Le 8 juin 1740
Antoine-Joseph Esterházy de Galantha (1711-1787) épouse Philippine de la Nougarède de Lagarde (1718-1792), qui semble être grosse puisque :
Le 22 octobre 1740
Naissance de Valentin Ladislas, comte d’Esterházy de Galantha, au Vigan, dans les Cévennes. Il est fils du comte Antoine-Joseph Esterházy de Galantha, petit-fils du comte Antoine Esterházy (1683-1712) et cousin de la branche hongroise des Esterházy, qui a soutenu l’insurrection menée par François II Rákóczi (1676-1735) contre les Habsbourgs au début du XVIIIe siècle et de Philippine de la Nougarède de Lagarde.
Le 20 octobre 1740
Décès de l’Empereur Charles VI (1685-1711-1740).
Quelques heures après la mort de l’Empereur Charles VI, des suites d’un empoisonnement aux champignons. Une mort qui prend tout le monde de court.
Antoine-Joseph Esterházy, son père, prend part à la guerre de succession d’Autriche ( de 1741 à 1748) qui vise à empêcher sa fille de monter sur le trône impérial avec son époux.
Marie-Thérèse a vingt-trois ans et elle va devenir l’une des femmes les plus puissantes de son siècle.
Le 9 octobre 1741
Naissance de sa sœur Marie-Anne Esterházy (1741-1823).
Le 27 juin 1743
Antoine-Joseph Esterházy se distingue à la bataille de Dettingen.
Durant l’été 1743
Son père, Antoine-Joseph Esterházy, meurt sottement d’une insolation et des conséquences de ses multiples blessures de guerre.
La comtesse Esterházy est veuve avec deux enfants et des dettes importantes à cause du train de vie dispendieux de son mari. Elle quitte donc Strasbourg où elle avait rejoint le cantonnement de son époux pour retourner chez ses parents, au Vigan.
« L’état misérable dans lequel je sais qu’est cette famille m’oblige à recouvrir à vos bontés, Monseigneur. Il est, j’ose dire, de la grandeur du maître que nous avons l’honneur de servir, d’avoir compassion de cette veuve et de ses enfants. Ils sont revêtus d’un nom illustre et ils n’ont pas de pain.»
Le comte de Bercheny au comte d’Argenson, ministre de la Guerre
Mais la solidarité n’est pas un vain mot, au sein des réfugiés hongrois, et l’enfant est recueilli par un ami de son père, le comte Berczényi. Le tuteur est un proche du Roi de Pologne déchu, reconverti en duc de Lorraine, Stanislas Leszczynski, et ne manque pas d’emmener son protégé à Lunéville. Là, l’orphelin s’initie aux subtiles règles de la Cour.
Philippine s’installe à Versailles chez les Berczényi.
Valentin Esterházy, quoique de la famille la plus prépondérante de Hongrie, n’est qu’un cadet .
Après quelques semaines, la famille obtient une pension de cinq cents écus, à peine de quoi survivre décemment…
Dès lors, Valentin-Ladislas Esterházy partage sa vie entre la tradition militaire de ses ancêtres et l’usage des cours appris de son tuteur.
Il faut retourner au Vigan où les Nougarède subviendront à leurs besoins. La petite enfance de Valentin est insouciante au milieu de sa famille maternelle, malgré une mère autoritaire qui tente de compenser l’absence paternelle.
En 1749
« J’avais alors neuf ans. A peine savais-je lire et écrire. Une pauvre école où la vanité maternelle refusait à m’envoyer était le seul moyen d’éducation qu’il y eût au Vigan. D’autre part ma grand-mère me gâtait tellement que ma mère commença à craindre que je ne devinsse opiniâtre, paresseux et fier.»
Valentin d’Esterházy
La comtesse d’Esterházy obtient de Louis XV une pension supplémentaire sur sa cassette personnelle. De Marie Leszczyńska, elle obtient la promesse d’une place de page pour Valentin lorsqu’il aura l’âge requis et l’entrée pour Marie-Anne à la maison d’éducation de Saint-Cyr.
En 1750
Proche du comte Berczényi, Valentin Ladislas s’intègre facilement à la Cour de Lunéville.
Berczényi est commandant d’un détachement de hussards. Grâce à sa protection, le jeune Esterházy obtient un premier commandement militaire pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763), puis une promotion dans la Légion Royale (futur IIIe régiment d’infanterie de ligne).
Valentin est disgracieux : de petite taille, il a une silhouette massive surmontée d’une grosse tête carrée aux cheveux en bataille noirs. Ses yeux sombres un peu exorbités lui mangent le visage et sont surmontés d’épais sourcils en broussaille qui accentuent son aspect négligé. Il compense ce physique peu avantageux par une grande vigueur et une puissante énergie corporelle…
De 1753 à 1757
Valentin Esterházy vit à la Cour du Roi Stanislas à Lunéville, dans la famille de son grand-cousin le futur maréchal de Bercheny, dont la grand-mère maternelle est Maria Estreházy, sœur ainée de l’arrière-grand-père de Valentin.
Le 22 octobre 1753
Valentin a douze ans : l’âge auquel il peut devenir page ; c’est à la Cour de Stanislas Leszczyński (1677-1766) qu’il exerce cette charge qui le formera à la profession de courtisan.
En 1756
Valentin connaît ses premiers émois amoureux avec Adélaïde de Berczényi, dite Mademoiselle de Luzancy, il a quinze ans.
En 1757
Après une jeunesse hasardeuse, commence les débuts de l’indépendance de Valentin. Le maréchal de Berczényi, fidèle à sa parole de lui trouver un emploi, lui achète pour dix mille florins une compagnie dans le régiment de son fils aîné cantonné à Vaucouleurs :
« Montrez-vous digne Fiam du sang que d’illustres ancêtres vous ont transmis, soyez toujours un igaz Magyar [véritable hongrois] et un vitez katena [brave hussard].»
Voilà Valentin d’Esterházy capitaine à tout juste dix-sept ans.
Il participe à la bataille de Minden et au blocus de Göttingen. Sa conduite est remarquée par le vicomte de Belzunce, qui le fait nommer colonel en second de la Légion Royale en 1762, sous les ordres de Berczényi. Cette promotion lui permet d’être rayé de la liste des proscrits de l’Empire des Habsbourg et de rendre une visite à ses prestigieux cousins hongrois.
En juillet 1757
Son régiment rejoint l’armée du Rhin où il fait ses premiers engagements au feu à Rossbach alors que commence la guerre de Sept Ans. Parlant couramment l’allemand, et toujours premier à s’engager au combat, il s’y fait remarquer du maréchal d’Armentières (1711-1774) et du maréchal de Broglie (1718-1804) qui vont travailler à son avancement en vantant ses mérites à Louis XV.
