Le 30 juillet 1774
Naissance de François-Félix, comte de France d’Hézecques, baron de Mailly, au château de Radinghem, en Artois. Il est fils de Charles Marie Désiré Isabel, comte d’Hézècques de France (1746-1832) et de Bertine Françoise Josèphe de Harchies, née en 1752.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.

Louis XVI par Joseph-Siffred Duplessis (1777)
Le 1er janvier 1786

La Grande Écurie de Versailles
Dans sa douzième année, le jeune d’Hézecques, dont la famille est alliée au duc de Villequier, alors gentilhomme de la chambre, est admis parmi les pages de la chambre du Roi. C’est là qu’il est élevé, et on lit avec intérêt, dans ses Souvenirs, l’éducation qu’il reçoit dans ce poste d’honneur de la jeune noblesse française.
Les pages de la chambre étaient au nombre de huit. Leur service, borné à l’intérieur du château, ne demandait ni taille ni force ; aussi y entrait-on très-jeune, et j’en ai connu qui y étaient arrivés à neuf ans. Deux gouverneurs et un précepteur étaient chargés de surveiller leur éducation ; et, grâce à leur petit nombre, cette éducation était bien supérieure à celle que recevaient les pages des écuries, laquelle, je dois le dire, laissait beaucoup à désirer.»
Félix d’Hézècques
Au XVIIIe siècle, leur nombre est d’environ quarante pour la Grande Ecurie. Sous Louis XV, le règlement d’admission aux Ecuries est sensiblement modifié. L’Edit du 29 mai 1721 exige des preuves de noblesse remontant à 1550. J’ignore à quand elle doit remonter sous Louis XVI, ce doit environner 1580.

Image de l’Eté de la Révolution (1989) de Lazare Iglésis
Quatre pages de la Grande Ecurie, six de la Petite escortent le Roi à la chasse. Les 72 pages servent à porter les fusils. Ils servent parfois les courtisans lors des fêtes royales. Dans ses déplacements, le Souverain est suivi d’un détachement de pages des Ecuries habillés à ses couleurs.
Le rôle de la Grande Ecurie, dirigée par le Grand Ecuyer, sert dans les occasions solennelles ou en temps de guerre. Tandis que la Petite Ecurie fournit le service ordinaire, quotidien et familier. Le poste de Premier Ecuyer a quelque chose de plus intime que celui de Grand Ecuyer.
Images des Années Lumières (1989) de Robert Enrico


Vivre et travailler dans les Écuries du Roi,
Les appartements de la Grande Écurie
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Les bâtiments de la Grande Ecurie sont construits de 1679 à 1682 sur les plans de Mansart. Ils abritaient 2 500 chevaux et 200 carrosses. Les deux écuries ont leur étage particulier. La Grande renferme les chevaux de mains, nécessaires aux besoins de la Cour. Dans la grande arcade du fond de la cour et dans le milieu de l’avant-corps, on pénètre dans un grand manège couvert aux côtés duquel se trouvent deux écuries.
Derrière elle est placé la grand manège pour les joutes et les tournois.
Dans les Ecuries du Roi dort l’élite des cadres de l’armée royale.
Dans chacune des écuries sont aménagées plusieurs dizaines de logements, tant les grandes ailes que dans les corps de bâtiments de la demi-lune, les petites ailes des cours latérales et les mansardes.

Plan du Premier étage en 1751
Le logement général de la Grand Écurie attribué au Grand Écuyer dispose d’un très grand nombres de pièces à tous les étages de l’aile droite.



Au premier étage, on en compte seize, dont douze avec cheminée et trois entresols. Enfin, il dispose à son gré de vingt-sept autres pièces et deux entresols au deuxième étage.


A partir du XVIIIe siècle, la restauration des appartements est l’occasion de créer de nouveaux espaces en modifiant une distribution ancienne d’une relative simplicité.
Plan du Premier Étage de l’Aile des Pages en 1763
A la demande des occupants eux-mêmes, il est prévu d’ajouter des cloisons qui permettent de faire d’une chambre ancienne une petite chambre à coucher précédée d’une salle de compagnie.

La multiplication des cheminées construites sans autorisation relève plus d’un « droit au confort » que revendiquent les plus modestes. Bien mieux qu’une suite de pièces de réception, le confort de la demeure témoigne désormais de la richesse et du raffinement du propriétaire.

Coupe transversale de l’Aile des Pages montrant la Salle-à-Manger au rez-de-chaussée, et les lits au premier étage


Un page (du grec παιδιον, paidion, petit garçon) est un jeune noble attaché au service d’un Roi, d’une Reine, d’un prince, etc. Les pages sont chargés des menues courses du Roi, portent ses billets ou ses compliments, l’escortent et l’accompagnent lorsqu’il se rend à la messe, ils font les honneurs des invités des soirées et bals donnés aux courtisans, accueillent les dames, les mènent à leurs places, les conduisent au souper ou à leurs voitures.
Il faut, pour être reçu page, prouver au moins deux cents ans de noblesse directe, et avoir une pension de six cents livres destinée aux menues dépenses. Alors, les parents sont délivrés de toute sollicitude : habillement, nourriture, maîtres, soin pendant les maladies, tout est fourni avec une magnificence vraiment royale.
Les pages de la grande écurie avaient pour uniforme la livrée du roi, c’est-à-dire des habits bleus couverts de galons en soie cramoisi et blanc. Mais dix-huit d’entre eux, au choix du grand écuyer chargé du service à cheval, avaient des habits bleus galonnés en or, veste et culotte rouges. Les poches, en travers ou en long, distinguaient la grande de la petite écurie.

