Sommaire :
- Le réveil du Roi
- La «petite chambre» du Roi
- La salle-de-bain de Louis XVI, l’hygiène aux XVIIIe siècle à Versailles
- La garde-robe du Roi
- La bibliothèque de Louis XVI
- Le Lever du Roi
- Les grandes entrées
- Les réceptions du Roi
- Le cabinet du Conseil
- Les présentations
- Le cortège royal pour la messe
- La messe
- L’antichambre du Grand Couvert : le dîner ou le Petit Couvert
- Le Cabinet d’Angle : le bureau où travaille le Roi
- Le cabinet de Géographie : le cabinet doré du Roi
- La forge de Louis XVI
- Le laboratoire de chimie
- Le billard des combles de Louis XVI
- La bibliothèque des combles et son supplément
- Les affaires d’Etat
- Le dîner chez la comtesse de Provence
- Le coucher du Roi
- Le passage secret de Louis XVI
« Louis XVI, nous dit Jean-Dominique Bourzat, aim(e) l’exactitude et la ponctualité. Son emploi du temps (est) réglé heure par heure, jour par jour, et ne chang(e) guère au fil des saisons et des années. Le programme de ses journées, établi selon l’étiquette de la Cour, respect(e) un horaire strict que rien ne d(oit) modifier. Un jour que la messe dura quelques minutes de trop à cause d’un chant un peu long, son maître de musique fut réprimandé.»
En cas de chasse, ce qui est fréquent dans la vie de Louis XVI (deux à trois fois par semaine), le Roi se lève à cinq heures et la messe a lieu à neuf heures … Dès novembre 1770, la Dauphine exhorte Son époux à ne pas rester si tard à la chasse et le prie d’en revenir à une heure raisonnable. Selon Mercy, le Dauphin revient tard, et suivant sa coutume, longtemps après le Roi : il trouve la Dauphine chez Sa Majesté, il s’approche d’Elle, d’un air embarrassé et Lui dit : «Vous voyez, je suis revenu à temps.» Madame la Dauphine répond d’un ton assez sec : «Oui, voilà une belle heure !»
En 1774, Mercy insiste sur les conséquences pour le Dauphin des fatigues de la chasse : « les cerfs que forcent Louis XV et son petit-fils sont des bêtes très adultes, dépassant 1 mètre 30 au garrot, pesant jusqu’à 350 kg, dont les bois peuvent atteindre 2 mètres 50 d’envergure et un poids de 25 kg.» On ne tire pas ce gibier noble au fusil, on le sert au couteau. C’est au premier arrivé sur les lieux de la prise qu’en revient le droit.
Mais dans ce cas, la course du Roi ne se situe pas à Versailles et l’on déborde donc du sujet de cet article.
Pour les détails du retour de chasse et du débotté du Roi, je vous renvoie à cet article :
A sept heures du matin
Le réveil du Roi
Louis XVI dort dans la petite chambre intime de Louis XV.
La «petite» chambre du Roi,
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Cette chambre occupe l’emplacement de la salle de billard de Louis XIV. En 1738, Louis XV en fait sa chambre tout en continuant d’utiliser la Grande Chambre pour les cérémonies du lever et du coucher.
Pour meubler cette chambre, Louis XV commande à Antoine Gaudreau une commode en Chêne plaqué en bois de violette et satiné, tiroirs en acajou, doublure en acajou dans les armoires latérale. Comme le voulait la tradition, à la mort du Roi en 1774, la mobilier de la chambre est offert au Premier Gentilhomme de la Chambre, le duc d’Aumont. La commode est aujourd’hui à la Wallace Collection. C’est à Pierre Verlet que l’on doit l’identification de cette commode.
Les bronzes figurant Hercule avec sa massue, Mars avec son bouclier et sa lance, la Prudence et la Tempérance, constituent un programme de bon gouvernement pour le jeune Roi qui venait de succéder à son grand-père.
A son avènement, Louis XVI demande à Riesener un nouveau mobilier. La commode est commandée le 5 septembre 1774. Elle est livrée le 25 novembre 1775.
Louis XVI fait aménager sa salle-de-bain en 1777 :
Au fond à gauche de la chambre intime du Roi, une porte :
A sept heures, donc, le Roi se lève, ses serviteurs l’aident à faire sa toilette et à s’habiller.
La salle de bain de Louis XVI,
L’hygiène aux XVIIIe siècle à Versailles
(texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Louis XV déplace à six reprise son Cabinet-des-Bains. Celui-ci retrouve en 1777 son emplacement dans la première pièce des arrière-cabinets de la Chambre du Roi où il avait déjà été placé en 1766
Cette pièce des cuves est accessible aux porteurs d’eau par l’escalier semi-circulaire.
La présence de deux baignoires laisse imaginer un usage double. Une première pour se savonner et une deuxième pour se rincer.
La pièce dallée de marbre est modeste, sobre et fonctionnelle. Elle comporte deux baignoires en cuivre positionnées en enfilade, alimentées par deux doubles robinets d’eau froide et chaude reliés à des réservoirs situés à l’entresol supérieur, où une cuve fonctionne comme un calorifère (un brasier avec une bouche d’aération pour aspirer les vapeurs).
Le Souverain peut aussi parfois distinguer un valeureux chasseur pour «un bain de compagnie». Louis XVI y aurait convié le Grand Veneur de France, son cousin le duc de Penthièvre, pour évoquer les péripéties de la chasse à courre.
Louis XVI porte le matin un habit gris de ratine, un habit en drap brun ou gris avec des culottes en croisé de coton bleu en été, gris en hiver, qui le font qualifier par Paul et Pierrette Girault de Coursac, ses biographes, de «roi en blue-jeans».
Il porte des souliers en chevreau, le cuir le plus ordinaire de l’époque, avec des boucles en or, mais très simples. Ces tenues sont portées jusqu’à usure complète.
« Un jour que je parcourais d’un œil de curiosité la garde-robe de Louis XVI, je remarquai une paire de souliers qui commençaient à s’user, et je demandai si le Roi en faisait encore usage.
_ Oui, vraiment, me répondit le valet de garde-robe ; quand le Roi a des souliers qui vont à son pied, il n’entend pas qu’on les réforme tant que la semelle ne se perce pas, et il se moque de nos petits maîtres à qui il en faut deux paires par jour.
J’étais présente, lorsqu’un jour la Reine lui dit :
_ Vous portez là, Monsieur, un habit qui me paraît bien passé.
Le Roi regarde une glace et répond :
_ Il faudra pourtant, Madame qu’il me fasse mon été.»Madame de Pont l’Abbé, la fille de Thierry
Le petit-maître dont se moquait le Roi était son frère, le comte d’Artois. Les riches vêtements du Roi, à broderies d’or, à dentelles, en étoffes d’or et de soie, lui font aussi un long usage. Il ne traite pas autrement les «habits d’équipage» avec lesquels il monte à cheval ou va à la chasse.
Marc-Antoine Thierry, premier valet de chambre du Roi (c’est une charge honorifique, qui s’achète cher, et qui pouvait être revendue à un successeur), réside au cœur de petits appartements du Roi, au second étage du corps central, dans un logement donnant sur la cour des cerfs, créé à partir du démembrement du spacieux appartement affecté par Louis XV à la comtesse du Barry. En 1782, Thierry obtient la surintendance des petits cabinets et est nommé intendant chargé du garde-meuble et des joyaux de la Couronne.
« La taille avantageuse du Roi (1,93 mètre) était encore relevée par la simplicité de son costume.»
Le Moniteur, journal de l’époque
La garde-robe du Roi
Cette petite pièce, facile à chauffer et équipée d’après les inventaires d’un bureau, devait lui servir le matin de cabinet de travail. Elle est très lumineuse, est luxueusement décorée par les frères Rousseau de décors évoquant les sciences, la guerre, les arts. Ce cabinet de repos d’environ 15 m² jouxte la chambre. Ce pourrait ressembler à ce qui sera le cabinet de la Méridienne de Marie-Antoinette… ( voir en 1781 ) pour le Roi.
« Après avoir pris un frugal déjeuner, composé de pain, de confitures et d’un grand verre de citronnade, Louis XVI dispose de plus de trois heures avant le lever officiel pour consulter ses dossiers ou s’entretenir en particulier avec un de ses ministres ou de ses conseillers, ou recevoir des députations du Parlement ou des Etats provinciaux.»
