Sommaire :
- Le réveil de la Reine
- Le bain
- La salle-de-bain de Marie-Antoinette
- Le négligé du matin
- Le petit déjeuner
- Les petites entrées
- Le lever de la Reine
- La préparation de l’habillement : le grand négligé du matin
- La toilette privée
- Les robes et accessoires choisis pour la journée
- Les grandes entrées
- La toilette de présentation
- L’habillement de la Reine
- Les présentations
- Le cortège royal pour la messe
- La messe
- L’antichambre du Grand Couvert : le dîner ou le Petit Couvert
- Le cabinet de la Méridienne
- Le cabinet doré
- Le cabinet des bains du soir
- Le dîner chez la comtesse de Provence
- Promenades sur la terrasse du château
- Le Jeu de la Reine : le salon de la Paix
- Le coucher de la Reine
- Le passage secret de Louis XVI
Le 12 juillet 1770
Marie-Antoinette, alors jeune Dauphine depuis le mois de mai précédent, conte à Sa mère, Marie-Thérèse, le déroulement de Ses journées :
« (…) je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ; ensuite à onze heures, je vais me coiffer. (…) A midi est la messe : si le roi est à Versailles, je vais avec lui et mon mari et mes tantes à la messe ; s’il n’y est pas, je vais seule avec Monseigneur le Dauphin, mais toujours à la même heure. Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demie, car nous mangeons fort vite tous les deux. De là je vais chez Monseigneur le Dauphin, et s’il a affaires, je reviens chez moi, je lis, j’écris ou je travaille, car je fais une veste pour le roi, qui n’avance guère, mais j’espère qu’avec la grâce de Dieu elle sera finie dans quelques années. A trois heures je vais encore chez mes tantes où le roi vient à cette heure-là ; à quatre heures vient l’abbé (de Vermond) chez moi, à cinq heures tous les jours le maître de clavecin ou à chanter jusqu’à six heures. A six heures et demie je vais presque toujours chez mes tantes (…) A sept heures on joue jusqu’à neuf heures (…) A neuf heures nous soupons, (…) nous allons nous coucher à onze heures. Voilà toute notre journée.»
Marie-Antoinette
L’Etiquette réserve donc un emploi du temps à la fois strict et rébarbatif pour cette jeune fille de quatorze ans et demi. Une fois devenue Reine, Marie-Antoinette sera d’autant plus enfermée dans le carcan de cette Etiquette désirée par le Roi Henri III (1551-1589), mais poussée à l’extrême par Louis XIV (1638-1715) pour mieux diriger la Cour (qu’il redoute depuis la Fronde, dans son enfance) : il assuma donc de se mettre en scène de son lever à son coucher. Louis XV en a atténué la rigueur et Louis XVI va dans sa lignée, mais cette Etiquette participe au prestige de la personne royale. Il est à noter que sous le Roi Soleil, on se changeait plusieurs fois par jours par mesure d’hygiène, la leur n’étant pas formidable. Les habitudes de changements de tenues persistent alors que depuis Louis XV Versailles dispose de salles-de-bain.
Marie-Thérèse d’Autriche défend cette Etiquette que combattra sa fille :
« Il faut rester à sa place, savoir jouer son rôle ; par là on se met soi et tout le monde à son aise. Toutes les complaisances et attentions pour vous, mais point de familiarité, ni jouer la commère ; vous éviterez par là les tracasseries.»
Marie-Thérèse à Marie-Antoinette, le 16 juillet 1774
Le réveil de la Reine
La première femme de chambre couche dans une chambre entresolée au-dessus du supplément de bibliothèque. Elle n’est là que pour l’Étiquette. Elle n’a presque nulle fonction pendant les toilettes, hormis la garde de l’écrin des bijoux et la direction les autres femmes. Elle remplace la dame d’honneur pendant les présentations subalternes faites pendant l’heure de la toilette.
Le feutier allume le feu ou attise les flammes de la cheminée. Les garçons de la chambre ouvrent doucement les volets et rangent la pièce impeccablement. Ils ôtent la collation de la nuit dite « en-cas » à laquelle la Reine ne touche jamais.
Vers huit heures
La Reine se lève à l’heure qu’Elle a marquée le soir avant de se coucher.
Marie Antoinette se lève, généralement, entre huit et dix heures du matin. Son réveil est donc fort variable. Se couchant tard au début de son règne, Elle se lève tard le matin. La femme de garde-robe ouvre les rideaux, la première femme de chambre présente à la Reine un livre avec des échantillons des robes et Marie-Antoinette marquait avec des épingles les robes qu’Elle désire porter.
Marie Antoinette se lève, généralement, entre huit et dix heures du matin. Son réveil est donc fort variable. Se couchant tard au début de son règne, Elle se lève tard le matin. La femme de garde-robe ouvre les rideaux, la première femme de chambre présente à la Reine un livre avec des échantillons des robes et Marie-Antoinette marquait avec des épingles les robes qu’Elle désire porter.
En présence de la dame d’honneur, la dame d’atours présente un habit de jour et le rituel quotidien, haï par la reine, commence.
Plus réglée avec les années, Marie-Antoinette se lève ensuite à huit heures.
