
Le 24 janvier 1746
Naissance de Gustave à Stockholm. Il est le fils d’Adolphe Frédéric de Suède (1710-1771) et de Louise Ulrike de Prusse (1720-1782), une des sœurs cadettes de Frédéric le Grand (1712-1786).















Le 7 octobre 1748
Naissance de son frère, Charles de Suède ( 1748-1818 ) au Palais de Wrangel à Stockholmen, futur Roi de Suède (1809-1818) sous le nom de Charles XIII ainsi que Roi de Norvège (1814-1818) sous le nom de Charles II.

Le 18 juillet 1750
Naissance de son frère, Frédéric-Adolphe de Suède (1750-1803) au palais de Drottningholm titré duc d’Östergötland.

Le 8 octobre 1753
Naissance de sa sœur, Sophie-Albertine de Suède (1753-1829) à Stockholmen. Elle sera de 1767 à 1787 grâce à son oncle maternel Frederik II de Prusse (1712-1786), coadjutrice de l’Abbaye de Ouedlinbourg en Saxe-Anhalt.















La chambre de parade de la Reine Hedwige-Eléonore, où les visiteurs les plus importants étaient reçus,
constitue l’un des décors baroques les mieux préservés de Suède.


En 1764
Gustave à peine âgé de dix-huit ans, et encore seulement prétendant au trône de Suède, grimpe chaque après-midi sur le toit de l’aile nord-est du palais royal pour adresser avec un grand mouchoir de soie des signaux enamourés à la comtesse de Fersen, née Hedwige-Catherine de La Gardie (1732-1800) et mère d’Axel, qui prend le frais sur la terrasse de l’hôtel particulier des Fersen situé juste en face !!!


comtesse de Fersen
La comtesse a alors trente-deux ans et quatre enfants . Elle répond poliment, un peu embarrassée…


Le palais royal de Stockholm est situé sur le Norrström, dans la partie nord de Gamla stan (la vieille ville). Il s’agit de la résidence officielle des monarques de Suède. Le château actuel fut construit après l’incendie du château Tre Kronor le 7 mai 1697.
Le château est construit en briques et en grès. Le toit est couvert de cuivre et forme une pente vers la cour intérieure. Il est entouré d’une balustrade. Le château est constitué d’un carré principal, dont les quatre côtés sont nommés selon les quatre points cardinaux, même s’ils ne sont pas exactement dirigés dans ces directions.
Chaque façade a des éléments distinctifs.




L’intérieur du château compte, en 2009, 1 430 pièces, dont 660 avec fenêtres. Outre les appartements royaux, le palais compte plusieurs salles pour les événements de toutes sortes. Le château accueille aussi une église.





Le 4 novembre 1766
Gustave épouse, sur proposition du parlement mais contre l’avis de sa mère, Sophie Madeleine de Danemark, fille du Roi Frédéric V.
Le mariage du Prince héritier avec la princesse danoise Sophie Madeleine, décidé dès leur plus jeune âge, c’est un mariage d’alliance politique pour «le bien de l’Etat ».


La cérémonie célébrée en grande pompe eut lieu le 4 novembre 1766. Grand ami de la France, Gustave III avait une bonne connaissance de la culture française et adorait s’y rendre. Il désirait pour son mariage ce qu’il y avait de plus beau et de plus à la mode. Ce très bel ensemble fut commandé en juillet 1766 par Gustav Philip Creutz, ambassadeur de Suède en France à la demande du prince. Le brouillon d’une lettre rédigée de sa main est parvenue jusqu’à nous : un habit complet d’étoffe Riche en Broderie d’or sur toute les coutures asses magnifique pour être porté le jour d’une entrée publique ou Le Lendemain d’une Noce pouvant coûter à peu près trois mille Livres. Le chapeau et le nœud d’épée d’appartement.

Les ateliers Le Roux et De la Salle à Paris furent chargés de la confection de ce vêtement. Ils fournirent le tissu et exécutèrent la réalisation des broderies. La coupe et le montage furent effectués à Stockholm, de façon à s’adapter à la morphologie du futur roi. Le costume princier est un habit à la française, selon la mode de l’époque, composé d’un justaucorps, d’une veste, de culottes, d’un ceinturon brodé de paillons d’or et de souliers. Les tissus précieux se constituent d’un drap croisé d’argent avec des éléments de soie tressés, également d’argent. La doublure est en moiré d’argent blanc et de soie croisée. De magnifiques broderies de papillons, de paillettes, d’entrelacs et de rameaux de feuilles en fils d’or viennent rehausser l’ensemble ainsi que des boutons brodés de fils d’or et la plaque de l’ordre des Séraphins, cousue sur la poitrine. D’une grande finesse, des nuages bleutés émergent de soleils éblouissants. Quand Creutz termine le relevé des coûts, la somme allouée est dépassée, mais l’ambassadeur présente une excuse : 40 ouvriers ont dû travailler jour et nuit pour finir à temps. Le 19 août 1776, Creutz informe le prince que les vêtements commandés ont été dépêchés par courrier extraordinaire. On peut suivre, étape par étape, la confection du costume à travers la correspondance (conservée) du prince avec l’ambassadeur de Suède à Paris. Ce dernier était chargé de transmettre les demandes du prince auprès des ateliers de confection. Il avait également pour mission de rendre compte de l’évolution de la mode vestimentaire à la cour de France, à laquelle Gustave III accordait une attention toute particulière.
Sonya Martinson Uppman, directrice du centre culturel suédois















En 1771
Le prince Gustave vient visiter Paris et Versailles.
«Gustave III avait bien été accueilli, lors de son premier voyage à Paris, en 1771, par le dauphin et par ses frères ; il avait même contracté avec Monsieur, comte de Provence, une liaison qui fut durable ; mais il n’avait que médiocrement plu à Marie-Antoinette, et il y eut longtemps entre eux une sorte d’antipathie qui ne céda que devant les terribles circonstances des dernières années de l’un et de l’autre règne.»
A. Geffroy
Le 12 février 1771
Décès de son père, Adolphe Frédéric de Suède (1710-1771) qui meurt d’une indigestion au palais de Stockholm, après un riche dîner composé de caviar, d’une soupe au chou, de hareng, de homard et de choucroute, le tout copieusement arrosé de champagne. Il reprend en outre quatorze fois de son dessert favori, le Semla, une brioche fourrée suédoise servie dans du lait chaud. Les écoliers suédois se souviennent de lui comme « le roi qui mangea jusqu’à en mourir ».

C’est à Paris que Gustave apprend qu’il est Roi . Il est à l’opéra, ce soir-là, et assiste à une représentation de Pyrame et Thisbée, dans la loge de son amie, la comtesse d’Egmont. L’ambassadeur de Suède, Creutz, fait irruption porteur de la dépêche officielle de Stockholm . Il raconte que Gustav III reçoit un choc et se tient longtemps tête baissée .