Jean-Dominique Bourzat
La bibliothèque de Louis XVI
Cette pièce fut la première commande de Louis XVI, qui confia sa réalisation à l’architecte Ange-Jacques Gabriel en 1774. Il y fait placer une table en acajou de Sainte-Lucie, attribuée à l’ébéniste Quervelle, ainsi qu’une commode de Jean-Henri Riesener quatre ans plus tard.
La bibliothèque de Louis XVI
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Les bibliothèques du Roi contiennent 11 514 volumes. L’inventaire de 1795, rédigé par citoyen Buffy, membre de la commission des arts du département de la Seine-et-Oise, mentionne également des liasses de journaux et de périodiques, dont un certain nombre en langue anglaise. Comme Buffy ne connaissait pas l’anglais, il commit des erreurs tant sur les auteurs que sur les titres ; par exemple le Pantagruel de Rabelais est attribué à Alcofibras. The aventures of Telemachus seraient l’œuvre de Cambray ! (Fénelon était archevêque de Cambrai) et Shakespeare est estropié en Shakspere !
Les livres ont été classés dans les rubriques suivantes :
1/ Ouvrages classés par ordre alphabétique d’auteurs : 6 082 volumes
2/ Théologie : 182 volumes
3/ Histoire : 1 931 volumes
4/ Jurisprudence : 431 volumes
5/ Sciences et arts : 1 376 volumes
6/ Belles lettres : 465 volumes
7/ Ouvrages en allemand : 8 volumes
8/ Ouvrages en anglais : 419 volumes
9/ Ouvrages en espagnol : 81 volumes
10/ Ouvrages en italien : 87 volumes
11/ Manuscrits : 452 volumes
Cette pièce est la première commande de Louis XVI, qui confie sa réalisation à l’architecte Ange-Jacques Gabriel en 1774. Il y fait placer une table en acajou de Sainte-Lucie, attribuée à l’ébéniste Quervelle, ainsi qu’une commode de Jean-Henri Riesener quatre ans plus tard.
Le théâtre, la musique, l’astronomie…
Les boiseries de la Bibliothèque du Roi
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
A l’origine du projet de Gabriel, plusieurs Amours de ronde-bosse, isolé ou groupé, devaient se positionner au sommet des armoires. Ils seront finalement abandonnés au profit de trophées sculptés sur les vantaux, jugés plus adéquats au lieu.
Ils illustrent plusieurs des domaines de la littérature et des arts libéraux. Sur l’armoire de gauche, on reconnait le Théâtre illustré par un masque, la Musique pastorale par une musette, l’Antiquité par un livre ouvert au nom de Rollin, l’auteur d’une «Histoire romaine».
L’armoire de droite est plus musicale avec une collection d’instruments comme une lyre, un basson, chalumeaux, tambours de basque, hautbois et castagnettes. Ils entourent une allégorie champêtre à l’Amour.
Côté fenêtres à droite, la Peinture, la Gravure, la Tragédie, l’Astronomie et la Géographie.
A gauche, la Sculpture, surmontée des attributs de Mercure mêlés à une œuvre de Bossuet, le précepteur du Dauphin, au-dessus d’une allégorie de la Renommée sous un exemplaire de «La Henriade» de Voltaire.
A onze heures et demi
Le lever du Roi
Louis XVI rejoint sa chambre d’apparat, dans laquelle il n’a pas dormi, on lui enlève son habit du matin pour lui passer son costume de nuit. La cérémonie peut alors commencer :
«Le cérémonial du lever du roi pourra paraître d’autant plus curieux qu’il est déjà plus loin de nous, et que bien des gens demanderaient volontiers si ce lever était réellement l’instant où le roi quittait son lit. Le porte-chaise entrait au lever du roi, quand on appelait la première entrée ; il passait alors dans la garde-robe, près du lit du roi, pour voir s’il n’y avait rien, dans son petit mobilier, qui réclamât sa vigilance et sa sollicitude. C’était là son seul service. Successivement, l’heure se sera trouvée reculée, et le lever était devenu la toilette du roi ; car, sous Louis XVI, qui quittait son lit à sept ou huit heures du matin, le lever était à onze heures et demie, à moins que des chasses ou des cérémonies n’en avançassent l’instant ; et je l’ai vu, dans quelques circonstances, à cinq heures du matin. C’était à l’heure du lever que se rendait au château la foule des courtisans, soit de Versailles, soit de Paris. Les uns venaient se faire remarquer, ceux-ci chercher un regard du prince, d’autres se répandaient ensuite dans les bureaux, chez les ministres, pour y solliciter des faveurs, souvent demander de l’avancement, et n’y obtenir que des refus ou de la hauteur ; car, de tout temps, les subalternes croyaient s’acquérir de la considération par leur fierté, prenant presque toujours la morgue pour le talent.»
Félix d’Hézecques
Images d’une scène de Ridicule (1996) de Patrice Leconte censée se dérouler dans le salon de l’Œil-de-Bœuf
« Tout ce monde attendait le moment du lever dans l’antichambre ou la galerie et ceux que leur service appelait, ou qui avaient ce qu’on nommait les entrées de la chambre, étaient reçus dans l’Œil-de Bœuf, vaste salon qui, comme je l’ai dit, précédait la chambre du roi, ainsi appelé d’une croisée ovale placée dans la voûte. C’était le vrai temple de l’ambition, des intrigues, de la fausseté. Quelquefois, des provinciaux éblouis, des gens distraits ou ignorants, attirés par l’énorme feu de la cheminée ou par la curiosité de voir de plus près cette quantité de cordons bleus, rouges ou verts, qui faisaient groupe près du foyer.»
(…)
« La foule enfin rassemblée, onze heures et demie sonnent. Peu de minutes après, le roi sort de son intérieur en habit du matin et arrive dans la chambre de parade. Un garçon de la chambre se présente à la porte et crie à haute voix : « La garde-robe, Messieurs ! » Alors se glissent les princes du sang, les grands officiers de la couronne, les officiers de la garde-robe, et les seigneurs qui ont obtenu les grandes entrées. De ce nombre sont ceux qui ont présidé à l’éducation du roi.»
Félix d’Hézecques
Les grandes entrées
« La toilette commence ; le roi se chausse et passe sa chemise. Alors, le même garçon de chambre rouvre la porte sur l’ordre du premier gentilhomme de la chambre, et demande : « La première entrée ! » À cet appel, arrivent la Faculté, les valets de garde-robe hors de service et le porte-chaise d’affaires, avec lequel, plus tard, je ferai faire au lecteur une plus ample connaissance.
Le roi étant tout habillé, on ouvre les deux battants et on laisse entrer le reste des officiers, les étrangers, les curieux mis décemment, et selon le costume, le modeste auteur qui vient humblement offrir une dédicace, etc. Le roi passe alors dans la balustrade qui entoure le lit, se met à genoux sur un coussin, et, entouré des aumôniers et du clergé, récite une courte prière ; après quoi, il écoute toutes les présentations, et entre dans le cabinet du conseil, où ceux qui ont les entrées de la chambre le suivent.»
Félix d’Hézecques
On passe au Roi, les jours de semaine, un habit de drap brun qu’on appelle habit puce et une épée d’argent sur le côté. Le dimanche et les jours de fêtes on le pare de ses plus beaux habits de soie et de velours brodé d’or. Le Régent orne son chapeau à plumes et le Sancy, placé à l’extrémité d’une épaulette, sert à retenir le cordon-bleu. Le cordon-bleu ( un large ruban de moire bleue que l’on porte en bandoulière, sous l’habit ) constitue pendant deux siècles la distinction suprême dans l’aristocratie française, à l’image des plus hauts grades de l’actuelle Légion d’honneur ; il sera aboli à la révolution française.
Comme le soulignent les Girault de Coursac, au XVIIIe siècle, nul ne porte perruque s’il n’y est obligé par la calvitie. Ses cheveux, d’un blond cendré très clair, fins, mousseux, naturellement frisés, qu’il tient de sa mère, Marie-Josèphe de Saxe, Louis XVI en est assez fier. Il les porte tressés en une grosse natte quand il monte à cheval, noués en catogan dans les occasions ordinaires, coiffés en boucles et flottant sur les épaules les jours de cérémonie, et le soir, il faut «les lui rouler», c’est-à-dire mettre en papillotes ceux des côtés qui doivent créer les marteaux entourant les tempes.
