
Florimond de Mercy-Argenteau
Le 20 avril 1727
Naissance de Florimond-Claude, comte de Mercy-Argenteau (1727-1794), fils unique du Feld-maréchal Antoine Ignace de Mercy-d’Argenteau (1692-1767) et de Thérèse-Henriette de Rouveroit (1703-1729), chanoinesse d’Andenne.
Le blason des Mercy est « d’or à la croix d’azur, l’écusson couronné d’une couronne à huit fleurs de lys »
En 1729
Florimond n’a deux deux ans lorsqu’il perd sa mère.
En 1752
Wenzel Anton von Kaunitz (1711-1794) fait ce portrait de Mercy pour l’édification de Marie-Thérèse:
« Le comte de Mercy joint à de fort bonnes mœurs de la prudence et de la douceur dans le caractère, malgré cela je n’ai presque pas osé me flatter dans les commencements qu’il pût jamais être employé , parce qu’il était timide, taciturne et gauche dans ses façons jusqu’à la maussaderie ; mais depuis qu’il est ici, j’ai tant fait et tant dit dans tous les tons que je commence depuis quelque temps à m’apercevoir avec beaucoup de satisfaction de l’effet de mes conseils. Il commence à avoir un maintien très convenable . Il ne voit que fort bonne compagnie et se fait aimer de tous ceux qui le connaissent. Je l’avais menacé tout en douceur que je ne l »emploierais point que je ne le vis corrigé de ses défauts. Depuis que je vois du changement , je l’occupe dans ma secrétairerie. Il n’est pas fort dans la langue allemande, mais comme il a grande envie d’apprendre, il apprendra . Ce ne sera pas un génie brillant, mais la bonté de son caractère , son zèle et son application lui tiendront lieu de ce qui peut lui manquer de ce côté-là et le mettront certainement en état de pouvoir être employé utilement.»
En 1754
Mercy est représentant de la Cour de Vienne à Turin.
En septembre 1754
« Le comte de Mercy est affecté dans sa parure et dans sa contenance. Ceux qui ont connu M. de Kaunitz prétendent qu’il s’attache scrupuleusement à le copier. Son goût pour les odeurs qu’on craint beaucoup ici et auxquelles il a déclaré qu’il ne voulait pas renoncer lui constitue une sorte de ridicule. »
M. de Chauvelin
En 1761
Mercy est représentant de la Cour de Vienne à Saint-Pétersbourg (1761).
En 1764
Il est nommé ambassadeur à Varsovie, pendant l’interrègne entre Auguste III (1696-1733-1763) et Stanislas II (1732-1798).
Auguste III et Stanislas II
En 1766
Grand admirateur de l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), il remplace Starhemberg au poste d’ambassadeur d’Autriche à Paris.

Marie-Thérèse d’Autriche
Le 22 janvier 1767
Décès de son père, Antoine Ignace de Mercy-d’Argenteau (1692-1767), conseiller intime de l’Empereur et Roi, Charles III de Habsbourg (1685-1740) Empereur du Saint-Empire romain germanique sous le nom de Charles VI et Roi de Hongrie sous celui de Charles III (1711-1740), père de Marie-Thérèse, chanoine, tréfoncier de la cathédrale de Liège, abbé séculier d’Amay et prévôt d’Harlebeck.

Charles VI / III
Pour consolider l’alliance franco-autrichienne, il négocie le mariage du Dauphin Louis-Auguste (1754-1793) avec l’Archiduchesse Marie-Antoinette (1755-1793).

Le comte de Mercy
Ne souhaitant que le bonheur de sa pupille et craignant à tout moment que celle-ci le soupçonne d’espionnage, il met tout en œuvre pour l’influencer en faveur de la maison de Habsbourg-Lorraine, au risque de la faire détester des Français.

L’Archiduchesse Antonia au clavecin


Mais pour «franciser» davantage l’Archiduchesse, Marie-Thérèse pense aussi à lui donner des cours par des comédiens français alors en tournée à Vienne, Aufresne pour la prononciation et la déclamation et Sainville pour le goût du chant français.

Steve Coogan est Mercy dans Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Marie-Thérèse demande à Choiseul de choisir lui-même une personne de confiance, à la fois érudite et suffisamment pédagogue pour savoir captiver la jeune Archiduchesse qui n’aspire qu’à l’amusement. Une autre condition est donnée : il lui faut un prêtre afin d’en faire le confesseur de l’Archiduchesse. Sa qualité de Français lui permettra ensuite de la suivre une fois mariée.
Celui-ci se tourne vers l’archevêque de Toulouse qui pense à son ami l’abbé de Vermond (1735-1806).

L’abbé de Vermond
Le 6 octobre 1768
L’archevêque d’Orléans écrit au comte de Mercy-Argenteau:
« Je dois espérer que l’impératrice en sera satisfaite ; et c’est un des désirs que j’ai eus de ma vie ; je vous prie d’en assurer cette grande princesse ; c’est avec une véritable confiance que je crois qu’il réussira.»

Image de Marie-Antoinette de Van Dyke : Mercy et l’Impératrice Marie-Thérèse
En 1769
L’abbé de Vermond prend à cœur sa mission d’éduquer la jeune Archiduchesse, ce qui n’est pas une sinécure tant Antonia est rétive à toute contrainte. Mais il semble être totalement ébloui par son élève qui à déjà treize ans détient une capacité de séduction à nulle autre pareille. Certains historiens n’hésitent pas à l’imaginer amoureux.
A Mercy, il écrit :
« Elle a une figure charmante, elle réunit toutes les grâces du maintien, et si, comme on doit l’espérer, elle grandit un peu, elle aura tous les agréments qu’on peut désirer d’une princesse. Son caractère, son cœur sont excellents.»

L’Archiduchesse Antonia par Krantzinger
Il réussit nettement moins bien en tant que confesseur, ne voyant dans sa vocation de prêtre plus un moyen d’ascension sociale facile qu’une marque sincère d’attachement pour la foi.
« J’ai fait céder, pour le temps que je passerai ici pour la confession aux vues de S. M. l’Impératrice. Je puis bien assurer Votre Excellence que mon éloignement pour cette fonction a beaucoup diminué par les bontés et la confiance singulière que m’a témoignées Son Altesse Royale. J’ai commencé à la confesser pour les fêtes de Noël.»
Lettre du 31 janvier 1769 de l’abbé de Vermond au comte de Mercy
L’abbé de Vermond considère aussi qu’il est également de son devoir de former la future Dauphine à l’apparence d’une princesse destinée à régner sur la France. Elle a un physique charmant, il Lui faut l’être davantage.
Il demande à Mercy de lui envoyer un coiffeur français. Ce sera Larseneur qui pour cacher son front trop haut et bombé met au point une coiffure dite à la Dauphine. Il demande aussi un dentiste chargé de corriger Sa dentition.
La jeune fille apprend aussi à s’habiller à la française.
Les résultats sont plus que satisfaisants.

Portrait de Marie-Antoinette envoyé à la cour de France pour Ses fiançailles,
Détail d’une gravure représentant le Comte de Mercy-Argenteau, présentant le portrait de Marie-Antoinette
à la Cour de France. Le cadre lui-même était surmonté de l’emblème des Habsbourg, l’aigle à deux têtes.
En 1770
Mercy est décoré en tant que Chevalier de la Toison d’Or, branche autrichienne.
Le 7 février 1770
Marie-Antoinette a Ses premières règles. Dès lors le mariage peut se faire.
Le 3 avril 1770
Marie-Antoinette reçoit solennellement le portrait du Dauphin Louis-Auguste.

Portrait en médaillon du Dauphin Louis-Auguste
porté par Marie-Antoinette lors de son mariage par procuration, Hall
Le 16 avril 1770
L’ambassadeur de France à Vienne demande officiellement la main de l’Archiduchesse au nom de Louis XV.

Marianne Faithfull est Marie-Thérèse dans Marie-Antoinette (2005) de Sofia Coppola
Le 17 avril 1770
L’Archiduchesse Maria-Antonia renonce officiellement à Ses droits sur l’Autriche.
Maria-Antonia par Antonio Pencini (1770)
Le 18 avril 1770
Brevet de la part de Louis XV qui permet à l’abbé de Vermond de suivre et de rester auprès de Marie-Antoinette. Marie-Thérèse y tient particulièrement. D’une part pour le bien-être de sa fille qui a besoin d’une personne qu’elle affectionne auprès d’elle alors qu’elle doit quitter ses proches et son pays, et d’autre part parce que l’impératrice souhaite une personne qui pourra lui rapporter tout les faits et gestes de sa fille.
Mercy en a également besoin : sa qualité d’ambassadeur lui permet d’approcher aussi souvent que désiré son archiduchesse mais il préfère volontairement se restreindre à des visites protocolaires une à deux fois par semaine. De plus, il réside à Paris plutôt qu’à Versailles. De cette manière, la cour ne pourra jamais l’accuser d’intriguer auprès de Marie-Antoinette. Il lui faut donc quelqu’un de confiance dans la place au quotidien. Et ce quelqu’un est l’abbé de Vermond.
Vermond est Français, il n’a donc pas à repartir en Autriche. Louis XV sait aussi que de par son âge, l’éducation de la jeune fille est loin d’être achevée. Il tient surtout à plaire à l’impératrice et comprend qu’il serait cruel de séparer celle qui n’est encore qu’une enfant de tous ses proches. Vermond devient donc lecteur de la Dauphine, ceci pour continuer Son instruction.