A la fin de la guerre de Sept Ans (1763)
Valentin revient en France auréolé des combats tout autant que des gloires mondaines qui font de lui un hongrois «d’une beauté brutale entourée de légende».
Il est invité à suivre la chasse du Roi Louis XV en résidence à Fontainebleau. La Reine Marie Leszczyńska, se souvenant de l’avoir vu enfant avec sa mère, le reçoit avec distinction et le duc de Choiseul, toujours soucieux d’avoir des hommes de valeur dans sa manche, lui dit :
« Monsieur, cherchez une place qui puisse vous convenir et nous tâcherons de vous l’arranger.»
Habilement, il sollicite en sa faveur l’intervention de la duchesse de Gramont, sœur de Choiseul, et de la maîtresse de celui-ci, la princesse Kinsky. C’est un trait de caractère de Valentin : il se met sous la protection des femmes et les laisse agir pour lui…
Le 10 février 1764
En France, Valentin Esterházy s’attire la sympathie de Choiseul, qui l’autorise, à créer un régiment de hussards, le «Hussard-Esterházy», dont il est nommé colonel. Ce régiment deviendra le troisième régiment de hussards à la révolution.
Le 6 mai 1764
Valentin prend possession de son régiment.
« Sûrement le 6 mai 1764 a été un des plus heureux de ma vie. L’existence d’un colonel propriétaire était la plus agréable dans le militaire de France.»
En 1764
Il se rend en Autriche où il achète un équipage et prend pour maîtresse une princesse Wittelsbach, nièce de l’électeur de Cologne, qu’il traite sur un grand pied :
« J’étais jeune et fort amoureux ; elle était belle et pressante.»
Valentin commence à goûter la douceur des relations de salons et d’alcôves.
« Tous les quinze jours, (il se rend) à Versailles et une fois par mois, (il) chasse avec le Roi. Cela suffit pour (le) classer parmi les gens de cour, sans (l)’assujettit au métier de courtisan».
Esterházy stationne tantôt à Rocroi, tantôt à Metz, tantôt à Strasbourg. Mais comme tout membre de la Cour , lorsqu’il est retenu par sa charge en province, il ne veut pas laisser Versailles l’oublier et son premier achat est une berline confortable qui lui permette de voyager…
Le 24 juin 1768
Mort de la Reine Marie Leszczyńska (1703-1768), à laquelle Valentin doit ses débuts à la Cour en tant que page.
Durant ces années, le duc de Choiseul ne cesse d’accorder au comte d’Esterházy sa protection. Ayant négocié l’alliance autrichienne avec Marie-Thérèse dont le point d’aboutissement est le mariage du Dauphin Louis-Auguste avec l’Archiduchesse Marie-Antoinette, il propose à Valentin une action exceptionnelle.
Le 14 septembre 1768
Mort de son grand-père maternel, Jean-Louis de la Nougarède de La Garde, à Le Vigan dans le Gard. Il avait quatre-vingt-un ans.
A cette époque la cour avait un peu changé de forme. Madame du Barry, depuis guillotinée, avait été reconnue comme maîtresse du roi ; elle était présentée, et son parti, soutenu parle duc d’Aiguillon, était en opposition ouverte avec celui du duc de Choiseul. Ce ministre avait depuis longtemps négocié le mariage du dauphin, le petit-fils du roi, avec l’archiduchesse Antoinette d’Autriche (malheureux époux dont la fin a été si funeste), et il était au moment de s’effectuer.
Valentin Esterházy
Le 22 avril 1769
Madame la comtesse du Barry (1743-1793) est présentée à la Cour. Valentin sera témoin de ses heures de gloire, du conflit qui l’opposera à la Dauphine Marie-Antoinette qui en triomphera finalement à la mort de Louis XV …
En mars 1770
Il est chargé par le duc de Choiseul d’aller porter à Vienne à l’Archiduchesse d’Autriche Marie-Antoinette le portrait du Dauphin, en vue de leur mariage, et c’est ainsi que naît une véritable amitié. Il a vingt-neuf ans, soit quinze de plus que la future Dauphine, et ils vont se rencontrer pour la première fois.
Il est présenté à l’Archiduchesse :
« Le duc de Choiseul me proposa de porter le portrait du dauphin à Vienne. Je devais le remettre à l’ambassadeur. Ce n’était pas une mission directe, mais cela me faisait payer mon voyage, et l’ambassadeur, M. de Durfort, depuis duc de Civrac, avait ordre de me procurer les petits agréments dont cette commission me rendait susceptible.
J’arrivai à Vienne. Admis dans la société de l’archiduchesse, j’assistais au cercle qu’elle avait chez elle tous les soirs, et au loto qu’on lui apprenait. A cette époque ont commencé les bontés dont elle n’a cessé de m’honorer toute sa vie, et dont j ai reçu des preuves constantes jusque peu de jours avant le 10 août 1792, jour affreux dont les suites cruelles seront à jamais une tâche pour la France, et dont le souvenir déchirant a livré mon âme à une tristesse que le temps ne pourra jamais effacer, en m’inspirant pour ce pavs une horreur qui m’empêchera à jamais d’y rentrer. »
C’est le seul favori avec lequel les relations sont constantes et sans nuage, de par son équanimité sans faille. Il assiste à toutes les réjouissances du mariage par procuration à Vienne, se cachant cependant de l’Impératrice, qui lui en veut pour les actions politico-militaires de ses aïeux…
En avril 1770
Valentin se rend à Spa avec la princesse d’Esterházy.
Le 16 mai 1770
Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.
A son retour en France, Valentin se voit attribuer la croix de Saint-Louis au vu de ses états de service par le ministre de la Guerre, son cher ami le duc de Choiseul.
Le 24 décembre 1770
Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans. Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
Valentin est alors à Vienne et c’est Joseph II (1741-1790) qui lui annonce la mort de Louis XV…
« L’empereur me dit qu’il me donnerait une lettre pour la nouvelle reine et que comme nous avions passé notre année ensemble, il me chargeait de lui rendre compte de sa manière d’être.»
Il lui faut rentrer en France.
La Cour se trouve à Marly. La Reine reçoit Esterházy et le garde auprès d’Elle pendant des heures pour le questionner sur Sa famille :
« Le roi venant, elle lui demanda de me faire rester à Marly, qu’elle avait encore mille choses à me demander sur Vienne. Le roi me dit de rester et ordonna au comte de Noailles de me donner un logement. […] Le comte du Muy était ministre de la Guerre et M. d’Aiguillon exilé. La reine demanda elle-même au ministre de me dispenser d’aller au régiment jusqu’après le voyage de Marly. Il me dit qu’avec une telle permission , je n’en avais pas besoin d’autre ! |…] Dès lors, je vis souvent la reine, restant le soir au salon où le roi jouait au billard ou au tric-trac.»