Aussitôt que le roi n’a plus que son habit à passer, on appelle : « La chambre ! » Alors entrent tous les officiers de la chambre, les pages, leur gouverneur, les écuyers, les aumôniers, enfin les courtisans admis aux entrées de la chambre, c’est-à-dire de l’Œil-de-Bœuf.
« Le reste de la foule va dans la galerie, attendre le moment où le roi sortira pour aller à la messe. Par un usage très-singulier, et qui remontait, je crois, au temps où l’on portait les immenses perruques dont j’ai déjà parlé, Louis XVI ne se faisait coiffer qu’étant tout habillé. Il passait, après son lever, dans un cabinet où il enveloppait d’un immense peignoir son habit brodé, et le valet de chambre barbier qui avait préparé les cheveux au lever, finissait la frisure et mettait la poudre.»
Félix d’Hézecques
Les réceptions du Roi
« Après son lever, le roi re(ço)it souvent des députations, soit du Parlement, soit des États provinciaux. C’est dans une de ces circonstances que je le vis remettre lui-même à l’avocat-général Séguier un exemplaire de l’ouvrage de Mirabeau sur la cour de Berlin, pour donner plus de solennité à l’arrêt qui le condamnait à être brûlé par la main du bourreau. C’est alors que le prince Henri de Prusse, très-maltraité dans ce libelle, dit à M. Séguier :
« Vous tenez là de la boue.
— Oui, monseigneur, répondit le spirituel magistrat, mais elle ne tache pas. »
Le Roi passe alors dans le cabinet du Conseil suivi par ceux qui ont les entrées de la chambre. Il écoute les requêtes qu’on lui adresse et accorde ses faveurs.
Le Cabinet du Conseil
Les lundis, tous les quinze jours, mercredis, jeudis et dimanches a lieu le Conseil d’État ou Conseil «d’en-haut», les mardis et samedis sont consacrés au Conseil royal des Finances, tandis que les vendredis sont consacrés au Conseil de conscience (affaires religieuses).
L’humanité est la grande vertu de Louis XVI :
« C’est un des plus beaux attributs de la souveraineté que celui de donner la grâce aux criminels ; et l’usage voulait que cette grâce ne fût point refusée à ceux que le roi rencontrait sur sa route. J’en vis un jour un exemple. Louis XVI, revenant de la chasse, rencontra, sur le chemin de Saint-Cyr, un pauvre déserteur qu’on reconduisait à son régiment pour y subir sa punition. Le soldat, instruit ou non de ce que cette rencontre avait d’heureux pour lui, se jeta à genoux et, les bras tendus vers le roi, implora la clémence du souverain. Le monarque envoya sur-le-champ l’officier des gardes avec l’ordre de faire expédier les lettres de grâce. La gaieté du monarque pendant le reste de la journée montra avec quelle satisfaction son cœur avait exercé cette touchante prérogative de sa royauté. Mais, comme elle aurait pu devenir abusive, on avait soin de faire faire un détour à la chaîne des galériens qui passaient à Versailles pour rejoindre le bagne de Brest. On croyait, en France, que le cœur du roi ne pouvait voir le malheur sans commisération : c’était vrai ; mais il y avait à craindre que sa clémence ne devînt une calamité pour la société, et voilà pourquoi on lui en dérobait les occasions. »
Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI, Félix de France d’Hézecques
Enfin, le Conseil des dépêches, c’est-à-dire traitant des affaires intérieures, se réunit les lundis, tous les quinze jours quand il n’y a pas Conseil d’État. Ces mêmes jours, le Roi peut aussi décider d’étudier l’avancement des programmes de travaux. Cinq ou six ministres travaillent avec le monarque qui parle peu, écoute beaucoup et décide toujours en dernier lieu.
C’est alors que les cérémonies de l’Etiquette liées au Roi et à la Reine se rejoignent : à la fin de la Toilette de la Reine, La voici est entourée de Sa Dame d’Honneur, Sa Dame d’Atours, des quatre Dames du Palais de semaine, de Son Chevalier d’Honneur, de Son Premier Écuyer, Son personnel ecclésiastique, les princesses de la famille royale, tous prêts à l’accompagner pour la messe en traversant la grande galerie y rejoindre le Roi puis le grand appartement, jusqu’au vestibule de la tribune de la famille royale.
La pièce suivante du Grand Appartement de la Reine est l’Antichambre du Grand Couvert de la Reine, dans laquelle nous reviendrons … après la messe !
À midi et demi
Le cortège pour la messe peut enfin se mettre en route. La porte s’ouvre alors et l’huissier annonce :
« Le Roi ! »
Dimanche – Jour de présentation à la Cour du Roi Louis XVI et de la Reine Marie-Antoinette
« La présentation pour les dames avait lieu jadis avec plus de cérémonie et d’apparat. Après en avoir reçu l’ordre de Sa Majesté, qu’on avait fait prévenir des noms de la dame présentant et de ses deux adjointes, qui devaient toujours être des femmes de la Cour, on arrivait à la porte du grand cabinet, en grand habit, c’est-à-dire en bas de robe étalée sur un panier de quatre et demie aunes (1 aune = 114,3 cm), un long manteau qui s’agrafait à la ceinture, un corset assorti, des barbes tombantes, un pied de rouge et la coiffure à la mode du temps. Il est inutile d’ajouter qu’on avait fait choix des étoffes les plus magnifiques et qu’on avait mis tout autant de diamants qu’on avait pu s’en procurer. Le Roi ne parlait pas toujours, depuis que c’était Louis XVI, mais il faisait toujours un bon signe de véritable amitié paternelle ; ensuite il embrassait la dame présentée, d’un seul côté quand c’était une simple femme de qualité, et sur les deux joues quand elle était duchesse ou Grande d’Espagne, ou bien quand elle portait le nom d’une de ces familles qui sont en possession héréditaire des honneurs du Louvre avec le titre de cousin du Roi. On s’est toujours souvenu que dans sa jeunesse le Roi Louis XVI appuya de si bon cœur en embrassant la marquise de Pracontal, qui était fort jolie, très dévote et très timide, que la pauvre femme en resta dans un embarras prodigieux. Il allait recommencer de l’autre côté lorsque le Duc d’Aumont, qui était de service, se précipita entre le monarque et la jeune dame, en s’écriant qu’elle n’était pas Duchesse! ce qui fit rire tout le monde, à commencer par ce bon Roi.»
Souvenirs de la marquise de Créquy, 1710 à 1802
Images de La Comtesse de Charny (1989) de Marion Sarraut
« On allait ensuite chez la Reine, devant laquelle on s’inclinait assez profondément pour avoir l’air de s’agenouiller, afin de prendre le bas de sa robe; mais Sa Majesté ne laissait jamais la dame présentée le porter jusqu’à ses lèvres, et la Reine Marie-Antoinette avait toujours l’attention de faire retomber sa robe au moyen d’un léger coup d’éventail. Il est impossible d’exprimer et de se représenter quelle était alors sa physionomie de bienveillance noble, et sa dextérité gracieuse. On s’asseyait un moment devant Sa Majesté, mais seulement quand on était Duchesse ou Grande d’Espagne, et c’est là ce qui s’appelait bourgeoisement avoir tabouret chez la Reine; ensuite on s’en allait à reculons comme on pouvait, en tâchant de ne pas s’entortiller les pieds dans son manteau qui traînait de huit aunes, et finalement on allait se faire présenter à tous les autres princes et princesses de la famille royale, qui vous attendaient poliment à tour de rôle et qui vous recevaient avec une bienveillance adorable. »
Souvenirs de la marquise de Créquy
Laissons la parole à la marquise de La Tour-du-Pin qui nous conte ce moment de la journée :
Le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette se rendent à la messe.
