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Le baron de Besenval

Pierre-Victor de Besenval par Benjamin Warlop

Le 14 octobre 1721

Naissance de Pierre-Joseph-Victor de Besenval au château de Waldegg, à Soleure en Suisse.

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Le château de Waldegg Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 2 Soloth10

Le titre familial de baron de Brunstatt est donné au grand-père de Besenval par Louis XIV (1638-1715), pour récompenser le sacrifice de son fils aîné à la bataille d’Arras (1654) : dès lors la tradition familiale envoie les fils de la famille rejoindre les régiments suisses de la monarchie.

Il est l’un de ces cosmopolites des Lumières. Il est né en Suisse , parent , par le côté maternel , des plus grandes familles de Pologne et de la Reine Marie Leszczynska, ce qui en fait un parent de Louis XVI, il sert la France pendant la guerre de sept Ans.

Pierre Victor de Besenval de Brünstatt est le fils de Jean Victor de Besenval de Brünstatt, colonel au régiment des Gardes suisses, et de Catherine Biélinska.

Pierre Victor de Besenval et Catherine Biélinska par Nicolas de LargillièreL’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Catherine-Bielinska-par-Nicolas-de-Largilliere-778x1024.jpg.

Pierre-Victor a une sœur aînée, Élisabeth, née en 1718.

Madame de Besenval devient du jour au lendemain un personnage important à la Cour de France lorsque Louis XV épouse Marie Leszczyńska (le 5 septembre 1725). La terre de Brünstatt en Alsace est alors érigée en baronnie.

Besenval est écrivain. Il compose plusieurs romans – dont Les Amants soldats et Spleen –, des contes, quelques pièces de vers, et des mémoires qui restent un précieux témoignage sur la Cour de France.

En 1728

Alors qu’il a sept ans, son précepteur décrit son caractère:

« Il est né avec d’aussi heureuses dispositions qu’on peut le désirer. Il a beaucoup de vivacité et la mémoire très heureuse. Il est plus mûr en tout ce qu’il fait qu’il n’est permis d’être à son âge. Il a la manière pour se faire aimer et apprend aisément ce qu’il veut savoir. S’il est fort docile pour ceux qu’il reconnaît comme ses maîtres, il se met promptement en colère et se remet aisément.»

Les traits du futur favori de Cour sont déjà présents.

Fils unique au tempérament d’éternel enfant gâté, Pierre-Victor concentre en sa personne les différentes ascendances et influences paternelles et maternelles: de ses origines suisses auxquelles il reste attaché, il a le calme constant, cette fidélité des engagements, auxquels il ajoute par caractère le goût de l’intrigue et un peu de fourberie. Dans l’esprit du temps, de son sang polonais il hérite penchant effréné pour les plaisirs, un caractère impétueux et passionné, capable de s’enflammer avec colère mais aussi de se sacrifier. De la France, il reçoit, outre le goût des femmes, la passion du beau , l’érudition, l’élégance, la politesse et l’allure.

En 1732

Il est encore enfant lorsqu’il entre , comme cadet dans le régiment des Gardes suisses dont son père est colonel.


Tenue de garde du Régiment d’Erlach, premier régiment suisse permanent

Cette formation en garnison entretient sa santé. Elle confirme un caractère courageux qui ne redoute pas de s’exposer.

Besenval est un militaire avenant, à la mine franche, se mélangeant facilement à la troupe, rompu à tous les types d’exercices du corps, et un courtisan habile et raffiné qui aime se trouver au centre des débats de salon pour mieux montrer avec vanité l’importance de sa situation. Dépassant le mètre quatre-vingt-dix et de belle prestance, il respire la santé et la force du montagnard. Sans être beau, il ne manque pas d’agrément et impressionne, sanglé dans son uniforme rouge avec culotte et bas de soie blanche.

Besenval fait carrière dans l’armée jusqu’à devenir Inspecteur des Suisses, sous la protection du duc de Choiseul (1719-1785) alors principal ministre de Louis XV. Il est par la suite un courtisan influent dans le cercle de Marie-Antoinette.

Le 12 septembre 1733

Sa sœur, Elisabeth de Besenval, épouse Charles, marquis de Broglie (1716-1786).

En 1734-1735

Il est des campagnes dans l’armée du Rhin. Lors du siège de Philippsbourg ( du 2 juin au 18 juillet 1734) durant la guerre de succession de Pologne, sa conduite valeureuse lui vaut les félicitations du futur maréchal d’Estrées devant son père gonflé d’orgueil qui lui donne le grade de capitaine. Il n’a que quatorze ans.

En 1737

Son père meurt. Libre de toute contrainte parentale ,  Pierre-Victor est vacciné contre l’institution du mariage.

Par contre il ne boudera pas son plaisir avec les femmes.

« On ne peut avoir ni plus d’amabilité ni moins de mœurs.»

Il prend pour maîtresse la Clairon, Claire Léris (1723-1803), une pensionnaire de la Comédie-Française considérée comme l’une des plus fameuses interprètes de son temps.


Mademoiselle Clairon

« Je compte aller à Paris dans peu et j’en ressens un plaisir extrême puisque je suis sûre de te voir. Si tu veux encore le redoubler, dis-moi que ton impatience est égale à la mienne. Mais je crains de te demander plus que tu ne peux promettre. Mais n’importe, le moindre désir de ta part fait plus pour moi que tout le reste du monde.»

Mademoiselle Clairon à Besenval
Sa sœur : Elisabeth de Besenval, marquise de Broglie (1742) par Hendrik Avercamp

Rousseau, qui lui avait été recommandé en tant que compatriote, fréquente un peu le salon de la mère de
Besenval à son arrivée à Paris, et quoiqu’il l’estime « très bonne femme », il la juge malgré tout
« bornée, et trop pleine de son illustre noblesse polonaise » – en particulier lorsqu’elle l’invite à dîner, non pas en sa compagnie, mais à l’office avec ses domestiques.

En 1742

Il rédige son premier roman, Les Amants soldats, contant la touchante histoire du jeune soldat surnommé La Roze et de sa ravissante épouse Julie qui le suit sur le champs de bataille:

« J’ai composé mon roman comme on fait une lettre, sans travailler et surtout sans corriger: j’en suis incapable !»

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Portrait_of_Pierre-Victoire_Baron_of_Besenval_Hermitage-801x1024.jpg. Besenval en costume militaire qui aurait séduit Marie-Antoinette

En 1747

Il devient brigadier général alors qu’il est aide de camps du maréchal de Broglie (1718-1804)., dont sa sœur Elisabeth (1718-1777) épousera un neveu.