Valentin découvre alors l’intimité des souverains et ne les quitte désormais jamais longtemps. Si la Reine ne semble pouvoir se passer de sa présence, l’engouement a gagné toute la famille royale, fait unique chez les favoris de la Reine. Mesdames, tantes du Roi, le reçoivent et ne font que chanter ses louanges. Le comte d’Artois se prend d’affection du nouveau venu comme de tant d’autres. Il décide de faire avec lui une tournée des côtes de Bretagne et de Normandie.
Dimanche 11 juin 1775
Louis XVI est sacré à Reims.
Sur la demande expresse du Roi, Valentin l’accompagne à Reims avec son régiment.
Durant l’été 1775
Esterházy fait partie du séjour au château de Choisy. Valentin-Ladislas Esterházy ne séjourne véritablement à la Cour de Versailles qu’après l’avènement de Louis XVI. Dès lors, il devient une pièce importante des coulisses.
Durant l’automne 1775
Il fait ensuite partie du séjour au château Fontainebleau :
« Le roi m’a donné durant ce voyage un effet de cent mille livres en rentes viagères sur la ville qui me vaut dix mille francs par an.»
Cela lui permet de louer une maison à Paris dans le quartier du Gros-Caillou.
Le 10 octobre 1775
Le comte du Muy (1711-1775) meurt de la «maladie de la pierre», il sera remplacé à la Guerre par le comte de Saint-Germain (1710-1784).
Saint-Germain voulant réformer, il décide la suppression des régiments de hussards. Immédiatement la Reine s’y oppose. Furieux, le ministre se venge et envoie les hussards d’Esterházy à Montmédy, «la plus désagréable garnison de toute la France».
Valentin vole chez la Reine et Lui fait part de sa déception :
« Laissez-moi faire, lui dit-Elle, vous entendrez vous-même ce que je lui dirai.»
Elle envoie chercher le ministre et lui déclare :
«Il suffit donc, Monsieur, que je m’intéresse à quelqu’un pour le persécutiez ! Pourquoi envoyez-vous le régiment d’Esterházy à Montmédy qui est une mauvaise garnison et où on ne met jamais des troupes à cheval? Voyez à le placer ailleurs !
« Mais Madame, les destinations sont faites. Peut-on déplacer un ancien régiment pour en mettre un nouveau?
_Comme vous voudrez, mais je veux que Monsieur d’Esterházy soit content et vous viendrez m’en rendre compte.»
Voici comment Esterházy entre dans la société de la Reine :
« Durant l’hiver 1776, j’allai beaucoup à Versailles. Je chassais presque toujours avec le roi, et montais à cheval avec la reine. Elle fit venir le comte Jules de Polignac avec qui elle m’engagea à me lier. Nous passions très souvent les après-dîner chez elle ou nous allions au spectacle ensemble. L’empereur vint cette année à Paris et il était quelquefois chez la reine le soir avec le comte Jules, moi et le duc de Coigny. Au printemps, M. le comte d’Artois, qui avait pris beaucoup d amitié pour moi, m’annonça qu’il m’avait choisi pour aller faire avec lui une tournée dans le royaume, que nous irions voir l’escadre qui était à Brest, et de là, en longeant les cotes, à Bordeaux, pour revenir par Tours et Chanteloup.»
Il devient alors un des proches de la Reine qu’il accompagne souvent dans son domaine de Trianon durant les vingt années qui suivent.
Son physique sans attraits et son caractère réservé ne font pas pas de lui un rival dangereux pour ceux qui sont en place. Marie-Antoinette a de l’estime pour celui qu’Elle considère comme Son compatriote _ Elle l’appelle «frère». Elle lui permet de venir familièrement dans Sa loge au théâtre, ce qui suscite des jalousies. L’Impératrice juge excessive la faveur accordée à un homme dont la maison «n’est pas illustre» qui est «regardé toujours comme un réfugié» et qu’elle n’hésite pas à qualifier de «freluquet»…
Marie-Antoinette veut le voir le plus souvent «en uniforme et en moustache» qu’Elle trouve superbes.
En automne 1776
Esterházy suit la famille royale à Fontainebleau pour la saison de la chasse où il dispose d’un logement ce qui suscite la convoitise :
« Je suis petitement logé, mais au château, ce qui fait la jalousie de beaucoup de dames qui ont des places à la cour et qui sont logées en ville. Je me suis occupé à faire meubler l’appartement qui sera au plus simple, mais neuf quant au lit.»
Durant l’hiver 1776
Le comte d’Esterházy chasse presque chaque jour avec Louis XVI, et monte à cheval avec Marie-Antoinette.
Le 18 avril 1777
Visite de Joseph II en France. Il voyage en Europe sous le nom de comte de Falkenstein. A la requête de l’Impératrice , il rend visite à sa sœur pour tenter de comprendre la stérilité du couple royal. C’est Esterházy qui est chargé d’accueillir l’Empereur Joseph II au nom de Louis XVI lors de sa visite en France.
Joseph arrive à neuf heure et demie. Sur sa demande, la Reine a envoyé l’abbé de Vermond pour l’accueillir dans la cour du château, car l’Empereur veut se rendre directement dans les petits cabinets de sa sœur, sans rencontrer âme qui vive.
Le 18 avril 1777
Toutefois, Valentin-Ladislas Esterházy ne séjourne véritablement à la Cour de Versailles qu’après l’avènement de Louis XVI. Dès lors, il devient une pièce importante des coulisses.
Le 19 décembre 1778
Après un accouchement difficile, Marie-Antoinette donne naissance de Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, future duchesse d’Angoulême. L’enfant est surnommée «Mousseline» par la Reine.
Fin mars 1779
Marie-Antoinette attrape une rougeole très douloureuse, cause de violents maux de gorge et d’aphtes. Elle se retire donc à Trianon afin de préserver Sa petite fille et Son mari de tout risque de contagion.
« Je revins à Paris pour suivre mon projet de permanence à Rocroy. Au commencement du printemps de 1779 la reine tomba malade. Une fièvre très forte accompagnée de mouvements spasmodiques finit par être la rougeole. Le roi ne l’avait pas eue. M. le comte d’Artois, qui ne l’avait pas eue non plus, et Madame Elisabeth s’enfermèrent avec elle. Le duc de Goigny, le comte de Guînes, le baron de Besenval et moi eûmes la permission de la voir et fûmes séquestrés du reste de la cour. Dès qu’elle commença à entrer en convalescence, on lui conseilla d’aller s’établira Trianon.
