Louis-Ferdinand de France, Dauphin

Le Dauphin Louis-Ferdinand par Liotard

Le dimanche 4 septembre 1729

A deux heures, Marie Leszczyńska commence à souffrir beaucoup ; le Roi Louis XV (1710-1774) s’étant levé, on envoie chercher les princes et les princesses du sang, le cardinal de Fleury, le Chancelier de France, M. d’Aguesseau, et le Garde des Sceaux, M. Chauvelin, qui se rendent aussitôt dans la chambre de la Reine. Son appartement est dans l’instant rempli de seigneurs et dames de la Cour.

La Reine sent de grandes douleurs pendant une heure et demie.

A trois heures quarante

La Reine accouche heureusement d’un prince, dont la santé et la force donnent de grandes espérances pour la conservation de ses jours.

Marie Leszczyńska, Reine de France, et le Dauphin Louis-Ferdinand par Alexis Belle

Louis XV, qui n’a pas quitté la Reine pendant ses douleurs, et qui lui a donné des preuves de sa tendresse, paraît dans le moment de la naissance de Mgr le Dauphin, touché d’une vive joie ; et toutes les personnes qui sont dans la chambre ou dans l’appartement de la Reine, en apprenant cette nouvelle, font paraître leur amour au Roi, et la sincérité de leurs vœux pour la satisfaction de Leurs Majestés.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

Aussitôt que Mgr le Dauphin fût né, il est ondoyé par le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, en présence du curé de la paroisse de Versailles. Louis XV assiste à cette cérémonie, après laquelle la duchesse de Ventadour, Gouvernante des Enfants de France, accompagnée des trois sous-gouvernantes, porte M. le Dauphin dans l’appartement qui lui avait été préparé, et dans lequel les personnes, destinées à le servir, se trouvent.

Lorsque Mgr le Dauphin est arrivé dans son appartement, le marquis de Breteuil, commandeur-prévôt et maître des cérémonies des Ordres du Roi, lui porte le cordon et la croix de l’Ordre du Saint-Esprit, qui ne lui avait pas été donné dans la chambre de la Reine, parce que Louis XV, par attention pour la santé de celle-ci, n’avait pas voulu qu’elle peut apprendre trop tôt qu’elle était accouchée d’un prince. Le marquis de Breteuil fait cette fonction à cause l’absence du Grand Trésorier.

Vers quatre heure et demie

Louis XV sort de l’appartement de la Reine. En rentrant dans le sien, il envoie M. Le Fouin, l’un de ses gentilshommes ordinaires, au château de Chambord, porter au Roi Stanislas et à la Reine Catherine Opalinska, son épouse, la nouvelle de l’heureux accouchement de leur fille et de la naissance d’un prince.

Dès que l’on sut à Versailles, que la Reine était accouchée d’un prince, les cours du château et toute la ville retentissent des plus grandes acclamations, et se renouvellent avec plus de vivacité sous les fenêtres du Roi lorsqu’il est éveillé.

A midi

Louis XV va, à midi, entendre la messe, pendant laquelle on chante un Te Deum, en action de grâces de la naissance de Mgr le Dauphin.

L’après- midi

Louis XV reçoit les compliments de Madame la duchesse d’Orléans, des princesses du sang et des dames de la Cour. Après le Salut, il repasse dans sa chambre où il voit les ambassadeurs et ministres étrangers, qui s’étaient rendus à Versailles, sans avoir attendu l’annonce de cette nouvelle.

Louis XV passe plusieurs fois, dans la journée, chez la Reine et va voir son fils.

Le soir après souper

On tire sur l’esplanade, qui est entre la grande grille et les écuries, une grande quantité de fusées, et un feu d’artifice aussi beau que le peu de temps qu’on avait eu pour préparer, et pût le permettre ; et ce feu est accompagné d’une grande illumination formée par des girandoles de lumières, et une grande quantité de terrines ; il y a en même temps dans toutes les rues de Versailles, des illuminations, des feux et toutes les autres marques de la plus grande joie.

Le 20 septembre 1729

La Reine qui est parfaitement rétablie de ses couches, commence depuis quelques jours à voir les seigneurs et dames de la Cour.

Modèle réduit d'un carosse der Louis XV vers 1730, utilisé à l'occasion d'une cérémonie honorant le Dauphin. Il est en bois sculpté et doré, en brocart d'argent, métal et verre et réalisé par Chobert, joaillier du Roi.

Elle reçoit les compliments des ambassadeurs et ministres étrangers.           

Louis XV
Le Dauphin Louis-Ferdinand
Marie Leszczyńska par Alexis Belle
Louis XV recevant le corps des échevins de Paris, à l’occasion de la naissance du Dauphin en 1729

Le 30 août 1730

Naissance d’un deuxième fils du couple royal, Philippe-Louis, duc d’Anjou , qui mourra le 7 avril 1733) .

Le Dauphin a également sept sœurs : les deux aînées survivantes Elisabeth et Henriette-Anne, jumelles nées en 1727, Adélaïde (née en 1732), Victoire (1733), Sophie-Philippine (1734), Thérèse-Félicitée (1736, morte à Fontevrault en 1744) et Louise-Marie (née en 1737).

La Gloire des Princes s'empare des Enfants de France, par De Troy La France confie ici à la Gloire les trois premiers enfants du Roi : Louis, dauphin de France, Madame Élisabeth (de dos), et Madame Henriette.
Le Dauphin Louis-Ferdinand coiffé à la polonaise

A partir du 21 mai 1733

« Séjour des Enfans de France à Meudon en 1733.
Le séjour des Enfans de France à Meudon a été déterminé(…) dans une assemblée de médecins qui s’est tenue à Versailles, par rapport à leur santé, la mort de Madame Troisième et celle de Monsieur le duc d’Anjou ayant fait peur pour les autres. (…)
Il est donné ordre à l’officier des gardes qui commande à Meudon de ne point laisser entrer le Roi dans la chambre de M. le Dauphin ny des dames. »

 

Le 27 avril 1737

Louis-Ferdinand  n’est baptisé à Versailles qu’à huit ans.

Son parrain est le duc d’Orléans (1703-1752) , et sa marraine, la princesse de Condé (1673-1743).

Louis d'Orléans, son parrain
Louis-Ferdinand par Louis Tocqué
Louyise-Françoise de Bourbon, princesse de Condé, sa marraine
Louis-Ferdinand maniant le cerf-volant reçu à Noël

L’éducation du Dauphin est confiée à Jean-François Boyer, évêque de Mirepois, homme vertueux mais au seuil de la vieillesse et de vues étroites. De fait, il eut pour sous-précepteur l’abbé Joseph de Giry de Saint Cyr, membre de l’Académie française. Louis-Ferdinand est un élève très brillant. Ainsi, il a une excellente connaissance du latin, il parle couramment l’anglais, chose rare pour un prince de son époque et excelle dans nombre d’autres disciplines.

Marie Leszczyńska exige pour son fils le Dauphin qu’il soit réprimandé et puni quand cela est nécessaire pour dompter son emportement. Elle soutient l’abbé Alary contre les cabales. Elle se réserve une part dans l’instruction morale de son fils, et lui transmet une foi chrétienne très assurée.
Il y a une étroite union entre la mère et le fils. Ils trouvent l’un près de l’autre la confiance et la consolation au milieu de l’égoïsme versaillais.
Louis-Ferdinand en 1738 par Louis Tocqué

En revanche, il déteste l’activité physique et renoncera même à la chasse après avoir tué par mégarde un de ses hommes. Il accorde sa protection à la veuve et aux descendants du malheureux et une pension qui sera versée par les différents gouvernements jusqu’à l’extinction de la lignée de la victime sous la Troisième République.
À un proche qui lui fait remarquer que ce n’est pas l’usage, le prince réplique :

« Il n’est pas d’usage non plus que le Dauphin tue un Français. »

Le prince devient, comme ses sœurs, un excellent musicien.
Seul fils survivant du couple royal, adulé par sa mère et ses sœurs, ce fut un enfant orgueilleux voire tyrannique, mais très pieux, désirant ressembler à son grand ancêtre, fondateur de sa lignée, Saint Louis.

Image de Louis XV, le Soleil Noir (2012) de Thierry Binisti

En 1736

Il a sept ans quand le Roi, son père, fait paraître ouvertement à la cour sa première favorite, la comtesse de Mailly, qui est bientôt supplantée dans le cœur du Roi par sa sœur, la comtesse de Vintimille, laquelle meurt en couches (1741). La sœur des deux précédentes, la marquise de la Tournelle (bientôt titrée duchesse de Châteauroux) lui succède.

En 1738

Il a neuf ans quand ses quatre plus jeunes sœurs quittent la Cour pour l’abbaye de Fontevraud où elles doivent être éduquées à moindre frais.

L'abbaye de Fontevraud

Ne restent à la Cour que ses aînées, les jumelles Mesdames Élisabeth et Henriette et sa cadette Madame Adélaïde.

Louis-Ferdinand (1739) par Louis Tocqué
C'est Clovis Fouin qui interprète Louis-Ferdinand dans Nannerl, la sœur de Mozart (2010)  de René Féret

Très affecté par la séparation officieuse de ses parents, l’adultère du Roi et la résignation doloriste de sa mère, il s’escrime à ne pas ressembler à son père, optant dès son enfance pour une dévotion profonde et assumée.