Le maréchal Victor-François de Broglie

En 175

Lorsque commence la guerre de Sept Ans, Pierre-Victor est maréchal de camp par la protection de Choiseul qui arrive au pouvoir.

Étienne-François de Choiseul

Toute sa vie, Besenval lui sera reconnaissant et toujours fidèle à servir la cause de celui dont il considère que «personne n’a peut-être autant que lui possédé l’art de séduire.» Cette protection du principal ministre de Louis XV sera un lien de plus avec Marie-Antoinette qui vient de naître à Vienne…

En 1757

Durant la campagne de succession d’Autriche, il met en place une sorte de salon littéraire au sein même de son cantonnement et organise des lectures publiques pour distraire la troupe.

File:Besenval par Nattier.jpg - Wikimedia Commons
Le baron de Besenval par Nattier  (1766)

Le 16 octobre 1760

Pierre-Victor se révèle particulièrement audacieux à la bataille de Kloster Kampen contre les Anglo-Hanovriens:  s’étant porté volontaire pour prendre une redoute, il est le premier à escalader la muraille sous le feu ennemi. Alors que ses hommes commencent à douter de l’offensive et entament un repli stratégique, il leur lance du haut de l’échelle :

« Morbleu! Camarades, cette situation-ci n’est pas commode. Savez-vous bien que s’il n’y avait pas des coups de fusils à gagner, on n’y tiendrait pas!»

Galvanisés par le joyeux enthousiasme de leur chef, les Suisses reprennent l’ascension et Besenval saute le premier en haut de la muraille.

En 1763

La paix le ramène indemne à Paris, où il se comporte parfois dans les salons comme dans les camps, les accès de bruyante jovialité succédant aux violents emportements.

En 1767

Il achète l’hôtel Chanac de Pompadour (actuelle ambassade de Suisse), rue de Grenelle, où il fait faire d’importantes transformations pour y loger sa collection de tableaux.

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Construit en 1704 pour l’abbé Pierre de Chanac de Pompadour par l’architecte Pierre-Alexis Delamair, l’hôtel dans lequel Nicolas rencontre le baron de Besenval prit d’abord le nom de son premier propriétaire : hôtel Chanac de Pompadour. C’est en 1767 qu’il est acheté à la maréchale de Luxembourg par Pierre-Victor de Besenval, « Lieutenant-général des armées du roi, Grand-Croix, Commandeur de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, Inspecteur général des Gardes-Suisses, et Honoraire Amateur de l’Académie royale de Peinture et Sculpture »


L’hôtel Chanac de Pompadour
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« En rentrant dans la chambre à coucher, et traversant le grand cabinet, on arrive à une galerie que vient de faire construire M le Baron de Bezenval, pour y rassembler les tableaux qui composent sa collection. Cette galerie est éclairée par le haut.
De cette galerie on passe dans une espèce de vestibule, éclairé aussi du haut. On y trouve en face une statue de bronze de cinq pieds de proportion, représentant l’Amour ; et à droite, deux bustes aussi de bronze, posés sur des gaines. On descend à gauche dans le souterrain par un charmant escalier. Un grand bas-relief, placé sur le côté de cet escalier, entre deux bustes de marbre blanc, représente des femmes au bain. Au-dessous dans une niche d’un quarré-long, est placé un taureau antique exécuté en marbre bleu turquin.
L’escalier est remarquable par la justesse de son appareil ; il est en pierre à marches découpées, et paraît se soutenir en l’air, sans être pour ainsi dire porté par rien ; il conduit à un autre vestibule souterrain qui sert d’antichambre à une délicieuse salle de bain. On trouve dans ce second vestibule une belle table de marbre de rapport, et un vase de porphyre sur un cippe de pareille matière. L’inscription que l’on lit sur le mur, annonce que ces vestibules, l’escalier et la salle de bains ont été construits sur les dessins et conduite de M. Brongniart, architecte du roi. »

M. Thiery, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, Paris, 1787
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Le baron de Besenval confie à l’architecte Brongniart l’aménagement d’une salle à manger :

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Peu fait pour la vie conjugale, il ne se marie pas et laisse sa sœur, la marquise de Broglie, tenir sa maison.

La marquise de Broglie-Besenval

« S’il est l’homme le plus gai pour les autres et l’un des plus aimables que j’ai vus, il est un peu morose pour lui et grognon dans son intérieur et surtout pour ses gens.»

Le prince de Ligne

Le 16 mai 1770

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Le Dauphin Louis-Auguste épouse l’Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.


Marie-Antoinette par Ducreux
Le mariage vu par Sofia Coppola (2006)

Le 24 décembre 1770

Le duc de Choiseul (1719-1785) , l’un des principaux artisans du mariage franco-autrichien ( il était chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770), est exilé à cause de son orientation libérale  dont la pratique politique s’apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue.

François-Etienne, comte de Stainville puis duc de Choiseul
François-Etienne, duc de Choiseul par Louis-Michel Van Loo

Louis XV nomme comme nouveau lieutenant général des Gardes suisse son petit-fils, le comte d’Artois. La personnalité joyeuse et ouverte de Besenval séduit son nouveau supérieur.


Charles d’Artois

C’est Artois qui présente Besenval à la Dauphine. Le courtisan se fait remarquer de la future souveraine en Lui apprenant le jeu de tric-trac, alors qu’Elle n’est pas encore lancée dans la passion des jeux d’argent.

« Le baron de Besenval avait gardé sa simplicité des Suisses et acquis toute la finesse d’un courtisan français. Cinquante ans révolus, des cheveux blanchis lui faisaient obtenir cette confiance que l’âge mûr inspire aux femmes, quoiqu’il n’eut pas cessé de viser aux aventures galantes. Il parlait de ses montagnes avec enthousiasme […] et était en même temps le conteur le plus agréable du monde.»

Henriette Campan, femme de chambre de Marie-Antoinette

Pendant les années de la fin du règne de Louis XV, sans négliger ses plaisirs, Besenval s’efforce de rendre à ce corps d’élite des Suisses son prestige mis à mal par deux longues campagnes qui l’ont considérablement affaibli.

Ennemi de Madame du Barry, il revient sur le devant de la scène mondaine lors de l’accession de Louis XVI au trône.

Le 10 mai 1774

Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers trois heures un quart de l’après-midi. Il avait soixante-quatre ans.