« Les femmes se rendent, quelques minutes avant midi, dans le salon qui précède la chambre de la Reine. On ne s’assoie pas, à l’exception des dames âgées, fort respectées alors, et des jeunes femmes soupçonnées d’être grosses. Il y a toujours au moins quarante personnes et souvent beaucoup plus. Quelquefois nous sommes très pressées les unes contre les autres, à cause de ces grands paniers qui tiennent beaucoup de place. Ordinairement, Madame la princesse de Lamballe, surintendante de la Maison, arrive et entre immédiatement dans la chambre à coucher où la Reine fait sa toilette. Le plus souvent, elle arrive avant que Sa Majesté la commence…. Au bout de quelques minutes, un huissier s’avance à la porte de la chambre et appelle à haute voix : « Le service ! » Alors les dames du palais de semaine, au nombre de quatre, celles venues pour faire leur cour dans l’intervalle de leurs semaines, ce qui est de coutume constante, et les jeunes dames appelées à faire plus tard partie du service du palais, comme la comtesse de Maillé, née Fitz-James, la comtesse Mathieu de Montmorency et moi, entrent également. Aussitôt que la Reine nous a dit bonjour à toutes individuellement avec beaucoup de grâce et de bienveillance, on ouvre la porte, et tout le monde est introduit. On se range à droite et à gauche de l’appartement, de manière que la porte reste libre et qu’il n’y ait personne dans le milieu de la chambre. Bien des fois, quand il y a beaucoup de dames, on est sur deux ou trois rangs. Mais les premières arrivées se retirent adroitement vers la porte du salon de jeu [Salon de la Paix], par où la Reine doit passer pour aller à la messe. Dans ce salon sont admis souvent quelques hommes privilégiés, déjà reçus en audience particulière auparavant ou qui présentent des étrangers. .. L’audience du dimanche matin se prolonge jusqu’à midi quarante minutes. La porte s’ouvre alors et l’huissier annonce : « Le Roi ! ». La Reine, toujours vêtue d’un habit de cour, s’avance vers lui avec un air charmant, bienveillant et respectueux. Le Roi fait des signes de tête à droite et à gauche, parle à quelques femmes qu’il connaît, mais jamais aux jeunes…. A une heure moins un quart, on se met en mouvement pour aller à la messe. Le Premier gentilhomme de la Chambre d’année, le capitaine des gardes de quartier et plusieurs autres officiers des gardes prennent les devants, le capitaine des gardes le plus près du Roi. Puis viennent le Roi et la Reine marchant l’un à côté de l’autre, et assez lentement pour dire un mot en passant aux nombreux courtisans qui font la haie tout le long de la Galerie. Souvent la Reine parle à des étrangères qui lui ont été présentées en particulier, à des artistes, à des gens de lettres. Un signe de tête ou un sourire gracieux est compté et ménagé avec discernement. Derrière, viennent les dames selon leur rang. C’était un grand art que de savoir marcher dans ce vaste appartement, sans accrocher la longue queue de la robe de la dame qui vous précède. Il ne faut pas lever les pieds une seule fois, mais les glisser sur le parquet, toujours très luisant, jusqu’à ce qu’on ait traversé le Salon d’Hercule.»
Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin
La chapelle royale
La messe célébrée par un des aumôniers de la Cour et chantée par la musique du Roi ne doit pas dépasser quinze minutes.
Mais le dimanche :
Après la messe, la Reine fait une profonde révérence au Roi et l’on se remet en marche dans l’ordre même où l’on est venu. Seulement le Roi et la Reine s’arrêtent plus longtemps à parler à quelques personnes dans la Galerie des Glaces. La Reine regagne Sa chambre et les habitués restent dans le salon de la Paix en attendant le dîner.
À une heure après midi
En semaine, le Roi dîne seul dans sa salle à manger. Il se sert lui-même des plats présentés sur une table. Repas qu’il prend debout et qui consiste le plus souvent à de petits pâtés, des côtelettes et des fruits. Il ne boit que de l’eau.
«Après la messe, nous dînons à nous deux devant tout le monde, mais cela est fini à une heure et demi, car nous mangeons fort vite tous les deux»
Marie-Antoinette, lettre du 12 juillet 1770 à Sa mère
Le déjeuner du midi, appelé Petit Couvert, est servi à une heure, après la messe. Les souverains déjeunent ensemble, en public. Le grand chambellan présente et énumère les plats et ceux-ci sont servis en même temps. Il y a trois services, qui comptent chacun cinq à sept plats avec viandes, poissons, légumes, gâteaux et confiseries. Les souverains marquent leur différence : Louis XVI mange avec appétit tandis que Marie-Antoinette touche à peine aux plats. Elle préfère déjeuner en privé dans Ses appartements.
L’Antichambre du Grand Couvert
Durant la journée, les valets de pieds stationnent dans l’Antichambre et prétendent être les seuls à avoir le droit de se chauffer à la cheminée. C’est devant celle-ci qu’est placée la table et les fauteuils du Roi et de la Reine. On dresse alors la table devant la cheminée. C’est le maître d’hôtel qui couvre la table : il y place des assiettes en or, un couteau et une fourchette, puis des assiettes de vermeil sur les places des invités et une fourchette et un couteau.
Louis XIV s’astreignait à cette représentation presque tous les soirs ; Louis XV lui préfère bien souvent les soupers intimes ; quant à Louis XVI et Marie-Antoinette, un témoignage du temps nous rapporte que « la Reine se mettait à la gauche du Roi. Ils tournaient le dos à la cheminée. […] Le Roi mangeait de bon appétit, mais la Reine n’ôtait pas ses gants et ne déployait pas sa serviette, en quoi elle avait grand tort ». Les souverains siègent sur de grands fauteuils verts placés l’un à côté de l’autre.
« S’il prenait fantaisie à Louis XVI de faire des excès de nourriture ou de boisson, son foie assez fragile _ d’où les cures d’eau de Vichy et de petit-lait_ le rappellerait vite à l’ordre. (…) »
Paul et Pierrette Girault de Coursac
Voici le menu d’un repas servi au Roi à Trianon en 1788 :
QUATRE POTAGES
Le riz
Le Scheiber
Les croutons aux laitues
Les croutons unis pour Madame.
DEUX GRANDES ENTRÉES
La pièce de bœuf aux choux
La longe de veau à la broche.
SEIZE ENTRÉES
Les pâtés à l’espagnol
Les côtelettes de mouton grillées
Les hâtelets de lapereaux
Les ailes de poulardes à la maréchale
Les abatis de dindon au consommé
Les carrés de mouton piqués à la chicorée
Le dindon poêlé à la ravigote
Le ris de veau au papillote,
La tête de veau sauce pointue
Les poulets à la tartare
Le cochon de lait à la broche
La poule de Caux au consommé
Le caneton de Rouen à l’orange
Les filets de poularde en casserole au riz
Le poulet froid
La blanquette de poularde aux concombres.
QUATRE HORS-D’ŒUVRE
Les filets de lapereaux
Le carré de veau à la broche
Le jarret de veau au consommé
Le dindonneau froid.
SIX PLATS DE ROTS
Les poulets
Le chapon pané
Le levraut
Le dindonneau
Les perdreaux,
Les lapreaux
SEIZE PETITS ENTREMETS
Le Grand Couvert dure quarante-cinq minutes, se déroule en public. Tout le monde peut y assister à la seule condition, mais sine qua non, d’être correctement habillé. A la table du Roi ne peuvent s’asseoir que la Reine et les enfants du souverain. A force d’être entourés de serviteurs et de servantes, le Roi et la Reine finissaient quelquefois par n’être point servis du tout.
Au premier rang de l’assistance, des tabourets sont disposés pour les duchesses. Les autres courtisans se tiennent debout.
« Le capitaine des gardes et le premier gentilhomme de la chambre (sont) derrière le fauteuil du Roi ; derrière celui de la Reine, son premier maître d’hôtel, son chevalier d’honneur et le premier écuyer. Le maître d’hôtel de la Reine t(ient) un grand bâton de six à sept pieds de hauteur, orné de fleurs de lys en or et surmonté de fleurs de lys en couronne. Il entr(e) dans la chambre, avec ce signe de sa charge, pour annoncer que la Reine (est) servie. Le contrôleur lui reme(t) le menu du dîner qu’il présente lui-même à la Reine, en cas d’absence du premier maître d’hôtel. Le maître d’hôtel ne quitt(e) point sa place. Il ordonne seulement de servir et de desservir.; les contrôleurs et gentilshommes servants mett(ent) sur table, et re(çoivent) les plats des garçons servants.»
