamballe
Massacres dans les prisons… Montmorin fait partie des nombreuses victimes…
Le 20 septembre 1792
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 2 octobre 1792
Naissance de son fils, Mattias Albrekt de Staël (1792-1813).
Le 20 novembre 1792
Naissance de son fils Albert.
Le 3 décembre 1792
Pétion (1756-1794) renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis comparaît devant la Convention pour la première fois. Il est autorisé à choisir un avocat. Il demandera l’aide de Tronchet, de De Sèze et de Target. Celui-ci refusera. M. de Malesherbes (1721-1794) se portera volontaire.
Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.
En 1793
Le lundi 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI

Madame de Staël séjourne avec des amis émigrés en Angleterre.
Liaison avec le comte de Ribbing, exilé de Suède, jusqu’en 1795-96.
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie. Elle y est traitée avec une certaine bienveillance par une partie du personnel de la prison, dont surtout Rosalie Lamorlière (1768-1848).


La Veuve Capet par Jean-Louis Prieur
Le 28 septembre 1793
Isabelle de Charrière (1740-1805), épistolière, écrivain et musicienne d’origine hollandaise écrit à Benjamin Constant :
« Nous sommes bien du même avis sur Madame de Staël. Son esprit n’est pas simple, ni toujours juste, et son sentiment n’est que de l’esprit. Avec tout cela, vous l’admirerez si vous la voyez. »
La pauvre Madame de Charrière ne croyait pas si bien dire… un an après, Benjamin est conquis et Isabelle de Charrière délaissée.
Le 4 octobre 1793
Marie-Antoinette est entendue par Fouquier-Tinville et les représentants du tribunal révolutionnaire en vue de Son prochain procès qui se déroulera les 14 et 15 octobre…

Ute Lemper est Marie-Antoinette dans L’Autrichienne (1991) de Pierre Granier-Deferre
En octobre 1793
Publication, sans nom d’auteur, des Réflexions sur le procès de la Reine. Madame de Staël donne, sous couvert de l’anonymat, des Réflexions sur le procès de la Reine par une femme. Elle y montre une clarté de vision remarquable et offre une analyse lucide du rôle de l’opinion publique dans l’Histoire qui se déroule devant ses yeux.
Tout semblait opposer Madame de Staël à la Reine Marie-Antoinette. Pourtant, quand la Convention décide de traduire la Veuve Capet devant le tribunal révolutionnaire, Madame de Staël publie Réflexions sur le procès de la Reine par une femme, un plaidoyer sacrifiée à la logique jacobine. Au-delà de cette défense, l’auteur s’interroge sur la violence révolutionnaire. Elle en dénonce la surenchère, voyant dans le procès de la Reine – et sa condamnation assurée – une démagogie propice au déchaînement de la Terreur. Enfin, après avoir essayé de réfuter certaines accusations portées contre Marie-Antoinette, Madame de Staël en appelle aux mères et aux femmes « de toutes les classes de la société » que, dit-elle, on immole à travers la Reine. Ultime argument, ultime recours qui donne à ce texte passionné toute sa modernité.
Madame de Staël prévient le tribunal révolutionnaire :
« En l’immolant, vous la consacrez à jamais »
Le baron de Staël envoie à Fersen un exemplaire des écrits de sa femme sur la détention de Marie-Antoinette. Il lui envoie en ces termes :
« Malgré ton injustice pour moi, malgré ton dessein prémédité de faire mon malheur, je ne puis m’empêcher de t’envoyer un témoignage des sentiments que moi et les miens n’ont cessé d’avoir pour celle qu’on persécute aujourd’hui. Les malheurs affreux que tu éprouves, et que je partage du fond du cœur, m’ont bien facilement fait oublier les chagrins que tu m’avais préparés.»
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.