Louis XV, roi de France, âgé de 64 ans, deux mois avant sa mort, en mars 1774, par Montpetit
Louis XV par Montpetit
Mort de Louis XV dans Madame du Barry de 1919

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI

Fichier:Antoine-François Callet - Louis XVI, roi de France et de Navarre (1754-1793), revêtu du grand costume royal en 1779 - Google Art Project.jpg
Louis XVI par Antoine Callet

« Sa mine franche et belle lui faisait risquer des insolences qui lui allaient à merveille. »

Le Prince de Ligne

Cela était fait pour plaire à Marie-Antoinette, Elle-même très portée sur l’irrévérence. Mise en confiance, Elle va jusqu’à lui confier certaine particularité physique qui conduit le Roi à la négliger. Besenval ne peut s’empêcher d’être indiscret et, bientôt, une chanson très irrévérencieuse court Paris :

                                           La Reine dit imprudemment
A Besenval, son confident :
«Le Roi est un pauvre sire.»
L’autre répond d’un ton léger :
«Chacun le pense sans le dire,
Vous le dites sans le penser.»

Bel homme spirituel, bien en Cour , il amuse Marie-Antoinette.

« On voit qu’il aimait à se mêler de bien des choses, mais, dans le fond, il était comme tout le monde à la Cour, où l’on dit tour à tour du bien et du mal des ministres. ( …) Un peu morose pour lui et grognon dans son intérieur, pour ses gens et les femmes qu’il avait, c’était l’homme le plus gai pour les autres et l’un des plus aimables que j’aie vus.»

Le prince de Ligne
Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval 26897110
Le baron de Besenval (1759) par Louis Carrogis dit Carmontel

Or voici que, sur ces entrefaites, vient à mourir sans crier gare le ministre de la Guerre, M. de Muy.  Aussitôt Besenval imagine de faire nommer à ce poste nouvellement vacant son ami Castries. Il galope jusqu’à Ponthierry pour sauter sur le poil de Maurepas qui y relaye, lui expose sa requête, puis revient à brise abattue à Fontainebleau se précipiter chez la Reine qui l’écoute favorablement,  l’assure même de Son soutien …

Las, c’est le lendemain de cette entrevue que le baron note le très net refroidissement de Marie-Antoinette à son égard : entre temps, il y a eu les remontrances que Mercy nous exposait ci-dessus . Après l’euphorie, c’est l’affliction incommensurable …
Marie-Antoinette fait appeler le baron chez elle.

Il raconte :

« La Reine, qui s’était enfoncée dans un sofa, un mouchoir sur ses yeux malades d’une fluxion, me répondit avec un embarras qui l’empêchait presque d’articuler : « On ne m’a rien dit contre vous . Je suis toujours la même. »
Les rois ne pardonnent point aux gens avec lesquels ils ont eu tort, et qui les embarrassent; ils savent gré au contraire à ceux qui, par leur façon d’être, leur donnent le moyen de se persuader qu’on ne s’est pas aperçu des reproches qu’on aurait à leur faire . Voilà le meilleur moyen pour tous ceux qui visent à la faveur, ou qui veulent la conserver . Assez tranquille sur celle dont je jouissais, je fis dans cette occasion, par indifférence, ce que beaucoup d’autres auraient fait par calcul . Je m’étais pourtant bien promis, après ce que je venais d’éprouver, de régler ma conduite sur celle que la Reine aurait avec moi; je le répète, plus loyal et plus droit qu’on ne l’est à la Cour, je ne pouvais avoir que ce tort là .

Je parlais à la Reine avec cette assurance que donne toujours la pureté de l’intention; je l’attaquai de nouveau sur le ministère de la Guerre; je la poussai même avec chaleur, au point qu’ayant longtemps éludé mes questions, elle me dit enfin avec une sorte d’impatience : « Il est cruel d’être obligée d’entendre tout ce que vous me dites, et d’être dans l’impossibilité d’y répondre .»

Le lendemain, en effet

« Je sentis bien, écrit Besenval, que le refroidissement de la Reine pour moi ne pouvait venir que de quelque intrigue ou de quelque tracasserie, n’ayant rien à me reprocher . Je résolus en conséquence de persister à la voir, pour avoir une explication . Je fis part de ce que j’avais remarqué à la comtesse Jules de Polignac qui me dit qu’elle se trouvait précisément dans la même position que moi, qu’elle avait remarqué du changement dans la façon d’être de la Reine avec elle; ce qui me confirma dans l’opinion que, la comtesse Jules et moi, nous étions l’objet de quelques unes de ces menées si fréquentes dans les Cours . Elle se promit ainsi que moi de l’approfondir; et j’ai toujours soupçonné les trois hommes dont je viens de parler.»

Mémoires du baron de Besenval

Les trois hommes en question sont le duc de Coigny (1737-1821), le chevalier de Luxembourg et le duc de Lauzun (1747-1793).
Besenval est à mille mille de deviner que c’est Mercy (1727-1794) qui travaille à détruire son crédit auprès de Marie-Antoinette.

Florimond-Claude de Mercy-Argenteau (1757)

En effet, Mercy écrit au même moment à sa Marie-Thérèse :

« J’ai fait voir à la Reine qu’on ne cesse de la tromper en lui masquant adroitement les conséquences des choses, et en obtenant d’elle, sous l’apparence de bagatelles, des demandes et des grâces qui sont essentiellement en opposition au bien de son service et au bon ordre général . J’exposai des faits qui étaient sans réplique, et je démontrai que, soit par légèreté soit par envie de se faire valoir, la comtesse de Polignac et, bien plus, le baron de Besenval, s’étaient rendus en maintes occasions coupables d’une sorte de trahison en défigurant ce que la Reine a la bonté de leur dire, et en abusant à leur profit ou à celui de leurs amis du crédit qu’ils se sont procuré .
A la façon dont mes remontrances furent reçues, j’aurai pu croire qu’elles devenaient nuisibles à moi-même et sans effet pour le bien de la chose; mais je connais trop la Reine pour ne pas savoir que les vérités les plus évidentes ont besoin de quelques temps pour germer dans son esprit .
 »

En 1775

Le baron de Besenval est l’éphémère amant de la comtesse de Polignac (1749-1793).

Polignac - Portraits de la duchesse de Polignac - Page 5 Polign13
Yolande de Polignac Au chapeau de paille par Élisabeth Vigée Le Brun (1783)

En juin 1775

Madame de Polignac rencontre Marie-Antoinette et sous les yeux de Pierre-Victor va naître leur amitié. Son titre de gloire est d’être l’ami de « l’amie ».