Charlotte de Turckheim incarne magistralement Marie Lezsczynska
dans Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006), qu’interprète Hélène de Fougerolles
dans le  téléfilm de Jean-Marie Sénia
Damien Jouillerot y est le Dauphin 

 

Le 16 décembre 1743

A l’occasion du mariage entre le duc de Chartres et mademoiselle de Conti prévu pour le lendemain et véritable répétition générale pour celui prévu pour l’héritier du trône, Louis XV demande que les fastes soient un peu réduits comparés au mariage de Madame Infante sa fille aînée en 1739.

 

Le 17 décembre 1743

La table des noces n’est pas carrée comme à son ordinaire mais en fer à cheval car toute la famille royal est réunie, princesses du sang compris (les princes n’ayant pas droit eux de se mettre à table avec la Reine et les princesses).

Madame est la fille aînée de Louis XV depuis le départ de Madame Infante sa jumelle, qu’on connaît sous le nom de Madame Henriette.

Louis-Ferdinand par La Tour
Madame Henriette (1727-1752) par Jean-Marc Nattier

« Monsieur le Dauphin présenta la serviette au Roi. Le Roi et la Reine étaient au milieu de la table, Monsieur le Dauphin à la droite du Roi, Madame à la gauche de la Reine, Madame Adélaïde à la droite de Monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Chartres à la gauche de Madame, madame la princesse de Conti à la droite de Madame Adélaïde, madame de Modène à la gauche de madame la duchesse de Chartres, Mademoiselle à la droite de madame la princesse de Conti, mademoiselle de Sens la dernière à gauche, mademoiselle de La Roche-sur-Yon la dernière à droite. 
C’étaient les gentilshommes ordinaires qui servaient. Monsieur le comte de Charolais vit mettre le Roi à table, mais il ne fit aucune fonction. Monsieur de Livry avait le bâton. L’antichambre était éclairée de sept lustres, comme je l’ai déjà dit.»

            Mémoires du duc de Luynes

Le duc de Chartres en mai 1735 (1725-1785) par Jean Daullé, gravure

 

 

 

Ce mariage est un véritable calvaire pour cette princesse qui a longtemps cru possible pouvoir épouser le duc de Chartres lui aussi amoureux de la fille du Roi.

Louise-Henriette de Bourbon-Conti, duchesse de Chartres puis d'Orléans, d'après Jean-Marc Nattier, 1750, huile sur toile

Toutes ces princesses d’âge mûr ne sont guère des exemples pour Mesdames et Marie Leszczynska ne les supportent que par politesse. Le marquis de Livry est le Premier Maître d’Hôtel du Roi qui assure sa charge durant les grandes circonstances, ici un mariage princier. Il se tient à la gauche du fauteuil du Roi et ordonne au service. On constate, selon la règle immuable qu’aucun homme hors de la famille royale ne peut manger avec la Reine et les Filles de France, l’absence du marié à la table de ses noces !

Celui-ci soupe dans son appartement, en compagnie de son père, son beau-frère et tous les autres princes du sang et légitimés. A la fin du Grand Couvert, ces princes se rendent à l’Antichambre afin de venir chercher le Roi et la Reine pour prendre part à la cérémonie du coucher des jeunes mariés. 

Les Filles de France se retirent. 

Le 9 février 1744

Louis XV se plie habituellement au Grand Couvert chaque dimanche. Mais ce jour-là il préfère l’annuler pour retrouver mesdames de Châteauroux et de Lauraguais dans ses petits appartements. 

C’est un véritable camouflet pour la famille royale et la Cour. 

Le 8 avril 1744

Le Dauphin et ses soeurs assurent seuls le Grand Couvert.

Le 25 mai 1744, Pentecôte

Après la grande messe, la Reine s’installe au Grand Couvert entourée de ses enfants. Elle seule s’assoit dans un fauteuil au milieu de la table. Le Dauphin s’installe au bout à droite, Madame au bout à gauche et Madame Adélaïde à la droite de leur mère.

La gouvernante des Filles de France, madame de Tallard, se place derrière la plus jeune et madame de Luynes derrière la Reine. Le Dauphin a derrière lui un officier des gardes et son gouverneur monsieur de Châtillon. Les princesses et la Reine ont aussi un officier des gardes derrière chacune d’elles.

La famille royale se réunit ensuite dans la Chambre de la Reine pour la conversation.

La Cour est particulièrement nombreuse ce jour-là.

Remise de l'ordre du Saint-Esprit sous Louis XV dans la chapelle du château de Versailles, le 3 mai 1724, par Nicolas Lancret, musée du Louvre

Juin 1744

Le mariage de Louis-Ferdinand avec Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est imminent.

Tandis que le Dauphin est en conversation avec Madame Henriette sur ses projets de promenades avec sa future épouse, la jeune princesse assise sur un canapé et se sentant négligée par ses aînés, s’ennuie et du coup pointe l’insolence. Madame Henriette toujours douce et aimable dit à son frère combien elle a entendu parler des grâces de l’infante, de son air noble et de son beau teint.

A ces derniers mots, la benjamine intervient enfin : «Je crois bien qu’elle est blanche car elle est extrêmement rousse.»

Et continue à brosser un affreux portrait. Madame Henriette tente tant bien que mal à calmer sa sœur. Le Dauphin clôt le débat en disant qu’il savait que sa future épouse avait bon caractère et que cela lui suffit.

Le 13 juillet 1744

Après le Te Deum célébrant les victoires de Louis XV à Notre-Dame, le Dauphin soupe en grand couvert à l’Hôtel de Ville.

L'Hôtel de Ville de Paris avant 1871

Son gouverneur refuse que des dames soient invitées à la table de Monseigneur sous prétexte que le repas serait trop long et que Monseigneur ne doit pas se coucher trop tard.  Le gouverneur reste assis et ne sert pas le Dauphin, c’est le prévôt des marchands, Louis-Basile de Bernage de Saint-Maurice (1691-1767). Le duc de Luynes s’offusque que le gouverneur ose s’asseoir. Ce n’est pas la coutume, sauf quand le prince est très jeune. 

Le Dauphin Louis-Ferdinand en 1745 par Maurice Quentin de la Tour

Le 30 juillet 1744

Nouvelle visite de la Reine et pour la première fois de son fils à Dampierre chez ses amis Luynes. Comme d’habitude, promenades, souper, jeu… Avec deux tables : celle de la Reine et le Dauphin sur une petite chaise à sa droite avec une dizaine de dames et une table dans une pièce à côté pour les autres dames et les seigneurs.

Le château de Dampierre, département des Yvelines, photographie de Lionel Allorge

Le 14 novembre 1744

Marie Leszczyńska vient dîner aux Tuileries dans la Chambre de la Reine donnant sur les jardins. Malgré l’étroitesse des lieux, toute la cour s’y presse, ambassadeurs compris, en attente de l’arrivée prochaine du Roi en guerre depuis plusieurs mois.

Ses enfants la rejoignent après leur propre dîner à Versailles. 

A neuf et quart du soir, la famille royale en son entier s’installe dans l’antichambre de l’appartement du Roi, bien plus spacieux, après l’arrivée de Louis XV à sept heures et le jeu dans la galerie.

Le château des Tuileries vers 1757 par Nicolas Jean-Baptiste Raguenet, musée Carnavalet, Paris
L'appartement du Roi est celui en jaune, celui de la Reine à cette date correspond à ce qui deviendra l'appartement privé de Louis XVI et de ses enfants, Marie-Antoinette préférant finalement s'installer au rez-de-chaussée, juste en dessous.

« On ne peut pas se représenter la foule excessive qui était dans la galerie et la salle où le Roi mange.»

         Mémoires du duc de Luynes

Les vingt-quatre violons jouent plus d’une demi-heure. 
Le Dauphin a perdu son gouverneur le duc de Châtillon en disgrâce après Metz, néanmoins un sous-gouverneur reste derrière lui. 

Après le repas, la famille royale se réunit seule une demi-heure.

Le 16 novembre 1744

Louis XV  et son fils sont attendus pour deux heures à l’Hôtel de Ville où de nombreux travaux ont été effectués à l’intérieur comme à l’extérieur pour l’occasion.  

Voici le plan de la table :

Le festin dure deux heures, accompagné de la musique du Roi et de poèmes.  Louis XV est servi par le prévôt des marchands en robe rouge et le Dauphin par le premier échevin.  Comme le veut la tradition, on laisse le peuple se servir largement du fruit, à Paris comme à Fontainebleau. 

Le 28 décembre 1744

Grand Couvert pour le mariage du duc de Penthièvre avec mademoiselle de Modène. 

Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, par Jean-Marc Nattier, huile sur toile
Marie-Thérèse Félicité d'Este, princesse de Modène et duchesse de Penthièvre, anonyme, château de Bizy

La cérémonie suit celle à peu de choses près ce qui s’est passé pour le mariage du duc et de la duchesse de Chartres. Le duc de Charolais fait fonction de grand maître, aidé par le maître d’hôtel de quartier. Il y a les mêmes princesses à table que la dernière fois, en plus de la famille royale, en y ajoutant désormais la nouvelle duchesse de Penthièvre. Madame Henriette est absente à cause d’une dent à arracher. Les princes du sang ne peuvent se mettre à table auprès de la Reine et de ses filles, marié compris. 
La foule, surtout populaire, est importante et des barrières doivent être installées dans l’Antichambre et la salle des gardes de la Reine. Mais aucune barrière ne doit être placée dans la grande salle des gardes, dite magasin.  Le Dauphin et Madame Adélaïde ne suivent pas leurs parents et les princes et princesses pour le coucher des mariés dans l’appartement du comte et de la comtesse de Toulouse. 