« Si ce n’est pas un sujet de remords, ce doit être au moins un bien grand sujet de regret pour tous les cœurs français que le crime commis dans la personne de cette malheureuse reine. Il y a une grande différence entre cette mort et celle de Louis XVI, quoique, certes, il ne méritât pas son malheur. Telle est la condition des rois, leur vie appartient à tout le monde; il n’y a qu’eux seuls qui ne peuvent pas en disposer; un assassinat, une conspiration, un coup de canon, ce sont là leurs chances; César et Henry IV ont été assassinés, l’Alexandre des Grecs l’eût été s’il eût vécu plus longtemps. Mais une femme qui n’avait rien que des honneurs sans pouvoir, une princesse étrangère, le plus sacré des otages, la trainer d’un trône à l’échafaud à travers tous les genres d’outrages! Il y a là quelque chose de pis encore que le régicide! ».
Napoléon Ier à propos de la mort de Marie-Antoinette
En 1794
1794 : Publication de Zulma sous ses initiales.
Le 6 mai 1794
Mort de Suzanne Necker, née Curchod, sa mère.
Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)
La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco, née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.
Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort.

Robespierre, blessé par balle au visage et gisant sur un brancard, rejoint ses compagnons à la Conciergerie emprisonnés dans la nuit ou en début de matinée.


Cinq cent détenus forment une haie, explosant de joie.
Le 18 septembre 1794
Germaine rencontre Benjamin Constant (1767-1830), écrivain et homme politique franco-vaudois, avec qui elle entretiendra une relation orageuse.

Benjamin Constant
Cette liaison nouvelle éclipse celle que Benjamin entretenait avec Isabelle de Charrière. La cousine de Benjamin Constant résumera bien cette liaison :
« Ils se tiennent par l’esprit. Aucun autre homme ne lui offre les ressources du sien. Elle veut absolument le conserver et le retient plutôt par habitude, tantôt par despotisme, tantôt par des services à lui rendre.
Il reste, mais en murmurant.»
Publication des Réflexions sur la paix adressées à M. Pitt et aux Français.

dans Du Fond du Cœur de Jacques Doillon (1994)
En 1795
À la suite de sa mère, elle ouvre un salon dans l’hôtel de Suède, rue du Bac, où elle reçoit les représentants d’une nouvelle génération professant les idées neuves qui sont proches des siennes, contemporains de la guerre d’Indépendance d’Amérique, qui y ont participé parfois d’ailleurs – La Fayette (1757-1834), Noailles (1756-1804), Clermont-Tonnerre (1757-1792), Condorcet (1743-1794), François de Pange (1764-1796) et les trois hommes qu’elle aime le plus à cette époque : Louis de Narbonne, sa première grande passion, Mathieu de Montmorency (1766-1826), l’ami de toute sa vie, Talleyrand (1754-1838), le traître à l’amitié. Elle favorise notamment le retour d’exil aux États-Unis d’Amérique de ce dernier. Ils entretiendront une relation épistolaire fournie tout au long de leur vie.

Le 23 février 1795
Erik Magnus Staël von Holstein est nommé ministre plénipotentiaire suédois auprès de la République française.
Publication du Recueil de morceaux détachés.
Retour à Paris avec Benjamin Constant.
Le 8 juin 1795
L’annonce de la mort en prison du fils du défunt Roi Louis XVI âgé de dix ans, Louis XVII pour les royalistes, permet au comte de Provence de devenir le dépositaire légitime de la couronne de France et de se proclamer Roi sous le nom de Louis XVIII. Pour ses partisans, il est le légitime Roi de France.

Impression des Réflexions sur la paix intérieure non mises en vente.
Exilée par le Comité de salut public : Germaine part en Suisse jusqu’en 1796.

Le 19 décembre 1795
Marie-Thérèse, l’Orpheline du Temple, quitte sa prison escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle, où elle est remise aux envoyés de l’Empereur François II.
En 1796
Publication à Lausanne de De l’Influence des passions sur le bonheur des individus et des nations.
Le 9 mars 1796
Napoléon Bonaparte épouse civilement Joséphine de Beauharnais, La famille Bonaparte n’est pas avertie de cette union, célébrée par le commissaire Collin-Lacombe devant un nombre réduit de témoins.

en 1790 par Michel Garnier
Le 14 août 1796
Erik Magnus Staël von Holstein est renouvelé ministre plénipotentiaire suédois auprès de la République française.
Le 8 juin 1797
Naissance à Paris de sa fille Albertine.
Première rencontre de Germaine avec Bonaparte.