Lorsqu’il se remet de sa première émotion, Madame d’Egmont lui dit :
« Contentez-vous, Sire, d’être absolu par la séduction, ne réclamez jamais l’autorité comme un droit . »
La première mesure qu’il prend est de protéger sa mère en renforçant sa garde, tant il la sait impopulaire.



Gustave III est un souverain francophile, adepte de la philosophie des lumières et patron des arts.
Gustave III , lui-même , soit par les nombreuses minutes de ses lettres , conservées à Upsal , soit par les débris de sa correspondance qui se retrouvent parmi nous , apparaît aussi en première ligne avec sa physionomie intelligente et ouverte , révélant un esprit curieux , un caractère aimable , une nature prompte et vive.
Geffroy
Dès sa jeunesse , les anciens engagements de la Suède tournent ses regards et ses espérances vers la France. Il est témoin , sous Choiseul et Vergennes , de quelques-uns des derniers beaux jours du cabinet de Versailles , encore fidèle à ses traditions , et sauvegardant l’alliance des états secondaires en vue du maintien de l’équilibre général . Ces relations politiques en amènent d’autres plus intimes. Gustave III visite deux fois Paris et la Cour, il envoie ses jeunes officiers servir sous nos drapeaux dans la guerre d’Amérique et mériter au retour un brillant accueil à Versailles.



Fort habilement, Gustave fait sa cour à la comtesse du Barry et il lui offre même un collier constellé de diamants pour son chien. L’amabilité de Gustave pour la favorite irrite la Dauphine qui se considère offensée.




Le 19 août 1772
Le Roi Gustave III, alors âgé de vingt-quatre ans, encouragé par la France et presque sur son ordre , soutenu économiquement par Louis XV, décide une fois pour toutes de s’emparer du pouvoir politique et de mettre fin aux conflits des partis dans le pays. Le parti des Chapeaux est en décomposition et, chez les Bonnets, la guerre fait rage entre les nobles et les roturiers, qui réclament des réformes sociales. Les récoltes ont été mauvaises en 1771 et c’est pire encore en 1772. Des files de mendiants se traînent le long des routes.


Le jeune Roi passe pour un sauveur aux yeux de tous. Les paysans croient qu’il les sauvera de l’oppression des nobles, et la noblesse qu’il les protègera contre les demandes de réformes des roturiers.
Le coup d’Etat, que le Roi appelle Révolution, ressemble à une opérette . Le pouvoir de la noblesse s’effondre comme un château de cartes. Gustave III se noue un bandeau blanc autour du bras et parcourt Stockholm à cheval allant au-devant d’un peuple en liesse et déclarant :
« Je suis le premier citoyen d’un peuple libre . »






Le château de Drottningholm se situe sur une île du lac Mälar, dans la commune d’Ekerö, à l’ouest de Stockholm. Sur l’initiative de la Reine consort Hedwige-Éléonore de Holstein-Gottorp (1636-1715), le château actuel fut construit entre 1662 et 1750 comme une maison de plaisance, d’après les plans des architectes Nicodème Tessin l’Ancien, Nicodème Tessin le Jeune et Carl Hårleman.
Le domaine de Drottningholm est propriété de l’Etat suédois depuis 1777, date à laquelle Gustave III en fait l’acquisition auprès de la Reine Louise Ulrique, sa mère.





Pour bien montrer que Révolution signifie liberté, Gustave III abolit la torture dans le pays. Une nouvelle forme de gouvernement est adoptée. C’est le Roi qui décide mais il y a cependant une forme de partage et une séparation entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif …

Soutenu par sa mère, l’armée et le peuple, il fait arrêter les membres du riksdag, et du rad. Il règne dès lors en despote éclairé, en réorganisant la justice et les finances, en abolissant la torture. Il encourage l’enseignement primaire, améliore la condition paysanne, amorce le remembrement des sols et institue la liberté de commerce des grains.

En revanche, ses relations avec sa mère, la Reine-douairière Louise-Ulrique, s’enveniment.
Femme de pouvoir, la Reine-douairière – qui avait tenté, en vain, de faire renverser le parlement en 1756 – pensait que son fils gouvernerait avec elle. Or Gustave III fait preuve d’indépendance, ainsi qu’il le montre dès 1775 quand il autorise son frère cadet et héritier Charles, duc de Södermanie à épouser la princesse de Holstein-Gottorp, proche parente de la Tsarine Catherine II de Russie, alors que la Reine-douairière mettait en avant une de ses nièces prussiennes.

D’ailleurs, la Reine-douairière, qui donne son affection à ses deux cadets, le prince Frédéric-Adolphe et la princesse Sophie-Albertine (qui resteront célibataires), apprécie peu ses belle-filles. Elle trouve l’épouse de son fils Gustave III, la Reine Sophie-Madeleine, trop timide et trop froide, et la duchesse de Södermanie trop frivole. De plus aucune des deux ne semble capable de donner un héritier à la couronne.
En effet, après onze ans de mariage, le couple royal n’a toujours pas d’enfant, et le duc de Södermanie reste l’héritier putatif de son frère.
En 1773
Il crée la première troupe d’Opéra de Suède et fait bâtir le premier Opéra Royal de Stockholm, qui sera inauguré en 1782.
Cependant, la Suède est alors gouvernée par un parlement qui possède le pouvoir depuis la constitution de 1719, et qui se déchire entre faction francophile et faction russophile. Le Roi a peu de pouvoir politique.






Le 1er novembre 1778
Après douze ans de mariage, la Reine Sophie-Madeleine accouche enfin d’un fils, le futur Gustave IV de Suède.

Des rumeurs, colportées par les frères du Roi chez la Reine-mère Louise-Ulrique, prétendent alors que le père de cet enfant est le comte Munck, que la Cour dit épris de la Reine. Le scandale est immense : la Reine-mère a une violente altercation avec son fils, et la famille royale se trouve divisée avant que le Roi n’oblige ses frères et sa mère à déclarer, ouvertement et par écrit, qu’ils croient sincèrement en la légitimité du petit prince royal. La Reine-mère est exilée et ne reparaît plus à la Cour. Le Roi ne se réconcilie avec elle que sur son lit de mort. La Reine-douairière meurt en 1782 au château de Svartsjö.

Cette année-là, le Roi et la Reine ont un autre fils, Charles, duc de Småland, mais le petit prince meurt en bas-âge l’année suivante.
Cela vaut à Gustav, de la part de Provence, ces félicitations ambigües :
«Je vous fais bien mon compliment sur la naissance de votre fils ( …. ) . Cela n’a pas dû être une petite satisfaction pour vous que la conduite de votre frère en cette occasion, car malgré le plaisir d’être père, l’union de la famille est le Bien suprême ( …. ) . Mais ce que je n’ai pas vu avec indifférence, c’est la conduite que votre Jézabel, si je peux m’exprimer ainsi en parlant à son fils, a tenu vis-à-vis de vous . Je ne saurais vous dire jusqu’à quel point j’en suis indigné; mais que voulez-vous ? Chacun a sa croix dans ce monde qu’il faut porter, en enrageant à la vérité, mais on la porte .»