Livrée du Roi
« Un seul habit de page de la chambre coûte quinze cents livres ; aussi est-il en velours cramoisi brodé en or sur toutes les tailles. Le chapeau est garni d’un plumet et d’un large point d’Espagne. Ils ont, en plus, un petit habit de drap écarlate, galonné en or et argent.
Les pages sont suivis, trois fois par semaine, par un maître d’armes, de danse, de géographie, d’allemand, de mathématiques et un maître à voltiger, payés par le roi. Le reste du temps, qui n’est pas occupé par l’équitation, les pages sont libres; et peuvent se payer des maîtres particuliers.
Bien sûr, les pages suivent les célébrations religieuses quotidiennes: les pages doivent faire leurs dévotions ( c’est à dire s’approcher des sacrements) cinq fois par an, à Pâques, à la Pentecôte, à la Notre Dame d’Août, à la Toussaint et à Noël. A noter, la pratique janséniste de la double confession avant Pâques… «On disait la messe dans la chapelle, tous les jours ; et deux capucins, du couvent de Meudon, étaient chargés des prédications et de la direction de nos consciences.»
« Tout le côté gauche de la grande écurie formait notre logement. On voyait, au rez-de-chaussée, une chapelle très-jolie, une grande salle d’exercices, les offices, les cuisines, et la salle à manger où étaient deux billards. Nous étions répartis en quatre tables ; et, pour la nourriture, la lumière et le feu de trois ou quatre poêles, le roi donnait au maître d’hôtel quatre-vingt mille francs par an.
Au premier étage, dans une vaste galerie, se trouvaient disposées, sur deux lignes égales, les cinquante chambres où nous logions, toutes peintes en jaune vernissé et meublées uniformément. Comme ces chambres n’allaient qu’à la moitié de la hauteur de l’étage, il régnait, au-dessus, une espèce de galerie disposée comme des loges au spectacle, et servant de garde-meuble. Au fond de la galerie, une grande salle, bien chauffée, servait pour les études. Les deux sous-gouverneurs, le précepteur et l’aumônier avaient leurs appartements dans les mansardes, où se trouvait aussi la lingerie. Le gouverneur occupait le pavillon, sur la place d’armes. Là était placée notre bibliothèque, ouverte deux heures par jour, pour y changer les livres et y lire les papiers publics.
Les pages de la grande écurie avaient pour uniforme la livrée du roi, c’est-à-dire des habits bleus couverts de galons en soie cramoisi et blanc. Mais dix-huit d’entre eux, au choix du grand écuyer chargé du service à cheval, avaient des habits bleus galonnés en or, veste et culotte rouges. Les poches, en travers ou en long, distinguaient la grande de la petite écurie.«
Félix d’Hézècques
Le lever est à sept heures et demie, à neuf heure la messe avant de déjeuner. La leçon commence à dix heures. Sortie de midi à une heure, puis dîner et sortie jusqu’à trois heures. Une leçon entre trois et quatre heures, et sortie jusqu’à neuf heures qui est l’heure de souper.
« Nous y faisons la plus grande chère du monde.»
Il y a aussi une bibliothèque fort bien composée, d’où on prête des livres…
Après la deuxième année, la charge devient effective…
« Le service des pages de la chambre consiste à se trouver au grand lever du Roi, à l’accompagner à la messe, à l’éclairer au retour de la chasse, et à assister au coucher pour lui donner ses pantoufles. Je décrirai plus tard la manière dont se faisait te service tout à fait singulier, car il était unique de faire veiller deux enfants pour donner une pantoufle. Mais, si le prince, sous prétexte d’intérêts particuliers, s’était relâché sur quelques points, on aurait bientôt vu s’évanouir toute la majesté qui doit entourer le trône et le souverain.»
Mémoires de Félix d’Hézecques
La hiérarchie des pages, dans leur intérieur, se partage en trois degrés : Les anciens, qui ont pouvoir absolu sur les nouveaux au bout de deux ans. Les seconde-année, espèce de mixtes, nommés sémis, qui ne sont point commandés et qui ne peuvent se faire obéir, mais que, à la moindre faute envers les seigneurs anciens, on fait mettre par les nouveaux sous huit robinets qui versent abondamment de l’eau dans une cuve de marbre de la salle à manger. La première année se passe dans le noviciat de la nouveauté, noviciat des plus rudes. L’obéissance la plus entière et la plus passive est la première qualité d’un nouveau ; et bien des jeunes gens arrivant de leur province, peu pénétrés de ce principe, sont reçus de manière à en être bien vite persuadés. Un nouveau n’a rien à lui ; toujours prêt à obéir au moindre signe, obligé de prévenir même les intentions de son ancien, chacune des fautes qu’il commet, même involontairement, était aussitôt punie, soit par arrêts plus exactement observés que ceux que prescrivaient les gouverneurs, soit par des pages de grammaire allemande qu’il faut copier, soit enfin par des férules nommées savates, du nom de l’objet qui sert à les appliquer. Car aucun des termes admis dans un collège n’est en usage parmi nous. Les mots : sortoirs, réfectoires, classes, sont scrupuleusement remplacés par ceux de corridors, salle d’étude, etc. ; les prononcer, ce serait compromettre sa tranquillité ; et un nouveau ayant appelé son camarade « son compagnon » en conserve le nom tout le temps de son service.
Le changement parmi les pages et l’arrivée des nouveaux ont lieu, pour la grande écurie, le 1er avril, tandis que les autres pages se renouvellent le jour de l’an.
« De mon temps, la nouveauté se bornait à l’obéissance la plus exacte et à une distinction de rang qu’entraîne toujours l’ancienneté.»

