Le 15 juillet 1737
Naissance de Louise-Marie, Madame Septième, qu’on appellera Madame Louise.
Elle est la dixième enfant que la Reine, Marie Leszczyńska (1703-1768), âgée de trente-cinq ans, met au monde. Les médecins assurent à la souveraine qu’un autre accouchement pourrait lui être fatal. La Reine qui a peur de perdre les bonnes grâces de son mari, Louis XV (1710-1774), qui n’a que vingt-sept ans et est toujours ardent, préfère taire les mises en garde du médecin mais refuse peu à peu sa porte au Roi.
C’est aussi l’époque où Louis XV affiche sa première favorite sous le regard résigné mais indulgent de son « principal ministre » et ancien précepteur le cardinal de Fleury (1653-1743), qui ne connaît que trop les principaux défauts de caractère du Roi : la timidité maladive et la propension à l’ennui.
Le Roi délaisse la Reine, et à ceux qui l’interrogent sur une onzième grossesse de la Reine il répond que le nourrisson sera « Madame Dernière ».
Louise-Marie de France est appelée Madame Septième puis, à partir de son baptême, Madame Louise.
En juin 1738
Le Cardinal de Fleury envoie les princesses parfaire leur éducation dans le couvent lointain de Frontevraud. Louis XV ne contredit pas son ancien précepteur et Marie Leszczyńska, tremblante, n’ose pas protester devant le vieux ministre despote. Fleury garde probablement une tenace rancune à la Reine d’avoir naïvement aidé le duc de Bourbon lorsque celui-ci tenta de l’évincer. Il se venge en exilant si cruellement les innocentes fillettes à une telle distance de Versailles, que compte tenu de l’Étiquette, une visite royale aurait été une expédition ruineuse, donc impossible.
Madame Louise part donc avec ses grandes sœurs, escortées de leurs domestiques et de leurs sous-gouvernantes pour la lointaine abbaye angevine. Elle y fera un long séjour , qui durera de juin 1738 à mars 1748 . L’abbesse de Fontevraud, Louise-Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui est la propre nièce de Madame de Montespan, sera surintendante de l’éducation des princesses. Ni ses parents, ni des membres de la famille royale n’iront jamais prendre de ses nouvelles. Victoire vit ainsi pendant dix ans., « accoutumée à être peu contrainte », manifestant parfois une humeur impérieuse. On la punit en l’enfermant dans un caveau dit la «lanterne des morts ». La princesse en gardera sa vie entière des terreurs paniques et irraisonnées.
Le train de vie de Mesdames en l’abbaye royale de Fontevraud est toutefois fort convenable :
Malgré les préoccupations parcimonieuses qui ont, dit-on, inspiré au cardinal de Fleury, alors ministre, la résolution de faire élever, par les Bénédictines de Fontevrault, les petites princesses, dont le séjour à Versailles aurait occasionné de plus grands frais en nécessitant un coûteux état de Maison, Mesdames de France ne laissent cependant pas d’être fort convenablement traitées à l’abbaye.
Ainsi l’abbesse, la seconde madame de Mortemart, fille du maréchal duc de Vivonne, a été créée duchesse par brevet personnel afin d’avoir ses entrées et son tabouret chez les princesses ; elle-même, et, après elle, (l’Abbesse) madame Louise-Claire de Montmorin Saint-Hérem, les servent debout à table. Le monastère touche de la Cour quinze mille livres de pension pour chacune de Mesdames, et chacune d’elles reçoit deux mille livres comme argent de poche ; elles ont à leur service dix femmes de chambre, un écuyer de bouche, un maître d’hôtel, douze gardes-du-corps payés extraordinairement dix sols par jour, un exempt, M. d’Autichamps, payé cinq livres par jour, un professeur de musique, M. de Caix, et un professeur de danse qui leur apprend le Menuet couleur de rose, un piqueur de la petite écurie, deux carrosses et une voiture légère appelée gondole, avec cochers, postillons, palefreniers, valets de pied, trente-deux chevaux et quatre ânes harnachés pour les promenades… mais elles n’ont pas de médecin !