Il y a une sorte de complicité dans le ton de cette lettre qui tendrait à confirmer les rumeurs d’homosexualité qui courent autour du frère du Roi de France… Louis-Stanislas et Gustave sont initiés à la Franc-Maçonnerie.
En 1779


Depuis 1780
Le Roi est membre de la franc-maçonnerie.
[Gustave III] se sait peu aimé à Versailles. Joseph II l’a peu ménagé dans ses lettres à sa sœur : « il est faux, insignifiant, bellâtre devant son miroir, je vous le recommande d’avance. » Mais Marie-Antoinette n’a pas besoin d’être prévenue. Comme ses frères, elle le trouve ridiculement efféminé, et pouffe à la seule idée de l’habit national. Elle n’a pas oublié qu’en 1771 il a fait sa cour à Madame du Barry en offrant un collier de diamants à son chien. Mais surtout elle partage l’animosité de la Cour d’Autriche qui n’a d’ailleurs pas d’ambassadeur en Suède.
Françoise Kermina
Catherine II surnomme son ennemi Gustave III : « Don Quichotte du Nord« .
«Le roi de Suède est une espèce qui ne m’est point homogène ; faux, petit, misérable. Un petit-maître à la glace.
Joseph II à sa sœur Marie-Christine
Il passera par la France, et, si vous le voyez, je vous le recommande d’avance.»
En somme Gustave a une réputation dans toute l’Europe.



Le 15 juin 1780
Gustave III part de Stockholm.

En juillet 1780
Après avoir passé quelques semaines du mois de juillet à Aix-la-Chapelle, pour y prendre les eaux, Gustave se rend à Spa, d’où il écrit au comte de Creutz que son intention est de se rendre à Paris. Il projette d’entraîner la France dans une guerre contre le Danemark et il fait la faute de laisser pénétrer ses intentions. Aussi le prudent ministre des affaires étrangères, Vergennes ( 1719-1787 ), lui fait-il répondre que sa présence à Versailles serait également compromettante en ce moment pour lui et pour ses alliés. Gustave se voit donc obligé de renoncer ; pour cette fois encore au voyage depuis si longtemps projeté, et il doit s’en consoler en tenant sa cour à Spa, où ses meilleurs amis lui viennent faire visite. Madame de La Marck et Madame de Boufflers ont, bien entendu, pris les devants ; chacune a loué à Spa un hôtel le plus près possible de celui qu’habite Gustave.

« Le roi de Suède est toujours à Spa avec la société française , écrit le ministre de Danemark à, Paris le 7 août 1780. Il y a beaucoup de rivalité entre Mme de Boufflers et Mme de La Marck, parce qu’il montre beaucoup d’assiduité pour celle-ci, sans cependant négliger l’autre, qui dit qu’elle n’est pas venue pour voir sa majesté le roi de Suède, mais son ami particulier. ― il aime à redire l’histoire de la dernière révolution ; on la lui fait répéter souvent, et il la conte, dit-on, fort bien, avec des circonstances jusqu’ici inconnues du public qui lui donnent plus d’intérêt. Il montre un désir extrême d’aller à Paris, sans pouvoir toutefois le satisfaire. À Aix-la-Chapelle, il a été obligé de quitter l’incognito pour voir certaine relique qu’on ne découvre que tout les sept ans, et que Mme de La Marck, qui est fort dévote, désirait vivement de voir. Le chapitre exigea que ce prince prit pour cette occasion le caractère de roi. En même temps on lui a offert quelques, reliques qu’il vient d’envoyer à la maréchale de Noailles, belle-sœur de la comtesse de La Marck. Il soupe tous les jours chez cette comtesse, où toutes les dames de la société s’assemblent. Il aime fort le jeu et y est très heureux, mais très noblement. »

Le 16 juillet 1782
Décès de la Reine-mère douairière, Louise-Ulrike de Prusse (1720-1782) au château de Svatsjö en Suède. Le Roi ne se sera réconcilié avec sa mère que sur son lit de mort.


En 1783
Gustave III commence son tour d’Europe par l’ Allemagne.
En septembre 1783
Gustave III se rend incognito en Italie, Axel de Fersen l’accompagne en tant que capitaine des garde du corps du souverain.
Le 20 septembre 1783
Fersen quitte la France pour retourner en Suède. Gustave III le nomme Lieutenant Colonel des Dragons du Roi. Dans sa lettre de remerciements même, Axel revient avec son envie de régiment en France, sollicitant l’intervention personnelle de Gustave auprès de Louis XVI.
«Recevez Sire tous mes remerciements de la nouvelle marque
Axel de Fersen à Gustave III
de bonté que Votre Majesté vient de me donner, en m’accordant
la demande que je lui avais faite. Votre consentement Sire a cette affaire a reçu un nouveau prix, par la manière touchante et flatteuse dont Votre Majesté a bien voulue me l’annoncer. La parole que Vous exigez de moi, Sire, de passer six mois en Suède, Vous était donné depuis longtemps, mon cœur Vous en est garant mon plus grand bonheur sera toujours d’être auprès de Vous, et de pouvoir Vous convaincre de toute ma reconnaissance le cours entier de ma vie ne suffirait pas pour m’acquitter envers Vous. Je passerai six mois de l’année auprès de Vous Sire, peut être même davantage, recevez en ma parole d’honneur, et croyez, Sire que j’ai un plaisir extrême à vous la donner. Je n’ai jamais eu l’idée de m’expatrier, quoiqu’on m’en soupçonne peut être, mais je ne le pourrais pas – l’honneur de Vous voir, de Vous faire ma cour, est trop nécessaire à mon bonheur. Vous avés rendu mon existence trop agréable en m’attachant à Votre personne pour n’y pas tenir infiniment, et sans parler de liens de sang qui m’attachent à ma patrie, quel serait mon existence en France, si je quittais Votre service, je rentrerais alors dans la classe de tous les français, dont je n’ambitionne pas le sort; je n’ai de considération et d’agrément ici que par les bontés dont Votre Majesté m’honore; mes sentiments plus encore que mon intérêt Vous sont garants que je consacre mes jours à Votre service, et que j’y mettrai tout le zèle dont je suis capable, puissé-je un jour être assez heureux pour Vous servir utilement, ce sera le plus beau de ma vie.
Je crois remplir encore mieux les vues de Votre Majesté en tachant d’avoir le Régiment Royal Suédois de préférence a tout autre, cela serait plus décent et plus avantageux pour Votre Majesté, en y plaçant de bons sujets, on donnerait de la nation l’idée qu’on doit en avoir en France, et que la manière distinguée dont les officiers de Votre marine sont servis, a déjà si bien établie; j’espère que je réussirai à l’obtenir, et que je parviendrai a tirer ce Régiment des mains des Messieurs de Sparre »

