Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois

Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois, par Jean-Baptiste Gauthier Dagoty

Le 31 janvier 1756

Naissance de Marie-Thérèse de Savoie.

Victor-Amédée III de Sardaigne

 

 

Elle est la petite-fille du Roi Charles-Emmanuel III (1701-1773) qui règne depuis 1730. Son fils aîné Victor-Amédée (1726-1796) est l’héritier du trône avec le titre de prince de Piémont. Il est marié avec l’infante Marie-Antoinette d’Espagne (1729-1785). Ce sont les parents de Marie-Thérèse. Ce couple très uni n’aura pas moins de douze enfants.

Marie-Antoinette d'Espagne
Marie-Antoinette d'Espagne et ses filles Marie-Joséphine et Marie-Thérèse

Sur l’enfance de Marie-Thérèse, on ne sait pratiquement rien. Cette princesse voit le jour dans l’une des cours les plus fermées d’Europe.

Maria-Antonia de Bourbon d'Espagne et Victor-Amédée III ; Œuvre de Giovanni Batista Bernero
Le palais royal de Turin, capitale du royaume de Piémont-Sardaigne

Marie-Thérèse reçoit une éducation assez sévère.

Le 6 avril 1765

Naissance de son frère, Charles-Félix, duc de Genevois (1765-1831), dit plus tard « le Bien-Aimé ». Charles-Félix sera Roi de Sardaigne, de Jérusalem et de Chypre en 1821.

Marie-Thérèse de Savoie, enfant, par Giuseppe Duprà, vers 1765 Pavillon de chasse de Stupinigi, Turin
Marie-Thérèse de Savoie et son petit frère Victor-Emmanuel, futur Roi de Sardaigne
Victor-Amédée III, Roi de Sardaigne, par Roslin
La Reine de Sardaigne Maria-Antonia d'Espagne
Charles-Félix, duc de Genevois par Guiseppe Dupra

Le 6 avril 1765

Naissance de son frère, Charles-Félix, duc de Genevois (1765-1831), dit plus tard « le Bien-Aimé ». Charles-Félix sera Roi de Sardaigne, de Jérusalem et de Chypre en 1821.

 

Le 5 octobre 1766

Naissance à Turin du benjamin de la fratrie, Joseph-Benoît de Savoie, comte de Maurienne (1766-1802).

Maria-Antonia d'Espagne en 1750
Joseph-Benoît de Savoie, comte de Maurienne

 

L’étiquette et les exercices de piété suppléent au naturel. Les enfants royaux sont abandonnés aux mains des gouvernantes. A l’évidence, on ne s’amuse guère… Si l’on copie les manières françaises, on n’a pas une once d’esprit français. Tout est codifié, réglé, minuté à l’extrême. Si l’on a beaucoup d’enfants, on ne les caresse pas beaucoup pour autant.
Deux femmes supervisent la vie quotidienne des princesses, la comtesse Radicata, dame du palais et la comtesse Maffei, dame en titre. On peut imaginer le résultat d’une telle éducation vouée uniquement au devoir et à l’obéissance : les petits princes ne s’épanouissent pas et ressemblent à de petites figures de cire.
Le résultat de cette éducation quasi carcérale, ultra sévère, sans nulle fantaisie ne permet pas aux enfants de Victor-Amédée III et de Maria-Antonia de s’épanouir. De fait, la Cour de France, lieu de vie des futures comtesses de Provence et d’Artois représentera un rude écueil pour les princesses Marie-Joséphine et Marie-Thérèse. Leur adaptation à Versailles ne peut qu’être lente, difficile, complexe, semée d’embûches.

Marie-Thérèse de Savoie, future comtesse d'Artois, par Guiseppe Dupra
Portrait présumé de la comtesse d'Artois par Giovanni Panealbo, vers 1770

En 1771

Sa sœur aînée, Marie-Joséphine est choisie pour épouser le comte de Provence, petit-fils de Louis XV.

Le 14 février 1771

Mariage du comte de Provence ( né le 17 novembre 1755) , frère du Dauphin et de Marie-Joséphine de Savoie.

Louis-Stanislas de Provence par Drouais
Mariage du comte de Provence et de Marie-Joséphine de Savoie
Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence, par François-Hubert Drouais

Manifestement, les jeunes princesses piémontaises sont bien mal préparées aux mentalités françaises et aux usages de la Cour de Versailles.

Marie-Thérèse conservera des séquelles de cette éducation et sera toute sa vie une jeune fille comprimée, timide. Quant à parler de son aspect physique, les commentaires vont bon train lors de son arrivée en France. Dans son portrait officiel que la Cour de Turin envoie à Versailles on remarque que la promise révèle des traits plus harmonieux que ceux de sa sœur, Marie Joséphine de Savoie, Comtesse de Provence (1753-1810). Mais certains pronostics pessimistes sont confirmés à la venue de la princesse, une jeune fille brune, de petite taille, le visage étroit et un nez trop long. C’est ce que note à ce propos Mercy :

« le visage maigre, le nez fort allongé et désagréablement terminé, les yeux mal tournés, la bouche grande, ce qui fait en tout une physionomie irrégulière et des plus communes ».

L’ambassadeur zélé de l’impérieuse Impératrice d’Autriche oubliait les beaux yeux noirs et malgré sa petite taille une excellent proportion de la nouvelle comtesse d’Artois.

Charles-Emmanuel III, Roi de Sardaigne en 1749. Son nez immense révèle bien sa laideur qu'ont rapportée ses contemporains.

 

 

Le 20 février 1773

Décès de Charles-Emmanuel III (1701-1773), Roi de Sardaigne. Son père, Victor-Amédée III (1726-1796), devient Roi de Sardaigne.

Victor-Amédée III de Sardaigne
Vue du palais royal de Turin
Salle des armures du palais royal de Turin
Galerie de portraits dans le palais royal de Turin
Vue du salon d'honneur du château de Stupinigi
Ce lustre monumental dans le salon d'honneur du château de Stupinigi fut commandé par la cour de Turin pour les fêtes du mariage de Marie-Thérèse de Savoie avec le comte d'Artois

En 1773

Louis XV sollicite encore une princesse de Savoie pour la main de son dernier petit-fils. Le Roi semblait pencher pour Marie-Anne, la troisième fille de Victor-Amédée III, mais Marie-Joséphine fait pencher la balance en faveur de Marie-Thérèse, la princesse qui arrive juste après elle. Ses parents estiment sans doute que ce sont des atouts suffisants pour lui faire un mariage avantageux. En bons termes avec Louis XV, fort du premier mariage savoyard, une union est rapidement décidée avec le dernier des petits-fils du Roi de France, le comte d’Artois.

La jeune princesse va donc entrer dans la plus prestigieuse famille royale d’Europe, mais aussi dans un pays et dans une Cour où elle ignore tout des mœurs et des lois. Elle est investie d’une lourde mission… assurer la pérennité de la dynastie des Bourbons, le mariage de sa sœur et de sa belle-sœur se révélant stérile. Un mariage fastueux pour le plus mal assorti des couples.

Maria-Antonia de Bourbon d'Espagne, par Giovanni Panealbo, décennie 1770 Une reine, au crépuscule de sa vie, épuisée par douze maternités.

 

Le marquis de Brancas a ensuite l’honneur de présenter et de nommer à Madame la comtesse d’Artois les seigneurs et les dames qui doivent l’accompagner et composer sa suite.

Le 5 novembre 1773

La cérémonie de remise

A huit heures du matin, les gardes du corps, les Cent Suisse et les gardes de la porte du Roi, envoyés pour escorter Madame la comtesse d’Artois, prennent leurs postes. Le régiment de Boccard borde la haie, tandis qu’un détachement de cent dragons de la Légion de Soubise, commandé par la comte de Vargemont, monte à cheval et se met en bataille à la suite de l’infanterie, ainsi qu’un autre détachement de la maréchaussée du Dauphiné, aux ordres du prévôt-général et d’un de ses lieutenants.
A neuf heures trente
, le maréchal-comte de la Trinité, commissaire plénipotentiaire du Roi de Sardaigne, remet au marquis de Brancas, commissaire plénipotentiaire du Roi de France, et de toutes les personnes de la suite française. Madame la comtesse d’Artois est salué, au moment de la signature du procès-verbal, d’une triple décharge de six canons.

« A la dote, s’ajoutent 200 000 livres piémontaises en bijoux.
Sa Majesté Très Chrétienne, le roi de France donne à la mariée 300 000 livres francaises en bijoux et objets de valeur à la consommation du mariage.
Le comte d’Artois attribuera à la mariée une pension appropriée. Le roi y consacrera 60 000 livres françaises par an.
En cas de dissolution du mariage ou de veuvage, la princesse pourra choisir de vivre en France ou dans son pays d’origine.
Les deux premiers points établissent les modalités de célébration du mariage, qui en règle générale, dans le cas de mariages entre membres de familles royales, a lieu à deux moments différents, et dans deux lieux différents, un premier mariage à l’endroit où vivait la princesse, et où le marié n’était pas présent mais était représenté par un membre de la famille de la Cour à laquelle appartenait la mariée. Par la suite, la mariée partait pour la Cour à laquelle appartenait son royal époux ou avait lieu un second mariage.»

Vers onze heures, Madame la comtesse d’Artois se met en marche, précédée du marquis de Brancas, commissaire plénipotentiaire, du marquis de Vintimille, chevalier d’honneur, du marquis de Chabrillant, premier écuyer, et, accompagnée de sa dame d’honneur, de sa dame d’atours et des autres dames de sa suite. Elle trouve, sur le pont qui sépare les deux états, un arc de triomphe élevé par les soins des officiers municipaux de Beauvoisin. Mme la comtesse d’Artois dîne à Bourgoin, dans la maison du marquis de Beffroi. Elle trouve sur son passage cent cinquante hommes du régiment de Boccard, suisse et un détachement de la maréchaussée commandée par un lieutenant. Après le dîner, elle part pour Lyon.

A partir du 5 novembre 1773

Voyage en France jusqu’à la rencontre avec Louis XV et de Mgr le comte d’Artois

Le même jour, vers six heures du soir, Madame la comtesse d’Artois arrive et fait étape à Lyon où la ville donne plusieurs fêtes en son honneur.

Le 8 novembre 1773

au matin

Elle en repart puis arrive à Roanne vers huit heures du soir. Un détachement de dragons du régiment de Jarnac l’escorte jusqu’à l’Hôtel où un appartement a été préparé à son intention. Madame la comtesse d’Artois y reçoit les officiers du Bailliage et de l’élection qui ont l’honneur de la complimenter. Le comte de Tonnerre, le comte de Blot et Pajot de Marcheval ont l’honneur de l’accompagner jusqu’en cette dernière ville et de prendre congés de Madame la comtesse d’Artois.

Le 9 novembre 1773

Marie-Thérèse entend la messe pendant laquelle un motet est exécuté puis elle part pour Moulins en Bourbonnais vers onze heures. Elle arrive à Moulins à huit heures du soir.

A Moulins, à la porte de Lyon, le maire et les échevins de la ville ont l’honneur d’être présentés à Madame la comtesse d’Artois et de la complimenter. Depont, intendant de la province et qui était allé à la rencontre de la princesse, avait formé en dehors une avenue d’arbres, par laquelle elle devait passer, Madame la comtesse d’Artois entre dans deux cours également bordées d’arbres. Cet espace est éclairé par des ifs, des lustres, des pyramides de terrines, et par des guirlandes de lanternes. De plus, il est garni de la garde de la ville de Moulins sous les armes, et d’une immense foule, qui faisait retentir les cris de « vive le Roi et la famille royale ». Madame la comtesse d’Artois est escortée par le régiment d’Orléans, dragons, à la tête duquel étaient le marquis de Poyanne, le marquis de Pons Saint-Maurice et le comte de Montboissier. Lorsque Madame la comtesse d’Artois arrive à l’intendance, qui est illuminée, l’intendant a l’honneur de la recevoir et de lui être nommée. Elle entre dans son appartement, où la comtesse de Forcalquier, sa dame d’honneur, lui nomme les dames et les hommes de qualité de la ville de Moulins et de la province. Pendant le souper de Madame la comtesse d’Artois, divers morceaux de symphonie sont joués. Après son souper, elle passe dans une autre pièce d’où elle assiste au feu d’artifice tiré en son honneur et exécuté par M. de Bray, artificier du Roi.

Arc de Triomphe pour le mariage de Marie-Thérèse de Savoie avec le comte d'Artois, arc érigé sur la route de Turin et le château de Stupinigi, 1773. Archives Historiques de la Ville de Turin.

Le 10 novembre 1773, vers six heures du soir, Madame la comtesse d’Artois arrive à Nevers sous les acclamations du peuple et descend au château du duc de Nivernais. Sur la place ducale, l’intendant avait fait installer un théâtre sur lequel les principaux acteurs de la comédie italienne jouèrent, avec beaucoup de succès, un prologue mêlés de variétés et de vaudevilles analogues à la fête, et l’opéra comique de Tom-Jones qui est terminé par des couplets faits en l’honneur de la princesse, et qui est apprécié par les spectateurs.

Après la représentation, toujours sur la place ducale, il y eut une illumination représentant le temple de l’hymen. Madame la comtesse d’Artois est placée de manière avoir en face d’elle les acteurs et à sa droite l’illumination. Après ces festivités, elle parcoure la place en carrosse puis se rend à l’évêché où elle soupe. L’évêque de Nevers, le clergé et le corps de la ville de Nevers avaient eu l’honneur de la complimenter à son arrivée.

Le 11 novembre 1773

à huit heures, Madame la comtesse d’Artois quitte Nevers pour se rendre à Montargis. A la porte de Nevers, elle y trouve un détachement du régiment Orléans, dragons, ayant à leur tête le marquis de Pont Saint-Maurice et le comte de Montboissier. Depont, l’intendant de la province, a eu l’honneur d’accompagner Madame la comtesse d’Artois et en prend congés à Pougues.

Le Pont-de-Beauvoisin, commune du département de l'Isère représentait la limite frontalière entre le duché de Savoie et la France au XVIIIe siècle. C'est là que se déroule la fameuse cérémonie de remise des princesses et où Marie-Thérèse passe de Savoie en France.

Suivant les premiers ordres du Roi, Madame la comtesse d’Artois devait aller coucher de Nevers à Briare, mais Louis XV étant informé que la petite vérole y règne, change les premières dispositions, et ordonne que la princesse aille se coucher à Montargis. M. de Cypierre, intendant de la généralité d’Orléans, qui a fait tous les préparatifs à Briare, reçoit un contre ordre le 13 octobre. Il fait aussitôt de nouvelles dispositions à Montargis, lesquelles se trouvèrent prêtes le 29 octobre.

Le 11 novembre 1773

Madame la comtesse d’Artois arrive à Montargis, après onze heures du soir, et une marche de 36 lieues. M. de Cypierre avait fait placer, à chaque relais, des terrines et des flambeaux pour éclairer le chemin ; mais une pluie continuelle, accompagné d’un vent impétueux, rendit toutes précautions inutiles. Pour y suppléer et surtout pour diriger les postillons, et prévenir le danger qu’entraîne l’obscurité de la nuit la plus affreuse, M. de Cypierre a fait allumer des feux de distance en distance, et tous les habitants des villages voisins secondent son zèle avec une activité incroyable. Les officiers municipaux de Montargis ont l’honneur de complimenter Madame la comtesse d’Artois avant son entrée dans la ville. Sur son passage, toutes les rues sont illuminées et la milice bourgeoise est en arme. M. de Cypierre avait ordonné une illumination de 600 toises, depuis les faubourgs de la ville jusqu’au château. Sur l’esplanade du château, devant l’appartement de Madame la comtesse d’Artois, un arc de triomphe, des pyramides et des girandoles sont illuminés mais le mauvais temps en a détruit l’effet.

La comtesse d'Artois, gravure de Louis-Marin Bonnet
La comtesse d'Artois, vers 1773

 

Le 12 novembre 1773

Madame la comtesse d’Artois entend la messe à Montargis.  Puis, elle dîne à son grand couvert où tout le monde est admis à la voir. Ensuite, elle se rend dans une salle voisine de son appartement où M. de Cypierre avait fait disposer un théâtre. Les enfants de l’ambigu-comique joue une pièce relative à la circonstance. Mme la comtesse d’Artois témoigne sa satisfaction à M. de Cypierre qui a ordonné cette fête, et à M. Plein-Chesne, auteur du divertissement.

Le même jour, vers trois heures après midi, Madame la comtesse d’Artois part pour Nemours où M. de Cypierre eu l’honneur de prendre congés d’elle.

Le même jour, la future comtesse d’Artois arrive à Nemours où Mgr le comte de Provence et Madame la comtesse de Provence l’y rejoignent le 13 novembre. Ces deux princesses se témoignent, au moment de leur entrevue, une tendre sensibilité. Cela fait présager à la nation française le bonheur que procure la double alliance des Maisons de Bourbon et de Savoie.

« Ma petite sœur, dit le Prince , en lutinant avec quelque excès d’aisance Mme la Dauphine, n’allez pas vous placer trop haut si vous voulez apercevoir ma femme …Quatre pieds six pouces, pas une ligne de plus , une Altesse en miniature…
-Artois, taisez-vous, interrompit Marie-Antoinette…Vous parlez trop légèrement de ma future belle-sœur ; on la dit fort jolie et si l’on doit s’en rapporter à son portrait…»

Le coiffeur Léonard Autier

Le 14 novembre 1773

Rencontre entre Mgr le comte d’Artois et Madame la comtesse d’Artois en présence de Louis XV et des autres membres de la Famille Royale.
Louis XV, accompagné de Monseigneur le Dauphin, de Madame la Dauphine, de Mgr le comte de Provence, de Madame la comtesse de Provence, de Mgr le comte d’Artois, de Madame Adélaïde, de Mesdames Victoire et Sophie et de ses principaux officiers, va au devant de Madame la comtesse d’Artois jusqu’au bas de la montagne de Bourbon.

Lorsque Madame la comtesse d’Artois aperçoit le Roi, elle descend de son carrosse et marche à sa rencontre. Elle est accompagnée par la comtesse de Forcalquier, sa dame d’honneur ; de la comtesse de Bourbon-Busset, sa dame d’atours, et des dames que le Roi a nommées pour aller la recevoir sur la frontière. Madame la comtesse d’Artois étant arrivée devant Louis XV, qui est descendu de son carrosse, se jette à ses pieds. Louis XV la relève et après l’avoir embrassée, lui présente Mgr le comte d’Artois qui l’embrasse sur la joue à son tour. Mgr le Dauphin, Madame la Dauphine, Mgr le comte de Provence, Madame la comtesse de Provence, Madame Adélaïde et Mesdames Victoire et Sophie l’embrassent aussi.

Après cette entrevue

Louis XV remonte dans son carrosse pour retourner à Fontainebleau, d’où il part, sur les trois heures, avec la Famille Royale, pour se rendre au château de Choisy. Le Roi fait placer Madame la comtesse d’Artois auprès de lui. En arrivant au château de Choisy, Madame la comtesse d’Artois est conduite dans l’appartement qui a été préparé à son intention. Le Roi et Mgr le comte d’Artois lui donnent la main jusqu’à son appartement, où elle rencontre Madame Clotilde et Madame Elisabeth qui se sont rendues en ce lieu pour la recevoir ainsi que les princes et les princesses du sang. Louis XV soupe, le soir, en public, avec les membres de la Famille Royale, les princes et les princesses du sang, et les dames de la Cour qui y sont invitées. Mgr le comte d’Artois loge à Choisy dans le petit château. Louis XV fait apporter à Madame la comtesse d’Artois la magnifique parure de diamants, qui lui est destinée.

Le 15 novembre 1773

Louis XV quitte Choisy pour se rendre à Versailles.

Le 16 novembre 1773

Marie-Thérèse de Savoie épouse Charles Philippe, comte d’Artois, petit-fils de Louis XV.

Marie-Thérèse arrive à Versailles sur les dix heures du matin.

Vers une heure après midi, elle se rend dans l’appartement du Roi d’où l’on part pour la chapelle.

Cérémonie du mariage à la chapelle royale

Par permission spéciale du 14 mai 1773 de Mgr de Beaumont du Repaire, archevêque de Paris, le comte et la comtesse d’Artois ont pu se fiancer le jour de leur mariage.

Tel que décrit par Mademoiselle Alexandre la marchande de mode qui en composa la chamarrure l’habit de la mariée est en en étoffe fond d’argent façonnée en vagues de réseaux d’argent riches et très brillants, garnie de franges d’argent, rebrodée d’une très riche guirlande de fleurs et de feuilles en paillons d’argent, le bas de robe relevé par des gros glands à quatre ganses très riches. Le grand corps est enrichi de diamants, les manches de cour en blonde (fine dentelle de soie). La grande palatine (au cou), les bracelets, les nœuds de manches et de bouquet assortis. Le tout est porté sur un très grand panier et est livré à Versailles dans une « grande Boëte enveloppée de molleton vert ».

Acte de mariage du comte d'Artois, Charles Philippe de France avec Marie-Thérèse de Savoie
Mariage du comte d'Artois et de Marie-Thérèse de Savoie
Marie-Thérèse de Savoiue par Gauthier d'Agoty
Charles-Philippe, comte d'Artois par Callet

Aussi joli cœur et avide des plaisirs de la Cour et de la Ville que son épouse est timide et effacée, le futur Charles X montre sa déconvenue avant même la fin des noces. Marie-Thérèse reste muette et lasse durant toutes les fêtes.

La princesse piémontaise arrive à Versailles et déçoit par son aspect : petite, laide, timide, niaise, elle ne peut guère retenir l’attention de son fringant mari. Charles d’Artois est né en 1757, il est grand, mince, agile, séduisant … Il ne se plaint pas de sa nouvelle épouse, et consomme son mariage.

Elle devient ainsi la belle-sœur de sa sœur Marie-Joséphine.

Document commenté d'une fête de la Maison Royale de Saint-Cyr pour le mariage du comte et de la comtesse d'Artois en 1773.

Voir cet article : 

Le comte et la comtesse d’Artois s’installent au premier étage de l’Aile du Midi en 1773. Ils y font aménager plusieurs cabinets. Ceux-ci comprennent une bibliothèque, un petit cabinet, un supplément de bibliothèque. La bibliothèque communique avec le cabinet intérieur. En 1774, le comte annexe deux pièces contiguës pour aménager une salle-à-manger.

La chambre de la comtesse d’Artois,
Une vue imprenable sur le Parterre du Midi

(texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Située au premier étage de l’Aile du Midi, la chambre est la seule pièce de son appartement qui possède encore la voussures et des corniches des plafonds datant de Louis XIV. Comme tous les appartements royaux et princiers, elle possède un meuble d’été et d’hiver. Le meuble d’hiver a été réalisé en 1772 par Jean Charton fils, qui portera en 1776 le titre de fabricant du Roi, pour le meuble d’hiver de la comtesse d’Artois. La même étoffe a été prévue en 1791 pour l’appartement de Madame Élisabeth au château de Fontainebleau. 

Naissance du duc d'Angoulême

Le meuble d’hiver a été réalisé en 1772 par Jean Charton fils, qui portera en 1776 le titre de fabricant du Roi, pour le meuble d’hiver de la comtesse d’Artois. La même étoffe a été prévue en 1791 pour l’appartement de Madame Élisabeth au Château de Fontainebleau.

Cette laize montre un entrecroisement de guirlandes de feuilles de chênes et de laurier, en apparence simple. Néanmoins, en raboutant deux laizes prises dans le même sens et placées côte à côte, le dessin se révèle discontinu, c’est-à-dire que la guirlande de chêne se poursuit, sur la laize voisine, en guirlande de laurier.

Reconstitution de la chambre de Madame la Comtesse d’Artois à Versailles par Lucas Lazzetta
Laize de tenture du meuble d'hiver de la chambre de la comtesse d'Artois (Musée des Tissus et des Arts décoratifs)

Un autre agencement, qui consisterait à positionner en sens inverse une laize sur deux, permettrait d’obtenir le dessin d’un double réseau entrelacé de carrés posés sur la pointe, le premier constitué de guirlandes de chênes et le second, de guirlandes de laurier.

Les pliants, aujourd’hui dans la chambre de la Reine, appartiennent au meuble d’hiver de la chambre de la comtesse d’Artois à Versailles, livré en 1773. C’est pour la Dauphine Marie-Antoinette en 1769 que Jacques Gondouin, dessinateur du Garde-Meuble de la Couronne mit au point dans le style transition ce prototype de pliant repris avec quelques variantes dans les pièces officielles des appartements princiers. On connaît l’importance de ce type de siège dans l’étiquette de la Cour de France. Les quatre pliants de la comtesse d’Artois sont présentés dans la chambre de la Reine car presque identiques à ceux livrés pour la future Dauphine Marie-Antoinette . Ils sont tous par conséquent couverts en broderie assortie au gros de Tours broché fond blanc à bouquets de fleurs et plumes de paon de la chambre de la Reine tissé par Desfarges à Lyon en 1786.

Paire de ployants de la chambre de la comtesse d’Artois :

Ils font partie du mobilier d’hiver de la chambre à coucher de la comtesse d’Artois au château de Versailles. Chaque «X» est constitué de quatre «cornet», ceux du haut à cannelures torses, ceux du bas à même cannelure torse sur un tiers, puis d’un entourage de lancettes, réunies à la base par un petit culot de feuillages. Les patins sont à riche décor de trois culots d’acanthe et graines. L’axe qui réunit les «X» est à décor d’un culot de feuillage.

Paire de ployants de la chambre de la comtesse d'Artois

La commode du salon des Nobles de la comtesse d’Artois
(texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Plan de l'appartement du comte et de la comtesse d'Artois en 1789, au premier étage de l'Aile du Midi. En rouge : le Salon des Nobles de la comtesse où était la commode.

Si, à Versailles, l’on disposa pour les jeunes mariés de splendides appartements au premier étage de l’Aile du Midi, il ne semble pas que l’on ait exagéré les dépenses concernant le mobilier de la princesse. En se référant à l’inventaire de 1776, on trouve dans son Grand Cabinet, servant aussi de Salon des Nobles, une commode qui avait été en 1740 dans la Chambre à coucher de Monsieur de Fontanieu. On y trouve également deux encoignures livrées le 30 novembre 1773 pour le comte d’Artois.

« Il faut attendre le 18 novembre 1779 pour voir commandé à Riesener une commode d’un style nouveau : «Une commode marqueterie à placage bois des Indes à dessus marbre griotte d’Italie ayant 5 tiroirs dont 2 grands et 3 petits fermant pour 3 clés différentes avec panneaux de bois de rose en mosaïque avec médaillon à corbeille de fleurs suspendue plaquée sur fond de bois d’amarante, le fond à frise. Ornée de pieds et culots à palmettes d’ornements, pieds en gaine à moulures et chutes de volutes, à la traverse du devant surmonté d’un cadre de godrons à fleurons. Les encadrements de panneaux à perles et raies de cœur.»

Dans l’inventaire de 1787 comme dans les suivants, ce meuble resta dans l’Appartement de la Comtesse d’Artois jusqu’à son départ en exil le 15 juillet 1789. La commode fut vendue au moment des ventes révolutionnaires.

Le château de Versailles la rachète en 1964. 

Le fauteuil de la comtesse d’Artois au château de Versailles 
( texte et photographies de Christophe Duarte ; Versailles-passion )

Après une quasi-inexistence à la Cour, elle s’éteint à l’âge de quarante-neuf ans,dans la solitude à Graz. Elle est enterrée à Graz, dans le mausolée impérial sis à côté de la cathédrale de la ville.

L'acte de décès officiel conservé dans le livre «La noblesse dans les Matriken de la ville de Graz» rapporte le décès de «Son Altesse Royale, Madame Marie-Thérèse, comtesse d'Artois, née princesse royale de Sardaigne, âgée de 49 ans, suite à une détérioration organique (consommation)».
Le dimanche 8 juin 1805
 
Après que son corps sans vie a été ouvert, le cœur est placé dans une urne en argent, le cerveau et les intestins dans une urne en cuivre, le corps est embaumé de la manière habituelle et  reste dans une pièce de son appartement dans la maison Rumaschusslishen, sur un lit de parade, où devant un détachement de grenadiers et une servante, deux prêtres célèbrent un office religieux.
Puis le cadavre, resté ici jusqu’à cinq heures de l’après-midi, est placé dans un coffre, scellé par son excellence le gouverneur de la région du duché de Styrie et de Carinthie, Philippe, Comte de Wetsberg Raitenau.
                                                                                                                  A cinq heures
outes les cloches ont sonné lors du passage du cortège solennel, au cours duquel les restes terrestres de SAR ont été enterrés dans le Mausolée de l’Empereur Ferdinand II, près de la cathédrale locale. Les pauvres de la ville et des membres des hôpitaux ouvrent le cortège funèbre. Ils sont suivis par les écoles allemandes, puis les étudiants du collège royal et impérial et du séminaire religieux, les réguliers et le clergé local, puis le curé de la cathédrale. Le cercueil est entouré des serviteurs de SAR, portant les chandeliers, tandis que les grenadiers de la garnison montent la garde. Suivent ensuite, le confesseur de la défunte, le gouverneur de la province, les autres notabilités, les citoyens libres de la région en tenue de deuil. Au mausolée, attendent, le comte de Waldstein avec le chapitre de la cathédrale. Puisque la comtesse d’Artois appartient à une maison royale, sa dépouille a été transférée au Mausolée de Graz, dans la chapelle princière, à la demande du Gubernium de Graz au comte de Colloredo à Vienne, à savoir … si le corps de la comtesse d’Artois déposé au Mausolée, pour être enterré dans la crypte.
L’autorisation d’inhumation arrive deux mois après la mort de la princesse en août 1805.

Après les funérailles qui sont splendides, son corps est enterré dans la crypte du mausolée de L’Empereur Ferdinand.

Le 4 août 1805

Suivant le désir qu ‘avait exprimé la comtesse, son corps est ouvert. Le fait est prouvé par cette lettre de Mgr de la Fare :

 

« J’ai été chargé, écrit-il à Mr Croiset, par les derniers ordres que j’ai reçu du Rois, de vous demander le procès verbal de l’ouverture du corps de Madame. Envoyez-le moi le plus promptement possible afin que je puisse le réexpédier aussitôt à Mittau. Ce n’est point entre les main de Mgr le Duc d’Angoulême pour qui ces tristes détails seraient trop déchirants, mais entre celles du Roi que cet acte doit être remis . »

Le 15 août 1805

Mgr de la Fare écrit à Mr Croiset :

« J’ai à vous communiquer les dernières intentions du Roi relativement à la sépulture de Madame S.M. qui conserve toujours l’espérance de réunir un jour ses cendre à celle des Rois ses aïeux veut aussi pouvoir faire déposer dans le tombeau de sa Maison la dépouille mortelle de Madame.
Pour cela, le Roi désir qu’il en soit usé pour Madame Adélaïde et Victoire, et que le cercueil demeure comme en dépôt dans l’honorable lieu où il a été mis. Personne ne peut mieux que vous , Monsieur, qui avez été témoin et agent de tout ce qui a été fait relativement à Mesdames, traiter cet objet avec le Comte de Welsberg et de le faire conclure au gré de S.M. et de la famille Royale.
Je me repose donc sur vous de ce soin, vous priant de m’instruire de tous ce que vous avez pu faire et terminer à cette égard. »

Mausolée de l'Empereur Ferdinand à Graz

Marie-Thérèse repose au mausolée impérial de Graz, ville où elle est décédée :

« Ici est le cœur de Très haute, très illustre et très puissante Princesse Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois, morte à Graz le 2 juin 1805»

En 1839

L’urne se trouve nichée dans un mur situé en face du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France. Elle y sera placée par le duc d’Angoulême en 1839 seulement.