Madame Campan
Le Roi rejoint aussi très souvent la Reine pour dîner ou souper dans Sa chambre, face à un public bien plus restreint, englobant de fait la Maison de la Reine. On parle alors de Petit Couvert.
Ainsi Louis XVI et Marie-Antoinette ne soupent bientôt plus dans le cabinet du Grand Couvert que les dimanches.
Alors commence une véritable course des courtisans pour aller faire leur cour aux princes et aux princesses de la famille royale, chez Monsieur, le comte d’Artois, Madame Elisabeth, chez Mesdames, tantes du Roi et même chez le petit Dauphin (quand il aura son gouverneur, le duc d’Harcourt), qui dînent beaucoup plus tard. C’est à qui arrivera le premier. Ces visites ne durent chacune que trois ou quatre minutes seulement, car les salons des princes sont si petits qu’ils se trouvent dans la nécessité de congédier les premiers venus pour faire place aux autres.
« Les huissiers laiss(ent) entrer tous les gens proprement mis ; ce spectacle (fait) le bonheur des provinciaux. A l’heure des dîners, on ne rencontr(e), dans les escaliers, que des braves gens, qui après avoir vu la dauphine manger sa soupe, allaient voir les princes manger leur bouillie, et qui cou(rent) ensuite à perdre haleine pour aller voir Mesdames manger leur dessert.»
Madame Campan
À deux heures moins le quart
« Son repas terminé, Louis XVI peut disposer librement de son après-midi jusqu’à la réunion de son Conseil qui a lieu à sept heures. Il peut consacrer ce temps libre à rencontrer des personnes qui en ont fait la demande ou à continuer à s’entretenir en privé avec des membres de son gouvernement ou à rendre visite à la Reine pour voir ses enfants.»
Jean-Dominique Bourzat
Le bureau du Cabinet d’Angle,
La dernière commande de Louis XVI pour son cabinet
( Texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )
Réalisée pour son cabinet au Château de Versailles, ce bureau est commandé comme pièce d’accompagnement du célèbre bureau à cylindre.
Il n’est pas estampillé mais on sait que Beneman est responsable de sa construction et que sa conception d’ensemble est sous la responsabilité du sculpteur Jean Hauré qui est alors en charge de la production du mobilier royal.
Les différentes montures en bronze doré sont ciselées par Denis Bardin et dorées par Claude Galle. Les branches de myrte qui s’enroulent autour des cadres entourant les tiroirs sont montées par le bronzeur et sculpteur Pierre-Philippe Thomire.
Le bureau sera enregistré comme étant dans le bureau du Roi en 1792.
Dans les appartements de la Reine, Louis XVI peut retrouver ses enfants que madame de Guéménée, madame de Polignac puis madame de Tourzel ramènent à leur mère.
« Il peut également, s’il fait beau, se promener avec son capitaine des gardes dans les jardins de Versailles et de Trianon, mais il préfère par-dessus tout, s’il en a le temps, se retirer dans ses cabinets particuliers de la cour des cerfs pour consulter ses cartes de géographie et en établir de nouvelles ou réaliser des ouvrages de mécanique de précision comme des horloges ou des serrures à secret ou se plonger dans la lecture de ses livres d’histoire et de géographie qui remplissent les rayonnages de sa bibliothèque particulière située sous les combles.»
Jean-Dominique Bourzat
Dans ses déplacements, le Souverain est suivi d’un détachement de pages des Ecuries habillés à ses couleurs.
Pour plus de détails sur les pages du Roi :
Le Cabinet d’Angle,
Le bureau où travaille le Roi
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion)
Ce cabinet occupe une partie de l’ancien cabinet des tableaux de Louis XIV. Louis XV, qui en fait son cabinet de travail, a coutume de s’y tenir la journée et d’y travailler, soit seul, soit avec l’un ou l’autre de ses ministres. C’est la pièce la plus somptueuse de l’Appartement Intérieur. Les bordures des glaces et les boiseries illustrent des jeux d’enfants, sont l’œuvre de Verberckt.
Les meubles que Louis XV réunit et que l’on peut toujours admirer, constituent le plus bel ensemble qui soit : la commode-médailler d’Antoine-Robert Gaudreau livrée en 1738, les encoignures fournies par Gilles Joubert en 1755 en complément du médailler, et surtout le secrétaire à cylindre exécuté par Jean-François Œben et achevé par Jean-Henri Riesener de 1760 à 1769.
Au beau milieu du cabinet trône le bureau à cylindre de Louis XV.
Haut de près de 1,50 mètre, et large de près de 2 mètres, pesant 450 kg, Il semble presque disproportionné dans cette pièce qui servait au Roi pour travailler en toute tranquillité.
Le secrétaire à cylindre de Louis XV est un bureau très richement ornementé fabriqué dans les années 1760. Commencé par Oeben et achevé par Riesener, tous deux ébénistes du Roi, il constitue l’une des plus célèbres réalisations de l’histoire du mobilier français. Sa fabrication a mobilisé quatorze corps de métier dont ébéniste, bronzier, ciseleur, doreur, horloger … Haut de 1,47 mètre pour une largeur de 1,92 mètre et une profondeur de 1,05 mètre, le bureau est couvert d’une marqueterie complexe réalisée en bois de sycomore, violette et acajou et il est orné de multiples pièces en bronze, œuvres fondues et ciselées par Hervieux sur des modèles de Jean-Claude Duplessis.
La rotation d’un quart de tour de la clé, déverrouille l’abattant et l’ensemble des tiroirs. Les domestiques au service du Roi rechargent en encre et en papier le secrétaire par deux petites trappes dissimulées sur chaque côté du meuble, donc sans obligation que le bureau soit ouvert et l’abattant relevé. Outre les quatre tiroirs disposés par paire de chaque côté du bureau, l’ouverture de l’abattant permet d’accéder à six petits tiroirs disposés en deux colonnes latérales.
Le centre de la table de travail est mobile, pouvant se relever pour être disposé à la manière d’un pupitre ou basculer vers l’avant permettant d’accéder à un espace de rangement avec au fond de celui-ci trois tiroirs supplémentaires. Le bureau est surmonté d’un plateau marqueté, entouré d’une petite balustrade en amarante avec au centre une horloge à double face, œuvre de Lépine.
Sous la Révolution, le meuble est transporté aux Tuileries où il sera ensuite utilisé par le Corps législatif, puis il est transféré au cabinet du Secrétaire de Napoléon. On le retrouve dans le salon des Aides de camp du duc d’Orléans, fils de Louis-Philippe, et plus tard, l’Impératrice Eugénie l’utilisera dans son cabinet de travail du Château de Saint-Cloud. En 1870, le bureau est transféré au Musée du Louvre, à Paris. En 1957, il retourne enfin au Musée national du Château de Versailles où il se trouve depuis.
Le bureau, tel qu’il existe aujourd’hui, n’est pas exactement celui de sa version d’origine connue grâce à la description d’un inventaire de 1776. Plusieurs interventions sur le secrétaire, faites par Riesener sous le règne de Louis XVI sont notées en 1776, 1777 et 1785, avec des réparations du mécanisme ou la restauration des marqueteries. En 1794, après l’avènement de la Première République et l’exécution du Roi, il lui sera demandé de supprimer du meuble, ce qui rappelait la Royauté. Ainsi, il enleva le médaillon à l’effigie du Roi que tenaient deux angelots décorant le dessus de la pendule, les «L» entrelacés de chaque côté du meuble furent remplacés par des plaques de porcelaine de Sèvres imitant le Wedgwood (Wedgwood est une marque de porcelaine anglaise, connue pour sa vaisselle de classe mondiale depuis sa fondation au XVIIIe siècle) et le portrait de Louis XV sur la clé du bureau fut supprimé.