Gustave III est amateur de garçons. Il a jeté son dévolu sur le preux Axel, qui l’a plusieurs fois éconduit. Il n’est pas impossible que la passion du Roi de Suède ne soit évoquée par Fersen à Marie-Antoinette…
Et voici la lettre de recommandation que Gustave III écrit à Louis XVI :
«Monsieur, mon frère et cousin, le comte de Fersen, ayant servi dans les armées de Votre Majesté en Amérique avec une approbation générale, et s’étant rendu par là digne de votre bienveillance, je ne crois pas commettre une indiscrétion en vous demandant un régiment – propriétaire pour lui. Sa naissance, sa fortune, la place qu’il occupe auprès de ma personne, la sagesse de sa conduite, les talents et l’exemple de son père, qui a joui auparavant de la même faveur en France, tout m’autorise à croire, que ses services ne pourront qu’être agréables à Votre Majesté, et, comme il restera également attaché au mien et qu’il se partagera entre les devoirs qu’exige son service en France et en Suède je vois avec plaisir, que la confiance que j’accorde au comte de Fersen et la grande existence dont il jouit dans sa patrie étendront encore davantage les rapports qui existent entre les deux nations et prouveront le désir constant que j’ai de cultiver de plus en plus l’amitié qui m’unit à vous, et qui me devient de jour en jour plus chère. C’est avec ces sentiments et ceux de la plus haute considération et de la plus parfaite estime que je suis, monsieur, mon frère et cousin, de Votre Majesté le bon frère, cousin, ami et allié.»
Gustave III
«Le Roi a consenti tout de suite, et a témoigné la plus grande envie de faire quelque chose qui put être agréable a. Votre Majesté, la Reine a bien voulu s’en mêler, des qu’elle a su que Vous le désiriez, tout va bien, et je crois pouvoir assurer à Votre Majesté que j’aurai le Régiment de Royal Suédois, on a imaginé ici que c’était celui qui ferait le plus de plaisir a Votre Majesté, et celui qui me conviendrait le mieux, on a offert a messieurs de Sparre des avantages assez considérables pour les faire quitter, le comte Ernst a déjà renoncé a sa survivance, et le Comte Alexandre a depuis longtemps témoigné le désir de rendre son Régiment, il s’agit seulement de régler les prétentions exorbitantes qu’il fait. Parmi ces demandes il fait celle du Cordon des Séraphins. Le Comte de Cheffer le lui a presque assuré dans une lettre ou il l’engage a ne pas accepter le Cordon Rouge qu’on lui offrit alors; je n’ose me flatter que les bontés et l’intérêt que Votre Majesté daigne prendre a moi puissent l’engager a lui accorder cette grâce a laquelle il a véritablement les droits tant par sa naissance, que par la promesse du Comte de Cheffer, et s’il consent a me céder son Régiment ce dont je ne doute pas, c’est en grande partie pour plaire a Votre Majesté»
Fersen à Gustave III

Voici la lettre de Marie Antoinette à Gustave :
«Monsieur mon frère et cousin, je profite du départ du comte Fersen pour vous renouveler les sentiments qui m’attachent à Votre Majesté; la recommandation qu’elle a faite au roi a été accueillie comme elle devait l’être, venant de vous et en faveur d’un aussi bon sujet. Son père n’est pas oublié ici: les services qu’il a rendus et sa bonne réputation ont été renouvelés par le fils, qui s’est fort distingué dans la guerre d’Amérique, et qui, par son caractère et ses bonnes qualités a mérité l’estime et l’affection de tous ceux qui ont eu l’occasion de le connaître. J’espère, qu’il ne tardera pas à être pourvu d’un régiment. Je n’oublierai rien pour seconder les vues de Votre Majesté et vous donner en cette occasion comme en toute autre des preuves du sincère attachement avec lequel je suis, monsieur mon frère et cousin, votre bonne sœur et cousine.»
Marie-Antoinette
Franchement, on ne lit que de la civilité entre souverains désireux de se rendre mutuellement service.

Le 29 octobre 1783
Axel a pour projet de rentrer en Suède, mais Gustave III décide de l’emmener dans son voyage en Italie. Le sujet rencontre donc son souverain à Erlanger, rencontre dont il rend fièrement compte à son père :
« C’est à Erlang le 16 de ce mois que j’ai joint le Roi, jamais un frère séparé pendant longtemps d’un frère qu’il aime tendrement, n’a été reçu comme je l’ai été par ce charmant monarque, il n’y a pas de paroles qui pussent l’exprimer, il pleurait de joie et de sensibilité, et j’étais très touché depuis ce moment, il n’y a aucune sorte de marques d’amitié et de confiance que je n’éprouve tous les jours.
Axel de Fersen à son père
Le 8 novembre 1783
Il renchérit :
« [Le roi Gustave] était encore au lit, quand j’arrivai, il me fit entrer sur le champ, il m’embrassa mille et mille fois, me dit les choses les plus tendres et les plus flatteuses sur le désir et l’impatience qu’il avait eu de me revoir, et sur la manière dont je m’étais conduit en Amérique, il était attendri jusqu’aux larmes, il en versait de joie, et j’étais vivement touché, il me répéta mainte et mainte fois combien il sentait vivement l’étendue du sacrifice que je lui faisais, en ne vous voyant, qu’il concevait la peine que cela vous faisait; qu’il la partageait, et que s’il n’y avait été force, n’ayant aucun autre capitaine de gardes en état de le suivre, il ne m’aurait pas pris avec lui, quelque envie qu’il en eut, et quelque convenable que cela fut, moi étant le seul qui fut fait pour lui faire honneur… enfin il me reçut non en Roi mais en ami tendre et sensible…, Il me distingue de tous les autres en tout et partout.»
Axel de Fersen à son père
A lire cette lettre de Fersen , on croirait plutôt avoir affaire à l’amant du Roi de Suède qu’à « celui » prétendu de la Reine de France…






les artistes français se sont en effet déplacés pour œuvrer chez le Roi de Suède.