Louis XV
Louis XV ne sait pas qu’il a commis une grave erreur : il vient de nommer auprès de sa petite-belle-fille celui qui sera le meilleur informateur auprès de Mercy et de Marie-Thérèse.
Le 19 avril 1770
Mariage par procuration de Maria-Antonia et du Dauphin à l’église des Augustins de Vienne.
Le 21 avril 1770
Marianne Faithfull incarne Marie-Thérèse d’Autriche, Steve Coogan est Mercy et Kirsten Dunst Marie-Antoinette pour Sofia Coppola (2006)
Marie-Antoinette part pour la France, au cours d’un voyage qui durera plus de vingt jours et qui comportera un cortège d’une quarantaine de véhicules.
Les adieux dans le film de Sofia Coppola

En outre pour la Marie-Antoinette de quatorze ans seules comptent tout naturellement les paroles de sa mère : elle doit avoir confiance en Vermond, Mercy, Starhemberg qui sont ses yeux et parlent en son nom. Il en va de même pour le duc de Choiseul : l’instigateur de l’alliance et de ce mariage doit être particulièrement bien distingué de la Dauphine.

Le 7 mai 1770

Entrée de Marie-Antoinette à Strasbourg, le 7 mai 1770

Arrivée de Marie-Antoinette à Strasbourg
Marie-Antoinette , comme on L’appelle désormais, est «remise » à la France sur un îlot du Rhin, considéré comme une frontière symbolique. Elle prend congé de Sa suite autrichienne ainsi que de Son chien, Mops.

L’abbé de Vermond est le seul qui Lui reste.
Elle fait la connaissance de Sa nouvelle suite dont la comtesse de Noailles (1729-1794) qui sera Sa dame d’honneur jusque 1775 et qu’Elle surnomme très vite «Madame l’Étiquette».

La comtesse de Noailles interprétée par Judy Davis dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

Le 14 mai 1770
Après avoir traversé l’est de la France en liesse, Marie-Antoinette rencontre le Dauphin pour la première fois dans la forêt près de Compiègne.


Le Dauphin Louis-Auguste par Van Loo
Le cortège se rend au château de la Muette où Marie-Antoinette est présentée au comte de Provence et au comte d’Artois, et où Elle fait connaissance avec la nouvelle et dernière favorite du Roi, la comtesse du Barry (1743-1793).

Michael Hofland incarne Mercy dans Marie-Antoinette, Reine d’Un seul Amour (1988) de Caroline Huppert
Le 16 mai 1770
Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin est célébré dans la chapelle royale de Versailles.

Mercy attend la Dauphine qui arrive à Versailles dans le film de Sofia Coppola
Les mariés sont décrits comme gauches et timides.


L’abbé, serviteur subalterne, ne participe pas aux cérémonies de cour, au contraire de Mercy et Starhemberg, en leur qualité d’ambassadeurs de l’Impératrice.

Image de Marie-Antoinette, Reine d’Un seul Amour (1988) de Caroline Huppert :
Mercy (David Warlow) s’entretient avec l’abbé de Vermond…
Le duc de Choiseul, Starhemberg et Mercy savent qu’ils ne pourront pas maintenir plus longtemps Vermond confesseur de la Dauphine. Prenant les devants, ils font le choix de l’abbé de Maudoux confesseur de Louis XV.
Le 8 juin 1770
La comtesse de Noailles expose au comte de Mercy les suites de la cabale montée par le duc de La Vauguyon qui ne désarme pas. Le gouverneur réclame désormais sa destitution en tant que lecteur de la Dauphine, sous prétexte que Marie-Antoinette ne lit pas. Il est vrai qu’Elle répugne à ces séances de lecture mais en cette période d’installation à Versailles, il Lui était difficile de trouver le temps pour Ses études.

La comtesse de Noailles, dame d’honneur de la Dauphine
On constate que Mercy n’hésite pas à user de chantage affectif envers Marie-Antoinette, à lui faire peur, à manipuler sa jeunesse et son innocence afin d’obtenir ce qu’il souhaite, à savoir un informateur auprès de la princesse. Constatant que cette méthode fonctionne parfaitement, il n’hésitera pas à l’utiliser à maintes reprises.
L’abbé ne lui fait pas seulement la lecture, il profite aussi de ces moments pour former l’esprit et le maintien de la princesse :
« S. A. R. a été assez exacte à continuer ses lectures; elles sont toujours suivies d’une petite conversation sérieuse avec l’abbé de Vermond sur les actions et les propos de la journée, et il résulte un bien infini de cette méthode, parce que, malgré sa vivacité naturelle, Mme la dauphine n’oublie rien de ce qu’on lui dit; elle écoute avec docilité, et l’on est sur qu’elle fera attention à tout ce qu’on peut lui exposer de raisonnable.»
Mercy, lettre du 14 juillet 1770
Vermond, dernier à intégrer officiellement la Maison de la Dauphine et qui n’a toujours pas reçu son brevet de lecteur, est du coup le dernier à être payé. Devant cette injustice et surtout parce que Mercy refuse de perdre un tel allié, l’ambassadeur en informe l’impératrice et met à contribution Marie-Antoinette :
« Cependant il n’y a pas eu moyen encore de faire expédier à cet ecclésiastique son brevet de lecteur, ni de lui faire toucher les appointements attachés à cet emploi. A l’arrivée de M » » la dauphine, tout ce qui compose sa maison a reçu des présents le seul abbé de Vermond a été oublié, et même les frais de son voyage de Strasbourg jusqu’ici ne lui ont pas été remboursés. Il m’a paru que dans une pareille occasion Mme l’archiduchesse ne pouvait se dispenser de protéger son lecteur, et j’ai supplié S. A. R. d’en parler au ci-devant comte de Saint-Florentin, maintenant duc de La.Vrillière, pour que ce ministre mette en règle le traitement de l’abbé de Vermond, lequel commençait à être un peu affecté de sa position.»
Mercy, lettre du 14 juillet 1770
Le 8 juillet 1770
Louis-Auguste et Marie-Antoinette ont enfin une discussion sérieuse sur leur mariage. Ils évoquent leurs problèmes conjugaux et leur conversation tourne ensuite sur madame du Barry et les intrigues de cour. Marie-Antoinette défend le duc de Choiseul que la favorite veut abattre alors que Louis-Auguste tente de lui ouvrir les yeux sur ce ministre tout aussi intriguant, arrivé au pouvoir par l’entremise d’une autre favorite royale, Madame de Pompadour (1721-1764). Marie-Antoinette n’en démord pas et estime que les intrigues d’alors ne pouvaient être pire que celles actuelles.

Madame du Barry, favorite de Louis XV, est détestée de Marie-Antoinette
Prévenue contre Madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie. Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Voilà comment Mercy a eu les moyens d’en parler à Marie-Thérèse :
« Cet entretien en est resté là, et voici comment j’en ai été informé. Lorsque je me suis aperçu de l’agitation qu’occasionnaient à Mme la dauphine les propos de Mesdames, j’en devins inquiet et crus devoir charger l’abbé de Vermond de tâcher dans ses conversations particulières de calmer l’esprit de Mme la dauphine. Je lui suggérai même le langage qui me paraissait le plus propre à y réussir. L’abbé s’en acquitta, et ce fut à cette occasion que Mme l’archiduchesse, dans un premier mouvement de vivacité et de joie, lui confia tout ce que je viens d’exposer. Je suis convenu avec l’abbé qu’il ferait sentir à Mme la dauphine l’importance de garder le secret sur pareille matière, sans exception ni de Mesdames ni de personne; et il fut aussi décidé entre l’abbé et moi de n’en rien dire au duc de Choiseul, pour être à couvert de toute indiscrétion.»
Mercy, lettre du 14 juillet 1770
Discrétion que n’hésitent pas à trahir ni Mercy, ni l’abbé !
On peut continuer à être horrifié à l’idée d’une jeune fille sincère dans ses sentiments aux mains de ces deux hommes qui la manipulent à leur guise :
« Je suppose qu’il plaira à V. M. de ne point témoigner dans ses lettres à Mme la dauphine que V. M. est instruite des particularités dont il s’agit, parce que, dans le cas où Mme l’archiduchesse soupçonnerait que je les ai rapportées, elle pourrait concevoir de la méfiance de l’abbé de Vermond, et cela nous priverait du grand avantage d’être à même de remédier par nos représentations à ce que les différentes conjonctures peuvent exiger.»
Mercy, lettre du 14 juillet 1770
La mère étant mise à contribution pour mieux manipuler la fille !