Les figures de bronze actuelles ne correspondent pas du tout à la description faite dans l’inventaire de 1776, aucune documentation de leur changement n’existe et, curieusement, aucun point de fixation des bronzes décrits n’est visible ce qui laisse subsister un doute sur l’existence, à l’origine, des bronzes décrits. Doute qui existe également sur les «bois des Indes» employés. Dans son livre Mobilier de Versailles du XVIIe et XVIIIe siècles, Daniel Meyer pose la question de leur emploi par Riesener, se demandant même si ce dernier n’a pas volontairement substitué l’emploi de bois locaux au bois des Indes annoncé, trompant ainsi le Garde-Meuble de la Couronne et gonflant artificiellement le prix. Le meuble a été vendu à l’époque 62 985 livres. L’horloger Jean André Lepaute remplaça le nom de Lépine par le sien sur la pendule. Le mécanisme d’ouverture fut lui hors d’usage dès le XIXe siècle.
Sur le médailler sont placés des objets achetés par Louis XVI : deux vases en porcelaine de Sèvres enrichis de bronzes dorés et le candélabre en bronze exécuté par Pierre-Philippe Thomire en 1783 pour rappeler le rôle déterminant de Louis XVI dans la Guerre d’Indépendance qui aboutit à la création des Etats-Unis d’Amérique.
Le Cabinet de Géographie,
Le Cabinet Doré du Roi
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Ce cabinet était sous Louis XIV bien plus grand. Il était alors une garde-robe du petit appartement du Roi. La construction de la Galerie des Glaces lui fit perdre la moitié de sa largeur et il devint un simple passage.
Vers 1700, son unique porte-fenêtre fut jumelée. La pièce était tendue de brocart or et argent fond d’or filé avec des coqs, oiseaux et fleurs de soie.
Vers 1724, on installa deux pans coupés de part et d’autre de la porte menant au Salon d’Apollon.
En 1750, les deux pans disparaissent et le plafond est rabaissé.
L’origine des boiseries reste inconnu à ce jour. Dans le Versalia de 2010, Le Guillou émet cette hypothèse :
« Comme le style Louis XIV de ces lambris dénonce un réemploi, il est permis de supposer que si Louis XV les avait tolérées, voire demandées, c’est qu’il y attachait une valeur sentimentale, et par conséquent qu’il les aurait précédemment connus dans un lieu qui lui était cher».
La forge de Louis XVI
Avec son maître François Gamain, Louis XVI se passionne pour les mécanismes de précisions qu’il développe dans un cabinet de serrureries.
Il s’adonne à la mécanique dans un cabinet attenant, ainsi que dans la pièce du fourneau de la forge.
La Baronne d’Oberkirch fait part dans ses mémoires de sa surprise quand elle fut introduite, en mai 1784, dans ces cabinets scientifiques par Madame de Mackau, sous-gouvernante des Enfants de France : «Un si grand Roi s’occuper de si petites choses ! ».
La Cour pour ce qu’elle peut en savoir, s’étonne de l’intérêt royal pour des activités manuelles roturières. Louis XVI n’y cherche que le délassement que d’autres ont trouvé dans les bras de leurs maîtresses.
Louis XVI s’essaya un peu à la chimie, mais la physique l’intéresse davantage depuis qu’il a été marqué par les spectaculaires démonstrations de l’abbé Nollet sur l’électricité statique. Il a rassemblé dans sa galerie de Géographie, aussi appelée galerie de l’électricité, toute une collection d’impressionnantes machines capables de produire par frottements de violentes décharges électriques accompagnées de gerbes d’étincelles.
Le Laboratoire de chimie,
Les travaux de Louis XVI dans ses cabinets
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
En 1780, insatisfait des pièces du Tour installées l’année précédente, Louis XVI les fait remanier. Par la même occasion il demande la création d’un nouveau Laboratoire en remplacement de celui auquel il avait dû renoncer en 1777 quand il avait fallu en faire la pièce du réservoir et de la chaudière de ses nouveaux Bains.
Le nouveau Laboratoire est aménagé au cours du premier trimestre de 1780 au deuxième étage, précisément à la place de la première pièce du Tour installée quelques mois plus tôt au même emplacement. Ce changement d’affectation oblige l’architecte du Roi Heurtier à faire remettre la pièce à peu près en l’état où elle était antérieurement. Le parquet est déposé pour y poser des carreaux de marbre, la construction d’un fourneau, la pose d’une cheminée de pierre et la pose d’une tablette en marbre dans l’embrasement d’une croisée.
La pièce est peinte en blanc. Sur les étagères, étaient exposées des instruments de mesures tels que des baromètres dans leur cadre sculpté et doré fabriqués par l’ingénieur Périca et de grands thermomètres de dix pieds de haut.
S’il a le cœur au jeu, le Roi peut gagner son salon du billard :
Le billard des combles de Louis XVI
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )
Louis XVI se fait aménager, au-dessus de la bibliothèque des combles de Louis XV, un salle de billard s’éclairant au moyen de deux croisées sur les combles, accompagnée d’un petit cabinet surnommé «Salpêtrière» ayant vue par une menuiserie vitrée sur l’étage des terrasses de la cour des Cerfs. Le sol est dallé de carreaux de marbre et on y pose une cheminée en marbre du Languedoc. On accède à cette nouvelle pièce au moyen d’un escalier qui prend son départ dans le supplément de bibliothèque.
La bibliothèque des combles et son supplément
(texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
Le troisième étage est l’univers des livres et de l’étude. La bibliothèque de Louis XVI est surtout une bibliothèque scientifique bien qu’elle possède tous les ouvrages des plus célèbres auteurs grecs et latins, témoins d’une éducation classique, tels que ceux de Cicéron, Dante, Homère, Ovide, Platon, Plutarque, Sénèque, Tacite, Tite-Live ou Virgile. Cette bibliothèque atteste de la formation de Louis XVI en mathématiques, en physiques, en chimie, en botanique, en astronomie et en médecine. Le Roi possède la collection complète des travaux de l’Académie royale des sciences publiés depuis 1666 jusqu’en 1788, sous le titre Histoire de l’Académie royale des sciences, soit 105 volumes.
Agrandie à deux reprises par Louis XVI, la bibliothèque des combles que Louis XV a aménagée en 1764 devient la grande bibliothèque. Elle est située au-dessus du cabinet du Conseil. Elle renferme des milliers d’ouvrages, certains sont anciens, mais la plupart provient d’achats que Louis XVI fait régulièrement auprès de ses libraires, notamment Pierre Blaizot, le libraire ordinaire du roi qui a sa boutique au n°5 de la rue de Satory à Versailles (aujourd’hui n°9).
Cette bibliothèque comporte 7862 ouvrages, classés par ordre alphabétique : 182 volumes traitent de Théologie, 1931 d’Histoire, 431 de Jurisprudence, 1376 de Sciences et d’Arts et 465 de Belles Lettres. Huit volumes sont en allemand, 419 en anglais, 81 en espagnol, 87 en italien. 452 volumes sont manuscrits. Louis-Auguste est l’un des rares souverains qui peut aussi bien lire une dépêche rédigée en anglais que s’entretenir dans leur langue avec des ministres ou des diplomates d’outre-Manche. Pourtant, Marie-Josèphe de Saxe s’était vite opposée à l’enseignement de cette langue dispensée à son fils par l’abbé de Radonvilliers, pour des raisons plus épidermiques que rationnelles et à sa mort en 1767, le Dauphin a repris seul l’étude de l’anglais.
A titre de comparaison, la bibliothèque de Voltaire ne contenait qu’environ 7500 volumes.
Bibliophile insatiable, Louis XVI crée en 1785 un supplément de bibliothèque, bientôt suivi d’un deuxième dans l’entresol supérieur de sa grande bibliothèque (aujourd’hui disparu). Ces bibliothèques situées dans les combles abritent la collection personnelle du Roi, qui choisit lui-même ses ouvrages chez le libraire Pierre Blaizot, rue de Satory à Versailles. Les registres dénombrent plus de onze mille cinq cent publications, principalement d’histoire et de sciences. Les trente-trois volumes de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert sont en bonne place sur les rayonnages.
La grande table de Limonne, qui occupe le centre de la pièce, faisait partie de l’inventaire de la pièce sous Louis XVI. Elle était conservée à Institut de France. De longues tractations ont permis son retour à Versailles en 2012 en échange d’un bureau plat exécuté par André-Charles Boulle vers 1715 pour Louis-Henri Bourbon qui était conservé dans la Seconde Antichambre de la Dauphine au rez-de-chaussée du Corps Central.