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Yolande de Polignac

Le 11 juin 1775

Louis XVI est sacré à Reims.

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Le 18 septembre 1775

« Le baron de Besenval, sur l’attachement duquel Sa Majesté compte fermement, n’est ni assez prudent, ni assez exempt d’intrigue pour que la reine puisse sans danger confier à ses soins des démarches importantes.»

Le comte de Mercy-Argenteau à Marie-Thérèse d’Autriche

A la Cour, on le surnomme «le Suisse de la porte des Plaisirs de la Reine».

S’il est natif de Suisse, il n’a pas la lente retenue de ses concitoyens. Il est plutôt gascon de tempérament. Un caractère gai et une santé à toute épreuve semblent suffire à ce bon vivant pour envisager l’existence sous son jour le plus gracieux.

Ses contemporains racontent qu’il encourageait la Reine dans sa voie pour l’irrévérence vis-à-vis du Roi. Une anecdote significative en témoigne : lorsque le Roi s’aventurait dans le cercle de son épouse, il faisait figure de gêneur. Comme il avait l’habitude de se retirer ponctuellement à dix heures du soir, il arrivait que l’on avance furtivement la pendule. Le succès obtenu, le cercle intime reprenait toute sa gaieté.

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Marie-Antoinette par François Dumont

Besenval est le plus âgé des membres de la société de Marie-Antoinette, ce qui lui vaut le surnom de «vieux Céladon».

«Hors quelques romans, la reine n’a jamais ouvert un livre. (Elle) est loin de manquer d’esprit, mais son éducation a été nulle sous le rapport de l’instruction.»

Pierre-Victor de Besenval

« Le baron de Besenval avait conservé la simplicité des Suisses et acquis toute la finesse d’un courtisan français. Cinquante ans révolus, des cheveux blanchis lui faisaient obtenir cette confiance que l’âge mûr inspire aux femmes, quoiqu’il n’eût pas cessé des viser aux aventures galantes : il parlait de ses montagnes avec enthousiasme ; il eût volontiers chanté le ranz-des-vaches avec les larmes aux yeux et était en même temps le conteur le plus agréable de cercle de la comtesse Jules.»

Madame Campan, Mémoires

Le 13 novembre 1777

Mort de sa sœur Elisabeth, marquise de Broglie.

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Fersen aussi connaissait Besenval, qui est un ami de son père.

Fin mars 1779

Il fait partie de Sa société rapprochée. Avec le comte d’Esterházy et les ducs de Coigny et de Guînes, il La veille à Trianon lors de Sa rougeole.

Valentin Esterházy Vlcsna11
Image de Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

« Les trois semaines que nous passâmes à Trianon furent très agréables, uniquement occupés de la santé et de l’amusement de la reine, de petites fêtes simples dans un lieu charmant , des promenades en calèches ou sur l’eau. Point d’intrigues, point d’affaires, points de gros jeux. Seule la magnificence qui y régnait pouvait faire soupçonner qu’on était à la cour.»

Valentin Ladislas, comte d’Esterházy

Valentin d’Esterházy
Des hommes en tant que garde-malades étaient alors indispensables puisque la rougeole pouvait entraîner de graves conséquences sur les dames potentiellement enceintes. Les moyens de contraception n’existaient pas encore et donc toutes ses dames du palais en âge de procréer pouvaient être enceintes.
De plus, dans ces situations de maladies contagieuses à risque pour les femmes, Marie Leszczynska agissait de même et personne ne trouvait rien à redire…

Le duc de Coigny
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Le duc de Guînes

Il se targue, dans ses Mémoires, d’avoir été à l’origine de la disgrâce du Duc d’Aiguillon et d’avoir conseillé plusieurs nominations ministérielles.

Un jour, il tombe sur le poil d’un vieux domestique qui vient de briser un vase auquel il tenait beaucoup. Le lendemain, il s’étonne de ne pas le voir prendre son service et l’envoie chercher.
« Je sens que je vous deviens odieux, M. le baron, je vieillis trop et je ne puis qu’exciter, par mes lenteurs, la violence de votre caractère. Vous m’avez comblé de biens, de bontés; je vous verrai sans cesse, mais, ne logeant plus ici, nous éviterons tous deux des scènes qui nous tuent !
– Eh bien ! c’est donc un parti pris ? Il faut nous séparer, lui réplique Besenval. Vous étiez à mon père, votre femme m’a nourri, vous êtes plus ancien que moi dans la maison, c’est donc à moi de m’en aller. Je reviendrai quand vous pourrez supporter mes défauts.»

Il veut sortir, mais Blanchard désarmé par ce discours, se jette à ses pieds et tous deux également émus versent des torrents de larmes.

Le vicomte de Ségur

Le 29 novembre 1780

Décès de l’Impératrice Marie-Thérèse (1717-1780)

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En 1782

Besenval fait construire en sous-sol par Brongniart une somptueuse mais glaciale salle de bains en marbre, ornée de reliefs de Clodion, qui fait se récrier tout Paris et dont on assure qu’elle n’a servi qu’une seule fois.  Celle-ci est ornée de nymphes antiques sculptées par Clodion.

Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 3 00-02511
Alexandre-Théodore Brongniart à Paris, Hôtel de Besenval : nymphée souterrain à l’antique

Elle est, aux dires de Weber, le frère de lait de Marie-Antoinette, devenue dans la capitale une véritable curiosité. Cependant, si sa baignoire est alimentée en eau chaude, le sous-sol, lui, était glacial : aussi les mauvaises langues allèguent-elles qu’elle n’a servi qu’une fois, ayant provoqué la mort par pneumonie d’un soldat suisse qui s’y était plongé. Les bas-reliefs de Clodion sont actuellement exposés au musée du Louvre, dans l’aile Richelieu.

Les bas-reliefs ont été déplacés dans le courant du XXe siècle et sont aujourd’hui exposés au Louvre, en situation dans une pièce.

Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 2 Img_1932
Pan poursuivant Syrinx sous le regard de l’Amour, par Clodion

Pour Henriette Campan, qui peut par ailleurs lui faire reproche d’anecdotes diffamantes à l’égard de la réputation de Marie-Antoinette, Besenval a su conserver « la simplicité des Suisses » tout en la conciliant avec « toute la finesse d’un courtisan français ». C’est son talent pour parler et raconter qui le distingue précisément dans un cercle qui donne beaucoup d’importance à ce genre d’exercice :

« […] il parlait de ses montagnes avec enthousiasme ; il eût volontiers chanté le ranz-des vaches avec les larmes aux yeux, et était en même temps le conteur le plus agréable du cercle de la comtesse Jules [Polignac]. La chanson nouvelle, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls sujets d’entretien du cercle intime de la reine.»