La femme de garde-robe apporte une corbeille couverte, appelé « le prêt du jour », contenant chemise de baignoire, charlotte pour protéger les cheveux dans le bain, mouchoirs, frottoirs etc.
« La reine se levait, la femme de garde-robe était admise pour enlever les oreillers, et mettre le lit en état d’être fait par des valets de chambre. Elle en tirait les rideaux, et le lit n’était ordinairement fait que lorsque la reine allait à la messe. Cette femme avait de même été introduite, au premier réveil, pour enlever les tables de nuit, et remplir toutes les fonctions de sa place.»
Madame Campan
Au début du règne on roule dans la chambre royale une baignoire en sabot, en 1782, Marie-Antoinette disposera de Sa salle-de-bains au rez-de-chaussée.
La première femme de chambre de la Reine se tient, dans la journée, prête aux ordres, dans une chambre de veille contiguë à la chambre à coucher et à l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf.
Pour la nuit, Marie-Antoinette porte un corset à crevées de rubans, des manches de dentelles et un grand fichu. Ses femmes de chambres entrent chez la Reine à cette heure là. Elle dispose de douze femmes «ordinaires» servant par roulement : trois équipes de quatre, dont deux sont de service chaque jour pour vingt-quatre heures pendant une semaine. Elles ont des avantages en nature : à chaque réforme de la «garde-robe des atours », elles ont le droit de « s’emparer » des robes négligées.
À huit heures et quart
Le bain
Marie-Antoinette prend plusieurs bains par semaine mais pas tous les jours. Ce qui est déjà une grande avancée hygiénique par rapport à la toilette sèche traditionnelle.
Quand Elle ne se baigne pas entièrement, Elle se contente de bains de pieds. C’est la femme de garde-robe qui se charge de ces ablutions partielles.
À huit heures et demie
Le négligé du matin
« A la sortie du bain, la Reine s’habille. Une femme de chambre s’agenouille et Lui passe une seconde paire de bas . Tous les vêtements et le linge, sont présentés par la femme de garde- robe des atours aux femmes de chambre. On L’habille ensuite du « grand négligé du matin » : les femmes de chambre La revêtent de la seconde «chemise du jour », faite de batiste ou de linon et ornée de dentelle, puis d’un jupon ou plusieurs selon la saison et le type de la robe d’intérieur et enfin d’un manteau de lit et d’un négligé de taffetas blanc qui fait office de peignoir.»
Henriette Campan
« La lingerie de la Reine, contiguë aux salles des Atours renferme le linge du « négligé » : des chemises de mousseline, de toile de Hollande, de batiste ou de percale. La chemise, le plus ordinairement, est brodée au bas, garnie à la gorge et aux manches, de dentelles de Valenciennes, de Malines. La Reine se fournit chez les meilleurs marchands lingers de Paris. La Reine en a un bon nombre : rien d’étonnant à cela quand on sait qu’Elle en change plus de cinq fois par jour ainsi que de tout le linge. C’est à peine si elles suffisent…
On Lui chausse des bas de soie, d’ordinaire blancs, « extra fins, à jours de dentelles ; et riche de broderie ». Elle a dans Sa garde robe plus d’une centaine de paires. Il y a tout un assortiment, de qualités différentes : bas de coton blancs le plus souvent, bas de soie blanche brodée, bas noirs pour le demi-deuil.»Henriette Campan
« Les souliers, pour la matinée, sont le plus souvent de peau de couleur ou en étoffe : taffetas ou satin. Chaussée, Marie Antoinette passe un « corps ». Comme toutes les dames de son temps, la lingerie de la Reine conserve toute une collection de corps à baleine ordinaires de percale doublée de dentelles, de basin doublé de percale, de satin blanc doublé de taffetas. La dame d’atours a sous ses ordres un tailleur « pour les corps » qui fournit exclusivement la lingerie de la souveraine. Avec le corps, un simple jupon d’étoffe, de petit basin rayé garni d’un ou plusieurs rangs de dentelles ou d’un petit volant de mousseline brodée. L’hiver, quelquefois on Lui met des jupons de tricot de coton bordé de dentelles. Mais c’est une exception : on en trouve seulement six dans les placards des Atours. Rien d’autre ensuite : la Reine n’a dans Sa garde robe absolument point d’autres linges hormis des pantalons de soie de couleur ou de peau de daim pour monter à cheval. Elle endosse enfin un peignoir dit « manteau de lit » de percale, de mousseline, de petit basin ou de taffetas. La lingerie en possède à l’infini de toutes formes, de toutes broderies, et toutes garnitures. On Lui endosse enfin la « robe négligée » – que la Reine a sélectionnée la veille au soir à son coucher . Ces négligés sont fournis par les marchands ordinaires de soieries. Cette tenue pratique permet un accès facile partout, y compris dans les petites pièces, les escaliers dérobés ou les cabinets intérieurs, là les grands paniers ne peuvent pas passer à cause de leur circonférence. C’est une robe ample souple, battante et volante avec une veste d’intérieur. Au début de Son règne, la Reine le porte sur un petit panier dit de « considération ».»
Henriette Campan
La salle de bain attenante à l’appartement du premier étage, aménagée sous Marie Leszczyńska (1703-1768), puis légèrement modifiée par Marie-Antoinette, n’a pas non plus été très souvent utilisée de par son étroitesse. C’est plus un lieu de stockage des différents éléments de Sa Toilette.
