
Non ! Il ne s’agit pas d’un portrait d’Ernestine qu’on aurait tiré de derrière les fagots,
mais ces jeunes filles qu’on situerait vers 1785, pourraient ressembler à Ernestine Lambriquet et
Madame Royale aux côtés de laquelle elle fut élevée.(collection particulière)
Naissance de Marie-Philippine Lambriquet, fille de Jacques Lambriquet et de Marie-Philippine Noirot.
Jacques Lambriquet s’était installé à Versailles en 1771 et avait acquis du sieur de Coville (probablement un parent de sa mère), le 1er avril 1771 de cette même année un «parchemin de survivance» de garçon de chambre de Monsieur, frère du Roi. Plus tard, Jacques quittera la maison de Monsieur pour celle de Madame Élisabeth, «excédé par les exigences» de Monsieur…
A Versailles, Il épouse Marie-Philippine Noirot, fille de Jean Noirot et Marie-Philippine Godefroy, qui travaille au château : elle est femme de chambre de Marie Thérèse Charlotte, dite Madame Royale.
Ils auront plusieurs enfants:
Louise-Catherine, née à Versailles le 22 mai 1776 et baptisée le 8 décembre 1777, elle a pour parrain Monsieur et pour marraine Madame , sa femme. Elle est inhumée le 7 juin 1778.
Marie-Philippine, née à Versailles le 31 juillet 1778, baptisée le 1er août
Emilie-Marie, née à Versailles le 15 avril 1780 et y inhumée le 9 juin 1781
Augustin-Louis, né à Versailles le 13 novembre 1781

Le premier août 1778
Baptême de Marie-Philippine.
« Comme l’avait voulu la reine, les sous gouvernantes reçurent (Ernestine) et son éducation fut soignée comme dans le palais même du Roi. Mais, après la mort de la généreuse princesse qui voulait être appelée sa mère, elle quitta cet asile. Elle fut réclamée, m’a-t-on dit, par sa mère à qui en effet on ne pouvait guère la refuser. Elle entra dans la boutique d’une lingère de la rue Saint-Denis, où je la crois encore aujourd’hui.»
Montjoye
Le 19 décembre 1778
Marie-Antoinette accouche de Son premier enfant, Marie-Thérèse Charlotte, qu’on appellera Madame Royale …

Images de Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Marie-Philippine est choisie par Marie-Antoinette comme camarade de jeux pour Sa fille aînée qui a quelques mois de moins qu’elle.

On les élève comme deux jumelles, en toutes circonstances, Ernestine est aux côtés de Marie-Thérèse et bénéficie du même train de vie et des mêmes dépenses (pension, robes, appartement, éducation) que la princesse.

Images du Versailles Secret de Marie-Antoinette

Scène illustrant l’aumône enseignée à Madame Royale par Marie-Antoinette
Le 30 avril 1788
Marie-Philippine Noirot, sa mère, meurt à Versailles et est inhumée le lendemain.
Le 26 juin 1788
Un inventaire après décès de Marie-Philippine Noirot épouse Lambriquet est établi par acte notarié chez Maître Fourchy, notaire à Paris, et par Maître Poiret, huissier. Dans cet acte les héritiers mineurs sont Marie-Philippine et Augustin Louis Lambriquet.

Le 9 novembre 1788
Une pension de 1200 livres est octroyée à Marie-Philippine alias Ernestine avec effet du 1er avril en considération des services rendues par sa mère qui était femme de chambre de Madame Royale.
Marie-Antoinette adopte Marie-Philippine Lambriquet qu’Elle rebaptise Ernestine.
Ernestine est alors âgée de dix ans.
Une adoption exceptionnelle puisque Ernestine n’est pas orpheline de ses deux parents comme les autres enfants adoptés par la Reine. Le petit Louis-Augustin, lui, n’est pas adopté.
Ernestine est installée chez Madame de Polignac. Elle est traitée exactement comme Madame Royale, Marie-Thérèse-Charlotte, la fille du Roi, reçoit les mêmes fournitures…, toute dépenses consignées sur le Registre des Enfants de France, réservé aux enfants du Roi. Les deux enfants ont le même âge,
Toutes ces circonstances, ajoutées aux nombreuses pensions dont bénéficie Jacques Lambriquet, feront supposer que le vrai père d’Ernestine n’est autre que Louis XVI lui-même…