Madame de Staël séjourne alternativement à Paris, Saint-Ouen, Coppet et Genève. Elle écrit Des Circonstances actuelles qui peuvent achever la Révolution, qu’elle ne publie pas, et commence De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales.
Le 3 avril 1798
Erik Magnus Staël von Holstein est renouvelé ministre plénipotentiaire suédois auprès de la République française jusqu’au 20 juin 1799.
Le 8 juin 1798
Naissance de sa fille Hedvig Gustava Albertina ( 1798-1838), future princesse de Broglie, lorsqu’elle épousera le ministre français des Affaires étrangères en 1816.
Son père biologique est peut-être Benjamin Constant…

En 1799
Madame de Staël s’installe à Paris. Constant est nommé au Tribunat d’où il sera exclu le 17 janvier 1802.
« Mme de Staël est de taille moyenne ; grande plutôt que petite, forte sans embonpoint ; sa gorge est haute et bien développée. Sa tête d’un beau galbe est couverte d’une abondante chevelure noire qui, suivant la mode actuelle, descend trop sur un front que l’on aimerait à voir entièrement, chez une personne aussi remarquable. A la façon dont il se détache des tempes et se relie par une courbe élégante à la racine du nez, on juge qu’il est d’un beau contour. Ses yeux pleins de vivacité et d’esprit, dominés par des sourcils noirs assez épais, mais bien dessinés, sont ombragés de longs cils ; tantôt ils expriment la plus aimable bienveillance, tantôt ils étincellent sous le coup du mécontentement. Le nez assez proéminent, légèrement relevé par le bout, est d’un profil hardi. La lèvre supérieure avance naturellement ; lorsque Mme de Staël parle, les dents du haut dépassent sensiblement la mâchoire inférieure ; avec son élocution rapide, il est parfois difficile de saisir chacune de ses paroles – c’est un Allemand qui parle ; quant aux dents, elles sont larges et écartées.»

«les dents du haut dépassent sensiblement la mâchoire inférieure»dont parle Reichardt
« Le menton est énergique et très bien formé. Son teint brun, marqué de traces de petite vérole, est généralement dissimulé sous une couche de rouge qui ressort d’autant plus, que la coiffure et le costume sont habituellement noirs ou bleu de ciel. La tête repose solidement sur un col un peu court qui se soude à une nuque heureusement modelée. L’ensemble de sa personne donne l’impression d’une nature vigoureuse, animée, plus virile que féminine.
Son esprit se distingue par l’énergie et la vivacité qui caractérisent sa physionomie. Mme de Staël sait animer pendant des heures ces grandes réunions au milieu desquelles elle se plaît, de même qu’elle soutient de la façon la plus attrayante un entretien avec un savant, un poète, un artiste, un homme du monde. Son langage abondant et facile est l’écho direct de sa pensée; jamais elle ne cherche le mot, elle emploie l’expression telle qu’elle se présente. Souvent eue vous dit en face, avec le ton souriant et railleur de la grande dame, des choses dont la forme vive et excessive blesserait si elle ne savait les atténuer immédiatement par un mot gra- cieux. Lorsque sa vivacité passionnée paraît avoir offensé, elle se prête facilement à avouer son tort.
Elle adore la discussion et la fait porter particulièrement sur l’amour platonique, sur le protestantisme, sur le progrès et la diffusion des lumières et du goût en matière d’art et de science. Elle creuse volontiers les systèmes philosophiques et se montre curieuse des côtés originaux de notre littérature ; mais elle m’a semblé plus disposée à comparer les résultats de ses recherches avec ses opinions personnelles, qu’à s’identifier avec l’objet de ses études. Aussi je crois que nos littérateurs se convaincront que Mme de Staël ne saurait les apprécier complètement. Son esprit est trop indépendant pour se laisser dominer par un poète ou par un philosophe et se livrer naïvement à l’influence du génie. Elle pourra savoir beaucoup de choses sur l’Allemagne; je doute qu’elle apprenne à connaître à fond Goethe et Fichte… »
Johann Friedrich Reichardt (1752-1814)

A partir de la fin de l’année 1799
Napoléon Bonaparte (1769-1821) dirige la France.
Du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804
Bonaparte est Premier consul.