La maison y venait tous les jours et on nous donna des logements au Grand Trianon. Le duc de Liancourt, qui s’est depuis distingué par son ingratitude, y fut ajouté. La comtesse Jules était tombée malade à Paris peu après la reine, et avait eu aussi la rougeole. La comtesse Diane resta avec Madame Élisabeth, et les trois semaines que nous passâmes à Trianon furent très agréables, uniquement occupés de la santé et de l’amusement de la reine; de petites fêtes simples dans un lieu charmant, dans une belle saison, des promenades en calèche ou sur l’eau, point d’intrigues, point d’affaires, point de gros jeux; seule la grande magnificence qui y régnait pouvait faire soupçonner que l’on fut à la cour. Le temps d’exil passé, tout reprit l’ordre accoutumé et je partis pour Metz avec la promesse de recevoir l’ordre d’aller à Rocroy en permanence dès que je le demanderais.»Valentin Ladislas d’Esterházy
Elle est alors veillée par le comte d’Esterházy (1740-1805), le baron de Besenval (1721-1791) et les ducs de Coigny (1737-1821) et de Guînes (1735-1806). Ses dames ne peuvent lui tenir compagnie à ce moment car la rougeole est dangereuse pour les femmes enceintes, ce qu’elles peuvent toutes susceptibles d’être.
« Les trois semaines que nous passâmes à Trianon furent très agréables, uniquement occupés de la santé et de l’amusement de la reine, de petites fêtes simples dans un lieu charmant , des promenades en calèches ou sur l’eau. Point d’intrigues, point d’affaires, points de gros jeux. Seule la magnificence qui y régnait pouvait faire soupçonner qu’on était à la cour.»
Valentin, comte d’Esterházy
Des hommes en tant que garde-malades étaient alors indispensables puisque la rougeole pouvait entraîner de graves conséquences sur les dames potentiellement enceintes. Les moyens de contraception n’existaient pas encore et donc toutes ses dames du palais en âge de procréer pouvaient être enceintes. De plus, dans ces situations de maladies contagieuses à risque pour les femmes, Marie Leszczyńska agissait de même et personne ne trouvait rien à redire…
Le 1er mars 1780
Valentin est créé brigadier, maréchal de camp.
Doté d’une santé éprouvée, il parcourt les routes à cheval ou en berline afin de satisfaire à ses obligations d’officier sans négliger sa place de favori à Versailles, Trianon, Fontainebleau, Compiègne ou Saint-Cloud.
En 1782
Marie-Antoinette lui offre ce chien appelé Marcassin :
Angélique de Bombelles s’est trouvée jouer un petit rôle dans une négociation de cour. Avant de donner la place de premier écuyer de Madame Élisabeth à M. d’Adhémar, ami des Polignac, Mme de Guéménée avait été chargée de la proposer au comte de Clermont. Le duc d’Orléans ayant empêché celui-ci d’accepter, la princesse, d’accord avec Madame Élisabeth, pensa au comte d’Esterházy. Mme de Bombelles est chargée par Madame Élisabeth de pressentir le brillant colonel de hussards; elle « le prie de venir le voir pour une communication urgente. Il arrive avant souper, la marquise lui dit qu’elle est chargée de se jeter à ses pieds, de le supplier afin d’obtenir quelque chose de lui, que c’est de la part de Madame Élisabeth qui le prévient qu’on lui proposerait la place de premier écuyer et qu’elle ne lui pardonnerait de refuser.» Ici Madame Élisabeth confirme le dire de son amie, en ajoutant en marge de la lettre: « Angélique n’a jamais rien écrit au monde de plus vrai, cela aurait fait le bonheur de ma vie. »
Comment cet Esterházy dont Marie-Thérèse avait vu avec peine la toujours croissante faveur et qu’elle décorait du surnom de « freluquet » pouvait-il être à ce point nécessaire à la famille royale, que Madame Élisabeth, partageant l’engouement de sa belle-sœur et de toute la cour pour le spirituel Hongrois, le déclarait utile à son bonheur !
Le comte de Fleury
Mme de Bombelles ne manque pas d’appuyer les pressantes instances de Madame Élisabeth et insiste sur « les fortes raisons » qui lui faisaient désirer le consentement du comte. Esterházy pourtant ne se laissa pas séduire; il répondit: « qu’il était très flatté des bontés de Madame, qu’elles étaient bien faites pour le faire passer sur toutes considérations », mais qu’il priait Mme de Bombelles de représenter à la princesse que, « n’ayant jamais demandé ni désiré de place, il lui était impossible d’en accepter une qui n’était pas la première dans sa maison, surtout la première étant destinée à une personne qui n’était pas faite pour passer avant lui , qu’il donnerait pour raison à la Reine et à Mme de Guéménée l’amour qu’il avait pour sa liberté, qu’il aurait cependant sacrifié au désir que Madame a bien voulu lui en marquer si la place avait pu lui convenir ».
Le comte de Fleury
En d’autres termes « aut prior, aut nihil ». Voyez le beau désintéressement! On ne comptera donc pas Esterházy parmi ces étrangers qu’on reprochera tant à Marie-Antoinette de favoriser outre mesure et dont elle prendra la défense en disant: « Au moins ceux-là ne demandent rien.» Dans le cas présent le favori de la Reine trouve que la situation offerte ne payait pas suffisamment ses mérites et, s’il reste sous sa tente, n’en doutons pas, c’est qu’il espère mieux. N’était-ce pas assez qu’il fût colonel d’un régiment de hussards, qu’il eût—malgré le comte de Saint-Germain et sur l’ordre exprès de Marie-Antoinette—obtenu la garnison de Rocroi qu’il désirait, qu’il fût pensionné et logé par le Roi, ses dettes une fois payées, surtout qu’on tolérât sa présence presque continuelle à Versailles, qu’il fût le confident et l’ami de la Reine . On conçoit que quitter ce ministère officieux des grâces pour une situation plus assujettissante qu’agréable ne devait guère lui convenir; on comprend même mal que la Reine, qui se servait de lui, en remplacement de Bezenval, pour les missions délicates, et n’avait nullement l’intention de l’éloigner de sa personne, eût permis qu’on le lui proposât.