La Reine est coiffée d’une charlotte de coton afin de ne pas abîmer Sa chevelure.
Images de Marie-Antoinette, Reine d’un seul amour (1989) de Caroline Huppert
Marie-Antoinette dispose de tout ce qui se fait de mieux et de plus beau pour sa toilette. Elle a des objets d’orfèvrerie, de porcelaine des plus raffinés et les fait répliquer pour chacune de Ses résidences.
À neuf heures moins le quart
Marie-Antoinette retourne ensuite au lit comme le prescrivent alors les médecins. Elle en profite pour prendre un livre (le plus souvent une pièce de théâtre pour répéter un rôle), travailler à son ouvrage et prendre son petit déjeuner. Aucune princesse ne lit à proprement parler : elle dispose d’une lectrice, rôle que tient Henriette Campan (1752-1822) auprès de Mesdames de France, en plus de son service auprès de la Reine.
Marie-Antoinette pour son « petit déjeuner » (mais que l’on n’appelle pas encore ainsi) a l’habitude de prendre une tasse de chocolat ou de café, accompagnée de petits pains à la viennoise qui ressemble à un croissant ou une brioche ou d’un pain de seigle, et de crème double. Parfois, Elle prend du lait d’ânesse, de vache avec de l’eau d’orge, du petit-lait avec décoctions de laitue pour se fortifier. Elle dispose d’un service complet en porcelaine de Sèvres à son chiffre, orné de myosotis. Marie-Antoinette peut prendre son petit déjeuner au lit ou debout devant son canapé à une petite table volante.
Aux dires de madame Campan, ce premier repas de la journée est celui que la souveraine préfère.
Car très vite pénètrent dans la chambre les Petites Entrées.
Dans le langage des courtisans, on dit alors qu’« il fait petit jour chez la Reine ».
Elle dispose d’un court moment de répit avant Sa véritable vie de représentation…
Voir cet article pour plus de détails :
À neuf heures
Les Petites Entrées
A neuf heures arrivent une douzaine de personnes, ayant toutes le droit de voir Sa Majesté à Son Lever.
La Faculté
En premier entrent Son premier médecin, le docteur Lassone depuis son arrivée en France, suivi du médecin ordinaire, le docteur Malouin. Le premier chirurgien, monsieur Chavignat (ou Chavignac) et le chirurgien ordinaire monsieur Léger père les accompagnent.
À neuf heures et demie
Vient alors Son secrétaire de cabinet, monsieur Campan (1722-1792), beau-père de la mémorialiste, qui est lui aussi un confident très important de la Reine, néanmoins rival de l’abbé de Vermond.
À dix heures moins le quart
Viennent ensuite les membres de la Maison du Roi ayant droit aux Petites Entrées chez la Reine, puis les charges d’honneur féminines de la Maison de la Reine : Sa surintendante, la princesse de Lamballe (1749-1792) et Ses dames d’honneur. Ces trois dames assistent aux Petites Entrées. En fonction de leur rang et de leur présence, c’est l’une d’elles qui apporte le plateau du petit déjeuner à la Reine dans Son lit ou sur Sa petite table. Le plus souvent, il s’agit de la princesse de Lamballe.
Ils vérifient évidemment l’état de santé de leur royale patiente.
À neuf heures et vingt minutes
Le lecteur et le secrétaire de cabinet
D’autres messieurs appartenant à la Maison de la Reine peuvent entrer à ce moment. Nous retrouvons Son lecteur, l’abbé de Vermond (1735-1806), Son ancien précepteur à Vienne qui jusqu’à son émigration durant l’été 1789, aura une grande influence sur Elle.
Toutes ces personnes tiennent à ce moment d’intimité avec la souveraine car le plus privilégié pour Lui faire sa cour, Lui demander des grâces ou Lui donner conseils. Ces dames de très haut rang ont droit de s’asseoir en présence de la Reine et les valets de la chambre leur préparent leurs pliants. Leur visite doit, semble-t-il, ne pas dépasser une demi-heure environ car très vite Marie-Antoinette doit se consacrer à Son habillement et à Sa toilette privée.
À dix heures
La préparation de l’habillement
Le prêt du jour et le grand négligé du matin
La Femme de Garde-Robe, pour la partie du linge, apporte une corbeille couverte contenant plusieurs chemises, , des mouchoirs, des frottoirs. Cette corbeille du matin s’appelle le prêt du jour. C’est le linge de corps, chemises, mouchoirs et autres utiles pour la journée. S’y trouve également le grand négligé du matin. Jusque-là en chemise et bas, la Reine revêt une deuxième chemise de batiste ou linon et un ou plusieurs jupons selon la saison. Par-dessus, un manteau de lit et un négligé de taffetas blanc Lui font office de peignoir.
On Lui remet également de riches bas de soie blanche ornés. Le prêt du jour est du ressort de la Dame d’Honneur, le linge ne concernant point la Dame d’Atours. Les Femmes de Chambre de la Reine n’ont pas à s’en occuper, ni à plier, ni à ranger. Les souliers du matin sont de taffetas ou de satin. Marie-Antoinette en commande plus d’une centaine par an. Leur grande fragilité explique leur renouvellement régulier.