En 1800
Le couple Staël von Holstein se sépare.
Germaine a surtout un esprit des plus fins, comme le prouve cette très belle anecdote :
« Un ami s’assoit entre Mme de Staël et la très belle Mme Récamier et soupire :
– On ne saurait mieux être qu’ainsi, entre l’Esprit et la Beauté…Germaine de Staël se penche alors vers Juliette Récamier pour lui dire :
– C’est la première fois que l’on me dit que je suis belle… »
Juliette Récamier (1777-1849) par Gérard
Parution de De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales. Une seconde édition, corrigée après la vive polémique, sort quelques mois plus tard.
Les 25 et 26 avril 1800
« Dès qu’une femme est signalée comme une personne distinguée, le public en général est prévenu contre elle. Le vulgaire en juge jamais que d’après certaines règles communes, auxquelles on peut se tenir sans s’aventurer. Tout ce qui ressort de ce cours habituel déplaît d’abord à ceux qui considèrent la routine de la vie comme la sauvegarde de la médiocrité. Un homme supérieur déjà les effarouche ; mais un femme supérieure, s’éloignant encore plus du chemin frayé, doit étonner, et par conséquent importuner davantage. Néanmoins, un homme distingué ayant presque toujours une carrière importante à parcourir, ses talents peuvent devenir utiles aux intérêts de ceux même qui attachent le moins de prix aux charmes de la pensée. L’homme de génie peut devenir un homme puissant, et, sous ce rapport, les envieux et les sots le ménagent ; mais une femme spirituelle n’est appelée à leur offrir que ce qui les intéresse le moins, des idées nouvelles ou des sentiments élevés : sa célébrité n’est qu’un bruit fatiguant pour eux.»
Madame de Staël, De la littérature
Entre-temps, la réputation littéraire et intellectuelle de Madame de Staël s’est affirmée grâce à trois essais philosophiques que sont les Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau (1788), De l’influence des passions sur le bonheur de l’individu et des nations (1796) et De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales(1800).

De 1802 à 1805
Napoléon Ier est aussi président de la République italienne.
Napoléon dit à Madame de Staël :
« Je n’aime pas les femmes qui s’occupent de politique.
– Peut-être, mais dans un pays où on leur coupe la tête, il est naturel que les femmes aient envie de savoir pourquoi.»
Nuit du 8 au 9 mai 1802
Mort d’Eric de Staël, à Poligny, dans le Jura, alors qu’il se rendait aux thermes d’Aix-les-Bains.
Jacques Necker publie ses Dernières vues de politique et de finances.
Germaine de Staël publie Delphine, mi-décembre, à Lausanne et à Paris.
En 1803
La parution de Delphine, et sa préface, vaut à Staël un ordre d’exil définitif.
Le 23 octobre 1803
Elle part pour l’Allemagne avec Benjamin Constant.
Le 14 décembre 1803
Germaine Staël arrive à Weimar et y reste jusqu’au 1er mars 1804.
Elle rencontre Schiller, Goethe, Wieland.
Le 8 mars 1804
Madame de Staël atteint Berlin où elle séjourne jusqu’au 18 avril. Elle convainc August Wilhelm Schlegel de l’accompagner à Coppet.
Le 9 avril 1804
Mort de Jacques Necker.
Retour de Germaine de Staël à Coppet le 19 mai.
Elle publie à l’automne les Manuscrits de M. Necker, précédés par Du caractère de M. Necker et de sa vie privée.
Du 18 mai 1804 au 11 avril 1814
Napoléon Ier règne sur la France en tant qu’empereur.
Le 2 décembre 1804
Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris et couronnement de Joséphine.
Sacre de Napoléon Ier par Jacques David
Le 11 décembre 1804
Départ pour l’Italie, elle arrive le 29 décembre à Milan où elle rencontre le poète Vincenzo Monti (1754-1828). Vincenzo Monti est un poète, écrivain, dramaturge, traducteur italien. Il est communément reconnu comme le principal représentant du néoclassicisme italien.