Le pseudonyme derrière lequel Gustave III se cache en voyageant, le comte de Haga, c’est comme si Marie-Antoinette empruntait celui de comtesse de Trianon…
En 1784
Désireux de renforcer ses liens avec la France et de donner à la Suède un empire colonial, Gustave III se fait céder par la France l’île de Saint-Barthélemy contre un droit d’entrepôt à Göteborg.
Puis Gustave se rend à Turin, Gênes, Toulon, Marseille Aix et Lyon avant d’arriver à Paris…
Avant de se rendre à Versailles, Gustave a voulu connaître la Capitale. Dès le lendemain de son arrivée, il assiste avec le duc de Sudermanie à une représentation de l’amitié à l’épreuve, opéra comique de Favart sur une musique de Grétry.
Il remarque cependant qu’il y a peu de nouveautés intéressantes sur les scènes parisiennes. Sa hâte de rencontrer nos philosophes est telle qu’il est déçu. Leur vaniteuse assurance le surprend et le choque. Il rencontre des hommes qui se louent eux-mêmes avec une complaisance navrante. Marmontel dont il apprécie les contes moraux, si charmants, si légers, est à ses yeux « un énergumène qui parle avec un enthousiasme extrême et qui est le plus grand républicain possible ». Gustave en conclut qu’il faut mieux lire les écrivains que les entendre.
Ensuite, il fait irruption à Versailles bien sûr sans être annoncé …
Le 7 juin 1784
« Le comte de Haga (Gustave III) était tombé à la cour comme une bombe. Le roi était à la chasse à Rambouillet, la reine le fit prévenir en toute hâte. (…) Les valets de chambres ne se rencontrèrent point là quand il le fallut ; ils avaient emporté les clefs, on ne savait où les prendre. Le comte de Haga était déjà chez la reine ; le roi dans sa bonté ne voulait pas le remettre ; des gens de la cour aidèrent Sa Majesté à s’habiller tant bien que mal… On était si pressés que tout fut fait de travers sans qu’on s’en aperçût. Il avait une de ses boucles de souliers en or et l’autre blanche, une veste en velours au mois de juin ! et ses ordres tout à rebours (ses emblèmes royaux à l’envers), il n’était bien poudré que d’un côté et le nœud de son épée ne tenait pas. La reine en fut frappée et se contraria. Quant au roi, au contraire, il en rit beaucoup, et fit rire le comte de Haga.»
La baronne d’Oberkirch

Le Roi de Suède a accepté l’invitation que Louis XVI lui avait adressée en février.
Appartement prévu pour Gustave III de Suède au château de Versailles
( Texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion )
Un appartement est aménagé au rez-de-chaussée de l’Aile du Midi, attenant à l’Escalier des Princes, appartement affecté à la duchesse de Bourbon.

La visite de Gustave III est organisée à la hâte, le souverain francophile n’ayant annoncé sa visite que tardivement. Selon la tradition établie à Versailles, toute visite princière, fut-elle incognito, conduit à l’aménagement d’un appartement réservé au visiteur et correspondant, par sa richesse, à son véritable rang. Le Garde-Meuble de la Couronne envisage dans un premier temps de commander des ameublements neufs pour la chambre et le grand cabinet du souverain suédois, mais il est finalement décidé, pour cette dernière pièce, d’acheter un meuble sur le marché parisien.

Ce mobilier a appartenu au Comte de Gamache qui l’a acheté au marchand parisien François-Charles Darnault en 1778. Composé d’un canapé, de six fauteuils, de deux bergères et d’un écran de cheminée estampillés du menuisier Jean‑Baptiste II Tilliard, il est digne, par la richesse de son décor sculpté et doré, du mobilier royal. Il l’est d’autant plus que le dessinateur et entrepreneur le plus en vue de la Fabrique lyonnaise, Philippe de Lasalle, en a conçu l’étoffe : un «gros de Tours broché fond satin à médaillons et figures, La Bouquetière et le Jardinier», l’une de ses plus célèbres compositions.

Le mobilier comporte des meubles provenant du fonds du Garde-Meuble de la Couronne et d’un ensemble pour la chambre : un lit à quatre colonnes et à impériale avec couronnement sculpté, quatre fauteuils et huit pliants.

Il devait être couvert d’un pékin fond blanc avec la tapisserie du Cabinet de la Reine à Versailles.
Dans le cabinet, un secrétaire, une commode et une table mécanique.



Pour le Cabinet, un ensemble de six fauteuils, huit cabriolets et deux bergères ont été achetés pour l’occasion. Un canapé et un écran complètent l’ensemble.


Des meubles d’ébénistes complétaient les sièges : dans la chambre, une commode et une table à écrire.


Le comte de Haga soupe ce soir-là avec le Roi, la Reine et une partie de la famille royale dans ce qu’on appelle le cabinet, c’est-à-dire les petits appartements. On lui a préparé un magnifique logement dans le château : il le refuse, et veut, pour être plus libre, loger en ville chez Touchet, baigneur.
Joseph II, sept ans auparavant, est de même descendu à l’hôtel de la rue de Tournon : c’était encore un trait du temps que cette revendication affectée, par les souverains eux-mêmes de leur liberté personnelle, avec un mépris apparent de l’étiquette.


À Paris, Gustave déclare qu’il ne recevrait aucune visite ; mais il va voir lui-même les personnes qui s’inscrivent chez lui : on le voit accepter des invitations à souper, surtout chez les comtesses de Boufflers et de La Marck, chez la duchesse de La Vallière, chez les princesses de Lamballe et de Croÿ, à l’hôtel de Richelieu et à l’hôtel d’Aiguillon .
En tête de son programme est, bien entendu, le théâtre. À chacun des trois spectacles, c’est-à-dire à l’Opéra, au Théâtre-Français et à la Comédie-Italienne, le public influent et nombreux des gens de lettres se trouve réuni : c’était donc là qu’il faut se montrer et se faire applaudir.
De vrais triomphes y attendent le comte de Haga. Arrive-t-il au second acte du Mariage de Figaro, à la seconde scène d’Adélaïde Du Guesclin, le parterre et les loges font recommencer la pièce, et tout prétexte d’allusion flatteuse donne lieu à de chaleureux applaudissements. Gustave témoigne d’ailleurs de son goût irrésistible pour la scène française en allant presque chaque soir à deux ou trois représentations.
Pour suffire à cette curiosité insatiable, en trois semaines l’Opéra monte pour lui, indépendamment du service de la Cour, jusqu’à huit ou neuf grands ouvrages : Armide et les deux Iphigénies de Gluck, la Caravane de Guétry, Atis, Didon, le Seigneur bienfaisant… La Comédie-Française, cherchant ce qui pourra surtout lui plaire, donne le Siège de Calais, le Roi Lear de Ducis, le Jaloux, le Séducteur, l’Impatient, les Rivaux amis, sans parler du Mariage de Figaro, qui précisément alors cause tant d’émotion, surtout parmi les prudes. Gustave y va deux fois, et dit de cette pièce qu’elle est « encore plus insolente qu’indécente. »
C’est la voir des mêmes yeux que Louis XVI, lorsqu’il déclare qu’après avoir laissé jouer un tel ouvrage, il n’y aurait plus qu’à renverser la Bastille.
Après le théâtre, le parlement, car les souverains philosophes-paraissent volontiers devant cette magistrature française, à laquelle est revenue de fraîche date une réelle popularité, qui fait entendre de fortes expressions sur les droits des peuples, mais qui n’en conserve pas moins la tradition des sentiments, des éloges, des admirations monarchiques.
Gustave assiste aux derniers débats d’un procès où le comte d’Artois est impliqué. Monsieur Séguier, l’avocat-général, avant de clore les débats, parle de la sorte :
« Nous sommes heureux d’avoir, en finissant, l’occasion d’exprimer notre profond respect pour un prince que la France revoit avec une joie sincère, pour un roi dont le peuple, courageux et libre, a conservé son antique honneur à travers toutes les vicissitudes. Après avoir connu les dangers de la liberté sans limites, ce peuple jouit maintenant, sous le successeur des deux Gustave et de Charles XII, d’un gouvernement sage et pacifique, également éloigné de l’anarchie et du despotisme, et fondé sur le principe le plus inébranlable, le bien public, etc. »
Monsieur Séguier continue longtemps encore sur ce ton sans risquer de déplaire au comte de Haga, qui s’empresse d’envoyer en Suède une copie de la harangue, avec ordre de l’imprimer au plus vite dans la gazette officielle de Stockholm.