Le comte de Fleury
On insista pourtant, à plusieurs reprises. Le lendemain à la revue, à la fin du dîner servi sous la tente, le comte Valentin dit tout bas à Mme de Bombelles que Mme de Guéménée l’avait fait chercher le matin, lui avait de nouveau proposé la place, que lui, l’avait refusée en donnant pour raison sa liberté. Il l’avait ensuite répété à la Reine qui s’en était entretenue avec lui; puis, Mme de Guéménée ayant annoncé à Madame Élisabeth qu’il ne pouvait avoir l’honneur de lui être attaché, cette princesse lui avait exprimé ses regrets avec tant de grâce qu’il en était enchanté et chargeait bien Mme de Bombelles « de lui dire combien il était affligé de ne pas lui appartenir ». Ajoutant l’outrecuidance, à ses refus dédaigneux, Esterházy ne craignait pas, après s’être dit pour la vie le plus zélé des serviteurs de la princesse, d’insinuer que, « si jamais il lui arrivait d’avoir quelques discussions avec la Reine, il lui demandait la permission de plaider sa cause, enfin d’être son agent toutes les fois qu’il pourrait être assez heureux pour lui être utile. » Enfin après le dîner il renouvelait ses regrets à la princesse et lui offrait un petit livre où étaient inscrits les noms des officiers du régiment du roi.
Le comte de Fleury
Il est difficile de souligner davantage la faveur incroyable dont jouissait le présomptueux Hongrois sur l’esprit de la Reine; que penser, de plus, du ton protecteur avec lequel il offre son intervention à Madame Élisabeth. Une femme seule, et encore en situation exceptionnelle comme la princesse de Guéménée, eût eu le droit de parler sur ce diapason à une Fille de France. Personne ne s’en froissa, pas plus la petite princesse qui «répond toutes sortes d’honnêtetés» aux belles phrases d’Esterházy, que Mme de Bombelles qui n’y vit pas malice. Au contraire, elle termine son récit par ces mots: « Ne parlez de cela à personne, c’est un grand secret…, mais, comme vous aimez beaucoup le comte d’Esterhazy, j’ai imaginé que vous seriez bien aise de savoir cette petite anecdote. » Elle a raison, puisque le marquis la remerciera de la lui avoir contée, s’intéressant à tout ce qui touche Esterházy, regrettant que son ami n’ait pas pu profiter de la situation offerte.
Le comte de Fleury
En 1783
Il devient inspecteur de la cavalerie, gouverneur de Rocroy.
Durant l’été 1783
Il se rend au Vigan pour voir sa mère dont les jours semblent compter :
« C’est, pour moi, un ordre sacré. […] Je donnai la promesse à ma mère de chercher en arrivant à Paris un parti sortable, qui réunît à la naissance à laquelle je tenais beaucoup, un fortune assurée pour mes enfants.»
Du 9 octobre au 24 novembre 1783
Long séjour de la Cour à Fontainebleau. Esterházy suit la famille royale à Fontainebleau pour la saison de la chasse où il dispose d’un logement qui suscite la convoitise :
« Je suis petitement logé, mais au château, ce qui fait la jalousie de beaucoup de dames qui ont des places à la cour et qui sont logées en ville. Je me suis occupé de faire meubler l’appartement qui sera au plus simple, mais neuf quant au lit.»
Durant l’hiver 1783
Le mariage du comte d’Esterházy devient la dernière préoccupation à la mode dans les salons de la Cour.
En décembre 1783
Le comte d’Esterházy obtient un logement au château de Versailles.
« Le Roy ayant bien voulu donner au Comte Esterházy un logement au château de Versailles occupé ci-devant par M. le Bailly de Crussolz, près de la Salle des Cent Suisses, il prie M. le comte d’Angivilliers de vouloir bien donner des ordres pour qu’il soit visité et qu’il y soit fait quelques petites réparations urgentes.
Versailles, le 27 décembre 1783»
Il a l’honneur de lui faire ses compliments.
Le 1er janvier 1784
Il est créé chevalier du Saint Esprit. Marie-Antoinette est encore à l’origine de cette faveur. A cette date, il obtient un appartement au château de Versailles, à l’attique de l’aile vieille, sur la cour royale. Il est composé de quatre grandes pièces spacieuses et lumineuses. A noter : la proximité de son appartement avec celui de la Reine.
Si les Esterházy hongrois ont participé aux soulèvements contre Marie-Thérèse, leur cousin de France se montre très fidèle à sa fille et à son gendre. Le Roi l’aide à solder ses dettes et la Reine intervient pour permettre son mariage avec une riche héritière, la comtesse Ursule de Hallwyll, surnommée Fanny, cousine de la mère de son ami monsieur de Lastic. La mariée a vingt-cinq ans de moins que son époux, soit dix-huit ans.
Le 23 mars 1784
Il épouse, à Versailles, la comtesse Marie-Françoise Ursule d’Hallweyl (1765-1814), une comtesse aisée qui lui confère un rang plus conforme à la Cour. Marie-Françoise est la fille d’un comte suisse, originaire de Soleure, qui vient de racheter la seigneurie de la Celle-Saint-Cyr, Cézy, Chamvres, Champvallon, la Ferté-Loupière, Péage-Dessus et Villiers-sur-Tholon aux Gruin, en difficultés financières. La cérémonie se déroule à Versailles, en présence du Roi et de la Reine, des frères du roi, les comtes de Provence et d’Artois, et, bien sûr, de la plupart des courtisans. La musique est donnée par Legendre, le maître de chapelle du Roi.
Le couple Esterházy s’installe dans le Marais, dans l’hôtel d’Hallwyll, au 28 rue Michel-Lecomte dont ses beaux-parents ont confié la construction à Claude-Nicolas Ledoux.
A l’automne 1784
Esterházy annonce en ces termes à la Reine que son épouse, Fanny, est enceinte :
« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle s’emplit ! »
La franchise gaillarde du propos montre l’intimité avec Marie-Antoinette.
Le 24 août 1785
Il passe la journée avec la Reine.
En septembre 1785
Il est avec la Cour à Compiègne.
Le 26 mars 1785
Naissance de son fils Valentin-Philippe Esterházy de Galantha (1786-1838). Louis XVI le complimente en ces mots :
« Je viens d’apprendre avec bien du plaisir qu’il était né un petit hussard dans le Marais et que la mère et l’enfant se portent bien. Je prie le père d’en recevoir tous les compliments.»
Signé : un habitant de Versailles
Le lendemain, le 27 mars 1785
Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, second fils du couple royale. Il sera surnommé «Chou d’Amour» par Marie-Antoinette, Dauphin en 1789 …
Désormais, Valentin se préoccupe essentiellement de rendre sa femme heureuse et d’élever sa progéniture. Il n’a plus qu’une seule attirance qu’il exprime avec la sincérité d’un amant de vingt ans : Fanny, son épouse .