Madame Louise s’y fait remarquer par son esprit, mais aussi par son orgueil. Encore enfant, elle n’hésite pas à réclamer que les personnes à son service se lèvent quand elle entre dans une pièce parce qu’elle est, dit-elle, « la fille de votre Roi ». À quoi il lui est répondu par sa préceptrice : « Et moi, Madame, je suis la fille de votre Dieu. »
Le 28 septembre 1744
Mort de Thérèse-Félicité, Madame Sixième
Le 23 février 1745
Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles sa cousine l’infante Marie-Thérèse, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée. C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse madame d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour).
La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain.
Le 22 juillet 1746
La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.
Le 9 février 1747
Le Dauphin Louis-Ferdinand de France épouse à Versailles Marie-Josèphe de Saxe.
En 1748
Alors que Louise, âgée de onze ans, est toujours à Fontevraud, la rumeur prétend que son père lui destine le prince Charles Edouard, prétendant Stuart au trône anglais. Madame Louise déclare alors :
« N’ai-je pas sujet d’être bien inquiète puisqu’on me destine un époux, moi qui n’en veux d’autre que Jésus-Christ ? »
Le 21 novembre 1748
Première communion de Madame Louise, fixée le jour de la Présentation de la Vierge.
Le 14 octobre 1750
Louise revient à la Cour. à l’âge de treize ans, avec sa sœur Madame Sophie où le Roi la surnomme affectueusement « Chiffe ».
« Madame Louise est blonde et douce, avec de grands yeux tendres, et sa joliesse est délicieusement enfantine. La couleur rose de la robe, à grand panier, sous le tablier de dentelle, avive à peine le teint délicat et blanc. Des dentelles couvrent à moitié ses bras fluets; une des mains présente une fleur d’un geste gentiment maniéré; l’autre retient la corbeille pleine où elle vient de puiser. Dans ses cheveux nuagés de poudre sont des perles et un pâle œillet. Toute la paix du couvent se reflète en cette petite princesse, parée bien artificiellement de l’habit de cour, qu’elle quittera plus tard pour la robe de bure des carmélites.»
Pierre de Nolhac
Très proche de sa mère, la Reine Marie Leszczyńska, de son frère, le Dauphin Louis et de ses sœurs, elle souffre avec eux des adultères du Roi, de la rigidité du protocole, de la bassesse des courtisans et se retire peu à peu comme le font également ses proches, de la vie mondaine de la Cour.
Légèrement bossue, elle reste toujours une princesse à part, fuyant le monde, cherchant réconfort et courage dans la religion.
On raconte aussi que, ne manquant pas de caractère, la princesse n’hésite pas à exagérer sa déformation physique quand elle croise un ambassadeur, afin de faire tourner court tout projet matrimonial.
Louise apprend comme son frère et ses sœurs à jouer de divers instruments de musique.
Le 13 septembre 1751
Naissance de son neveu, Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne à Versailles.
Le 29 novembre 1751
Mesdames, le Dauphin et son épouse soupent dans les délicieux petits appartements du Roi. C’est la première fois qu’il prend ce repas en ces lieux avec ses sept enfants réunis.
Le 10 février 1752
Décès de Madame Henriette (1727-1752) , sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans.
Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.
En 1753
Sa sœur aînée, Elisabeth, mariée dès 1739 à un infant d’Espagne, souhaitait en 1753 que Victoire épouse son beau-frère, le Roi Ferdinand VI d’Espagne (1713-1746-1759). Mais la Reine d’Espagne, bien qu’affligée d’une santé des plus médiocres, ne meurt que cinq ans plus tard. Le Roi étant lui-même à la dernière extrémité, le mariage ne se fait pas.