Début 1745

Débarrassée de la favorite du Roi, la duchesse de Châteauroux, la famille royale retrouve avec bonheur Louis XV plus assidu aux Grands Couverts et surtout prêt à reprendre la conversation qui les termine chez la comtesse de Toulouse.

Le 7 février 1745

Le Roi impose un bal masqué chez ses filles. Le Dauphin et Madame Henriette n’aiment pas danser mais Louis XV estime «que cela ne faisait rien, qu’à leur âge, on aimait toujours à danser.»

Quelques jours auparavant, le Roi est parti à un bal masqué  dans Versailles où la rumeur raconte qu’il y retrouva une dame qu’il ne quitta pas. 

C’est sûrement la raison pour laquelle il veut ce bal.

Le Roi aime être costumé afin de pouvoir passer une soirée incognito. Son épouse vient aussi au bal de leurs enfants, jusqu’à quatre heures du matin mais estime qu’elle ne doit plus porter de masque à son âge. 

Louis XV fait réellement preuve de maladresse quand il s’agit de ses maîtresses vis-à-vis de sa famille. 

Le 20 février 1745, Etampes

Le Roi part pour Etampes avec le Dauphin rejoindre la nouvelle Dauphine. 

Un souper d’hommes de dix-huit couverts, Roi, Dauphin, princes du sang et seigneurs de la suite,  est servi. Le sous-gouverneur du Dauphin, monsieur de Muy a l’honneur pour la première fois de manger avec le Roi. 

Le 21 février 1745, Sceaux

Entre huit et neuf du soir, Madame le Dauphine se met à table avec le Roi, le Dauphin et les princes du sang qui ont su prouver avoir ce droit auprès de l’ancienne Dauphine de Bavière. Il en est hors de question pour la Reine. 

Le 22 février 1745, Sceaux

Dîner de la famille royale, de dix-huit couverts : le Roi, le Dauphin à sa droite, la Dauphine à la gauche de la Reine, Madame Henriette à la droite de son frère, Madame Adélaïde à la gauche de la Dauphine, six princesses du sang et madame de Penthièvre, puis madame de Tallard, madame de Luynes et madame de Brancas (dame d’honneur de la Dauphine) et enfin une dame du palais de la Reine et une dame pour accompagner de la Dauphine à la place des deux dames d’atours qui ont refusé l’honneur du Grand Couvert. 

Le château de Sceaux, Hauts de Seine

Le 23  février 1745

Louis-Ferdinand épouse au château de Versailles  sa cousine l’infante Marie-Thérèse Raphaëlle, deuxième fille de Philippe V et sœur de l’infant Philippe qui avait épousé en 1739 Louise-Élisabeth (1727-1759), sa sœur aînée.

Dans l’après-midi, après la cérémonie religieuse

Grand Couvert dans le grand cabinet de Madame la Dauphine entre le Dauphin, son épouse et Mesdames, les quatre assis dans un fauteuil. 

Le Roi offre à cette occasion par l’intermédiaire du duc de Richelieu, premier gentilhomme de la Chambre, des médailles célébrant le mariage.

A cinq heures de l’après-midi

Louis XV vient chercher la Dauphine, accompagnée de son époux et de ses belles-soeurs, afin de la mener au manège assister au ballet La princesse de Navarre, musique de Rameau et livret de Voltaire.

L'infante Marie-Thérèse d’Espagne par Daniel Klein
Mariage du Dauphin Louis de France avec l'Infante d'Espagne, célébré dans la chapelle de Versailles le 23 février 1745 Charles-Nicolas Cochin le Jeune
La décoration du bal paré donné par le roi Louis XV, le 24 février 1745, dans la salle construite au manège de la Grande Écurie à l’occasion du mariage du Dauphin avec Marie-Thérèse, infante d’Espagne.

Le château de Versailles ne dispose pas de salle de spectacle digne de ce nom et doit se contenter soit d’un théâtre dans le passage des Princes, soit pour de plus grandes festivités le manège de la Grande Ecurie.  La famille royale se rend à l’écurie dans un carrosse de la Reine : le Roi, la Reine, le Dauphin, la Dauphine, Mesdames. Un deuxième carrosse de la Reine transporte six princesses du sang, un troisième les hautes charges féminines des maisons royales. Deux carrosses de la Dauphine accompagnent les dames pour accompagner quand les dames du palais ont déjà utiliser un carrosse de la Reine avant l’arrivée de la famille royale.

La presse est telle qu’on entend «Bourrez !». Louis XV ne réussit à s’installer qu’à sept heures du soir. 

Le ballet ne finit qu’à dix heures du soir. Si la musique et le spectacle dansé sont hautement appréciés, ce n’est pas le cas de la pièce, l’histoire étant jugée trop en la faveur de la France, au détriment de l’Espagne. L’Amour qui écrase les Pyrénées est jugé ridicule.

Après le ballet

Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine. 

Antichambre du Grand Couvert, château de Versailles, photographie RMN/Jean-Marc Manaï
Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle d'Espagne, Dauphine de France (1726-1746) par Louis-Michel Van Loo
Représentation de la comédie-ballet "La princesse de Navarre" donnée à l'occasion du mariage du Dauphin avec Marie-Thérèse, infante d'Espagne, 23 février 1745 Chalcographie du Louvre (Paris) (éditeur), d'après Charles-Nicolas Cochin le Jeune

Le souper dure jusqu’à minuit et ensuite le Roi passe chez Monsieur le Dauphin et la Reine chez Madame la Dauphine afin de procéder au coucher.  Le cardinal de Rohan bénit le lit. Le Roi donne la chemise à son fils, présentée par le duc de Chartres ; la Reine à sa belle-fille et la chemise présentée par la duchesse de Chartres. 

Le 24 février 1745

Présentations toute la matinée auprès de la Dauphine. Puis le Dauphin et la Dauphine dînent seuls dans leur appartement de l’aile du Midi.

 

Plan de l'appartement du Dauphin et de la Dauphine en 1745, premier étage de l'Aile du Midi, côté jardins, centre de recherches du château de Versailles
Pavillon central de l'Aile du Midi où se situait l'appartement du Dauphin en 1745 au premier étage, photographie de Christophe Duarte

L’Appartement du Dauphin en 1745.
Au premier étage de l’Aile du Midi
( texte et illustrations de Christophe Duarte ; Versailles-passion )

On pénètre dans l’appartement du Dauphin par une porte ouverte sur le palier de l’escalier des Princes.
La salle des gardes dans laquelle on pénètre était une grande salle à deux fenêtres sur le parterre du Midi. On a ouvert une cheminée neuve dans le mur qui la séparait de la première antichambre. Les murs sont recouverts d’une tapisserie de tenture en cuir fond gris perlé à décor doré.

On passe ensuite dans la première antichambre, pièce ayant également deux fenêtres sur le parterre. Les murs sont couverts d’une tenture d’étoffe. Une petite porte dans le fond menait à une série de petites pièces avec entresols au-dessus .
Derrière les deux antichambres du prince se trouvent les deux pièces de Binet, son premier valet de chambre, pièces éclairées sur la Galerie de Pierre, lui permettant de sortir sur cette galerie, d’aller dans les deux antichambres, la salle de bain commune au Dauphin et à la Dauphine, à un escalier menant à l’entresol et à des petites pièces où logent les garçons de la chambre qui sont sous ses ordres.

Après la seconde antichambre, venait la chambre du Dauphin, deux fenêtres avec console de bois sculpté et doré entre elles. Le lit est placé au fond. Face à la cheminée, Gaudreaux avait placé une grande commode plaquée de bois de violettes, bombée et chantournée.

Portière des Dieux : Bacchus par Audran
Bureau du Grand Cabinet du Dauphin par BVRB
Portière des dieux : Jupiter ou le feu, tapisserie de lice par Claude Audran, collection du Mobilier national

Après la chambre, on entre dans le Grand Cabinet à deux fenêtres, avec une cheminée neuve dans le mur de la chambre. Ce cabinet était meublé suivant l’usage du temps de la même étoffe que la chambre. On y avait placé un très beau bureau de marqueterie au-dessus en maroquin noir. Le Dauphin avait à l’entresol, donnant sur la Galerie, deux petites bibliothèques.

A six heures du soir

Bal paré au manège. L’arrangement pour les carrosses est le même que la veille.  L’orchestre de cent cinquante musiciens joue sur la scène. 
Le Roi et la Reine sont du côté de la porte, les danseuses devant des deux côtés, les danseurs en face du Roi. C’est le Roi qui nomme les couples. Pendant une heure ce sont des menuets puis des contredanses. Le bal se termine avant dix heures pour le Grand Couvert. 
Louis XV a donné ordre pour cette soirée et les deux suivantes d’illuminer toutes les façades du château à l’aide de terrines. Les ailes des ministres et les écuries sont également éclairées. 

Le 24 février 1745

A six heures du soir

Bal paré au manège. L’arrangement pour les carrosses est le même que la veille.  L’orchestre de cent cinquante musiciens joue sur la scène. Le Roi et la Reine sont du côté de la porte, les danseuses devant des deux côtés, les danseurs en face du Roi. C’est le Roi qui nomme les couples. Pendant une heure ce sont des menuets puis des contredanses. Le bal se termine avant dix heures pour le Grand Couvert. 

Bal paré donné à Versailles pour la mariage du Dauphin en 1745, par Charles Nicolas Cochin, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques

Dix heures du soir

Grand Couvert dans l’Antichambre de la Reine.  Il n’y a rien de prévu pour le reste de la soirée.

Le 25 février 1745

C’est au cours des festivités du mariage que le Roi prend comme maîtresse Madame Lenormant d’Étiolles (qu’il fait bientôt marquise de Pompadour) qu’il découvre dans le costume de Diane chasseresse.