Henriette Campan, Mémoires
En extérieur, scène du feuilleton Marie Antoinette avec Anne Marbeau (la comtesse Diane) et Henri Guisol (baron de Besenval) jouant aux cartes. Alain Pralon (Vaudreuil) se tenant debout à leurs côtés.

Le 24 octobre 1782

La Reine donne à Madame de Polignac la place de gouvernante des Enfants de France en remplacement de Madame de Guéménée, victime de la faillite de son mari ( d’un passif de 33 millions de livres)… c’est à Pierre-Victor de Besenval que la Reine doit cette idée de choix de Yolande de Polignac pour remplacer la princesse ruinée.

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Dans la série de Guy Lefranc , Marie-Antoinette (1975), Henri Guisol interprète le baron de Besenval

Pour la baronne d’Oberkirch (1754-1803), Besenval est « un des merveilleux du jour » à qui on attribuait «beaucoup de crédit sur la reine ». Ce crédit se justifie selon elle par les qualités propres de Besenval, « un naturel bien rare, un esprit et une grâce sans culture qui rendent le baron un personnage tout à fait à part. Il n’a aucune instruction, n’ayant jamais voulu étudier ; cependant il est fin, il est diplomate, il voit mieux que personne et raconte très bien. »

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Scène du feuilleton Marie-Antoinette, avec Geneviève Casile (Marie-Antoinette), face à Corinne Le Poulain, Anne Marbeau (Diane de Polignac), Alain Pralon (comte Vaudreuil)
et Henri Guisol (baron de Besenval).

En 1784

Lorsque le cercle de Trianon prend fait et cause pour Le Mariage de Figaro de Beaumarchais qu’il déteste, Besenval est le seul à dénoncer les attaques à l’ordre établi parées des couleurs du talent.

Louis XVI l'homme qui ne voulait pas être roi (Raphaëlle Agogué) - Page 9
Raphaëlle Agogué est Marie-Antoinette dans Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être Roi de Thierry Binisti

L’esprit philosophique ne cesse de lui apparaître comme un danger à combattre.

Louis XVI l'homme qui ne voulait pas être roi (Raphaëlle Agogué) - Page 9

Besenval révèle, dans ses mémoires, que la Reine utilisait une sorte de «pièce secrète» à Versailles :

« M. Campan, secrétaire du cabinet de la reine (…) me dit, n’ayant pas l’air de me parler :
«Suivez-moi, mais de loin, pour qu’on ne s’en aperçoive pas. »
Il me fit passer par plusieurs portes et plusieurs escaliers qui m’étaient totalement inconnus, et lorsque nous fûmes hors d’état d’être vus ni entendus :
« Monsieur, me dit-il, convenez que ceci a bon air ; mais ce n’est pas tout à fait cela: car le mari est dans la confidence.
– Mon cher Campan, lui répondis-je, ce n’est pas quand on a des cheveux gris, et des rides, qu’on s’attend qu’une jeune et jolie reine de vingt ans fasse passer par des chemins aussi détournés, pour autre chose que pour des affaires. – Elle vous attend, reprit-il, avec beaucoup d’impatience » (…)
Il achevait à peine de parler, que nous nous trouvâmes à hauteur des toits, dans un corridor fort sale, vis-à-vis d’une vilaine petite porte. Il y mit une clef, et ayant poussé plusieurs fois inutilement , il s’écria :
«Ah ! mon Dieu, le verrou est mis en dedans ; attendez-moi là, il faut que je fasse le tour. »
Il revint peu de temps après, et me dit que la reine était bien fâchée, qu’elle ne pouvait me voir dans cet instant, parce que l’heure de la messe pressait, mais qu’elle me priait de revenir au même endroit, à trois heures. Je m’y rendis, et Campan m’introduisit, par une issue détournée, dans une chambre où il y avait un billard que je connaissais, pour y avoir souvent joué avec la reine ; ensuite dans une autre que je ne connaissais point, simplement, mais commodément meublée. Je fus étonné, non pas que la reine eût désiré tant de facilités, mais qu’elle eût osé se les procurer.»

Le cabinet du Billard de Marie-Antoinette au deuxième étage 1280px10
Le cabinet du Billard de la Reine

«Hors quelques romans, la Reine n’a jamais ouvert un livre», selon le baron de Besenval. Pourtant, les commandes d’ouvrages attestent de l’intérêt de la Reine pour les traités de sciences humaines, de voyage et de politique. Il doit donc être étonné si, lors de cette visite, il pénètre dans la bibliothèque de la Reine :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est La-bibliotheque-de-la-Reine-1.jpg.La bibliothèque de la Reine

La baron de Besenval a aussi parlé dans « Ses Mémoires » d’une prétendue «tendresse» que la Reine aurait éprouvée à son égard. Or, si on en croit Madame Campan :

« Le baron de Besenval se trouvant seul avec la reine , perdit la tête et tomba sur ses genoux en déclarant son amour pour elle. Relevez-vous, Monsieur, dit Marie-Antoinette . Le roi ignorera un tort qui vous ferait disgracier pour toujours. Et elle quitta la pièce , laissant le baron pâle et tremblant.»

Mémoires de Madame Campan
Galerie d'images - Musée - Kanton Solothurn
Buste du baron de Besenval

Le 15 août 1785

Lorsqu’éclate l’affaire du Collier, Besenval redevient le confident de la Reine dont il recueille les inquiétudes.

Versailles | Chateau versailles, Orage, Versailles

En 1789

Besenval est commandant militaire de l’Île-de-France, des provinces limitrophes et de la garnison de Paris.

Pierre Victor Baron de Besenval. | Paris Musées
Les Suisses du Roi ... Csm_5_10
La couleur rouge dominante des uniformes des régiments suisses est une spécificité, qui peut mener à les confondre avec l’ennemi anglais sur le champ de bataille. On distingue également une fleur de lys sur le retroussis de l’habit,
tandis que les trois chevrons sur les manches indiquent l’ancienneté du soldat.
Uniforme des régiments suisses

Dès le mois de mai 1789

Il rétablit fermement l’ordre au faubourg Saint-Antoine. Malgré ses instances, le gouvernement refuse de renforcer la garnison de Paris.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LEte-de-la-revolution-Besenval-2.jpg.
Paul Guers incarne Besenval dans L’Été de la Révolution (1988) de Lazare Iglesis L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est LEte-de-la-revolution-Besenval-1.jpg.