Madame Louise est maintenant la fille préférée de Louis XV, la plus jeune et la plus rapprochée de lui par certains goûts communs, comme le cheval et les exercices violents. Sa physionomie virile vaut bien la beauté fanée de sa sœur Adélaïde ou l’insignifiante régularité de traits de Victoire. Son caractère impérieux et violent a été dompté par l’humilité, et sa dévotion instruite lui donne dans la famille une autorité assez grande pour les choses de la religion.
Le 23 août 1754
Naissance de son neveu, Louis-Auguste, futur Louis XVI.
Le 17 novembre 1755
Naissance de son neveu, Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.
Les princesses vont parfois prendre les eaux à Plombières dans le duché de Lorraine sur lequel règne à titre nominal et viager leur grand-père Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’elles peuvent ainsi visiter.
Le 5 janvier 1757
Attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, son père.
Le 9 octobre 1757
Naissance de son neveu, Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.
Le 23 septembre 1759
Naissance de sa nièce, Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.
Le 6 décembre 1759
Mort de sa sœur, Madame Elisabeth , duchesse de Parme.
Le 22 mars 1761
Mort de son neveu, Louis-Joseph.
Le 15 avril 1764
Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.
Le 3 mai 1764
Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.
Suppression de l’ordre des Jésuites en France.
Le 20 décembre 1765
Après une agonie de trente-cinq jours, le Dauphin, Louis-Ferdinand, son frère, meurt, à l’âge de trente-six ans.
En 1766
Louis XV a plusieurs projets de mariage pour elle, notamment avec l’Empereur Joseph II du Saint-Empire, le frère de Marie-Antoinette, mais aucun ne voit le jour. La princesse ne soutient guère les démarches du Roi et de ses diplomates.
La princesse se dépeindra avec un humour teinté de cruauté :
« Votre servante est fort petite, grosse tête, grand front, sourcils noirs, yeux bleu-gris-brun, nez long et crochu, menton fourchu, grasse comme une boule et bossue ».
Le 13 mars 1767
Mort de sa belle-sœur, Marie-Josèphe de Saxe ( née le 4 novembre 1731).
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska, sa mère.
Madame Louise vit avec ses sœurs dans une union apparente, sans les laisser pénétrer le moins du monde dans une pensée qu’elles n’ont pas comprise. Charitable discrètement, réservant aux pauvres, sans qu’on le sache, sa pension tout entière, adonnée à de secrètes mortifications, elle n’a jamais rien montré aux siens du projet qui grandissait en elle.
Un tableau de Drouais rappelle son intérêt pour la musique. Réalisé entre 1770 et 1774, ce portrait figure Sophie, Victoire et Louise, assises sur des nuages, têtes nues. Victoire déroule gracieusement une partition sur ses genoux, tandis que Louise tient dans ses mains une lyre ainsi qu’une couronne de laurier.
Elles s’y précipitaient sans retenue, à toute heure du jour, cherchant désespérément à tromper la médiocrité de leur destin, se gavant de concertos et de sonates.
La maisonnette de la Cour des Cerfs,
L’entrée de l’appartement de Mesdames
( texte et illustration de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Cette maisonnette constitue l’entrée des appartements de Mesdames Sophie et Louise qui vivent dans cette partie du château. Comme il est d’usage, il existe toujours une première antichambre dans les appartements. Manquant de place, l’architecte est contraint de construire cette maisonnette au fond de la cour des Cerfs. Cet état durera de 1768 à 1772 car l’antichambre, ayant été déplacée dans l’ancien Grand Cabinet de Madame Louise, la maisonnette est devenue inutile.
L’Appartement de Madame Louise au rez-de-chaussée du Corps Central
En février 1768, Madame Louise s’est lassée de l’incommodité de son logement dans les quatre travées de la Galerie Basse. Elle a demandée au Roi une installation moins précaire, débarrassée des voutes de pierres, avec des pièces à plafonds plats. Pour obtenir plus d’aisance et un cabinet plus grand, elle obtient une travée supplémentaire sur la Galerie Basse.
En mars 1768, la princesse libère l’appartement et s’installe dans un appartement de prêt dans l’aile du Nord.