Marie-Antoinette Dauphine par Ducreux

Si Marie-Thérèse ne peut qu’être satisfaite de voir enfin l’abbé payé pour les services ô importants (!) rendus, elle met en garde Mercy : elle sait sa fille peu modérée dans les grâces qu’elle accorde. Et il ne faudrait surtout pas en abuser au point d’en lasser Louis XV.
Le 10 août 1770
Le duc de Choiseul sollicitant une audience auprès de la Dauphine, Mercy fait passer une note à Vermond afin que celui-ci prépare l’entretien avec Marie-Antoinette. Le sujet doit concerner le Dauphin et son aversion pour le ministre. C’est d’autant plus délicat et inquiète quelque peu l’ambassadeur que Choiseul n’en aurait peut-être rien su si la conversation du couple delphinal n’avait pas été éventée.
Son meilleur agent auprès de la Dauphine est donc une fois de plus mis à contribution.
Mercy tient à davantage récompenser son acolyte :
« Je l’ai sondé sur une gratification que V. M. m’autorise à lui donner mais sa délicatesse et son désintéressement l’ont porté à détourner cette proposition. Comme une marque de grâce serait cependant très bien placée à son égard, elle pourrait avoir lieu, s’il plaisait à V. M. de lui faire donner, comme de la part de Mme la dauphine, un meuble utile et de quelque valeur, auquel cas je supplierais V. M. de me faire fixer à peu près le prix auquel j’aurais à me borner.»
Mercy a d’autant plus besoin de Vermond que Marie-Antoinette subit de plus en plus l’influence pernicieuse de Madame Adélaïde qui la pousse à ne pas suffisamment tenir son rang de première dame de la cour afin de mieux s’octroyer cette place qu’elle tenait jusqu’à l’arrivée de l’Archiduchesse.
La famille royale reste la plupart du temps muette lors de ces rencontres protocolaires, Marie-Antoinette sera aimable. Ce qui ne l’empêche pas de battre froid envers les dames et courtisans qui Lui déplaisent, madame du Barry la première mais aussi tous ceux qu’Elle considère de sa société.

Marie-Antoinette faisant mine d’ignorer madame du Barry,
téléfilm de Guy-André Lefranc (1975)
Comme l’illustre sa multiple correspondance avec la Cour de Vienne, on a pu considérer que le comte de Mercy-d’Argenteau pousse la jeune Dauphine puis Reine Marie-Antoinette à influencer Louis XVI. Il essaie vainement de refréner les goûts dispendieux de la jeune femme devenue Reine.
Le 20 octobre 1770
« Je réponds, article par article, tout ce que j’imagine de plus propre à rassurer Sa Majesté et à lui épargner le tourment inutile qu’elle se donne.»
Mercy à Kaunitz
Les rapports de Mercy à Vienne, les fameuses «dépêches d’office» généralement rédigées en allemand, se divisaient en deux catégories, les hebdomadaires et les mensuels. Les premiers suivaient le cheminement de la poste : les risques qu’ils soient ouverts, lus et recopiés par les services du roi de France étaient considérables. Aussi, ces missives étaient-elles généralement courtes et impersonnelles; leur auteur en arrivait même à falsifier ses vrais sentiments à propos de tel ou tel événement pour induire en erreur l’indiscret potentiel. Un rapport tronqué pouvait endormir la méfiance … Dans ces conditions, Mercy réservait ses informations les plus détaillées et les plus sensibles pour les dépêches mensuelles. Elles étaient acheminées par courriers, des messagers assermentés qui parfois transitaient par Bruxelles avant de faire étape en terre d’Empire par Cologne, Francfort, Nuremberg, Ratisbonne, Passau et Linz jusqu’à Vienne. En temps normal, il fallait deux ou trois jours pour relier Paris à Bruxelles, et environ sept à huit jours pour parcourir les 1100 kilomètres qui séparaient la capitale des Pays-Bas autrichiens de celle de la monarchie. Bref, les informations parvenaient à Vienne en dix jours en moyenne.
Hervé Hasquin
Le 1er novembre 1770
Sa note justificative fait son effet car Marie-Thérèse répond à Mercy :
« Je vous suis infiniment obligée des soins et attentions continuelles que vous avez pour ma fille; continuez de même, avec l’abbé, de la conduire; je ne crains que les Mesdames.»
Alors que les premiers mois, Marie-Thérèse espérait plutôt que sa fille se rapproche de ses nouvelles tantes, considérant que leur expérience à la cour de France pourrait lui être utile, elle rejoint désormais les vues de ses conseillers.


Mesdames Adélaïde (en haut), Sophie, Victoire et Louise dont l’influence des deux premières
sur Marie-Antoinette inquiète Mercy et Vermond.
Mercy ne fait aucun mystère à l’Impératrice de son réseau d’espionnage dont l’abbé est le rouage principal :
« Je me suis assuré de trois personnes du service en sous-ordre de Mme l’archiduchesse c’est une de ses femmes et deux garçons de chambre qui me rendent un compte exact de ce qui se passe dans l’intérieur ; je suis informé jour par jour des conversations de l’archiduchesse avec l’abbé de Vermond, auquel elle ne cache rien ; j’apprends par la marquise de Durfort jusqu’au moindre propos de ce qui se dit chez Mesdames, et j’ai plus de monde et de moyens encore à savoir ce qui se passe chez le Roi, quand Madame la dauphine s’y trouve.»
Marie-Antoinette qui craint d’avoir son courrier lu par son mari ou par des membres de son service, qui ne supporte pas l’idée d’être menée par quelqu’un, notamment par ses tantes, qui vit quasiment dans la paranoïa, ignore que les véritables espions/manipulateurs sont ailleurs.
Il y aurait donc presque de l’ironie à lire ceci, Mercy parlant de l’abbé :
« Madame la dauphine lui donne toute sa confiance, et certainement jamais confiance n’a été mieux placée.»
Après près de six mois, Mercy ne désespère pas que cette influence si positive envers la Dauphine puisse aller jusqu’à son époux :
« Je m’étais flatté qu’en voyant habituellement l’abbé de Vermond, il s’accoutumerait à lui parler, et sûrement la conversation de cet ecclésiastique aurait pu lui devenir très utile ; mais jusqu’à ce jour M. le dauphin ne lui a pas encore adressé la parole, sans que cela provienne d’aucune prévention contre cet abbé, mais purement par embarras ou nonchalance.»
Mercy , lettre du 17 décembre 1770
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. Marie-Antoinette est persuadée que Jeanne Du Barry a forcé la décision du Roi.

Le duc de Choiseul
Marie-Thérèse reçoit la nouvelle comme un coup dur.
Mercy doit entreprendre une triple action auprès de l’Impératrice :
- obtenir qu’elle désavoue les conseils qu’elle avait tout d’abord donnés à sa fille de ne se conduire que d’après les avis de Mesdames ; qu’elle les aide, lui et l’abbé de Vermond à combattre leur influence sur Marie-Antoinette ;
- lui donner le change sur la colère grandissante de Louis XV contre la Dauphine en attribuant cette colère au refus de la jeune femme de traiter poliment Madame du Barry et les gens de la société du Roi, et aux conseils qu’Elle est supposée donner à Son mari s’imiter Sa conduite à leur égard.
- lui faire admettre progressivement que les gens du parti dominant ennemis de Choiseul, que la favorite elle-même, sont ses nouveaux alliés pour la Dauphine et contre le Dauphin.
Paul et Pierrette Girault de Coursac
Le 6 janvier 1771
Marie-Thérèse très inquiète de la situation écrit à sa fille :
« Vous avez plus besoin que jamais, ma fille, des conseils de Mercy et de l’abbé, qui, je crains, connaissant son honnêteté, sera fort ébranlé de ce coup mais ne vous laissez induire dans aucune faction, restez neutre en tout; faites votre salut, l’agrément du roi, et la volonté de votre époux.»
Vermond risque le renvoi et la Dauphine doit faire profil bas afin de ne pas encourir le pire.
Le 20 janvier 1771
L’abbé de Vermond se rend à Paris récupérer la lettre de l’Impératrice pour sa fille, Mercy ne pouvant se rendre à Versailles car enrhumé.
Le 23 janvier 1771
Pendant que Marie-Thérèse exhorte sa fille à la neutralité et la soumission envers Louis XV et son mari, Mercy la pousse au contraire à marquer publiquement son mécontentement du renvoi du duc de Choiseul, toujours par l’entremise de Vermond :
« Le même jour de l’exil du duc de Choiseul, et une heure après que j’en eus connaissance (ne pouvant dans un moment si critique me rendre moi-même à Versailles), mon premier soin fut de faire parvenir à Mme la dauphine, par le canal de l’abbé de Vermond, les remarques qui me parurent les plus importantes, sur la conduite et le langage qu’il convenait à S. A. R. de tenir dans une conjoncture où elle serait sans doute observée de près. Je la fis supplier de garder un maintien qui ne cachât point le déplaisir que devait lui causer le renvoi d’un ministre que tout le monde sait avoir été honoré des bontés et,de la confiance de V. M., et qui d’ailleurs a essentiellement coopéré à l’arrangement du mariage de Mme la dauphine, que ces deux motifs d’intérêt pourraient être allégués par S. A. R. dans tous les cas où on lui parlerait du ministre exilé, mais qu’il fallait éviter tout propos de justification en sa faveur, se borner simplement à le plaindre du malheur d’avoir déplu au roi son maître, et surtout ne faire aucune mention ni de ses ennemis, ni des moyens qu’ils ont employés pour le perdre.»
Il est parfois difficile de comprendre comment Marie-Thérèse a pu avoir une telle confiance en cet ambassadeur.
Mercy craint maintenant l’influence de la comtesse de Narbonne, dame d’atours de Madame Adélaïde :
« La comtesse de Narbonne, dame d’atours de Madame Adélaïde, gouverne entièrement cette princesse, et voudrait aussi par son moyen gouverner Madame la dauphine; elle y a déjà réussi en bien des choses, mais la présence de l’abbé de Vermond met un obstacle à l’entière exécution de son projet, et cela me fait craindre que cette dame d’atours pourrait bien s’occuper des moyens d’écarter l’abbé.»