A sept heures du soir

Appartement dans la grande galerie. 

Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de la Galerie des Glaces en 1745 lors du mariage du Dauphin Louis-Ferdinand, par Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux
Restitution de Philippe Le Pareux

A sept heures du soir

Comme à l’accoutumé, il y a «soirée d’appartement» chez le Roi. Exceptionnellement, elle a lieu dans la Grande Galerie, où l’on a disposé, outre une grande quantité de tables de jeux diverses et variées, une grande table rectangulaire destinée à la partie de lansquenet du Roi dans le centre de la Galerie et une autre table, ronde plus petite, devant la porte du Salon de la Paix, réservée au cavagnole de la Reine.

Dans le salon de la Guerre joue un orchestre d’une cinquantaine de musiciens, avec trompettes, timbales, tambourins…

A neuf heures du soir

Le Grand Couvert a lieu comme les autres soirs. Puis chacun se retire chez soi afin de se préparer pour un bal masqué qui doit se dérouler toute la nuit.

Jeu du Roi dans la Galerie des Glaces, de Charles Cochin

Durant cet intermède, les services des Menus Plaisirs et du Garde meuble font disparaître les tables de jeux de la Galerie afin de la préparer pour le bal.

Le Bal des Ifs, le jour Madame de Pompadour officialise son entrée à la Cour de Versailles
( texte et illustrations de Christophe Duarte – Versailles Passion)

Aucune invitation n’a été lancée : «On y entre, nous dit Barbier, sans distinction, en habit de masque à la main». Néanmoins, il a été prévu des filtrages aux deux entrées de ce bal : une à l’escalier de Marbre et l’autre à celui de l’Escalier du salon d’Hercule. Des huissiers demandent qu’une personne des groupes qui rentrent se démasque, se nomma et nommait les autres personnes. La foule devient telle et la bousculade si forte que les huissiers abandonnent et laissent tout le monde entrer.
Il y a quatre grands buffets garnis de rafraîchissements de toutes sortes de vins, du saumon frais, des pâtés de truites, des poissons au bleu, des filets de sole et tout ce que l’on pouvait souhaiter la nuit d’un vendredi maigre. Les quantités sont si abondantes qu’on prétend que certains en fourrent plein leurs poches pour les revendre le lendemain au marché.

Peu avant minuit, la Reine apparaît, sans masque revêtue d’une robe constellée de bouquets de perles avec sur sa tête, le Sancy et le Régent, les deux plus beaux diamants de la Couronne. Elle accompagne le couple de mariés, le Dauphin costumé en jardinier et la Dauphine en marchande de fleurs.
Un quadrille débute le bal avec le Dauphin, non masqué menant la Dauphine, le Duc et la Duchesse de Chartres, Madame d’Andlau et Monsieur de Ségur, tous costumés en bergers et bergères, en robes à paniers enguirlandées de fleurs, une corbeille fleurie à la main, puis on va s’asseoir sur une estrade préparée à leur intention afin de s’amuser à regarder les masques. Mais Louis XV n’est toujours pas là.

La Dauphine, surprise par la liberté et l’aisance des manières de la Cour, accepte de danser avec un bel inconnu masqué, qui se déclare espagnol. Visiblement, il a l’allure d’un Grand d’Espagne et est au fait de tous les secrets de la Cour. Intriguée, elle veut savoir qui est le personnage, mais son danseur ne laisse rien paraître et disparaît brusquement. On apprend le lendemain qu’il ne s’agit que du simple cuisinier espagnol de Monsieur de Tessé. Tout Versailles fait les gorges chaudes et la Dauphine, qui ne sut pas tenir sa langue, est assez mortifiée.

Un autre incident intervient au souper quand la princesse de Conti, fatiguée d’être restée debout, voulue s’asseoir sans trouver de sièges libres. Discrètement, elle se démasque, persuadée qu’en dévoilant son identité, elle trouvera aussitôt un siège mais personne ne se lève, feignant de ne pas reconnaître une princesse du sang. Furieuse, elle quitte le salon en déclarant haut et fort que de «sa vie qui est longue, elle n’avait vu des gens si malhonnêtes, il faut qu’on soit ici de bien mauvaise compagnie».

C’est au moment où la princesse quitte l’Œil-de-Bœuf que l’on peut assister à un surprenant spectacle : sept ifs exactement identiques, taillés en topiaires, s’avancent à la queue leu leu, tandis que la foule s’écarte pour les laisser passer. On a immédiatement deviné que le Roi se trouve parmi ces ifs.

C’est Louis XV qui, semble-t-il, a eu cette idée originale de déguisement, persuadé que personne ne pourrait le reconnaître.

Beaucoup d’indiscrétions ont couru sur les liaisons du Roi avec une mystérieuse inconnue et l’on sait que «le mouchoir» va être jeté ce soir-là. Beaucoup de dames meurent d’envie d’être la maîtresse du Roi et ce bal est une chance inespérée pour toutes les prétendantes à la succession de la duchesse de Châteauroux.

Madame d’Etiolles, costumée en Diane chasseresse, parle à un if : le règne de Madame de Pompadour (1721-1764)  débute.

Ce fameux bal ne devait s’achever que le lendemain vers les huit heures du matin.

La marquise de Pompadour (1721-1764) est détestée par le jeune Dauphin qui, avec ses sœurs, l’appelle par ironie et irrévérence Maman Putain, que par Marie-Thérèse. En effet, la Dauphine de vingt ans est tout aussi hostile au monarque et prétend que « sa timidité l’empêche totalement de lui parler ».

Jeanne-Antoinette de Pompadour par Boucher

Le mariage n’est pas consommé dans ses premiers temps, ce qui gêne la Dauphine vis-à-vis de son époux et de la Cour qui faisait courir le bruit que le Dauphin, âgé de seize ans, était impuissant. L’union n’est consommée que sept mois après les noces en septembre 1745. Cet événement rapprocha les époux, qui passèrent dès lors la plupart du temps ensemble, dans une grande dévotion, à l’opposé du Roi qui vit séparé de la Reine depuis près de dix ans, ne peut plus communier depuis des années, mais fréquente surtout les appartements de sa nouvelle favorite.

Peu après, Marie-Thérèse se trouve enceinte. L’accouchement est prévu pour le début juillet 1746, mais le terme se fait attendre, ce qui exaspère la patience de Louis XV, des diplomates, de la cour et du peuple.

Le 11 mai 1745

 C’est à la bataille de Fontenoy, aux côtés de son père et à l’âge de quinze ans, que le Dauphin connaît le baptême du feu. Il fait preuve de courage, voire d’enthousiasme, mais reçoit de la bouche même du Roi une belle leçon d’humanité propre à édifier le futur monarque :

« Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire c’est de l’épargner. » 

Afin de préserver Marie-Thérèse et d’éviter un danger pour l’enfant qu’elle porte, on ne lui annonça pas la mort de son père, Philippe V ( 1683-1746), survenue le 9 Juillet.

Le 19 juillet 1746

Finalement, la princesse met au monde une petite fille que le Dauphin, profondément épris, fait baptiser sous le nom de Marie-Thérèse pour rendre hommage à son épouse adorée.

La Dauphine se remet d’abord bien de son accouchement, mais son état se dégrade brutalement …

Le 22 juillet 1746

La Dauphine meurt, à Versailles. Son époux en éprouve un chagrin extrême.

Marie-Thérèse d’Espagne
Pompe funèbre de la Dauphine Marie-Thérèse (1746)

Vers 1746

« Sa piété est éclairée, et d’un caractère qui doit faire espérer qu’elle sera solide, mais l’enfance est grande en lui, et lorsqu’on lui tient quelques discours de médisance, ce qui n’arrive que trop souvent, il les répète avec peu de discrétion. Il est fort fâcheux que la raison ne soit pas encore assez avancée en lui pour lui faire sentir les conséquences ; ce n’est pas cependant qu’il manque d’esprit, mais il est vif et ne fait pas assez de réflexions. (…)Le caractère de monsieur le Dauphin est de passer promptement d’une chose à une autre. Il n’aime aucun amusement ; la chasse à courre et à tire l’ennuie ; il ne peut pas souffrir le jeu ; il n’aime point les spectacles. Jusqu’à présent il parait qu’il n’y a que la musique pour laquelle il a passez de gout ; il joue du violon, il chante, il joue de l’orgue et du clavecin ; il lit des livres de piété ; mais il parait qu’en tout il ne s’occupe pas assez. D’ailleurs comme je viens de le dire, toujours extrêmement enfant. (…)Le Dauphin est capable d’amitié ; il est caressant et gai, et se montre tel qu’il est ; il a l’imagination vive et des saillies assez plaisantes.»

           Le duc de Luynes

À peine la jeune Dauphine a-t-elle expiré que la Cour songe au remariage du Dauphin accablé de tristesse.

La Cour de Madrid, qui tenait à l’alliance française, proposa immédiatement l’infante Marie-Antoinette, sœur cadette de Marie-Thérèse ce que le Dauphin souhaitait espérant trouver chez sa belle-sœur les qualités qu’il révérait chez son épouse défunte.

Alors que la guerre de succession d’Autriche fait rage, que les troupes françaises ont conquis les Pays-Bas autrichiens mais que la « Reine de Hongrie » (Marie-Thérèse) avait fait élire et couronner son époux empereur, les données changent. Si la Reine Marie Leszczsynska et le clan Choiseul penchent pour l’alliance Espagnole, le Roi préfère une princesse de Savoie tandis que l’héroïque maréchal de Saxe, soutenu par la marquise de Pompadour, propose une princesse de Saxe, nièce du maréchal, qui serait forcément reconnaissante envers la favorite.