Les souverains philosophes s’intéressent à toutes les nouveautés scientifiques, et Gustave particulièrement s’en montre avide. C’est donc, comme écrit Bachaumont, un cadeau à lui faire que de lui donner le spectacle d’un aérostat. L’invention en était toute récente, puisque la première expérience datait du mois de juin 1783.
«Tout va ici son train : les intrigues de la Cour et l’enthousiasme pour les Parlements, l’opéra et les spectacles qui font oublier les Parlements, voilà tout ce qui occupe cette ville d’oisifs et de mendiants.»
Gustave III à son plus jeune frère resté en Suède

Des visites à la manufacture des Gobelins, à la Savonnerie et à Sèvres font encore partie du programme que doivent remplir les princes étrangers.
Il faut enfin connaître les promenades et jardins de Paris ou des environs, et suivre la mode là où il lui plaît d’entraîner les goûts de la foule parisienne. Gustave suffit à tout cela. Il partage trop les goûts de son temps, il a trop de sensibilité, comme on dit alors, pour ne pas faire le pèlerinage d’Ermenonville.
C’était là que le monument funéraire de Jean-Jacques s’élève, au milieu d’un parc dont la disposition réalise fidèlement l’idéal de la nature, telle que Rousseau et ses disciples l’ont rêvée. Ce vaste jardin anglais, ces belles pelouses, ces eaux vives, ces saules pleureurs abritant une tombe, ces rochers couverts d’inscriptions morales, ce temple de la philosophie, c’est le pur miroir du XVIIIe siècle qui se contemple dans son œuvre. Depuis que Marie-Antoinette » dans l’été de 1780, a visité Ermenonville, ce petit voyage était de mode, et Gustave ne laisse pas échapper l’occasion d’offrir à la philosophie un hommage sincère.
Un banc de pierre du parc est appelé le banc de Marie-Antoinette…
« La reine, fort prévenue contre le roi de Suède, le reçut avec beaucoup de froideur. Tout ce que l’on disait des mœurs privées de ce souverain, ses relations avec le comte de Vergennes, depuis la révolution de Suède en 1772, le caractère de son favori Armsfeld, les préventions de ce monarque contre les Suédois bien vus à la cour de Versailles, formaient les bases de cet éloignement.»
Henriette Campan , Mémoires, 1824
Le 21 juin 1784
Fête donnée en l’honneur du comte de Haga ( Gustave III), souper, spectacle et illumination à Trianon.
C’est une soirée fastueuse. Les invités, tout de blanc vêtus selon le désir de la souveraine, commencent par assister au Dormeur éveillé de Marmontel, puis ils se rendent par le parc illuminé jusqu’au temple de l’Amour. Là, une foule est massée, car la Reine a permis « à toutes les personnes honnêtes » d’entrer dans le parc à condition qu’elles aient un habit blanc.

Soudain, une flamme s’éleva derrière le Temple et, en quelques secondes, le parc entier parut brûler. Des colonnes d’étincelles montaient vers la cime des arbres et les nuages s’empourprèrent.

Après l’embrasement du Temple, on servit un souper dans les pavillons du jardin français. Au petit matin, Gustave III, ravi par cette fête grandiose, remercia Marie-Antoinette. Il ignorait, le pauvre, que, sans l’amour, la France, n’eût certainement pas fait tant d’honneur à son pays.
Illumination du belvédère et de la grotte au Petit Trianon par Châtelet, 1785
A la table du Roi, on a servi quatre-vingts entrées et quarante-huit entremets. A la grande table d’honneur quarante-huit entrées et soixante-quatre entremets .
Journal du secrétaire Franc, cité par Félix Moeschlin dans Le beau Fersen
Menu : oreilles d’agneau à la Provençale, esturgeon à la broche, sauce à la glace, rôt de bif de chevreuil, d’un chevreuil tué par le Roi lui-même, compote de faisans …



La Reine ne danse point … Elle a l’esprit ailleurs …
Gustave III fait le compte-rendu de cette réception :
« On a joué sur le petit théâtre le « Dormeur réveillé », par M. de Marmontel, musique de Grétry (c’est « le Dormeur éveillé » de Piccini) avec tout l’appareil des ballets de l’Opéra réunis à la Comédie Italienne. La décoration de diamants termina le spectacle. On soupa dans les pavillons des jardins et, après souper, le jardin anglais fut illuminé. C’était un enchantement parfait. La Reine avait permis de se promener aux personnes honnêtes qui n’étaient pas du souper et on avait prévenu qu’il fallait être habillé en blanc ce qui formait vraiment le spectacle des Champs-Élysées. La Reine ne voulut pas se mettre à table, mais fit les honneurs comme aurait pu faire la maîtresse de la Maison la plus honnête. Elle parla à tous les suédois, et s’occupa d’eux avec un soin et une attention extrêmes. Toute la famille royale y était, les charges de la cour, leurs femmes, les capitaines des gardes du corps, les chefs des autres troupes de la Maison du Roi les ministres et l’ambassadeur de Suède (M. de Staël). La princesse de Lamballe fut la seule des princesses de sang qui y était. La Reine avait exclu tous les princes, le Roi ayant été mécontent d’eux.»
Le 23 juin 1784
Décollage de la montgolfière Marie-Antoinette de la cour des Ministres du château de Versailles, en présence de la famille royale.

La Reine a donné Son patronage à l’aéronaute, Pilâtre de Rozier (1754-1785).