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux.

états généraux - Le 5 mai 1789 : ouverture des Etats Généraux 5_mai_10
L'intrigant. Nouvelles révélations sur Louis XVI - Page 2 89-00010

Procession des trois ordres, du Roi et de la Reine qui se rendent dans la Salle des Menus Plaisirs de Versailles.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Ouverture-des-Etats-Generaux-1024x568.jpg.

Le 4 juin 1789

Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.


Image des Années Lumières (1989) de Robert Enrico

Le 20 juin 1789

Serment du Jeu de paume

Reproduction du Tableau LE SERMENT DU JEU DE PAUME de Jean Louis DAVID | Jeu  de paume, Le serment, Jean louis davidTableau de Jacques-Louis David

Le 11 juillet 1789

Louis XVI renvoi Necker.

Le dimanche 12 juillet 1789

La nouvelle du renvoi de Necker se répand comme une traînée de poudre…

Un inconnu, à la pointe du jour, se présente au baron de Besenval :

«Monsieur le Baron, lui dit-il d’une voix brève, aujourd’hui les barrières seront brûlées… N’essayez pas de l’empêcher. Vous sacrifieriez des hommes sans éteindre un flambeau ». 

Louis Blanc– Histoire de la Révolution Française » – archives citées

Ceci, donc, bien avant la harangue de Camille Desmoulins devant le Café de Foye, au Palais Royal.

Vers midi

Camille Desmoulins au palais Royal 22 juillet 1789 Révolution Française  1804 | eBay

Au Palais Royal, devant le café de Foy, le jeune journaliste Camille Desmoulins (1760-1794), monté sur une table, harangue la foule :

« M. Necker est renvoyé ; ce renvoi est le tocsin d’une Saint-Barthélémy des patriotes : ce soir, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger. Il ne nous reste qu’une ressource, c’est de courir aux armes et de prendre des cocardes pour nous reconnaître. Aux armes, aux armes !»

Applaudi par la foule, Desmoulins l’invite à prendre les armes et à arborer une cocarde, de sorte qu’ils puissent se reconnaître. Après concertation avec l’assistance, il est convenu que la cocarde sera verte, couleur de l’espérance. Il est parfois dit que Desmoulins aurait

cueilli une feuille de tilleul et qu’il l’aurait placée sur son chapeau, « inventant » une cocarde vert d’espérance.

Dimanche après-midi

La foule ne cesse de croître autour de Desmoulins.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Jefferson-a-Paris-Camille-Desmoulins-1024x640.jpg.
Vi*ncent Cassel interprète Camille Desmoulins dans Jefferson à Paris (1995) de James Ivory

La foule porte en trophée les figures de cire de Necker et du duc d’Orléans mais se heurte à un détachement du Royal-Allemand qui l’oblige à se disperser. On compte déjà un mort, un garde-française.

Le colonel Besenval, qui n’a reçu aucun ordre, regroupe à tout hasard ses hommes sur les Champs-Elysées pour faire face à une révolte éventuelle. Affolé par la foule qui lui paraît hostile, Besenval ordonne au prince de Lambesc de repousser les badauds dans le jardin des Tuileries. Les chevaux chargent , piétinent femmes et enfants.

Outrés par ces violences, les Parisiens courent chercher des armes. Mais où en trouver? Persuadés que les autorités de la ville cachent un arsenal à l’Hôtel de Ville, les émeutiers s’y précipitent. L’assemblée qui y siège en permanence ne peut les empêcher de se saisir de quelques fusils, mais elle hésite à cautionner l’insurrection.

Entre-temps

Des gardes-françaises s’échappent des casernes où Besenval les tenaient consignés.

Vers six heures du soir

Ils mettent le Royal-Allemand en déroute, tuant trois soldats pour venger leur camarade.

Besenval n’ose plus faire bouger ses régiments.

Il commet là une erreur de jugement lorsque, ulcéré par la passivité du gouvernement, il décide de retirer les troupes de Paris, ce qui permettra à la population de piller les Invalides et de marcher sur la Bastille. Les émeutiers, qui voient en lui l’âme de la réaction, réclament sa tête.

Il refuse d’adopter une attitude offensive.

Le 14 juillet 1789

 « Et tout se passait, en effet, comme l’avait dit l’inconnu. Brusquement, toutes les barrières flambent, des bandes sortent de différents côtés, toutes avec la même cocarde, les soldats quittent en masse leurs garnisons, et tout le monde crie : À la Bastille! En même temps, Paris est soudainement dépavé, couvert de barricades, entouré d’une ceinture d’incendies, et la Bastille est prise d’assaut, ses défenseurs sont massacrés, son gouverneur assassiné, à la stupéfaction du public dont l’immense majorité ne comprit alors absolument rien à cette foudroyante surprise. » 

Maurice Talmeyr– La Franc-Maçonnerie et la Révolution Française – Paris -1904 – Ed. Perrin – pages 41et42

Prise de la Bastille.

Comment la prise de la Bastille est-elle racontée par Jules Michelet ? – Un  Texte Un Jour

Le 17 juillet 1789

Départ des Polignac dans Les Années Lumières (1989)L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est tumblr_m789ewjOi41qatfdco2_640.png.

Madame de Polignac quitte Versailles et la France parce que c’est que le Roi le lui ordonne. Et en s’éloignant de Marie-Antoinette qui lui donne une bourse de 500 louis, elle croit sincèrement que les esprits échauffés contre la Reine vont se calmer.
Enfin les Polignac s’imaginent s’éloigner quelques mois, puis rentrer paisiblement une fois le calme revenu .
Ils n’imaginent pas qu’ils partent pour toujours ! Du reste n’emportent-ils rien, ou pas grand-chose .

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Depart-Polignac-1-1024x819.jpg.

Début août 1789

Avec l’autorisation de Louis XVI, Besenval quitte Paris mais, reconnu près de Provins, il est arrêté, sauvé du lynchage grâce à l’intervention de Jacques Necker, emprisonné longuement au château de Brie-Comte-Robert.