Florian Cadiou incarne Louis-Ferdinand dans Louis XV, le Soleil Noir (2009) de Thierry Binisti

Finalement, le Dauphin épouse à contre-cœur l’année suivante Marie-Josèphe de Saxe, princesse intelligente de quinze ans qui sait, malgré sa jeunesse, apprivoiser l’inconsolable veuf de dix-neuf ans qu’on lui donne pour mari.

Le 5 février 1747

Les carrosses roulent vers Nogent et Nangis. Louis XV arrive à Choisy et s’engage sur la route de Corbeil jusqu’à Cromazel où est fixé le rendez-vous avec Marie-Josèphe.

Le 7 février 1747

La Dauphine rencontre le Roi Louis XV et son mari , Louis-Ferdinand.

Le 8 février 1747

Marie Leszczyńska, accompagnée de Mesdames Henriette et Adélaïde, de la duchesse de Chartres, de la princesse de Conti et de mademoiselle de Charolais, quitte Versailles pour se rendre au-devant du cortège qu’elle rejoint près de la croisée du pavé de Choisy.
Marie-Josèphe s’avance, avec émoi, vers la Reine et s’incline profondément devant elle. La fille du Roi détrôné embrasse la fille du Roi détesté. C’est un baiser d’étiquette où le cœur n’a nulle part. La sensible Marie-Josèphe le ressent, mais n’en est pas surprise. Elle sait bien qu’il lui faudra conquérir la Reine et que ce ne sera pas chose aisée. 

Marie-Josèphe de Saxe princesse de Pologne (1744)
Louis-Ferdinand dans Louis XV, le soleil noir de Thierry Binisti
Fête musicale à Rome pour le mariage de Marie-Josèphe de Saxe par Giovanni Paolo Panini

Le Grand Cabinet du Dauphin
(Source texte et photos : dossier de presse © EPV)

Lors de sa construction en 1668 par Le Vau, la salle d’angle était divisée en trois pièces distinctes : la chambre à coucher de Monsieur, le petit cabinet d’angle de Monsieur, et le cabinet de Madame. En 1693, Monseigneur obtint l’extension de son appartement et le décloisonnement de cet espace pour former le grand cabinet. Depuis lors, cette pièce est traditionnellement réservée au Dauphin et sert de cadre de représentation luxueux.

En 1747, lors du réaménagement de l’appartement pour le fils de Louis XV, son décor est entièrement renouvelé, et à l’instar de la chambre attenante, les boiseries sont sculptées par Jacques Verberckt sur les dessins d’Ange-Jacques Gabriel et la cheminée en marbre brèche violette est ornée de bronzes rocaille ciselés et dorés par Jacques Caffieri.

Le grand cabinet connaît ensuite peu de modifications jusqu’aux aménagements du début du XIXème siècle réalisés lors de la transformation du château par Louis Philippe. La pièce perd alors une partie de son décor afin de permettre l’accrochage de toiles de grandes dimensions.

Au tournant des XIXe et XXe siècles, l’aménagement muséal du grand cabinet est supprimé afin de redonner au lieu son aspect perdu de pièce d’appartement d’Ancien Régime. Une corniche neuve est mise en œuvre en moulant la corniche du grand cabinet de Madame Victoire et une cheminée en marbre d’époque Louis XV est replacée sur le mur est.

De plus les dessus-de-porte de Jacques Verberckt sont déposés et remplacés par de nouvelles bordures de style rocaille encadrant des peintures de paysage, et les entre-fenêtres retrouvent leurs trumeaux de glaces, insérés dans des bordures simples, en dépit des fantômes visibles sur les parquets de glace de 1747.

Le Grand Cabinet

Lors de la promulgation de la loi-programme sur les musées du 11 juillet 1978, une restauration et la poursuite de la restitution du grand cabinet du Dauphin dans son état d’Ancien Régime sont entreprises : remise en place d’un parquet de type Versailles, réinstallation de la cheminée d’origine, restauration des lambris d’appuis et des quelques lambris de hauteur restés en place sous Louis-Philippe, décapage des menuiseries, remise en place des dessus-de-porte. Durant cette période, la quincaillerie en bronze des XVIIIe et XIXe siècles est également remise en état.

En 2016, lors des travaux de mise en sécurité et en sûreté du corps central sud du château, la dépose des glaces de la pièce a permis de redécouvrir les quatre parquets de glaces des trumeaux d’entre-fenêtres créés en 1747, avec le fantôme des chantournés des médaillons qui agrémentent ces ouvrages conformément aux dessins conservés d’Ange-Jacques Gabriel. On y distingue très clairement les traces des médaillons, de leurs ornements supérieurs et inférieurs, ainsi que des deux guirlandes qui partent de l’ornement supérieur pour rejoindre les oreilles de la bordure extérieure du trumeau. Cette découverte majeure pour les opérations de restauration a permis d’envisager la restitution des éléments disparus.

Le Grand Cabinet
Plan des appartements du Dauphin

La chambre du Dauphin 

Cette chambre est l’ancien Grand Cabinet doré de Monseigneur, dont le plafond avait été peint pat Pierre Mignard, et où le le fils de Louis XIV exposait sa collection de tableaux. Ce fut plus tard le cabinet de travail du Régent qui y mourut le 2 décembre 1723. En 1747, cette pièce est agrandie et transformée en chambre à coucher. Elle conserve l’intégralité de son décor : boiseries sculptées par Jacques Verberckt sur des dessins d’Ange Jacques Gabriel, cheminée en marbre griotte enrichie des figures en bronze doré de Flore et de Zéphir, par Jacques Caffiéri.

Les dessus-de-porte, peints par Jean-Baptiste Pierre, représentent Junon demande sa ceinture à Vénus et Junon trompe Jupiter avec la ceinture de Vénus. La bibliothèque en laque rouge est l’œuvre de Bernard Van Risemburgh : Marie-Josèphe de Saxe en possédait une semblable.

La chambre du Dauphin

Le 9 février 1747

Un peu avant dix heures, le Roi et la Reine se portent au-devant de Marie-Josèphe qui vient d’arriver incognito à Versailles. Ils la laissent ensuite aux mains de ses femmes chargées de la parer pour ses noces. La toilette va durer trois heures !

D’abord le bain, auquel le Dauphin tenait tant. Puis dûment séchée et parfumée, la Dauphine revêt tous les atours qui lui permettront d’endosser le «grand habit». Ce grand habit, somptueux, couvert de diamants, que Louis XV fait soupeser au maréchal de Saxe. Le vêtement ne pèse pas moins de soixante livres, «autant qu’une cuirasse», auxquelles il faut ajouter le poids des bijoux qui ornent ses bras, son cou, son corsage, ses oreilles, ses doigts…

Le Dauphin porte aussi un costume magnifique rehaussé de broderies d’or et de pierreries. Il vient chercher la Dauphine pour la conduire chez la Reine. Tous trois, accompagnés par leurs suites, entrent chez le Roi, d’où le cortège se dirige vers la chapelle par la galerie des glaces. Le grand maître des cérémonies précède le cortège.

A une heure et demie 

La cérémonie qui commence est une corvée. Le cardinal de Rohan, souffrant à Strasbourg, est remplacé par son coadjuteur, Monsieur de Ventadour, évêque de Ptolémaïde. Le jeune couple est agenouillé sur des carrés de velours cramoisi frangés d’or, l’évêque bénit les treize pièces d’or et les anneaux.

Avant de passer l’anneau au doigt de Marie-Josèphe, Louis-Ferdinand se tourne vers son père qui incline la tête puis va s’asseoir pour entendre la messe. La musique de Sa Majesté, rangée derrière l’autel, se fait alors entendre.

Louis-Ferdinand en 1747 par Natoire
Marie-Josèphe par Nattier

Après les félicitations d’usage chez le Roi et chez la Reine, le Dauphin et la Dauphine vont dîner dans l’intimité avec Mesdames Henriette et Adélaïde.

A six heures et demie

Dans l’ancien manège de la Grande Ecurie splendidement décoré de glaces, a lieu un bal. Marie-Josèphe, souffrant d’une engelure au pied due au froid éprouvé au cours du voyage, ne peut ouvrir le bal et c’est Madame Henriette qui la remplace au bras du Dauphin. Il danse une vingtaine de menuets, fort gracieusement malgré sa silhouette déjà alourdie.

A neuf heures

Le Roi se lève pour marquer la fin du bal et se dirige vers la salle du souper à travers une foule si dense à la porte qu’il a peine à entrer. A table, Louis XV a à sa droite le Dauphin, la princesse de Conti, Mademoiselle, Madame de La Roche-sur-Yon. A la gauche de la Reine, Marie-Josèphe, Madame Adélaïde, madame de Molène , mademoiselle de Sens.

Le long repas terminé

La Dauphine s’entretient avec la duchesse de Brancas qui lui parle de sa nuit de noces.

Allégorie du mariage du dauphin et de la princesse Marie-Josèphe de Saxe

Ensuite, vient la cérémonie de la remise de la chemise de nuit, toute ornée de dentelles et de rubans. La première femme de chambre, en s’inclinant, la donne à la duchesse de Chartres qui, à son tour, la présente à la Reine en une profonde révérence. La souveraine aide alors sa bru à passer la virginale chemise. 

Chez le Dauphin, il en est de même, le Roi passe la chemise à son fils. Les deux groupes se dirigent alors vers la chambre nuptiale. L’évêque de Ventadour bénit la couche. Plus de cent personnes s’écrasent dans la pièce.