Les travaux débutent en juillet 1768 pour s’achever à l’automne. Malgré cela, l’aménagement des nouvelles pièces nécessite des travaux assez long, notamment les lambris de Rousseau, la construction de cloisons et la démolition de la voute de la Galerie.
Fin 1769, tous les travaux sont terminés. Madame Louise est totalement satisfaite de son nouvel appartement.
On aménage une grande chambre aux proportions régulière, décorée à la dernière mode et assez vaste pour comporter une alcôve face aux fenêtres et y adosser un grand lit en duchesse, deux fauteuils et des pliants. Le décor assez riche, avec une cheminée de marbre d’Antin, trois trumeaux de glace, une corniche de plâtre, des bas lambris et des bordures sculptées pour la tapisserie de l’alcôve, des chambranles de portes et de fenêtres également sculptées et enfin deux dessus de portes dont nous ignorons les sujets peints.
Le cabinet intérieurest assez vaste mais moins profond que la chambre voisine : il a une vue magnifique sur la perspective des jardins, depuis la terrasse du parterre d’eau. On y a posé un décor très riche composé de boiseries sculptées. La cheminée de marbre est placée face aux fenêtres, surmontée d’un trumeau. La cheminée est encadrée de deux portes vitrées à deux vantaux dont les vitres sont habillées de rideaux de mousseline. La porte de gauche s’ouvre sur un corridor. La porte de droite est fausse et son vitrage éclaire, en second jour, un petit escalier privé qui permet au Roi d’aller chez sa fille.
La commode de la chambre de Madame Louise
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Gilles Joubert a quatre-vingts ans lorsqu’il livre cette commode. Elle fait partie d’une paire livrée pour la chambre de Madame Louise, à Versailles. Le Journal du Garde-meubles enregistre sa livraison le 28 août 1769 avec le nom de son auteur, ses dimensions, une description détaillée et son numéro d’inventaire 2556.2.
Cette commode est en chêne, les montures sont en bronze doré. Livrée pour la chambre de Madame Louise en 1769, elle passe par la chambre Madame Victoire en 1776 pour terminer dans l’appartement du duc de Duras, Maréchal de France, à Fontainebleau en 1785. Elle sera vendue à la Révolution.
En Chêne, les montures sont en bronze doré. Livrée pour la chambre de Madame Louise en 1769, elle passera par la chambre de Madame Victoire en 1776 pour terminer dans l’appartement du duc de Duras, maréchal de France, à Fontainebleau en 1785.
Achetée par la famille Rothschild, elle intègre les collections du Getty Museum en 1955. La seconde est aujourd’hui dans une collection particulière.
La salle-de-bain et la garde-robe à chaise sont transférées dans l’angle de la cour des Cerfs.
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry, est présentée à la Cour.
Le 30 janvier 1770
Alors que la cour prépare le mariage du nouveau Dauphin et de Marie-Antoinette, à la stupéfaction générale, Louise sollicite de son père l’autorisation de se faire carmélite. Elle fait appel à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris pour intercéder en sa faveur auprès de son père.
Le 16 février 1770
Le Roi, bien qu’affligé par cette décision, donne son accord écrit :
« Si c’est pour Dieu seul, je ne puis m’opposer à sa volonté ni à votre détermination. Depuis dix-huit ans, vous devez avoir fait vos réflexions ; ainsi je n’ai plus à vous en demander. Il paraît même que vos arrangements sont faits. Vous pouvez en parler à vos sœurs quand vous le jugerez à propos. Compiègne n’est pas possible ; partout ailleurs, c’est à vous de décider, et je serais bien fâché de vous rien prescrire là-dessus…
Je vous embrasse de tout mon cœur, ma chère fille, et vous donne ma bénédiction. »
La phrase de Madame Louise : « Moi carmélite, et le roi tout à Dieu », témoigne de sa foi sincère et de sa volonté de racheter par ce sacrifice en accord avec sa vocation l’âme de son père, en vue d’expier les péchés de ce dernier.