Dès qu’elle est présentée à la Reine à l’occasion d’un après-midi de jeux à Trianon, Marie-Antoinette enveloppe Fanny de la même bienveillance protectrice que celle avec laquelle Elle a toujours traité son mari. La jeune femme étant perdue à la Cour, la Reine la confie à madame d’Ossun (1751-1794) qui devient son chaperon.
Même après son mariage, la relation d’Esterházy avec la Reine reste un jardin secret dans lequel son épouse a compris qu’elle n’était pas toujours souhaitée… de la même manière que le comte de Polignac a su Lui partager sa femme.
Durant le printemps 1785
Il est pendant deux mois en manœuvre militaire autour de Lille.
Lors de l’été 1785
Marie-Antoinette lui demande de La rejoindre à Saint-Cloud.
En 1786
Valentin-Stanislas Esterházy devient commandant en second en Hainaut.
Avec constance, Esterházy garde le statut de confident et Marie-Antoinette lui livre parfois curieusement les détails de Sa vie intime :
« La reine m’a dit qu’elle serait saignée ce matin, approchant de la cinquième époque, et qu’elle commençait à se croire grosse. Que cependant elle attendra d’avoir senti remuer pour en convenir décidément, qu’elle n’avait pas voulu annoncé sa saignée pour ne pas voir du monde. Elle m’a engagé à aller à Trianon, voir son jardin et lui en rendre compte, puisqu’elle serait quelques jours sans y aller.»
Effectivement, la Reine est enceinte et Valentin commente :
« Elle a fait couper ses cheveux et supprimer la poudre jusqu’à ses couches. J’ai été fort étonné de lui voir beaucoup de cheveux blancs : elle en a plus que moi.»
Marie-Antoinette entretient cette amitié par un échange de lettres qui sont parfois quotidiennes.
Le 9 juillet 1786
Naissance de la princesse Sophie-Hélène-Béatrix, dite Madame Sophie, dernier enfant de Marie-Antoinette et Louis XVI. Selon les usages le bébé est immédiatement baptisé.
Sa santé sera toujours fragile…
En 1787
Esterházy devient membre du conseil de guerre .
Naissance de sa fille Léonide Françoise Ursule Esterházy de Galantha (1787-1789).
Le 18 juin 1787
La mort de Madame Sophie avant son premier anniversaire, éprouve la Reine qui s’inquiète aussi pour la santé de Son fils aîné.
Cette alerte provoque le retour précipité des Polignac à Versailles.
Tracassée par les difficultés politiques qui Lui ont fait nommer Loménie de Brienne pour remplacer Calonne, Marie-Antoinette, après avoir pleuré, confie à Madame de Polignac :
« Je ne connais que deux véritables amis dans le monde, vous et le comte d’Esterházy.»
Le 25 août 1788
Necker (1732-1804) remplace Loménie de Brienne au désespoir de Valentin :
« C’est remplacer un incompétent par un charlatan .»
Le 5 mai 1789
Ouverture des États-Généraux.
Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.
Le 4 juin 1789
Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.
Le 13 juin 1789
Esterházy doit quitter Versailles, le jour des funérailles du Dauphin, pour rejoindre son régiment et maintenir l’ordre dans cette province. Il n’assiste donc pas aux premiers soubresauts de la révolution.
Le 10 juillet 1789
Valentin quitte Valenciennes pour conduire sa femme jusqu’à Péronne où sa belle-mère viendra la chercher pour la conduire à Paris où elle veut accoucher.
Le 11 juillet 1789
Renvoi de Necker
Le 14 juillet 1789
Prise de la Bastille.
Mi-juillet 1789
Naissance de sa fille Almeira Françoise Ursule Esterházy de Galantha (1789-1848).
Lorsqu’éclate la Révolution française
Membre du conseil de la guerre, le comte Esterházy est gouverneur de Rocroy et maréchal de camp. Son régiment et lui stationnent à Valenciennes.
Le soir du 16 juillet 1789
Le comte d’Artois et Vaudreuil quittent la France à cheval sans même un bagage, avec seulement trente louis en poche. Par des voies détournées, ils gagnent la forêt de Chantilly où une voiture du prince de Condé les attend.
Le 18 juillet 1789
De là ils se rendent à Namur en passant par Valenciennes où ils retrouvent Esterházy dans sa garnison qui voit arriver Vaudreuil brûlant de fièvre.
« Quel ne fut pas mon étonnement de me trouver en ouvrant la portière dans les bras de M. le comte d’Artois. Il me remit un billet de la main du roi qui m’invitait à rendre à son frère tous les soins qui dépendraient de moi et à assurer sa sortie aux Pays-Bas et une lettre de la reine qui s’en remettait à lui pour me raconter tout ce qui s’était passé et se passait encore.»
Le lendemain, il procure aux princes en fuite les moyens de continuer leur route.
Valenciennes devient en effet un point de passage pour les émigrés…
La nuit du 4 août 1789
Abolition des privilèges.
Le 26 août 1789
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le 5 octobre 1789
Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.
La famille royale se replie dans le château…
Le 6 octobre 1789
Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.
Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.
En automne 1789
Esterházy refuse de faire porter à ses hommes la cocarde tricolore :
« La cocarde nationale était déjà arborée par plusieurs garnisons voisines, mais celle de Valenciennes portait toujours la blanche. Le roi m’avait bien écrit dans un billet de ne pas faire d’affaire pour cette cocarde qu’il portait lui-même. Malgré cela je résistais à tout ce que faisaient les factieux pour me déterminer à la faire prendre à la garnison. […] Je sus qu’on avait le projet de la faire adopter malgré moi. […] Les troupes étaient en insurrection et je n’avais plus aucun moyen de donner des ordres sévères. […] Je fus dénoncé à l’Assemblée nationale.»
Quittant Valenciennes, Valentin s’installe dans une maison à Chaillot. Son premier soin est de se rendre aux Tuileries où une petite Cour tente de se mettre en place…
Les retrouvailles avec la Reine sont pleines d’émotions :
« La reine daigna m’embrasser en fondant en larmes. Le roi qui vint un moment après me fit le même honneur. Tout ce que j’avais éprouvé de peines en apprenant ce qui s’était passé se présentait à cet instant avec encore plus de vivacité. Je suis rentré chez moi la mort dans le cœur.»
S’efforçant de tromper la surveillance dont il est l’objet, Esterházy continue pendant les mois qui suivent l’arrivée de la famille royale à Paris de se rendre plusieurs fois par semaine aux Tuileries.