Marie-Antoinette en a une infinie quantité et des plus raffinés.
Une fois chaussée, le corps Lui est passé. Cette fois-ci, cet objet est du domaine de la dame d’atours.
Elle revêt ensuite Son grand négligé de soierie. Ce vêtement d’intérieur permet à la Reine de se déplacer facilement dans tout Son appartement, les escaliers et les corridors. Seulement durant les premières années du règne, le négligé est enfilé sur un petit panier, dit de considération.
À dix heures et vingt minutes
La toilette privée
Dans Son cabinet de toilette du premier étage, Marie-Antoinette passe à Sa petite toilette de vermeil. Dans Ses autres résidences, pour Sa grande chambre ou Sa salle-de-bain du rez-de-chaussée, Marie-Antoinette dispose d’autres tables de toilette. Nous conservons aujourd’hui l’une d’elles, Sa coiffeuse conçue par Riesener destinée à l’origine à son appartement des Tuileries lors de ses sorties parisiennes et aujourd’hui exposée dans la salle-de-bain du rez-de-chaussée du château de Versailles.
Images des Liaisons Dangereuses (1989) de Stephen Frears
C’est devant l’une de ces tables, intitulées bonheurs du jour, et en général devant la petite de vermeil que la Reine s’apprête à proprement parler, assistée des deux Femmes de Chambre encore de service jusqu’à midi et dirigées par la Première. On ne dit pas alors « se maquiller » mais se farder. La première étape est l’application d’une lotion avant de passer le blanc. Très astringent, car mêlé de céruse, il permet, à l’instar de notre fond de teint moderne, de cacher tous les défauts du visage. Il fait également ressortir le rouge et les mouches. Le rouge est une obligation de Cour et chaque occasion a sa nuance. Très populaire encore dans les années 1780, les femmes peuvent difficilement s’en passer, malgré là encore les avertissements médicaux. Il rehausse leur teint, placé en haut des pommettes, il met en valeur leurs yeux. Très à la mode au XVIIe siècle et sous Louis XV, les mouches ne sont plus en faveur à l’époque de Marie-Antoinette qui n’en a certainement pas fait usage très longtemps.
Marie-Antoinette choisit Son parfum pour la matinée. Ses gants choisis pour la journée le sont également et la Reine dispose de plusieurs fragrances, comme de plusieurs parfumeurs (Élisabeth de Feydeau, Jean-Louis Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette).
Pour plus de détails sur les fragrances de la Reine :
À onze heures moins vingt
Les personnes non attachées à la Cour et les fournisseurs
Marie-Antoinette profite de ce moment assez long (entre dix heures environ et midi) pour recevoir des personnes non présentées à la Cour, c’est-à-dire des particuliers qui n’y ont aucun droit, comme des artistes ou des personnes que la Reine tient à honorer. Viennent aussi ses fournisseurs préférés venus présenter leurs nouvelles créations. Ces personnes sont reçues uniquement par la Première Femme de Chambre, même en présence de la Dame d’Honneur.
Ses portraitistes, les artistes qu’Elle tient à protéger, en particulier les musiciens et compositeurs se présentent à Elle durant ce temps de relative liberté. Les mémoires d’Élisabeth Vigée Le Brun comportent des anecdotes touchantes sur ce moment de la journée qu’elles partagent toutes deux (qui ne doit pas excéder une demi-heure si on considère l’emploi du temps auquel la Reine est soumise …) :
« Sa Majesté finissait sa toilette; elle tenait un livre à la main pour faire répéter une leçon à sa fille, la jeune Madame. Le cœur me battait; car j’avais d’autant plus peur que j’avais tort. La reine se tourna vers moi et me dit avec douceur:
-Je vous ai attendue hier toute la matinée, que vous est-il donc arrivé?
–Hélas! madame, répondis-je, j’étais si souffrante que je n’ai pu me rendre aux ordres de Votre Majesté. Je viens aujourd’hui pour les recevoir, et je repars à l’instant.
-Non! non! ne partez pas, reprit la reine; je ne veux pas que vous ayez fait cette course inutilement.
Elle décommanda sa calèche et me donna séance. Je me rappelle que dans l’empressement où j’étais de répondre à cette bonté, je saisis ma boîte à couleurs avec tant de vivacité qu’elle se renversa; mes brosses, mes pinceaux tombèrent sur le parquet; je me baissais pour réparer ma maladresse.
-Laissez, laissez, dit la reine, vous êtes trop avancée dans votre grossesse pour vous baisser; et, quoi que je pusse dire, elle releva tout elle-même.»Elisabeth Vigée Le Brun, Mémoires
Nous pouvons supposer que c’est aussi durant ces heures de la matinée que viennent Ses artisans préférés, tels que Riesener, Jacob, etc, sans oublier Son architecte Mique, afin de satisfaire les exigences de Marie-Antoinette concernant son goût pour la décoration. Mais ce n’est pas alors qu’ont lieu les fameuses conférences avec la Reine dont se vante Mademoiselle Bertin.
Tous collaborent, chacun dans son domaine, à épanouir la beauté de la Reine de France.
Le temps le plus long est consacré à la coiffure.