Le cœur de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois est déposé dans cette urne près du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France, en l'église Santa Caterina à Naples, par son fils, le duc d'Angoulême. La comtesse d'Artois avait émis cette clause dans son testament, en signe de l'amitié que les deux femmes partageaient en commun.
Le tombeau de Clotilde de France Église Santa Caterina a Chiaia à Naples Par Jean-Pierre Franque, XIXe siècle Commande du Roi Louis XVIII en 1818 pour les collections royales

Sources : 

  • Antoinetthologie
  • Versailles -passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Dans l’ombre de Marie-Antoinette, les Comtesses de Provence et d’Artois, groupe FB de Dominique Poulin

Son fils, Louis-Antoine, duc d’Angoulême épouse au palais de Mittau en Russie sa cousine germaine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI. Le couple n’aura pas d’enfants.

Louis XVI et Marie-Antoinette ont péri sur l’échafaud six ans plus tôt, mais il n’y a pas non plus les parents du marié. Le comte d’Artois réside à Londres depuis un certain temps, et même la pauvre comtesse d’Artois qui réside depuis quelques mois à Klagenfurt, en Autriche, n’y assiste pas, peut-être à cause de sa mauvaise santé, ou bien encore peut-être encore une fois, on la considère comme quantité négligeable !!! Malgré la précarité de sa situation économique, elle envoie aux jeunes mariés un service de toilette en argent comme cadeau de mariage.

Louis XVIII préside la cérémonie. Il a invité à cette occasion, sa femme, la Reine Marie-Joséphine, qui s’est déplacée spécialement de sa retraite en Bavière jusqu’en Courlande. Le duc de Berry, le frère cadet du duc d’Angoulême, n’est pas présent également et est resté à Londres auprès de son père.
Le duc d'Angoulême de Kinson François, Musée des Beaux Arts de Bordeaux

Seule et oubliée de tous, y compris de sa famille, Marie-Thérèse a la joie de pouvoir serrer dans ses bras, son deuxième fils Charles Ferdinand, duc de Berry, peut-être le seul de sa famille, qui se souvenant parfois d’elle, a à son égard des élans de tendresse, qui bien que peu fréquents, n’en sont pas moins touchants.

En février 1800

Marie-Thérèse reçoit une lettre de son fils, qui devant traverser la Carinthie, lui annonce son arrivée imminente :

 

« Aimez toujours votre cher Berry, chère Maman, il le mérite par son tendre attachement à son égard. N’écoutez rien d’autre que son cœur. Comment ne pas aimer la meilleure des mères ?»

Le jeune Berry s’arrête donc à Klagenfurt en provenance de Mittau, pour se diriger ensuite vers Palerme à la demande de Louis XVIII.

En avril 1800

Le duc d’Angoulême qui se trouvait à Pontebba à la tête d’un régiment de cavalerie de l’armée de Condé, se rend également à Klagenfurt pour l’embrasser, se retrouvant non loin de sa mère qu’il n’avait pas revue depuis huit années. La rencontre est émouvante et la séparation douloureuse.

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême qui sera Dauphin de France

 

En mai-juin 1800

Le duc d’Angoulême revoit sa mère, la comtesse d’Artois, qui vit, à cette époque, à Klagenfurt. Ils ne s’étaient revus depuis 1792. Ce sera leur dernière entrevue. Ils ne se reverront plus jamais.

Le 7 mars 1802

Mort de la Reine de Sardaigne,  Clotilde de France, qui sera reconnue «vénérable» par l’Eglise catholique en 1808.

Veuf, Charles-Emmanuel abdique en faveur de son frère, Victor-Emmanuel Ier (1759-1824) et entre comme simple religieux dans la Compagnie de Jésus  en 1815.

Charles-Ferdina nd, duc de Berry
Louis-Antoine, duc d'Angoulême
Par ailleurs, depuis sa résidence de Mittau en Courlande, Louis XVIII inquiet à ce que le mariage du duc d’Angoulême et de Madame Royale ne donne pas d’héritier au trône, prépare des négociations pour le mariage du duc de Berry. Le prince, de Lintz, rend visite à sa mère, en continuant son voyage vers l’Italie et Palerme.
A Palerme, le jeune homme doit choisir entre les deux plus jeunes filles du souverain napolitain, Ferdinand IV, la douce Marie-Amélie qui doit épouser plus tard le duc d’Orléans, et l’ingrate Marie-Christine. Le duc de Berry fait semblant de tomber amoureux de Marie-Christine, qui ne demande rien de mieux que d’épouser un prince plein d’entrain. En revanche, les souverains napolitains ne partagent pas l’enthousiasme de leur fille cadette lorsqu’ils apprennent que le duc n’a pas d’établissement égal à son rang à proposer. Ils refusent purement et simplement d’accorder la main de leur fille. Le duc de Berry reste donc célibataire dans l’immédiat.
 
La famille royale de Naples
Au mois de mars 1801
 
De son côté, le duc d’Angoulême qui sert au sein de l’armée de Condé qui vient d’être licenciée, décide de rejoindre son oncle, Louis XVIII à Varsovie en Pologne. Le souverain en exil, a dû, la mort dans l’âme, quitter sa résidence de Courlande sur un ordre d’expulsion du tsar Paul 1er. Le Roi de Prusse a alors accordé, du bout des lèvres, l’installation du prétendant à Varsovie, alors sous juridiction prussienne
 
L'ex-Roi Charles-Emmanuel vers la fin de sa vie

 

Le 2 octobre 1804

La comtesse quitte Klagenfurt ; elle s’installe dans la ville de Gratz en Autriche où elle arrive le 14 octobre 1804, les probabilités de la guerre entre les autrichiens et la France de Napoléon se confirmant. Dans ces deux localités, Marie-Thérèse laisse le souvenir d’une princesse marquée par le malheur, estimée des populations.

La Reine Clotilde en prière. Éloignée du trône et de sa famille, la Reine se réfugie dans la piété en attendant de se retirer de la vie officielle.

Le séjour à Gratz permet à la comtesse de correspondre plus rapidement avec Mittau où réside son fils, le duc d’Angoulême, et le prétendant au trône de France, le comte de Provence. Pensionnée par la cour d’Espagne, elle vit modestement comme une ombre flétrie prématurément par des sens trop fragiles. A Graz, elle devient d’humeur fantasque et irascible en soupçonnant les derniers domestiques qu’elle a à son service de vouloir l’empoisonner. Ses signes de dérèglement du comportement alertent son entourage. Quelques fidèles, rescapés de la Cour de Versailles, qui vivent à ses crochets, demeurent encore auprès d’elle. On estime cet entourage réduit à moins de vingt personnes.

Graz en Autriche
Au début du XIXe siècle
 
A Graz, se trouve un logement en plan centre ville, dans un immeuble situé sur la Fliegenplatz, au numéro 1, aujourd’hui Glockenspielplatz, au numéro 5. L’édifice qui existe encore et qui donne sur une petite place, est un sobre bâtiment de trois étages avec un portail surmonté de deux lions. Sa façade est marquée par une plaque intitulée «palais des Enffans d’Avernas, 1697»). Une petite rue montante, mène à la cathédrale et au mausolée voisin.
On sait combien Marie-Thérèse aura parcouru cette petite rue, qui de chez elle, en quelques minutes, mène à la cathédrale voisine, pour se consacrer à la dévotion et à ses prières sous les voûtes de ce monument dédié à Santa Egidio.
L’abbé de Pons, son premier aumônier, qui faisait partie de son service, ne peut rester avec elle car il n’a pas reçu l’autorisation de rester avec son auguste maîtresse pour des raisons politiques. Les dernières années de la vie de la comtesse d’Artois en Autriche sont entièrement consacrées à la prière et aux charités. Elle vit modestement dans une sorte de retraite au sein des petites pièces, simplement meublées, qui composent sa demeure.
Le dernier logement de Marie-Thérèse d'Artois
En regardant le registre de ses dépenses tenu par Mr Gachelin, son administrateur, on constate à quel point son niveau de vie est limité.
Il contient des curiosités : les frais de garde-robe, châles, coiffes, robes et jupes varient de 20 à 40 francs par mois. Un seul mois représente 60 francs de dépenses. Le prix du blanchissage est encore plus bas, il ne dépasse pas 35 livres, et certains mois il ne s’élève qu’à 13 livres.
En revanche, les aumônes sont fréquentes ainsi que les «vêtements pour les pauvres». C’est justement cette dernière mention qui revient le plus fréquemment sur les pages de ce vieux registre.
Les frais de toilette sont mentionnés selon les termes de l’époque : pommades, onguents, parfums et poudres colorantes.
Parmi la suite de la comtesse d’Artois, se trouve un prêtre, l’abbé Virginio, qui souhaite la placer dans un couvent ou à son avis, elle bénéficierait de meilleurs soins, étant donné que sa santé continue à se dégrader. Il  présente sa demande au vice-chancelier d’Etat, le comte Cobenzl, à Vienne, sans toutefois en informer la princesse. Cette demande n’aboutit pas, la comtesse d’Artois,  renseignée après coup, déclare n’avoir pas songé à demeurer dans un couvent. Elle vit cependant tout comme si elle s’y trouvait… 

Le 23 septembre 1803

Alors qu’elle était encore en pleine possessions de ses faculté, la comtesse d’Artois rédige son testament. Marie-Thérèse l’écrit entièrement de sa main.

A l’automne de 1804
 
Marie-Thérèse désireuse de pouvoir s’installer à Vienne, a adressé une demande au Gubernium de Graz, pour pouvoir entreprendre le voyage depuis Klagenfurt, en passant par Graz et Wienerisch-Neustadt, vers la capitale de l’empire où se trouve selon les informations en sa possession à l’époque, le duc et la duchesse d’Angoulême. Le Gubernium de Graz transmet à son tour cette demande à la Cour de Vienne mais elle ne reçoit pas un accueil favorable, car entre-temps le fils de la comtesse d’Artois et sa femme se sont réinstallés à Mittau en Courlande sur l’invitation du Tsar Alexandre Ier. La malheureuse comtesse d’Artois voit donc la dernière chance de revoir son fils aîné et de pouvoir serrer dans ses bras sa belle-fille, une princesse qu’elle n’avait pas revue depuis 1789.
S’etant vue refuser la possibilité de rejoindre Vienne, où sa présence n’estt pas souhaitée, et peut-être redoutée, elle décide néanmoins de quitter Klagenfurt et de s’installer de sa propre initiative à Graz, la capitale de la Styrie, à environ cent cinquante kilomètres de là.
En même temps, elle a adressé de nouvelles demandes courtoises pour pouvoir demeurer dans cette ville.
 
Le 11 octobre 1804
 
Elle quitte donc Klagenfurt , accompagnée de sa petite suite, et prend la route de Graz.

« Mon testament fait et écrit de ma propre main à Klagenfurt en Carinthie, le 23 du mois de septembre de l’an de grâce 1803.

Au nom du père, du fils, du saint esprit. Ainsi soit-il .
Le triste état de ma santé qui dépérit tous les jours me menace d’une fin prochaine .
Il est de mon devoir de m’occuper sans délais de tout ce qui peut contribuer à la réparation de mes fautes , à la tranquillité de ma conscience, à la paix de ma famille et de ma Maison et au salut de mon âme.
C’est en même temps une douce consolation pour moi d’exprimer à tous mes parents et à toutes personne avec qui j’ai vécu les juste sentiments d’estime, de reconnaissance et d’attachement qui m’animent à leur égard .
Je veux vivre et mourir dans le sein et communion de la sainte Catholique Apostolique et Romaine , église à laquelle j’ai toujours été fermement attachée d’esprit et de cœur, la seule véritable Eglise de Jésus-Christ, Hors de laquelle il n’y a point de salut.
Je recommande mon âme à DIEU, mon créateur et rédempteur et le supplie humblement de ne pas me juger selon la sévérité de sa justice, ni selon le nombre et l’énormité de mes péchés, mais selon son infinie miséricorde et les mérites de Sainte Marie et passion.
Je me soumets à sa Sainte volonté pour tout ce qu’il voudra ordonner de moi pendant le reste de ma vie et pour le temps et lieu de mon trépas et le genre de mort qu’il lui plaira de me décerner.
Je remercie, Monsieur, cher époux, le Roy, la Reine de France ma sœur, le Rois et la Reine de Sardaigne, mes autres frères et sœur, tous les princes et autre personnes avec qui je vivais jusqu’à mon dernier décès, de toutes leurs bonté pour moi, de tous les services qu’ils m’ont rendus et surtout de m’avoir supportée malgré mes imperfections et mes défauts .
Je leur demande pardon à tous des scandales, injustices et autres torts dont je me serais rendue coupable envers eux, les priant de tout oublier comme si quelqu’un avait jamais eu quelque tort envers moi, je les assure que depuis longtemps j’ai tout oublié et je me souviens que de leurs bons procédés envers moi.
Je les supplie tous de m’accorder les suffrages de leurs prières et autres bonnes œuvres pour ma rédemption de mon âme. Je fais la même demande …. à toutes les personnes qui ont composé ma Maison et à celles qui la composent encore et à celles qui la composeront du temps de mon décès, à celles qui ont été à mon service et à celles qui y sont encore ou y seront tant que je vivrai, à toutes celles enfin avec qui j’aurai eu quelque rapport pendant tout ma vie.
Je leur fais de mon côté et de tous mon cœur les mêmes assurances d’oubli et de pardon de ce qu’ils pourraient avoir à ce reprocher envers moi.
Je leur recommande à tous de vivre en bon Chrétien, de prier pour moi et se souvenir que nous sommes sur la terre que pour mourir.
Je recommande à mes chers enfants de rester inviolablement attachés à la religion Catholique et d’en pratiquer fidèlement les devoirs ; elle seule peut les soutenir dans les peines de cette vie et faire leur véritable honneur.
Je regrette de ne leur avoir pas donné dans leur jeunesse tous les bon exemples et tous les soins que je leur devais. La bonne opinion que j’ai d’eux me fait espérer qu’ils continueront de vivre parfaitement soumis à leur père, intimement unis entre eux et qu’il se rendront dignes des bontés du Roy, de la Reine de France, du Rois et la Reine de Sardaigne et de tous les Princes et Princesses de nos deux familles royales où ils trouveront les exemples de toutes les vertus qu’ils ont à cultiver et toute la protection qui leur deviendra nécessaire dans l’infortune où ils se trouvent réduits.
Je veux qu’après mon trépas on me laisse au moins 24 heures dans mon lit en mon état naturel, qu’ensuite l’on m’ouvre pour plusieurs raison :
Pour voir le genre de maladie dont je serai morte, qu’on m’embaume en commençant l’ouverture par la plante des pieds, qu’on sépare mon cœur de mon corps, que pendant l’intervalle de mon décès et de ma sépulture il y ait toujours dans ma chambre quelque pieux ecclésiastique ou religieux occupé à prier pour le repos de mon âme……Quant au lieu de ma sépulture, je veux que le cadavre de mon corps, sans le cœur , soit enseveli dans le pays où je serai décédée et je désire très vivement et veux absolument que mon cœur en soit séparé et envoyé à Caserte pour être enterré dans la même église que le corps de Marie Adélaïde Clotilde Navière de France, Reine de Sardaigne, ma belle-sœur. Quant au reste de ce qui regarde la sépulture de mon corps et choix de l’église du lieu où je mourrai, on le fixera ou on jugera à propos, eu égard de l’endroit où je décéderai et aux autres circonstances qui pourront survenir, mais je recommande la simplicité et la modestie dans les obsèques et veux qu’on préfère aux dépense d’un appareil extérieur celles qui me procureront aussitôt après ma mort un plus grand nombre de messes et apporteront un plus grand soulagement aux pauvres du lieu où je décéderai.
Je confie l’exécution de mon testament et de cet article spécialement à Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset qui prendront l’avis du Père Charles Paul ancien supérieur des Chartreux, mon confesseur, que je charge de veiller à ce que mes intentions soient remplies…
Je lègue ma bibliothèque à mon fils, le Duc d’Angoulême.
Je laisse à mon fils, le Duc d’Angoulême, en sa qualité de mon fils aîné un capital du rapport de 20.000Fr par an à prélever sur mon héritage…
Je laisse à mes deux enfants… tout ce que je possède …. Tout à tous les deux en conservant la prérogative du droit d’aînesse de mon fils, le Duc d’Angoulême.
Dans le cas que les arrérages qui sont dus des bien appartenant à la famille royale de France soient rendu en compensés, j’entends que l’on paye les arrérages dus aux personnes qui me sont attachées dans la même proportion qu’on les aurait rendus à moi même ou bien qu’on les rendrait à la réclamation de mes enfants après ma mort.
Bon regret est de ne pas avoir de quoi laisser à chacun ce que mon affection m’inspirerait de leur donner et qui pourrait leur devenir d’un grand secours dans les tristes conjonctures où je les laisse.
Je prie mon mari, mes enfants, le Roy et la Reine de France, le Rois et la Reine de Sardaigne de leur accorder à tous bien vaillance et protection, regardant comme fait à moi même tout le bien qu’ils daigneront leur faire.
Je charge mes enfants d’adresser aussitôt après ma mort en mon nom et aux leurs des remerciement à leurs Majestés le Roy et la Reine d’Espagne de leurs bontés pour moi depuis ma sortie de France jusqu’à mon décès.
Je charge Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset d’envoyer aussitôt après mon décès copie du présent testament à mon époux, à mes enfants, au Roy et à la Reine de France, aux Rois et la Reine de Sardaigne .
Apres avoir écrit le présent testament de ma main, l’avoir lu attentivement et relu, je déclare persister dans son contenu.
Daigne le Dieu de bonté me recevoir dans sont paradis et ma faire la grâce de m’y voir réunie à mes ancêtres, à mes enfants, à toute ma famille et Maison.
                             Signé : Marie-Thérèse Comtesse d’Artois

Le nouveau testament qui est le bon, a été lu deux jours avant la mort de Madame, déjà trop faible pour signer, en sa présence, à in des docteur de Sartorius, médecin en chef de l’Hôpital de Gratz et Bernard de Fabry, conseiller et médecin du corps de S.M Impériale et Royale. Dans ce second document Mr Croiset n’est plus mentionné, les personne attachées à la personne de Madame n’ont plus le droit qu’à la « générosité et la justice des héritiers. » Il est permis de supposer que l’intervention de Mr Berger ne fut pas étrangère à cette modification . Mr Croiset, en raison de la confiance que lui témoignait la Comtesse d’Artois, était en but à la jalousie de Mr Berger qui intrigua. Un fait plus important ressort de la comparaison des deux testament . Dans le premier le Duc d’Angoulême était avantagé, Madame voulait lui conserver les ‘’ prérogatives du droit d’aînesse.’’ Dans le second les deux frères sont traités pour le partage sur un pied d’égalité, il est vraisemblable que ce changement est pour effet des recommandations faites au nom de la famille royale par l’évêque de Nancy.

             Voici les parties essentielles du second testament :

En avril 1805

Les forces de la comtesse d’Artois déclinent lentement, à tel point que dans le Gubermium de Graz, on trouve des demandes d’instructions transmises à Vienne sur la manière de «se comporter au cas de la mort de la comtesse d’Artois surviendrait ici», en prévision de son enterrement…

En effet, depuis trois mois, Marie-Thérèse sent que la mort approche, ses forces diminuent continuellement comme une bougie qui s’éteint.

Testament du 1er Juin 1805

1- 1- « Je nomme et institue par la présent testament pour mes héritiers universels de tout ce que je pourrai avoir en ma possession et généralement de tout ce qui pourrait m’appartenir au moment de mon décès, Louis Antoine Duc d’Angoulême et Charles Ferdinand duc de Berry, mes deux fils, pour tout, attendu la modicité, être partagé entre eux par égale portions, aux restrictions ci-après exprimées ; dans le cas où l’un de mes héritiers ci-dessus institués viendrait à me précéder, je lui substitut mes enfants en légitime mariage pour la part et portion seulement qui aurait dû appartenir au prémourant et à défaut d’enfant le survivant des deux pour le tous et si j’avais le malheur de survivre à mes deux enfants morts sans postérité (ce que Dieu ne plaise) je leur substitue ma très chère et bien-aimée belle-fille, Madame Duchesse d’Angoulême que je nome et qu j’institue au dit cas pour mon héritière universelle et , à son défaut, sa Majesté le Roy de Sardaigne, Victoire Emmanuel, aux conditions ci-après exprimées :
2- 2- J’autorise mon cher fils Louis Antoine, Duc d’Angoulême, à prendre avant partage, la bibliothèque de France, s’il peut la revoir, et à condition d’en brûler les mauvais livres.
3- 3- Je charge mes héritiers universels ci-devant institués d’assigner dans une église à leur choix un fond suffisant dont le produit annuel puisse équivalez à la rétribution de cinquante messes basses que je désire être annuellement et à perpétuité célébrées pour le repos de mon âme. Je les charge aussi de se conformer au contenu de la lettre qui sera jointe au présent pour n’être ouverte et lue que par eux.
4- 4- Je prie toutes les personne qui ont ci-devant composé ma Maison de recevoir les expressions de ma reconnaissance pour l’attachement qu’elles m’ont toujours témoigné et à l’égard de celles que leur dévouement a déterminé à me suivre et qui se trouvèrent avec moi le jour de mon décès. Je m’en rapporte à la générosité et à la justice de mes héritiers pour les récompenser chacune à raison de son rang, de ses services et de son ancienneté et, attendu le malheur des temps, je les recommande en outre aux bontés de Monsieur.
5- 5- Je prie également Mr le Comte de Welsberg de recevoir tous mes remerciement pour le zèle , qu’il voudra bien m’en donner encore une dernière après ma mort en s’employant pour faire exécuter ponctuellement le présent testament, exécution que je confie aux soins de la personne qui sera désignée par les Princes, mes fils….
Madame a déclaré ne pouvoir signer, attendu sa grande faiblesse
Daté du Samedi 1er Juin 1805 »

Ce même jour, une lettre de la comtesse d’Artois est adressée au vice-chancelier Cobenzl, pour être adressée à Sa Majesté la Reine d’Espagne, afin que la pension qui lui a été accordée par la Cour de Madrid, puisse être reversée à ses deux enfants, après sa mort.

Il est touchant de voir comment cette mère attentionnée prend soin de ses enfants qui l’ont presque oubliée au seuil de la mort !

Le 2 juin 1805
A quatre heures du matin

Après une quasi-inexistence à la Cour, elle s’éteint à l’âge de quarante-neuf ans,dans la solitude à Graz. Elle est enterrée à Graz, dans le mausolée impérial sis à côté de la cathédrale de la ville.

L'acte de décès officiel conservé dans le livre «La noblesse dans les Matriken de la ville de Graz» rapporte le décès de «Son Altesse Royale, Madame Marie-Thérèse, comtesse d'Artois, née princesse royale de Sardaigne, âgée de 49 ans, suite à une détérioration organique (consommation)».
Le dimanche 8 juin 1805
 
Après que son corps sans vie a été ouvert, le cœur est placé dans une urne en argent, le cerveau et les intestins dans une urne en cuivre, le corps est embaumé de la manière habituelle et  reste dans une pièce de son appartement dans la maison Rumaschusslishen, sur un lit de parade, où devant un détachement de grenadiers et une servante, deux prêtres célèbrent un office religieux.
Puis le cadavre, resté ici jusqu’à cinq heures de l’après-midi, est placé dans un coffre, scellé par son excellence le gouverneur de la région du duché de Styrie et de Carinthie, Philippe, Comte de Wetsberg Raitenau.
                                                                                                                  A cinq heures
outes les cloches ont sonné lors du passage du cortège solennel, au cours duquel les restes terrestres de SAR ont été enterrés dans le Mausolée de l’Empereur Ferdinand II, près de la cathédrale locale. Les pauvres de la ville et des membres des hôpitaux ouvrent le cortège funèbre. Ils sont suivis par les écoles allemandes, puis les étudiants du collège royal et impérial et du séminaire religieux, les réguliers et le clergé local, puis le curé de la cathédrale. Le cercueil est entouré des serviteurs de SAR, portant les chandeliers, tandis que les grenadiers de la garnison montent la garde. Suivent ensuite, le confesseur de la défunte, le gouverneur de la province, les autres notabilités, les citoyens libres de la région en tenue de deuil. Au mausolée, attendent, le comte de Waldstein avec le chapitre de la cathédrale. Puisque la comtesse d’Artois appartient à une maison royale, sa dépouille a été transférée au Mausolée de Graz, dans la chapelle princière, à la demande du Gubernium de Graz au comte de Colloredo à Vienne, à savoir … si le corps de la comtesse d’Artois déposé au Mausolée, pour être enterré dans la crypte.
L’autorisation d’inhumation arrive deux mois après la mort de la princesse en août 1805.

Après les funérailles qui sont splendides, son corps est enterré dans la crypte du mausolée de L’Empereur Ferdinand.

Le 4 août 1805

Suivant le désir qu ‘avait exprimé la comtesse, son corps est ouvert. Le fait est prouvé par cette lettre de Mgr de la Fare :

 

« J’ai été chargé, écrit-il à Mr Croiset, par les derniers ordres que j’ai reçu du Rois, de vous demander le procès verbal de l’ouverture du corps de Madame. Envoyez-le moi le plus promptement possible afin que je puisse le réexpédier aussitôt à Mittau. Ce n’est point entre les main de Mgr le Duc d’Angoulême pour qui ces tristes détails seraient trop déchirants, mais entre celles du Roi que cet acte doit être remis . »

Le 15 août 1805

Mgr de la Fare écrit à Mr Croiset :

« J’ai à vous communiquer les dernières intentions du Roi relativement à la sépulture de Madame S.M. qui conserve toujours l’espérance de réunir un jour ses cendre à celle des Rois ses aïeux veut aussi pouvoir faire déposer dans le tombeau de sa Maison la dépouille mortelle de Madame.
Pour cela, le Roi désir qu’il en soit usé pour Madame Adélaïde et Victoire, et que le cercueil demeure comme en dépôt dans l’honorable lieu où il a été mis. Personne ne peut mieux que vous , Monsieur, qui avez été témoin et agent de tout ce qui a été fait relativement à Mesdames, traiter cet objet avec le Comte de Welsberg et de le faire conclure au gré de S.M. et de la famille Royale.
Je me repose donc sur vous de ce soin, vous priant de m’instruire de tous ce que vous avez pu faire et terminer à cette égard. »

Mausolée de l'Empereur Ferdinand à Graz

Marie-Thérèse repose au mausolée impérial de Graz, ville où elle est décédée :

« Ici est le cœur de Très haute, très illustre et très puissante Princesse Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois, morte à Graz le 2 juin 1805»

En 1839

L’urne se trouve nichée dans un mur situé en face du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France. Elle y sera placée par le duc d’Angoulême en 1839 seulement.

Le cœur de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois est déposé dans cette urne près du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France, en l'église Santa Caterina à Naples, par son fils, le duc d'Angoulême. La comtesse d'Artois avait émis cette clause dans son testament, en signe de l'amitié que les deux femmes partageaient en commun.
Le tombeau de Clotilde de France Église Santa Caterina a Chiaia à Naples Par Jean-Pierre Franque, XIXe siècle Commande du Roi Louis XVIII en 1818 pour les collections royales

Sources : 

  • Antoinetthologie
  • Versailles -passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Dans l’ombre de Marie-Antoinette, les Comtesses de Provence et d’Artois, groupe FB de Dominique Poulin

On célèbre la cérémonie de baptême du duc d’Angoulême, dix ans, et du duc de Berry, qui a sept ans et demi. Le Roi et la Reine sont les parrains du duc d’Angoulême. Les parrains du petit-duc de Berry sont Carlos III, Roi d’Espagne (représenté par le comte Provence) et sa marraine, Marie Antoinette d’Espagne, Reine de Sardaigne (représentée par la comtesse de Provence).

A la chapelle royale de Versailles, la cérémonie est précédée par Armand de Roquelaure, évêque de Senlis. Aucun prince n’a le ruban bleu sur son costume. Les cent gardes suisses sont en grande tenue.

 

Le 19 septembre 1785

Décès de sa mère, Marie-Antoinette d’Espagne (née en 1729), au château de Moncalieri, près de Turin.

Elle est enterrée à la basilique de Superga.

Le 2 août 1786

 « J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aie pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-telle comme en prison à Versailles. » Il poursuit : « Il faut convenir qu’elle est devenue bien raisonnable et que son dévouement aux volontés de Monseigneur et, l’on peut dire, de son administration mérite quelque chose».

Bourboulon, intendant de la comtesse d’Artois, à M. de Verdun, trésorier du comte d’Artois

Sculpture en cire de Francesco Orso représentant la Reine de Sardaigne, Maria-Antonia de Bourbon

La Maison de l’Electeur, dite le château de Béarn, à Saint-Cloud, est de 1786 à 1789, la villégiature de la comtesse d’Artois qui en fait son Trianon, à l’instar de Marie-Antoinette, de la comtesse de Provence, de Madame Élisabeth et de tant d’autres grandes dames.

Le château de Béarn

Ce château, que l’on appelle exagérément une maison, était loué pour Marie-Thérèse de Savoie qui sort enfin de la solitude de Versailles ou elle s’etiolait. Il ne reste rien de cet édifice de nos jours.

Le 16 août 1786

 Un courrier de M. de Verdun rapporte au comte d’Artois que c’est «une pitié que de voir madame la comtesse d’Artois seule, abandonnée à Versailles, livrée à l’ennui et aux dégoûts.» et que «Depuis longtemps elle se conduit d’une manière édifiante» .

Le comte d’Artois accepte finalement que la comtesse loue la maison dite de l’Électeur à Chalut, pour un loyer annuel de 18 000 livres.
Mais la dépense sera, de facto, bien plus considérable.
Voici le compte des frais engagés en 1786 et 1787 pour le «Trianon» de la comtesse d’Artois à Saint-Cloud  :

Le château de Béarn

« Le Pavillon de St Cloud, fut loué en partie meublé. Tous les meubles du propriétaire furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître».
La princesse se servit, en effet, d’une partie du mobilier du propriétaire, comme celui des principales pièces de réception, celui des logements et des chambres de service. Le garde meuble privé du comte d’Artois y envoya donc quelques meubles d’acajou antérieurement livrés par l’ébéniste Mathieu Guillaume Cramer.

sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le garde meuble du prince apposa une marque composée de lettres entrelacées SC ( St Cloud ) au centre d’un cartouche ovale dentelé ( écu de la province d’Artois ). Les lettres GM, apposées sous les cartouches devaient signifier probablement la marque du garde meuble, non en tant que réserve de meubles, mais, en tant qu’administration du garde meuble princier.
Les ébénistes et menuisiers Jacob et Lelarge fournissent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier du temps, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse , l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement, L’ébéniste JH Riesener fut chargé de l’exécution d’ouvrages plus précieux en partie réservé à l’usage exclusif de la princesse. De nombreux sièges peints en blanc vernis, des paravents, des voyeuses, des canapés, plusieurs petites tables seront commandés à Jacob, Lelarge. En 1788, 1 000 livres étaient dues à ce fournisseur qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la princesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table tric-trac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées ou portent les marques du garde-meuble de la princesse. Nous pouvons aujourd’hui admirer de très belles pièces d’ébénisterie, comme, par exemple , le secrétaire du boudoir retrouvé grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble fabriqué pour le pavillon .»