La Dauphine est trouvée «assez bien en bonnet de nuit». Le Dauphin, revit une scène jouée si peu de mois auparavant, il a du mal à retenir ses larmes. Tous deux ayant escaladé le lit, les rideaux sont tirés afin que l’assistance puisse contempler le couple à loisir. Seule d’ailleurs la Dauphine est visible car le Dauphin ramène la couverture sur son visage «pour pouvoir pleurer à son aise». Marie-Josèphe comprend les sanglots de son mari et , avec une délicatesse rare, elle lui murmure avec autant de compassion que d’intelligence de donner libre cours à ses pleurs, sans craindre qu’elle s’en offense car ils lui annoncent ce qu’elle a droit d’espérer elle-même.

Etude pour le portrait de Marie-Josèphe par Nattier

« Jeudi, 9, jour du mariage de Monsieur le Dauphin, le corps de Ville de Paris a donné pour fête au peuple de Paris, cinq chars peints et dorés qui depuis dix heures du matin jusqu’au soir, ont fait le tour des différents quartiers de Paris.
Le premier, représentait le dieux Mars avec des guerriers, le second était rempli de musiciens, le troisième, représentait un vaisseau, qui sont les armes de la ville; le quatrième, Bacchus sur un tonneau, et le cinquième, la déesse Cérès. Ils étaient tous attelés de huit chevaux assez bien ornés, avec des gens à pied qui les conduisaient. Tous les habillements, dans chaque char, étaient de différentes couleurs et en galons d’or ou d’argent. Le tout faisait un coup d’œil assez réjouissant et assez magnifique, quoique tout en clinquant, mais les figures, dans les chars, étaient très-mal exécutées. Dans certaines places, ceux qui étaient dans les chars jetaient au peuple des morceaux de cervelas, du pain, des biscuits et des oranges. Il y avait dans ces places des tonneaux de vin pour le peuple, et le soir toute la ville a été illuminée.»

En raison de son chagrin, de la fatigue de la journée, de l’énervement, Louis-Ferdinand n’est pas en mesure de faire ce que l’on attend de lui :

« Il ne s’est rien passé cette nuit malgré les entreprises de Monsieur le Dauphin et tout a abouti à beaucoup se tracasser et à ne point dormir.»

          Maurice de Saxe

Le 10 février 1747

« Il y eut le vendredi 10, un très-grand concours de masques de Paris, au bal dans les appartements de Versailles. Au retour, sur les huit heures du matin, il y avait, dit-on, une file de carrosses depuis Versailles jusqu’à Paris. Tous les appartements et la galerie étaient magnifiquement éclairés; mais on n’a pas été content des buffets. Il n’y avait que du vin, des brioches, du pain, quantité d’oranges et des paquets de sucreries, et point de pâtés de truites, de saumon et de poisson au bleu, comme à l’autre mariage. Il y avait eu aussi alors des gens qui s’étaient attablés sur les buffets, et qui avaient bu et mangé toute la nuit. On n’a pas plus mal fait de retrancher une pareille dépense.»

Le 13 février 1747

Quelques jours après le mariage , une «fête publique» est donnée par la Ville de Paris.

La Dauphine peut se reposer à la représentation du ballet-comédie : l’Année Galante, un joli succès du poète Roy.

Le 14 février 1747

Jour du Mardi gras, son engelure au pied heureusement guérie, Marie-Josèphe peut faire admirer sa grâce en dansant au bal masqué.

Le 18 février 1747

Marie-Josèphe suit en calèche la chasse du Roi:

«Le temps est beau et d’une douceur étonnante, Madame la Dauphine, étant fort vive et enfant, para(ît) s’amuser de tout.»

Le duc de Croÿ

Le 27 juin 1747

Marie-Josèphe fait sa «joyeuse entrée» dans Paris. Les Parisiens l’acclament avec enthousiasme. Les canons de l’Arsenal et de la Bastille tonnent à intervalles réguliers. La compagnie du guet et les brigades font la haie tout au long du parcours. Le corps de la ville en grand apparat vient souhaiter la bienvenue à l' »auguste princesse ».   Le couple assiste d’abord à une messe solennelle en musique à Notre-Dame, puis ils se rendent à la très ancienne abbaye de Sainte-Geneviève.

Ensuite, ils vont déjeuner à deux heures aux Tuileries.  Après le repas, la Dauphine fait une promenade digestive à pied dans le jardin où la foule l’escorte et l’ovationne longuement.

 

Le 27 avril 1748

La petite Marie-Thérèse de France suit bientôt sa mère dans la tombe. Elle meurt âgée de vingt-et-un mois.

Marie-Josèphe de Saxe fait faire un portrait posthume de la petite Madame, mais il a aujourd’hui disparu.

En janvier 1749

Marie-Josèphe fait une fausse couche.

En avril 1749

Nouvelle fausse alerte.  Le Roi convoque alors les trois plus fameux accoucheurs de Paris. La Faculté préconise pour la Dauphine les eaux de Forges, près de Rouen. Ces eaux ont la réputation de guérir la stérilité. Anne d’Autriche y avait eu recours…

Marie-Thérèse-Raphaëlle de Bourbon-Espagne, mère de la Petite Madame par Michel Van Loo
Dans Jeanne Poisson, marquise de Pompadour, téléfilm de Jean-Marie Sénia  (2006), c'est Damien Jouillerot qui interprète Louis-Ferdinand

Le 25 juin 1749

Marie-Josèphe prend le départ. Le couple se sépare les larmes aux yeux. Le Dauphin semble maintenant bien attaché à son épouse. 

Le 26 juin 1749

Marie-Josèphe atteint Forges où elle s’installe Grande Rue par un temps abominable.

Le 26 juillet 1749

Marie-Josèphe est de retour à Versailles.

En deux ans, Pépa est parvenue à transformer le grand adolescent maussade, boudeur, égoïste, gâté, imbu de son érudition livresque, en un homme amoureux, attentionné, gai, bien dans sa peau. Grâce au caractère égal de Marie-Josèphe, à sa douceur, à son sourire, à son amour attentif, son oubli total d’elle-même, elle a réussi à en faire un mari … et un bon mari.

La Dauphine et le Dauphin à la chasse

Le père et le fils ne sont pas proches… malgré un amour mutuel :  Louis XV a une vie privée immorale qui fait souffrir la Reine et qui ne plaît pas au Dauphin, ce qui les éloigne pendant longtemps. Très proche de sa mère, qui souffre des adultères du Roi avec une dignité ostentatoire, Louis-Ferdinand est le centre du parti dévot, qui condamne autant la politique que la vie privée du Roi. Le prince et ses sœurs ne se gênent pas pour montrer leur mépris à la marquise de Pompadour qui, elle, soutient le parti des philosophes. Si la Dauphine Marie-Thérèse s’était associée avec ardeur à la hargne des enfants royaux, la Dauphine Marie-Josèphe, qui devait son mariage à la marquise, mais est aussi une jeune femme intelligente et délicate, sait garder une certaine contenance et éviter des tensions au sein de la famille royale.

Le Dauphin Louis-Ferdinand par Liotard
Image de Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour (2006)

Le rôle historique du Dauphin est d’avoir apporté une grande attention à l’éducation de ses fils notamment celle du duc de Bourgogne son fils aîné ainsi que celle du futur Louis XVI et de ses frères.

Il est particulièrement soucieux de leur éducation morale. Ainsi, ses fils notamment l’aîné, se montrant trop imbu de leur naissance, il leur fait montrer le registre de leur baptême, soulignant que l’acte les mentionnant est le même que ceux des enfants des classes moins favorisées, le dauphin enseigne à ses fils :

« Nous sommes tous égaux devant Dieu dans la naissance et dans la mort. Seuls nos actes nous diffèrent les uns des autres. Vous serez un jour plus grand que ces enfants dans l’estime du peuple; mais ils seront eux-mêmes plus grands devant Dieu s’ils sont plus vertueux. »

Détail du portrait par Jean-Marc Nattier

Le 26 août 1750

Naissance de Marie-Zéphirine, qu’on appellera la Petite Madame.

«Elle est fort petite et encore plus délicate, elle est fort laide, on dit qu’elle me ressemble comme deux gouttes d’eau, du reste fort volontaire et méchante comme un petit dragon.»

Marie-Josèphe au comte Wackerharth-Salmour

Allégorie à la naissance de Marie-Zéphirine par Charles-Joseph Natoire

Il n’est d’abord question que de copier, en les agrandissant pour les places à remplir, les portraits déjà existants ; M. de Tournehem, vu l’importance de la destination, décide que ces copies doivent être de la main de Nattier lui-même. Voici un modèle de ces sortes d’ordres de service ; (Ordre. — M. le Dauphin a demandé pour dessus de porte de son cabinet les portraits de Mesdames d’après Nattier. M. Lécuyer enverra audit Nattier les châssis afin qu’il puisse faire les copies dans la forme que M. le Dauphin a demandée. — A Versailles, le 11 janvier 1750. — Lenormant. » Bientôt on s’avise qu’il serait plus intéressant d’avoir des compositions nouvelles; l’artiste est invité à fournir les dessins d’une série des quatre Éléments, avec l’espoir d’être payé en conséquence. La commande faite, il ne peut la livrer que l’année suivante, et présente le mémoire ci-dessous : 

« Mémoire de quatre tableaux représentant quatre de Mesdames de France sous la figure des quatre Eléments, peints par ordre de M. de Tournehem, par le sieur Nattier, en l’année 1751. Ces portraits sont de grandeur naturelle avec les attributs convenables aux quatre Éléments. Ils sont placés dans le grand cabinet de M. le Dauphin à Versailles et ont chacun 3 pieds 3 pouces de haut sur 4 pieds 3 pouces de large. Lesdits quatre tableaux estimés à la somme de 4,800 livres. »

          J.-M. Nattier, peintre de la cour de Louis XV , Pierre de Nolhac

La Terre a les traits de Madame Elisabeth, L'Air (1751) ceux de Madame Adélaïde, le Feu ceux de Madame Henriette et L'Eau ceux de Madame Victoire par Jean-Marc Nattier
Image de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux : Agathe Mourier est Marie-Josèphe de Saxe et Arnaud Agnel Louis Ferdinand

Le 13 septembre 1751

Naissance de Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne, à quatre heures du matin à Versailles. Réveillée par les douleurs de l’accouchement, la Dauphine accouche sans témoins, pourtant indispensables pour éviter les substitutions.