Avant même son entrée au Carmel, elle commence, en cachette, à porter l’habit de religieuse au palais, et vivre, comme elle le peut une vie monacale.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste, son neveu, épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
Prévenue contre Madame du Barry dès son arrivée en France, la très jeune Dauphine, au caractère entier, lui voue d’emblée une vive antipathie. Encouragée par le clan Choiseul et Mesdames, filles de Louis XV, Elle la traite avec un mépris affiché, en refusant de lui adresser la parole, ce qui constitue une grave offense, indispose le Roi et jusqu’aux chancelleries, puisqu’il faut que l’impératrice elle-même impose de Vienne à sa fille un comportement plus diplomatique.
Le 10 septembre 1770
Cérémonie de la prise de voile de Madame Louise.
Elle choisit d’entrer au carmel de Saint-Denis, le « plus pauvre carmel de France » où, d’après la rumeur, la règle passe pour être très rude. Ce Carmel, qui menaçait de fermer à cause de ses trop faibles moyens financiers, se trouve ainsi sauvé par l’arrivée d’une carmélite apportant une forte dot et susceptible d’attirer d’importantes oboles.
Comme nom de religieuse, elle choisit « Thérèse de Saint-Augustin » en hommage à sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), mystique et réformatrice de l’Ordre du Carmel. C’est la jeune Dauphine, qui vient d’épouser le futur Louis XVI qui lui remet son voile, et elle reçoit en cadeau «la pièce d’estomac» de la robe de la princesse.
À peine entrée au Carmel, elle se voit confier la charge de maîtresse des novices. Ce n’est pas moins de treize jeunes novices qu’elle doit diriger, guider et parfois modérer dans leur enthousiasme.
« Tout ce qui ne vient pas de Dieu ne saurait être bon et les scrupules ne sont pas de lui. Faisons-nous non une conscience large, mais une conscience paisible. »
Mère Thérèse de Saint-Augustin, conseils à ses novices
Ses sœurs, qui n’ont appris qu’après son départ sa décision, viennent la visiter.
Le 14 février 1771
Mariage du comte de Provence, frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.
Le 12 septembre 1771
Madame Louise prononce ses vœux monastiques perpétuels. et c’est une autre de ses nièces, la comtesse de Provence, dans une cérémonie très officielle, qui lui remet le voile noir de carmélite.
Elle est nommée à la charge d’économe du monastère. Elle fait effectuer plusieurs travaux qu’elle suit avec soin.
Le 16 novembre 1773
Mariage du comte d’Artois, frère du Dauphin et de Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence.
Elle est élue prieure en 1773. Elle refuse d’user de son statut de fille de Roi pour en tirer des privilèges ou intervenir auprès d’autres personnes en faisant jouer son statut. Cependant, lorsque la défense de la pureté de la foi, ou l’intérêt de l’Ordre du Carmel est en jeu, elle se démène sans compter, établissant une correspondance importante.
Elle est même en contact avec Benoît Labre, considéré comme un mystique. Canonisé en 1881, il est liturgiquement commémoré le 16 avril.
Le 29 avril 1774
Les médecins font savoir que le Roi a contracté la variole. Pour éviter la contagion, le Dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Mesdames Victoire, Adélaïde et Sophie restent au chevet de leur père.
Le 27 avril 1774
Le Roi est saisi d’une fièvre violente due à la petite vérole et entre dans une agonie lente et humiliante. Pour mère Thérèse, l’instant suprême arrive. Pour elle également commence une agonie, ultime combat. Son sacrifice sera-t-il exaucé ?
Le 30 avril 1774
Le visage du Roi est couvert de pustules.
Dans la nuit du 7 mai 1774
Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux.
Jeanne du Barry quitte Versailles.
Le 9 mai 1774 au soir
L’Extrême-Onction est administrée à Louis XV.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.
Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
En 1774
Louis XVI fait don à ses sœurs, Madame Adélaïde, Madame Victoire et Madame Sophie, du domaines de Bellevue à Meudon.
Bien que logeant principalement au château de Versailles, eu égard à leur obligations à la Cour, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie viendront à Bellevue se délasser des rigueurs de l’étiquette.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Lorsque Joseph II chasse de son empire tous les religieux contemplatifs, Sœur Thérèse de Saint-Augustin organise leur arrivée en France, accueille dans son couvent les carmélites qui arrivent de leurs différents carmels, avant de leur trouver une place dans d’autres Carmels.
Le 20 août 1775
Mariage de Madame Clotilde, Gros Madame, sa nièce, et du prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV de Sardaigne, frère des comtesses de Provence et d’Artois.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
Mère Thérèse déploie une immense activité en faveur de son Ordre. Humble carmélite, elle entend le rester, mais fille de Roi, elle brûle du zèle de la gloire de Dieu et puisque le Bon Dieu l’a pourvue des qualités et des grâces d’une fille de France.
En 1779
Sœur Thérèse de Saint-Augustin fait reconstruire l’église (délabrée) par Richard Mique (1728-1794) qui a déjà travaillé pour ses sœurs à Bellevue.
Le 22 octobre 1781
Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François premier Dauphin (1781-1789).
Le 2 mars 1782
Mort de Madame Sophie, sa sœur.
Le 10 septembre 1782
Quand Madame Royale eut quatre ans, la Reine se plut à la conduire voir, sa tante, et au retour de chaque visite on avait quelque trait touchant ou intéressant à raconter. Ainsi une fois, la Reine avait conduit la jeune princesse au monastère, et, comme elle était à la veille d’être inoculée, on ne lui avait fait servir qu’une très-légère collation. Madame Royale, qui avait encore faim, ne fit aucune observation, et se contenta de ramasser jusqu’aux moindres miettes de pain. L’une des religieuses fit alors l’observation que la soumission et la sobriété de la jeune princesse semblaient annoncer chez elle quelque vocation pour la vie des Carmélites, et elle demanda à la Reine si, la chose étant, elle en ressentirait quelque déplaisir. « Loin de là, répondit celle-ci , j’en serais au contraire très flattée. » Marie-Antoinette, ayant désiré que toutes les religieuses vissent sa fille, demanda à celle-ci , quand toute la communauté fut réunie, si elle n’avait rien à leur dire : «Mesdames, répondit la petite princesse, qui n’avait alors que quatre ans, priez pour moi à la messe. » Son bon ange lui disait-il dès lors combien elle aurait besoin du secours de Dieu pour traverser tant d’infortunes, cachées encore dans les ténèbres de l’avenir?…
Souvenirs de Quarante ans 1789-1830. Récits d’une Dame de la Dauphine de Comtesse Pauline de Galard de Béarn
En juin 1783
Sœur Thérèse de Saint-Augustin accueille treize religieuses carmélites chassées du carmel de Bruxelles. Les religieuses s’entassent donc, durant un certain temps, à cinquante-huit dans leur carmel de Saint-Denis. Quelques années plus tard, avec la révolution, les persécutions et la fermeture des couvents, le flux de carmélites repart dans l’autre sens.
En 1784
La Reine conduisait ses enfants, deux fois l’An, au Carmel de Saint-Denis. Une fois, Madame Royale, âgée alors de cinq à six ans, laissa tomber son mouchoir; la Reine, par un regard, lui témoigne le désir qu’elle a de le lui voir ramasser elle-même ; et comme les religieuses se baissaient pour lui épargner ce soin : « Non, non, ma tante, dit la « Reine à Madame Louise, je ne le permettrai pas : c’est ici la maison de l’humilité ; je veux « que ma fille, tout enfant qu’elle est, y reçoive « une leçon d’obéissance et de modestie ».