La princesse ne fera pas de grands travaux dans son «Trianon», elle n’en profitera que trois ans de 1786 à 1789 se contentant toutefois de le meubler somptueusement et comme sa sœur de Provence par les ébénistes les plus célèbres.

En 1787

Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.

« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »

Mémoire du comte d’Hézecques

Au mois d’octobre 1787

La comtesse d’Artois demande qu’un plancher soit construit au-dessus de la corniche de sa chambre afin de diminuer la hauteur du plafond de sa chambre. Sans doute, avait-elle froid et entendait, en réduisant le volume de la pièce, la réchauffer.

Portrait en trait de plume de la comtesse d'Artois par Marie Jeanne Bernard, vers 1785
L' abbé Colla de Pradines, aumônier par quartier de la comtesse d'Artois en 1789. Portrait par Wermuller, collection particulière.

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux.

La Reine et les princesses ne sauraient manquer à leur premier devoir en matière de représentation, soigner leur parure. Lorsque la Reine est souffletée par le cri de «Vive le duc d’Orléans», la souveraine vacille. On craint un malaise. Ni Marie-Thérèse, ni Marie-Joséphine ne se précipite pour La secourir. Ce sont Madame Elisabeth et la princesse de Lamballe qui se sont offertes. Satisfaction éphémère de Marie-Joséphine. Décidément ces deux femmes ne s’aiment pas. 

Le 4 juin 1789

Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Le 14 juillet 1789

Prise de la Bastille.

La prise de la Bastille dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Ce n’est pas tant la prise de la Bastille qui effraie, c’est avant tout la fureur du peuple qui dans son insurrection à publié la fameuse liste noire, la liste où sont inscrits toutes les personnes qu’il faut abattre. La Reine est un tête de la liste suivie de son beau-frère Artois.

Le 16 juillet 1789

Le comte d’Artois émigre avec ses deux fils, les ducs d’Angoulême et de Berry. Marie-Thérèse quitte la France dans ce premier fourgon d’émigrés, emportant le nécessaire, pensant surtout revenir. Pour preuve, elle avait commandé un service de porcelaine à Sèvres, identique à celui Riche en Or et en Couleur de Marie-Antoinette qui venait à peine de lui être livré et qu’elle laissa en France pensant le retrouver assez vite. Elle se réfugie à Turin, au sein de sa famille, où elle loge un temps avec son époux.

En trois jours Versailles et la Cour de France ne sont plus qu’un souvenir.

On suit toujours l’évolution des faits à travers la dense correspondance cryptée à Turin par le marquis de Cordon :

« 10 août 1789,
J’ai été informé du bruit public que madame la comtesse d’Artois doit se rendre à Turin et que dans la réforme qu’on projette de faire dans la maison du comte d’Artois, douze gardes du corps seront retenus pour accompagner la princesse au Pont-de-Beauvoisin.
De là découle l’hypothèse que le prince, son mari, doit également s’y rendre. Même si je n’en sais rien, et qu’aucune personne ne m’en a parlé comme d’une décision prise, je ne veux pas négliger de vous en faire part, non pas d’un projet réel, mais comme une proposition possible
»

« 14 août 1789,
Aujourd’hui, je ne vous raconte plus le voyage du comte d’Artois à cause des rumeurs de la rue, mais parce que la comtesse d’Artois, elle-même, me l’a raconté J’ai eu l’honneur de la rencontrer seule mardi. Elle me confia que son mari lui avait écrit qu’il voulait amener les enfants au roi et les lui confier, puisqu’il ne doutait pas qu’elle désirait vraiment faire ce voyage, elle le ferait.
Il l’aurait informé du moment où il pourrait le faire, afin qu’il puisse les atteindre et arriver tous ensemble.
Bien que je ne puisse douter de la satisfaction que ce projet apporte à la princesse, n’ayant aucun ordre du roi à cet égard, et ignorant ses intentions, je me suis néanmoins permis de lui dire que son départ pourrait lui nuire. Elle ne doit pas ignorer que les États généraux sont actuellement très soucieux des réformes, que l’estime personnelle qu’elle a méritée, pourrait les aider, à améliorer son traitement et ainsi influencer celui de ses enfants.
Qu’il est possible que ces réflexions aient échappé au comte d’Artois et j’ai cru devoir les lui présenter avant qu’il ne se décide.
Madame la duchesse de Lorges, sa dame d’honneur, me demanda alors de venir chez elle et me parla encore de manière plus positive de ce voyage, entrant comme moi dans tous les détails s’y rapportant.
Elle m’a dit que l’intention de la princesse était de le mettre en œuvre le plus rapidement possible et avec le moins de suivi possible, en n’ayant que trois voitures à sa suite, pour ne pas être gênée. Je ne peux pas vous dire si c’est par peur des émeutes et en même temps par envie de fuite, mais cette dame m’a manifesté le même désir que la princesse d’aller à Turin, et bien qu’elle lui ait fait les mêmes observations, elle les refusa en se fondant sur la présence de Monsieur et de Madame, et sur la certitude que les États généraux ne traiteront jamais moins le comte et la comtesse d’Artois.
»

             Le marquis de Cordon

 

Voici le laissez-passer pour les bagages de la comtesse d’Artois, signé par le Roi le 2 septembre 1789 :

Passeport de la comtesse d'Artois signé de Louis XVI et daté de septembre 1789, pour le voyage de la princesse jusqu'à Turin

Bientôt Marie-Thérèse de Savoie, vient rejoindre son époux dans son exil.

« J’étais par hasard à Versailles quand elle en est partie ; presque tous les habitants de la ville, mais en particulier les dames, vinrent sur la grande place du château pour la voir une dernière fois. Quand elle parut, les dames se jetèrent à ses genoux, priant Dieu de lui donner un bon voyage, et de la faire vite revenir. »

             Le Florentin Filippo Mazzei

Portrait de Filippo Mazzei

Filippo Mazzei, cet homme politique d’origine italienne, médecin de profession, ami de Thomas Adams et de Benjamin Franklin, partisan résolu de la Guerre d’Indépendance en Amérique, est devenu l’agent en France du Roi de Pologne, Stanislas Poniatowski.

 

Hélas ! jamais plus cette « angélique princesse », comme l’appelle Mazzei, jamais elle ne reviendra à Versailles ; et l’on ne peut même pas dire que Dieu lui ait donné un bon voyage, si l’on songe que son mari, qu’elle allait rejoindre, se souciait moins que jamais de l’avoir près de lui, tout entier à sa folle passion pour madame de Polastron.

 

Le 20 septembre 1789

La famille royale de Sardaigne accueille la comtesse d’Artois visiblement submergée d’émotion de retrouver ses parents après seize ans de séparation :

« Elle se précipita comme elle put, n’ayant plus ni jambes, ni voix, dans l’excès de sa joie. Elle embrassait tout le monde, sans les connaitre distinctement.»

Princesse à la santé physique et psychologique fragile, elle sollicite les conseils de Clotilde et puise chez sa belle-sœur la force qui lui manque dans une confiance sans malice. Comme à Versailles, son goût de la retraite la cantonne presque exclusivement dans la solitude d’une vie privée jalousement gardée.

La marquise de Coetlogon par Carmontelle, dame pour accompagner de la comtesse d'Artois, elle la suit en exil dès 1789

Le 25 septembre 1789

La famille du comte d’Artois se trouve au complet dans le château de Moncalieri. « Le Roi, — écrit dans son journal Charles-Félix, alors duc de Gênes, — nous envoya ce jour-là, Montferrier, Maurienne et moi, au bas de l’escalier, pour recevoir les enfants d’Artois. Le comte d’Artois les conduisit lui-même ; nous les avons embrassés, et nous les avons conduits en haut. Quoiqu’ils fussent dans le plus grand déshabillé, ces deux enfants sont charmants. D’Angoulême, qui est l’aîné, a quatorze ans ; il n’est pas fort grand pour son âge, mais il est bien fait, il se présente bien, et parle, raisonne comme un homme fait. Berry, qui est le cadet, n’est âgé que de onze ans et demi ; il est fort petit, gras et très joli. Il est aussi bien aimable. »

Le château de Moncalieri

Quelques jours après

Le malencontreux effet de l’arrivée du comte d’Artois se fait déjà sentir autour de lui. « Jusqu’à l’arrivée des Français, écrit le duc de Gênes, nous avons vécu en union et sans alarmes. Mais l’impertinence de cet étranger (le comte d’Artois), et le dessus qu’il prit d’abord sur l’esprit de Piémont (le prince de Piémont), nous choqua tout à fait et nous fit lever le masque. Nous n’avons plus témoigné de respect pour lui, en laissant même apercevoir que sa liaison avec cet étranger nous offensait beaucoup. Les Condés parurent pendant quelque temps humbles et respectueux ; aussi j’étois plutôt bien avec le duc d’Enghien ; mais voyant que le comte d’Artois, avec toute son effronterie, avait si bien réussi, ils voulurent l’imiter et devinrent aussi abandonnés ; et nous ne leur avons plus fait aucune politesse. »

« Le comte d’Artois, pour se rendre à Turin, auprès de son beau-père, Victor-Amédée III, aurait dû continuer jusqu’à Lausanne, puis traverser le Lac Leman jusqu’à Evian, mais par crainte d’éventuels désagréments près de Genève, côté français, il choisit une route beaucoup plus longue, mais plus sûre, la route du Tyrol, le lac de Constance, Innsbruck, Trente, Vérone et Milan. En réalité, Victor-Amédée III n’était pas très enclin à l’idée d’accueillir son gendre dans ses États, pour ne pas risquer de ruiner les bonnes relations qu’il souhaitait entretenir avec le gouvernement français et qu’il avait déja déja écrit à sa fille, la comtesse d’Artois, pour dissuader son époux de concrétiser ce projet.»

On l’accuse d’avoir transporté à la Cour de Savoie les petites intrigues de ce Versailles, que les Piémontais paraissent d’ailleurs s’être figuré comme un lieu fantastique de délices et de dépravation : car à tout moment les documents officiels constatent que, « bien qu’il fût habitué au luxe de la cour de Versailles », le comte d’Artois a pris un grand plaisir aux fêtes où il a assisté.
Ces fêtes cependant, ni les intrigues de la cour, ne consolent le prince de l’absence de sa chère maîtresse. En vain le fidèle Vaudreuil, à la garde de qui est confiée Madame de Polastron, il l’engage à se conduire avec grande mesure « pour ne point achever de perdre à Turin sa considération personnelle. » Il se résigne, prend patience ; mais bientôt sa passion l’entraîne à de nouvelles folies. Deux fois Vaudreuil doit consentir à lui amener madame de Polastron à Turin, où chacun est aussitôt informé du scandale.

Le château de Moncalieri, résidence de chasse de la maison de Savoie

Le 5 octobre 1789

Des milliers de femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain. Marie-Joséphine de Provence, sa soeur,  se tient aux cotés de Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth pendant la soirée du 5.

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Le matin du 6 octobre 1789 par Benjamin Warlop

Les Provence rejoignent la famille royale dans la chambre d’apparat du Roi à huit heures et demie, après tous les événements face à la populace… Leurs appartements à l’extrémité de l’aile du Midi où ils logent depuis 1787 ne se trouvent pas dans le point de mire des émeutiers. De plus , ils ne sont pas impopulaires…

Le Roi et sa famille sont ramenés de force à Paris. Ils logeront aux Tuileries. Les Provence rejoignent leur palais du Luxembourg bien plus luxiueux… 

Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
Les Tuileries dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

 

Fuyant devant les troupes républicaines, Marie-Thérèse d’Artois est arrachée à sa famille lors de la Révolution française et se réfugie à Graz en Autriche avec son époux. Devant cette épouse effacée et morose, Charles préfère la compagnie distrayante de Louise de Polastron (1764-1804) et quitte sa femme pour ne plus la revoir qu’en de rares occasions. Prétextant son devoir de rejoindre l’armée des Princes, il fausse compagnie à sa femme et à ses fils. Loin de son époux, c’est la comtesse d’Artois qui va prendre en charge, aidée de sa famille, l’éducation de ses fils. 
Les princes de Condé et le comte d’Artois reçoivent habituellement à dîner les français et ceux qui viennent leur rendre visite, sans faire aucune distinction de rang. En hiver, les seules distractions consistent en représentations d’opéra et en quelques bals auxquels les émigrés français ne manquent jamais de participer.

A Turin, il s’occupe de ses affaires avec soin et passe une partie de la journée à travailler. Il reçoiit les français qui viennent dans la ville avec une grande affabilité et leur témoignait le plus profond intérêt.
En outre, il ne manque pas de témoigner ses devoirs envers son beau père. Il accorde la plus grande attention à sa bonne et sensible épouse et veille à l’éducation de ses enfants, avec lequel il semble le plus sensible des pères.
Il a compris que la présence de sa douce amie, la comtesse de Polastron, ne peut être tolérée longtemps dans l’austère Cour de Turin et s’est résigné à la douleur d’une séparation temporaire, confiant la tendre Louise aux soins de son plus fidèle ami, le comte de Vaudreuil qui a pris sur lui de l’emmener à Rome, où elle s’est installée avec ses amis Polignac.
Durant l’hiver, leur séparation n’est interrompue que par une correspondance assidue.

Louise d’Esparbès de Lussan, comtesse de Polastron par Alexandre Kucharski
La comtesse d'Artois

En 1790

Sous prétexte que la chaleur rend son séjour insupportable et que sa santé délicate s’en ressent, Louise de Polastron se rend à Venise où les Polignac passent l’été, puis se dirige vers Parme et enfin Turin.

Le 1er mai 1792
 
Marie-Joséphine de Provence parvient à Turin. Dans la capitale du Piémont, le lieu de sa résidence mis à sa disposition est le palais du comte Rivalba.
En 1792, ce palais appartient au comte Vittorio de Piossasco de Rosti de Rivalba, qui l’a fait construire sur un projet de Benetto Alfieri.
L’arrivée de Marie-Joséphine à Turin ne  change pas les conditions et les habitudes de vie solitaire et retirée de Marie-Thérèse, car les deux sœurs qui semblent partager un destin singulier, ont des caractères très différents.
Ces deux princesses qui n’ont jamais vécu une grande intimité à Versailles, ne se sont pas rapprochées, même à Turin.
Tandis que la comtesse de Provence a un caractère capricieux et instable et mène une vie plus exubérante, comme en témoignent les journaux intimes de ses deux frères, le duc de Genevois et le comte de Maurienne qui rapportent ses bizarreries et ses excès d’humeur, peut-être justifiés par une santé chancelante, l’agréable et la douce comtesse d’Artois est plutôt influencée par sa belle-sœur, la princesse Clotilde, à qui elle s’est liée par des sentiments d’affection sincère, en se consacrant entièrement à la dévotion religieuse.
Marie-Thérèse, tombée dans un profond état de dépression depuis les premiers soulèvements révolutionnaires, passe des journées entières enfermée dans ses appartements, au point qu’elle développe le désir de se retirer dans un couvent.
Le haut clergé de la Cour de Turin a tenté de l’en dissuader, mais seule Marie-Clotilde, par ses conseils, parvient à lui faire renoncer à ce projet. Elle l’en dissuade en lui faisant comprendre qu’il s’agit de son mari et de ses enfants et que son devoir est de les aider et de les soutenir par son affection et ses conseils dans leurs peines et leurs malheurs.
Marie-Thérèse a suivi les exhortations de sa belle-sœur et restera très attachée à elle jusqu’à sa mort.
Avec ces sentiments qui la conduisent à rester isolée, on comprend que la comtesse d’Artois a un rôle très modeste à Turin. Les quelques distractions qu’elle s’autorise sont d’aller au palais royal voir sa famille pour le dîner ou passer l’après midi avec eux. 
 

En juillet 1792

Le comte d’Artois quitte Turin pour Coblence.

A la Cour de Turin les mœurs étaient rigides et simples. Le comte d’Artois, habitué au laisser-aller de la Cour de Versailles, s’était  difficilement accommodé d’une existence sévère et monotone. Le Roi, son beau-père, par crainte des complications diplomatiques, est loin de le seconder dans ses entreprises contre la France Révolutionnaire.

Un portrait tardif de la comtesse d'Artois de Giovanni Panealbo en 1791

Plus souvent à cheval qu’à l’étude, les fils de Marie-Thérèse se forment aux armes et à l’exercice dans l’espoir de rejoindre la vie trépidante de leur père, de l’armée et de quitter la sinistre ambiance de la Cour de Turin. La princesse de Piémont assiste dans son exil la comtesse d’Artois. Installée à Turin dès 1789, elle assiste dans la douleur aux départs de son mari et de ses enfants à Coblence.
Bonne par nature, mais sans esprit et peu liante, elle vit depuis longtemps une existence étriquée à travers de graves alertes de santé. Elle est fragile sur tous les points. Toutefois, une grande piété la soutient, mais le goût de vivre la quittant, elle fait part de se retirer de toute vie publique. Elle est parvenue assez loin dans ce projet pour que son frère Charles-Félix confie :

« Elle nous a dit qu’elle avait pris la résolution de ne plus retourner en France quand même les choses se seraient accommodées en France et qu’elle se retirerait dans un couvent.»

D’ailleurs leur grand-père maternel, Victor Amédée III, Roi de Sardaigne, est las des émigrés français. Leur insolence les rend insupportables, et surtout leur manque de moyen les rend indésirables. Il pousse donc ses petits-fils à voler de leurs propres ailes et les envoie à Coblence rejoindre leur père.

Marie-Thérèse est séparée également de sa dame d’Honneur, la duchesse de Lorge, exilée de son côté. Elles entretiennent une correspondance d’une extrême richesse éclairant d’un jour nouveau la comtesse d’Artois. Ces lettres de la comtesse d’Artois débordent de sentimentalité et éclairent cette princesse qui n’était guère sortie de l’ombre jusqu’ici.
Les lettres de Marie-Thérèse fourmillent de fautes d’orthographe et d’incorrection de style. Il ne faut pas oublier que la comtesse qui est italienne n’écrit pas dans sa langue maternelle. Elle ne signe pas : les temps sont troubles et elle ne veut pas livrer son nom au hasard des courriers. Elle n’ose même pas nommer son médecin Crémone qu’elle désigne par la lettre C.

Le 28 juillet 1792
 
Le comte d’Artois écrit officiellement à son beau père pour lui demander de préparer le départ de ses enfants, qui malgré les inquiétudes de leur mère, quittent Turin le 2 août avec leur gouverneur en direction de l’Allemagne.
En dépit de l’accueil affectueux qu’ils ont reçus, ils sont heureux et fiers de commencer leur apprentissage des armes. Ceux qui souffrent le plus de leur départ, sont assurément leur grand père, le roi Victor-Amédée III et leur mère, la comtesse d’Artois. Dans sa hâte de quitter Turin avec ses deux élèves, le duc de Serent s’est attiré l’hostilité de Victor-Amédée III et de Marie-Thérèse.
Ainsi, pendant que leurs époux erient à travers l’Europe, les deux princesses de Savoie, les comtesses de Provence et d’Artois, restées seules, vivent dans la Cour où elles sont nées et ont vécu leurs enfances.
 

Le 10 août 1792

Abolition de la Monarchie française.

Le 3 septembre 1792

Massacre de la princesse de Lamballe (1749-1792), sa cousine, dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.

Massacres dans les prisons.

Massacre de la princesse de Lamballe

Le 4 décembre 1792

Lettre du comte d’Artois, de Dusseldorf à sa femme Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois.

Ancienne collection de Dominique de Villepin, vente Drouot du 19 mars 2008.

                                       Transcription :

« Je suis bien affligé des peines que vous éprouvez, je voudrais pouvoir les adoucir et rendre votre position plus heureuse, mais la situation particulière ou je me trouve dans ce moment ne m’en laisse malheureusement pas la possibilité. Elle me forcera vraisemblablement ainsi que mes enfants à voyager beauc oup pendant cet hiver sans pouvoir espérer une situation stable.
La vôtre ne peut être honorablement fixée pendant la durée de nos infortunes que chez le Roi, votre père. Je suis trop certain de sa tendresse pour vous et de la générosité de ses sentiments pour penser qu’il voulut pouvoir dans une circonstance semblable, imposer à votre séjour dans ses États, aucune condition qui vous fut pénible.
J’approuve fort que vous continuiez de demeurer avec le petit nombre de personnes qui vous sont restées fidèlement attachées dans la maison que le Roi vous a assignée lorsque nous nous sommes rendus près de lui.
Ce serait une barbarie dont le meilleur des pères est incapable s’il exigeait le sacrifice des bons et loyaux français qui ont mérité par leur dévouement, la protection la plus spéciale de tous les souverains qui ne veulent pas être un jour abandonnés de leurs plus fidèles serviteurs.
Je pense que vous ne devez dans aucun cas supporter qu’on les sépare de vous.
La modération, l’économie que vous mettez dans vos dépenses, les privations même que vous vous imposez, vous mettent dans le cas de vivre, vous, et le petit nombre de personnes qui composent maintenant votre maison, sans être aucunement à charge au Roi, votre père, ni à ses peuples.
Sous quel prétexte, donc, pourrait-on vouloir vous forcer à changer votre établissement et la vie qui vous convient. Non, cela n’est pas possible.
Le plus juste des Rois et le meilleur des pères n’en pourrait jamais concevoir la pensée : sa politique éclairée suffirait pour lui en faire rejeter l’idée, si jamais elle lui était présentée par des esprits bizarres ou malfaisants qui seraient envieux et jaloux de votre repos.
Tranquillisez vous donc, je vous en prie, ma chère amie, calmez votre esprit, et conservez votre courage, nous en avons encore besoin quelques temps pour atteindre au terme de nos malheurs, ils sont bien étendus, mais soyez certaine qu’ils ne doivent pas..
. »

            Le comte d’Artois à sa femme Marie-Thérèse 

Il ajoute en fin de lettre :

« Nos enfants se portent bien, l’aîné grandit un peu, mais le cadet ne fait que grossir. »

Le 21 janvier 1793

Exécution de Louis XVI.

Le 2 août 1793 à deux heures quarante du matin

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

La représentation la plus tardive de la comtesse d'Artois, entre 1790-1793, portrait sculpté de Giovanni Bonzanigo.

 

 

Le 16 octobre 1793

Exécution de Marie-Antoinette.

Marie-Thérèse voit dans ces horreurs des signes avant coureurs de la fin des temps.

Le 10 mai 1794

Madame Elisabeth est guillotinée à son tour.

Le 22 juillet 1795

Le Roi d’Espagne Charles IV (1748-1819), à l’instigation de son ministre, l’intrigant Godoy (1767-1851), négocie avec la république française le traité qui est signé à Bâle et par lequel la France, en échange de l’Île de Saint-Domingue, rend à l’Espagne toutes les conquêtes faites sur son territoire.
La comtesse d’Artois considère avec effroi cette paix de la France républicaine avec l’Espagne. Elle recevait comme Mesdames Adélaïde et Victoire une pension de Charles IV.

Le 11 avril 1796

L’offensive française débute en seulement quinze jours, malgré l’inferiorité numérique de son armée, Bonaparte remporte les victoires de Montenotte, Dego et Mondovi.

Après la défaite de Mondovi, le 22 avril 1796, alors que les français se rapprochent de Turin, Victor-Amédée III juge opportun que ses deux filles quittent immédiatement la capitale menacée pour se replier à Novare.

Les comtesses de Provence et d’Artois partent le même jour. Les défaites conduisent Victor-Amédée III à signer le 27 avril 1796, l’armistice de Cherasco, sur la base duquel le Piémont renonce à Nice et à la Savoie et la concession à la France des débouchés intérieurs des Alpes et les forteresses de Cuneo, Ceva et Tortone, ainsi que le libre passage des soldats français pour la guerre contre l’Autriche et la libération des prisonniers politiques.
Lorsque l’armistice est signé, les deux princesses manifestent le désir de rentrer à Turin, mais leur père impose des conditions à ce retour.
La comtesse d’Artois doit congédier son chevalier d’honneur, le comte de Vintimille, tandis que la comtesse de Provence doit se séparer de sa fidèle lectrice, madame de Gourbillon.

 

Le 15 Mai 1796

La campagne du Piémont aboutit à la défaite de Mondovi. Victor-Amédée conclut avec Bonaparte le traité  par lequel il cède la plus belle moitié de son royaume. Dans le trouble de la défaite , la comtesse d’Artois quitte Turin pour se réfugier à Novare avec sa sœur, la comtesse de Provence . Elle semble avoir eu encore à souffrir des exigences de sont père, toujours ombrageux
Le chagrin l’oblige à renvoyer son chevalier d’Honneur, le comte de Vintimille (1765-1806). C’est aussi une condition de la part de son père pour que Marie-Thérèse regagne Turin.

Marie-Thérèse, en fille soumise et docile, accepte la volonté paternelle, mais Marie-Josephine refuse de se séparer de madame de Gourbillon, en notifiant sa décision par une lettre impertinente à son père, et en précisant qu’elle ne reviendra pas à Turin.
 
Le 3 mai 1796
 
La comtesse d’Artois fait donc son retour dans la capitale et reprend comme à son habitude le rythme de sa vie sur la scène de la Cour.

Le 16 octobre 1796

Mort de son père,  Victor-Amédée III (1726-1796).

En septembre 1798

La seconde invasion du Piémont et la chute de la monarchie piémontaise sont le signal du départ définitif de la comtesse d’Artois, contrainte à s’expatrier en Autriche.

Fin septembre 1798

Face à l’aggravation des événements, ne se sentant plus en sécurité à la Cour de Turin, la comtesse d’Artois a demandé un passeport lui permettant de quitter le Piémont et de se rendre à Innsbruck. Et c’est là qu’un incident diplomatique est survenu !
Le passeport demandé au nom de «Marie-Thérèse de Savoie» est présenté à la légation de France pour le visa. L’ambassadeur de France écrit qu’il aurait été heureux de valider l’intitulé «Marie-Thérèse de Savoie», sœur du Roi de Sardaigne, s’il n’avait pas porté le nom de «Savoie», qu’il lui est interdit de reconnaître.
Il pense qu’il serait facile de remédier à cet inconvénient en faisant inscrire «Madame Marie-Thérèse, Ma Sœur» sur le passeport signé de Sa Majesté et «Madame, sœur du Roi», sur tous les autres.
Le ministre Priocca envoie un de ses secrétaires du ministère, soulignant que le Roi n’a pas d’autre nom à inscrire pour l’identité de sa sœur. L’ambassadeur de France, Guingené, propose alors la solution suivante pour résoudre le problème : il aurait signé le passeport si le ministre lui avait déclaré que le nom de Savoie ni souveraineté, ni seigneurie.
Le ministre approuve cette déclaration de Guingené et l’ambassadeur signe le passeport non sans soumettre le «fait grave» à l’approbation du Directoire et de Talleyrand, lui-même.

Le frère de la comtesse d’Artois, Charles-Emmanuel (qui est aussi l’époux de Madame Clotilde de France) , qui s’était vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin. Il se retire en Sardaigne avec sa famille le 2 novembre 1798. La comtesse d’Artois ne voulait pas suivre son frère mais, devant l’invasion des troupes Français , elle s’éloigne aussi.

Victor-Amédée III par Heinrich Schmidt
Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez

Lettre de Guingené à Talleyrand, ministre des Relations Extérieures de France du 5 septembre 1798 :

« Cela m’embarrassa beaucoup. M. de Priocca, m’envoya un des premiers commis du Ministère des Affaires Étrangères, pour me faire remarquer que le roi n’avait pas d’autre nom à proposer pour sa sœur, et que M. de Priocca ne savait pas expliquer les raisons qui en decoulaient, m’ont empêché de sceller les passeports.

Je le tirai d’affaire en l’avertissant que je n’insisterais pas si je recevais sa réponse m’annonçant que le nom donné dans le passeport à la sœur du roi, n’indiquait ni la souveraineté, ni la domination. C’est ce qu’il a pris soin de déclarer et j’ai délivré le visa qu’il demandait.
Je suis convaincu, citoyen ministre, que le Directoire ne désapprouve pas la résolution que j’ai prise d’utiliser les formes officielles pour traiter cette affaire, même si elle était d’une importance mineure

Tout cela démontre clairement à quel point la souveraineté du pauvre Charles-Emmanuel IV est réduite dans les derniers mois de son règne et jusqu’où est arrivée l’arrogance des Français.

La recherche par la comtesse d’Artois d’un lieu d’asile plus sûr que le Piémont fait l’objet d’une dispute épistolare entre Louis XVIII et le comte d’Artois.
Marie-Thérèse transmet par l’intermédiaire du représentant de Louis XVIII à Vienne, l’évêque de Nancy, Monseigneur de La Fare, une demande d’asile en Autriche.
Le Roi n’en est informé que lorsque la procédure est déja entamée. Sans se soucier de savoir si son frère a été consulté, mécontent de ne pas l’avoir été lui-même, Louis XVIII n’hésite pas à écrire au comte  d’Artois, son frère, critiquant cette demande sur la forme et le fond :
«... Ne pensez-vous pas comme moi, quelle ne peut produire un bon effet à Vienne, dans le moment où je m’occupe d’en retirer ma femme et ma nièce ? De plus, elle est faite d’une façon tout à fait inconvenante. Qu’est ce que c’est que de demander à l’Empereut un asile pour « Son Altesse Royale Marie-Thérèse de Savoie » ? Votre femme est-elle divorcée ? La mère de vos enfants rougit-elle de leur nom ? Si on avait fait ce qui se pratique en tel cas, qu’on eut pris un nom d’incognito, je n’y trouverais rien à redire quant à la forme. Mais comme cela, elle ne vaut rien du tout, et j’imagine que vous le ferez savoir à qui de droit.»

Louis XVIII estime que la comtesse d’Artois vivait très convenablement à Turin et qu’elle devait par conséquent y rester le plus possible.

Le soir du 9 décembre 1798
 
Après le départ de la famille royale de Turin, Marie-Thérèse se retrouve seule dans la ville, desormais à la merci des occupants français. Le commandant Allix la trouve à Turin et lui fournit une escorte de hussards pour quitter la capitale. La pauvre princesse, abandonnée de tous, avec sa modeste suite, ne sait où aller et après bien des hésitations, passe trois mois de vie errante, se déplaçant dans une berline branlante, en compagnie de la fidèle madame du Ponceau, de la duchesse de Lorges et du marquis de Mont-Saint-Jean à la recherche d’un asile sûr.

Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1798

La famille royale part donc. La première étape du voyage est la station du duché de Parme. Une personne de la famille de Savoie manque : la sœur du Roi, Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois, qui vit à Turin depuis 1789. Le motif vraisemblable repose sur le désordre qui régne dans la capitale du Piémont, la fermentation des esprits, l’entrée des forces militaires françaises, et la peur qui conduit la maison de la princesse au palais Cavaglia, ou elle réside, de ne pouvoir entrer en contact avec son frère, d’autres membres de la famille ou des dignitaires de la Cour.
En effet, la comtesse d’Artois ne vit pas au palais royal, mais dans un palais de la ville, le palais Cavaglia, toujours visible de nos jours.

palais Cavaglia, Turin, résidence de la comtesse d'Artois de 1789 à 1798

« On raconte un trait qui honorerait un général fort connu. en frumaire, an VII, le lieutenant général Allix (1776-1836), reçoit l’ordre d’entrer dans la ville de Turin, et de s’emparer de l’arsenal avec six compagnies de grenadiers mis à sa disposition. En plaçant ses troupes, le général Allix, alors colonel, apprit que SAR Madame, comtesse d’Artois, était dans la ville. Il commanda aussitôt un piquet de cinquante hommes, et se fit conduire, au palais de la princesse.
Après avoir disposé sa troupe, il monta dans les appartements, il trouva toute la maison en alarme, et après l’avoir rassurée par des protestations réelles, il sollicite l’honneur de parler à la princesse. Il fut introduit avec un officier d’artillerie qui l’accompagnait. Il la trouva dans une extrême agitation et lui adressa la parole en ces termes :

Madame, soyez calme et tranquille, vous n’avez rien à craindre, vous êtes au milieu des français. Je ne viens ici que pour établir et protéger la sûreté de votre personne. Le capitaine Thomas que voilà, et que je mets à votre disposition, est à vos ordres, et je lui laisse les forces nécessaires et suffisantes pour vous faire respecter.