Naissance du duc de Bourgogne

Le Dauphin attire alors dans la chambre de son épouse plusieurs domestiques pour constater la naissance du bébé, toujours attaché à sa mère par le cordon ombilical. L’enfant est titré duc de Bourgogne et est promis à régner un jour.  Les cloches des églises de Paris se mettent à sonner et le Roi Louis XV décrète trois jours de chômage et d’illuminations, le nouveau-né étant héritier de la couronne de France.

Louis-Joseph-Xavier, duc de Bourgogne
Acte de naissance du duc de Bourgogne

Enfant intelligent, il sera adulé par ses parents.

Le 23 octobre 1751

Le Dauphin entre au Cabinet des dépêches mais il n’est pas encore autorisé à donner son avis. On commence à remarquer qu’il a de l’esprit.

Le 29 novembre 1751

Mesdames, le Dauphin et son épouse soupent dans les délicieux petits appartements du Roi. C’est la première fois qu’il prend ce repas en ces lieux avec ses sept enfants réunis.

Image de Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour (2006)

Le 10 février 1752

Décès de Madame Henriette, sa douce sœur, à l’âge de vingt-quatre ans. Le Roi, dont Henriette était la fille préférée, est anéanti comme toute la famille royale. Le peuple maugrée que le décès de la jeune princesse est une punition divine.

Louis-Ferdinand
Madame Henriette (1727-1752) par Jean-Marc Nattier
Image de Jeanne Poisson, marquise de Pompadour (2006) de Robin Davis

Peu après la mort d’Henriette, le Dauphin est atteint de la petite vérole, maladie fréquente et qui peut mener à la mort. Marie-Josèphe soigne son mari avec dévotion, le veille jour et nuit, négligeant de s’habiller et mangeant très peu, ne refusant pas les baisers du malade dont le visage et les mains sont couvert de pustules, et qui cherche, par ce stratagème, à connaître la nature de son mal.

Le 8 septembre 1753

Naissance de son fils Louis Xavier Marie Joseph de France, duc d’Aquitaine, à Versailles.

Le 22 février 1754

Louis Xavier Marie Joseph meurt d’une coqueluche.

Rapidement la dépouille de l’enfant quitte Versailles par l’escalier du Grand Commun sous le regard de Mesdames de Marsan et Butler, la gouvernante et la sous-gouvernante, ni l’une ni l’autre en grand habit car il n’était pas l’aîné. L’ouverture du corps se fait aux Tuileries. 

Peinture votive de Marie-Josèphe de Saxe. Anonyme (1753) Monastère Jasna Gora

La gouvernante met le cœur dans une boîte de plomb puis la tête dans un autre cercueil. Le corps prend la direction de Saint-Denis accompagné par un détachement de toute la maison du Roi-Cavalerie. Le cœur est porté au Val-de-Grâce suivi de nombreux carrosses de la noblesse dans une Cour qui, normalement, ne prend pas «le deuil des maillots». La famille royale en deuil s’abstient de jeux et de soirées jusqu’à la fin du mois de février.

La Dauphine et le Dauphin dans Jeanne Poisson, Marquise de Pompadour (2006)

Le 23 août 1754

Naissance de Louis-Auguste, futur Louis XVI à six heures vingt-quatre du matin.

Louis-Auguste par Frédou
Marie-Zéphyrine par Nattier

Fin août 1755

La petite Madame se réveille un jour avec de violentes douleurs au ventre.

Le 13 août 1755

« Elle est grasse, blanche, belle et de la meilleure humeur du monde… Le plan de vie du dauphin et de la dauphine est si beau, leur union si tendre, que tous leurs bons serviteurs désireraient qu’il y eût sans cesse cent témoins…»

Mademoiselle Sylvestre

Le 21 août 1755

Le Dauphin tue accidentellement à la chasse le marquis Yves de Chambors, son écuyer. Il en est profondément bouleversé et jure de nue plus jamais se livrer à ce divertissement. Il préférera désormais s’adonner au jardinage et aux animaux de la ferme.

Le 31 août 1755

Malgré les soins du nouveau médecin des Enfants de France Lieutaud, la fièvre augmente considérablement.

Le Dauphin passe la soirée à ses côtés. Madame de Marsan qui l’avait veillée se trouve mal ; Madame Butler la remplace donc.

Le 2 septembre 1755

Mort de Marie-Zéphyrine : à l’âge de cinq ans, elle est atteinte d’une péritonite aiguë qui lui cause des convulsions. La maladie devient de plus en plus dangereuse si bien que, sur ordre de la Reine Chabannes, aumônier du Roi, supplée aux cérémonies du baptême. Elle est baptisée à la hâte Marie-Zéphyrine, du nom du Saint de son jour de naissance, avant de mourir. Enfant joyeuse, vive et douée pour la danse, elle était la compagne de jeux de son petit frère Louis-Joseph-Xavier, qui se montre très affecté par son décès.

Le 17 novembre 1755

Naissance de Louis-Stanislas Xavier de France, comte de Provence, futur Louis XVIII.

Le 30 janvier 1756

Marie-Josèphe écrit à Madame de Chambors : 

« J’ai ressenti, Madame, une affection bien sensible en apprenant que vous étiez heureusement accouchée ; ses intérêts me seront toujours bien chers et je n’aurai rien de plus à cœur que de vous témoigner, dans toutes les occasions de ma vie, la sincère estime que j’ai pour vous.»

Louis-Stanislas par Maurice Quentin de la Tour

 

Le 5 janvier 1757

À partir de l’attentat de Damiens (1715-1757) contre le Roi, au cours duquel Louis et ses compagnons maîtrisèrent le régicide, Louis-Ferdinand est invité à participer aux séances du Conseil du Roi, où il se fait remarquer par ses positions cléricales, conseillant la fermeté face au conservatisme des parlementaires.
Suite à l’attentat, le Roi appelle le Dauphin auprès de lui :

« Je ne me serais jamais consolé si cela vous était arrivé, j’en serais mort de douleur.»

A Paris, tout le monde est en pleurs, il n’est plus question de fêter joyeusement les rois. Des soupers sont décommandés.
Depuis le 5 janvier au soir, le Dauphin est traité en Roi et préside tous les conseils de ministres. Il y fait preuve d’une «intelligence», d’une dignité et d’une éloquence qu’on ne lui soupçonnait pas.

Louis-Ferdinand par Carmontelle (1760)

Le 9 octobre 1757

Naissance de Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X.

Louis-Ferdinand est réputé pieux, il a pourtant, en bon Bourbon qu’il est,  une aventure avec Marie-Anne Françoise de Vidal ( rencontrée à Versailles chez le peintre Frédou ). Cette femme est la fille d’André de Roinvilliers, mariée en 1748 ( à François d’Adonville , Chevalier , Seigneur du Grand Tourneville et à Praville en Parisis , Officier du Régiment de Rohan ).
Il résulte de cette aventure un fils :

Le 2 octobre 1758

Auguste Dadonville , né à Roinvilliers ( district d’Etampes ), ex-noble, ci-devant page du Roi ( en Vénerie ), chanoine de Lille en Flandre, abbé d’honneur à la cérémonie du canonicat de son oncle, l’abbé de Bourbon à Notre-Dame de Paris, soldat au régiment de Neustrie jusqu’en 1783, soldat au régiment des colonies jusqu’en 1790, Sergent-Major de la Garde Nationale , Commandant du bataillon de Roinvilliers. Exécuté à la Barrière du Trône le 7 Messidor de l’an II ( 25 juin 1794), à 36 ans .

La Dauphine parle de visites dans ses cabinets qui lui déplaisent (lettre de 1757 au général de Fontenay):

« Il y a longtemps que je suis informée de la mauvaise conduite de M. le Dauphin et des visites matinales qu’il reçoit ; cela est scandaleux, et j’en suis tout à fait inquiète. Je ne l’en recevrai cependant pas plus mal demain, car il faut dissimuler.»

En 1759

Son fils aîné, Louis-Joseph, est victime d’une mauvaise chute dont il tait la cause sans doute pour éviter au coupable d’être châtié (chute de cheval ou chahut avec un camarade dont on aurait rendu responsable son entourage), les chirurgiens l’opèrent pour extirper la tumeur qui s’est installée sur le fémur. Le manque d’asepsie de l’époque entraîne une tuberculose osseuse qui sera la cause du décès de l’enfant de neuf ans.