L’hypothèse selon laquelle Ernestine Lambriquet serait la fille de Louis XVI et de Marie-Philippine Lambriquet, choisie pour « tester » le bon résultat de l’opération du phimosis du roi, se heurte à un obstacle de taille : contrairement à une légende tenace, Louis XVI n’a jamais été opéré d’un phimosis, pour la bonne raison qu’il n’en était pas atteint. Simone Bertière a définitivement prouvé le fait dans son Marie-Antoinette, l’insoumise. Le pieux Louis XVI n’avait donc aucune raison d’entreprendre une brève relation extra-conjugale hygiénique de ce genre, ni de donner naissance à une quelconque fille naturelle.
D’autant plus que le problème de phimosis concerne effectivement un petit-fils de Louis XV, mais pas notre Louis XVI : son cousin et beau-frère l’Infant Ferdinand de Parme (1752-1802), époux de Marie-Amélie d’Autriche (1746-1804), sœur de Marie-Antoinette.


Cette gravure aurait été réalisée avant la mort du premier Dauphin en 1789.
Dans son livre Louis XVII, Hélène Becquet écrit qu’elle croit qu’il s’agit d’une gravure rare qui représente Ernestine,
ce serait la jeune fille à droite, à côté de Marie Thérèse.
Le 5 octobre 1789
Des milliers de femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Ernestine qui loge avec Madame Royale est probablement emportée par les événements… Rejoint-elle toute la famille royale réfugiée dans la chambre d’apparat du Roi ?

La famille royale est ramenée de force à Paris.

Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
Les Tuileries
La famille royale s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place. Ernestine Lambriquet est aussi installée aux Tuileries. Son appartement aux Tuileries est très proche de celui de Madame Royale.
En 1790
Un recensement a lieu à Versailles : au 90 de la Rue Royale paroisse Saint-Louis habitent Monsieur Lambriquet, garçon de Chambre de Monsieur, avec deux enfants encore à sa charge et deux domestiques.

Marie-Antoinette entourée de Marie-Thérèse et Louis-Charles dans les jardins de Saint-Cloud
par François Dumont

Ce tableau ne représente pas Ernestine Lambriquet ni Madame Royale, mais les jeunes filles
de ce tableau d’une collection particulière font penser à ce que devait figurer ce duo contraint …
Ernestine passe les premiers temps de la Révolution aux côtés de la famille royale.
Elle fait sa communion avec Marie-Thérèse en 1790.
Le 20 juin 1791
Pendant l’épisode qui s’achève à Varennes, il semble qu’elle se soit réfugiée au couvent Sainte Marie, rue du faubourg Saint-Jacques, avec Madame de Mackau.

Couvent de la Visitation, rue du faubourg Saint-Jacques
Après Varennes, Ernestine revient aux Tuileries. Elle est dotée de quelques actions sur le Trésor.
En 1792
Un recensement plus complet a lieu à Versailles : on y apprend qu’au 90 de la rue Royale sur la paroisse Saint-Louis habitent Jacques Lambriquet, cinquante-deux ans, natif d’Alquines, habitant Versailles, depuis vingt-cinq ans garçon de la Chambre de frère du Roi, Auguste Louis, son fils, âgé de dix ans, sa fille Marie-Philippine, âgée de treize ans, Marie-Jeanne Cauville, tante de Jacques Lambriquet, âgée de soixante-seize ans, d’Alquines ( dans le Pas-de-Calais) depuis quatre ans, à Versailles, et Elisabeth Marie Gallet, vingt ans, de Vernaux, depuis deux ans et demi.
Le 10 août 1792

La famille royale juste avant le départ des Tuileries : à l’arrière-plan on devine le combat des soldats contre les émeutiers…
Assaut des Tuileries
Ernestine échappe à la prise du Palais des Tuileries comme racontent les mémoires de Weber. La Reine demande à la sous-gouvernante des Enfants, Renée-Suzanne de Soucy, de la mettre en sécurité. Ernestine se trouve alors en compagnie de mesdames Thiebault, Terrasse, Lemoine, Bazire et de St-Brice.