Les Bourbon martyrs, ou, Les augustes victimes(1821)
En mai 1787
La Reine ayant eu le bonheur de conserver la tendre amitié de Madame Louise, venait, deux fois l’année, à Saint-Denis, pour rendre ses devoirs à Sa tante. Elle lui amenait Ses jolis enfants, dont toutes ces bonnes Religieuses se montraient idolâtres; et la visite du jour de l’An était plus particulièrement consacrée aux cadeaux. Lorsque le duc de Normandie fut en sevrage, on le transporta chez la Fille de Louis XV, qui brûlait d’impatience de le voir. La Communauté, réunie en cercle, admira tout à son aise ce beau petit garçon, dont la physionomie, déjà distinguée comme celle de sa mère, promettait un si brillant avenir.
Comme on allait se séparer pour remonter dans les voitures, la Prieure bienveillante articula ces mots: Nos quatre Novices, que retiennent en ce moment les travaux de la Buanderie, vont être bien affligées de n’avoir pas vu ce que nous voyons!… Mais ce sera pour une autrefois.
— « Non, non, ma chère Tante, s’écria la Reine « aussitôt : Je comprends la privation de ces saintes « filles. Allons toutes, de ce pas, à la Buanderie, que « je n’ai pas encore remarquée. Mon Fils voyagera « dans votre monastère, et ne s’en portera que mieux. »
On se transporta gaiement jusqu’aux verdures où coule la jolie rivière intérieure. Les quatre Novices et les Sœurs Converses eurent la satisfaction de voir la Reine, et de baiser la main de son cher Enfant.
L. Lafont d’Aussonne dans des Mémoires secrets et universels des malheurs et de la mort de la reine de France
Le 22 décembre 1787
Sœur Thérèse de Saint-Augustin reçoit l’extrême-onction
Le 23 décembre 1787
Mort, au Carmel de Saint-Denis, de Sœur Thérèse de Saint-Augustin, née Madame Louise, tante de Louis XVI, à Saint-Denis, brutalement frappée par la maladie.
Les doigts serrés sur les grains de son rosaire, les yeux levés vers le ciel, ses derniers mots sont :
« Au paradis ! Vite ! Au grand galop ! »
Louise de France avait cinquante ans dont dix-sept de vie religieuse.
En 1793, les révolutionnaires qui profanent les tombes des rois de France dans la basilique Saint-Denis viennent également dans le cimetière de son Carmel, situé autour du cloître, pour déterrer son corps et le jeter dans la fosse commune, avec les restes de la famille royale.
Madame Louise est déclarée vénérable en 1873.
Le procès ordinaire a lieu de 1855 à 1867. Le pape Pie IX (1792-1878) introduit son procès en béatification le 19 juin 1873. Cette même année il déclare Mère Thérèse de Saint-Augustin comme « Vénérable ». Le procès (nécessaire à l’époque) de non-culte a lieu en 1885-1886. Le procès de sainteté se déroule en 1891-1892. Le procès des vertus a lieu de 1896 à 1904. Le décret validant ces procès est publié le .
La béatification de Mère Thérèse de Saint-Augustin est reprise à Rome le 13 décembre 1985, comme cause historique de canonisation selon la nouvelle procédure. Une association est fondée en janvier 1986 pour soutenir cette cause de béatification.
Les décrets sur les vertus héroïques de Thérèse de Saint-Augustin ont été publiés le 18 décembre 1997. À ce jour, il ne manque qu’un miracle officiellement reconnu et attribué à Mère Thérèse de Saint-Augustin pour que l’Église la déclare officiellement «Bienheureuse».
Sources :
- Louis XV (1989) de Michel Antoine, chez Fayard
- Mesdames de France (1989) de Bruno Cortequisse, aux éditions Perrin, Paris
- Versailles passion, groupe FB de Christophe Duarte
- Madame Louise, Princesse au Carmel (1987) de Bernard Hours ; Paris, Cerf
- Louis XV (1984) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Madame Louis XV (1987) de Jacques Levron, aux éditions Perrin, Paris
- Louis XV (2014) de Jean-Christian Petitfils, aux éditions Perrin, Paris