Un midi
Gustave III se présente à l’improviste à Trianon pour « dîner » avec la Reine. La Reine demande alors à Madame Campan, devant Gustave III, de « faire augmenter » son dîner, ce qui provoque un sourire de Madame Campan (car il y a toujours dix fois trop à manger). Une fois Gustave III parti, la Reine reproche à Madame Campan d’avoir souri car en lui demandant d’augmenter son dîner, Elle cherchait à donner une «leçon» au Roi de Suède «pour sa trop grande confiance».
Un jour
Marie-Antoinette chante en duo avec l’une de ses dames, probablement un air de Grétry, Gustave félicite chaleureusement la prestation de la partenaire et dit qu’elle-même ne chante pas trop mal, pour une reine .
Une autre fois
Ils assistent ensemble à la messe, dans la chapelle du château . Comme Marie-Antoinette bacouette avec son entourage, Gustave la réprimande sans ménagement :
« – Eh mon Dieu, est-ce qu’on parle ici, Madame ?!! »
Françoise Kermina
Le 27 juin 1784
Marie-Antoinette joue sur la scène de Trianon le rôle de Rosine du Barbier de Séville de Beaumarchais devant un public choisi comprenant le Roi de Suède.
Joelly Richardson est Marie-Antoinette dans The Affair of the Necklace de Charles Shyer (2001)
Le 7 juillet 1784
Marie-Antoinette et le comte d’Artois donnent à dîner au comte de Haga (Gustave III) au château de Marly.
Le 20 juillet 1784
Gustave III quitte Paris et Versailles.
Ils assistent ensemble à la messe, dans la chapelle du château . Comme Marie-Antoinette bacouette avec son entourage, Gustave la réprimande sans ménagement :
« – Eh mon Dieu, est-ce qu’on parle ici, Madame ?!! »
Le 27 juin 1784
Marie-Antoinette joue sur la scène de Trianon le rôle de Rosine du Barbier de Séville de Beaumarchais devant un public choisi comprenant le Roi de Suède.
Joelly Richardson est Marie-Antoinette dans The Affair of the Necklace de Charles Shyer (2001)
Le 7 juillet 1784
Marie-Antoinette et le comte d’Artois donnent à dîner au comte de Haga (Gustave III) au château de Marly.
Le 20 juillet 1784
Gustave III quitte Paris et Versailles.






En 1785

Gustave III offre à Fersen le poste très discret d’envoyé extraordinaire auprès de Louis XVI et Marie-Antoinette personnellement. Il fera explicitement le distinguo entre la France-pays révolutionnaire (Staël reste ambassadeur) et la monarchie (Fersen est l’envoyé personnel du Roi de Suède au Roi de France). Fersen touche à une pension diplomatique qui lui permet de rester en France, Gustave explique à son père qu’il a donné à Axel un poste d’une grande importance.



Wertmüller réalise ce portrait de Marie-Antoinette et Ses deux premiers enfants à la demande de Gustave III. Ce portrait est de nos jours exposés à Stockholm.

C’est en souvenir de la fête à Trianon du 21 juin 1784, que Gustave III commanda ce tableau au peintre suédois Wertmuller .
Le tableau exposé au salon de 1785 n’eut pas de succès et ne plut pas à la reine, bien qu’on l’ait trouvé un des plus ressemblants Elle le fit recommencer et envoya la deuxième version au roi de Suède qui à son tour l’estima peu flatteur.
«Quoi ! C’est moi là !» se serait écrié Marie-Antoinette en voyant le tableau.

Gustave III trouve le tableau bien peint, mais il trouva aussi qu’il ne ressemblait pas à la reine en beau, en revanche Madame Royale lui parut charmante, le Dauphin fort grand et ressemblant à son père.


Le tableau qui est maintenant au musée national de Stockholm, fut copié au XIXe siècle par Bataille pour l’Impératrice Eugénie et Napoléon III offrira cette copie au musée de Versailles. Cette copie se trouve dans les salles du rez-de-chaussée.
Vers 1787
En hommage au Roi de Suède, le principal bourg de l’île (Le Carénage) est renommé Gustavia.

En 1787
Il part quelques semaines pour accompagner Gustave III dans sa guerre en Finlande contre Catherine II de Russie.

Le 27 décembre 1787
Axel écrit à Gustave III :
« Madame de Polignac se soutient toujours elle est toujours aussi bien qu’elle était, mais depuis le départ de M. Calonne les individus de sa société ne sont plus rien et n’ont aucun crédit. La Reine est assez généralement détestée, on lui attribue tout le mal qui se fait et on ne lui sait pas gré du bien.
Le choix de M. Necker serait fort bon et l’Archevêque se serait fait beaucoup d’honneur s’il l’avait appelé quand il a été fait ministre principal. On a une grande idée, et avec raison, de l’honnêteté et des talents de cet homme… Le Roi est toujours faible et méfiant, il n’a de confiance qu’en la Reine, aussi il paraît que c’est elle qui fait tout, les ministres y vont beaucoup et l’informent de toutes les affaires, on a beaucoup dit dans le public que le Roi commençait à boire que la Reine entretenait cette passion et profitait de son état pour lui faire signer tout ce qu’elle voulait, rien n’est plus faux il n’a pas le penchant pour la boisson et dans la supposition qu’on fait ce serait un vice trop dangereux pour les suites qu’il, pourrait avoir, car une autre pourrait surprendre au Roi une signature aussi bien que la Reine.
Depuis que l’anglomanie s’est glissée dans tous les esprits, Versailles a été plus désert qu’a 1 ‘ordinaire, pour y ramener du monde on dit, qu’il va y avoir des soupers trois fois par semaine chez la Reine, on doit s’assembler à 9’h. jusqu’à 11h. Je crois que cela n’est pas encore décidé, il y a jeu les samedis et dimanches.»
Vers la fin 1787 se dessine de plus en plus nettement l’imminence d’une guerre entre la Suède et la Russie. Fersen doit servir sa patrie.
De mai 1788 au 24 octobre 1788
Fersen est en Suède, la plupart du temps avec l’état-major de Gustave III, puis en Finlande pour la guerre contre la Russie. Axel prend les armes avec son frère Fabian. Très proche de son souverain pendant toute la campagne, il gardera sur lui la lucidité qu’il avait lors du voyage en Italie, critiquant sans complaisance ses excentricités.
En 1789
Les bonnes relations que la Roi entretient avec la France sont rompues lors de la Révolution français
Pour lutter contre la noblesse, Gustave III renforce son pouvoir absolu par «l’Acte d’Union et de Sécurité», qui accorde à tous les Suédois l’égalité des droits, dont l’accès aux fonctions publiques.
La noblesse fomente alors un complot.
Au printemps 1789
Frederik de Fersen est arrêté pour avoir pris parti pour les droits de la noblesse dans le conflit qui oppose Gustave III à son aristocratie, après des revers dans la guerre (que Gustave III menait finalement à terme après la bataille navale à Svensksund).
En France
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.

Y sont réunis tous les protagonistes de la Révolution future…
Le 20 juin 1789
Serment du Jeu de paume

Le 14 juillet 1789
Les parisiens prennent la Bastille et en assassinent le gouverneur, M. de Launay.

Les 5 et 6 octobre 1789
Trois mille femmes parisiennes se rendent à Versailles pour ramener «le boulanger, la boulangère et le petit mitron » à Paris.