Les poufs aux sentiments, création conjointe de Léonard Autié et de mademoiselle Bertin, coiffure des premières années du règne, prennent un temps considérable de par la hauteur de la coiffure et les mille et un colifichets fixés dans la chevelure.
Pour plus de détails sur les coiffures de la Reine :
A onze heures
Il y a également les fournisseurs en cosmétiques : Marie-Antoinette commande parfums et gants au sieur Fargeon et à la Veuve Huet. Il ne faut évidemment pas oublier les joailliers de la Couronne, Aubert, puis Boehmer et Bassenge, reçus régulièrement par la Reine. Tous ces fournisseurs tiennent boutique en ville et comptent une grande partie de la Cour, voire celles étrangères, comme clientèle. Nous pouvons donc imaginer tout ce petit monde bruissant autour de Marie-Antoinette lors de ce moment de détente pour Elle, tout entière consacrée à Sa beauté :
Les robes et accessoires choisis pour la journée
C’est durant ces quelques heures que sont apportées des diverses pièces dévolues à la Garde-Robe de la Reine toutes les tenues dont Elle aura besoin pour la journée, jusqu’à Son coucher.
Le Valet de Garde-Robe de service (M. Gallant ou M. Stevenot) présente tous les matins à la Première Femme de Chambre, un livre appelé La Gazette de Garde-Robe des Atours sur lequel sont disposés les échantillons de toutes les robes, grands habits, robes déshabillées, chapeaux dont dispose la souveraine pour chaque saison et classés selon diverses catégories du vêtement de Cour, du plus solennel au plus léger :
-Grands habits : ils servent lors des événements importants de la Cour, messes, mariages, baptêmes, jour de Pâques, Toussaint, fête du Roi ou aussi pour les portraits officiels ;
-Robes sur le grand et petit panier : ces robes sont utilisées pour le Jeu ou les soupers des Petits Appartements
-Lévites, robes anglaises et robes turques : dites robes de fantaisie
« Une petite portion de la garniture indiquait de quel genre elle était était ; la première femme présentait ce livre, au réveil de la reine, avec une pelote ; S. M. plaçait des épingles sur tout ce qu’elle désirait pour la journée : une sur le grand habit qu’elle voulait, une sur la robe déshabillée de l’après-midi, une sur la robe parée, pour l’heure du jeu ou le souper des Petits Appartements. La Garde-Robe de la Reine était renouvelée sur trois saisons : la Reine avait ordinairement, pour l’hiver, douze grands habits, douze petites robes dites de fantaisie, douze robes riches sur panier, servant pour son jeu ou pour les soupers des petits appartements. Autant pour l’été ; celles du printemps servaient en automne».
Henriette Campan
Pour plus de détails sur la vêture de la Reine :
Il en va donc de même pour la Gazette, reproduite en plusieurs exemplaires :
celle détaillée pour la Reine afin de faire son choix le matin, celui de sa Dame d’Atours qui dispose d’un seul registre pour une année entière (l’exemplaire conservé aux Archives nationales étant celui de l’année 1782) permettant également de gérer les comptes et ceux destinés au service de la Garde-Robe.
Ces robes de cour, au nombre de trente-six, nécessitent des échantillons : la Reine pour effectuer Ses choix journaliers, la Dame d’Atours pour sa fonction et le personnel pour retrouver les robes demandées par la Reine.
La Dame d’Honneur gère aussi tous les menus objets disposés sur un plateau de vermeil couvert d’un taffetas brodé appelé gantière que l’on lève pour présenter le plateau à la Reine : Ses boîtes, Ses étuis, Son éventail, Ses gants, Ses mouchoirs, Sa montre, Ses flacons de senteurs. C’est souvent la princesse de Lamballe qui remplit ces fonctions.
Évidemment, à chaque nouvelle personne, il faut repasser la salve (ainsi de la chemise, du verre d’eau, etc.) de main en main. La Dame d’Honneur est dispensée de présenter l’objet à une princesse du sang.
Marie-Antoinette n’est pas encore à proprement parlé habillée : encore en négligé, Elle est déjà coiffée pour l’essentiel et fardée. Elle porte déjà Son corps, Ses jupons, Ses bas, ainsi que le collier choisi pour la messe.
« Plus tard, lorsque les coiffures deviendront si énormément hautes, qu’il faudra passer la chemise par le bas, lorsque Marie-Antoinette voudra avoir pour habilleuse Mademoiselle Bertin, avec qui la dame d’Honneur et la dame d’atours n’auraient certainement pas voulu faire leur service, l’habillement cessera d’avoir lieu dans la chambre. La Reine saluera et se retirera dans Ses cabinets pour s’habiller.»
Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand
À onze heures et demie
Les Grandes Entrées entrent dans la chambre de la Reine. Voici enfin venue l’heure de la Toilette de représentation.
La toilette de représentation
La toilette de représentation, c’est-à-dire publique, commence à midi.