Louis XVI a une véritable passion pour les livres et la lecture.
Louis XVI fait installer un observatoire astronomique où il contemple le spectacle du ciel avec un télescope : depuis l’une des fenêtres de sa bibliothèque des combles, il s’amuse à observer avec une lunette d’approche les allée et venues des personnes qui entrent et sortent du château.
« Louis XVI se réuni(t) avec les ministres concernés dans la salle du Conseil pour régler les affaires de l’Etat. Le Conseil d’Etat (a) lieu les dimanches et les jeudis de chaque semaine et les autres de façon indistincte. La réunion dur(e) deux heures.»
Jean-Dominique Bourzat
À sept heures du soir
D’après la bienséance, pas toujours respectée par Louis XVI, qui mange parfois en privé, le dîner du soir se déroule dans l’antichambre du Roi ou de la Reine en présence de tous les courtisans qui le désirent à condition qu’ils portent une épée et une tenue décente : il s’agit du Souper ou Grand couvert. Le Roi et la Reine dîne en public, devant les princesses, duchesses (assises) et autres dames (debout) et en musique. Au moment de l’annonce du dîner, l’huissier de salle mobilise un garde du corps. Avec eux, le «chef du gobelet» apporte à table la nef (pièce d’orfèvrerie refermant des serviettes et des coussins de senteurs) et d’autres apportent le reste des couverts. L’huissier se rend ensuite à la « bouche» où sont cuisinés les plats. Il se rend ensuite à la salle de repas. Derrière lui, le maître d’hôtel, et les gentilshommes servant les plats entrent. Le plat est alors pris en charge par le gentilhomme «de prêt». Chaque plat est «protégé» par trois gardes armés. Les gentilshommes servants goûtent les plats qu’ils portent puis les déposent sur la table royale. Les membres de la famille royale peuvent alors se servir. Au cours de repas, d’autres gentilshommes apportent à leur boire lorsqu’ils le désirent. Les plats sont présentés à la Reine par Sa première dame d’honneur (la comtesse de Noailles), qui se met à genoux assistée par quatre dames du palais. Lors des grandes occasions, les membres de la famille royale mangent ensemble. Les discussions lors du repas sont quasi inexistantes et souvent entretenues par l’intarissable comte d’Artois. Lors de journées normales, chacun mange dans ses appartements privés.
Mais le soir, la famille royale dîne le plus souvent chez la comtesse de Provence :
En 1780, Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine. On place l’hiver, dans l’embrasure de la fenêtre, un poêle permettant de réchauffer la petite salle-à-manger que la petite cheminée du fond ne permet pas de chauffer complètement. Cette salle-à-manger comporte alors six angles où sont placées les encoignures commandées spécialement à Riesener.
Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes.
A souper, le seul vrai repas de la journée, voici le menu du Roi :
quelques cuillérées de soupe, quelques tranches de rôti ou de jambon, de la salade assaisonnée au jus de citron, et pour dessert un biscuit ou même une simple croûte de pain trempée dans un peu de vin de Madère. Il boit un peu de vin de Champagne nature ou du Bourgogne, étendu de beaucoup d’eau glacée, hérésie gastronomique qui s’explique par l’observation de Proyart qu’il n’aime pas le vin, qu’il n’en boit que depuis son avènement, et parce qu’on lui a fait remarquer qu’agir autrement ferait tort à la viticulture. Sa seule gourmandise ce sont les fruits, particulièrement les melons, le raisin et les pêches, souvent mentionnés dans ses comptes. Il y mentionne aussi de l’eau-de-vie, il s’agit d’eau-de-vie de lavande.
À onze heures du soir
Louis XVI se lève de table et chacun se retire dans ses appartements. Il lui arrive cependant de passer au Jeu de la Reine … Mais avant de rentrer, le Roi joue avec les pages qu’il malmène gentiment : en 1775 (le Roi a vingt ans) le comte de Liedekerke-Beaufort, page du comte de Provence, nous rapporte que régulièrement, il sollicite le Roi à ces amusements qu’on pourrait imaginer ceux d’une caserne …
« Souvent, vers les onze heures du soir (en fait, il est d’une ponctualité presque maladive), le roi sortait du jeu ou des soirées de la reine lorsqu’elle recevait dans les Petits Appartements, repassait seul par des couloirs intérieurs et suffisamment éclairé pour remonter à son propre appartement par une petite porte au coin de l’Œil-de-Bœuf. Sa Majesté traversait sur sa route le passage qui liait le salon d’attente de l’appartement de Monsieur et l’antichambre du service des valets de chambre , gens de livrée, frotteurs, lampistes, etc. Il y avait des armoires et des banquettes rembourrées tout autour des murs, sur lesquels s’étendaient et dormaient souvent quelques gens de service. Nous leur faisions assez fréquemment des niches en traversant ce ronflant dortoir. Quand le roi s’en apercevait par hasard en passant dans son couloir, il riait beaucoup : il avait fini par y applaudir, si bien qu’assurés de l’amuser un moment, nous nous étions enhardis au point d’aller quelquefois l’attendre dans son couloir, car il passait toujours avant le coucher de Monsieur et de lui dire : » Sire, pas un dormeur, là-bas, il n’y a rien à faire aujourd’hui. »
D’autres fois, « Sire, si vous voulez, l’occasion est bonne ; ils sont trois ou quatre là-dedans étendus, le ventre en l’air, sur des banquettes, ronflant comme des cochons !
_ Oh ! Oh ! disait-il, superbe occasion, c’est le cas de travailler. Avez-vous vos armes?
_ Oui, sire, camouflets, bouchons grillés bien noirs, seringues chargées d’eau, tout est prêt. »
Il venait ensuite dans l’antichambre avec nous, les éveillés n’osaient souffler, et les dormeurs étaient gratifiés, soit d’un camouflet dans le nez, soit de la décharge d’une seringue de poche, quand ils avaient la bouche béante, soit d’une moustache adroitement appliquée et dessinée par les bouchons noircis, de manière assez légère pour ne pas éveiller le dormeur, et le roi de rire de tout son cœur en s’esquivant du champ de bataille aussi vite que sa jeune armée.»Le comte de Liedekerke-Beaufort, page du comte de Provence
Quand on figure à la Cour, la vigilance est de rigueur !
Le coucher du Roi
Le coucher se déroule de façon moins cérémonieuse que le lever et a lieu dans la chambre-à-coucher de Louis XVI et non dans sa chambre d’apparat.
« Après avoir assisté au lever du roi, voyons ce qui se pratiquait à son coucher. Celui-ci était bien le véritable ; mais une occupation, souvent un léger somme, retenait le roi plus longtemps.»
Félix d’Hézecques
« À onze heures, arrivaient le service et les courtisans. Tout était préparé : une magnifique toilette de brocard d’or et de dentelle ; sur un fauteuil de maroquin rouge, la robe de chambre en étoffe de soie blanche brodée à Lyon ; la chemise, enveloppée dans un morceau de taffetas ; sur la balustrade, un double coussin de drap d’or appelé sultan, sur lequel on posait la coiffe de nuit et les mouchoirs. À côté, les pantoufles, de la même étoffe que la robe, étaient placées près des pages de la chambre qui se tenaient contre la balustrade.»
Félix d’Hézecques
« Le monarque arrivait ; le premier gentilhomme de la chambre recevait son chapeau et son épée, qu’il remettait à un sous-ordre. Le roi commençait, avec les courtisans, une conversation plus ou moins longue, suivant le plaisir qu’il y trouvait, et qui, souvent, se prolongeait trop au gré de notre sommeil et de nos jambes. Après avoir causé, le roi passait dans la balustrade, se mettait à genoux avec l’aumônier de quartier seul, qui tenait un long bougeoir de vermeil à deux bougies, tandis que les princes n’en pouvaient avoir qu’une. L’aumônier récitait l’oraison : Quæsumus, omnipotens Deus ; et, la prière terminée, le bougeoir était remis au premier valet de chambre qui, sur l’ordre du roi, le donnait à un des seigneurs qu’il voulait distinguer. Cet honneur était si fort apprécié en France, que beaucoup de ceux qui y prétendaient ne pouvaient déguiser leur dépit quand ils en étaient privés. Le maréchal de Broglie, le vainqueur de Bergen, cordon bleu et maréchal de France, à quarante ans, comblé de gloire, était plus que personne sensible à cette privation. Sa rougeur, son embarras, décelaient le cruel chagrin qu’il éprouvait, tant le cœur de l’homme est incompréhensible, et renferme de petites faiblesses à côté des plus grandes qualités !»