« La chambre où couchait Bezenval n’a point de fenêtres; deux sentinelles, Garde-Française et un du corps de la Bazoche, veillent constamment à sa porte qu’on ne ferme jamais aux verrous. Dans une pièce attenante couchent deux officiers de l’état-major : cette pièce sert de corps-de-garde. Dans le jour, Bezenval est constamment entouré de quelques officiers, et l’après-midi, lorsqu’il se promène dans le jardin, des sentinelles, dont les armes sont chargées, veillent sur lui.»

B. Saint-Edmé
Pierre-Victor de Besenval de Brünstatt - Wikiwand
L’arrivée de Besenval à sa prison du château de Brie Comte Robert

Il ne se remettra jamais de l’épreuve de cet emprisonnement.

La nuit du 4 août 1789

Abolition des privilèges.

4 août 1789 : abolition des privilèges et droits féodaux | RetroNews - Le  site de presse de la BnF

Le 10 août 1789

Il y a dans la ville une vive alarme au sujet de Besenval : le bruit s’est répandu qu’on doit l’enlever.

Le 26 août 1789

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 — Wikipédia

Le 5 octobre 1789

Des femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain.

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE ...

La famille royale se replie dans le château…

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Matin-du-6-octobre-1789.jpg.

La famille royale est ramenée de force à Paris.

Elle s’installe aux Tuileries et un semblant de vie de Cour se met en place.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est MA-Delannoy-Les-Tuileries-1024x747.jpg.

Le 5 novembre 1789

Après près de quatre mois de détention à Brie-Comte-Robert, Besenval est transféré au Grand-Châtelet ce qui le ramène donc à Paris. La première nuit, il a pour prison la chambre de l’aumônier.

« Il s’était tellement fait aimer de la milice bourgeoise qui le gardait à Brie-Comte-Robert que, lorsqu’il en est parti pour être conduit à Paris, chacun de ses gardiens, en le remettant dans les mains d’autres, a voulu obtenir d’en être embrassé, ce qu’il a fait avec la grâce qu’il eut toujours et la gaieté d’un homme bien tranquille sur le jugement qu’on doit porter de sa conduite . En prolongeant la captivité de ce malheureux homme, ses ennemis savourent davantage leur vengeance et reculent tant qu’ils peuvent l’époque où, faute de preuves, faute d’un chef d’accusation tant soit peu raisonnable, il faudra remettre en liberté un brave militaire dont on n’eût jamais dû punir l’obéissance à des ordres légitimes.»

Marc de Bombelles
Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval Robert10
Cellule de Besenval au Châtelet par Hubert Robert

« Le cas de Besenval avait pris la dimension historique de premier test de la justice révolutionnaire.»

Jean-Jacques Fiechter

Gouverneur Morris (1752-1816), qui lui rend visite dans sa cellule du Châtelet, note :

« Les charges contre lui sont ridicules, mais elles sont suffisantes pour le faire massacré s’il est livré à la justice sommaire du peuple.»

Gouverneur Morris

On entend près de deux cents témoins qui parlent de prétendus projets contre-révolutionnaires: siège et bombardements de Paris, massacre des Parisiens, barils de poudre placés sous la salle de l’Assemblée nationale, …

le Baron Pierre de Besenval - Page 4

Il est réclamé par la ville de Soleure, sa patrie, qui prétend que , d’après les traités, il ne peut être jugé que par un tribunal suisse.

La seule pièce qu’on possède contre lui est une lettre tombée entre les mains de Daugy, ancien président du district de Saint-Gervais. Cette lettre, adressée au gouverneur de la Bastille, le 14 juillet 1789, portait :

« Monsieur de Launay tiendra jusqu’à la dernière extrémité : je lui ai envoyé des forces suffisantes.

Signé, le baron de Besenval.»

Du 21 novembre 1789 au 21 janvier 1790

Quatre audiences de procès ont lieu. Le climat est extrêmement tendu, à l’extérieur le peuple hurle :

«Besenval à la lanterne!« 

Le 1er mars 1790

Le tribunal du Châtelet décharge Besenval de toute accusation  au grand mécontentement de l’opinion qui le conspue à sa sortie de prison.

Il est heureusement protégé d’un lynchage public par ses hommes qui le ramènent en triomphe jusqu’à la rue de Grenelle :

« Je ressentis en ce moment une émotion qu’aucune autre circonstance de ma vie ne m’avait fait éprouver.»

Ces épreuves, tout en ayant fragilisé son légendaire optimisme, ont ébranlé sa santé. Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Il souffre du cœur et a de fréquentes syncopes. Il se rend à la Cour installée aux Tuileries. S’il est reçu avec le respect que l’on marque à un fidèle serviteur du trône, on lui manifeste suffisamment de distance pour qu’il comprenne qu’il appartient à un passé révolu.

Besenval quitte la France pour Soleure pour tenter de rétablir sa santé.

Besenval - Pierre Victor de Besenval - Page 4 Captu230Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 2 Image_38
«Beau vase aux carpes en porcelaine de Chine « clair de lune » d’époque Qianlong (1735-1795),
à monture de bronze doré d’époque Louis XV, vers 1750″
Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 2 Lisbo110

Besenval aurait eu pour dernière maîtresse Madame de La Caze.

Besenval - Le baron Pierre-Victor de Besenval - Page 2 Toujou12
L’hôtel de Chanac

Pressé par les circonstances, Besenval pensait avoir mis le manuscrit de ses Mémoires en lieu sûr au moment où il était emprisonné, il a la mauvaise surprise d’apprendre à sa sortie de prison qu’une « copie rapide, et nécessairement tronquée, de quelques chapitres» a été effectuée, et que l’on peut s’attendre à
une publication d’un jour à l’autre.


Ce portrait de 1791 est-il bien celui du baron de Besenval?

Besenval, raconte le vicomte de Ségur, était d’une violence extrême de caractère, et l’impossibilité de la vaincre l’avait déterminé à s’y livrer sans réserve ; d’ailleurs, l’objet de sa colère et de ses brusqueries devenait souvent celui de ses caresses et de ses bienfaits. Il avait un vieux serviteur qui occupait un appartement dans son hôtel et qu’il traitait comme un ami. On laissait Blanchard s’occuper de menus détails, afin qu’il ne se crût pas inutile.