Françoise de Chalus, duchesse de Narbonne-Lara,
dame d’atours puis d’honneur de Madame Adélaïde
Le 22 février 1771
Afin de prévenir tout départ de l’abbé qui l’éloignerait de la Dauphine, Mercy prend les devants :
« Depuis mon dernier et très-humble rapport, j’ai eu différentes occasions de rappeler à Mme la dauphine les réflexions nécessaires il la garantie des surprises qu’on aurait peut-être voulu lui faire sur le chapitre de l’abbé de Vermond, dont le zèle est fort incommode à bien des gens. S. A. R. a parfaitement compris l’importance de cet objet, et elle s’est décidée en dernier lieu à donner à cet abbé une marque authentique de bonté et de protection, qui le mettra à couvert des entreprises que l’on pouvait méditer contre lui. L’évêque d’Orléans avait destiné à cet ecclésiastique une abbaye de douze mille livres, lorsqu’il y en aurait une vacante cela est arrivé tout à l’heure, et, sur la demande que Mme la dauphine a faite au roi de cette abbaye vacante, elle a été accordée sur-le-champ à l’abbé de Vermond.»
Lettre de Mercy à Marie-Thérèse du 25 février 1771
On sent le soulagement de l’ambassadeur.
Le 25 février 1771
« Sacrée Majesté. Depuis la date de mon dernier et très humble rapport du 23 de janvier, je me suis constamment occupé des moyens de remettre sous les yeux de Madame la dauphine les objets qui exigent le plus d’attention de sa part, et, après m’être concerté avec l’abbé de Vermond, nous sommes convenus que lui de son côté, et moi du mien, nous rendrions nos instances un peu pressantes sur les points qui, dans ces derniers temps, ont paru menacer quelques inconvénients.»
Lettre de Mercy à Marie-Thérèse du 25 février 1771
Au mois de mars 1771
Mesdames interviennent avec succès, à la grande colère de Vermond, pour engager la Dauphine à répondre aux avances de Son mari et à lui ouvrir la porte de Sa chambre. Mercy ne peut tolérer longtemps que les filles du Roi se mettent ainsi au travers de ses projets.

Marie-Antoinette en tenue de chasse par Krantzinger
Le 15 mars 1771
Marie-Thérèse à Mercy :
« Pourvu que l’abbé Vermond reste ferme dans son poste, je crains moins. Je suis bien aise de la grâce que ma fille lui a procurée ; ce n’est que dans des cas extraordinaires que je serai bien aise de recevoir ses rapports.»
[…]
« J’approuve infiniment la générosité de ma fille de secourir les gens de son service dans leur indigence, mais je me doute si l’abbé. Vermont ne lui est pas quelquefois un mentor incommode, et je trouve à sa place les avertissements que vous lui donnez pour la garantir des surprises qu’on pourrait lui faire sur son chapitre.»
Le 1er avril 1771
« Je me repose donc sur vos soins de vous maintenir sur le pied où vous vous trouvez vis-à-vis de ma fille, et de ménager encore à l’abbé l’influence qui lui est tant nécessaire pour être utile à ma fille. Je ne lui parlerai pas du projet de m’envoyer le journal de ses lectures ; elle me les a envoyées de la main de l’abbé. Voilà sa lettre, qui est encore très mal écrite, et ne me dit jamais rien d’intéressant.»
Lettre de Marie-Thérèse à Mercy du 1er avril 1771
Le 16 avril 1771
« J’observerai que le caractère d’écriture de Madame la Dauphine n’est jamais si mauvais que dans ses lettres à V.M., parce qu’elle les écrit avec beaucoup de précipitation dans la crainte d’être surprise soit par M. le Dauphin, soit par Mesdames ses tantes auxquelles jusqu’à présent elle n’a voulu rien communiqué de sa correspondance avec V.M.. C’est un point sur lequel j’avais résisté dès le commencement et que S.A.R. a toujours observé strictement.»
Mercy à Marie-Thérèse
Le 11 août 1772
Sous l’influence de Sa mère et de Ses tuteurs, Marie-Antoinette se prépare à mettre un terme à cette situation, lors d’une mise en scène rigoureusement planifiée.
Madame Du Barry se rend, comme convenu, au cercle de la Dauphine : la Cour au grand complet guette les deux femmes. Mais alors que Marie-Antoinette s’approche de la favorite pour, enfin, lui adresser un mot, Madame Adélaïde (1732-1800), mise dans la confidence par la jeune Dauphine, l’en empêche en s’écriant :
« Il est temps de s’en aller ! Partons, nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire !»
Coupée dans son élan, Marie-Antoinette lui emboîte le pas, plantant là Madame Du Barry humiliée, au milieu de la Cour témoin de ce terrible affront.
Le 1er janvier 1773
Alors que la comtesse du Barry se présente au lever de la Dauphine au milieu d’une foule nombreuse, Marie-Antoinette prononce les paroles tant attendues, quelques mots restés célèbres :
« Il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles »
C’est tout.

La scène dans la série télévisée Marie-Antoinette (1975)
de Guy-André Lefranc
Je lui ai parlé une fois, mais je suis bien décidée à en rester là et cette femme n’entendra plus jamais le son de ma voix.
Elle tiendra parole ! … et écrira à Sa mère :
« C’est la plus sotte et impertinente créature qui soit imaginable »
Marie-Antoinette (1773) par François-Hubert Drouais
En 1775
Mercy achète la baronnie de Conflans-Sainte-Honorine, après la seigneurie de Neuville-sur-Oise où il s’établit.
Château de Neuville-sur-Oise
Il y fait embellir le château et installe sa maîtresse, la cantatrice Marie-Rose-Josèphe Levasseur, dite Rosalie Levasseur (1749-1826), dans le hameau de Chennevières, dépendant de Conflans. Il vient souvent lui rendre visite et un enfant adultérin naît, qu’il n’a jamais reconnu.
Muse de Gluck, rôle-titre dans l’Alceste, Armide et Iphigénie en Tauride, Rosalie chante devant la Dauphine Marie-Antoinette.
Rosalie Levasseur
A sa mort, Mercy lui léguera deux hôtels particuliers : l’un à Paris, l’autre en Allemagne ; ainsi qu’une somme d’argent importante.
« Cette somme à prendre sur des capitaux que je possède en pays étrangers, et sans m’expliquer sur la qualité de ce don, je n’en fais mention ici que pour en écarter toutes espèces de difficultés, recherches ou ambiguïtés.»
Extrait du testament de Mercy-Argenteau
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI … et Marie-Antoinette est Reine !
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.