De plus, un gentilhomme, premier aide de camp du Roi de Sardaigne, fut chargé d’accompagner la comtesse d’Artois «pour trouver sûreté et protection en Allemagne. Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, dirigea la marche, au milieu de l’armée française, et sut braver les plus grands dangers, qu’il avait eu l’honneur de conduire à Klagenfurt, en Carinthie.»

Le Constitutionnel, Journal du Commerce, politique et littéraire (1825)

Le lieutenant général Jacques-Alexandre Allix

Ce nouveau déracinement se fait dans des circonstances très difficiles car la plupart des membres de la famille de Savoie ont déja quitté Turin. L’occupation de la ville par les troupes françaises ne se fait pourtant pas à son détriment car un détachement de dragons la raccompagne jusqu’à la frontière autrichienne.

Lettre du duc d’Angoulême, du 5 décembre 1798, à sa mère, la comtesse d’Artois, réfugiée à Klagenfurt, en Autriche, après l’occupation de Turin par l’armée Française.

La lettre évoque son futur mariage avec sa cousine Madame Royale, qui aura lieu en juin 1799. Le duc a appris avec grand plaisir qu’elle était bien arrivée à Clagenfort (Klagenfurt, Autriche). Comme ils sont maintenant plus proches, il espère recevoir plus souvent des nouvelles. Il espère aussi qu’elle s’y plaît et qu’elle en profite pour se promener «car les promesses vous sont nécessaires, ma très chère Maman. J’espère que vous aurez appris avec plaisir la nouvelle de mon mariage. J’attends avec une bien vive impatience le printemps, ma Cousine ne devant se mettre en route qu’au retour de la belle saison
Il reçoit des nouvelles de son frère (le duc de Berry), qui se porte bien, se réjouit du dégel après un hiver très froid et il ajoute : «Le Roy jouit d’une très bonne santé. Adieu, ma très chère et bonne Maman, agreez avec votre bonté ordinaire, l’hommage de mon respect le plus tendre.»

Collection particulière.

Au début, Marie-Thérèse voulait se rendre à Merano, mais elle doit continuer son voyage car entre-temps, les français ont menacé d’envahir également cette région, et elle continue vers l’Autriche, jusqu’à Klagenfurt en Carinthie ou elle arrive épuisée en 1799.

 

Début 1799

Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean est chargé d’escorter la comtesse d’Artois lors de l’occupation française du Piémont, jusqu’en Autriche.

Comme on le lit dans un mémoire de l’époque, la pauvre Marie-Thérèse est dénuée de tout et dépourvue du nécessaire, et qui plus est sans crédit. Elle est néanmoins accueillie à Klagenfurt par le prince de Hohenlohe, Gouverneur de la ville et par le prince évêque, prince de Salm qui mettent tout en œuvre pour lui assurer leur soutien. Comme son mari n’a pas la possibilité de subvenir à ses besoins, pour pouvoir vivre décemment, Marie-Thérèse fait appel à la générosité de l’Empereur d’Autriche et de l’Electeur de Saxe qui lui allouent des fonds et l’Empereur lui donne la maison paroissiale de Klagenfurt. Même le Roi d’Espagne, ému des difficultés dans lesquelles elle se trouve, lui fixe une petite pension. Bien sûr, les fastes de Versailles d’avant 1789, et même ceux de Turin, jusqu’en 1798, sont révolus, d’où la disproportion. De plus, elle a au moins quinze à vingt personnes auprès d’elle. Elle n’est donc pas dénuée de tout, mais physiquement et psychologiquement elle est ébranlée.

Elle vivra quelques années à Klagenfurt jusqu’en 1804.

Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean
Intérieur de la cathédrale de Klagenfurt
L’ Empereur d’Autriche lui accorde donc la jouissance de la maison paroissiale de Klagenfurt, le Priesterhaus, un bâtiment qui se trouvait encore il y a quelques décennies à l’endroit ou se dresse le gratte-ciel entre le Pierterhaugasse et la Waaggasse, dans le centre ville. A l’origine, le bâtiment était une simple maison pour les prêtres de l’archidiocese de Salbourg, puis au fil du temps, il devint le séminaire du diocèse de Gurk et de Klagenfurt, et jusqu’en 1932, il abrita le séminaire et l’école théologique de Gurk.
C’est dans cet austère édifice religieux que la comtesse d’Artois séjourne de 1799 à 1804.
A Klagenfurt, elle vit sous le nom de marquise de Maisons, avec un petit nombre de fidèles.
Malheureusement, il ne reste pas beaucoup d’informations dans les archives locales sur la vie de Marie-Thérèse à Klagenfurt. Il existe des traces de demandes qu’elle a adressées aux autorités politiques locales pour l’approbation et l’importation d’articles de luxe, tels que du chocolat, du vin ou des produits de luxe, comme des parfums, des tissus ou des montres.
Elle mène une existence très simple et retirée. Son seul luxe est de priser du tabac d’Espagne et ses seules distractions sont d’observer les collines environnantes à la longue vue et de pêcher en compagnie de mademoiselle de Ponceau.
                                                                                                                            On constate ainsi le train de vie modeste de la princesse en exil.

 

Le 10 juin 1799

Son fils, Louis-Antoine, duc d’Angoulême épouse au palais de Mittau en Russie sa cousine germaine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI. Le couple n’aura pas d’enfants.

Louis XVI et Marie-Antoinette ont péri sur l’échafaud six ans plus tôt, mais il n’y a pas non plus les parents du marié. Le comte d’Artois réside à Londres depuis un certain temps, et même la pauvre comtesse d’Artois qui réside depuis quelques mois à Klagenfurt, en Autriche, n’y assiste pas, peut-être à cause de sa mauvaise santé, ou bien encore peut-être encore une fois, on la considère comme quantité négligeable !!! Malgré la précarité de sa situation économique, elle envoie aux jeunes mariés un service de toilette en argent comme cadeau de mariage.

Louis XVIII préside la cérémonie. Il a invité à cette occasion, sa femme, la Reine Marie-Joséphine, qui s’est déplacée spécialement de sa retraite en Bavière jusqu’en Courlande. Le duc de Berry, le frère cadet du duc d’Angoulême, n’est pas présent également et est resté à Londres auprès de son père.
Le duc d'Angoulême de Kinson François, Musée des Beaux Arts de Bordeaux

Seule et oubliée de tous, y compris de sa famille, Marie-Thérèse a la joie de pouvoir serrer dans ses bras, son deuxième fils Charles Ferdinand, duc de Berry, peut-être le seul de sa famille, qui se souvenant parfois d’elle, a à son égard des élans de tendresse, qui bien que peu fréquents, n’en sont pas moins touchants.

En février 1800

Marie-Thérèse reçoit une lettre de son fils, qui devant traverser la Carinthie, lui annonce son arrivée imminente :

 

« Aimez toujours votre cher Berry, chère Maman, il le mérite par son tendre attachement à son égard. N’écoutez rien d’autre que son cœur. Comment ne pas aimer la meilleure des mères ?»

Le jeune Berry s’arrête donc à Klagenfurt en provenance de Mittau, pour se diriger ensuite vers Palerme à la demande de Louis XVIII.

En avril 1800

Le duc d’Angoulême qui se trouvait à Pontebba à la tête d’un régiment de cavalerie de l’armée de Condé, se rend également à Klagenfurt pour l’embrasser, se retrouvant non loin de sa mère qu’il n’avait pas revue depuis huit années. La rencontre est émouvante et la séparation douloureuse.

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême qui sera Dauphin de France

 

En mai-juin 1800

Le duc d’Angoulême revoit sa mère, la comtesse d’Artois, qui vit, à cette époque, à Klagenfurt. Ils ne s’étaient revus depuis 1792. Ce sera leur dernière entrevue. Ils ne se reverront plus jamais.

Le 7 mars 1802

Mort de la Reine de Sardaigne,  Clotilde de France, qui sera reconnue «vénérable» par l’Eglise catholique en 1808.

Veuf, Charles-Emmanuel abdique en faveur de son frère, Victor-Emmanuel Ier (1759-1824) et entre comme simple religieux dans la Compagnie de Jésus  en 1815.

Charles-Ferdina nd, duc de Berry
Louis-Antoine, duc d'Angoulême
Par ailleurs, depuis sa résidence de Mittau en Courlande, Louis XVIII inquiet à ce que le mariage du duc d’Angoulême et de Madame Royale ne donne pas d’héritier au trône, prépare des négociations pour le mariage du duc de Berry. Le prince, de Lintz, rend visite à sa mère, en continuant son voyage vers l’Italie et Palerme.
A Palerme, le jeune homme doit choisir entre les deux plus jeunes filles du souverain napolitain, Ferdinand IV, la douce Marie-Amélie qui doit épouser plus tard le duc d’Orléans, et l’ingrate Marie-Christine. Le duc de Berry fait semblant de tomber amoureux de Marie-Christine, qui ne demande rien de mieux que d’épouser un prince plein d’entrain. En revanche, les souverains napolitains ne partagent pas l’enthousiasme de leur fille cadette lorsqu’ils apprennent que le duc n’a pas d’établissement égal à son rang à proposer. Ils refusent purement et simplement d’accorder la main de leur fille. Le duc de Berry reste donc célibataire dans l’immédiat.
 
La famille royale de Naples
Au mois de mars 1801
 
De son côté, le duc d’Angoulême qui sert au sein de l’armée de Condé qui vient d’être licenciée, décide de rejoindre son oncle, Louis XVIII à Varsovie en Pologne. Le souverain en exil, a dû, la mort dans l’âme, quitter sa résidence de Courlande sur un ordre d’expulsion du tsar Paul 1er. Le Roi de Prusse a alors accordé, du bout des lèvres, l’installation du prétendant à Varsovie, alors sous juridiction prussienne
 
L'ex-Roi Charles-Emmanuel vers la fin de sa vie

 

Le 2 octobre 1804

La comtesse quitte Klagenfurt ; elle s’installe dans la ville de Gratz en Autriche où elle arrive le 14 octobre 1804, les probabilités de la guerre entre les autrichiens et la France de Napoléon se confirmant. Dans ces deux localités, Marie-Thérèse laisse le souvenir d’une princesse marquée par le malheur, estimée des populations.

La Reine Clotilde en prière. Éloignée du trône et de sa famille, la Reine se réfugie dans la piété en attendant de se retirer de la vie officielle.

Le séjour à Gratz permet à la comtesse de correspondre plus rapidement avec Mittau où réside son fils, le duc d’Angoulême, et le prétendant au trône de France, le comte de Provence. Pensionnée par la cour d’Espagne, elle vit modestement comme une ombre flétrie prématurément par des sens trop fragiles. A Graz, elle devient d’humeur fantasque et irascible en soupçonnant les derniers domestiques qu’elle a à son service de vouloir l’empoisonner. Ses signes de dérèglement du comportement alertent son entourage. Quelques fidèles, rescapés de la Cour de Versailles, qui vivent à ses crochets, demeurent encore auprès d’elle. On estime cet entourage réduit à moins de vingt personnes.

Graz en Autriche
Au début du XIXe siècle
 
A Graz, se trouve un logement en plan centre ville, dans un immeuble situé sur la Fliegenplatz, au numéro 1, aujourd’hui Glockenspielplatz, au numéro 5. L’édifice qui existe encore et qui donne sur une petite place, est un sobre bâtiment de trois étages avec un portail surmonté de deux lions. Sa façade est marquée par une plaque intitulée «palais des Enffans d’Avernas, 1697»). Une petite rue montante, mène à la cathédrale et au mausolée voisin.
On sait combien Marie-Thérèse aura parcouru cette petite rue, qui de chez elle, en quelques minutes, mène à la cathédrale voisine, pour se consacrer à la dévotion et à ses prières sous les voûtes de ce monument dédié à Santa Egidio.
L’abbé de Pons, son premier aumônier, qui faisait partie de son service, ne peut rester avec elle car il n’a pas reçu l’autorisation de rester avec son auguste maîtresse pour des raisons politiques. Les dernières années de la vie de la comtesse d’Artois en Autriche sont entièrement consacrées à la prière et aux charités. Elle vit modestement dans une sorte de retraite au sein des petites pièces, simplement meublées, qui composent sa demeure.
Le dernier logement de Marie-Thérèse d'Artois
En regardant le registre de ses dépenses tenu par Mr Gachelin, son administrateur, on constate à quel point son niveau de vie est limité.
Il contient des curiosités : les frais de garde-robe, châles, coiffes, robes et jupes varient de 20 à 40 francs par mois. Un seul mois représente 60 francs de dépenses. Le prix du blanchissage est encore plus bas, il ne dépasse pas 35 livres, et certains mois il ne s’élève qu’à 13 livres.
En revanche, les aumônes sont fréquentes ainsi que les «vêtements pour les pauvres». C’est justement cette dernière mention qui revient le plus fréquemment sur les pages de ce vieux registre.
Les frais de toilette sont mentionnés selon les termes de l’époque : pommades, onguents, parfums et poudres colorantes.
Parmi la suite de la comtesse d’Artois, se trouve un prêtre, l’abbé Virginio, qui souhaite la placer dans un couvent ou à son avis, elle bénéficierait de meilleurs soins, étant donné que sa santé continue à se dégrader. Il  présente sa demande au vice-chancelier d’Etat, le comte Cobenzl, à Vienne, sans toutefois en informer la princesse. Cette demande n’aboutit pas, la comtesse d’Artois,  renseignée après coup, déclare n’avoir pas songé à demeurer dans un couvent. Elle vit cependant tout comme si elle s’y trouvait… 

Le 23 septembre 1803

Alors qu’elle était encore en pleine possessions de ses faculté, la comtesse d’Artois rédige son testament. Marie-Thérèse l’écrit entièrement de sa main.

A l’automne de 1804
 
Marie-Thérèse désireuse de pouvoir s’installer à Vienne, a adressé une demande au Gubernium de Graz, pour pouvoir entreprendre le voyage depuis Klagenfurt, en passant par Graz et Wienerisch-Neustadt, vers la capitale de l’empire où se trouve selon les informations en sa possession à l’époque, le duc et la duchesse d’Angoulême. Le Gubernium de Graz transmet à son tour cette demande à la Cour de Vienne mais elle ne reçoit pas un accueil favorable, car entre-temps le fils de la comtesse d’Artois et sa femme se sont réinstallés à Mittau en Courlande sur l’invitation du Tsar Alexandre Ier. La malheureuse comtesse d’Artois voit donc la dernière chance de revoir son fils aîné et de pouvoir serrer dans ses bras sa belle-fille, une princesse qu’elle n’avait pas revue depuis 1789.
S’etant vue refuser la possibilité de rejoindre Vienne, où sa présence n’estt pas souhaitée, et peut-être redoutée, elle décide néanmoins de quitter Klagenfurt et de s’installer de sa propre initiative à Graz, la capitale de la Styrie, à environ cent cinquante kilomètres de là.
En même temps, elle a adressé de nouvelles demandes courtoises pour pouvoir demeurer dans cette ville.
 
Le 11 octobre 1804
 
Elle quitte donc Klagenfurt , accompagnée de sa petite suite, et prend la route de Graz.

« Mon testament fait et écrit de ma propre main à Klagenfurt en Carinthie, le 23 du mois de septembre de l’an de grâce 1803.

Au nom du père, du fils, du saint esprit. Ainsi soit-il .
Le triste état de ma santé qui dépérit tous les jours me menace d’une fin prochaine .
Il est de mon devoir de m’occuper sans délais de tout ce qui peut contribuer à la réparation de mes fautes , à la tranquillité de ma conscience, à la paix de ma famille et de ma Maison et au salut de mon âme.
C’est en même temps une douce consolation pour moi d’exprimer à tous mes parents et à toutes personne avec qui j’ai vécu les juste sentiments d’estime, de reconnaissance et d’attachement qui m’animent à leur égard .
Je veux vivre et mourir dans le sein et communion de la sainte Catholique Apostolique et Romaine , église à laquelle j’ai toujours été fermement attachée d’esprit et de cœur, la seule véritable Eglise de Jésus-Christ, Hors de laquelle il n’y a point de salut.
Je recommande mon âme à DIEU, mon créateur et rédempteur et le supplie humblement de ne pas me juger selon la sévérité de sa justice, ni selon le nombre et l’énormité de mes péchés, mais selon son infinie miséricorde et les mérites de Sainte Marie et passion.
Je me soumets à sa Sainte volonté pour tout ce qu’il voudra ordonner de moi pendant le reste de ma vie et pour le temps et lieu de mon trépas et le genre de mort qu’il lui plaira de me décerner.
Je remercie, Monsieur, cher époux, le Roy, la Reine de France ma sœur, le Rois et la Reine de Sardaigne, mes autres frères et sœur, tous les princes et autre personnes avec qui je vivais jusqu’à mon dernier décès, de toutes leurs bonté pour moi, de tous les services qu’ils m’ont rendus et surtout de m’avoir supportée malgré mes imperfections et mes défauts .
Je leur demande pardon à tous des scandales, injustices et autres torts dont je me serais rendue coupable envers eux, les priant de tout oublier comme si quelqu’un avait jamais eu quelque tort envers moi, je les assure que depuis longtemps j’ai tout oublié et je me souviens que de leurs bons procédés envers moi.
Je les supplie tous de m’accorder les suffrages de leurs prières et autres bonnes œuvres pour ma rédemption de mon âme. Je fais la même demande …. à toutes les personnes qui ont composé ma Maison et à celles qui la composent encore et à celles qui la composeront du temps de mon décès, à celles qui ont été à mon service et à celles qui y sont encore ou y seront tant que je vivrai, à toutes celles enfin avec qui j’aurai eu quelque rapport pendant tout ma vie.
Je leur fais de mon côté et de tous mon cœur les mêmes assurances d’oubli et de pardon de ce qu’ils pourraient avoir à ce reprocher envers moi.
Je leur recommande à tous de vivre en bon Chrétien, de prier pour moi et se souvenir que nous sommes sur la terre que pour mourir.
Je recommande à mes chers enfants de rester inviolablement attachés à la religion Catholique et d’en pratiquer fidèlement les devoirs ; elle seule peut les soutenir dans les peines de cette vie et faire leur véritable honneur.
Je regrette de ne leur avoir pas donné dans leur jeunesse tous les bon exemples et tous les soins que je leur devais. La bonne opinion que j’ai d’eux me fait espérer qu’ils continueront de vivre parfaitement soumis à leur père, intimement unis entre eux et qu’il se rendront dignes des bontés du Roy, de la Reine de France, du Rois et la Reine de Sardaigne et de tous les Princes et Princesses de nos deux familles royales où ils trouveront les exemples de toutes les vertus qu’ils ont à cultiver et toute la protection qui leur deviendra nécessaire dans l’infortune où ils se trouvent réduits.
Je veux qu’après mon trépas on me laisse au moins 24 heures dans mon lit en mon état naturel, qu’ensuite l’on m’ouvre pour plusieurs raison :
Pour voir le genre de maladie dont je serai morte, qu’on m’embaume en commençant l’ouverture par la plante des pieds, qu’on sépare mon cœur de mon corps, que pendant l’intervalle de mon décès et de ma sépulture il y ait toujours dans ma chambre quelque pieux ecclésiastique ou religieux occupé à prier pour le repos de mon âme……Quant au lieu de ma sépulture, je veux que le cadavre de mon corps, sans le cœur , soit enseveli dans le pays où je serai décédée et je désire très vivement et veux absolument que mon cœur en soit séparé et envoyé à Caserte pour être enterré dans la même église que le corps de Marie Adélaïde Clotilde Navière de France, Reine de Sardaigne, ma belle-sœur. Quant au reste de ce qui regarde la sépulture de mon corps et choix de l’église du lieu où je mourrai, on le fixera ou on jugera à propos, eu égard de l’endroit où je décéderai et aux autres circonstances qui pourront survenir, mais je recommande la simplicité et la modestie dans les obsèques et veux qu’on préfère aux dépense d’un appareil extérieur celles qui me procureront aussitôt après ma mort un plus grand nombre de messes et apporteront un plus grand soulagement aux pauvres du lieu où je décéderai.
Je confie l’exécution de mon testament et de cet article spécialement à Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset qui prendront l’avis du Père Charles Paul ancien supérieur des Chartreux, mon confesseur, que je charge de veiller à ce que mes intentions soient remplies…
Je lègue ma bibliothèque à mon fils, le Duc d’Angoulême.
Je laisse à mon fils, le Duc d’Angoulême, en sa qualité de mon fils aîné un capital du rapport de 20.000Fr par an à prélever sur mon héritage…
Je laisse à mes deux enfants… tout ce que je possède …. Tout à tous les deux en conservant la prérogative du droit d’aînesse de mon fils, le Duc d’Angoulême.
Dans le cas que les arrérages qui sont dus des bien appartenant à la famille royale de France soient rendu en compensés, j’entends que l’on paye les arrérages dus aux personnes qui me sont attachées dans la même proportion qu’on les aurait rendus à moi même ou bien qu’on les rendrait à la réclamation de mes enfants après ma mort.
Bon regret est de ne pas avoir de quoi laisser à chacun ce que mon affection m’inspirerait de leur donner et qui pourrait leur devenir d’un grand secours dans les tristes conjonctures où je les laisse.
Je prie mon mari, mes enfants, le Roy et la Reine de France, le Rois et la Reine de Sardaigne de leur accorder à tous bien vaillance et protection, regardant comme fait à moi même tout le bien qu’ils daigneront leur faire.
Je charge mes enfants d’adresser aussitôt après ma mort en mon nom et aux leurs des remerciement à leurs Majestés le Roy et la Reine d’Espagne de leurs bontés pour moi depuis ma sortie de France jusqu’à mon décès.
Je charge Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset d’envoyer aussitôt après mon décès copie du présent testament à mon époux, à mes enfants, au Roy et à la Reine de France, aux Rois et la Reine de Sardaigne .
Apres avoir écrit le présent testament de ma main, l’avoir lu attentivement et relu, je déclare persister dans son contenu.
Daigne le Dieu de bonté me recevoir dans sont paradis et ma faire la grâce de m’y voir réunie à mes ancêtres, à mes enfants, à toute ma famille et Maison.
                             Signé : Marie-Thérèse Comtesse d’Artois

Le nouveau testament qui est le bon, a été lu deux jours avant la mort de Madame, déjà trop faible pour signer, en sa présence, à in des docteur de Sartorius, médecin en chef de l’Hôpital de Gratz et Bernard de Fabry, conseiller et médecin du corps de S.M Impériale et Royale. Dans ce second document Mr Croiset n’est plus mentionné, les personne attachées à la personne de Madame n’ont plus le droit qu’à la « générosité et la justice des héritiers. » Il est permis de supposer que l’intervention de Mr Berger ne fut pas étrangère à cette modification . Mr Croiset, en raison de la confiance que lui témoignait la Comtesse d’Artois, était en but à la jalousie de Mr Berger qui intrigua. Un fait plus important ressort de la comparaison des deux testament . Dans le premier le Duc d’Angoulême était avantagé, Madame voulait lui conserver les ‘’ prérogatives du droit d’aînesse.’’ Dans le second les deux frères sont traités pour le partage sur un pied d’égalité, il est vraisemblable que ce changement est pour effet des recommandations faites au nom de la famille royale par l’évêque de Nancy.

             Voici les parties essentielles du second testament :

En avril 1805

Les forces de la comtesse d’Artois déclinent lentement, à tel point que dans le Gubermium de Graz, on trouve des demandes d’instructions transmises à Vienne sur la manière de «se comporter au cas de la mort de la comtesse d’Artois surviendrait ici», en prévision de son enterrement…

En effet, depuis trois mois, Marie-Thérèse sent que la mort approche, ses forces diminuent continuellement comme une bougie qui s’éteint.

Testament du 1er Juin 1805

1- 1- « Je nomme et institue par la présent testament pour mes héritiers universels de tout ce que je pourrai avoir en ma possession et généralement de tout ce qui pourrait m’appartenir au moment de mon décès, Louis Antoine Duc d’Angoulême et Charles Ferdinand duc de Berry, mes deux fils, pour tout, attendu la modicité, être partagé entre eux par égale portions, aux restrictions ci-après exprimées ; dans le cas où l’un de mes héritiers ci-dessus institués viendrait à me précéder, je lui substitut mes enfants en légitime mariage pour la part et portion seulement qui aurait dû appartenir au prémourant et à défaut d’enfant le survivant des deux pour le tous et si j’avais le malheur de survivre à mes deux enfants morts sans postérité (ce que Dieu ne plaise) je leur substitue ma très chère et bien-aimée belle-fille, Madame Duchesse d’Angoulême que je nome et qu j’institue au dit cas pour mon héritière universelle et , à son défaut, sa Majesté le Roy de Sardaigne, Victoire Emmanuel, aux conditions ci-après exprimées :
2- 2- J’autorise mon cher fils Louis Antoine, Duc d’Angoulême, à prendre avant partage, la bibliothèque de France, s’il peut la revoir, et à condition d’en brûler les mauvais livres.
3- 3- Je charge mes héritiers universels ci-devant institués d’assigner dans une église à leur choix un fond suffisant dont le produit annuel puisse équivalez à la rétribution de cinquante messes basses que je désire être annuellement et à perpétuité célébrées pour le repos de mon âme. Je les charge aussi de se conformer au contenu de la lettre qui sera jointe au présent pour n’être ouverte et lue que par eux.
4- 4- Je prie toutes les personne qui ont ci-devant composé ma Maison de recevoir les expressions de ma reconnaissance pour l’attachement qu’elles m’ont toujours témoigné et à l’égard de celles que leur dévouement a déterminé à me suivre et qui se trouvèrent avec moi le jour de mon décès. Je m’en rapporte à la générosité et à la justice de mes héritiers pour les récompenser chacune à raison de son rang, de ses services et de son ancienneté et, attendu le malheur des temps, je les recommande en outre aux bontés de Monsieur.
5- 5- Je prie également Mr le Comte de Welsberg de recevoir tous mes remerciement pour le zèle , qu’il voudra bien m’en donner encore une dernière après ma mort en s’employant pour faire exécuter ponctuellement le présent testament, exécution que je confie aux soins de la personne qui sera désignée par les Princes, mes fils….
Madame a déclaré ne pouvoir signer, attendu sa grande faiblesse
Daté du Samedi 1er Juin 1805 »

Ce même jour, une lettre de la comtesse d’Artois est adressée au vice-chancelier Cobenzl, pour être adressée à Sa Majesté la Reine d’Espagne, afin que la pension qui lui a été accordée par la Cour de Madrid, puisse être reversée à ses deux enfants, après sa mort.

Il est touchant de voir comment cette mère attentionnée prend soin de ses enfants qui l’ont presque oubliée au seuil de la mort !

Le 2 juin 1805
A quatre heures du matin

Après une quasi-inexistence à la Cour, elle s’éteint à l’âge de quarante-neuf ans,dans la solitude à Graz. Elle est enterrée à Graz, dans le mausolée impérial sis à côté de la cathédrale de la ville.

L'acte de décès officiel conservé dans le livre «La noblesse dans les Matriken de la ville de Graz» rapporte le décès de «Son Altesse Royale, Madame Marie-Thérèse, comtesse d'Artois, née princesse royale de Sardaigne, âgée de 49 ans, suite à une détérioration organique (consommation)».
Le dimanche 8 juin 1805
 
Après que son corps sans vie a été ouvert, le cœur est placé dans une urne en argent, le cerveau et les intestins dans une urne en cuivre, le corps est embaumé de la manière habituelle et  reste dans une pièce de son appartement dans la maison Rumaschusslishen, sur un lit de parade, où devant un détachement de grenadiers et une servante, deux prêtres célèbrent un office religieux.
Puis le cadavre, resté ici jusqu’à cinq heures de l’après-midi, est placé dans un coffre, scellé par son excellence le gouverneur de la région du duché de Styrie et de Carinthie, Philippe, Comte de Wetsberg Raitenau.
                                                                                                                  A cinq heures
outes les cloches ont sonné lors du passage du cortège solennel, au cours duquel les restes terrestres de SAR ont été enterrés dans le Mausolée de l’Empereur Ferdinand II, près de la cathédrale locale. Les pauvres de la ville et des membres des hôpitaux ouvrent le cortège funèbre. Ils sont suivis par les écoles allemandes, puis les étudiants du collège royal et impérial et du séminaire religieux, les réguliers et le clergé local, puis le curé de la cathédrale. Le cercueil est entouré des serviteurs de SAR, portant les chandeliers, tandis que les grenadiers de la garnison montent la garde. Suivent ensuite, le confesseur de la défunte, le gouverneur de la province, les autres notabilités, les citoyens libres de la région en tenue de deuil. Au mausolée, attendent, le comte de Waldstein avec le chapitre de la cathédrale. Puisque la comtesse d’Artois appartient à une maison royale, sa dépouille a été transférée au Mausolée de Graz, dans la chapelle princière, à la demande du Gubernium de Graz au comte de Colloredo à Vienne, à savoir … si le corps de la comtesse d’Artois déposé au Mausolée, pour être enterré dans la crypte.
L’autorisation d’inhumation arrive deux mois après la mort de la princesse en août 1805.

Après les funérailles qui sont splendides, son corps est enterré dans la crypte du mausolée de L’Empereur Ferdinand.

Le 4 août 1805

Suivant le désir qu ‘avait exprimé la comtesse, son corps est ouvert. Le fait est prouvé par cette lettre de Mgr de la Fare :

 

« J’ai été chargé, écrit-il à Mr Croiset, par les derniers ordres que j’ai reçu du Rois, de vous demander le procès verbal de l’ouverture du corps de Madame. Envoyez-le moi le plus promptement possible afin que je puisse le réexpédier aussitôt à Mittau. Ce n’est point entre les main de Mgr le Duc d’Angoulême pour qui ces tristes détails seraient trop déchirants, mais entre celles du Roi que cet acte doit être remis . »

Le 15 août 1805

Mgr de la Fare écrit à Mr Croiset :

« J’ai à vous communiquer les dernières intentions du Roi relativement à la sépulture de Madame S.M. qui conserve toujours l’espérance de réunir un jour ses cendre à celle des Rois ses aïeux veut aussi pouvoir faire déposer dans le tombeau de sa Maison la dépouille mortelle de Madame.
Pour cela, le Roi désir qu’il en soit usé pour Madame Adélaïde et Victoire, et que le cercueil demeure comme en dépôt dans l’honorable lieu où il a été mis. Personne ne peut mieux que vous , Monsieur, qui avez été témoin et agent de tout ce qui a été fait relativement à Mesdames, traiter cet objet avec le Comte de Welsberg et de le faire conclure au gré de S.M. et de la famille Royale.
Je me repose donc sur vous de ce soin, vous priant de m’instruire de tous ce que vous avez pu faire et terminer à cette égard. »

Mausolée de l'Empereur Ferdinand à Graz

Marie-Thérèse repose au mausolée impérial de Graz, ville où elle est décédée :

« Ici est le cœur de Très haute, très illustre et très puissante Princesse Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois, morte à Graz le 2 juin 1805»

En 1839

L’urne se trouve nichée dans un mur situé en face du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France. Elle y sera placée par le duc d’Angoulême en 1839 seulement.