Image de Louis XVI, l’Homme qui ne voulait pas être Roi (2011) de Thierry Binisti
Les Pages du Roi, de la Reine, etc … formaient à Versailles une jeunesse turbulente, que le Grand Prévôt s’efforçait d’en réprimer les écarts.
Paul Fromageot (Historien, spécialiste de Versailles)
« Ils fréquentaient cafés et auberge, y faisaient de galantes rencontres, et trop souvent s’y livraient au libertinage. »
Image de Jefferson à Paris (1995) de James Ivory
Louis XVI est plus matinal que le rituel de l’Etiquette, et le matin, il observe à la longue-vue les courtisans qui arrivent au château pour assister à son lever officiel. Il retire alors sa robe de chambre pour leur apparaître en chemise…
Le lever du Roi
« Le cérémonial du lever du roi pourra paraître d’autant plus curieux qu’il est déjà plus loin de nous, et que bien des gens demanderaient volontiers si ce lever était réellement l’instant où le roi quittait son lit.
Le porte-chaise entrait au lever du roi, quand on appelait la première entrée ; il passait alors dans la garde-robe, près du lit du roi, pour voir s’il n’y avait rien, dans son petit mobilier, qui réclamât sa vigilance et sa sollicitude. C’était là son seul service.
Successivement, l’heure se sera trouvée reculée, et le lever était devenu la toilette du roi ; car, sous Louis XVI, qui quittait son lit à sept ou huit heures du matin, le lever était à onze heures et demie, à moins que des chasses ou des cérémonies n’en avançassent l’instant ; et je l’ai vu, dans quelques circonstances, à cinq heures du matin.
C’était à l’heure du lever que se rendait au château la foule des courtisans, soit de Versailles, soit de Paris. Les uns venaient se faire remarquer, ceux-ci chercher un regard du prince, d’autres se répandaient ensuite dans les bureaux, chez les ministres, pour y solliciter des faveurs, souvent demander de l’avancement, et n’y obtenir que des refus ou de la hauteur ; car, de tout temps, les subalternes croyaient s’acquérir de la considération par leur fierté, prenant presque toujours la morgue pour le talent.»
Images d’une scène de Ridicule (1996) de Patrice Leconte censée se dérouler dans le Salon de l’Œil-de-Bœuf 
« Tout ce monde attendait le moment du lever dans l’antichambre ou la galerie et ceux que leur service appelait, ou qui avaient ce qu’on nommait les entrées de la chambre, étaient reçus dans l’Œil-de Bœuf, vaste salon qui, comme je l’ai dit, précédait la chambre du roi, ainsi appelé d’une croisée ovale placée dans la voûte. C’était le vrai temple de l’ambition, des intrigues, de la fausseté. Quelquefois, des provinciaux éblouis, des gens distraits ou ignorants, attirés par l’énorme feu de la cheminée ou par la curiosité de voir de plus près cette quantité de cordons bleus, rouges ou verts, qui faisaient groupe près du foyer.
La foule enfin rassemblée, onze heures et demie sonnent. Peu de minutes après, le roi sort de son intérieur en habit du matin et arrive dans la chambre de parade. Un garçon de la chambre se présente à la porte et crie à haute voix : « La garde-robe, Messieurs ! » Alors se glissent les princes du sang, les grands officiers de la couronne, les officiers de la garde-robe, et les seigneurs qui ont obtenu les grandes entrées. De ce nombre sont ceux qui ont présidé à l’éducation du roi.
La toilette commence ; le roi se chausse et passe sa chemise. Alors, la même voix rouvre la porte sur l’ordre du premier gentilhomme de la chambre, et demande : « La première entrée ! » À cet appel, arrivent la Faculté, les valets de garde-robe hors de service et le porte-chaise d’affaires, avec lequel, plus tard, je ferai faire au lecteur une plus ample connaissance.
Aussitôt que le roi n’a plus que son habit à passer, on appelle : « La chambre ! » Alors entrent tous les officiers de la chambre, les pages, leur gouverneur, les écuyers, les aumôniers, enfin les courtisans admis aux entrées de la chambre, c’est-à-dire de l’Œil-de-Bœuf.
Le roi étant tout habillé, on ouvre les deux battants et on laisse entrer le reste des officiers, les étrangers, les curieux mis décemment, et selon le costume, le modeste auteur qui vient humblement offrir une dédicace, etc… Le roi passe alors dans la balustrade qui entoure le lit, se met à genoux sur un coussin, et, entouré des aumôniers et du clergé, récite une courte prière ; après quoi, il écoute toutes les présentations, et entre dans le cabinet du conseil, où ceux qui ont les entrées de la chambre le suivent. Le reste de la foule va dans la galerie, attendre le moment où le roi sortira pour aller à la messe.
Par un usage très-singulier, et qui remontait, je crois, au temps où l’on portait les immenses perruques dont j’ai déjà parlé, Louis XVI ne se faisait coiffer qu’étant tout habillé. Il passait, après son lever, dans un cabinet où il enveloppait d’un immense peignoir son habit brodé, et le valet de chambre barbier qui avait préparé les cheveux au lever, finissait la frisure et mettait la poudre.»

Détail d’une gravure réalisée en 1779
par Antoine-Jean Duclos figurant des pages du Roi
Réceptions du Roi
« Après son lever, le roi recevait souvent des députations, soit du Parlement, soit des États provinciaux. C’est dans une de ces circonstances que je le vis remettre lui-même à l’avocat-général Séguier un exemplaire de l’ouvrage de Mirabeau sur la cour de Berlin, pour donner plus de solennité à l’arrêt qui le condamnait à être brûlé par la main du bourreau. C’est alors que le prince Henri de Prusse, très-maltraité dans ce libelle, dit à M. Séguier : « Vous tenez là de la boue. — Oui, monseigneur, répondit le spirituel magistrat, mais elle ne tache pas. »
Autrefois, la grande écurie n’avait d’autre service que d’éclairer le Roi au retour de la chasse, et de le conduire à la messe ; et le premier page tenait l’étrier droit quand il montait à cheval. Mais, depuis la réforme de la petite écurie, les pages de la grande en eurent aussi le service. Deux d’entre eux, quand les princesses sortaient, les précédaient toujours, avec un troisième, de ceux qui étaient galonnés, et qu’on appelait surtout, pour porter la queue de la robe ; ils accompagnaient à cheval, quand les princesses sortaient en voiture.
Quand le Roi va à la chasse au tirer, tous les surtouts doivent être au rendez-vous. Ils quittent leurs habits pour prendre de petites vestes de coutil bleu et des guêtres de peau, et se tiennent, chacun avec un fusil, derrière le prince, qui, ayant tiré, prend une autre arme, tandis que la première, passant de main en main, arrive à l’arquebusier qui la recharge. Pendant ce temps, le premier page fait ramasser le gibier et en tient un compte exact sur de petites tablettes ; et, aussitôt la chasse finie, il se rend dans le cabinet du Roi qui lui en ordonne la distribution. Ce qui reste est pour lui. On pense bien que cette place est très-agréable ; car, outre l’avantage qu’elle offre de se livrer à un travail particulier avec le Roi, comme l’aurait fait un petit ministre, Louis XVI tuant à chaque chasse quatre ou cinq cents pièces, il en reste beaucoup au premier page. On nous distribue aussi, en ces occasions, douze bouteilles de vin de Champagne.
Le débotté du Roi
« Quand le roi rentrait de la chasse, il y avait ce qu’on appelait le débotté. C’était la toilette que le roi faisait alors ; et les usages étaient à peu près les mêmes qu’au lever.»
Débotté du Roi dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico
« La garde-robe du Roi était dans un petit appartement, sur une petite cour, derrière l’escalier de marbre. C’était là qu’on conservait les habits, le linge et les vêtements du monarque. Tous les jours, on apportait, dans de grands tapis de velours, ce qui était nécessaire pour la toilette du soir et du matin.»
Le coucher du Roi
« Après avoir assisté au lever du roi, voyons ce qui se pratiquait à son coucher. Celui-ci était bien le véritable ; mais une occupation, souvent un léger somme, retenait le roi plus longtemps.»