Le 27 mai 1777
Il y a encore une petite dispute entre le frère et la sœur en présence de Mercy ; il s’agit d’une bagatelle que la Reine désire et que Joseph conteste avec beaucoup de rigidité. Cette bagatelle entraîne une autre proposition de la part de l’Empereur : s’il avait été le mari de sa sœur, il aurait su diriger Ses volontés et les faire naître dans la forme où il les aurait voulu. Le vrai sens de ce propos n’est pas compris par la Reine. Elle y voit le projet de La dominer et cela La mortifie. Mercy apporte de la gaieté dans la conversation afin d’apaiser le ton de l’échange , puis il reste seul avec la Reine pour lui expliquer les paroles de Joseph, ce qui La calme.
Le 27 mai 1777
Il y a encore une petite dispute entre le frère et la sœur en présence de Mercy ; il s’agit d’une bagatelle que la Reine désire et que Joseph conteste avec beaucoup de rigidité. Cette bagatelle entraîne une autre proposition de la part de l’Empereur : s’il avait été le mari de sa sœur, il aurait su diriger Ses volontés et les faire naître dans la forme où il les aurait voulu. Le vrai sens de ce propos n’est pas compris par la Reine. Elle y voit le projet de La dominer et cela La mortifie. Mercy apporte de la gaieté dans la conversation afin d’apaiser le ton de l’échange , puis il reste seul avec la Reine pour lui expliquer les paroles de Joseph, ce qui La calme.
Louis XVI par Joseph-Siffred Duplessis (1777)
Le chemin qu’il empruntait de Neuville à Conflans s’appelle de nos jours « rue de l’Ambassadeur ».

Image de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola

Marie-Antoinette et Mercy dans la pièce Madame Capet (1936)
En 1775
Besenval (1721-1791) et la comtesse de Brionne (1734-1815) ne tardent pas à reprendre leur ascendant sur Marie-Antoinette malgré Mercy et Vermond qui tentent vainement de s’opposer à leurs manœuvres politiques, pour le prochain retour aux affaires de Choiseul.
La comtesse de Brionne avec son amant, le duc de Choiseul, et l’abbé Barthélémy
Vermond songe sérieusement à se retirer et il faut toute l’énergie de Mercy pour l’en dissuader.
Le nec plus ultra des échanges épistolaires de Mercy résidait dans sa correspondance particulière et donc secrète avec Marie-Thérèse, Joseph II, Kaunitz. Les avis et commentaires personnels y affleuraient, de même que les indiscrétions les plus rares. L’ambassadeur était suffisamment habile pour s’adapter aux préoccupations de ses lecteurs. Alors que l’impératrice était avide de détails quant à la conduite de sa fille, il était à même de relativiser ces défauts. Lorsqu’il les évoquait à Kaunitz, en revanche, il osait avec le chancelier recourir à des jugements formulés en termes extrêmement sévères à l’égard de la reine lorsqu’il s’agissait de stigmatiser son manque de culture politique. Ses lettres à Joseph II faisaient en général l’économie des faits et gestes de la vie intime de sa sœur pour se concentrer sur les questions purement politiques. Le rusé Mercy savait toutefois jusqu’où ne pas aller trop loin lorsqu’il appréhendait les réactions trop abruptes de l’empereur quand l’attitude de Marie-Antoinette ne répondait pas à l’attente. Bien que blessé lui-même de ne pas avoir été écouté par la reine, Mercy estimait préférable qu’elle ne soit pas meurtrie dans son amour-propre par les sarcasmes de son frère. Point de gants par contre sur les mêmes sujets avec Kaunitz : le ton était résolument, voire étonnamment libre, lorsqu’il s’agissait de décoder et de critiquer ce qu’il estimait être des manquements aux intérêts de l’Autriche.
Hervé Hasquin

En 1775, Mercy achète la baronnie de Conflans-Sainte-Honorine, et la seigneurie de Neuville-sur-Oise où il s’établit. Il y fait embellir le château et installe sa maîtresse, la cantatrice Rosalie Levasseur, dans le hameau de Chennevières, dépendant de Conflans. Il vient souvent lui rendre visite et un enfant adultérin naît. Le chemin qu’il empruntait de Neuville à Conflans s’appelle de nos jours « rue de l’Ambassadeur ». A l´occasion de la vente par Bertrand de La Poeze d’Harambure Famille d’Harambure du château de Neuville sur Oise à l’Etablissement publique de la Ville Nouvelle de Cergy-Pontoise la totalité du chartrier de cette propriété fut déposé aux Archives Départementales du Val d’Oise et a fait l’objet de plusieurs publications.
En 1776

Procès de Guînes ( son secrétaire, Barthélémy Tort de la Sonde (1738-1818), a utilisé son nom pour spéculer sur les fonds publics et escroquer plusieurs banquiers parisiens), qui écrit des mémoires justificatifs que le public dévore . Sous l’influence de Son cercle d’amis, Marie-Antoinette intervient pour étouffer l’affaire. L’ambassadeur Lui en sera éternellement reconnaissant et Lui devra son titre de duc.
Lors de cette affaire de Guînes, Mercy et Vermond s’estiment encore heureux de pouvoir s’entretenir régulièrement avec Marie-Antoinette. Prévoyant les conséquences fâcheuses ils essaient vainement de Lui suggérer quelques moyens de sauver les apparences.

En 1776
Son ami, le banquier Laborde (1724-1794) arrive à le convaincre d’acheter des domaines et de se lancer dans la plantation de canne à sucre et la production de sucre blanc. Mercy est à la tête d’une fortune conséquente depuis qu’il a vendu des propriétés qu’il avait en Hongrie.
Mercy se décide donc à suivre l’exemple de son ami, le banquier Laborde, déjà propriétaire à Saint-Domingue. Il se porte acquéreur d’une plantation. Les propriétés de Mercy, contigües à celles de Laborde, sont situées dans la plaines des Cayes, au sud de l’île, dans le canton dit de «la plaine à Jacob » ou encore le fond de l’île à Vaches, en face de l’île du même nom.

L’acquisition se fait le 5 avril 1776
Elle comprend deux concessions :
– l’une de cent carreaux accordée le 18 juillet 1720 par le marquis de Sorel à Bonnaventure Binard Laborde
– l’autre de soixante-six carreaux accordée au même le 9 mai 1721.
La plus grande partie des surfaces était occupée par la culture de la canne à sucre, mais il était indispensable de consacrer des terres aux cultures vivrières destinées à l’alimentation des esclaves .
Le «mobilier» comprend une centaine de têtes :
dont 50 nègres, 39 négresses, 2 négrillons et 9 négrittes plus 45 mulets et 36 bêtes à cornes.

Mercy dans le film de Sofia Coppola (2006)
En 1777
Le mobilier est porté à 173 têtes : dont 88 nègres, 65 négresses, 5 négrillons et 15 négrittes …
Le 18 avril 1777
Visite de Joseph II en France. Il voyage en Europe sous le nom de comte de Falkenstein. A la requête de l’Impératrice , il rend visite à sa sœur pour tenter de comprendre la stérilité du couple royal. Il fait très bonne impression sur Marie-Antoinette et Louis XVI ainsi que sur l’entourage par l’intérêt qu’il témoigne à la culture française.

Joseph II par Joseph Hickel
L’Empereur arrive à sept heure et demie du soir au Petit-Luxembourg, où il loge chez le comte de Mercy, pendant son séjour à Paris.

Le 22 avril 1777
Le matin
La Reine redoute de laisser Son frère en tête à tête avec Son mari. Marie-Antoinette conduit Son frère à Trianon. ils y dînent sans autre suite que celle de madame de Mailly, dame d’atours et de madame de Duras, dame du palais.
Après le dîner
L’Empereur et la Reine se promènent seuls dans les jardins où ils ont une longue conversation. Joseph y aborde les négligences (supposées) de sa sœur à l’endroit du Roi, Son époux. Elle lui fait des aveux plus étendus sur Louis XVI et ses entours ; Elle convient des raisons de l’Empereur, en mettant cette restriction qu’il viendra un temps où Elle suivra de si bons avis.

Le 27 avril 1777
Mercy, sortant de la maladie, se rend dans l’appartement de l’Empereur auquel il expose les points qui concernent le voyage de Joseph II :
- les motifs sur lesquels se fonde l’ascendant de la Reine sur Son époux. Il fait savoir que celui-ci se glorifie des charmes et des qualités de la Reine qu’il aime autant qu’il est capable d’aimer, mais qu’il La craint au moins autant qu’il L’aime, ce dont il cite des preuves.
- Il analyse les vrais sentiments de la Reine pour le Roi, observe qu’Elle le néglige trop et l’intimide souvent.
- Il prouve que les princes de la maison de Bourbon ne se sont tenus que par l’habitude, et surtout par celle qui les accoutume à parler d’affaires…
- Nécessité pour la Reine de songer avec le temps de former un ministère qui Lui soit dévoué…
- Il parle des fantaisies de la Reine, de Son goût pour les diamants, de Ses dettes, de la complaisance du Roi en facilitant les moyens de les payer…
- Il s’étend enfin beaucoup sur la passion du jeu et ses conséquences.
Le 29 avril 1777
Joseph se rend à Versailles, où il reste le soir. Ce n’est que deux semaines après son arrivée, que la Reine se résout à le laisser seul avec Son mari. Le Roi parle naturellement de sa position dans l’état de mariage, et avoue que jusqu’à présent ses forces physiques ne sont pas développées, mais qu’il s’aperçoit de leurs progrès journaliers ( ce qui implique des rapports quotidiens…) et qu’il espère d’avoir bientôt des enfants. L’Empereur se borne à le confirmer dans cet espoir et ne lui fait aucune autre question sur cette matière, la Reine ne lui en ayant rien laissé ignorer. Le Roi parle ensuite de quelques objets de gouvernement intérieur. Il reste vague ; l’Empereur ne veut l’embarrasser ni lui sembler trop curieux, il s’en tient à l’écouter et à ne parler que de manière à entretenir la conversation.
Le 13 mai 1777
Dîner à Trianon offert à Joseph II, souper et spectacle.
Le 27 mai 1777
Il y a encore une petite dispute entre le frère et la sœur en présence de Mercy ; il s’agit d’une bagatelle que la Reine désire et que Joseph conteste avec beaucoup de rigidité. Cette bagatelle entraîne une autre proposition de la part de l’Empereur : s’il avait été le mari de sa sœur, il aurait su diriger Ses volontés et les faire naître dans la forme où il les aurait voulu. Le vrai sens de ce propos n’est pas compris par la Reine. Elle y voit le projet de La dominer et cela La mortifie. Mercy apporte de la gaieté dans la conversation afin d’apaiser le ton de l’échange , puis il reste seul avec la Reine pour lui expliquer les paroles de Joseph, ce qui La calme.