Il apprend que monsieur de Livarot, commandant de la place de Lille , a été arrêté par sa propre troupe :
« Peu s’en fallut qu’il ne soit massacré et cependant il n’était pas comme moi l’objet de la haine des démocrates.»
Depuis le 5 octobre 1789, date de sa dernière chasse, Louis XVI ne chasse plus ; mais pour sa santé, il monte souvent à cheval et fait une course de quatre à cinq lieues sur deux chevaux dans les environs de Saint-Cloud. Il va fort vite, et des chefs de division qui font près de lui le service des compagnies des gardes nationaux, il n’y en a qu’un capable de le suivre. Il est convenu entre eux que c’est lui qui fera toutes les courses à cheval. Il y a, de plus, un ancien garde du corps qui commande un régiment de cavalerie, et qu’on a placé près de Louis XVI pour le suivre à cheval. Le troisième est un aide de camp du marquis de La Fayette. Louis XVI est suivi ordinairement du duc de Brissac, du marquis de Tourzel et du comte d’Esterházy.
Début 1790
Le marquis de La Fayette souhaite voir le comte d’Esterházy qui vient de s’installer à Paris en ce début d’année 1790. Ce dernier y consent après avoir obtenu l’agrément du Roi et de la Reine. L’entrevue a lieu chez madame du Châtelet. La Fayette cherche à justifier sa conduite et assure le comte d’Esterházy de son attachement à Louis XVI et à Marie Antoinette. il l’assure également de son désir de voir l’ordre établi. A la fin de l’entretien, le marquis de La Fayette donne rendez-vous au lendemain au comte d’Esterházy. A l’issu de l’entretien, le jour même, le comte d’Esterházy se rend au château des Tuileries et rend compte à Louis XVI qui l’approuve et lui ordonne de retourner le lendemain au nouveau rendez-vous. Le lendemain, le comte d’Esterházy se rend au rendez-vous où le marquis de La Fayette présente un document dans lequel figure plusieurs dispositions pour le partage de l’autorité entre le Roi et la nation. Le marquis de La Fayette désire que le Roi en soit informé et y met son consentement. Le comte d’Esterházy remet au Roi le document. Le Roi le trouve trop vague ; il veut un document plus précis.
Deux jours plus tard, après avoir connu la volonté du Roi, le marquis de La Fayette veut avoir une conversation avec Marie-Antoinette ; il sera averti par un billet du comte d’Esterházy de son acceptation. Louis XVI assiste à l’échange, mais ne veut pas signer son approbation au bas du document. Néanmoins, il s’engage aux rappels que l’Assemblée nationale, par ses décrets, confirmerait les propositions que fait le marquis de La Fayette, mais non auparavant.
Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.
Esterházy est encore auprès du Roi et de la Reine sur la tribune royale du Champ-de-Mars.
« On imagina de célébrer le 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille, par une fédération solennelle de tous les départements du royaume, et de toutes les troupes, où le roi prêterait serment d’être fidèle à la Nation, à la Loi et à la Constitution, quoiqu’elle ne fut pas encore fixée.
Cette idée proposée à la Convention fut adoptée et suivie ensuite d’un décret qui l’ordonna. L’ancien Champ de Mars, devant l’École militaire, fut destiné pour l’emplacement de la cérémonie. Une multitude d’ouvriers y travaillèrent tous les jours, et le résultat fut une avenue immense, terminée d’un côté par l’École militaire, devant laquelle on construisit un échafaudage pour placer le roi, l’Assemblée nationale, la municipalité, les députés delà commune de Paris, etc; au-dessus, une tribune pour la reine et la famille royale, et des deux côtés une vaste galerie pour les ministres, les ambassadeurs et autres personnes. Le fauteuil du roi était sur le même niveau que celui de l’Assemblée, placé à sa droite, et autour de lui des tabourets pour les secrétaires de l’Assemblée. Il n’y avait aucun siège pour les officiers de la suite du roi, qui devaient se tenir debout sur les deux escaliers qui descendaient de la tribune de la reine à l’emplacement où était le fauteuil du roi. Au centre de cette immense avenue, qui était garnie de trois rangs de bancs circulaires pour les spectateurs, on avait élevé un grand autel auquel on montait par quatre-vingt marches, et entouré de vases remplis de parfums, sur lequel devait être célébrée la messe. De l’autre côté de l’École militaire, il y avait un grand arc de triomphe, rempli d’inscriptions et d’emblèmes relatifs à la liberté, et derrière on avait jeté un pont de bateaux sur la Seine, par où devait entrer toute la procession. Les députés des départements, ceux de l’armée, de la marine, et les officiers généraux de tout grade devaient entourer l’autel. Le grand intervalle qui existait entre l’autel et les gradins était rempli par la garde nationale de Paris sous les armes, indépendamment des ouvriers de tout genre, qui étaient occupés nuit et jour à préparer cet emplacement. Tout ce qui était attaché à la Révolution s’empressait de se réunir aux ouvriers : les dames s’y distinguaient, et on en voyait de très parées mener des brouettes, au son des instruments et au chant de Çà ira qui était la chanson favorite des révolutionnaires .
Je suis convaincu que si dans ce moment le roi eût pu ou eût osé monter à cheval et aller dans les rangs, toutes les provinces, les députés de l’armée et peut-être même une partie de la Garde nationale se seraient réunies à lui et cette fête sur laquelle les révolutionnaires avaient tan compté aurait probablement rétabli la monarchie. Mais il n’en fut rien.»
Fin juillet 1790
Esterházy conduit sa femme en Angleterre pour la mettre à l’abri de la tourmente révolutionnaire. Il rejoint ensuite le Roi et la Reine, leur propose un plan d’évasion, mais, en raison de leurs hésitations, émigre à son tour …
Le 5 septembre 1790
Esterházy obtempère à la volonté royale et embarque pour l’Angleterre. Ils le se reverront plus. Il reste dix mois à Londres. reste le frère du Roi et se retire ensuite en Russie où Catherine II puis Paul Ier lui accorde des terres.
Début 1791
Naissance et mort de sa fille Marianne Everilda Ursule Esterházy de Galantha.
Le 20 juin 1791
Évasion de la famille royale.
Le Roi et la famille royale sont arrêtés à Varennes.
Le 25 juin 1791
La famille royale rentre à Paris sous escorte.
Le Roi est suspendu.
En juillet 1791
Esterházy est à Aix-la-Chapelle avec une foule d’émigrés. A nouveau, il est chargé de la délicate mission de négocier avec les princes allemands un semblant d’étiquette et des budgets modérés.