Le 3 février 1805
Madame de Staël arrive à Rome d’où elle repart le 17 février. Séjour de trois semaines à Naples et retour à Rome, où Staël fréquente les élites italiennes et étrangères.
Du 17 mars 1805 au 11 avril 1814
Napoléon Ier est Roi d’Italie.
Le 11 mai 1805
Madame de Staël quitte Rome pour Florence, Venise et Milan.

Le 28 juin 1805
Retour à Coppet. Germaine refuse d’épouser Benjamin Constant. Elle commence la rédaction de Corinne ou l’Italie.
Hiver : elle compose à Genève Agar dans le désert.
Le 18 avril 1806
Madame de Staël s’installe près d’Auxerre, puis à Rouen le 18 septembre et près de Meulan, de novembre à avril 1807.
Du 30 avril au 1er mai 1807
Parution de Corinne ou l’Italie.
Fêtes et réceptions à Coppet et Ouchy : Staël écrit et joue plusieurs pièces de théâtre.
Automne : composition de Geneviève de Brabant.
Du 6 juillet au 13 septembre 1807
Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842) séjourne à Copper chez Madame de Staël (1766-1817) dont elle commence le portrait.
Le 4 décembre 1807
Départ pour Vienne où Germaine arrive le 28 décembre.
Hiver 1808
A la cour et dans les salons. Liaison avec Maurice O’Donnel. Staël passe du temps avec le Prince de Ligne dont elle prépare une anthologie publiée en 1809, Les Lettres et pensées du Prince de Ligne, avec une préface de Staël.
Le 5 juin 1808
Constant épouse secrètement Charlotte de Hardenberg. Germaine l’apprend en 1809.
Juillet 1808
De retour à Coppet, Madame de Staël commence De l’Allemagne.
En octobre-novembre 1808
Elle compose et joue une tragédie biblique, La Sunamite.

En avril 1810
Madame de Staël s’installe au château de Chaumont près de Blois, puis au château de Fossé, pour corriger les épreuves de De l’Allemagne.
Le 24 septembre 1810
Sur ordre de Napoléon, le ministre de la Police, Rovigo, lui signifie son exil et interdit la publication de De l’Allemagne, dont les exemplaires sont saisis chez Nicolle et pilonnés.
Le 6 octobre 1810
Staël part pour Coppet, passe l’hiver à Genève et y rencontre Albert Jean Michel Rocca (1788-1818).

En 1811
Surveillance policière renforcée à l’initiative du préfet Capelle.
Madame de Staël écrit Sapho, drame en cinq actes, commence la rédaction des Dix années d’exil et se documente pour l’épopée qu’elle projette, Richard Cœur de Lion.
Le 7 avril 1812
Naissance de Louis-Alphonse Rocca, fils né de l’union avec Albert-Jean-Michel Rocca.
Le 23 mai 1812
« Grand départ » de Coppet pour Londres, à l’insu des polices napoléoniennes, via Vienne, Saint-Pétersbourg et Stockholm.
Le 14 juillet 1812
Germaine de Staël franchit la frontière russe.
Germaine de Staël en 1812 par Vladimir Borovikovski
Le 1er août 1812
Arrivée à Moscou.
Le 7 août 1812
Arrivée à Saint-Pétersbourg
Début septembre 1812
Germaine arrive à Stockholm. Elle fréquente la cour de Bernadotte, prince royal qui dirige l’opposition aux armées napoléoniennes et incarne un contre-pouvoir possible en Europe. Elle rédige les Réflexions sur le suicide et commence les Considérations sur la Révolution française.
Le 27 mai 1813
Arrivée de Germaine de Staël à Londres. Son action politique et son influence n’ont jamais été aussi importants.
Le 12 juillet 1813
Mort de son fils Albert, officier dans l’armée suédoise, tué en duel, à Buchtenberg dans le Mecklembourg.
Image de Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick
En septembre 1813
Parution « libre » de De l’Allemagne chez J. Murray.
Le 6 avril 1814
Vaincu par les alliances étrangères, Napoléon abdique.
Louis-Stanislas, comte de Provence, est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII le Désiré.