« Étant ensuite entrés dans un appartement occupé par la Demoiselle Lambriquet, Messieurs les commissaires lui ayant donné à connaître que d’après les ordres de la municipalité, elle ne pouvait rester plus longtemps dans l’appartement, la Demoiselle s’est retirée, et pour la sureté et conservation des différents meubles et effets du dit appartement, les croisées ayant été fermées, et étant sortis du dit appartement, la porte d’icelui a été fermée et les scellées ont été apposées sur la porte.»
La jeune fille habitait-elle donc à la fois chez son père au 90 de la rue Royale sur la paroisse Saint-Louis de Versailles et aux Tuileries auprès de la famille royale? Peut-être était-elle revenue à Versailles à cause de l’expédition vers Montmédy à laquelle elle n’avait participé et était-elle revenue auprès de la famille royale de retour de Varennes?

Passant la place du Carrousel, devant le palais, Madame de Soucy quitte un instant Ernestine pour aller chercher une voiture. Pendant son absence, un révolutionnaire prend la petite pour Madame Royale et jette à ses pieds le cadavre d’un Garde-Suisse mais elle est défendue par un commerçant qui la prend , lui aussi, pour Marie-Thérèse.
Pendant la Terreur
Ernestine est prise en charge par la famille paternelle de Madame de Soucy, la famille de Mackau.
Le 19 mars 1794
Jacques Lambriquet est arrêté à son domicile et conduit à la maison de détention de Seine et Oise.

Si Ernestine a pu envier la naissance de sa compagne de jeunesse dont elle partageait pourtant tous les avantages,
où qu’elle soit à présent, son sort est préférable à celui de Madame Royale, enfermée seule dans la sinistre tour du Temple.
Le 14 juin 1794
Jacques Lambriquet est transféré au Luxembourg et mis en accusation le 5 juillet 1794.
Sa proximité avec la famille royale le fait condamner:
« Aussi en faveur de sa fille compagne de la fille Capet, au dépend du peuple, de dix actions dans la nouvelle création de rentes, la lettre qui lui annonce ce nouveau vol fait au trésor public en faveur de la fille de cet agent de contre-révolution est du 23 mars 1792.»
Il est guillotiné le 9 juillet 1794 en même temps que Richard Mique.
Le 19 décembre 1795
Dans la plus grande discrétion, Madame Royale quitte la prison du Temple le jour de ses dix-sept ans, escortée d’un détachement de cavalerie afin de se rendre à Bâle (enfin l’échange se fait plus précisément à , où elle est remise aux envoyés de son cousin l’Empereur François II (1768-1835)… contre des prisonniers français capturés par l’armée autrichienne… dont le funeste Jean-Baptiste Drouet qui perdit sa famille à Varennes !
Le 2 septembre 1796
Ernestine est déclarée mineure émancipée lors d’un conseil de famille.
MYSTÈRE?
Pour certains, C’est Ernestine Lambriquet qui aurait été substituée à Marie-Thérèse, avant l’échange de Huningue, et serait devenue duchesse d’Angoulême. Louis XVIII et Charles X auraient été informés et auraient joué le jeu, ce qui explique pourquoi la fausse Marie-Thérèse aurait été mariée à son cousin Louis-Antoine (1775-1844), futur prétendant Louis XIX, lequel était en outre incapable de procréer… mais le savait-on alors?

Madame Royale, l’orpheline du Temple, serait devenue la « comtesse des Ténèbres », une femme dont l’identité demeure encore inconnue, et qui vécut, vêtue de noir et voilée (pour dissimuler sa ressemblance avec Marie-Antoinette?), à Hildburghausen (aujourd’hui en Thuringe) de 1807 à sa mort en 1837.
Le 7 décembre 1810
Marie-Philippine se marie avec un veuf, Jean Charles Germain Prenpain, par contrat passé chez Maîtres Maisne et Robin à Paris. Elle demeure à cette époque dans leur hôtel particulier de Passy 20 rue Boislevant.
Le 29 décembre 1813
Marie-Philippine Lambriquet, alias Ernestine, la compagne d’enfance de Madame Royale, décède à l’hôtel Travers de Passy, dans l’arrondissement de Saint-Denis. Elle n’a pas eu d’enfant.