« Les femmes se rendent, quelques minutes avant midi, dans le salon qui précède la chambre de la Reine. On ne s’assoie pas, à l’exception des dames âgées, fort respectées alors, et des jeunes femmes soupçonnées d’être grosses. Il y a toujours au moins quarante personnes et souvent beaucoup plus. Quelquefois nous sommes très pressées les unes contre les autres, à cause de ces grands paniers qui tiennent beaucoup de place. Ordinairement, Madame la princesse de Lamballe, surintendante de la Maison, arrive et entre immédiatement dans la chambre à coucher où la Reine fait sa toilette. Le plus souvent, elle est arrivée avant que Sa Majesté la commence. Au bout de quelques minutes, un huissier s’avance à la porte de la chambre et appelle à haute voix : « Le service ! » Alors les dames du palais de semaine, au nombre de quatre, celles venues pour faire leur cour dans l’intervalle de leurs semaines, ce qui est de coutume constante, et les jeunes dames appelées à faire plus tard partie du service du palais, comme la comtesse de Maillé, née Fitz-James, la comtesse Mathieu de Montmorency et moi, entrent également. Aussitôt que la Reine nous a dit bonjour à toutes individuellement avec beaucoup de grâce et de bienveillance, on ouvre la porte, et tout le monde est introduit. On se range à droite et à gauche de l’appartement, de manière que la porte reste libre et qu’il n’y ait personne dans le milieu de la chambre. Bien des fois, quand il y a beaucoup de dames, on est sur deux ou trois rangs. Mais les premières arrivées se retirent adroitement vers la porte du salon de jeu [Salon de la Paix], par où la Reine doit passer pour aller à la messe. Dans ce salon sont admis souvent quelques hommes privilégiés, déjà reçus en audience particulière auparavant ou qui présentent des étrangers… »
Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin, cité par Pierre de Nolhac, Histoire du château de Versailles (1899)
À midi
Les Grandes Entrées
Comme le dit, Elle-même, Marie-Antoinette :
« A midi, on appelle la chambre et là tout le monde peut entrer, ce qui n’est point des communes gens.»
Marie-Antoinette, lettre à Sa mère du 12 juillet 1770
Les plus grandes dames de la Cour
A midi arrivent les plus grandes dames de la Cour, à savoir la surintendante de la Maison de la Reine, sa dame d’honneur, sa dame d’atours, déjà présentes lors des Petites Entrées. Peut également entrer désormais la gouvernante des enfants de France. Même si Elle adore Ses enfants, Marie-Antoinette ne se permet pas de les utiliser pour échapper à l’Etiquette.
Ces dames entrent les premières et ayant droit au « tabouret » s’asseyent sur des pliants préparés par les valets de la chambre.
La Toilette de représentation
La Toilette peut commencer à l’arrivée de la surintendante. Dès son entrée qui sonne le début du cérémonial de la toilette, on procède à la coiffure de la Reine. Celle-ci est déjà coiffée durant son temps de toilette privée, auprès de l’un de ses coiffeurs mais la dame d’honneur, assistée de la première femme, tient symboliquement le peigne devant le public. Les deux femmes de chambre qui terminent leur service et bientôt relayées par deux autres arrangent quelques boucles ou rajoutent quelques petits colifichets.
Les dames du palais
Les armoires murales pour le nécessaire de toilette, les produits cosmétiques, les flacons d’essences, de fragrances d’amande douce, d’eau de rose et de lavande qui servent à parfumer les bains. A nouveau, la Reine change de tenue, qui dépend du programme du soir. C’est une robe sur le grand (en cas de bal) et petit panier (pour le jeu ou les soupers des petits appartements). Et ici point de cérémonie, Elle est servie par Sa première femme de chambre qui est assistée par deux femmes de chambre.
À neuf heures du soir
D’après la bienséance, pas toujours respectée par Louis XVI, qui mange parfois en privé, le dîner du soir se déroule dans l’antichambre du Roi ou de la Reine en présence de tous les courtisans qui le désirent à condition qu’ils portent une épée et une tenue décente : il s’agit du Souper ou Grand couvert. Le Roi et la Reine dîne en public, devant les princesses, duchesses (assises) et autres dames (debout) et en musique. Au moment de l’annonce du dîner, l’huissier de salle mobilise un garde du corps. Avec eux, le «chef du gobelet» apporte à table la nef (pièce d’orfèvrerie refermant des serviettes et des coussins de senteurs) et d’autres apportent le reste des couverts. L’huissier se rend ensuite à la « bouche» où sont cuisinés les plats.
Il se rend ensuite à la salle de repas. Derrière lui, le maître d’hôtel, et les gentilshommes servant les plats entrent. Le plat est alors pris en charge par le gentilhomme «de prêt». Chaque plat est «protégé» par trois gardes armés. Les gentilshommes servants goûtent les plats qu’ils portent puis les déposent sur la table royale. Les membres de la famille royale peuvent alors se servir. Au cours de repas, d’autres gentilshommes apportent à leur boire lorsqu’ils le désirent. Les plats sont présentés à la Reine par Sa première dame d’honneur (la comtesse de Noailles), qui se met à genoux assistée par quatre dames du palais. Lors des grandes occasions, les membres de la famille royale mangent ensemble. Les discussions lors du repas sont quasi inexistantes et souvent entretenues par l’intarissable comte d’Artois. Lors de journées normales, chacun mange dans ses appartements privés.