Images de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
« À onze heures, arrivaient le service et les courtisans. Tout était préparé : une magnifique toilette de brocard d’or et de dentelle ; sur un fauteuil de maroquin rouge, la robe de chambre en étoffe de soie blanche brodée à Lyon ; la chemise, enveloppée dans un morceau de taffetas ; sur la balustrade, un double coussin de drap d’or appelé sultan, sur lequel on posait la coiffe de nuit et les mouchoirs. À côté, les pantoufles, de la même étoffe que la robe, étaient placées près des pages de la chambre qui se tenaient contre la balustrade.»

Image de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
« Le monarque arrivait ; le premier gentilhomme de la chambre recevait son chapeau et son épée, qu’il remettait à un sous-ordre. Le roi commençait, avec les courtisans, une conversation plus ou moins longue, suivant le plaisir qu’il y trouvait, et qui, souvent, se prolongeait trop au gré de notre sommeil et de nos jambes. Après avoir causé, le roi passait dans la balustrade, se mettait à genoux avec l’aumônier de quartier seul, qui tenait un long bougeoir de vermeil à deux bougies, tandis que les princes n’en pouvaient avoir qu’une. L’aumônier récitait l’oraison : Quæsumus, omnipotens Deus ; et, la prière terminée, le bougeoir était remis au premier valet de chambre qui, sur l’ordre du roi, le donnait à un des seigneurs qu’il voulait distinguer. Cet honneur était si fort apprécié en France, que beaucoup de ceux qui y prétendaient ne pouvaient déguiser leur dépit quand ils en étaient privés. Le maréchal de Broglie, le vainqueur de Bergen, cordon bleu et maréchal de France, à quarante ans, comblé de gloire, était plus que personne sensible à cette privation. Sa rougeur, son embarras, décelaient le cruel chagrin qu’il éprouvait, tant le cœur de l’homme est incompréhensible, et renferme de petites faiblesses à côté des plus grandes qualités !»

Image de L’Evasion de Louis XVI d’Arnaud Sélignac
« La prière finie, le roi ôtait son habit, dont la manche droite était tirée par le grand-maître de la garde-robe, le duc de Liancourt, et la gauche, par un premier-maître, M. de Boisgelin ou de Chauvelin, et toujours en descendant, si les premiers officiers ne s’y trouvaient pas.»

Images de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy
« Le roi prenait ensuite sa chemise ; elle lui était donnée par le premier gentilhomme de la chambre. Mais si l’un des princes du sang était présent, c’était lui qui avait le droit de passer la chemise, ce qu’on regardait comme un grand honneur.
Le premier gentilhomme de la chambre présentait alors la robe de chambre au roi, qui ôtait de ses poches sa bourse, un énorme trousseau de clefs, sa lunette et son couteau ; il laissait tomber son haut-de-chausses sur ses talons, et dans cet état causait encore assez longtemps.
Enfin, il venait se placer dans un fauteuil ; un garçon de la chambre, à droite, un de la garde-robe, à gauche, se mettaient à genoux et prenaient chacun un pied du roi pour le déchausser. Alors les deux pages de la chambre s’avançaient et mettaient les pantoufles ; c’était le signal de la retraite. »

« L’huissier le donnait, en disant : « Passez, Messieurs ! » Il ne restait plus que les princes, le service particulier et ceux qui avaient les petites entrées.»

« Ils entretenaient le monarque pendant qu’on le coiffait de nuit. C’était l’instant des joyeux propos, des petites anecdotes ; et souvent le rire franc et bruyant du bon Louis XVI venait frapper nos oreilles dans l’Œil-de-Bœuf, où nous attendions l’ordre pour le lendemain.»


« Avant que Louis XVI ne fut absorbé par ses peines, le coucher était le moment de ses délassements et de ses jeux. Il y faisait des niches aux pages, agaçait le capitaine Laroche, ou faisait chatouiller un vieux valet de chambre si sensible que la peur seule le faisait enfuir.»
L’habit de voyage
Philippe Castel, d’après Jean Baptiste Oudry
Chaque maison de campagne où le Roi faisait de petits voyages exigeait un habit particulier. Trianon voulait un habit rouge, brodé d’or ; Compiègne un habit vert ; Choisy un bleu. L’habit de chasse était gros-bleu, galonné en or ; et la disposition du galon indiquait le genre d’animal que l’on devait chasser. L’habit vert uni était pour la chasse au fusil, et tout ce qui accompagnait le Roi était vêtu comme lui.»
Félix d’Hézecques