Un jour, on apporte à Besenval un superbe jasmin du Cap qu’il destinait à la reine ; il le confie à Blanchard, qui malheureusement laisse tomber le vase, et tout est brisé. Besenval, furieux, l’accable de reproches, et le vieillard, désespéré, demande le lendemain la permission de se retirer dans sa famille. Le lendemain, il s’étonne de ne pas le voir prendre son service et l’envoie chercher.
« Je sens que je vous deviens odieux, Monsieur le Baron, je vieillis trop et je ne puis qu’exciter, par mes lenteurs, la violence de votre caractère. Vous m’avez comblé de biens, de bontés; je vous verrai sans cesse, mais, ne logeant plus ici, nous éviterons tous deux des scènes qui nous tuent !
– Eh bien ! c’est donc un parti pris ? Il faut nous séparer
, lui réplique Besenval. Vous étiez à mon père, votre femme m’a nourri, vous êtes plus ancien que moi dans la maison, c’est donc à moi de m’en aller. Je reviendrai quand vous pourrez supporter mes défauts.»

Il veut sortir, mais Blanchard désarmé par ce discours, se jette à ses pieds et tous deux également émus versent des torrents de larmes, raconte le vicomte de Ségur.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Besenval-par-Roslin-1-795x1024.jpg.

Le 2 juin 1791

Le baron de Besenval meurt à Paris.

« Le baron avait invité vingt-cinq personnes à dîner; comme il ne paraît pas, le dîner se passe sans lui, et touche presque à sa fin, quand le baron, livide, décharné, fait une apparition presque fantomatique dans la salle à manger. Il articule péniblement :
«
C’est l’ ombre du Commandeur qui vous fait sa visite…»
Ce dernier trait d’humour glace la société et Besenval s’éclipse discrètement.
«
Il s’éteint une heure plus tard, juste à temps pour ne pas voir , dans l’année qui va suivre, la chute de la monarchie et la dispersion de cette société dont il a été à la fois le censeur et l’idole.»

Il a laissé des Mémoires piquants sur la Cour de France.

« Voici des souvenirs que j’aurais pu écrire tant ils sont de ma connaissance, mais jamais d’un style plus brillant : il l’est autant que l’auteur, c’est tout dire; on ne l’a jamais été plus que le baron de Besenval, à la guerre et à la Cour, où son amabilité l’avait porté par la société favorite de la Reine. On voit qu’il aimait à se mêler de bien des choses; mais, dans le fond, il était comme tout le monde à la Cour, où l’on dit tour à tour du bien et du mal des ministres . Il s’annonce plus intriguant qu’il n’était . Il a porté la parole pour MM. de Ségur et de Castries et puis c’est tout .
Le bien que le baron dit du malheureux Louis XVI et de la Reine adorée de ceux qui l’ont connue, comme lui et moi, est bien vrai . Il n’y a que des gueux qui ont pu en dire du mal, et des sots qui l’ont cru .
Tout le bien qu’il a dit de la famille de Polignac, et que l’on peut en dire, est en dessous de ce qu’elle méritait .»

Le prince de Ligne

Des témoignages soulignent une autre caractéristique de Besenval : son absence (ou plutôt la mise en scène de son absence) de toute instruction, ce dont convient même le vicomte de Ségur au moment d’introduire les Mémoires :

« On ne peut se dissimuler qu’il était plus brillant que profond, plus naturel que cultivé. […] Le tact subtil et fin qu’il possédait, lui faisant souvent tout deviner, couvrait son peu de savoir, et peut-être l’avait égaré, par la facilité qu’il trouvait à parler souvent de ce qu’il ignorait. Il croyait qu’un homme du monde pouvait aisément se passer d’instruction, et que c’était sur son métier que devaient porter toutes ses études

Le vicomte de Ségur

En définitive, ce manque d’instruction lui permet de se distinguer efficacement des figures potentiellement concurrentes de l’érudit ou du pédant – qui sont des repoussoirs pour le brillant causeur d’une société nobiliaire.

Son fils naturel, Ségur junior, hérite de son hôtel de Chanac.

Le comte de La Marck, relais de Mirabeau auprès de la Cour, a fait de Besenval d’un portrait peu flatteur :

« Il n’avait pas l’ambition d’occuper une grande place, il n’aurait pas voulu être ministre. Lieutenant-Colonel des gardes suisses, son seul désir était d’en devenir colonel après la mort du comte d’Affry. Mais tout en ne se souciant pas d’être ministre, il voulait se mêler d’en faire, afin d’avoir sur eux beaucoup d’influence. En tout il s’amusait de l’intrigue.

Selon le même observateur, Besenval est parvenu à s’emparer de l’esprit du comte d’Artois, colonel-général des Suisses et Grisons ; ainsi disposait-il par le moyen du prince, de tout ce qui tenait aux régiments suisses.

Ce proche de Marie-Antoinette qui lui avait servi en avril 1779 de garde-malade durant sa rougeole, l’assidu compagnon de plaisir du comte d’Artois, ce Suisse catholique, franchement athée et franc-maçon, se transforma à la veille de la Révolution en défenseur d’une tradition contre laquelle toute sa vie témoignait. Gouverneur militaire de Paris, il ne fut l’homme de la situation qu’en ce qu’il incarnait toutes les tares de l’Ancien régime.

« Il n’est bon qu’à être suisse à la porte de Cythère » disait de lui une dame honorable, tandis qu’un pamphlet en faisait, à la Cour, le Suisse de la porte du Palais des plaisirs de la Reine.»

Le comte de La Marck

Au cours du XIXe siècle

L’hôtel sera habité par de hauts personnages tels que les descendants de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon Ier, entre 1855 et 1870. C’est à cette époque que l’hôtel sera surélevé d’un étage par l’architecte Chabrier.

En 1938

Ses bâtiments de l’avenue Hoche étant devenu trop petits, l’Ambassade de Suisse en France acquerra l’hôtel en 1938. Dix ans auparavant, en 1928, la façade sur le jardin, la décoration de la chambre à coucher, ainsi que la décoration de la salle à manger et du cabinet sont inscrits aux Monuments Historiques.

Sources :

  • BESENVAL, Pierre Victor, baron de, Mémoires de monsieur le baron de Besenval (1721-1791)
  • FUNCKEN Liliane et Fred Le costume et les armes des soldats de tous les temps : de Frédéric II à nos jours chez Casterman (juillet 1979)
  • TRIQUENAUX Maxime. Des aristocrates de papier. Trois figurations littéraires de nobles à la fin de
    l’Ancien Régime (Besenval, Polignac, Richelieu). Littératures. Université de Lyon, 2020. Français.
    ffNNT : 2020LYSE2058ff. fftel-03128877f
  • https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
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