Le cœur de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois est déposé dans cette urne près du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France, en l'église Santa Caterina à Naples, par son fils, le duc d'Angoulême. La comtesse d'Artois avait émis cette clause dans son testament, en signe de l'amitié que les deux femmes partageaient en commun.
Le tombeau de Clotilde de France Église Santa Caterina a Chiaia à Naples Par Jean-Pierre Franque, XIXe siècle Commande du Roi Louis XVIII en 1818 pour les collections royales

Sources : 

  • Antoinetthologie
  • Versailles -passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Dans l’ombre de Marie-Antoinette, les Comtesses de Provence et d’Artois, groupe FB de Dominique Poulin

Le second Cabinet Turc du comte d’Artois 
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Il prend la place de la bibliothèque et du cabinet intérieur aménagés en 1773 dans les entresols. Il est éclairé par deux fenêtres. La pièce est doublée sur deux côtés d’un couloir où sont les armoires pour les livres. Une niche, recouverte de glaces, est encadrée de fausses portes de bibliothèque menant au couloir

Plan de l'Appartement du comte et de la comtesse d'Artois, au premier étage de l'Aile du Midi.

Le reste du décor se compose de «turquerie». Quatre portes et fausses portes sont peintes.  Le meuble est un lampas bleu broché. Jacob livre une paire de guéridons, un écran de cheminée, une grande sultane pour l’alcôve, deux lits de repos, deux bergères, quatre fauteuils, six chaises et une console. Des candélabres et une pendule se trouvent sur les consoles.

Console du Cabinet Turc (aujourd'hui au Louvre)

Ce décor luxueux est aujourd’hui dispersé dans plusieurs lieux :
– Les boiseries, longtemps conservées à Versailles, sont aujourd’hui au Louvre,
– Les fauteuils, les bergères et les chaises, qui ont meublé pendant des années le cabinet de la Méridienne de la Reine à Versailles, sont à Fontainebleau,
– Les candélabres sont à Buckingham Palace,
– La console est au Louvre,
– Enfin, la pendule dans le salon des Nobles de la Reine à Versailles.

Candélabre actuellement a Buckingham Palace Paire de candélabres aux autruches de François Rémond ; bronze ciselé et doré ; 1782
Pendule aux sultanes et les deux candélabres aux autruches aujourd'hui dans le Salon des nobles de la Reine à Versailles.

On y retrouve le luxe de la Reine dans Son cabinet doré :

Reconstitution du cabinet Turc du comte d’Artois à Versailles par Lucas Lazzetta
Gravure equestre : la comtesse d'Artois, signée de Robin de Montigny
La comtesse d'Artois, miniature par François Dumont, au Musée national de Cracovie
Ce fauteuil roulant conservé au Musée Carnavalet à Paris aurait appartenu à la comtesse d'Artois avant que Georges Couthon n'en fasse usage en 1794. L'origine de la comtesse d'Artois n'est pas certaine, mais établie depuis longtemps. Il provenait à l'époque du mobilier national ou il avait été relégué sous la Révolution. Ce fauteuil venait de Versailles. Georges Couthon, député du Puy-de-Dôme, conventionnel Montagnard, soutien et ami de Robespierre l'a emprunté pour son usage. Souffrant d'une maladie articulaire, il est paralytique des jambes.

A la fin de 1781

Marie-Thérèse est gravement malade, au point que l’on croit qu’elle va mourir. Sa convalescence est longue et laborieuse. Elle fait plusieurs chutes. Elle est si mal qu’elle pousse «des hurlements affreux» selon une lettre de la marquise de Bombelles, parce que sa sœur n’est pas auprès d’elle. Tous ces détails pourraient établir l’usage de ce fauteuil roulant.

L'arrière-petite-fille de Georges Couthon a légué cet énorme trycicle au Musée Carnavalet.
Charles-Ferdinand, duc de Berry par Joseph Boze
Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême

En 1782

Une grossesse de la comtesse d’Artois paraît suspecte. Les rapports entre les époux sont de longue date inexistants.

« Madame la comtesse d’Artois, petite, douce, ingénue, généreuse, est pleine des plus admirables qualités. Elle avait un fort beau teint, mais le nez un peu long.»

      Mémoires de la baronne d’Oberkirch concernant l’année 1782

 

L’on suspecte un garde du corps que Louis XVI envoie servir aux colonies, ce à quoi Madame Adélaïde rétorque qu’« il faudrait y envoyer toutes les compagnies ». Pardonnée par son époux mais encore davantage discréditée, la comtesse d’Artois met au monde à huit mois de grossesse une fille, Mademoiselle d’Angoulême, qui ne vivra que six mois.

A la fin de l’année 1782

Dans la correspondance d’Angélique de Bombelles (1762-1800) avec son mari,  Marc-Marie, marquis de Bombelles (1744-1822), nous apprenons que la comtesse d’Artois est très malade, au point d’alerter toute la Cour, jusqu’à son volage époux.  La comtesse de Provence, dans cette circonstance, apparaît comme une sœur très aimante.

La comtesse d'Artois par Campana, miniature (1780)
La comtesse d'Artois par le chevalier Delorge

Le 27 décembre 1782

« Adieu toutes les fêtes, mon petit chat, Madame la comtesse d’Artois est au plus mal d’une fièvre qui d’abord avait si peu inquiété que je ne t’en avais pas parlé, mais qui est devenue des plus graves, puisque les médecins disent qu’elle est maligne. Ils craignent aussi que le sang ne soit gangrené, elle a des cloches qu’on appelle des phlyctènes qui l’annoncent. Elle a été administrée, hier, à minuit. Cette pauvre petite princesse dans les moments où elle a sa tête dit qu’elle sent bien qu’elle va mourir, tout le monde en est persuadé et très affligé, parce que c’était la bonté même, tout ce qui l’entoure se désespère. M. le comte d’Artois, ne la quitte pas. Madame, apprenant hier, après dîner, que sa sœur allait plus mal et craignant qu’on ne l’empêchât de la voir davantage, s’est mise à courir de toutes ses forces, pour aller chez elle. Elle est tombée en montant l’escalier, s’est évanouie, et il lui a pris des convulsions affreuses qui ont duré deux grandes heures. Il n’est pas encore sûr qu’elle ne fasse pas une fausse couche. Pendant ce temps-là, Mme la comtesse d’Artois, ne voyant pas venir Madame, s’est mise à faire des cris, des hurlements affreux, disant qu’elle avait quelque chose à lui dire, qu’elle voulait la voir absolument. On a été chercher Monsieur qui est arrivé chez elle et on a été obligé de lui dire que Madame avait fait un chute, qu’elle allait être soignée et qu’elle ne pouvait pas sortir de son lit. Madame Élisabeth est si affligée de l’état de Mme la comtesse d’Artois que je n’ai pas voulu la quitter, hier, de la journée. Elle a été, avec la Reine, chez Madame pendant son évanouissement et ses convulsions. La Reine s’est conduite parfaitement: elle lui a donné tous les soins, toutes les marques d’amitié, qu’elle lui devait. Si cette catastrophe pouvait les raccommoder ensemble, ce serait au moins un dédommagement. J’espère encore que Mme la comtesse d’Artois n’en mourra pas, elle est si jeune, elle a toujours eu l’air si sain que les médecins doivent trouver beaucoup de ressources pour la tirer de là. Il est certain qu’elle est bien mal, et ce qui est un bien mauvais signe, c’est qu’elle tire les draps avec les mains, elle a toujours l’air de chercher quelque chose; tous les gens qui sont à la mort ont la même manie, c’est une espèce de convulsion. Enfin, il fallait que cette pauvre petite princesse mourût pour qu’on parlât d’elle, mais aussi n’est-ce qu’en bien, les regrets sont généraux, et, si elle pouvait en revenir, l’alarme qu’elle aurait donnée ferait qu’on l’aimerait beaucoup. Je t’avouerai que j’ai un peu de regrets à ne pas mettre mon habit, ni ma robe; si sa maladie tournait à bien, les fêtes ne seraient reculées que de quinze jours; mais, si elle meurt, je ne crois pas qu’il y en ait de sitôt. Si ce malheur arrivait, tu ne pourrais pas, non plus donner la tienne, cela serait piquant . M. de Louvois m’a assuré hier que ta sœur serait heureuse avec lui, cela m’a fait plaisir.»

          Angélique de Bombelles

Marie-Caroline de Savoie par Johann Heinrich Schmidt

Le 28 décembre 1782

Décès de Marie-Caroline de Savoie (1764-1782), la plus jeune sœur des comtesses de Provence et d’Artois. Elle avait épousé épousé l’année précédente le prince Antoine de Saxe, cousin de Louis XVI, mais meurt de la petite vérole.

Le 29 décembre 1782

« la comtesse d’Artois est hors d’affaire, Madame ne fera pas de fausse couche et tout le monde est content »

Angélique de Bombelles

Le 6 janvier 1783

Naissance de  Mademoiselle d’Angoulême. La petite fille paraît très chétive dès sa naissance…
Malgré le rythme soutenue des naissances successives, de celle du duc d’Angoulême, puis de Sophie (Mademoiselle d’Artois), celle de Charles Ferdinand duc de Berry, et enfin de la princesse Marie-Thérèse, la comtesse d’Artois sait très bien que son couple n’incarne en rien les vertus familiales. Le comte d’Artois continue d’honorer sa femme mais aussi les nombreuses autres. Lorsque la Comtesse d’Artois est enceinte et en pleine maternité, il est libre de faire ce que bon lui semble. L’Étiquette interdisant tout rapport dès le sixième mois et jusqu’au sixième mois après accouchement, il en profite allègrement pour courir les ballets, les fêtes, les demoiselles de l’Opéra, les actrices et les grandes dames de la bourgeoisie et de la Cour.
Souffrant de cette situation et de cet abandon, elle entretient dès 1780 une liaison avec un homme attaché a son service… un garde-chasse, Pierre Desgranges . Le mari volage mais offensé prit des sanctions si disproportionnées pour châtier l’imprudent qu’elles choquèrent l’opinion. Pourtant il était dans son bon droit à cette époque. Si les princes pouvaient entretenir de multiples relations, les princesses, elles, ne devaient en aucune façon s’oublier et oublier leur rang et ce qu’elles représentaient. Le scandale de sa sœur s’affichant avec une maîtresse, s’il portait atteinte à la morale de l’époque ne portait aucunement atteinte au principe de légitimité. La comtesse d’Artois avait pris le risque de donner naissance à un potentiel bâtard et cela ne se pouvait. Recluse qu’elle était, elle était désormais finie à la Cour de France, sous étroite surveillance, cantonnée à son rôle de mère et d’épouse.

La comtesse d'Artois par Jean-Martial Fredou (1783)
Miniature de la comtesse d'Artois

En 1783, le peintre Charles Leclercq (1753-1821) réalise un admirable tableau de la famille du comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X. Cette représentation met en avant les sentiments familiaux entre la comtesse d’Artois et ses enfants. Marie-Thérèse de Savoie est ainsi peinte au centre du tableau en mère douce et aimante. Sur ses genoux aurait dû figurer sa deuxième fille, Mademoiselle d’Angoulême née en janvier de cette année mais décédée au mois de juin. Dans ses bras, Marie-Thérèse soulève son second fils le petit Charles-Ferdinand duc de Berry né en 1778. C’est à cette époque un enfant joyeux et plein de vie. Accoudé au sofa, le premier-né du couple d’Artois : Louis-Antoine duc d’Angoulême. Né en 1775, sa naissance fut très acclamée. En effet il était le premier enfant royal de sa génération. Cela ravit surtout son père le comte d’Artois, fier d’avoir eu un héritier avant son frère Louis XVI qui était pourtant marié depuis cinq ans alors que lui n’avait épousé Marie-Thérèse de Savoie qu’en novembre 1773. La comtesse tient la main de sa fille aînée et depuis peu unique, Sophie dite «Mademoiselle». Celle-ci est née en 1776, 364 jours après Louis-Antoine, signe évident de la grande capacité de Marie-Thérèse à avoir des enfants.

La comtesse d'Artois et ses enfants par Charles Leclercq

La famille du futur Charles X apparaît ici dans un cadre bourgeois et chaleureux : celui de la famille soudée. Pourtant la réalité est toute autre. Marie-Thérèse de Savoie est avant tout fière de sa progéniture, mais fidèle à son enfance et à son éducation elle n’a jamais vraiment eu d’affection pour ses enfants, dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Lors du décès de la petite Marie-Thérèse-Louise-Sophie à l’âge de six mois en 1783, la comtesse ne versa pas une larme alors que Marie-Antoinette sera fort attristée de la perte de Sa fille Sophie-Béatrice morte dans les premiers mois.
Assez étrangement, tous les personnages présents sur ce tableau auront un bien triste destin. La première victime fut la jeune Mademoiselle qui trépassa le 5 décembre 1783 juste après l’achèvement du tableau. Si son père Charles d’Artois montra un profond chagrin face à la disparition de sa fille, la comtesse ne parue pas affligée de cette perte. Voit-on vraiment là la mère aimante représentée par Leclercq ? Cet exemple illustre bien le peu de considération qu’avait Marie-Thérèse pour ses enfants.

« Madame la comtesse d’Artois était encore beaucoup plus laide ( que sa sœur ) et parfaitement sotte, maussade et disgracieuse . C’est auprès des gardes du corps qu’elle allait chercher des consolations des légèretés de son mari . Une grossesse qui parut un peu suspecte, et dont le résultat fut une fille qui mourut en bas âge, décida M. le comte d’Artois à ne plus donner prétexte à l’augmentation de sa famille déjà composée de deux princes .»

            La comtesse de Boigne

Les très officiels Mémoires Secrets qui ne le sont pas, déclarent que « Le Roi et M. le Comte d’Artois redoublent d’attentions envers elle (la comtesse d’Artois) depuis ces bruits infâmes

Le 22 juin 1783

Mort de la dernière née de la comtesse d’Artois ( oserait-on désigner le comte comme le père?), Mademoiselle d’Angoulême,  qui avait six mois.

Le Mercure de France relate :

«Mademoiselle d’Angoulême est morte à Choisy le 22 juin 1783 à 11 heures et demi du soir, âgée de 5 mois et 16 jours, d’un épanchement d’eau dans le cerveau. Le 24, le corps de cette princesse fut porté à Saint-Denis, ou elle a été inhumée.»

Le registre de la paroisse de Saint-Denis à Paris comprend la mention suivante affichée plus haut :

Acte de décès de mademoiselle d'Angoulême

« L’an mille sept cent quatre vingt trois, le vingt quatre juin, a été transporté du château du Roi, de la paroisse en l’Eglise de l’abbaye Royale de Saint-Denis, le corps de la très haute et très puissante princesse N. de France, dite Mademoiselle d’Angoulême, décédée le 22 du premier (…??), château, âgée de cinq mois et quinze jours, fille de très haut et très puissant prince, Monseigneur Charles Philippe, Comte d’Artois, frère du Roi, et de très haute et près puissante princesse, Madame Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois.
Le transport a été fait en présence de Madame la duchesse de Lorge, dame d’honneur de Madame la Comtesse d’Artois, de Madame la Marquise de Montmorin, une des dames pour accompagner Madame la Comtesse d’Artois (…??).

Soussigné, Guillemin, Vicaire.»

*La mention N. de France signifie que l’enfant n’avait pas de prénoms, car il fut seulement ondoyé, et non baptisé à la naissance

La comtesse d’Artois est fragile en tous points, et le coup qui lui est bientôt porté atteindra sa santé morale. Elle est, comme sa sœur, Marie-Joséphine, et son frère, le prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV, encline à la dépression. Décrite comme revêche, triste, sans expression, sa complexion nerveuse est extrêmement sensible et sujette probablement à des maux psychiques qui la contraignent à s’isoler fréquemment.

La famille royale en 1783 par Benjamin Warlop

Les 15 et 16 novembre 1783

Le marquis de Bombelles note qu’ «il transpire que Madame la comtesse d’Artois est enceinte», en se gardant bien toutefois de préciser qu’il pourrait s’agir d’une calomnie. Il remarque que la princesse est dolente au point d’avoir été saignée et qu’elle garde le lit. L’agitation gagne toute la famille royale, Marie-Antoinette s’entretient avec les comtes d’Artois et de Provence pendant plus d’une heure, la comtesse de Provence pleure, et l’on sait d’après les témoignages des contemporains, que les deux princesses piémontaises s’entendent peu, Madame Élisabeth qui entretient des relations cordiales et affectueuses avec Marie-Thérèse de Savoie, se voit interdire la porte de l’appartement de la comtesse d’Artois, si elle ne se trouve pas chaperonneé par la Reine. Tous ces détails sont intrigants !
De même, les très officiels Mémoires Secrets, qui le ne le sont pas, déclarent «que le Roi et le comte d’Artois, redoublent d’ attentions envers elle, depuis ces bruits infâmes.»
Marie-Thérèse de Savoie sait qu’un des hommes qui la sert a répandu des calomnies sur sa personne et dans ce contexte, il est possible que le comte d’Artois, en proie au doute, non pas de la fidélité de sa femme, mais des malveillances autour de la princesse, au demeurant fragile, ait pris des mesures à ce propos.

Le 30 novembre 1783

Louis XVI signe une lettre de cachet à l’encontre de Pierre Desgranges, garde du corps du comte d’Artois.

Le mardi 2 décembre 1783

A huit heures du soir

Desgranges, escorté de trois inspecteurs de police est incarcéré à la Bastille.

L’épisode relatif à Pierre Desgranges qui «osa de vanter d’avoir plu à Son Altesse Royale» est véridique : il le paiera de six mois d’emprisonnement à la Bastille. Son emprisonnement se termine au plus tard au début de l’été 1784 : ce premier constat souligne le fait que si le garde du corps du frère du Roi s’était rendu coupable d’une faute qui avait imposé l’injonction d’une lettre de cachet, force est de reconnaître que son emprisonnement fut court.
Marie-Thérèse de Savoie connaissait sans doute, mais fort mal «ce fat de garnison» qui la sauva dans un accident de carosse. Mais, objectivement, Desgranges abusa de la bonté de la princesse.
Ce garde du corps, en l’espace de quelques mois, obtint un grade de capitaine de cavalerie et une place de gentilhomme ordinaire dans la maison du comte d’Artois. La femme du frère cadet de Louis XVI y était-elle pour quelque chose ? Rien ne permet de le dire, mais Desgranges dût ses faveurs, grâce à son mérite et à son temperament entreprenant et son ambition.

Il demeure également un état de fait qui plaide dans l’innocence de la comtesse d’Artois envers Pierre Desgranges : la princesse est extrêmement timide, renfermée sur elle-même. Le terme de sauvagerie n’est pas exagéré dans sa pathologie médicale. Si, pendant la première période de son mariage, «elle se cachait comme un sylphe dans ses rideaux quand au moment de se lever, il lui fallait s’habiller devant une nombreuse assistance», l’angoisse de Marie-Thérèse de Savoie n’est pas étonnante pour une jeune fille qui venait d’une cour très rigoriste et guindée.
Sa sœur, la comtesse de Provence et la Dauphine Marie-Antoinette abhorrent également l’étiquette de la Cour de France, mais elle ont plus de facilités pour cacher leurs sentiments. La comtesse d’Artois souffre peut-être d’un syndrome phobique car elle vit toujours très isolée, ou du moins ou cet isolement lui permet de se limiter aux dames de sa suite, aux femmes de chambre en qui elle a confiance, ou avec ses enfants.
Dans ces circonstances, on voit mal cette jeune femme timorée, se laisser séduire par un de ces gardes du corps ! D’autant plus, qu’elle a la parole rare, et que son hyper timidité et son hyper sensibilité lui barrent toute privauté.

Le malhonnête officier Desgranges se contenta probablement d’exploiter le nom de la trop fragile comtesse d’Artois dans le seul but d’assurer sa fortune. Il le paya de six mois de Bastille.

Le 3 décembre 1783

Le chevalier de Sarradas, autre garde du corps de la comtesse d’Artois, est lui aussi incarcéré à la Bastille, sous l’injonction d’une lettre de cachet.

Le 5 décembre 1783

Décès de «Mademoiselle» Sophie d’Artois, née en 1776.

Marie-Antoinette écrit à Son frère Joseph II, le 20 décembre 1783 :

« Pour la comtesse d’Artois, qui ne sent rien, elle n’a pas été plus affligée de la mort de sa fille, que de tout autre chose.»

L’Empereur d’Autriche, Joseph II dira crûment qu’elle était «imbécile»…

« Mademoiselle est morte hier, à dix heures du soir. M. le comte d’Artois en est dans le plus grand chagrin. Elle a souffert pour mourir autant qu’une grande personne et avec un courage étonnant; c’est ce qui la fait regretter encore davantage. Tout le château est dans une tristesse mortelle. La petite Madame a la fièvre tierce et hier le roi a été incommodé toute la journée. Comme c’est une chose qui ne lui est pas encore arrivée, on a craint qu’il ne tombât malade; mais ce matin il est très bien et ne souffre plus. Tu vois, ma chère, que tout était éclopé, sauf les personnes auxquelles tu t’intéresses le plus et qui se portent à merveille.
Je crois que les soupers de ma sœur  vont commencer mardi; tu serais charmante d’y venir pendant ton séjour à Saint-Germain.
»

            Madame de Polastron à Madame de Laage de Volude

Le bailli Pierre-André de Suffren (1722-1788) en grand uniforme d’officier général de la Marine par Pompeo Batoni

Le 3 avril 1784

Le bailli de Suffren, héros de l’Inde, est mandé à Versailles par Louis XVI.
Le maréchal de Castries, secrétaire d’état à la Marine le conduit dans les petits appartements, où Louis XVI et Marie-Antoinette dînent avec Monsieur, le comte d’Artois et Madame. Dès que le premier gentilhomme de la chambre l’a annoncé, ils quittent tous leurs sièges pour aller à la rencontre du bailli de Suffren. Louis XVI, l’ayant pris par la main, le présente à Marie-Antoinette. Monsieur et le comte d’Artois l’embrassent. Louis XVI lui annonce qu’il est fait cordon bleu.
Après cette entrevue, Marie-Antoinette retourne dans Son appartement où le bailli de Suffren Lui est présenté une seconde fois et officiellement par le maréchal de Castries. Elle lui dit les choses les plus affectueuses et les plus obligeantes. Pendant ce temps, la duchesse de Polignac, gouvernante des Enfants de France, amène le Dauphin et Madame Royale. Marie-Antoinette présente Elle-même, le bailli de Suffren, à Ses enfants. Une réception aussi flatteuse l’attend chez Monsieur où ce dernier embrasse le bailli de Suffren et le presse contre son sein.
Madame la comtesse d’Artois, qui ne reçoit personne ce jour-là, veut que le bailli de Suffren lui soit présenté. C’est la seule personne qui entra chez elle.
 

Après l’affaire Desgranges, le désir d’isolement de Marie-Thérèse ne fait que croître, mais elle ne perd pas la sollicitude des siens, notamment de Madame Élisabeth, qui bien que plus jeune, la soutien de ses conseils.

Les déclarations de l’abbé de Véri, le 1er mai 1784, restent fortement sujettes à caution au sujet de «l’enfant adultérin», qu’il invoque, et pour toutes les raisons declinées ici :

«L’enlèvement pendant l’hiver 1783-1784, de deux gardes du corps du comte d’Artois, l’un réputé jouir des faveurs de la comtesse d’Artois, l’autre, être son médiateur, avait fait un éclat. Et la naissance le dimanche des Rameaux, le 4 avril, d’un enfant adultérin aussitôt disparu, était parvenue à la connaissance du public. La comtesse d’Artois avait fait face à la cabale. Elle aurait dit, au roi, à la reine, ou à la comtesse de Provence : « «« J’avais encore la meilleure conduite des trois. »»

L’abbé de Véri

La comtesse d'Artois et ses trois enfants : le duc d'Angoulême (1775), Mademoiselle d'Artois (1776) et le duc de Berry (1778)

Le 19 février 1785

Quelques temps après l’achat du château de Saint Cloud par Marie-Antoinette, la comtesse d’Artois manifeste, selon ses propres mots, le «désir et le besoin d’une maison de campagne où elle puisse prendre l’air et se procurer quelques distractions»…

En 1785-1786, la comtesse d’Artois soutient une vie publique un peu plus soutenue, grâce au recouvrement de sa santé : on la voit souvent passer des soirées chez madame de Montbel, puis chez sa dame d’honneur, la duchesse de Lorges.

Le 27 mars 1785

Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, qui deviendra , en 1789, à la mort de son frère aîné, le Dauphin et que l’on connaîtra sous le nom de Louis XVII.

Le 28 août 1785

On célèbre la cérémonie de baptême du duc d’Angoulême, dix ans, et du duc de Berry, qui a sept ans et demi. Le Roi et la Reine sont les parrains du duc d’Angoulême. Les parrains du petit-duc de Berry sont Carlos III, Roi d’Espagne (représenté par le comte Provence) et sa marraine, Marie Antoinette d’Espagne, Reine de Sardaigne (représentée par la comtesse de Provence).

A la chapelle royale de Versailles, la cérémonie est précédée par Armand de Roquelaure, évêque de Senlis. Aucun prince n’a le ruban bleu sur son costume. Les cent gardes suisses sont en grande tenue.

 

Le 19 septembre 1785

Décès de sa mère, Marie-Antoinette d’Espagne (née en 1729), au château de Moncalieri, près de Turin.

Elle est enterrée à la basilique de Superga.

Le 2 août 1786

 « J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aie pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-telle comme en prison à Versailles. » Il poursuit : « Il faut convenir qu’elle est devenue bien raisonnable et que son dévouement aux volontés de Monseigneur et, l’on peut dire, de son administration mérite quelque chose».

Bourboulon, intendant de la comtesse d’Artois, à M. de Verdun, trésorier du comte d’Artois

Sculpture en cire de Francesco Orso représentant la Reine de Sardaigne, Maria-Antonia de Bourbon

La Maison de l’Electeur, dite le château de Béarn, à Saint-Cloud, est de 1786 à 1789, la villégiature de la comtesse d’Artois qui en fait son Trianon, à l’instar de Marie-Antoinette, de la comtesse de Provence, de Madame Élisabeth et de tant d’autres grandes dames.

Le château de Béarn

Ce château, que l’on appelle exagérément une maison, était loué pour Marie-Thérèse de Savoie qui sort enfin de la solitude de Versailles ou elle s’etiolait. Il ne reste rien de cet édifice de nos jours.

Le 16 août 1786

 Un courrier de M. de Verdun rapporte au comte d’Artois que c’est «une pitié que de voir madame la comtesse d’Artois seule, abandonnée à Versailles, livrée à l’ennui et aux dégoûts.» et que «Depuis longtemps elle se conduit d’une manière édifiante» .

Le comte d’Artois accepte finalement que la comtesse loue la maison dite de l’Électeur à Chalut, pour un loyer annuel de 18 000 livres.
Mais la dépense sera, de facto, bien plus considérable.
Voici le compte des frais engagés en 1786 et 1787 pour le «Trianon» de la comtesse d’Artois à Saint-Cloud  :

Le château de Béarn

« Le Pavillon de St Cloud, fut loué en partie meublé. Tous les meubles du propriétaire furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître».
La princesse se servit, en effet, d’une partie du mobilier du propriétaire, comme celui des principales pièces de réception, celui des logements et des chambres de service. Le garde meuble privé du comte d’Artois y envoya donc quelques meubles d’acajou antérieurement livrés par l’ébéniste Mathieu Guillaume Cramer.

sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le garde meuble du prince apposa une marque composée de lettres entrelacées SC ( St Cloud ) au centre d’un cartouche ovale dentelé ( écu de la province d’Artois ). Les lettres GM, apposées sous les cartouches devaient signifier probablement la marque du garde meuble, non en tant que réserve de meubles, mais, en tant qu’administration du garde meuble princier.
Les ébénistes et menuisiers Jacob et Lelarge fournissent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier du temps, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse , l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement, L’ébéniste JH Riesener fut chargé de l’exécution d’ouvrages plus précieux en partie réservé à l’usage exclusif de la princesse. De nombreux sièges peints en blanc vernis, des paravents, des voyeuses, des canapés, plusieurs petites tables seront commandés à Jacob, Lelarge. En 1788, 1 000 livres étaient dues à ce fournisseur qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la princesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table tric-trac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées ou portent les marques du garde-meuble de la princesse. Nous pouvons aujourd’hui admirer de très belles pièces d’ébénisterie, comme, par exemple , le secrétaire du boudoir retrouvé grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble fabriqué pour le pavillon .»

La princesse ne fera pas de grands travaux dans son «Trianon», elle n’en profitera que trois ans de 1786 à 1789 se contentant toutefois de le meubler somptueusement et comme sa sœur de Provence par les ébénistes les plus célèbres.

En 1787

Depuis son déménagement, la comtesse de Provence dispose du palier du nouvel escalier de l’ancienne antichambre de la princesse de Lamballe devenue une première antichambre à une fenêtre où se tient sa sentinelle. La seconde salle est l’ancien petit salon où la princesse de Lamballe avait coutume de recevoir la Reine. C’est maintenant une seconde antichambre, plus grande a deux fenêtres, qui sert de salle-à- manger, où elle continue à convier la famille royale à souper «tous les soirs, à huit heures précises ». Les convives se régalent du traditionnel potage aux petits oiseaux, que la princesse prépare elle-même . Chaque membre de la famille fait apporter son dîner, auxquels on met la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame.

« Excepté les jours où il donnait à souper chez lui, le Roi n’y manquait pas un seul jour … »

Mémoire du comte d’Hézecques

Au mois d’octobre 1787

La comtesse d’Artois demande qu’un plancher soit construit au-dessus de la corniche de sa chambre afin de diminuer la hauteur du plafond de sa chambre. Sans doute, avait-elle froid et entendait, en réduisant le volume de la pièce, la réchauffer.

Portrait en trait de plume de la comtesse d'Artois par Marie Jeanne Bernard, vers 1785
L' abbé Colla de Pradines, aumônier par quartier de la comtesse d'Artois en 1789. Portrait par Wermuller, collection particulière.

Le 5 mai 1789

Ouverture des États-Généraux.

La Reine et les princesses ne sauraient manquer à leur premier devoir en matière de représentation, soigner leur parure. Lorsque la Reine est souffletée par le cri de «Vive le duc d’Orléans», la souveraine vacille. On craint un malaise. Ni Marie-Thérèse, ni Marie-Joséphine ne se précipite pour La secourir. Ce sont Madame Elisabeth et la princesse de Lamballe qui se sont offertes. Satisfaction éphémère de Marie-Joséphine. Décidément ces deux femmes ne s’aiment pas. 

Le 4 juin 1789

Mort du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François, à Meudon.

Mort du Dauphin dans Les Années Lumière de Robert Enrico (1989)

Le 14 juillet 1789

Prise de la Bastille.

La prise de la Bastille dans Les Années Lumière (1989) de Robert Enrico

Ce n’est pas tant la prise de la Bastille qui effraie, c’est avant tout la fureur du peuple qui dans son insurrection à publié la fameuse liste noire, la liste où sont inscrits toutes les personnes qu’il faut abattre. La Reine est un tête de la liste suivie de son beau-frère Artois.