Charles-Eloi Asselin, d’après Jean Baptiste Oudry
En octobre 1786
Voyage de la Cour à Fontainebleau
Une promenade faite à la fin du jour, dans la forêt de Fontainebleau, offrait un charme indéfinissable. Ces grands arbres qui avaient prêté leur ombre à tant de rois, frémissaient, agités par le vent, et semblaient murmurer leurs anciens souvenirs. Les rochers dessinaient, dans le crépuscule, leurs masses gigantesques ; et le cerf, poursuivant la biche, passait, rapide comme l’éclair, en faisant entendre son cri rauque et effrayant. Sa rencontre, en ces moments de fureur, n’était pas toujours sans dangers.
Tous ces rochers portaient des noms différents, et servaient à désigner les cantons pour la chasse et les routes de la forêt. C’étaient le rocher Bouligny, le rocher des P……, le rocher d’Avon, le rocher de Saint-Germain, etc. Un ermite s’était construit dans ce dernier un jolie habitation en extrayant du rocher, pour faire son excavation, des espèces de pétrifications qu’il vendait aux étrangers. Les vieux historiens disent que le nom de ce roc venait d’un monastère fondé par le roi Robert, en l’honneur de saint Germain, évêque d’Auxerre.
On voyait encore avec intérêt le petit Mont-Chauvet, qui servait de but au bon roi Henri, quand, d’après les usages de ses fidèles Béarnais, il jouait au mail. Un grand nombre de croix, qui avaient aussi leurs noms, servaient de même à se diriger dans ce vaste labyrinthe que Louis XVI connaissait mieux que personne.
Les grands voyages de la cour étaient ceux de Compiègne et de Fontainebleau, parce qu’alors presque toute la maison du roi le suivait, tandis qu’à Marly, Choisy, Rambouillet, il n’y avait qu’un petit nombre de personnes.
À Fontainebleau, le roi logeait dans la partie circulaire de la cour dite du Donjon. On y arrivait de ce même côté, ou par la galerie de François Ier, qui aboutissait à la chapelle et au beau perron de l’escalier du fer à cheval, dans la cour du Cheval-Blanc, où sont à présent les élèves de l’École militaire.»
Félix d’Hézècques

Du 6 octobre au 16 novembre 1786
La Cour s’installe à Fontainebleau pour le voyage habituel.
Pendant l’absence de la Cour qui sera à Fontainebleau, les pages, qui ne sont pas de service auprès du Roi durant ce séjour, restent à Versailles. Ils s’amusent à jouer la comédie. Les Menus Plaisirs prête les décors, ainsi que les costumes. Au(x) plus jeune(s) et au(x) plus petit(s), on fait apprendre les rôles féminins. Beaucoup de personnes de Versailles assistent à ces représentations qui les trouvent assez bien jouer.

Les jours de grandes cérémonies, les pages montent sur la voiture à deux chevaux ; et quand le Roi ou les princes veulent envoyer savoir des nouvelles de quelqu’un, ou complimenter sur un événement de famille, c’est un page, suivi du palefrenier, qui est chargé de cette commission.
À l’armée, les pages deviennent les aides de camp des aides de camp du Roi, et apprennent, à la source du commandement, à commander un jour. Ils portent aussi les armes du monarque quand il est encore d’usage de se revêtir d’une cuirasse.
Tout page sortant, au bout de trois ou quatre ans, a le droit de choisir une sous-lieutenance dans un corps ; et les premiers pages de la chambre du Roi, des écuries et de la Reine, ont une compagnie de cavalerie et une épée.
L’humanité est la grande vertu de Louis XVI :
« C’est un des plus beaux attributs de la souveraineté que celui de donner la grâce aux criminels ; et l’usage voulait que cette grâce ne fût point refusée à ceux que le roi rencontrait sur sa route. J’en vis un jour un exemple. Louis XVI, revenant de la chasse, rencontra, sur le chemin de Saint-Cyr, un pauvre déserteur qu’on reconduisait à son régiment pour y subir sa punition. Le soldat, instruit ou non de ce que cette rencontre avait d’heureux pour lui, se jeta à genoux et, les bras tendus vers le roi, implora la clémence du souverain. Le monarque envoya sur-le-champ l’officier des gardes avec l’ordre de faire expédier les lettres de grâce. La gaieté du monarque pendant le reste de la journée montra avec quelle satisfaction son cœur avait exercé cette touchante prérogative de sa royauté. Mais, comme elle aurait pu devenir abusive, on avait soin de faire faire un détour à la chaîne des galériens qui passaient à Versailles pour rejoindre le bagne de Brest. On croyait, en France, que le cœur du roi ne pouvait voir le malheur sans commisération : c’était vrai ; mais il y avait à craindre que sa clémence ne devînt une calamité pour la société, et voilà pourquoi on lui en dérobait les occasions. »
Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI, Félix de France d’Hézecques
Le 9 août 1787
En raison des graves difficultés financières, Louis XVI décide de ramener le nombre de pages des deux Ecuries à cinquante au total : dix-huit sont réformés à Petite et vingt à la Grande.
Réhabilitation de la reine Marie-Antoinette
« Sans enfants dans les premiers temps de son union, attachée à un mari qui aimait à consacrer à la chasse et à l’étude les loisirs que lui laissaient les devoirs de la souveraineté, la reine se forma une société où se trouvaient quelques jeunes gens; de là les horreurs débitées sur le compte de cette malheureuse princesse. Et cependant le vice se cache, tandis que ces visites étaient publiques. Au reste, si la reine admettait chez elle le comte Fersen, MM. de Vaudreuil et de Coigny, le vieux Besenval y était aussi appela. Depuis dix ans toutes ces calomnies ont cessé, parce qu’elles sont devenues inutiles. Et pourtant aujourd’hui tout danger qu’eût pu offrir la publicité d’une intrigue criminelle avec la reine a disparu, tous les acteurs de ces prétendues scènes scandaleuses vivent encore, et aucune des anecdotes répandues au commencement de la révolution ne s’est confirmée; le silence le plus complet a enseveli toutes ces horreurs. J’ai questionné, j’ai écouté avec autant d’avidité que de prudence, j’ai consulté les personnes attachées à la cour, à la reine, et tout m’a confirmé dans mon respect pour sa vertu.»
Félix de France d’Hézecques
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.


« Louis XVI perdit sa couronne dès que ces États généraux firent succéder à leurs doléances le langage le plus arrogant.»
Félix d’Hézècques

Jean-François Balmer est Louis XVI dans Les Années Lumières (1988) de Robert Enrico
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 14 juillet 1789
Le peuple prend la Bastille.

La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.

Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

Dans l’hiver de 1790
« Une difficulté s’élève entre les pages du Roi et ceux des princes. Il est décidé qu’on laissera s’écouler le temps du carnaval, pour ne point interrompre les plaisirs de cette époque, et que, sous le prétexte d’une partie de barres, on se réunira le mercredi des Cendres à la porte Saint-Antoine, sur la route de Marly, et que chacun se mesurera alors avec l’adversaire qu’il a choisi. Le rendez-vous a lieu au jour dit. Déjà trois ou quatre sont blessés, lorsque M. de Labesse, page de madame la comtesse d’Artois, connu depuis sous le nom de Branche-d’Or dans la guerre des chouans, est si grièvement atteint sous le poumon, par M. de Montlezun, qu’on ne s’occupe plus que de le reporter à Versailles, où il est saigné dix-sept fois. L’affaire s’étant ébruitée, les gouverneurs s’assemblent et tâchent de dissiper l’acharnement où l’on est et de ramener la paix.»
Le 1er janvier 1790
La révolution ayant supprimé les pages delà chambre, il passe, dans ceux de la Grande Écurie où il demeure jusqu’au mois d’avril 1791.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
« Il y eut, pendant les premières années de la Révolution, plusieurs époques où Louis XVI aurait pu retrouver son autorité, s’il n’eût encore écouté les faibles conseils qui la lui avaient fait perdre. La fédération de 1790 parut un instant lui avoir ramené tous les esprits et tous les cœurs ; s’il eût profité de cet enthousiasme, il n’est pas douteux qu’il recouvrait sa liberté et sa puissance. (…)
L’Assemblée nationale, sous prétexte de célébrer l’anniversaire de la prise de la Bastille et de la fondation de la liberté, avait rendu un décret qui convoquait à Paris des députations des gardes nationales et de l’armée de terre et de mer, afin de resserrer les liens fraternels qui devaient unir tous les citoyens.
Les huit jours qui précédèrent la fédération furent marqués par un désordre et une licence dont les temps de troubles peuvent seuls donner un exemple. Trois mille ouvriers travaillaient au champ de Mars à y former un vaste amphithéâtre avec des gradins en terre capables de contenir deux cent mille spectateurs. Sous le prétexte d’aider les ouvriers, une population insolente se répandait dans les rues, forçait les citoyens paisibles à se rendre dans l’amphithéâtre avec des outils. (…)
M. de La Fayette venait tous les soirs au champ de Mars entonner ce refrain et semblait lui-même autoriser et exciter ce désordre. Absent de Paris depuis plusieurs semaines, je fus très surpris, en y rentrant, de rencontrer dans toutes les rues des groupes de femmes élégantes qui portaient des pics et des pelles pour aller travailler aux préparatifs de la fête. (…)»
Jean-François Balmer et Jane Seymour dans Les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
« Enfin, le fameux jour de la fédération arriva. Mais le ciel, contraire à cette cérémonie, faisait depuis trois jours tomber un véritable déluge. Dès l’aurore tout Paris se précipita au champ de Mars. Comme les femmes n’y étaient reçues qu’en blanc garni de rubans tricolores, et que les voitures ne pouvaient circuler, elles y arrivaient dans un état impossible à décrire. Tout l’énorme cortège des fédérés, des autorités et de l’Assemblée nationale se réunit à quatre heures du matin, sur l’emplacement de la Bastille, d’où cette interminable procession défila par les boulevards et la place Louis XV, et entra au champ de Mars par un pont de bateaux construit près de l’extrémité des Champs-Élysées. Tout ce cortège, recevant la pluie pendant dix heures consécutives, présentait un spectacle pitoyable, et qui faisait l’amusement du peuple, très-peu respectueux envers ses représentants.
On avait élevé pour le roi, en avant de l’École militaire, un grand pavillon sous lequel était le siège royal, et à côté un fauteuil pour le président de l’Assemblée nationale, qui était alors le marquis de Bonnay. Derrière se trouvait une tribune pour la famille royale, et de chaque côté deux longues galeries pour les députés et le corps diplomatique.
Le roi n’avait point voulu se joindre au cortège, ou on l’en avait empêché. C’était déjà une grande faute ; plus il se serait montré aux fédérés, plus ils se seraient attachés à sa personne. Il avait été arrêté qu’il se rendrait en voiture, par le faubourg Saint-Germain, à l’École militaire, et qu’il se placerait sur son trône au moment où l’Assemblée nationale monterait les hauts degrés qui y conduisaient. En conséquence, un aide de camp de La Fayette devait venir prévenir de l’entrée des députés au champ de Mars. On avait calculé que le temps qu’elle mettrait à le traverser suffirait pour que la cour se rendit des Tuileries à l’École militaire. À huit heures du matin le roi était prêt avec toute sa suite. Les voitures, au nombre de vingt-deux, étaient réunies dans la cour. Nous attendîmes l’aide de camp jusqu’à près d’une heure, tant la marche fut lente ; alors on monta à cheval, et, au milieu des torrents de pluie, on se rendit rapidement au champ de Mars.
Le roi se retira un instant dans un appartement, et, curieux de voir le coup d’œil, je me rendis sous la galerie, peu disposé, je dois l’avouer, à trouver rien de beau à ce spectacle. Mais je ne pus m’empêcher d’être frappé du magnifique tableau qui s’offrait à ma vue. Une immense population faisant retentir cette vaste enceinte d’acclamations réitérées, toutes ces députations rangées en bataille avec leurs drapeaux flottant dans les airs, tout cela était vraiment majestueux. Au milieu s’élevait, sur un tertre, un autel magnifique entouré de vases antiques, qui jetaient des tourbillons de vapeurs odorantes. Un clergé nombreux dominait cette foule de guerriers ; à ses pieds cinq cents tambours et autant d’instruments attendaient le signal pour indiquer la célébration des mystères et publier les louanges du dieu des armées, tandis qu’une nombreuse artillerie, disposée sur les bords de la Seine, allait prévenir tout le pays du moment de la cérémonie.
Les fédérés, en attendant qu’elle commence, quittent leurs rangs pour former des rondes immenses au bruit des cris mille fois répétés de : Vive le roi ! Bientôt le roi se place sur son trône. Cette foule se précipite pour le voir de plus près ; les cris, les battements de main redoublent avec une nouvelle ardeur, et ne cessent que pour recommencer encore. Jamais, dans les circonstances les plus belles de son règne, le monarque n’avait été l’objet de transports d’amour aussi touchants. Une voix s’élève pour proférer le cri de : Vive la nation ! Ce cri est accueilli par des huées répétées, et l’amant de la nation se dérobe bien vite à la honte qu’on lui prépare. On crie avec un égal enthousiasme : Vive la reine, vive le dauphin ! La reine, alors, élève son fils dans ses bras. Avec cette aimable figure qui portait déjà dans un âge si tendre l’empreinte du malheur, il répond au peuple par des sourires gracieux et des saluts enfantins. Mais l’humidité le pénètre ; sa mère l’enveloppe de son châle, et ce tableau de l’amour maternel, dans la grandeur et la pompe des rois, redoubla les transports de la multitude. Les yeux sont baignés de larmes, et tout le peuple est ému. Louis XVI, pendant quelques heures, redevint l’idole de ses sujets, le maître de son empire. Les factieux se dérobaient aux remords qui les poursuivaient ; le côté gauche de l’Assemblée nationale, honteux de voir échouer ses sinistres projets, s’était réfugié avec son chef, le duc d’Orléans, à l’extrémité de la tribune. Necker regardait de derrière un lambeau de tapisserie, tandis que, au pied du trône, se tenaient les plus fidèles amis de la monarchie : Cazalès, l’éloquent abbé Maury, le brave vicomte de Mirabeau, le dernier des chevaliers français.
Pendant ces démonstrations d’amour, les députations des troupes de ligne entraient au champ de Mars. Placées du côté de la rivière, éloignées de leur souverain, elles cherchaient à le voir, mais en vain ; ses perfides conseillers, au lieu de lui faire parcourir à cheval cette vaste étendue, l’avaient relégué sous un pavillon où ces braves guerriers, retenus à leur place par la vieille consigne française, le cherchaient inutilement des yeux ; c’est ainsi que, par une préméditation coupable, l’armée avait été éloignée. Tout l’honneur de la fête devait retomber sur M. de La Fayette, qui, sur son grand cheval blanc, entouré de son brillant état-major, parcourait la plaine et cherchait des hommages qui, ce jour-là, ne lui furent pas prodigués. (…)
Enfin, tout le cortège étant arrivé et placé, on commence la messe ; il était cinq heures. Une foule de lévites, vêtus de lin, se groupent sur les degrés de l’autel. À leur tête se trouve un homme qui fut la honte du clergé français, l’évêque d’Autun, Talleyrand de Périgord. Déjà il a trahi son roi ; bientôt il reniera son Dieu, méconnaîtra ses devoirs hiérarchiques, et presque le seul des évêques de l’antique église gallicane, il rejettera l’autorité pontificale. Funestes effets d’une vocation forcée ! Dans les intervalles des salves d’artillerie, un vent impétueux porte à toutes les extrémités du camp les cantiques sacrés. À la voix du ministre de l’Éternel, cent mille soldats fléchissent le genou et rendent hommage au Créateur.
Après l’évangile le pontife se retourne ; M. de La Fayette monte à l’autel et y prononce le serment de fidélité à la constitution, à la loi et au roi ; toutes les députations sont censées répéter le serment au même instant, et si toutes ne jurent pas, au moins les cris sont effroyables. M. de La Fayette remonte à cheval et arrive près du roi. Alors le président de l’Assemblée nationale prononce son serment, et se retourne vers le roi qui, d’une voix sonore, promet de maintenir une constitution à peine dégagée du cerveau de quelques factieux. Un redoublement de cris de : Vive le roi ! annonce cet instant, et donne le signal à l’artillerie de le proclamer dans toute la capitale. La messe terminée, à plus de six heures du soir, les députations défilèrent devant le roi, et à sept heures et demie nous étions rentrés aux Tuileries.
On avait préparé, au château de la Muette, dans le bois de Boulogne, un grand festin pour les fédérés ; mais la plupart, après avoir reçu la pluie pendant quinze ou seize heures, préférèrent le repos. Le roi, je ne sais pourquoi, n’y parut point.»
Félix d’Hézècques
En avril 1791
A sa sortie, le Roi lui donne un brevet de capitaine à la suite de ses gardes.
A cette époque, les gardes du corps et la plus grande partie de la noblesse de France ont émigré. Par point d’honneur, pour faire preuve de royalisme, le jeune Hézecques, quittant le château de Mailly-Maillet, résidence de sa famille, ne tarde pas à aller les rejoindre.