Le 12 mai 1814
Retour de Madame de Staël à Paris après douze années d’exil. Elle rouvre son salon à Paris, reçoit généraux et modérés, tente d’épouser la cause de Louis XVIII tout en souffrant de l’occupation des troupes étrangères.
Le 19 juillet 1814
Retour à Coppet où Germaine de Staël reçoit de nombreux amis anglais.
Le 30 septembre 1814
Séjour à Paris.
Le 1er mars 1815
La Restauration ne dure pas.

Napoléon quitte son exil de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan.

Le 10 mars 1815
Débarquement de Napoléon au Golfe Juan. Germaine de Staël se réfugie à Coppet.
Constant écrit l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, dont Staël réprouve le rapprochement explicite avec l’empereur.
Après les Cent-jours, Staël se rallie aux Bourbons, part pour l’Italie et passe l’hiver à Pise, pour préparer le mariage de sa fille et soigner Albert-Jean-Michel Rocca, atteint de tuberculose.
Staël obtient le remboursement de la dette de la France envers son père.
Le 19 mars 1815
Napoléon est aux portes de Paris. Louis XVIII et sa cour prennent la fuite pour Gand.
Le 18 juin 1815
La défaite de Waterloo réinstalle Louis XVIII sur le trône de France.

En janvier 1816
Madame de Staël publie à Milan De l’esprit des traductions.
Le 20 février 1816
Sa fille Albertine épouse à Pise le duc Victor de Broglie.
Printemps 1816
A Florence et retour l’été à Coppet, où Germaine de Staël reçoit plusieurs fois la visite de Byron.
Le 10 octobre 1816
Elle épouse officiellement et discrètement Albert Jean Michel Rocca, elle a cinquante ans, lui en a vingt-huit…
Le 16 octobre 1816
Tous deux s’installent à Paris.
En 1817
Affligée, depuis quelque temps, d’un gonflement œdémateux des jambes, elle consulte, à son retour à Paris, le Dr Portal, son médecin depuis l’enfance, ainsi que celui de son père. Celui-ci constate, outre l’aggravation de l’œdème, que son teint, naturellement sombre, est devenu encore plus sombre, que ses yeux ont même pris une couleur jaune et que sa digestion était douloureuse. Éprouvant une grande agitation et un manque de sommeil, elle a longtemps été incapable de les soulager à l’aide d’un ou plusieurs grains d’opium, qu’elle prenait tous les soirs. L’ennui qui la consumait en Suisse l’a amenée à trop user de l’opium, qui soutenait son génie, mais dont elle a fini par devenir dépendante
Le 14 juillet 1817
Germaine meurt peu de temps après une attaque de paralysie qui la terrasse au cours d’un bal que donnait le duc Decazes, laissant inachevées ses Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, ouvrage posthume publié en 1818, ainsi que ses Dix années d’exil, parues à titre posthume en 1821.
Au milieu du panneau central du salon de Copé trône la maîtresse de maison. Ses traits ont été fixés sur la toile après sa mort en 1817, par Gérard, à la demande de ses enfants. Coiffée du fameux turban d’où s’échappent des boucles sombres, elle est vêtue d’un robe brune, de style Empire, à la taille haute, et se drape dans un châle de cachemire noir. Elle tient à la main un rameau vert ainsi qu’elle en avait coutume, racontent les contemporains. Elle s’apprête à parler, semble-t-il, comme lorsque, entourée d’un cercle d’admirateurs, elle charmait ses hôtes par son éblouissante conversation. Sans doute n’est-elle pas, en dépit de ses yeux magnifiques, de ses bras et de ses mains admirables, belle d’une beauté classique, mais comme on comprend le mot d’une contemporaine: «Belle, laide ? je ne sais: elle parlait, je l’écoutais, je crois n’avoir jamais rien vu que ses yeux et sa bouche.»
Telle vivante encore dans lieu où elle a régné, elle nous parle encore aujourd’hui.