Le 16 juillet 1789

Le comte d’Artois émigre avec ses deux fils, les ducs d’Angoulême et de Berry. Marie-Thérèse quitte la France dans ce premier fourgon d’émigrés, emportant le nécessaire, pensant surtout revenir. Pour preuve, elle avait commandé un service de porcelaine à Sèvres, identique à celui Riche en Or et en Couleur de Marie-Antoinette qui venait à peine de lui être livré et qu’elle laissa en France pensant le retrouver assez vite. Elle se réfugie à Turin, au sein de sa famille, où elle loge un temps avec son époux.

En trois jours Versailles et la Cour de France ne sont plus qu’un souvenir.

On suit toujours l’évolution des faits à travers la dense correspondance cryptée à Turin par le marquis de Cordon :

« 10 août 1789,
J’ai été informé du bruit public que madame la comtesse d’Artois doit se rendre à Turin et que dans la réforme qu’on projette de faire dans la maison du comte d’Artois, douze gardes du corps seront retenus pour accompagner la princesse au Pont-de-Beauvoisin.
De là découle l’hypothèse que le prince, son mari, doit également s’y rendre. Même si je n’en sais rien, et qu’aucune personne ne m’en a parlé comme d’une décision prise, je ne veux pas négliger de vous en faire part, non pas d’un projet réel, mais comme une proposition possible
»

« 14 août 1789,
Aujourd’hui, je ne vous raconte plus le voyage du comte d’Artois à cause des rumeurs de la rue, mais parce que la comtesse d’Artois, elle-même, me l’a raconté J’ai eu l’honneur de la rencontrer seule mardi. Elle me confia que son mari lui avait écrit qu’il voulait amener les enfants au roi et les lui confier, puisqu’il ne doutait pas qu’elle désirait vraiment faire ce voyage, elle le ferait.
Il l’aurait informé du moment où il pourrait le faire, afin qu’il puisse les atteindre et arriver tous ensemble.
Bien que je ne puisse douter de la satisfaction que ce projet apporte à la princesse, n’ayant aucun ordre du roi à cet égard, et ignorant ses intentions, je me suis néanmoins permis de lui dire que son départ pourrait lui nuire. Elle ne doit pas ignorer que les États généraux sont actuellement très soucieux des réformes, que l’estime personnelle qu’elle a méritée, pourrait les aider, à améliorer son traitement et ainsi influencer celui de ses enfants.
Qu’il est possible que ces réflexions aient échappé au comte d’Artois et j’ai cru devoir les lui présenter avant qu’il ne se décide.
Madame la duchesse de Lorges, sa dame d’honneur, me demanda alors de venir chez elle et me parla encore de manière plus positive de ce voyage, entrant comme moi dans tous les détails s’y rapportant.
Elle m’a dit que l’intention de la princesse était de le mettre en œuvre le plus rapidement possible et avec le moins de suivi possible, en n’ayant que trois voitures à sa suite, pour ne pas être gênée. Je ne peux pas vous dire si c’est par peur des émeutes et en même temps par envie de fuite, mais cette dame m’a manifesté le même désir que la princesse d’aller à Turin, et bien qu’elle lui ait fait les mêmes observations, elle les refusa en se fondant sur la présence de Monsieur et de Madame, et sur la certitude que les États généraux ne traiteront jamais moins le comte et la comtesse d’Artois.
»

             Le marquis de Cordon

 

Voici le laissez-passer pour les bagages de la comtesse d’Artois, signé par le Roi le 2 septembre 1789 :

Passeport de la comtesse d'Artois signé de Louis XVI et daté de septembre 1789, pour le voyage de la princesse jusqu'à Turin

Bientôt Marie-Thérèse de Savoie, vient rejoindre son époux dans son exil.

« J’étais par hasard à Versailles quand elle en est partie ; presque tous les habitants de la ville, mais en particulier les dames, vinrent sur la grande place du château pour la voir une dernière fois. Quand elle parut, les dames se jetèrent à ses genoux, priant Dieu de lui donner un bon voyage, et de la faire vite revenir. »

             Le Florentin Filippo Mazzei

Portrait de Filippo Mazzei

Filippo Mazzei, cet homme politique d’origine italienne, médecin de profession, ami de Thomas Adams et de Benjamin Franklin, partisan résolu de la Guerre d’Indépendance en Amérique, est devenu l’agent en France du Roi de Pologne, Stanislas Poniatowski.

 

Hélas ! jamais plus cette « angélique princesse », comme l’appelle Mazzei, jamais elle ne reviendra à Versailles ; et l’on ne peut même pas dire que Dieu lui ait donné un bon voyage, si l’on songe que son mari, qu’elle allait rejoindre, se souciait moins que jamais de l’avoir près de lui, tout entier à sa folle passion pour madame de Polastron.

 

Le 20 septembre 1789

La famille royale de Sardaigne accueille la comtesse d’Artois visiblement submergée d’émotion de retrouver ses parents après seize ans de séparation :

« Elle se précipita comme elle put, n’ayant plus ni jambes, ni voix, dans l’excès de sa joie. Elle embrassait tout le monde, sans les connaitre distinctement.»

Princesse à la santé physique et psychologique fragile, elle sollicite les conseils de Clotilde et puise chez sa belle-sœur la force qui lui manque dans une confiance sans malice. Comme à Versailles, son goût de la retraite la cantonne presque exclusivement dans la solitude d’une vie privée jalousement gardée.

La marquise de Coetlogon par Carmontelle, dame pour accompagner de la comtesse d'Artois, elle la suit en exil dès 1789

Le 25 septembre 1789

La famille du comte d’Artois se trouve au complet dans le château de Moncalieri. « Le Roi, — écrit dans son journal Charles-Félix, alors duc de Gênes, — nous envoya ce jour-là, Montferrier, Maurienne et moi, au bas de l’escalier, pour recevoir les enfants d’Artois. Le comte d’Artois les conduisit lui-même ; nous les avons embrassés, et nous les avons conduits en haut. Quoiqu’ils fussent dans le plus grand déshabillé, ces deux enfants sont charmants. D’Angoulême, qui est l’aîné, a quatorze ans ; il n’est pas fort grand pour son âge, mais il est bien fait, il se présente bien, et parle, raisonne comme un homme fait. Berry, qui est le cadet, n’est âgé que de onze ans et demi ; il est fort petit, gras et très joli. Il est aussi bien aimable. »

Le château de Moncalieri

Quelques jours après

Le malencontreux effet de l’arrivée du comte d’Artois se fait déjà sentir autour de lui. « Jusqu’à l’arrivée des Français, écrit le duc de Gênes, nous avons vécu en union et sans alarmes. Mais l’impertinence de cet étranger (le comte d’Artois), et le dessus qu’il prit d’abord sur l’esprit de Piémont (le prince de Piémont), nous choqua tout à fait et nous fit lever le masque. Nous n’avons plus témoigné de respect pour lui, en laissant même apercevoir que sa liaison avec cet étranger nous offensait beaucoup. Les Condés parurent pendant quelque temps humbles et respectueux ; aussi j’étois plutôt bien avec le duc d’Enghien ; mais voyant que le comte d’Artois, avec toute son effronterie, avait si bien réussi, ils voulurent l’imiter et devinrent aussi abandonnés ; et nous ne leur avons plus fait aucune politesse. »

« Le comte d’Artois, pour se rendre à Turin, auprès de son beau-père, Victor-Amédée III, aurait dû continuer jusqu’à Lausanne, puis traverser le Lac Leman jusqu’à Evian, mais par crainte d’éventuels désagréments près de Genève, côté français, il choisit une route beaucoup plus longue, mais plus sûre, la route du Tyrol, le lac de Constance, Innsbruck, Trente, Vérone et Milan. En réalité, Victor-Amédée III n’était pas très enclin à l’idée d’accueillir son gendre dans ses États, pour ne pas risquer de ruiner les bonnes relations qu’il souhaitait entretenir avec le gouvernement français et qu’il avait déja déja écrit à sa fille, la comtesse d’Artois, pour dissuader son époux de concrétiser ce projet.»

On l’accuse d’avoir transporté à la Cour de Savoie les petites intrigues de ce Versailles, que les Piémontais paraissent d’ailleurs s’être figuré comme un lieu fantastique de délices et de dépravation : car à tout moment les documents officiels constatent que, « bien qu’il fût habitué au luxe de la cour de Versailles », le comte d’Artois a pris un grand plaisir aux fêtes où il a assisté.
Ces fêtes cependant, ni les intrigues de la cour, ne consolent le prince de l’absence de sa chère maîtresse. En vain le fidèle Vaudreuil, à la garde de qui est confiée Madame de Polastron, il l’engage à se conduire avec grande mesure « pour ne point achever de perdre à Turin sa considération personnelle. » Il se résigne, prend patience ; mais bientôt sa passion l’entraîne à de nouvelles folies. Deux fois Vaudreuil doit consentir à lui amener madame de Polastron à Turin, où chacun est aussitôt informé du scandale.

Le château de Moncalieri, résidence de chasse de la maison de Savoie

Le 5 octobre 1789

Des milliers de femmes du peuple venues de Paris marchent sur Versailles pour demander du pain. Marie-Joséphine de Provence, sa soeur,  se tient aux cotés de Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth pendant la soirée du 5.

Image de Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

Le 6 octobre 1789

Vers cinq heures du matin, les appartements privés sont envahis. La Reine s’échappe en jupon par une porte dérobée. Plus tard, Sa présence est réclamée par la foule. Elle va au-devant du peuple, courageuse, au mépris de Sa vie.

Le matin du 6 octobre 1789 par Benjamin Warlop

Les Provence rejoignent la famille royale dans la chambre d’apparat du Roi à huit heures et demie, après tous les événements face à la populace… Leurs appartements à l’extrémité de l’aile du Midi où ils logent depuis 1787 ne se trouvent pas dans le point de mire des émeutiers. De plus , ils ne sont pas impopulaires…

Le Roi et sa famille sont ramenés de force à Paris. Ils logeront aux Tuileries. Les Provence rejoignent leur palais du Luxembourg bien plus luxiueux… 

Départ du Roi de Versailles, par Joseph Navlet
Les Tuileries dans Marie-Antoinette (1956) de Jean Delannoy

 

Fuyant devant les troupes républicaines, Marie-Thérèse d’Artois est arrachée à sa famille lors de la Révolution française et se réfugie à Graz en Autriche avec son époux. Devant cette épouse effacée et morose, Charles préfère la compagnie distrayante de Louise de Polastron (1764-1804) et quitte sa femme pour ne plus la revoir qu’en de rares occasions. Prétextant son devoir de rejoindre l’armée des Princes, il fausse compagnie à sa femme et à ses fils. Loin de son époux, c’est la comtesse d’Artois qui va prendre en charge, aidée de sa famille, l’éducation de ses fils. 
Les princes de Condé et le comte d’Artois reçoivent habituellement à dîner les français et ceux qui viennent leur rendre visite, sans faire aucune distinction de rang. En hiver, les seules distractions consistent en représentations d’opéra et en quelques bals auxquels les émigrés français ne manquent jamais de participer.

A Turin, il s’occupe de ses affaires avec soin et passe une partie de la journée à travailler. Il reçoiit les français qui viennent dans la ville avec une grande affabilité et leur témoignait le plus profond intérêt.
En outre, il ne manque pas de témoigner ses devoirs envers son beau père. Il accorde la plus grande attention à sa bonne et sensible épouse et veille à l’éducation de ses enfants, avec lequel il semble le plus sensible des pères.
Il a compris que la présence de sa douce amie, la comtesse de Polastron, ne peut être tolérée longtemps dans l’austère Cour de Turin et s’est résigné à la douleur d’une séparation temporaire, confiant la tendre Louise aux soins de son plus fidèle ami, le comte de Vaudreuil qui a pris sur lui de l’emmener à Rome, où elle s’est installée avec ses amis Polignac.
Durant l’hiver, leur séparation n’est interrompue que par une correspondance assidue.

Louise d’Esparbès de Lussan, comtesse de Polastron par Alexandre Kucharski
La comtesse d'Artois

En 1790

Sous prétexte que la chaleur rend son séjour insupportable et que sa santé délicate s’en ressent, Louise de Polastron se rend à Venise où les Polignac passent l’été, puis se dirige vers Parme et enfin Turin.

Le 1er mai 1792
 
Marie-Joséphine de Provence parvient à Turin. Dans la capitale du Piémont, le lieu de sa résidence mis à sa disposition est le palais du comte Rivalba.
En 1792, ce palais appartient au comte Vittorio de Piossasco de Rosti de Rivalba, qui l’a fait construire sur un projet de Benetto Alfieri.
L’arrivée de Marie-Joséphine à Turin ne  change pas les conditions et les habitudes de vie solitaire et retirée de Marie-Thérèse, car les deux sœurs qui semblent partager un destin singulier, ont des caractères très différents.
Ces deux princesses qui n’ont jamais vécu une grande intimité à Versailles, ne se sont pas rapprochées, même à Turin.
Tandis que la comtesse de Provence a un caractère capricieux et instable et mène une vie plus exubérante, comme en témoignent les journaux intimes de ses deux frères, le duc de Genevois et le comte de Maurienne qui rapportent ses bizarreries et ses excès d’humeur, peut-être justifiés par une santé chancelante, l’agréable et la douce comtesse d’Artois est plutôt influencée par sa belle-sœur, la princesse Clotilde, à qui elle s’est liée par des sentiments d’affection sincère, en se consacrant entièrement à la dévotion religieuse.
Marie-Thérèse, tombée dans un profond état de dépression depuis les premiers soulèvements révolutionnaires, passe des journées entières enfermée dans ses appartements, au point qu’elle développe le désir de se retirer dans un couvent.
Le haut clergé de la Cour de Turin a tenté de l’en dissuader, mais seule Marie-Clotilde, par ses conseils, parvient à lui faire renoncer à ce projet. Elle l’en dissuade en lui faisant comprendre qu’il s’agit de son mari et de ses enfants et que son devoir est de les aider et de les soutenir par son affection et ses conseils dans leurs peines et leurs malheurs.
Marie-Thérèse a suivi les exhortations de sa belle-sœur et restera très attachée à elle jusqu’à sa mort.
Avec ces sentiments qui la conduisent à rester isolée, on comprend que la comtesse d’Artois a un rôle très modeste à Turin. Les quelques distractions qu’elle s’autorise sont d’aller au palais royal voir sa famille pour le dîner ou passer l’après midi avec eux. 
 

En juillet 1792

Le comte d’Artois quitte Turin pour Coblence.

A la Cour de Turin les mœurs étaient rigides et simples. Le comte d’Artois, habitué au laisser-aller de la Cour de Versailles, s’était  difficilement accommodé d’une existence sévère et monotone. Le Roi, son beau-père, par crainte des complications diplomatiques, est loin de le seconder dans ses entreprises contre la France Révolutionnaire.

Un portrait tardif de la comtesse d'Artois de Giovanni Panealbo en 1791

Plus souvent à cheval qu’à l’étude, les fils de Marie-Thérèse se forment aux armes et à l’exercice dans l’espoir de rejoindre la vie trépidante de leur père, de l’armée et de quitter la sinistre ambiance de la Cour de Turin. La princesse de Piémont assiste dans son exil la comtesse d’Artois. Installée à Turin dès 1789, elle assiste dans la douleur aux départs de son mari et de ses enfants à Coblence.
Bonne par nature, mais sans esprit et peu liante, elle vit depuis longtemps une existence étriquée à travers de graves alertes de santé. Elle est fragile sur tous les points. Toutefois, une grande piété la soutient, mais le goût de vivre la quittant, elle fait part de se retirer de toute vie publique. Elle est parvenue assez loin dans ce projet pour que son frère Charles-Félix confie :

« Elle nous a dit qu’elle avait pris la résolution de ne plus retourner en France quand même les choses se seraient accommodées en France et qu’elle se retirerait dans un couvent.»

D’ailleurs leur grand-père maternel, Victor Amédée III, Roi de Sardaigne, est las des émigrés français. Leur insolence les rend insupportables, et surtout leur manque de moyen les rend indésirables. Il pousse donc ses petits-fils à voler de leurs propres ailes et les envoie à Coblence rejoindre leur père.

Marie-Thérèse est séparée également de sa dame d’Honneur, la duchesse de Lorge, exilée de son côté. Elles entretiennent une correspondance d’une extrême richesse éclairant d’un jour nouveau la comtesse d’Artois. Ces lettres de la comtesse d’Artois débordent de sentimentalité et éclairent cette princesse qui n’était guère sortie de l’ombre jusqu’ici.
Les lettres de Marie-Thérèse fourmillent de fautes d’orthographe et d’incorrection de style. Il ne faut pas oublier que la comtesse qui est italienne n’écrit pas dans sa langue maternelle. Elle ne signe pas : les temps sont troubles et elle ne veut pas livrer son nom au hasard des courriers. Elle n’ose même pas nommer son médecin Crémone qu’elle désigne par la lettre C.

Le 28 juillet 1792
 
Le comte d’Artois écrit officiellement à son beau père pour lui demander de préparer le départ de ses enfants, qui malgré les inquiétudes de leur mère, quittent Turin le 2 août avec leur gouverneur en direction de l’Allemagne.
En dépit de l’accueil affectueux qu’ils ont reçus, ils sont heureux et fiers de commencer leur apprentissage des armes. Ceux qui souffrent le plus de leur départ, sont assurément leur grand père, le roi Victor-Amédée III et leur mère, la comtesse d’Artois. Dans sa hâte de quitter Turin avec ses deux élèves, le duc de Serent s’est attiré l’hostilité de Victor-Amédée III et de Marie-Thérèse.
Ainsi, pendant que leurs époux erient à travers l’Europe, les deux princesses de Savoie, les comtesses de Provence et d’Artois, restées seules, vivent dans la Cour où elles sont nées et ont vécu leurs enfances.
 

Le 10 août 1792

Abolition de la Monarchie française.

Le 3 septembre 1792

Massacre de la princesse de Lamballe (1749-1792), sa cousine, dont la tête, fichée sur une pique, est promenée sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.

Massacres dans les prisons.

Massacre de la princesse de Lamballe

Le 4 décembre 1792

Lettre du comte d’Artois, de Dusseldorf à sa femme Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois.

Ancienne collection de Dominique de Villepin, vente Drouot du 19 mars 2008.

                                       Transcription :

« Je suis bien affligé des peines que vous éprouvez, je voudrais pouvoir les adoucir et rendre votre position plus heureuse, mais la situation particulière ou je me trouve dans ce moment ne m’en laisse malheureusement pas la possibilité. Elle me forcera vraisemblablement ainsi que mes enfants à voyager beauc oup pendant cet hiver sans pouvoir espérer une situation stable.
La vôtre ne peut être honorablement fixée pendant la durée de nos infortunes que chez le Roi, votre père. Je suis trop certain de sa tendresse pour vous et de la générosité de ses sentiments pour penser qu’il voulut pouvoir dans une circonstance semblable, imposer à votre séjour dans ses États, aucune condition qui vous fut pénible.
J’approuve fort que vous continuiez de demeurer avec le petit nombre de personnes qui vous sont restées fidèlement attachées dans la maison que le Roi vous a assignée lorsque nous nous sommes rendus près de lui.
Ce serait une barbarie dont le meilleur des pères est incapable s’il exigeait le sacrifice des bons et loyaux français qui ont mérité par leur dévouement, la protection la plus spéciale de tous les souverains qui ne veulent pas être un jour abandonnés de leurs plus fidèles serviteurs.
Je pense que vous ne devez dans aucun cas supporter qu’on les sépare de vous.
La modération, l’économie que vous mettez dans vos dépenses, les privations même que vous vous imposez, vous mettent dans le cas de vivre, vous, et le petit nombre de personnes qui composent maintenant votre maison, sans être aucunement à charge au Roi, votre père, ni à ses peuples.
Sous quel prétexte, donc, pourrait-on vouloir vous forcer à changer votre établissement et la vie qui vous convient. Non, cela n’est pas possible.
Le plus juste des Rois et le meilleur des pères n’en pourrait jamais concevoir la pensée : sa politique éclairée suffirait pour lui en faire rejeter l’idée, si jamais elle lui était présentée par des esprits bizarres ou malfaisants qui seraient envieux et jaloux de votre repos.
Tranquillisez vous donc, je vous en prie, ma chère amie, calmez votre esprit, et conservez votre courage, nous en avons encore besoin quelques temps pour atteindre au terme de nos malheurs, ils sont bien étendus, mais soyez certaine qu’ils ne doivent pas..
. »

            Le comte d’Artois à sa femme Marie-Thérèse 

Il ajoute en fin de lettre :

« Nos enfants se portent bien, l’aîné grandit un peu, mais le cadet ne fait que grossir. »

Le 21 janvier 1793

Exécution de Louis XVI.

Le 2 août 1793 à deux heures quarante du matin

Marie-Antoinette est transférée de nuit à la Conciergerie.

La représentation la plus tardive de la comtesse d'Artois, entre 1790-1793, portrait sculpté de Giovanni Bonzanigo.

 

 

Le 16 octobre 1793

Exécution de Marie-Antoinette.

Marie-Thérèse voit dans ces horreurs des signes avant coureurs de la fin des temps.

Le 10 mai 1794

Madame Elisabeth est guillotinée à son tour.

Le 22 juillet 1795

Le Roi d’Espagne Charles IV (1748-1819), à l’instigation de son ministre, l’intrigant Godoy (1767-1851), négocie avec la république française le traité qui est signé à Bâle et par lequel la France, en échange de l’Île de Saint-Domingue, rend à l’Espagne toutes les conquêtes faites sur son territoire.
La comtesse d’Artois considère avec effroi cette paix de la France républicaine avec l’Espagne. Elle recevait comme Mesdames Adélaïde et Victoire une pension de Charles IV.

Le 11 avril 1796

L’offensive française débute en seulement quinze jours, malgré l’inferiorité numérique de son armée, Bonaparte remporte les victoires de Montenotte, Dego et Mondovi.

Après la défaite de Mondovi, le 22 avril 1796, alors que les français se rapprochent de Turin, Victor-Amédée III juge opportun que ses deux filles quittent immédiatement la capitale menacée pour se replier à Novare.

Les comtesses de Provence et d’Artois partent le même jour. Les défaites conduisent Victor-Amédée III à signer le 27 avril 1796, l’armistice de Cherasco, sur la base duquel le Piémont renonce à Nice et à la Savoie et la concession à la France des débouchés intérieurs des Alpes et les forteresses de Cuneo, Ceva et Tortone, ainsi que le libre passage des soldats français pour la guerre contre l’Autriche et la libération des prisonniers politiques.
Lorsque l’armistice est signé, les deux princesses manifestent le désir de rentrer à Turin, mais leur père impose des conditions à ce retour.
La comtesse d’Artois doit congédier son chevalier d’honneur, le comte de Vintimille, tandis que la comtesse de Provence doit se séparer de sa fidèle lectrice, madame de Gourbillon.

 

Le 15 Mai 1796

La campagne du Piémont aboutit à la défaite de Mondovi. Victor-Amédée conclut avec Bonaparte le traité  par lequel il cède la plus belle moitié de son royaume. Dans le trouble de la défaite , la comtesse d’Artois quitte Turin pour se réfugier à Novare avec sa sœur, la comtesse de Provence . Elle semble avoir eu encore à souffrir des exigences de sont père, toujours ombrageux
Le chagrin l’oblige à renvoyer son chevalier d’Honneur, le comte de Vintimille (1765-1806). C’est aussi une condition de la part de son père pour que Marie-Thérèse regagne Turin.

Marie-Thérèse, en fille soumise et docile, accepte la volonté paternelle, mais Marie-Josephine refuse de se séparer de madame de Gourbillon, en notifiant sa décision par une lettre impertinente à son père, et en précisant qu’elle ne reviendra pas à Turin.
 
Le 3 mai 1796
 
La comtesse d’Artois fait donc son retour dans la capitale et reprend comme à son habitude le rythme de sa vie sur la scène de la Cour.

Le 16 octobre 1796

Mort de son père,  Victor-Amédée III (1726-1796).

En septembre 1798

La seconde invasion du Piémont et la chute de la monarchie piémontaise sont le signal du départ définitif de la comtesse d’Artois, contrainte à s’expatrier en Autriche.

Fin septembre 1798

Face à l’aggravation des événements, ne se sentant plus en sécurité à la Cour de Turin, la comtesse d’Artois a demandé un passeport lui permettant de quitter le Piémont et de se rendre à Innsbruck. Et c’est là qu’un incident diplomatique est survenu !
Le passeport demandé au nom de «Marie-Thérèse de Savoie» est présenté à la légation de France pour le visa. L’ambassadeur de France écrit qu’il aurait été heureux de valider l’intitulé «Marie-Thérèse de Savoie», sœur du Roi de Sardaigne, s’il n’avait pas porté le nom de «Savoie», qu’il lui est interdit de reconnaître.
Il pense qu’il serait facile de remédier à cet inconvénient en faisant inscrire «Madame Marie-Thérèse, Ma Sœur» sur le passeport signé de Sa Majesté et «Madame, sœur du Roi», sur tous les autres.
Le ministre Priocca envoie un de ses secrétaires du ministère, soulignant que le Roi n’a pas d’autre nom à inscrire pour l’identité de sa sœur. L’ambassadeur de France, Guingené, propose alors la solution suivante pour résoudre le problème : il aurait signé le passeport si le ministre lui avait déclaré que le nom de Savoie ni souveraineté, ni seigneurie.
Le ministre approuve cette déclaration de Guingené et l’ambassadeur signe le passeport non sans soumettre le «fait grave» à l’approbation du Directoire et de Talleyrand, lui-même.

Le frère de la comtesse d’Artois, Charles-Emmanuel (qui est aussi l’époux de Madame Clotilde de France) , qui s’était vu dépossédé de tout son royaume à l’exception de la Sardaigne estime qu’il est de sa dignité de ne pas rester à Turin. Il se retire en Sardaigne avec sa famille le 2 novembre 1798. La comtesse d’Artois ne voulait pas suivre son frère mais, devant l’invasion des troupes Français , elle s’éloigne aussi.

Victor-Amédée III par Heinrich Schmidt
Image de La Grande Cabriole (1989) de Nina Companeez

Lettre de Guingené à Talleyrand, ministre des Relations Extérieures de France du 5 septembre 1798 :

« Cela m’embarrassa beaucoup. M. de Priocca, m’envoya un des premiers commis du Ministère des Affaires Étrangères, pour me faire remarquer que le roi n’avait pas d’autre nom à proposer pour sa sœur, et que M. de Priocca ne savait pas expliquer les raisons qui en decoulaient, m’ont empêché de sceller les passeports.

Je le tirai d’affaire en l’avertissant que je n’insisterais pas si je recevais sa réponse m’annonçant que le nom donné dans le passeport à la sœur du roi, n’indiquait ni la souveraineté, ni la domination. C’est ce qu’il a pris soin de déclarer et j’ai délivré le visa qu’il demandait.
Je suis convaincu, citoyen ministre, que le Directoire ne désapprouve pas la résolution que j’ai prise d’utiliser les formes officielles pour traiter cette affaire, même si elle était d’une importance mineure

Tout cela démontre clairement à quel point la souveraineté du pauvre Charles-Emmanuel IV est réduite dans les derniers mois de son règne et jusqu’où est arrivée l’arrogance des Français.

La recherche par la comtesse d’Artois d’un lieu d’asile plus sûr que le Piémont fait l’objet d’une dispute épistolare entre Louis XVIII et le comte d’Artois.
Marie-Thérèse transmet par l’intermédiaire du représentant de Louis XVIII à Vienne, l’évêque de Nancy, Monseigneur de La Fare, une demande d’asile en Autriche.
Le Roi n’en est informé que lorsque la procédure est déja entamée. Sans se soucier de savoir si son frère a été consulté, mécontent de ne pas l’avoir été lui-même, Louis XVIII n’hésite pas à écrire au comte  d’Artois, son frère, critiquant cette demande sur la forme et le fond :
«... Ne pensez-vous pas comme moi, quelle ne peut produire un bon effet à Vienne, dans le moment où je m’occupe d’en retirer ma femme et ma nièce ? De plus, elle est faite d’une façon tout à fait inconvenante. Qu’est ce que c’est que de demander à l’Empereut un asile pour « Son Altesse Royale Marie-Thérèse de Savoie » ? Votre femme est-elle divorcée ? La mère de vos enfants rougit-elle de leur nom ? Si on avait fait ce qui se pratique en tel cas, qu’on eut pris un nom d’incognito, je n’y trouverais rien à redire quant à la forme. Mais comme cela, elle ne vaut rien du tout, et j’imagine que vous le ferez savoir à qui de droit.»

Louis XVIII estime que la comtesse d’Artois vivait très convenablement à Turin et qu’elle devait par conséquent y rester le plus possible.

Le soir du 9 décembre 1798
 
Après le départ de la famille royale de Turin, Marie-Thérèse se retrouve seule dans la ville, desormais à la merci des occupants français. Le commandant Allix la trouve à Turin et lui fournit une escorte de hussards pour quitter la capitale. La pauvre princesse, abandonnée de tous, avec sa modeste suite, ne sait où aller et après bien des hésitations, passe trois mois de vie errante, se déplaçant dans une berline branlante, en compagnie de la fidèle madame du Ponceau, de la duchesse de Lorges et du marquis de Mont-Saint-Jean à la recherche d’un asile sûr.

Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1798

La famille royale part donc. La première étape du voyage est la station du duché de Parme. Une personne de la famille de Savoie manque : la sœur du Roi, Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois, qui vit à Turin depuis 1789. Le motif vraisemblable repose sur le désordre qui régne dans la capitale du Piémont, la fermentation des esprits, l’entrée des forces militaires françaises, et la peur qui conduit la maison de la princesse au palais Cavaglia, ou elle réside, de ne pouvoir entrer en contact avec son frère, d’autres membres de la famille ou des dignitaires de la Cour.
En effet, la comtesse d’Artois ne vit pas au palais royal, mais dans un palais de la ville, le palais Cavaglia, toujours visible de nos jours.

palais Cavaglia, Turin, résidence de la comtesse d'Artois de 1789 à 1798

« On raconte un trait qui honorerait un général fort connu. en frumaire, an VII, le lieutenant général Allix (1776-1836), reçoit l’ordre d’entrer dans la ville de Turin, et de s’emparer de l’arsenal avec six compagnies de grenadiers mis à sa disposition. En plaçant ses troupes, le général Allix, alors colonel, apprit que SAR Madame, comtesse d’Artois, était dans la ville. Il commanda aussitôt un piquet de cinquante hommes, et se fit conduire, au palais de la princesse.
Après avoir disposé sa troupe, il monta dans les appartements, il trouva toute la maison en alarme, et après l’avoir rassurée par des protestations réelles, il sollicite l’honneur de parler à la princesse. Il fut introduit avec un officier d’artillerie qui l’accompagnait. Il la trouva dans une extrême agitation et lui adressa la parole en ces termes :

Madame, soyez calme et tranquille, vous n’avez rien à craindre, vous êtes au milieu des français. Je ne viens ici que pour établir et protéger la sûreté de votre personne. Le capitaine Thomas que voilà, et que je mets à votre disposition, est à vos ordres, et je lui laisse les forces nécessaires et suffisantes pour vous faire respecter.