Il se rend à Bruxelles, où il retrouve le duc de Villequier, et de là à Coblentz où se sont rassemblés les gardes du corps, ainsi qu’un grand nombre de volontaires des premières familles de France qui se sont joints à eux. La vie des émigrés, à Coblentz, lui plaît médiocrement. C’est déjà à seize ans un esprit sage et posé. Il aime les livres, l’étude ; l’oisiveté lui est à charge. Il n’a d’ailleurs pas, comme ses compagnons d’exil, pour se soutenir, d’ardentes passions politiques avec leur cortège d’illusions; son âge ne les comporte pas. Il profite donc des loisirs que lui donne la situation des affaires pour visiter quelques-unes des principales villes d’Allemagne.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Dans ses mémoires, Félix résume avec détails les conditions du voyage de la famille royale, mais il ne devait pas partager leurs secrets durant les préparatifs…
Le 21 juin 1791
La famille royale est reconnue et arrêtée à Varennes.

Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Le passage de la berline royale devant l’Hôtel de ville de Châlons , par Joseph Navlet
Le Roi est suspendu.
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.

Louis XVI, roi de France en roi citoyen (1791), par Jean-Baptiste-François Carteaux
Le 20 juin 1792

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.

Le dévouement de Madame Élisabeth, prise par la foule pour la Reine,
elle ne les détrompe pas pour donner à sa belle-sœur la possibilité de se réfugier et de sauver Sa vie.
Le Roi refuse.
En 1792
Hézècques prit part à la campagne, si désastreuse pour les alliés.
Le 10 août 1792
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale.

Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».

La position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du Roi est alors exécutée et l’on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le Roi sacrifie les Suisses en leur ordonnant de rendre les armes en plein combat.

Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 300 sont tués au combat ou massacrés en tentant de se rendre aux attaquants après avoir reçu l’ordre du Roi de rendre les armes en plein combat.

Tilly doit fuir, ce qu’il fait au lendemain du 10 Août, date à laquelle ses mémoires s’arrêtent.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles. Quatre pièces du couvent leur avaient été assignées pendant trois jours.
Le 25 novembre 1792
Le docteur Taillefer monte à la tribune de la Convention et s’écrie qu’il existe encore à Versailles des valets du Roi, des pages qui vivent à grands frais aux dépens de la Nation et demande au Ministre de l’Intérieur de prendre des mesures. Quelques jours après, les pages sont dispersés.
Le lundi 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI

Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.