Mercy dans Marie-Antoinette à Versailles (1979) de Blue Peter
Le 31 mai 1777
Départ de Joseph II de Versailles.
Le 31 janvier 1778
« A huit heure du soir arriva sur l’habitation de M. l’ambassadeur une personne portant uniforme d’officier de troupe, avec un large cordon vert de droit à gauche sans croix au bout et à la boutonnière un ruban liseré également sans croix. Cet officier était accompagné d’une dame habillée en homme pour la commodité du voyage , tous deux dans une chaise, ayant pour suite un domestique indien et une femme de chambre mulâtresse ».
Il dit être Jean Ferdinand comte de Mercy-Argenteau, chevalier de l’ordre de Marie Thérèse, seigneur de Wasberg Constantin en Hainaut et autres lieux, colonel d’infanterie au service de l’empire et neveu de l’ambassadeur . Il était « de petite taille d’environ cinq pieds mais bien faite, âgée d’environ vingt huit à trente ans, d’un maintien très honnête, blond, les yeux bleus, très marqué par la petit vérole, ce qui ne lui donne cependant pas une figure désagréable».
Il est reçu comme un prince, comme neveu de son Excellence… En retour de quoi, il donne plusieurs fêtes, aux frais de son oncle, entre autre un dîner de trente personnes à Madame la comtesse de Pardaillant. Il fait des cadeaux aux uns et aux autres : une boîte en or à portrait d’une valeur de 400 à 500 livres à Marie Etienne et une traite de 2.000 livres à Louis Jérôme à titre de remerciements, plus le cabriolet et les trois chevaux avec lesquels il est venu, en piteux état.
Le 10 mars 1778
Parvenu à ses fins, l’escroc- faux neveu quitte Saint Domingue sans encombre, il s’embarque avec sa troupe sur le navire marseillais, l’Hirondelle et disparaît.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant sera surnommée «Mousseline» par la Reine.

Fin mars 1779
Il fait partie de Sa société rapprochée. Avec le comte d’Esterházy et les ducs de Coigny et de Guînes, il La veille à Trianon lors de Sa rougeole.
Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)
Des hommes en tant que garde-malades étaient alors indispensables puisque la rougeole pouvait entraîner de graves conséquences sur les dames potentiellement enceintes. Les moyens de contraception n’existaient pas encore et donc toutes ses dames du palais en âge de procréer pouvaient être enceintes. De plus, dans ces situations de maladies contagieuses à risque pour les femmes, Marie Leszczynska agissait de même et personne ne trouvait rien à redire…
Toujours secondé par Vermond, Mercy suggère alors à Marie-Antoinette d’écrire quelque petit billet à Son mari.
« La proposition en fut d’abord reçue et rejetée avec une aigreur extrême.»
Vermond insiste longuement pour parvenir à ce que la Reine se borne à lui écrire «qu’elle a beaucoup souffert, mais que ce qui la contrari(e) le plus (est) de se voir privée encore pour plusieurs jours du plaisir de voir le roi« .

L’Abbé Complaisant de Joseph Caraud peut faire songer à
Marie-Antoinette au Petit Trianon en compagnie de l’abbé de Vermond
Louis XVI est «enchanté » de ce message et Lui répond aussitôt. Une correspondance quotidienne s’engage entre les époux ce qui « f(a)it sensation dans Versailles et dès ce moment les propos se calmèrent« .
« Paris, 17 janvier 1780
Depuis la fin du mois dernier, la Cour est devenue presque journellement plus nombreuse à Versailles. Il y avait eu peu de monde aux deux premiers bals chez la Reine, particulièrement très peu de femmes dansantes. Le nombre s’en est multiplié au troisième bal, qui a été fort brillant, ainsi que le seront sans doute ceux qui suivront.
Les bontés que la Reine daigne marquer à un chacun doivent ajouter à l’empressement de lui faire la cour.
Sa Majesté, après quelques réflexions sur le passé, a cru devoir s’occuper sérieusement et avec suite des moyens de rendre à Versailles son ancien lustre, et il ne tardera pas à y être établi, si la Reine persiste dans la pratique des principes qu’elle semble avoir adoptés.(…)
Je me suis permis d’exposer cette remarque et d’y en ajouter une autre qui n’est pas moins essentielle pour rendre constamment la Cour nombreuse : ce serait de bannir pour jamais le gros jeu de chez la reine. Beaucoup de personnes des deux sexes craignent de se trouver au cercle, et de devoir y courir les hasards d’un jeu trop au-dessus de leurs facultés. Cet inconvénient est sans contredit un de ceux qui ont éloigné le plus de monde de Versailles, et comme la reine en est maintenant persuadée, il y a apparence que la réforme du jeu sera plus solidement décidée . »
Mercy-d’Argenteau à l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche
Vers 1779
Mercy achète dans la capitale française l’hôtel de Mercy-Argenteau, 16 boulevard de Montmartre dans le neuvième arrondissement de Paris.

Façade de l’hôtel Mercy-Argenteau

Plan de l’hôtel Mercy-Argenteau
Cet hôtel particulier a été construit en 1778 par l’architecte Firmin Perlin (1747-1783) pour son ami, le banquier Jean-Joseph de Laborde (1724-1794) qui le revend aussitôt au comte de Mercy-Argenteau, qui lui a donné son nom. C’est l’une des premières maisons bâties sur le boulevard, et l’une des très rares conservées, avec l’hôtel de Montholon ( dans le deuxième arrondissement) construit par François Soufflot le Romain.
Escalier de l’hôtel Mercy-Argenteau

Le salon Louis XVI

L’hôtel comporte à l’origine deux étages. Il dispose d’un vestibule monumental, un escalier d’honneur éclairé par un lanterneau et, au bel étage, un salon de style Louis XVI orné de colonnes d’ordre corinthien ainsi que d’une salle des fêtes.
La salle des fêtes de l’hôtel Mercy-Argengteau



Verrière de la salle des fêtes

Mercy est agacé par l’investissement que Marie-Antoinette a dans la maternité : Elle prend en charge l’éducation de Madame Royale et tient tant à la garder près d’Elle le plus clair de Son temps que l’ambassadeur se plaint de se trouver dans l’impossibilité d’aborder avec Elle la moindre question sérieuse sans être interrompu par les «petits incidents des jeux de l’enfant royal» qui viennent se rajouter au manque d’attention dont Marie-Antoinette a toujours fait preuve selon lui :
« Elle écoute à peine ce qu’on Lui dit et le comprend encore moins.»


Pièce de l’hôtel Mercy-Argenteau dans laquelle j’avais cours en 2000-2001, à Esmod
Le 29 novembre 1780
Mort de l’Impératrice Marie-Thérèse après une courte maladie. Ayant appris la nouvelle avant sa femme, Louis XVI charge l’abbé de Vermond de La prévenir avec le plus de ménagement possible.
Lorsque l’abbé est acquitté de sa pénible tâche, le Roi rejoint Marie-Antoinette et trouve les mots qui conviennent pour apaiser Son immense douleur.

C’est pour Marie-Antoinette, «le plus affreux malheur».
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François (1781-1789), premier Dauphin.

Le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, Dauphin en 1789 et déclaré Roi de France en 1793 par les princes émigrés sous le nom de Louis XVII.