De plus, un gentilhomme, premier aide de camp du Roi de Sardaigne, fut chargé d’accompagner la comtesse d’Artois «pour trouver sûreté et protection en Allemagne. Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, dirigea la marche, au milieu de l’armée française, et sut braver les plus grands dangers, qu’il avait eu l’honneur de conduire à Klagenfurt, en Carinthie.»

Le Constitutionnel, Journal du Commerce, politique et littéraire (1825)

Le lieutenant général Jacques-Alexandre Allix

Ce nouveau déracinement se fait dans des circonstances très difficiles car la plupart des membres de la famille de Savoie ont déja quitté Turin. L’occupation de la ville par les troupes françaises ne se fait pourtant pas à son détriment car un détachement de dragons la raccompagne jusqu’à la frontière autrichienne.

Lettre du duc d’Angoulême, du 5 décembre 1798, à sa mère, la comtesse d’Artois, réfugiée à Klagenfurt, en Autriche, après l’occupation de Turin par l’armée Française.

La lettre évoque son futur mariage avec sa cousine Madame Royale, qui aura lieu en juin 1799. Le duc a appris avec grand plaisir qu’elle était bien arrivée à Clagenfort (Klagenfurt, Autriche). Comme ils sont maintenant plus proches, il espère recevoir plus souvent des nouvelles. Il espère aussi qu’elle s’y plaît et qu’elle en profite pour se promener «car les promesses vous sont nécessaires, ma très chère Maman. J’espère que vous aurez appris avec plaisir la nouvelle de mon mariage. J’attends avec une bien vive impatience le printemps, ma Cousine ne devant se mettre en route qu’au retour de la belle saison
Il reçoit des nouvelles de son frère (le duc de Berry), qui se porte bien, se réjouit du dégel après un hiver très froid et il ajoute : «Le Roy jouit d’une très bonne santé. Adieu, ma très chère et bonne Maman, agreez avec votre bonté ordinaire, l’hommage de mon respect le plus tendre.»

Collection particulière.

Au début, Marie-Thérèse voulait se rendre à Merano, mais elle doit continuer son voyage car entre-temps, les français ont menacé d’envahir également cette région, et elle continue vers l’Autriche, jusqu’à Klagenfurt en Carinthie ou elle arrive épuisée en 1799.

 

Début 1799

Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean est chargé d’escorter la comtesse d’Artois lors de l’occupation française du Piémont, jusqu’en Autriche.

Comme on le lit dans un mémoire de l’époque, la pauvre Marie-Thérèse est dénuée de tout et dépourvue du nécessaire, et qui plus est sans crédit. Elle est néanmoins accueillie à Klagenfurt par le prince de Hohenlohe, Gouverneur de la ville et par le prince évêque, prince de Salm qui mettent tout en œuvre pour lui assurer leur soutien. Comme son mari n’a pas la possibilité de subvenir à ses besoins, pour pouvoir vivre décemment, Marie-Thérèse fait appel à la générosité de l’Empereur d’Autriche et de l’Electeur de Saxe qui lui allouent des fonds et l’Empereur lui donne la maison paroissiale de Klagenfurt. Même le Roi d’Espagne, ému des difficultés dans lesquelles elle se trouve, lui fixe une petite pension. Bien sûr, les fastes de Versailles d’avant 1789, et même ceux de Turin, jusqu’en 1798, sont révolus, d’où la disproportion. De plus, elle a au moins quinze à vingt personnes auprès d’elle. Elle n’est donc pas dénuée de tout, mais physiquement et psychologiquement elle est ébranlée.

Elle vivra quelques années à Klagenfurt jusqu’en 1804.

Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean
Intérieur de la cathédrale de Klagenfurt
L’ Empereur d’Autriche lui accorde donc la jouissance de la maison paroissiale de Klagenfurt, le Priesterhaus, un bâtiment qui se trouvait encore il y a quelques décennies à l’endroit ou se dresse le gratte-ciel entre le Pierterhaugasse et la Waaggasse, dans le centre ville. A l’origine, le bâtiment était une simple maison pour les prêtres de l’archidiocese de Salbourg, puis au fil du temps, il devint le séminaire du diocèse de Gurk et de Klagenfurt, et jusqu’en 1932, il abrita le séminaire et l’école théologique de Gurk.
C’est dans cet austère édifice religieux que la comtesse d’Artois séjourne de 1799 à 1804.
A Klagenfurt, elle vit sous le nom de marquise de Maisons, avec un petit nombre de fidèles.
Malheureusement, il ne reste pas beaucoup d’informations dans les archives locales sur la vie de Marie-Thérèse à Klagenfurt. Il existe des traces de demandes qu’elle a adressées aux autorités politiques locales pour l’approbation et l’importation d’articles de luxe, tels que du chocolat, du vin ou des produits de luxe, comme des parfums, des tissus ou des montres.
Elle mène une existence très simple et retirée. Son seul luxe est de priser du tabac d’Espagne et ses seules distractions sont d’observer les collines environnantes à la longue vue et de pêcher en compagnie de mademoiselle de Ponceau.
                                                                                                                            On constate ainsi le train de vie modeste de la princesse en exil.

 

Le 10 juin 1799

Son fils, Louis-Antoine, duc d’Angoulême épouse au palais de Mittau en Russie sa cousine germaine Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI. Le couple n’aura pas d’enfants.

Louis XVI et Marie-Antoinette ont péri sur l’échafaud six ans plus tôt, mais il n’y a pas non plus les parents du marié. Le comte d’Artois réside à Londres depuis un certain temps, et même la pauvre comtesse d’Artois qui réside depuis quelques mois à Klagenfurt, en Autriche, n’y assiste pas, peut-être à cause de sa mauvaise santé, ou bien encore peut-être encore une fois, on la considère comme quantité négligeable !!! Malgré la précarité de sa situation économique, elle envoie aux jeunes mariés un service de toilette en argent comme cadeau de mariage.

Louis XVIII préside la cérémonie. Il a invité à cette occasion, sa femme, la Reine Marie-Joséphine, qui s’est déplacée spécialement de sa retraite en Bavière jusqu’en Courlande. Le duc de Berry, le frère cadet du duc d’Angoulême, n’est pas présent également et est resté à Londres auprès de son père.
Le duc d'Angoulême de Kinson François, Musée des Beaux Arts de Bordeaux

Seule et oubliée de tous, y compris de sa famille, Marie-Thérèse a la joie de pouvoir serrer dans ses bras, son deuxième fils Charles Ferdinand, duc de Berry, peut-être le seul de sa famille, qui se souvenant parfois d’elle, a à son égard des élans de tendresse, qui bien que peu fréquents, n’en sont pas moins touchants.

En février 1800

Marie-Thérèse reçoit une lettre de son fils, qui devant traverser la Carinthie, lui annonce son arrivée imminente :

 

« Aimez toujours votre cher Berry, chère Maman, il le mérite par son tendre attachement à son égard. N’écoutez rien d’autre que son cœur. Comment ne pas aimer la meilleure des mères ?»

Le jeune Berry s’arrête donc à Klagenfurt en provenance de Mittau, pour se diriger ensuite vers Palerme à la demande de Louis XVIII.

En avril 1800

Le duc d’Angoulême qui se trouvait à Pontebba à la tête d’un régiment de cavalerie de l’armée de Condé, se rend également à Klagenfurt pour l’embrasser, se retrouvant non loin de sa mère qu’il n’avait pas revue depuis huit années. La rencontre est émouvante et la séparation douloureuse.

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême qui sera Dauphin de France

 

En mai-juin 1800

Le duc d’Angoulême revoit sa mère, la comtesse d’Artois, qui vit, à cette époque, à Klagenfurt. Ils ne s’étaient revus depuis 1792. Ce sera leur dernière entrevue. Ils ne se reverront plus jamais.

Le 7 mars 1802

Mort de la Reine de Sardaigne,  Clotilde de France, qui sera reconnue «vénérable» par l’Eglise catholique en 1808.

Veuf, Charles-Emmanuel abdique en faveur de son frère, Victor-Emmanuel Ier (1759-1824) et entre comme simple religieux dans la Compagnie de Jésus  en 1815.

Charles-Ferdina nd, duc de Berry
Louis-Antoine, duc d'Angoulême
Par ailleurs, depuis sa résidence de Mittau en Courlande, Louis XVIII inquiet à ce que le mariage du duc d’Angoulême et de Madame Royale ne donne pas d’héritier au trône, prépare des négociations pour le mariage du duc de Berry. Le prince, de Lintz, rend visite à sa mère, en continuant son voyage vers l’Italie et Palerme.
A Palerme, le jeune homme doit choisir entre les deux plus jeunes filles du souverain napolitain, Ferdinand IV, la douce Marie-Amélie qui doit épouser plus tard le duc d’Orléans, et l’ingrate Marie-Christine. Le duc de Berry fait semblant de tomber amoureux de Marie-Christine, qui ne demande rien de mieux que d’épouser un prince plein d’entrain. En revanche, les souverains napolitains ne partagent pas l’enthousiasme de leur fille cadette lorsqu’ils apprennent que le duc n’a pas d’établissement égal à son rang à proposer. Ils refusent purement et simplement d’accorder la main de leur fille. Le duc de Berry reste donc célibataire dans l’immédiat.
 
La famille royale de Naples
Au mois de mars 1801
 
De son côté, le duc d’Angoulême qui sert au sein de l’armée de Condé qui vient d’être licenciée, décide de rejoindre son oncle, Louis XVIII à Varsovie en Pologne. Le souverain en exil, a dû, la mort dans l’âme, quitter sa résidence de Courlande sur un ordre d’expulsion du tsar Paul 1er. Le Roi de Prusse a alors accordé, du bout des lèvres, l’installation du prétendant à Varsovie, alors sous juridiction prussienne
 
L'ex-Roi Charles-Emmanuel vers la fin de sa vie

 

Le 2 octobre 1804

La comtesse quitte Klagenfurt ; elle s’installe dans la ville de Gratz en Autriche où elle arrive le 14 octobre 1804, les probabilités de la guerre entre les autrichiens et la France de Napoléon se confirmant. Dans ces deux localités, Marie-Thérèse laisse le souvenir d’une princesse marquée par le malheur, estimée des populations.

La Reine Clotilde en prière. Éloignée du trône et de sa famille, la Reine se réfugie dans la piété en attendant de se retirer de la vie officielle.

Le séjour à Gratz permet à la comtesse de correspondre plus rapidement avec Mittau où réside son fils, le duc d’Angoulême, et le prétendant au trône de France, le comte de Provence. Pensionnée par la cour d’Espagne, elle vit modestement comme une ombre flétrie prématurément par des sens trop fragiles. A Graz, elle devient d’humeur fantasque et irascible en soupçonnant les derniers domestiques qu’elle a à son service de vouloir l’empoisonner. Ses signes de dérèglement du comportement alertent son entourage. Quelques fidèles, rescapés de la Cour de Versailles, qui vivent à ses crochets, demeurent encore auprès d’elle. On estime cet entourage réduit à moins de vingt personnes.

Graz en Autriche
Au début du XIXe siècle
 
A Graz, se trouve un logement en plan centre ville, dans un immeuble situé sur la Fliegenplatz, au numéro 1, aujourd’hui Glockenspielplatz, au numéro 5. L’édifice qui existe encore et qui donne sur une petite place, est un sobre bâtiment de trois étages avec un portail surmonté de deux lions. Sa façade est marquée par une plaque intitulée «palais des Enffans d’Avernas, 1697»). Une petite rue montante, mène à la cathédrale et au mausolée voisin.
On sait combien Marie-Thérèse aura parcouru cette petite rue, qui de chez elle, en quelques minutes, mène à la cathédrale voisine, pour se consacrer à la dévotion et à ses prières sous les voûtes de ce monument dédié à Santa Egidio.
L’abbé de Pons, son premier aumônier, qui faisait partie de son service, ne peut rester avec elle car il n’a pas reçu l’autorisation de rester avec son auguste maîtresse pour des raisons politiques. Les dernières années de la vie de la comtesse d’Artois en Autriche sont entièrement consacrées à la prière et aux charités. Elle vit modestement dans une sorte de retraite au sein des petites pièces, simplement meublées, qui composent sa demeure.
Le dernier logement de Marie-Thérèse d'Artois
En regardant le registre de ses dépenses tenu par Mr Gachelin, son administrateur, on constate à quel point son niveau de vie est limité.
Il contient des curiosités : les frais de garde-robe, châles, coiffes, robes et jupes varient de 20 à 40 francs par mois. Un seul mois représente 60 francs de dépenses. Le prix du blanchissage est encore plus bas, il ne dépasse pas 35 livres, et certains mois il ne s’élève qu’à 13 livres.
En revanche, les aumônes sont fréquentes ainsi que les «vêtements pour les pauvres». C’est justement cette dernière mention qui revient le plus fréquemment sur les pages de ce vieux registre.
Les frais de toilette sont mentionnés selon les termes de l’époque : pommades, onguents, parfums et poudres colorantes.
Parmi la suite de la comtesse d’Artois, se trouve un prêtre, l’abbé Virginio, qui souhaite la placer dans un couvent ou à son avis, elle bénéficierait de meilleurs soins, étant donné que sa santé continue à se dégrader. Il  présente sa demande au vice-chancelier d’Etat, le comte Cobenzl, à Vienne, sans toutefois en informer la princesse. Cette demande n’aboutit pas, la comtesse d’Artois,  renseignée après coup, déclare n’avoir pas songé à demeurer dans un couvent. Elle vit cependant tout comme si elle s’y trouvait… 

Le 23 septembre 1803

Alors qu’elle était encore en pleine possessions de ses faculté, la comtesse d’Artois rédige son testament. Marie-Thérèse l’écrit entièrement de sa main.

A l’automne de 1804
 
Marie-Thérèse désireuse de pouvoir s’installer à Vienne, a adressé une demande au Gubernium de Graz, pour pouvoir entreprendre le voyage depuis Klagenfurt, en passant par Graz et Wienerisch-Neustadt, vers la capitale de l’empire où se trouve selon les informations en sa possession à l’époque, le duc et la duchesse d’Angoulême. Le Gubernium de Graz transmet à son tour cette demande à la Cour de Vienne mais elle ne reçoit pas un accueil favorable, car entre-temps le fils de la comtesse d’Artois et sa femme se sont réinstallés à Mittau en Courlande sur l’invitation du Tsar Alexandre Ier. La malheureuse comtesse d’Artois voit donc la dernière chance de revoir son fils aîné et de pouvoir serrer dans ses bras sa belle-fille, une princesse qu’elle n’avait pas revue depuis 1789.
S’etant vue refuser la possibilité de rejoindre Vienne, où sa présence n’estt pas souhaitée, et peut-être redoutée, elle décide néanmoins de quitter Klagenfurt et de s’installer de sa propre initiative à Graz, la capitale de la Styrie, à environ cent cinquante kilomètres de là.
En même temps, elle a adressé de nouvelles demandes courtoises pour pouvoir demeurer dans cette ville.
 
Le 11 octobre 1804
 
Elle quitte donc Klagenfurt , accompagnée de sa petite suite, et prend la route de Graz.

« Mon testament fait et écrit de ma propre main à Klagenfurt en Carinthie, le 23 du mois de septembre de l’an de grâce 1803.

Au nom du père, du fils, du saint esprit. Ainsi soit-il .
Le triste état de ma santé qui dépérit tous les jours me menace d’une fin prochaine .
Il est de mon devoir de m’occuper sans délais de tout ce qui peut contribuer à la réparation de mes fautes , à la tranquillité de ma conscience, à la paix de ma famille et de ma Maison et au salut de mon âme.
C’est en même temps une douce consolation pour moi d’exprimer à tous mes parents et à toutes personne avec qui j’ai vécu les juste sentiments d’estime, de reconnaissance et d’attachement qui m’animent à leur égard .
Je veux vivre et mourir dans le sein et communion de la sainte Catholique Apostolique et Romaine , église à laquelle j’ai toujours été fermement attachée d’esprit et de cœur, la seule véritable Eglise de Jésus-Christ, Hors de laquelle il n’y a point de salut.
Je recommande mon âme à DIEU, mon créateur et rédempteur et le supplie humblement de ne pas me juger selon la sévérité de sa justice, ni selon le nombre et l’énormité de mes péchés, mais selon son infinie miséricorde et les mérites de Sainte Marie et passion.
Je me soumets à sa Sainte volonté pour tout ce qu’il voudra ordonner de moi pendant le reste de ma vie et pour le temps et lieu de mon trépas et le genre de mort qu’il lui plaira de me décerner.
Je remercie, Monsieur, cher époux, le Roy, la Reine de France ma sœur, le Rois et la Reine de Sardaigne, mes autres frères et sœur, tous les princes et autre personnes avec qui je vivais jusqu’à mon dernier décès, de toutes leurs bonté pour moi, de tous les services qu’ils m’ont rendus et surtout de m’avoir supportée malgré mes imperfections et mes défauts .
Je leur demande pardon à tous des scandales, injustices et autres torts dont je me serais rendue coupable envers eux, les priant de tout oublier comme si quelqu’un avait jamais eu quelque tort envers moi, je les assure que depuis longtemps j’ai tout oublié et je me souviens que de leurs bons procédés envers moi.
Je les supplie tous de m’accorder les suffrages de leurs prières et autres bonnes œuvres pour ma rédemption de mon âme. Je fais la même demande …. à toutes les personnes qui ont composé ma Maison et à celles qui la composent encore et à celles qui la composeront du temps de mon décès, à celles qui ont été à mon service et à celles qui y sont encore ou y seront tant que je vivrai, à toutes celles enfin avec qui j’aurai eu quelque rapport pendant tout ma vie.
Je leur fais de mon côté et de tous mon cœur les mêmes assurances d’oubli et de pardon de ce qu’ils pourraient avoir à ce reprocher envers moi.
Je leur recommande à tous de vivre en bon Chrétien, de prier pour moi et se souvenir que nous sommes sur la terre que pour mourir.
Je recommande à mes chers enfants de rester inviolablement attachés à la religion Catholique et d’en pratiquer fidèlement les devoirs ; elle seule peut les soutenir dans les peines de cette vie et faire leur véritable honneur.
Je regrette de ne leur avoir pas donné dans leur jeunesse tous les bon exemples et tous les soins que je leur devais. La bonne opinion que j’ai d’eux me fait espérer qu’ils continueront de vivre parfaitement soumis à leur père, intimement unis entre eux et qu’il se rendront dignes des bontés du Roy, de la Reine de France, du Rois et la Reine de Sardaigne et de tous les Princes et Princesses de nos deux familles royales où ils trouveront les exemples de toutes les vertus qu’ils ont à cultiver et toute la protection qui leur deviendra nécessaire dans l’infortune où ils se trouvent réduits.
Je veux qu’après mon trépas on me laisse au moins 24 heures dans mon lit en mon état naturel, qu’ensuite l’on m’ouvre pour plusieurs raison :
Pour voir le genre de maladie dont je serai morte, qu’on m’embaume en commençant l’ouverture par la plante des pieds, qu’on sépare mon cœur de mon corps, que pendant l’intervalle de mon décès et de ma sépulture il y ait toujours dans ma chambre quelque pieux ecclésiastique ou religieux occupé à prier pour le repos de mon âme……Quant au lieu de ma sépulture, je veux que le cadavre de mon corps, sans le cœur , soit enseveli dans le pays où je serai décédée et je désire très vivement et veux absolument que mon cœur en soit séparé et envoyé à Caserte pour être enterré dans la même église que le corps de Marie Adélaïde Clotilde Navière de France, Reine de Sardaigne, ma belle-sœur. Quant au reste de ce qui regarde la sépulture de mon corps et choix de l’église du lieu où je mourrai, on le fixera ou on jugera à propos, eu égard de l’endroit où je décéderai et aux autres circonstances qui pourront survenir, mais je recommande la simplicité et la modestie dans les obsèques et veux qu’on préfère aux dépense d’un appareil extérieur celles qui me procureront aussitôt après ma mort un plus grand nombre de messes et apporteront un plus grand soulagement aux pauvres du lieu où je décéderai.
Je confie l’exécution de mon testament et de cet article spécialement à Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset qui prendront l’avis du Père Charles Paul ancien supérieur des Chartreux, mon confesseur, que je charge de veiller à ce que mes intentions soient remplies…
Je lègue ma bibliothèque à mon fils, le Duc d’Angoulême.
Je laisse à mon fils, le Duc d’Angoulême, en sa qualité de mon fils aîné un capital du rapport de 20.000Fr par an à prélever sur mon héritage…
Je laisse à mes deux enfants… tout ce que je possède …. Tout à tous les deux en conservant la prérogative du droit d’aînesse de mon fils, le Duc d’Angoulême.
Dans le cas que les arrérages qui sont dus des bien appartenant à la famille royale de France soient rendu en compensés, j’entends que l’on paye les arrérages dus aux personnes qui me sont attachées dans la même proportion qu’on les aurait rendus à moi même ou bien qu’on les rendrait à la réclamation de mes enfants après ma mort.
Bon regret est de ne pas avoir de quoi laisser à chacun ce que mon affection m’inspirerait de leur donner et qui pourrait leur devenir d’un grand secours dans les tristes conjonctures où je les laisse.
Je prie mon mari, mes enfants, le Roy et la Reine de France, le Rois et la Reine de Sardaigne de leur accorder à tous bien vaillance et protection, regardant comme fait à moi même tout le bien qu’ils daigneront leur faire.
Je charge mes enfants d’adresser aussitôt après ma mort en mon nom et aux leurs des remerciement à leurs Majestés le Roy et la Reine d’Espagne de leurs bontés pour moi depuis ma sortie de France jusqu’à mon décès.
Je charge Mr l’abbé de Paris et Mr Croiset d’envoyer aussitôt après mon décès copie du présent testament à mon époux, à mes enfants, au Roy et à la Reine de France, aux Rois et la Reine de Sardaigne .
Apres avoir écrit le présent testament de ma main, l’avoir lu attentivement et relu, je déclare persister dans son contenu.
Daigne le Dieu de bonté me recevoir dans sont paradis et ma faire la grâce de m’y voir réunie à mes ancêtres, à mes enfants, à toute ma famille et Maison.
                             Signé : Marie-Thérèse Comtesse d’Artois

Le nouveau testament qui est le bon, a été lu deux jours avant la mort de Madame, déjà trop faible pour signer, en sa présence, à in des docteur de Sartorius, médecin en chef de l’Hôpital de Gratz et Bernard de Fabry, conseiller et médecin du corps de S.M Impériale et Royale. Dans ce second document Mr Croiset n’est plus mentionné, les personne attachées à la personne de Madame n’ont plus le droit qu’à la « générosité et la justice des héritiers. » Il est permis de supposer que l’intervention de Mr Berger ne fut pas étrangère à cette modification . Mr Croiset, en raison de la confiance que lui témoignait la Comtesse d’Artois, était en but à la jalousie de Mr Berger qui intrigua. Un fait plus important ressort de la comparaison des deux testament . Dans le premier le Duc d’Angoulême était avantagé, Madame voulait lui conserver les ‘’ prérogatives du droit d’aînesse.’’ Dans le second les deux frères sont traités pour le partage sur un pied d’égalité, il est vraisemblable que ce changement est pour effet des recommandations faites au nom de la famille royale par l’évêque de Nancy.

             Voici les parties essentielles du second testament :

En avril 1805

Les forces de la comtesse d’Artois déclinent lentement, à tel point que dans le Gubermium de Graz, on trouve des demandes d’instructions transmises à Vienne sur la manière de «se comporter au cas de la mort de la comtesse d’Artois surviendrait ici», en prévision de son enterrement…

En effet, depuis trois mois, Marie-Thérèse sent que la mort approche, ses forces diminuent continuellement comme une bougie qui s’éteint.

Testament du 1er Juin 1805

1- 1- « Je nomme et institue par la présent testament pour mes héritiers universels de tout ce que je pourrai avoir en ma possession et généralement de tout ce qui pourrait m’appartenir au moment de mon décès, Louis Antoine Duc d’Angoulême et Charles Ferdinand duc de Berry, mes deux fils, pour tout, attendu la modicité, être partagé entre eux par égale portions, aux restrictions ci-après exprimées ; dans le cas où l’un de mes héritiers ci-dessus institués viendrait à me précéder, je lui substitut mes enfants en légitime mariage pour la part et portion seulement qui aurait dû appartenir au prémourant et à défaut d’enfant le survivant des deux pour le tous et si j’avais le malheur de survivre à mes deux enfants morts sans postérité (ce que Dieu ne plaise) je leur substitue ma très chère et bien-aimée belle-fille, Madame Duchesse d’Angoulême que je nome et qu j’institue au dit cas pour mon héritière universelle et , à son défaut, sa Majesté le Roy de Sardaigne, Victoire Emmanuel, aux conditions ci-après exprimées :
2- 2- J’autorise mon cher fils Louis Antoine, Duc d’Angoulême, à prendre avant partage, la bibliothèque de France, s’il peut la revoir, et à condition d’en brûler les mauvais livres.
3- 3- Je charge mes héritiers universels ci-devant institués d’assigner dans une église à leur choix un fond suffisant dont le produit annuel puisse équivalez à la rétribution de cinquante messes basses que je désire être annuellement et à perpétuité célébrées pour le repos de mon âme. Je les charge aussi de se conformer au contenu de la lettre qui sera jointe au présent pour n’être ouverte et lue que par eux.
4- 4- Je prie toutes les personne qui ont ci-devant composé ma Maison de recevoir les expressions de ma reconnaissance pour l’attachement qu’elles m’ont toujours témoigné et à l’égard de celles que leur dévouement a déterminé à me suivre et qui se trouvèrent avec moi le jour de mon décès. Je m’en rapporte à la générosité et à la justice de mes héritiers pour les récompenser chacune à raison de son rang, de ses services et de son ancienneté et, attendu le malheur des temps, je les recommande en outre aux bontés de Monsieur.
5- 5- Je prie également Mr le Comte de Welsberg de recevoir tous mes remerciement pour le zèle , qu’il voudra bien m’en donner encore une dernière après ma mort en s’employant pour faire exécuter ponctuellement le présent testament, exécution que je confie aux soins de la personne qui sera désignée par les Princes, mes fils….
Madame a déclaré ne pouvoir signer, attendu sa grande faiblesse
Daté du Samedi 1er Juin 1805 »

Ce même jour, une lettre de la comtesse d’Artois est adressée au vice-chancelier Cobenzl, pour être adressée à Sa Majesté la Reine d’Espagne, afin que la pension qui lui a été accordée par la Cour de Madrid, puisse être reversée à ses deux enfants, après sa mort.

Il est touchant de voir comment cette mère attentionnée prend soin de ses enfants qui l’ont presque oubliée au seuil de la mort !

Le 2 juin 1805
A quatre heures du matin

Après une quasi-inexistence à la Cour, elle s’éteint à l’âge de quarante-neuf ans,dans la solitude à Graz. Elle est enterrée à Graz, dans le mausolée impérial sis à côté de la cathédrale de la ville.

L'acte de décès officiel conservé dans le livre «La noblesse dans les Matriken de la ville de Graz» rapporte le décès de «Son Altesse Royale, Madame Marie-Thérèse, comtesse d'Artois, née princesse royale de Sardaigne, âgée de 49 ans, suite à une détérioration organique (consommation)».
Le dimanche 8 juin 1805
 
Après que son corps sans vie a été ouvert, le cœur est placé dans une urne en argent, le cerveau et les intestins dans une urne en cuivre, le corps est embaumé de la manière habituelle et  reste dans une pièce de son appartement dans la maison Rumaschusslishen, sur un lit de parade, où devant un détachement de grenadiers et une servante, deux prêtres célèbrent un office religieux.
Puis le cadavre, resté ici jusqu’à cinq heures de l’après-midi, est placé dans un coffre, scellé par son excellence le gouverneur de la région du duché de Styrie et de Carinthie, Philippe, Comte de Wetsberg Raitenau.
                                                                                                                  A cinq heures
outes les cloches ont sonné lors du passage du cortège solennel, au cours duquel les restes terrestres de SAR ont été enterrés dans le Mausolée de l’Empereur Ferdinand II, près de la cathédrale locale. Les pauvres de la ville et des membres des hôpitaux ouvrent le cortège funèbre. Ils sont suivis par les écoles allemandes, puis les étudiants du collège royal et impérial et du séminaire religieux, les réguliers et le clergé local, puis le curé de la cathédrale. Le cercueil est entouré des serviteurs de SAR, portant les chandeliers, tandis que les grenadiers de la garnison montent la garde. Suivent ensuite, le confesseur de la défunte, le gouverneur de la province, les autres notabilités, les citoyens libres de la région en tenue de deuil. Au mausolée, attendent, le comte de Waldstein avec le chapitre de la cathédrale. Puisque la comtesse d’Artois appartient à une maison royale, sa dépouille a été transférée au Mausolée de Graz, dans la chapelle princière, à la demande du Gubernium de Graz au comte de Colloredo à Vienne, à savoir … si le corps de la comtesse d’Artois déposé au Mausolée, pour être enterré dans la crypte.
L’autorisation d’inhumation arrive deux mois après la mort de la princesse en août 1805.

Après les funérailles qui sont splendides, son corps est enterré dans la crypte du mausolée de L’Empereur Ferdinand.

Le 4 août 1805

Suivant le désir qu ‘avait exprimé la comtesse, son corps est ouvert. Le fait est prouvé par cette lettre de Mgr de la Fare :

 

« J’ai été chargé, écrit-il à Mr Croiset, par les derniers ordres que j’ai reçu du Rois, de vous demander le procès verbal de l’ouverture du corps de Madame. Envoyez-le moi le plus promptement possible afin que je puisse le réexpédier aussitôt à Mittau. Ce n’est point entre les main de Mgr le Duc d’Angoulême pour qui ces tristes détails seraient trop déchirants, mais entre celles du Roi que cet acte doit être remis . »

Le 15 août 1805

Mgr de la Fare écrit à Mr Croiset :

« J’ai à vous communiquer les dernières intentions du Roi relativement à la sépulture de Madame S.M. qui conserve toujours l’espérance de réunir un jour ses cendre à celle des Rois ses aïeux veut aussi pouvoir faire déposer dans le tombeau de sa Maison la dépouille mortelle de Madame.
Pour cela, le Roi désir qu’il en soit usé pour Madame Adélaïde et Victoire, et que le cercueil demeure comme en dépôt dans l’honorable lieu où il a été mis. Personne ne peut mieux que vous , Monsieur, qui avez été témoin et agent de tout ce qui a été fait relativement à Mesdames, traiter cet objet avec le Comte de Welsberg et de le faire conclure au gré de S.M. et de la famille Royale.
Je me repose donc sur vous de ce soin, vous priant de m’instruire de tous ce que vous avez pu faire et terminer à cette égard. »

Mausolée de l'Empereur Ferdinand à Graz

Marie-Thérèse repose au mausolée impérial de Graz, ville où elle est décédée :

« Ici est le cœur de Très haute, très illustre et très puissante Princesse Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois, morte à Graz le 2 juin 1805»

En 1839

L’urne se trouve nichée dans un mur situé en face du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France. Elle y sera placée par le duc d’Angoulême en 1839 seulement.