Mais le soir, Elle dîne le plus souvent chez la comtesse de Provence ou Ses amies de la Cour :
En 1780, Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine. On place l’hiver, dans l’embrasure de la fenêtre, un poêle permettant de réchauffer la petite salle-à-manger que la petite cheminée du fond ne permet pas de chauffer complètement. Cette salle-à-manger comporte alors six angles où sont placées les encoignures commandées spécialement à Riesener.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes.
A partir de 1783, la Reine commence déjà à ne plus venir aussi familièrement qu’autrefois chez madame de Polignac :
« La reine s’éloign(e) insensiblement du salon de Madame de Polignac et pr(end) l’habitude d’aller souvent et familièrement chez Madame la comtesse d’Ossun, sa dame d’atours, dont le logement (est) très près de l’appartement de la reine ; elle y v(ient) dîner avec quatre ou cinq personnes ; elle y arrang(e) de petits concerts, dans lesquels elle chant(e) ; enfin, elle montr(e) là plus d’aisance et de gaîté qu’elle n’en (a) jamais laissé apercevoir chez Madame de Polignac. »
Le comte de La Marck
Vers dix heures
Après le souper, en été, il est fréquent que la Reine se promène sur la terrasse du château en compagnie des comtesses de Provence et d’Artois, Ses belles-sœurs.
À onze heures du soir
Les courtisans se préparent à suivre le souverain dans sa chambre, il se couche pour pouvoir chasser le lendemain matin de bonne heure ou bien suivre la Reine à Sa table de jeux dans le Salon de la Paix :
Le salon de la Paix
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Ce salon est, dès la fin du règne de Louis XIV, séparé de la galerie par une cloison mobile et considéré comme faisant partie de l’Appartement de la Reine dont il constitue la dernière pièce après la chambre.
En 1779, le Reine fera installer un petit théâtre côté galerie. En 1786, au moment où la Reine refait faire son appartement, Elle veut faire détruire le décor de Louis XIV en faisant retirer les marbres et faire revêtir les murs de menuiserie et d’établir un faux plafond. Ce projet ne verra jamais le jour.
L’image de Marie-Antoinette sacrifiant les intérêts de la nation sur Sa table de pharaon, imitée en cela par Son beau-frère, le comte d’Artois, doit beaucoup aux rumeurs populaires et aux pamphlets de l’époque révolutionnaire. Il est extrêmement délicat d’avancer des chiffres fiables, car les sources sont rares et les mémorialistes ou les contemporains ne sont pas souvent d’une grande aide, s’en tenant à des formules évasives.
Depuis le Salon de la Paix, la Reine se trouve à côté de Sa chambre officielle.
A partir de 1782, Elle récupère l’appartement du rez-de-chaussée de Madame Sophie (1734-1782), tante du Roi, et y installe Sa chambre intime qui donne sur la cour de marbre.
À une heure avancée de la nuit
La Reine va se coucher, le déshabillé s’organise selon un cérémonial moins contraignant que celui de l’habillement … La Reine garde dans Son lit un corset à crevés de ruban, des manches garnies de dentelles et un grand fichu.
Avant d’aller se coucher, Marie-Antoinette indique l’heure à laquelle Elle veut se lever le lendemain matin.
D’un tempérament timide , Louis XVI souhaite donc rester très discret sur ses allées et venues chez Marie-Antoinette : il ne veut tout simplement pas que l’on sache qu’il va coucher chez Elle.
Jusqu’en 1775, le trajet habituel pour se rendre de la chambre à coucher du Roi (qui correspond à l’actuelle chambre de Louis XV et Louis XVI) à celle de la Reine passe inévitablement par le cabinet du conseil, la grande chambre de parade (actuelle chambre de Louis XIV), l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf où l’on emprunte alors un petit passage qui court dans la doublure de la galerie des Glaces.
Mais avant d’y parvenir, le Roi ne manque pas de rencontrer toutes sortes de gardes, de garçons de la chambre, et d’autres officiers dédiés à son service et à sa sécurité. La discrétion est donc loin d’être assurée…surtout lorsque la Reine a fermé Sa porte à clef et qu’il faut à Louis XVI rebrousser chemin…
Ce passage est donc un corridor biscornu qui s’étend sur près de soixante-dix mètres dans les entrailles invisibles du château…
Le passage secret de Louis XVI
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Beaucoup plus pudique que ces prédécesseurs, Louis XVI ne supportait pas de traverser toutes les antichambres pour rejoindre la Reine dans sa chambre. En 1775, il fait aménager un passage discret dans l’épaisseur des murs du château qui démarre depuis l’escalier semi-circulaire et qui arrive à l’arrière de la chambre de la Reine.
Il passe sous le Cabinet du Conseil, la grande chambre, l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf et la galerie des Glaces.
Le Roi prend l’escalier d’entresol pour arriver chez la Reine :
« Quand le Roi couche chez la Reine, toute une étiquette minutieuse doit être observée : la Reine se met au lit la première, la première femme de chambre reste assise au pied du lit jusqu’au moment où Louis XVI arrive, puis elle reconduit les personnes qui ont accompagné le Roi jusqu’au seuil de la chambre de la reine, et, après avoir mis le verrou à la porte, elle s’éloigne, pour ne rentrer dans la chambre que le lendemain matin, à l’heure indiquée par le Roi. A cette heure, elle se présente avec le premier valet de chambre de quartier et un garçon de la chambre. Tous les trois entrent en même temps, ouvrent les rideaux du lit du côté où est le Roi et lui présentent ses pantoufles. Le premier valet de chambre reprend alors une épée courte, qui est toujours placée dans l’intérieur de la balustrade du Roi, et que l’on apporte et pose sur le fauteuil du Roi quand il vient coucher chez la Reine.»