En 1794
Il sert l’armée sous M. de Choiseul- Stainville, son parent.
Il passe les années de son exil en pérégrinations studieuses, à travers l’Allemagne, puis la Belgique et encore l’Allemagne. Il les parcourt à plusieurs reprises, s’occupant, sur la route et dans ses divers séjours, d’histoire, de géographie, d’archéologie.
Cependant la révolution française, après avoir épouvanté le monde de ses horreurs et de ses succès, est arrivée à sa période décroissante. Le ciel s’éclaircit.
Le 19 juillet 1795
Félix reçoit la nouvelle que sa famille, incarcérée à Doullens, vient d’être libérée après un emprisonnement de seize mois.
L’exil est devenu lourd à Félix d’Hézecques, il a hâte de revoir la patrie.
A partir de la fin de l’année 1799
Napoléon Bonaparte (1769-1821) dirige la France.
Du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804
Bonaparte est Premier consul.

Bonaparte Premier consul par Jean-Auguste-Dominique Ingres
En septembre 1801
Il rentre enfin en France, mais n’y trouve pas longtemps la sécurité qu’il avait espérée. Les événements de fructidor amènent une recrudescence de rigueurs à l’égard des émigrés.
Bonaparte au Pont d’Arcole par Antoine-Jean Gros (1801)
De 1802 à 1805
Napoléon Ier est aussi président de la République italienne
En 1803
Sa situation devient si dangereuse qu’après s’être tenu, pendant dix-huit mois, caché à Amiens, dans l’hôtel de sa famille, rue de la Porte de Paris, Félix doit de nouveau s’exiler. En effet, il ne se fait pas d’illusion sur le sort qui l’attend s’il a le malheur d’être pris. Plusieurs de ses compagnons d’armes, tels que MM. de Ménars et d’Olliamson, ont été fusillés. On multiplie les visites domiciliaires; mais grâce au bon esprit qui a toujours régné à Amiens, le proscrit en est toujours averti.
Il réussit à gagner Rotterdam, où il resta jusqu’au 18 brumaire, qui rouvrit aux émigrés les portes de la France.
Pendant ces longues années passées sur le sol étranger, Félix d’Hézecques a tout le temps de suivre la marche des événements, d’étudier le changement qui s’est opéré dans les esprits pendant cette grande révolution qui vient de bouleverser l’Europe, et de se façonner à ces idées de sage libéralisme en harmonie avec les sentiments et les besoins qui travaillent la France nouvelle. Les voyages, la lecture, ses observations n’ont pas été sans amener des réflexions. Il se soumet donc sans trop de peine à l’ordre nouveau.
Dès 1804
Il prend du service sous le drapeau qui est devenu celui de la France.
Du 18 mai 1804 au 11 avril 1814
Napoléon Ier règne sur la France en tant qu’empereur.
Le 2 décembre 1804
Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris et couronnement de Joséphine.

Sacre de Napoléon Ier par Jacques David
En 1813 et 1814
Il commande la légion de la Somme, qui comme la garde nationale des départements du nord, figure dans l’armée active. Elle prend une part glorieuse à l’héroïque campagne de France ; et, dans ce dernier et sublime effort tenté contre la honte et les désastres de l’invasion, Félix d’Hézecques combat jusqu’à la fin à la tête de sa légion, incorporée dans la division Allix.
Là se termine sa carrière militaire.
Sous la Restauration et la monarchie de Juillet
Le reste de sa vie se passe dans l’exercice d’honorables fonctions administratives, où la loyauté, la franchise, la modération et l’aménité de son caractère lui gagnent l’estime et les sympathies de tous.
Le 6 avril 1814
Vaincu par les alliances étrangères, Napoléon abdique.
Louis-Stanislas, comte de Provence, est proclamé Roi sous le nom de Louis XVIII le Désiré.

Le 1er mars 1815
La Restauration ne dure pas.
Napoléon quitte son exil de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan.
Le 10 mars 1815
Débarquement de Napoléon au Golfe Juan.
Le 19 mars 1815
Napoléon est aux portes de Paris.Louis XVIII et sa cour prennent la fuite pour Gand.
Le 18 juin 1815
La défaite de Waterloo réinstalle Louis XVIII sur le trône de France.

Le 16 septembre 1824
Louis XVIII meurt à Paris.

Charles X monte sur le trône et décide de renouer avec la tradition du sacre ; Louis XVIII avait annoncé publiquement son intention de se faire sacrer mais on peut présumer qu’il y renonça pour des raisons physiques, sa mauvaise santé ne lui permettant pas d’en supporter les rites.
Charles X en costume de sacre par François Gérard
Le 29 mai 1825
Le sacre de Charles X en la cathédrale de Reims.
La cérémonie de l’intronisation lors du sacre de Charles X par François Gérard

La duchesse d’Angoulême, Dauphine de France
Le 25 juillet 1830
Charles X promulgue les « ordonnances de Saint-Cloud » qui dissolvent les chambres, convoquent les collèges électoraux en changeant de mode d’élection, et suspendent la liberté de la presse.
Les 27, 28 et 29 juillet 1830
Les opposants aux ordonnances de Saint-Cloud soulèvent Paris : ce sont les Trois Glorieuses de 1830, ou « révolution de Juillet », qui renversent finalement Charles X.

La Liberté guidant le Peuple d’Eugène Delacroix (1830)
Le 30 juillet 1830
Louis-Philippe duc d’Orléans, est nommé lieutenant général du Royaume par les députés insurgés
Le 31 juillet 1830
Louis-Philippe accepte ce poste. Il s’enveloppe alors d’un drapeau tricolore avec La Fayette et paraît ainsi à son balcon.

Louis-Philippe Ier , Roi des Français
Le 2 août 1830
Charles X, retiré à Rambouillet, abdique et convainc son fils aîné le dauphin Louis-Antoine de contresigner l’abdication.
Il confie à son cousin le duc d’Orléans la tâche d’annoncer que son abdication se fait au profit de son petit-fils Henri, duc de Bordeaux, âgé de neuf ans, faisant du duc d’Orléans le régent.
Au mois d’août 1835
Décès de Félix d’Hézecques, à l’âge de cinquante-neuf ans.