Le cœur de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois est déposé dans cette urne près du tombeau de sa belle-sœur Clotilde de France, en l'église Santa Caterina à Naples, par son fils, le duc d'Angoulême. La comtesse d'Artois avait émis cette clause dans son testament, en signe de l'amitié que les deux femmes partageaient en commun.
Le tombeau de Clotilde de France Église Santa Caterina a Chiaia à Naples Par Jean-Pierre Franque, XIXe siècle Commande du Roi Louis XVIII en 1818 pour les collections royales

Sources : 

  • Antoinetthologie
  • Versailles -passion, groupe FB de Christophe Duarte
  • Dans l’ombre de Marie-Antoinette, les Comtesses de Provence et d’Artois, groupe FB de Dominique Poulin

Le 15 septembre 1775

Madame Clotilde de France et Charles-Emmanuel IV de Piémont-Sardaigne, par Benjamin Warlop
Sophie de Bourbon (1776-1783), dite Mademoiselle d'Artois, par Elisabeth Vigée Le Brun

 

« La comtesse d’Artois est toujours merveilleuse, elle était à la chapelle dimanche dernier, le jour où les cinq semaines étaient passées. Le roi a fait don de mille Louis pour sa naissance, et son mari des bracelets à paillettes avec une étui aussi ornée de paillettes et un portrait du fils.»

 

Le 24 janvier 1778

Naissance du duc de Berry, Charles-Ferdinand, second fils du comte et de la comtesse d’Artois.

La comtesse d'Artois, vers 1776, par Gautier d'Agoty, Musée des Beaux Arts de Marseille
La comtesse d'Artois par Lié Perin Salbreux
La comtesse d'Artois par Lié Perin Salbreux
La comtesse d'Artois et ses enfants en 1779
La comtesse d'Artois par Ducreux

En 1780

Marie-Joséphine de Provence désire l’installation d’une petite salle-à-manger et d’un salon en hémicycle contigu pour servir au jeu et au billard nécessaire aux soupers qu’elle offre chaque soir à la famille royale . Cette salle-à-manger destinée aux « soupers des petits cabinets »- soupers intimes sans domestiques dont a parlé Pierre de Nolhac dans ses ouvrages – est installée dans les anciennes pièces de service de la Dauphine détruites situées sous le cabinet doré de la Reine, là on a installé provisoirement un billard avant 1779. Cette salle-à-manger paraît bien étroite car toute la famille royale est conviée par la princesse : à savoir le Roi, la Reine, Monsieur, le comte et la comtesse d’Artois, les trois Mesdames tantes et Madame Elisabeth quand elle sera en âge. Cette petite pièce ouvrant par une fenêtre sur la cour intérieure de la Reine, appelée dès lors « cour de Monsieur », est donc prolongée sur l’appentis, pris sur l’ancien oratoire de la Dauphine, sous la terrasse du cabinet doré de la Reine.

La salle-à-manger de la comtesse de Provence par Benjamin Warlop

Chacun, sauf le Roi, apporte son repas qui est placé par le service sur des plats posés sur une grande table ovale dressée dans la seconde chambre de Madame. Les serviteurs se retirent alors et chaque convive compose son repas en se servant soi-même et en prenant assiettes et argenterie qui ont été placées sur des servantes. Là, on raconte les commérages de Cour, on discute les intérêts de famille, on est fort à son aise et souvent fort gai, car, une fois séparés des entours qui les obsédent, ces princes, il faut le dire, sont les meilleures gens du monde. Après le souper, chacun se sépare.

La comtesse d'Artois en Flore
La comtesse d'Artois, ses enfants et sa sœur , la comtesse de Provence
La comtesse d'Artois et ses enfants, Louis Antoine duc d'Angoulême, Sophie et Charles Ferdinand duc de Berry par Ignazio Pie Victorien Cloche, 1779

En 1780

« Louis XVI propose à la marquise de Tourzel (1749-1832) la charge de dame «pour accompagner» la comtesse d’Artois : il essaie de donner à sa belle-sœur un entourage qui lui convienne, car lors de son mariage, la comtesse du Barry avait fait nommer auprès de la jeune princesse des créatures à sa merci qui ne conviennent pas à un souverain aussi pieux que Louis XVI. Quand ces indésirables sont enfin écartées, le Roi les remplace par des personnes plus convenables. Une telle offre ne se refuse pas. Elle a pour avantage de fournir à l’intéressée une position à la Cour, indépendamment de son mari.»

          Jacques Bernot, Madame de Tourzel, gouvernante des enfants de Louis XVI (2022) ; Nouvelles Editions Latines

Le 25 août 1780

Louise-Elisabeth de Tourzel est officiellement nommée à la charge de dame «pour accompagner» la comtesse d’Artois. Elle restera neuf années aux côtés de cette princesse effacée, dans cet emploi un peu terne qu’elle partage avec une quinzaine d’autres dames, parmi :lesquelles on compte la marquise d’Argenteuil, née Catherine Barjot de Roncé.

Madame de Tourzel par Benjamin Warlop
La comtesse d'Artois par Campana, miniature (1778)
La comtesse d'Artois par Gautier Dagoty

Le 22 octobre 1781

Naissance du Dauphin, Louis-Joseph-Xavier-François.

Naissance du Dauphin par Jean-Michel Moreau, le jeune
Marie-Thérèse d'Artois, ses enfants et leur gouvernante
Les enfants du comte d'Artois (Charles, Sophie et Louis) par Rosalie Filleul, en 1781
Miniature, la comtesse d'Artois, du peintre-miniaturiste François Dumont

En 1781

Le second Cabinet Turc du comte d’Artois 
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles passion )

Il prend la place de la bibliothèque et du cabinet intérieur aménagés en 1773 dans les entresols. Il est éclairé par deux fenêtres. La pièce est doublée sur deux côtés d’un couloir où sont les armoires pour les livres. Une niche, recouverte de glaces, est encadrée de fausses portes de bibliothèque menant au couloir

Plan de l'Appartement du comte et de la comtesse d'Artois, au premier étage de l'Aile du Midi.

Le reste du décor se compose de «turquerie». Quatre portes et fausses portes sont peintes.  Le meuble est un lampas bleu broché. Jacob livre une paire de guéridons, un écran de cheminée, une grande sultane pour l’alcôve, deux lits de repos, deux bergères, quatre fauteuils, six chaises et une console. Des candélabres et une pendule se trouvent sur les consoles.

Console du Cabinet Turc (aujourd'hui au Louvre)

Ce décor luxueux est aujourd’hui dispersé dans plusieurs lieux :
– Les boiseries, longtemps conservées à Versailles, sont aujourd’hui au Louvre,
– Les fauteuils, les bergères et les chaises, qui ont meublé pendant des années le cabinet de la Méridienne de la Reine à Versailles, sont à Fontainebleau,
– Les candélabres sont à Buckingham Palace,
– La console est au Louvre,
– Enfin, la pendule dans le salon des Nobles de la Reine à Versailles.

Candélabre actuellement a Buckingham Palace Paire de candélabres aux autruches de François Rémond ; bronze ciselé et doré ; 1782
Pendule aux sultanes et les deux candélabres aux autruches aujourd'hui dans le Salon des nobles de la Reine à Versailles.

On y retrouve le luxe de la Reine dans Son cabinet doré :

Reconstitution du cabinet Turc du comte d’Artois à Versailles par Lucas Lazzetta
Gravure equestre : la comtesse d'Artois, signée de Robin de Montigny
La comtesse d'Artois, miniature par François Dumont, au Musée national de Cracovie
Ce fauteuil roulant conservé au Musée Carnavalet à Paris aurait appartenu à la comtesse d'Artois avant que Georges Couthon n'en fasse usage en 1794. L'origine de la comtesse d'Artois n'est pas certaine, mais établie depuis longtemps. Il provenait à l'époque du mobilier national ou il avait été relégué sous la Révolution. Ce fauteuil venait de Versailles. Georges Couthon, député du Puy-de-Dôme, conventionnel Montagnard, soutien et ami de Robespierre l'a emprunté pour son usage. Souffrant d'une maladie articulaire, il est paralytique des jambes.

A la fin de 1781

Marie-Thérèse est gravement malade, au point que l’on croit qu’elle va mourir. Sa convalescence est longue et laborieuse. Elle fait plusieurs chutes. Elle est si mal qu’elle pousse «des hurlements affreux» selon une lettre de la marquise de Bombelles, parce que sa sœur n’est pas auprès d’elle. Tous ces détails pourraient établir l’usage de ce fauteuil roulant.

L'arrière-petite-fille de Georges Couthon a légué cet énorme trycicle au Musée Carnavalet.
Charles-Ferdinand, duc de Berry par Joseph Boze
Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême

En 1782

Une grossesse de la comtesse d’Artois paraît suspecte. Les rapports entre les époux sont de longue date inexistants.

« Madame la comtesse d’Artois, petite, douce, ingénue, généreuse, est pleine des plus admirables qualités. Elle avait un fort beau teint, mais le nez un peu long.»

      Mémoires de la baronne d’Oberkirch concernant l’année 1782

 

L’on suspecte un garde du corps que Louis XVI envoie servir aux colonies, ce à quoi Madame Adélaïde rétorque qu’« il faudrait y envoyer toutes les compagnies ». Pardonnée par son époux mais encore davantage discréditée, la comtesse d’Artois met au monde à huit mois de grossesse une fille, Mademoiselle d’Angoulême, qui ne vivra que six mois.

A la fin de l’année 1782

Dans la correspondance d’Angélique de Bombelles (1762-1800) avec son mari,  Marc-Marie, marquis de Bombelles (1744-1822), nous apprenons que la comtesse d’Artois est très malade, au point d’alerter toute la Cour, jusqu’à son volage époux.  La comtesse de Provence, dans cette circonstance, apparaît comme une sœur très aimante.

La comtesse d'Artois par Campana, miniature (1780)
La comtesse d'Artois par le chevalier Delorge

Le 27 décembre 1782

« Adieu toutes les fêtes, mon petit chat, Madame la comtesse d’Artois est au plus mal d’une fièvre qui d’abord avait si peu inquiété que je ne t’en avais pas parlé, mais qui est devenue des plus graves, puisque les médecins disent qu’elle est maligne. Ils craignent aussi que le sang ne soit gangrené, elle a des cloches qu’on appelle des phlyctènes qui l’annoncent. Elle a été administrée, hier, à minuit. Cette pauvre petite princesse dans les moments où elle a sa tête dit qu’elle sent bien qu’elle va mourir, tout le monde en est persuadé et très affligé, parce que c’était la bonté même, tout ce qui l’entoure se désespère. M. le comte d’Artois, ne la quitte pas. Madame, apprenant hier, après dîner, que sa sœur allait plus mal et craignant qu’on ne l’empêchât de la voir davantage, s’est mise à courir de toutes ses forces, pour aller chez elle. Elle est tombée en montant l’escalier, s’est évanouie, et il lui a pris des convulsions affreuses qui ont duré deux grandes heures. Il n’est pas encore sûr qu’elle ne fasse pas une fausse couche. Pendant ce temps-là, Mme la comtesse d’Artois, ne voyant pas venir Madame, s’est mise à faire des cris, des hurlements affreux, disant qu’elle avait quelque chose à lui dire, qu’elle voulait la voir absolument. On a été chercher Monsieur qui est arrivé chez elle et on a été obligé de lui dire que Madame avait fait un chute, qu’elle allait être soignée et qu’elle ne pouvait pas sortir de son lit. Madame Élisabeth est si affligée de l’état de Mme la comtesse d’Artois que je n’ai pas voulu la quitter, hier, de la journée. Elle a été, avec la Reine, chez Madame pendant son évanouissement et ses convulsions. La Reine s’est conduite parfaitement: elle lui a donné tous les soins, toutes les marques d’amitié, qu’elle lui devait. Si cette catastrophe pouvait les raccommoder ensemble, ce serait au moins un dédommagement. J’espère encore que Mme la comtesse d’Artois n’en mourra pas, elle est si jeune, elle a toujours eu l’air si sain que les médecins doivent trouver beaucoup de ressources pour la tirer de là. Il est certain qu’elle est bien mal, et ce qui est un bien mauvais signe, c’est qu’elle tire les draps avec les mains, elle a toujours l’air de chercher quelque chose; tous les gens qui sont à la mort ont la même manie, c’est une espèce de convulsion. Enfin, il fallait que cette pauvre petite princesse mourût pour qu’on parlât d’elle, mais aussi n’est-ce qu’en bien, les regrets sont généraux, et, si elle pouvait en revenir, l’alarme qu’elle aurait donnée ferait qu’on l’aimerait beaucoup. Je t’avouerai que j’ai un peu de regrets à ne pas mettre mon habit, ni ma robe; si sa maladie tournait à bien, les fêtes ne seraient reculées que de quinze jours; mais, si elle meurt, je ne crois pas qu’il y en ait de sitôt. Si ce malheur arrivait, tu ne pourrais pas, non plus donner la tienne, cela serait piquant . M. de Louvois m’a assuré hier que ta sœur serait heureuse avec lui, cela m’a fait plaisir.»

          Angélique de Bombelles

Marie-Caroline de Savoie par Johann Heinrich Schmidt

Le 28 décembre 1782

Décès de Marie-Caroline de Savoie (1764-1782), la plus jeune sœur des comtesses de Provence et d’Artois. Elle avait épousé épousé l’année précédente le prince Antoine de Saxe, cousin de Louis XVI, mais meurt de la petite vérole.

Le 29 décembre 1782

« la comtesse d’Artois est hors d’affaire, Madame ne fera pas de fausse couche et tout le monde est content »

Angélique de Bombelles

Le 6 janvier 1783

Naissance de  Mademoiselle d’Angoulême. La petite fille paraît très chétive dès sa naissance…
Malgré le rythme soutenue des naissances successives, de celle du duc d’Angoulême, puis de Sophie (Mademoiselle d’Artois), celle de Charles Ferdinand duc de Berry, et enfin de la princesse Marie-Thérèse, la comtesse d’Artois sait très bien que son couple n’incarne en rien les vertus familiales. Le comte d’Artois continue d’honorer sa femme mais aussi les nombreuses autres. Lorsque la Comtesse d’Artois est enceinte et en pleine maternité, il est libre de faire ce que bon lui semble. L’Étiquette interdisant tout rapport dès le sixième mois et jusqu’au sixième mois après accouchement, il en profite allègrement pour courir les ballets, les fêtes, les demoiselles de l’Opéra, les actrices et les grandes dames de la bourgeoisie et de la Cour.
Souffrant de cette situation et de cet abandon, elle entretient dès 1780 une liaison avec un homme attaché a son service… un garde-chasse, Pierre Desgranges . Le mari volage mais offensé prit des sanctions si disproportionnées pour châtier l’imprudent qu’elles choquèrent l’opinion. Pourtant il était dans son bon droit à cette époque. Si les princes pouvaient entretenir de multiples relations, les princesses, elles, ne devaient en aucune façon s’oublier et oublier leur rang et ce qu’elles représentaient. Le scandale de sa sœur s’affichant avec une maîtresse, s’il portait atteinte à la morale de l’époque ne portait aucunement atteinte au principe de légitimité. La comtesse d’Artois avait pris le risque de donner naissance à un potentiel bâtard et cela ne se pouvait. Recluse qu’elle était, elle était désormais finie à la Cour de France, sous étroite surveillance, cantonnée à son rôle de mère et d’épouse.

La comtesse d'Artois par Jean-Martial Fredou (1783)
Miniature de la comtesse d'Artois

En 1783, le peintre Charles Leclercq (1753-1821) réalise un admirable tableau de la famille du comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X. Cette représentation met en avant les sentiments familiaux entre la comtesse d’Artois et ses enfants. Marie-Thérèse de Savoie est ainsi peinte au centre du tableau en mère douce et aimante. Sur ses genoux aurait dû figurer sa deuxième fille, Mademoiselle d’Angoulême née en janvier de cette année mais décédée au mois de juin. Dans ses bras, Marie-Thérèse soulève son second fils le petit Charles-Ferdinand duc de Berry né en 1778. C’est à cette époque un enfant joyeux et plein de vie. Accoudé au sofa, le premier-né du couple d’Artois : Louis-Antoine duc d’Angoulême. Né en 1775, sa naissance fut très acclamée. En effet il était le premier enfant royal de sa génération. Cela ravit surtout son père le comte d’Artois, fier d’avoir eu un héritier avant son frère Louis XVI qui était pourtant marié depuis cinq ans alors que lui n’avait épousé Marie-Thérèse de Savoie qu’en novembre 1773. La comtesse tient la main de sa fille aînée et depuis peu unique, Sophie dite «Mademoiselle». Celle-ci est née en 1776, 364 jours après Louis-Antoine, signe évident de la grande capacité de Marie-Thérèse à avoir des enfants.

La comtesse d'Artois et ses enfants par Charles Leclercq

La famille du futur Charles X apparaît ici dans un cadre bourgeois et chaleureux : celui de la famille soudée. Pourtant la réalité est toute autre. Marie-Thérèse de Savoie est avant tout fière de sa progéniture, mais fidèle à son enfance et à son éducation elle n’a jamais vraiment eu d’affection pour ses enfants, dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Lors du décès de la petite Marie-Thérèse-Louise-Sophie à l’âge de six mois en 1783, la comtesse ne versa pas une larme alors que Marie-Antoinette sera fort attristée de la perte de Sa fille Sophie-Béatrice morte dans les premiers mois.
Assez étrangement, tous les personnages présents sur ce tableau auront un bien triste destin. La première victime fut la jeune Mademoiselle qui trépassa le 5 décembre 1783 juste après l’achèvement du tableau. Si son père Charles d’Artois montra un profond chagrin face à la disparition de sa fille, la comtesse ne parue pas affligée de cette perte. Voit-on vraiment là la mère aimante représentée par Leclercq ? Cet exemple illustre bien le peu de considération qu’avait Marie-Thérèse pour ses enfants.

« Madame la comtesse d’Artois était encore beaucoup plus laide ( que sa sœur ) et parfaitement sotte, maussade et disgracieuse . C’est auprès des gardes du corps qu’elle allait chercher des consolations des légèretés de son mari . Une grossesse qui parut un peu suspecte, et dont le résultat fut une fille qui mourut en bas âge, décida M. le comte d’Artois à ne plus donner prétexte à l’augmentation de sa famille déjà composée de deux princes .»

            La comtesse de Boigne

Les très officiels Mémoires Secrets qui ne le sont pas, déclarent que « Le Roi et M. le Comte d’Artois redoublent d’attentions envers elle (la comtesse d’Artois) depuis ces bruits infâmes

Le 22 juin 1783

Mort de la dernière née de la comtesse d’Artois ( oserait-on désigner le comte comme le père?), Mademoiselle d’Angoulême,  qui avait six mois.

Le Mercure de France relate :

«Mademoiselle d’Angoulême est morte à Choisy le 22 juin 1783 à 11 heures et demi du soir, âgée de 5 mois et 16 jours, d’un épanchement d’eau dans le cerveau. Le 24, le corps de cette princesse fut porté à Saint-Denis, ou elle a été inhumée.»

Le registre de la paroisse de Saint-Denis à Paris comprend la mention suivante affichée plus haut :

Acte de décès de mademoiselle d'Angoulême

« L’an mille sept cent quatre vingt trois, le vingt quatre juin, a été transporté du château du Roi, de la paroisse en l’Eglise de l’abbaye Royale de Saint-Denis, le corps de la très haute et très puissante princesse N. de France, dite Mademoiselle d’Angoulême, décédée le 22 du premier (…??), château, âgée de cinq mois et quinze jours, fille de très haut et très puissant prince, Monseigneur Charles Philippe, Comte d’Artois, frère du Roi, et de très haute et près puissante princesse, Madame Marie-Thérèse de Savoie, Comtesse d’Artois.
Le transport a été fait en présence de Madame la duchesse de Lorge, dame d’honneur de Madame la Comtesse d’Artois, de Madame la Marquise de Montmorin, une des dames pour accompagner Madame la Comtesse d’Artois (…??).

Soussigné, Guillemin, Vicaire.»

*La mention N. de France signifie que l’enfant n’avait pas de prénoms, car il fut seulement ondoyé, et non baptisé à la naissance

La comtesse d’Artois est fragile en tous points, et le coup qui lui est bientôt porté atteindra sa santé morale. Elle est, comme sa sœur, Marie-Joséphine, et son frère, le prince de Piémont, futur Charles-Emmanuel IV, encline à la dépression. Décrite comme revêche, triste, sans expression, sa complexion nerveuse est extrêmement sensible et sujette probablement à des maux psychiques qui la contraignent à s’isoler fréquemment.

La famille royale en 1783 par Benjamin Warlop

Les 15 et 16 novembre 1783

Le marquis de Bombelles note qu’ «il transpire que Madame la comtesse d’Artois est enceinte», en se gardant bien toutefois de préciser qu’il pourrait s’agir d’une calomnie. Il remarque que la princesse est dolente au point d’avoir été saignée et qu’elle garde le lit. L’agitation gagne toute la famille royale, Marie-Antoinette s’entretient avec les comtes d’Artois et de Provence pendant plus d’une heure, la comtesse de Provence pleure, et l’on sait d’après les témoignages des contemporains, que les deux princesses piémontaises s’entendent peu, Madame Élisabeth qui entretient des relations cordiales et affectueuses avec Marie-Thérèse de Savoie, se voit interdire la porte de l’appartement de la comtesse d’Artois, si elle ne se trouve pas chaperonneé par la Reine. Tous ces détails sont intrigants !
De même, les très officiels Mémoires Secrets, qui le ne le sont pas, déclarent «que le Roi et le comte d’Artois, redoublent d’ attentions envers elle, depuis ces bruits infâmes.»
Marie-Thérèse de Savoie sait qu’un des hommes qui la sert a répandu des calomnies sur sa personne et dans ce contexte, il est possible que le comte d’Artois, en proie au doute, non pas de la fidélité de sa femme, mais des malveillances autour de la princesse, au demeurant fragile, ait pris des mesures à ce propos.

Le 30 novembre 1783

Louis XVI signe une lettre de cachet à l’encontre de Pierre Desgranges, garde du corps du comte d’Artois.

Le mardi 2 décembre 1783

A huit heures du soir

Desgranges, escorté de trois inspecteurs de police est incarcéré à la Bastille.

L’épisode relatif à Pierre Desgranges qui «osa de vanter d’avoir plu à Son Altesse Royale» est véridique : il le paiera de six mois d’emprisonnement à la Bastille. Son emprisonnement se termine au plus tard au début de l’été 1784 : ce premier constat souligne le fait que si le garde du corps du frère du Roi s’était rendu coupable d’une faute qui avait imposé l’injonction d’une lettre de cachet, force est de reconnaître que son emprisonnement fut court.
Marie-Thérèse de Savoie connaissait sans doute, mais fort mal «ce fat de garnison» qui la sauva dans un accident de carosse. Mais, objectivement, Desgranges abusa de la bonté de la princesse.
Ce garde du corps, en l’espace de quelques mois, obtint un grade de capitaine de cavalerie et une place de gentilhomme ordinaire dans la maison du comte d’Artois. La femme du frère cadet de Louis XVI y était-elle pour quelque chose ? Rien ne permet de le dire, mais Desgranges dût ses faveurs, grâce à son mérite et à son temperament entreprenant et son ambition.

Il demeure également un état de fait qui plaide dans l’innocence de la comtesse d’Artois envers Pierre Desgranges : la princesse est extrêmement timide, renfermée sur elle-même. Le terme de sauvagerie n’est pas exagéré dans sa pathologie médicale. Si, pendant la première période de son mariage, «elle se cachait comme un sylphe dans ses rideaux quand au moment de se lever, il lui fallait s’habiller devant une nombreuse assistance», l’angoisse de Marie-Thérèse de Savoie n’est pas étonnante pour une jeune fille qui venait d’une cour très rigoriste et guindée.
Sa sœur, la comtesse de Provence et la Dauphine Marie-Antoinette abhorrent également l’étiquette de la Cour de France, mais elle ont plus de facilités pour cacher leurs sentiments. La comtesse d’Artois souffre peut-être d’un syndrome phobique car elle vit toujours très isolée, ou du moins ou cet isolement lui permet de se limiter aux dames de sa suite, aux femmes de chambre en qui elle a confiance, ou avec ses enfants.
Dans ces circonstances, on voit mal cette jeune femme timorée, se laisser séduire par un de ces gardes du corps ! D’autant plus, qu’elle a la parole rare, et que son hyper timidité et son hyper sensibilité lui barrent toute privauté.

Le malhonnête officier Desgranges se contenta probablement d’exploiter le nom de la trop fragile comtesse d’Artois dans le seul but d’assurer sa fortune. Il le paya de six mois de Bastille.

Le 3 décembre 1783

Le chevalier de Sarradas, autre garde du corps de la comtesse d’Artois, est lui aussi incarcéré à la Bastille, sous l’injonction d’une lettre de cachet.

Le 5 décembre 1783

Décès de «Mademoiselle» Sophie d’Artois, née en 1776.

Marie-Antoinette écrit à Son frère Joseph II, le 20 décembre 1783 :

« Pour la comtesse d’Artois, qui ne sent rien, elle n’a pas été plus affligée de la mort de sa fille, que de tout autre chose.»

L’Empereur d’Autriche, Joseph II dira crûment qu’elle était «imbécile»…

« Mademoiselle est morte hier, à dix heures du soir. M. le comte d’Artois en est dans le plus grand chagrin. Elle a souffert pour mourir autant qu’une grande personne et avec un courage étonnant; c’est ce qui la fait regretter encore davantage. Tout le château est dans une tristesse mortelle. La petite Madame a la fièvre tierce et hier le roi a été incommodé toute la journée. Comme c’est une chose qui ne lui est pas encore arrivée, on a craint qu’il ne tombât malade; mais ce matin il est très bien et ne souffre plus. Tu vois, ma chère, que tout était éclopé, sauf les personnes auxquelles tu t’intéresses le plus et qui se portent à merveille.
Je crois que les soupers de ma sœur  vont commencer mardi; tu serais charmante d’y venir pendant ton séjour à Saint-Germain.
»

            Madame de Polastron à Madame de Laage de Volude

Le bailli Pierre-André de Suffren (1722-1788) en grand uniforme d’officier général de la Marine par Pompeo Batoni

Le 3 avril 1784

Le bailli de Suffren, héros de l’Inde, est mandé à Versailles par Louis XVI.
Le maréchal de Castries, secrétaire d’état à la Marine le conduit dans les petits appartements, où Louis XVI et Marie-Antoinette dînent avec Monsieur, le comte d’Artois et Madame. Dès que le premier gentilhomme de la chambre l’a annoncé, ils quittent tous leurs sièges pour aller à la rencontre du bailli de Suffren. Louis XVI, l’ayant pris par la main, le présente à Marie-Antoinette. Monsieur et le comte d’Artois l’embrassent. Louis XVI lui annonce qu’il est fait cordon bleu.
Après cette entrevue, Marie-Antoinette retourne dans Son appartement où le bailli de Suffren Lui est présenté une seconde fois et officiellement par le maréchal de Castries. Elle lui dit les choses les plus affectueuses et les plus obligeantes. Pendant ce temps, la duchesse de Polignac, gouvernante des Enfants de France, amène le Dauphin et Madame Royale. Marie-Antoinette présente Elle-même, le bailli de Suffren, à Ses enfants. Une réception aussi flatteuse l’attend chez Monsieur où ce dernier embrasse le bailli de Suffren et le presse contre son sein.
Madame la comtesse d’Artois, qui ne reçoit personne ce jour-là, veut que le bailli de Suffren lui soit présenté. C’est la seule personne qui entra chez elle.
 

Après l’affaire Desgranges, le désir d’isolement de Marie-Thérèse ne fait que croître, mais elle ne perd pas la sollicitude des siens, notamment de Madame Élisabeth, qui bien que plus jeune, la soutien de ses conseils.

Les déclarations de l’abbé de Véri, le 1er mai 1784, restent fortement sujettes à caution au sujet de «l’enfant adultérin», qu’il invoque, et pour toutes les raisons declinées ici :

«L’enlèvement pendant l’hiver 1783-1784, de deux gardes du corps du comte d’Artois, l’un réputé jouir des faveurs de la comtesse d’Artois, l’autre, être son médiateur, avait fait un éclat. Et la naissance le dimanche des Rameaux, le 4 avril, d’un enfant adultérin aussitôt disparu, était parvenue à la connaissance du public. La comtesse d’Artois avait fait face à la cabale. Elle aurait dit, au roi, à la reine, ou à la comtesse de Provence : « «« J’avais encore la meilleure conduite des trois. »»

L’abbé de Véri

La comtesse d'Artois et ses trois enfants : le duc d'Angoulême (1775), Mademoiselle d'Artois (1776) et le duc de Berry (1778)

Le 19 février 1785

Quelques temps après l’achat du château de Saint Cloud par Marie-Antoinette, la comtesse d’Artois manifeste, selon ses propres mots, le «désir et le besoin d’une maison de campagne où elle puisse prendre l’air et se procurer quelques distractions»…

En 1785-1786, la comtesse d’Artois soutient une vie publique un peu plus soutenue, grâce au recouvrement de sa santé : on la voit souvent passer des soirées chez madame de Montbel, puis chez sa dame d’honneur, la duchesse de Lorges.

Le 27 mars 1785

Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie, qui deviendra , en 1789, à la mort de son frère aîné, le Dauphin et que l’on connaîtra sous le nom de Louis XVII.

Le 28 août 1785

On célèbre la cérémonie de baptême du duc d’Angoulême, dix ans, et du duc de Berry, qui a sept ans et demi. Le Roi et la Reine sont les parrains du duc d’Angoulême. Les parrains du petit-duc de Berry sont Carlos III, Roi d’Espagne (représenté par le comte Provence) et sa marraine, Marie Antoinette d’Espagne, Reine de Sardaigne (représentée par la comtesse de Provence).

A la chapelle royale de Versailles, la cérémonie est précédée par Armand de Roquelaure, évêque de Senlis. Aucun prince n’a le ruban bleu sur son costume. Les cent gardes suisses sont en grande tenue.

 

Le 19 septembre 1785

Décès de sa mère, Marie-Antoinette d’Espagne (née en 1729), au château de Moncalieri, près de Turin.

Elle est enterrée à la basilique de Superga.

Le 2 août 1786

 « J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aie pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-telle comme en prison à Versailles. » Il poursuit : « Il faut convenir qu’elle est devenue bien raisonnable et que son dévouement aux volontés de Monseigneur et, l’on peut dire, de son administration mérite quelque chose».

Bourboulon, intendant de la comtesse d’Artois, à M. de Verdun, trésorier du comte d’Artois

Sculpture en cire de Francesco Orso représentant la Reine de Sardaigne, Maria-Antonia de Bourbon

La Maison de l’Electeur, dite le château de Béarn, à Saint-Cloud, est de 1786 à 1789, la villégiature de la comtesse d’Artois qui en fait son Trianon, à l’instar de Marie-Antoinette, de la comtesse de Provence, de Madame Élisabeth et de tant d’autres grandes dames.

Le château de Béarn

Ce château, que l’on appelle exagérément une maison, était loué pour Marie-Thérèse de Savoie qui sort enfin de la solitude de Versailles ou elle s’etiolait. Il ne reste rien de cet édifice de nos jours.

Le 16 août 1786

 Un courrier de M. de Verdun rapporte au comte d’Artois que c’est «une pitié que de voir madame la comtesse d’Artois seule, abandonnée à Versailles, livrée à l’ennui et aux dégoûts.» et que «Depuis longtemps elle se conduit d’une manière édifiante» .

Le comte d’Artois accepte finalement que la comtesse loue la maison dite de l’Électeur à Chalut, pour un loyer annuel de 18 000 livres.
Mais la dépense sera, de facto, bien plus considérable.
Voici le compte des frais engagés en 1786 et 1787 pour le «Trianon» de la comtesse d’Artois à Saint-Cloud  :