« J’ai été témoin de tout et je suis revenu à Paris dans une des voitures de la suite du Roi; nous avons été 6 h 1/2 en chemin. Dieu me préserve de jamais voir un spectacle aussi affligeant que celui de ces deux journées. Le peuple paraît enchanté de voir le roi et sa famille. La reine est fort applaudie, et elle ne peut manquer de l’être quand on la connaîtra, et qu’on rendra justice à son désir du bien et à la bonté de son cœur.»
Axel de Fersen
Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
La famille royale s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération

Fersen y accompagne la famille royale dans la loge qui leur est préparée sur le Champ de Mars.

En 1791
Fersen participe aux préparatifs de la fuite à Montmédy:
l’argent est difficile à trouver. Outre la participation de la Reine, Fersen donne tout ce qu’il a, emprunte trois mille livres à son maître d’hôtel, quatre-vingt-treize mille livres à une dame suédoise ( Stegleman) et cent soixante-neuf mille livres à la baronne de Korff. Éléonore Sullivan donne mille livres.
Une facture d’accessoires de voyage livrés pour la fuite
La nuit du 20 juin 1791
Fersen, déguisé en cocher, escorte lui-même la famille royale jusqu’à Bondy, mais Louis XVI refusera qu’il les accompagne plus loin. L’objectif du Roi étant d’atteindre Montmédy qui se situe en France, au contraire de ce qu’on supposera, il valait mieux qu’il ne soit alors escorté que par des gentilshommes français…

Mais lisons plutôt le récit de Fersen :
« L. 20 (Le début manque)… remarque et demanda ce qu’il voulait faire les deux me dirent qu’il n’y avait pas a hésiter et qu’il fallait toujours aller nous convînmes de l’heure etc. etc. que s’ils étaient arrêtés il fallait aller a Brux : et faire agir pour eux etc. etc. en me quittant le Roi me dit mr de F. quoi qu’il puisse m’arriver je n’oublierai tout ce que vous faites pour moi. La Reine pleura beaucoup a 6h : je la quittai elle alla avec les enfants a la promenade pour précautions extraordinaires je rentrai chez moi finir mes affaires à 7 h. chez Sullivan voir si on y avait mené la voit[ure] rentré chzs moi a 8 h. j’écrivis a la Reine pour changer le rendez vous des femmes de chambre et les bien instruire pour me faire dire l’heure exacte par les gardes du C… porté la lettre point de mouvement a 8 3/4 les gardes me joignirent ils me donnèrent la lettre pour Mercy les intruisa rentré faire partir ma chaise leur (les Craufurd) donner mon cocher et mes chevaux pour partir allé prendre la voiture, cru avoir perdu la lettre pour Mercy:a 10 1/4 h : dans la Cour des princes a 11 1/4 les enfants sortis emmenés sans difficulté. La Fayette passé deux fois, a 11 1/4 Me Elisabeth, puis le Roi puis la Reine a 12 h partis joint la voiture Barriere St Martin a 1 1/2 h : a Bondi pris la poste, moi la traverse a 3 h au Bourget et parti.
Le 21. beau tout allait bien retardé dans la traverse entre Maretz et Cateau, le commandant de milice demanda mon nom j’eus peur au Cateau installation d’Ev : passé le Quesnoy par St Vast.»
Lui-même est désorienté par les rumeurs faisant de Barnave l’amant de la Reine.Le 21 juin 1791 La famille royale est arrêtée à Varennes.

Le Roi et la Reine sont arrêtés à Varennes.

Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.

Le passage de la berline royale devant l’Hôtel de ville de Châlons , par Joseph Navlet
Du 29 juin au 3 juillet 1791
Fersen, à Aix-la-Chapelle, prend ses ordres de Gustave III,
qui veut l’envoyer à Vienne négocier avec l’empereur Léopold II, frère de Marie-Antoinette.
Le 17 juillet 1791
Ayant enfin reçu une réponse à la lettre portée à Marie-Antoinette
par Reutersvärd, Fersen rend visite au baron de Breteuil, à Gustave III et aux princes à Aix-la-Chapelle, Spa et Coblence, avant de partir pour sa mission à Vienne, le 27 juillet 1791.
Fin 1791
Gustave III invente un nouveau projet d’évasion. Il veut envoyer Fersen pour le présenter au Roi et à la Reine emprisonnés aux Tuileries.
Le 11 février 1792
Fersen veut se rendre secrètement à Paris. Il doit remettre à Louis XVI un mémoire de Gustav III et tenter d’organiser une nouvelle fuite.
Le 16 mars 1792
Au cours du bal masqué de l’Opéra royal de Stockholm, le Roi est assassiné par Jacob Johan Anckarström (1762-1792), un soldat suédois, qui tire sur lui un coup de pistolet, dans le dos, au moment où le comte de Horn, son complice, lui désigne la victime, en lui adressant ces mots en français : « Bonsoir, beau masque ».
Le Roi, touché, s’écrie en français « Ah ! Je suis blessé, tirez-moi d’ici et arrêtez-le ».

Le Roi est emporté et les portes de l’Opéra scellées.

Le lendemain matin
Anckarström est arrêté, et avoue immédiatement le meurtre, tout en niant la conspiration jusqu’à ce qu’il soit informé que Horn, également arrêté, l’a avouée.
«cMon ami, je suis anéanti, je suis consterné, et je n’ai pas la force de vous exprimer tout ce que mon âme éprouve… L’état où je suis ne peut être senti que par celui où vous devez être, et cette certitude augmente encore mes peines. Ma douleur est profonde, et l’incertitude où je suis est affreuse. Jugez tout ce que je souffre par l’attachement vrai que je lui porte, que je lui porterai, et que je lui dois à tant de titres. Ces sentiments ne s’effaceront jamais de mon cœur, et mes seuls vœux, ceux que je forme du meilleur de mon cœur, c’est que Dieu me fasse la grâce de me laisser la possibilité de le lui prouver.»
Fersen au baron de Taube
Le 29 mars 1792
Gustave III décède après douze jours pénibles d’agonie, la blessure s’étant infectée.
Gustave III est inhumé dans la crypte située sous la chapelle Gustave-Adolphe de l’église Riddarhomen à Stockholm.
Avec Gustave III s’éteignent les lumières du Nord.


Son fils Gustave IV Adolphe (1778-1837) lui succède, sous la régence du prince Charles, duc de Södermanie.





Le 27 avril 1792
Mis en jugement, Ankarström est décapité après avoir eu la main coupée .



La Reine Sophie-Madeleine meurt en 1813, après avoir été témoin de la destitution de son fils et de ses petit-enfants au profit de son beau-frère, puis l’élection au trône de Suède d’un militaire Français issu des rangs de la Révolution Française : Bernadotte.
Sources :
- Palais d’Europe : les palais de Gustave III (2006) , documentaire de Katia Chapoutier