Louis-Charles, duc de Normandie par Élisabeth Vigée Le Brun
Le 1er août 1785
Le bijoutier Böhmer se rend chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Madame Campan, et évoque l’affaire qui l’amène avec elle: il s’agit de l’achat du collier qu’il avait réalisé avec son associé Bassenge, pour Madame du Barry, mais Louis XV étant mort, le bijou leur est resté sur les bras. Par l’entremise d’une aventurière, Jeanne de La Motte (1756-1791), la vente semblait possible car cette descendante d’un bâtard d’Henri II a approché le cardinal de Rohan, désolé d’être en disgrâce vis à vis de la Reine depuis Son arrivée en France. La comtesse de La Motte lui fait penser qu’en aidant Marie-Antoinette à acquérir cette parure, il pourrait espérer devenir ministre …

LE collier qui valait 1 600 000 livres
Henriette tombe des nues et va immédiatement rapporter à la Reine son entretien avec Böhmer. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, fait appeler l’abbé de Vermond et le baron de Breteuil (1730-1807), ministre de la Maison du Roi, afin de tirer les choses au clair.
Le 2 août 1785
Le banquier français, Claude Baudard de Saint-James (1738-1787) rencontre l’abbé de Vermond et lui apprend que le cardinal de Rohan avait l’intention d’emprunter 700 000 livres au nom de la Reine. Etant donné l’importance de la somme, il est prêt à avancer, mais il veut des ordres précis et directs.
De plus en plus scandalisée, Marie-Antoinette presse Vermond et Breteuil de faire éclater l’affaire au grand jour.
Marie-Antoinette reçoit les joailliers venus pour La remercier d’avoir acheté leur fabuleux collier par l’intermédiaire du cardinal de Rohan. Épouvantée par une telle révélation, la Reine ne peut articuler un seul mot. C’est l’abbé de Vermond, présent à cet entretien qui leur demande «comment le cardinal s’y est pris pour faire cette acquisition».
Le 14 août 1785
Après de longues concertations avec l’abbé et le ministre, il est décidé que ce dernier en parle au Roi, veille de l’Assomption, jour de fête de la Reine.
Le 15 août 1785
Alors que le cardinal — qui est également grand-aumônier de France — s’apprête à célébrer en grande pompe la messe de l’Assomption dans la chapelle du château de Versailles, il est convoqué dans les appartements du Roi en présence de la Reine, du garde des sceaux Miromesnil et du ministre de la Maison du Roi, Breteuil.

Louis-Auguste de Breteuil,ministre de la Maison du Roi, par Ménageot
Il se voit sommé d’expliquer le dossier constitué contre lui. Le prélat comprend qu’il a été berné depuis le début par la comtesse de La Motte. Il envoie chercher les lettres de la « Reine ». Le Roi réagit :
« Comment un prince de la maison de Rohan, grand-aumônier de France, a-t-il pu croire un instant à des lettres signées Marie-Antoinette de France ! ».
La Reine ajoute :
« Et comment avez-vous pu croire que moi, qui ne vous ai pas adressé la parole depuis quinze ans, j’aurais pu m’adresser à vous pour une affaire de cette nature ? ».
Le cardinal tente de s’expliquer.

La scène dans Si Versailles m’était conté (1953) de Sacha Guitry
« Mon cousin, je vous préviens que vous allez être arrêté. », lui dit le Roi. Le cardinal supplie le Roi de lui épargner cette humiliation, il invoque la dignité de l’Église, le souvenir de sa cousine la comtesse de Marsan qui a élevé Louis XVI. Le Roi se retourne vers le cardinal :
« Je fais ce que je dois, et comme Roi, et comme mari. Sortez. »
Au sortir des appartement du Roi, il est arrêté dans la Galerie des Glaces au milieu des courtisans médusés.
Le 31 mai 1786
La prétendue comtesse de La Motte, elle, est condamnée à la prison à perpétuité à la Salpêtrière, après avoir été fouettée et marquée au fer rouge sur les deux épaules du « V » de « voleuse » (elle se débattra tant que l’un des « V » sera finalement appliqué sur son sein).

Madame de La Motte qui a nié toute implication dans l’affaire, reconnaissant seulement être la maîtresse du cardinal, est parvenue à s’évader de la Salpêtrière. Elle s’enfuit à Londres…
Le 9 juillet 1786
Marie-Antoinette met au monde Son dernier enfant, une petite fille qui reçoit les prénoms de Marie-Sophie-Hélène-Béatrix, couramment appelée Sophie-Béatrix ou la Petite Madame Sophie.

Madame Sophie par Elisabeth Vigée Le Brun
Mercy écrit à Joseph II à propos de la naissance :
« La reine m’a appelé pour venir chez elle quelques heures après l’accouchement, pour me dire que ne pouvant pas écrire elle-même, elle voulait que je rende compte comme témoin oculaire du bon état dans lequel elle se trouve ; depuis ce moment, la reine n’a pas éprouvé le moindre inconvénient, pas même la fièvre de lait. La princesse qui vient de naître est d’une taille et d’une force extraordinaires… Votre Majesté a toutes les raisons d’être entièrement à l’aise sur la condition de son auguste sœur et sur celle de la jeune famille royale.»
En avril 1787
La duchesse Polignac (1749-1793) et le comte de Vaudreuil (1740-1817) passent deux mois en Angleterre dont six semaines à Bath. Ils semblent également missionnés d’aller trouver Madame de La Motte (1756-1791) à Londres pour calmer les bruits qu’elle y fait courir contre Marie-Antoinette. Il est faux que Madame de La Motte ait en son pouvoir des lettres qui puissent compromettre la Reine, «mais toute calomnie répandue contre (Elle) exerce sur les esprits prévenus plus d’empire que la vérité».
Evelyne Lever parle des mystérieux voyages de l’abbé de Vermond et des Polignac comme si l’abbé était missionné du même rôle qu’eux.
Le 1er mai 1787
Étienne-Charles de Loménie de Brienne (1727-1794) s’impose comme principal ministre d’Etat grâce à l’appui de Marie-Antoinette.
Une fois au pouvoir, il met fin aux grandes spéculations boursières, puis réussit à faire enregistrer par le parlement de Paris des décrets établissant le libre-échange à l’intérieur du pays et prévoyant l’instauration d’assemblées provinciales ainsi que le rachat des corvées. Lorsque les parlementaires refusent d’enregistrer les décrets qu’il propose d’appliquer au droit de timbre et au nouvel impôt foncier général, il persuade Louis XVI de tenir un lit de justice pour les y contraindre.
Le 19 juin 1787
La petite Sophie décède sans doute atteinte d’une tuberculose pulmonaire. La cause de son trépas est un peu mystérieuse mais il semble s’agir d’une grave infection pulmonaire. Ce décès provoque le retour précipité des Polignac et de l’abbé de Vermond.
En mai 1789
Jeanne de La motte, qui avait été payée pour ne pas écrire ses «souvenirs» publie ses mémoires complétés par la prétendue correspondance échangée entre la Reine et le cardinal…
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.

Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume
Tableau de Jacques-Louis David
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.


Le 16 juillet 1789
Départ en exil des Polignac, du comte d’Artois et de l’abbé de Vermond.

Image de Marie-Antoinette, Reine d’Un seul Amour (1988) de Caroline Huppert
Mercy-Argenteau s’absente davantage de Paris et devient représentant de l’Empereur Joseph II (1741-1790)à Bruxelles dans les Pays-Bas autrichiens.
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
La Nuit du 4 août 1789, gravure de Isidore Stanislas Helman (BN)
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le 5 octobre 1789
Des milliers de femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Gabriel Dufay est Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti (2011)
La famille royale est ramenée de force à Paris.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

Le 10 octobre 1789
« Je n’ai reçu, qu’aujourd’hui, Monsieur, votre lettre du 6. Je conçois toutes vos inquiétudes, ne doutant pas de votre parfait attachement.
J’espère que vous avez reçu ma lettre de mercredi, qui vous aura un peu rassuré.Je me porte bien malgré toutes les méchancetés qu’on ne cesse de me faire, j’espère pourtant ramener la partie saine et honnête de la bourgeoisie et du peuple.
Malheureusement, quoiqu’en assez grand nombre, ils ne sont pas les plus forts mais, avec de la douceur et une patience à toute épreuve, il faut espérer qu’au moins nous parviendrons à détruire l’horrible méfiance qui existait dans toutes les têtes, et qui a toujours entraîné dans les abîmes où nous sommes.Vous écrirez à l’empereur pour moi : je crois qu’il est plus prudent que je ne lui écrive pas en ce moment, même pour lui mander seulement que je me porte bien.
L’Assemblée va venir ici, mais on dit qu’il y aura à peine six cents députés. Pourvu que ceux qui sont partis calment les provinces, au lieu de les animer sur cet événement-ci, car tout est préférable aux horreurs d’une guerre civile.J’ai été bien aise que vous ayez pu vous sauver de Versailles. Jamais on ne pourra croire ce qui s’est passé dans les dernières vingt-quatre heures.
On aura beau dire, rien ne sera exagéré, et, au contraire, tout sera au dessous de ce que nous avons éprouvé.Vous ferez bien de ne pas venir de quelque temps ici, cela inquiéterait encore. Au reste je ne peux voir personne chez moi : je n’ai que ma petite chambre en haut. Ma fille couche dans mon cabinet à côté de moi, et mon fils dans ma grand-chambre.
Marie-Antoinette à Mercy
Quoique cela soit gênant, j’aime mieux qu’ils soient près de moi, et au moins ne me soupçonnera-t-on pas de voir du monde chez moi.
Adieu, Monsieur. Plus je suis malheureuse, et plus je sens que je suis tendrement attaché à mes véritables amis, et il y a longtemps que je me plais à vous compter de ce nombre.»
Le 20 février 1790
La mort à Vienne de Joseph II constitue une perte affective et politique pour Marie-Antoinette.
Avènement de son frère Léopold II.
Le 3 juillet 1790
Dans les jardins du château de Saint-Cloud, Marie-Antoinette rencontre le marquis de Mirabeau qui Lui expose son plan pour sauver la monarchie.