Dans la colonie des émigrés, Esterházy fait partie de ceux qui pensent que le couple royal est désormais perdu. Il adapte son comportement en conséquence. Artois, qui tente de fédérer l’opposition à la révolution, lui demande de le rejoindre à Coblence.
Il y constate les divisions d’une noblesse orgueilleuse qui ne mesure pas la gravité de la situation.
En septembre 1791
Esterházy est chargé d’une délicate mission. Le Roi de Prusse et l’Empereur d’Autriche cherchent à profiter de la Révolution en France pour avancer leurs pions en Europe centrale. Le comte d’Artois veut alerter les puissances européennes sur le danger de propagation des idées révolutionnaires et les charger de rétablir l’ordre en France. Du coup, Esterházy est envoyé à la cour de Russie. Catherine II lui fait très bon accueil,
mais elle est davantage préoccupée par les affaires de Pologne que par la Révolution en France.
Habile, l’impératrice de Russie, Catherine II (1729- 1796) lui offre un domaine en Ukraine, Luka. Esterházy s’implante en Russie. La Révolution en France, le sort des princes émigrés, la recomposition des frontières européennes sortent de ses préoccupations.
Le 11 septembre 1791
La Reine lui adresse depuis les Tuileries ces anneaux :
Deux bagues à trois fleurs de lys et au revers l’inscription :
«Lâche qui les abandonne».
L’une est pour Valentin, l’autre est pour Axel de Fersen.
« Je suis charmée de trouver cette occasion de vous envoyer un petit anneau qui sûrement vous fera plaisir. Il s’en vend prodigieusement ici depuis trois jours et on a toutes les peines du monde à en trouver. Celui qui est entouré de papier, est pour Lui ; faites-le Lui tenir pour moi ; il est juste à sa mesure ; je l’ai porté deux jours avant de l’emballer. Mandez-Lui que c’est de ma part. Je ne sais où il est, c’est un supplice affreux de n’avoir aucune nouvelle et de ne savoir même pas où habitent les gens qu’on aime.»
Le 14 septembre 1791
Le Roi prête serment à la Constitution.
Le 21 octobre 1791
Esterházy décrit l’anneau destiné à Fersen dans une lettre qu’il envoie à sa femme, de Russie.
« J’ai reçu une lettre d’Àvillart . que Bercheny a apportée à Coblence et qu’il a remise au courrier avec un petit anneau d écaille et d’or sur lequel il y a écrit : » Domine salvum fac regem et reginam « ( » Que Dieu protège le roi et la reine ! » ) ; tu en as peut-être vu ? Il me mande que c’est dans la lettre qui t’a été remise, qu’il m’indique le moyen de lui écrire. Je te prie donc de décacheter la lettre, de la garder, mais de m’en envoyer la copie, chiffrée de notre grand chiffre. Si, par hasard, j’étais parti d ici et qu’elle ne me parvint pas, il n’y aurait pas grand mal, puisque tu aurais gardé l’original et que le chiffre est indéchiffrable. Il m’envoie aussi un anneau pour le chou . Mais, je ne sais où le prendre. Sa lettre est touchante ; elle me recommande de ne pas croire à la calomnie et de ne jamais douter ni de la noblesse de sa façon de penser, ni de son courage.»
Fin 1791
Naissance de sa fille Marianne Everilda Ursule Esterházy de Galantha (1791-1874)
Le 30 avril 1792
Mort de sa mère, Philippine de la Nougarède de Lagarde, née en 1718, à Le Vigan dans le Gard, sa ville natale. Elle avait soixante-quatorze ans.
Le 20 juin 1792
La foule envahit les Tuileries pour faire lever le veto.
Le Roi refuse.
Le 10 août 1792
Les Tuileries sont envahies par la foule. On craint pour la vie de la Reine. Le Roi décide de gagner l’Assemblée nationale.
Le 10 août 1792, le dernier acte de Louis XVI, Roi des Français, est l’ordre donné aux Suisses «de déposer à l’instant leurs armes».
La position de la Garde devient de plus en plus difficile à tenir, leurs munitions diminuant tandis que les pertes augmentent. La note du Roi est alors exécutée et l’on ordonne aux défenseurs de se désengager. Le Roi sacrifie les Suisses en leur ordonnant de rendre les armes en plein combat.
Des 950 Gardes suisses présents aux Tuileries, environ 300 sont tués au combat ou massacrés en tentant de se rendre aux attaquants après avoir reçu l’ordre du Roi de rendre les armes en plein combat.
Le 13 août 1792
La famille royale est transférée au Temple après avoir été logée temporairement aux Feuillants dans des conditions difficiles. Quatre pièces du couvent leur avaient été assignées pendant trois jours.
Le 3 septembre 1792
Assassinat de la princesse de Lamballe (1749-1792) dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.
Massacres dans les prisons.
Le 20 septembre 1792
Le duc d’Orléans, Philippe Égalité, cousin du Roi, est élu député à la Convention.
Victoire de Valmy, considérée comme l’acte de naissance de la République.
Le 21 septembre 1792
Abolition de la royauté.
Le 3 décembre 1792
Pétion (1756-1794) renforce la décision de faire juger Louis XVI par la Convention.
Le 11 décembre 1792
Louis comparaît devant la Convention pour la première fois.
Le 26 décembre 1792
Seconde comparution de Louis XVI devant la Convention.
En 1793
Son épouse, Marie-Françoise Ursule, le rejoint en Russie, à Saint-Petersbourg.
Naissance de son fils Georges Esterházy de Galantha (1793-1797)
Du 16 au 18 janvier 1793
La Convention vote la mort du Roi. Philippe Égalité est l’un de ceux qui ont donné leur voix pour la peine capitale.
Le lundi 21 janvier 1793
Exécution de Louis XVI
En mars 1793
Quand le comte d’Artois se rend à Saint-Pétersbourg, Esterházy lui donne des promesses de fidélité qui ne seront pas tenues. Désormais, Valentin-Ladislas vit à l’heure russe.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette
En 1795
Naissance et mort de son fils Sandor Esterházy de Galantha
Le 17 novembre 1796
A la mort de Catherine II, le nouveau Tsar Paul Ier (1754-1801) prive Esterházy de son domaine de Luka. Mais quelques temps plus tard, il le lui restitue avec le comté de Grodek, en Volhynie.
En 1797
Naissance de son fils Ladislas Henri Valentin Esterházy de Galantha (1797-1876)
Le 23 juillet 1805
Valentin-Ladislas Esterházy meurt dans son domaine de Luka, au château de Grodek, en Volhynie, que le Tsar Paul Ier (1754-1801), fils de Catherine II, lui a offert.
Son fils Ladislas meurt en 1876, ne laissant que des filles.