Félix d’Hézecques
« L’huissier le donnait, en disant : « Passez, Messieurs ! » Il ne restait plus que les princes, le service particulier et ceux qui avaient les petites entrées.»
Félix d’Hézecques
Là se situe la cérémonie du bougeoir : l’aumônier tend son grand bougeoir de vermeil à deux bougies au premier valet de chambre
qui le donne à l’un des seigneurs qu’il veut alors distinguer. Cette marque de faveur est un honneur fort apprécié.
« La prière finie, le roi ôtait son habit, dont la manche droite était tirée par le grand-maître de la garde-robe, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, et la gauche, par un premier-maître, M. de Boisgelin ou de Chauvelin, et toujours en descendant, si les premiers officiers ne s’y trouvaient pas.
Félix d’Hézecques
« Le roi prenait ensuite sa chemise ; elle lui était donnée par le premier gentilhomme de la chambre. Mais si l’un des princes du sang était présent, c’était lui qui avait le droit de passer la chemise, ce qu’on regardait comme un grand honneur.
Le premier gentilhomme de la chambre présentait alors la robe de chambre au roi, qui ôtait de ses poches sa bourse, un énorme trousseau de clefs, sa lunette et son couteau ; il laissait tomber son haut-de-chausses sur ses talons, et dans cet état causait encore assez longtemps.
Enfin, il venait se placer dans un fauteuil ; un garçon de la chambre, à droite, un de la garde-robe, à gauche, se mettaient à genoux et prenaient chacun un pied du roi pour le déchausser. Alors les deux pages de la chambre s’avançaient et mettaient les pantoufles ; c’était le signal de la retraite. »
Félix d’Hézecques
« Ils entretenaient le monarque pendant qu’on le coiffait de nuit. C’était l’instant des joyeux propos, des petites anecdotes ; et souvent le rire franc et bruyant du bon Louis XVI venait frapper nos oreilles dans l’Œil-de-Bœuf, où nous attendions l’ordre pour le lendemain.»
Félix d’Hézecques
« Avant que Louis XVI ne fut absorbé par ses peines, le coucher était le moment de ses délassements et de ses jeux. Il y faisait des niches aux pages, agaçait le capitaine Laroche, ou faisait chatouiller un vieux valet de chambre si sensible que la peur seule le faisait enfuir.»
Félix d’Hézecques
D’un tempérament timide , Louis XVI souhaite donc rester très discret sur ses allées et venues chez Marie-Antoinette : il ne veut tout simplement pas que l’on sache qu’il va coucher chez Elle.
Jusqu’en 1775, le trajet habituel pour se rendre de la chambre à coucher du Roi (qui correspond à l’actuelle chambre de Louis XV et Louis XVI) à celle de la Reine passe inévitablement par le cabinet du conseil, la grande chambre de parade (actuelle chambre de Louis XIV), l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf où l’on emprunte alors un petit passage qui court dans la doublure de la Galerie des Glaces.
Un huissier, par un sonore « Passez Messieurs ! » fait sortir le service de la garde-robe et les pages. Il ne reste plus que les princes, le service particulier et ceux qui ont leurs petites entrées.
Mais avant d’y parvenir, le Roi ne manque pas de rencontrer toutes sortes de gardes, de garçons de la chambre, et d’autres officiers dédiés à son service et à sa sécurité. La discrétion est donc loin d’être assurée…surtout lorsque la Reine a fermé Sa porte à clef et qu’il faut à Louis XVI rebrousser chemin…
Ce passage est donc un corridor biscornu qui s’étend sur près de soixante-dix mètres dans les entrailles invisibles du château…
Le passage secret de Louis XVI
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles – passion )
En 1775, il fait aménager un passage discret dans l’épaisseur des murs du château qui démarre depuis l’escalier semi-circulaire et qui arrive à l’arrière de la chambre de la Reine.
Il passe sous le Cabinet du Conseil, la grande chambre, l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf et la galerie des Glaces.
C’est par ce passage qu’il se rendra chez la Reine qui est déjà dans la sienne.
A droite, l’escalier menant à l’appartement de la Reine, à gauche l’escalier descendant à l’Appartement du Dauphin et à l’extrême gauche l’appartement de madame de Tourzel :
Le Roi prend l’escalier d’entresol pour arriver chez la Reine :
« Quand le Roi couche chez la Reine, toute une étiquette minutieuse doit être observée : la Reine se met au lit la première, la première femme de chambre reste assise au pied du lit jusqu’au moment où Louis XVI arrive, puis elle reconduit les personnes qui ont accompagné le Roi jusqu’au seuil de la chambre de la Reine, et, après avoir mis le verrou à la porte, elle s’éloigne, pour ne rentrer dans la chambre que le lendemain matin, à l’heure indiquée par le Roi. A cette heure, elle se présente avec le premier valet de chambre de quartier et un garçon de la chambre. Tous les trois entrent en même temps, ouvrent les rideaux du lit du côté où est le Roi et lui présentent ses pantoufles. Le premier valet de chambre reprend alors une épée courte, qui est toujours placée dans l’intérieur de la balustrade du Roi, et que l’on apporte et pose sur le fauteuil du Roi quand il vient coucher chez la Reine.»
Madame Campan
Le Roi se lève avant la Reine, qui attend le cérémonial habituel de Son côté.
« Les personnes qui forment la maison du Roi et de la Reine ont quelque ressemblance avec des geôliers. On trouve dans le château de Versailles la discipline d’une caserne et la gêne d’une prison.»
Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand
Le château de Versailles prête peu à l’intimité … C’est d’ailleurs à Fontainebleau, par exemple, que Madame Royale sera conçue.
Par cette journée de Louis XVI, nous percevons combien il évolue dans des cabinets secrets, intimes, dans lesquels il cherche à tout prix la culture, la connaissance multiple et précise comme s’il exprimait par là sa peur d’être inutile, impuissant ou incapable. Une peur qu’il a héritée du mauvais traitement que lui a infligé son frère aîné, le duc de Bourgogne (1751-1761) dans sa petite enfance. Louis-Joseph était le préféré de ses parents, et futur Dauphin présumé de par son aînesse, il était privilégié au détriment du cadet qu’était Louis-Auguste. Dans ses bibliothèques, Louis XVI répond au désir de vouloir posséder des connaissances, comprendre l’environnement, tout comprendre comme un moyen de se défendre contre les menaces de l’environnement, du monde, du pays, de la vie. Trois fois par semaine, il se défoule à la chasse, équilibrant ainsi l’hyperactivité engendrée quand il peaufine sa culture et sa méticulosité dans ses ateliers.
En somme, le matin, on costume en monarque un savant qui se montrerait assez pingre quant à son apparat tant cela lui importe peu.
Cela fait sourire quand on le compare à Marie-Antoinette qui met tant d’attention dans Son image…
Sources :
- https://www.marie-antoinette-antoinetthologie.com/
- BOURZAT Jean-Dominique, Les Après-Midi de Louis XVI (2008) ; La Compagnie Littéraire
- CAMPAN Henriette, Mémoires de Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette
- COPPOLA Sofia, Marie-Antoinette (2006)
- DELANNOY Jean, Marie-Antoinette, Reine de France (1956)
- DUARTE, Christophe, Versailles passion , groupe Facebook
- ENRICO Robert, Les Années Lumières (1989)
- GIRAULT DE COURSAC Paul et Pierrette, Louis XVI, un visage retrouvé (1990) , chez O.E.I.L. (1990)
- IVORY James, Jefferson à Paris (1995)
- JACQUOT Benoît, Les Adieux à la Reine (2012)
- LA TOUR DU PIN Henriette (de), Le cérémonial de la cour du dimanche narré par la marquise de La Tour-du-Pin, cité par Pierre de Nolhac, Histoire du château de Versailles (1899)
- SCHOEFFER Pierre, Un peuple et son Roi (2018)