L’entrevue de Saint-Cloud, dans les Années Lumières (1989),
avec Peter Ustinov en Mirabeau et Jane Seymour qui est Marie-Antoinette
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Jean-François Balmer est Louis XVI dans Les Années Lumières de Robert Enrico (1989)
Le 9 octobre 1790
Mercy quitte définitivement Paris : Léopold II (1747-1792) lui confie une mission importante à La Haye.

Léopold II
Le comte de La Marck et Mirabeau (qui ont besoin de lui pour les négociations avec la Cour) sont dépités, de même que Marie-Antoinette qui l’exprime ainsi à Son frère :
« M. de Mercy va partir. J’avoue qu’il faut que je pense que ce voyage est utile à votre service pour me consoler de son départ. Son attachement et sa sagesse m’étaient bien utiles.»
Marie-Antoinette à Léopold II, le 3 octobre 1790
Madame de Tourzel rapporte le contenu d’une conversation entre elle, la Reine et la princesse de Tarente lors d’une promenade à Saint-Cloud:
« J’avais quatorze ans, dit Marie-Antoinette, j’aimais, je respectais ma mère ; je mis ma confiance dans Monsieur de Mercy ; je le regardais comme un père, et j’ai la douleur de voir combien j’ai été trompée, par le peu de part qu’il prend aujourd’hui à ma triste situation.»
Le 2 avril 1791
Décès de Mirabeau

Mirabeau par Joseph Boze
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.

Le 21 juin 1791
Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Chez l’épicier Sauce à Varennes, par Prieur
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le Roi est suspendu.
Daté du 26 mars 1792
A l’attention du comte de Mercy-Argenteau, écrit en lettres chiffrées, dans lequel Marie-Antoinette communique :
« M. Dumouriez, ne doutant plus de l’accord des puissances par la marche des troupes, a le projet de commencer ici, le premier, par une attaque de Savoye et une autre par le pays de Liège.
Source : Marie-Antoinette, Correspondance (1770-1793), Evelyne Lever, Tallandier.
C’est l’armée de La Fayette qui doit servir à cette dernière attaque. Voilà le résultat du Conseil d’hier.
Il est bon de connaître ce projet pour se tenir sur ses gardes et prendre toutes les mesures convenables. Selon les apparences, cela (se) fera promptement.»
Le 29 mai 1792
Décret supprimant la garde constitutionnelle du Roi.
Le 20 juin 1792

Escalier monumental des Tuileries (avant sa destruction)

Le peuple de Paris pénétrant dans le palais des Tuileries le 20 juin 1792 par Jan Bulthuis, vers 1800
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.
Le 11 juillet 1792
«La patrie en danger».
Le 25 juillet 1792
Signature du manifeste de Brunswick, une mise en demeure de la France, sommée de respecter la famille royale. Les Parisiens sont outrés par le ton belliqueux du texte lorsqu’il est connu en France quelques jours plus tard.
Le 10 août 1792

Sac des Tuileries.
Le Roi est suspendu de ses fonctions.
![“Still kept on the box at the Assembly, we witnessed the horrors of all kinds which there took place. Sometimes they assailed my father and all his family with [the basest and most atrocious] insults, triumphing over him with cruel joy; sometimes...](https://66.media.tumblr.com/a41fee59ad7183d38600ea70b78c98a7/tumblr_oui0yeJJad1qatfdco1_500.png)
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles: quatre pièces du couvent seulement leur étaient dédiées… pendant trois jours.

La Tour du Temple
Le 20 septembre 1792
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 6 novembre 1792
Victoire de Jemappes.
Le 14 novembre 1792
Les troupe françaises entrent à Bruxelles.
Le 11 décembre 1792
Début du procès de Louis XVI.

Le 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI.

Le 29 janvier 1793
« Faute de n’avoir pas cru possible l’assassinat du roi de France, peut-être n’a-t-on pas fait ce qui était faisable pour prévenir cette horreur. Tâchons du moins qu’il n’en arrive pas de même à l’égard de cette infortunée reine, qui doit devenir maintenant le constant objet de notre sollicitude.
Mercy au prince d’Aremberg, comte de La Marck
J’ai exposé mes idées à ce sujet avec toute l’énergie dont je suis capable.»
Le 3 juillet 1793
Louis-Charles, Louis XVII, est enlevé à sa mère et confié au cordonnier Antoine Simon (1736-1794).
Dans la nuit du 2 au 3 août 1793
Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.
Le 17 septembre 1793
« Les circonstances relatives à la Reine de France se sont aggravées au point de donner lieu aux inquiétudes les plus cruelles et les plus fondées.
Dans de telles circonstances, sur lesquelles toute l’Europe a les yeux, est-il de la dignité, ou même de l’intérêt de S.M l’Empereur, de voir le sort dont son auguste tante est menacée à ce point, sans rien hasarder pour l’arracher ou la soustraire à ses bourreaux ?
Je sais l’impossibilité qu’il y aurait de prendre à cet égard des mesures politiques communes à toutes les puissances ; mais le chef de l’auguste Maison d’Autriche, le neveu de l’auguste fille de Marie-Thérèse, destinée à monter sur l’échafaud de son époux, n’a-t-il pas des soins particuliers à remplir que la politique ne saurait condamner, et qui ne contrarient même point la politique ?
Mercy au baron de Thugut, ministre des Affaires étrangères autrichien qui a remplacé Kaunitz
Ne convient-il pas qu’il soit prouvé à la postérité que, la Reine étant menacée au point où elle est, S.M l’Empereur a fait quelque démarche d’éclat pour la sauver ?»
Le 13 octobre 1793
« Je tremble pour la reine ; j’en ai écrit hier à Vienne en traits de feu !»
Mercy au prince d’Aremberg
Le 14 octobre 1793
Marie-Antoinette comparaît devant le président Herman.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette, place de la Révolution .

En 1794
Mercy est nommé au poste de représentant de l’Empereur François Ier (à Londres.
En février 1794
Florimond-Claude de Mercy-Argenteau décide d’adopter son petit neveu le comte François-Joseph d’Argenteau (1780-1869) afin de lui transmettre son nom et ses biens.
C’est ainsi que la branche d’Argenteau d’Ochain deviendra «Mercy-Argenteau» …
Le 18 avril 1794
Son ami, le banquier Laborde (1724-1794) est exécuté.

Jean-Joseph de Laborde
En 1789 Laborde s’était montré favorable aux idées révolutionnaires, prônant une monarchie constitutionnelle. Quand la Terreur est mise à l’ordre du jour et que ses amis lui conseillent de partir, il refuse de quitter la France, car il ne voit pas ce que l’on peut lui reprocher, n’ayant « jamais fait de mal à personne ». A l’automne 1793 il décide finalement de s’enfuir, mais, dénoncé, il est arrêté en novembre.
Le 27 juin 1794
Décès de son ami Wenceslas de Kaunitz (1711-1794), membre du conseil aulique du Saint-Empire Romain.

Le comte de Kaunitz
En août 1794
Mais Mercy, déjà épuisé moralement par les morts de Marie-Antoinette, Laborde et Kaunitz, supporte mal la traversée de la Manche.
Le 25 août 1794
Décès de Florimond-Claude, comte de Mercy-d’Argenteau à Londres.

Le 12 septembre 1794
« Il n’est plus douteux que M. le comte de Mercy a fini sa carrière .
Journal du marquis de Bombelles
(…) Peut-être que, s’il ne fût pas né, le roi de France Louis XVI serait encore sur un trône bien affermi.
M. le comte de Mercy a donné bien souvent de mauvais conseils. J’aime à penser qu’ils tenaient à l’insuffisance de ses vues, et que sa médiocrité n’était pas le masque de la perfidie (…).
Je ne crois pas que, sous aucun rapport, les Français attachés aux principes de la pure monarchie aient à regretter que M. de Mercy n’ait pas pu entrer en négociations avec M. Pitt. »