Henriette Campan
Le Roi se lève avant la Reine, qui attend le cérémonial habituel de Son côté.
« Les personnes qui forment la maison du Roi et de la Reine ont quelque ressemblance avec des geôliers. On trouve dans le château de Versailles la discipline d’une caserne et la gêne d’une prison.»
Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand
Le château de Versailles prête peu à l’intimité … C’est d’ailleurs à Fontainebleau, par exemple, que Madame Royale sera conçue.
« Sa Majesté s’ennuie du séjour de Versailles ; elle le trouve triste et désert ; je lui ai fait observer que cet inconvénient tenait beaucoup aux arrangements de la reine, parce que ses déplacements continuels, et qui remplissent des journées entières, mettent tout le monde dans l’incertitude du moment où l’on pourrait faire sa cour. Le soir, il n’y a que très rarement jeu chez la reine ; encore ces soirées ne sont-elles pas décidément marquées ; il n’y a que des soupers dans les cabinets ; mais c’est le hasard qui décide du choix des femmes qui y sont appelées, et cela ne procure point aux autres l’occasion de se montrer. Il s’ensuit de là que journellement il arrive moins de monde à Versailles, et que cela ira toujours empirant, à moins que la reine ne se décide à tenir sa cour d’une façon plus stable et plus réglée.»
Le comte de Mercy à Marie-Thérèse d’Autriche, le 16 mai 1776
« Ce que rêve Marie-Antoinette c’est la simplicité sous le diadème, le roman de la royauté adoucie, égayée, rajeunie, l’idylle et la pastorale sur le trône. Illusion d’une belle âme ! Songe aimable et trompeur ! Les contes de fées nous parlent de bergères qui devenaient reines, mais les reines ne deviennent pas bergères. Le sceptre et la houlette ne peuvent aller ensemble, et c’est une imprudence d’échanger, ne fût-ce que pour un instant, la couronne d’or contre la couronne de fleurs.»
On ne peut que comprendre l’attrait du Petit Trianon sur lequel Marie-Antoinette règne au point d’émettre le « Règlement de Trianon, par ordre de la Reine », en dix articles, le 13 juin 1780. Louis XVI ne s’y rend même pas sans s’annoncer. L’Etiquette s’y résume à la première femme de chambre et la dame d’Honneur qui ont une chambre à demeure. Marie-Antoinette y est comme une particulière qui peut jouir des plaisirs d’une vie faussement campagnarde :
« Ici je ne suis pas la reine, je suis moi -même… »
Marie-Antoinette
Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand
Marie-Antoinette n’e n abusera pourtant pas, car en quinze années de règne versaillais (de 1774 à 1789), Elle ne fera que dix-neuf séjours dont le plus long dure un peu moins d’un mois (du 19 août au 24 septembre 1786), Elle se remet alors de la naissance de Son dernière enfant, Madame Sophie (1786-1787).
Sources :
- Antoinetthologie
- https://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/jeu-du-roi-jeu-reine-aux-xviie-xviiie-siecles
- CAMPAN Henriette, Mémoires de Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette
- COPPOLA Sofia, Marie-Antoinette (2006)
- DELANNOY Jean, Marie-Antoinette, Reine de France (1956)
- DUARTE, Christophe, Versailles passion , groupe Facebook
- ENRICO Robert, Les Années Lumières (1989)
- GIRAULT DE COURSAC Paul et Pierrette, Louis XVI, un visage retrouvé (1990) , chez O.E.I.L. (1990)
- IMBERT de SAINT-AMAND Arthur-Léon, Les Beaux Jours de Marie-Antoinette (1885) ; Paris E. DENTU, Editeur
- IVORY James, Jefferson à Paris (1995)
- LA TOUR DU PIN Henriette (de), Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin, cité par Pierre de Nolhac, Histoire du château de Versailles (1899)
- LE BRAS-CHAUVOT Sylvie, Marie-Antoinette l’Affranchie – Portrait inédit d’une icone de mode (février 2020), chez Armand Colin.
- LEVER Evelyne, Marie-Antoinette (1991) ; chez Fayard
- Marie-Antoinette … racontée par ceux qui l’ont connue (2016) Les Cahiers Rouges ; chez Grasset
- NOLHAC Pierre (de), Le Château de Versailles au temps de Marie-Antoinette (1889)
- NOLHAC Pierre (de), La Reine Marie-Antoinette (1889)
- NOLHAC Pierre (de), Versailles au XVIIIe siècle (1918)
- NOLHAC Pierre (de), Autour de la Reine (1929)
- REISET comte (de), Modes et Usages au Temps de Marie-Antoinette , deux tomes (1885)
- SAPORI Michelle, Rose Bertin, couturière de Marie Antoinette (2010) ; chez Paris, Perrin (2010)
- SCHOEFFER Pierre, Un peuple et son Roi (2018)