Marie-Josèphe et son fils le duc de Bourgogne (1760) par Maurice Quentin de La Tour
Dessin du duc de Bourgogne malade
Le duc de Bourgogne malade
Le Dauphin Louis-Ferdinand par Jean-Martial Frédou, 1760, pastel, pierre noire et craie, château de Versailles

Le 23 septembre 1759

Naissance de Marie-Clotilde de France, qu’on appellera Madame Clotilde, ou plus trivialement Gros Madame, future Reine de Sardaigne.

Le 22 mars 1761

Mort de Louis-Joseph de France.

Image de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux

Leur fils aîné comblait Louis-Ferdinand et Marie-Josèphe de fierté. Ils n’ont pu s’empêcher de le préférer à leurs autres enfants. Sa mort est pour eux une épreuve que, seule, leur piété leur permet d’accepter.

Le 1er avril 1762

Marie-Josèphe et Louis-Ferdinand sont bouleversés par l’obligation des jésuites de fermer leurs quatre-vingt-quatre maisons et collèges et les établissements sont mis sous séquestre. Les vœux prononcés par les jésuites sont déclarés nuls : ils n’ont plus droit à aucune charge civile ou municipale, ils doivent prêter un serment spécial garantissant leur fidélité au Roi et leur répudiation de la doctrine de saint Ignace de Loyola. Le Parlement met le Roi devant le fait accompli. C’est une grave défaite de l’autorité royale.
Les jésuites sont contraints d’abandonner leurs habits et ont l’ordre de se disperser.

« Je ne vous en parle pas, cela me fait trop de mal.»

          Marie-Josèphe à Xavier de Saxe

Philippe d'Artois et  Madame Clotilde par François Hubert Drouais, 1763

« Il serait difficile dans les temps malheureux où nous vivons que notre âme pût jouir de quelques calme… L’avenir ne nous promet que de plus grands malheurs. Dieu veuille les détourner de dessus ce royaume»

          Marie-Josèphe au cardinal de Luynes

Des pamphlets accusent les jésuites de tous les crimes imaginables et de toutes les hérésies. Voltaire lui-même en est choqué et n’hésite pas à prendre leur défense. D’Alembert, défenseur de la tolérance écrit :

« Si l’on était forcé de choisir entre ces deux sectes ( les jésuites et les jansénistes), en leur supposant le même degré de pouvoir, la Société de Jésus qu’on vient d’expulser serait la moins tyrannique… Les jansénistes, sans égard comme sans lumières, veulent qu’on pense comme eux ; s’ils étaient les maîtres, ils exerceraient sur les ouvrages, les esprits, les discours, les mœurs, l’inquisition la plus violente.»

         Jean Le Rond d’Alembert

Au Conseil du Roi, le Dauphin plaide la cause des jésuites sans succès.

En 1763

L’année 1763 commence mal : Louis-Ferdinand perd du poids à vue d’œil. 

Le 20 juin 1763

Souper à Saint-Hubert.

Fin juin 1763

La Cour se rend à Compiègne que Marie-Josèphe n’apprécie pas. 

« On peut voir à l’église la reine, le dauphin et son épouse, ainsi que Mesdames, assis dans les stalles, à la messe et aux prônes de la grand-messe, comme de bons seigneurs particuliers.»

Marie-Josèphe de Saxe

Louis-Ferdinand par Anne-Baptiste Nivelon (1764)

Le 5 octobre 1763

Décès du Roi Auguste III (1696-1763), son beau-père. Louis-Ferdinand revient alors à Versailles.

Le 28 octobre 1763

Le Dauphin repart pour Fontainebleau.

Le 15 avril 1764

Mort de la marquise de Pompadour, emportée par la tuberculose.

Son vieil ennemi, le Dauphin, écrit à Mgr Nicolay, évêque de Verdun :

« Elle meurt avec un courage rare à tout sexe. Son mal est la poitrine qui se remplit d’eau ou de pus et le cœur engorgé ou dilaté. C’est une de ces fins les plus douloureuses et les plus cruelles qu’on puisse imaginer. Que vous dirais-je de son âme? Elle désirait, dès Choisy, de s’en aller mourir à Paris… Le roi ne l’a pas vue depuis hier : elle a été administrée cette nuit. Le curé de la Magdeleine de La-Ville-l’Evesque ne la quitte pas. Voilà des sujets d’espérer de la miséricorde pour elle.»

Marie-Josèphe et Louis-Ferdinand instruisant leurs trois fils, les futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X
Dessin de Charles Monnet (1732-1816) représentant Louis XV et son fils Louis, le Dauphin, instruisant ses trois enfants - qui seront tous les futurs rois de France: Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Il s'agissait d'une préparation étude pour un tableau qui appartenait au duc de la Vauguyon, gouverneur des enfants de France. La peinture actuelle est maintenant perdue

Le 3 mai 1764

Naissance de Madame Élisabeth, future martyre de la révolution.

Fin juin 1764

La Cour s’installe à Compiègne.

Portrait de famille
La petite Madame Babet avec son carlin, par Drouais, vers 1770
Marie-Josèphe de Saxe et ses enfants par Benjamin Warlop

La bibliothèque du Dauphin

Plan du rez-de-chaussée du corps central du château de Versailles
Bureau plat du Dauphin, fils de Louis XV, en sa bibliothèque Le bureau plat était destiné au Cabinet de travail du Dauphin, le 19 août 1745. Il se trouve encore dans l’appartement du prince en 1749, alors que les inventaires du règne de Louis XVI le situent dans ceux de la famille de Noailles à Versailles.
Photographie de Franck Fraval La pendule sera livrée en 1770 pour le «cabinet particulier» du Dauphin, futur Louis XVI, à l'occasion de son mariage.
La commode est livrée en janvier 1748 par le marchand mercier Thomas Joachim Hébert pour le Cabinet de retraite du Dauphin à Versailles. Placée peu après dans l'appartement réservé pour Madame Infante lors de son séjour à Versailles en 1748-1749, elle se retrouve ensuite dans le logement du chevalier de Narbonne, fils de la dame d'atours de Madame Adélaïde.
Image de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux : Arnaud Agnel est Louis-Ferdinand
Le double L entrecroisé au chiffre du Dauphin Louis

 

Été 1765

Jusqu’au printemps 1765, la santé du Dauphin ne donne pas de signe d’inquiétude.

En juillet 1765

La Cour se rend à Compiègne pour assister aux manœuvres militaires annuelles. Le prince chevauche avec prestance à la tête du régiment Dragons-Dauphin dont il est colonel.

Louis-Ferdinand a beaucoup minci et cela lui va bien. Tous attribuent cette minceur à sa stricte observance du carême : un coeur de laitue nature et quatre ou cinq verres d’eau. Et maintenant il se surmène. Levé à l’aube, tous les jours, pour aller ranger ses troupes en ordre de bataille.

Le Dauphin Louis-Ferdinand par Roslin
Le Dauphin par Roslin

« Il n’a manqué à Monsieur le Dauphin que l’occasion pour se montrer un des plus grands héros de sa race.»

Le duc de Broglie

Marie-Josèphe, accompagnée de Mesdames de France, vient voir l’armée en bataille pour la petite guerre.  Toutes cinq pénètrent dans la tente du duc de Coigny où se trouve le Dauphin. Il les accueille avec joie, prend sa femme par le bras et lui présente ses officiers en les nommant tous par leur nom. Puis il sort de la tente avec Pépa, toujours à son bras, et lance aux troupes rassemblées :

« Approchez-vous, mes enfants. Voilà ma femme !»

Un tonnerre d’acclamations salue le couple si visiblement uni.

Ce tableau a été peint vers la fin de sa vie. Comme on peut le constater, il a énormément minci à cause de sa maladie.
Bientôt la princesse est à nouveau confrontée à la maladie de son mari. Mais elle ne s’en inquiète pas tout de suite. Elle se réjouit même de son amaigrissement et le 24 juillet 1765, elle écrit à son frère Xavier qu’elle n’a jamais vu son mari «si fort en beauté».

Le Dauphin Louis-Ferdinand par Jean-Martial Frédou
Image de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux : Arnaud Agnel est Louis-Ferdinand

 

Au mois d’août 1765

Le Dauphin s’enrhume après s’être échauffé au cours d’un de ces exercices guerriers alors qu’il rejoint le Conseil sans avoir pris le temps d’ôter ses habits mouillés. Pris de fièvre, il doit s’aliter. Guéri quelques jours plus tard, il ne cesse cependant de tousser.

Image de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux : Arnaud Agnel est Louis-Ferdinand

Dans la nuit du 8 au 9 août 1765

Louis-Ferdinand a un accès de fièvre. Pépa est de nouveau aux petits soins pour son époux.

Buste de Louis-Ferdinand

Le 15 août 1765

Elle écrit à son frère Xavier :

« Vous me pardonnerez si je ne vous écris qu’un mot, mais je suis garde-malade. Monsieur le Dauphin a un peu de fièvre depuis trois jours, d’une transpiration arrêtée. Il est infiniment mieux aujourd’hui, mais comme je ne sors pas d’auprès de lui, je n’ai que le temps de vous embrasser de tout mon cœur.»

Le 18 août 1765

Sauf une petite toux qui le secoue parfois, le Dauphin se porte mieux et supporte le voyage de retour à Versailles sans fatigue.

En septembre 1765

De retour à Versailles, le Dauphin est en proie à une crise de dysenterie et toujours sujet à une forte toux. Louis XV lui envoie son premier médecin, le docteur Sénac, mais ce dernier est éconduit par le prince.
Pendant des manœuvres militaires, le Dauphin prend froid et contracte la tuberculose. Louis-Ferdinand tousse sans arrêt, crache du sang, respire avec une difficulté croissante. Il semble condamné à court terme.
Marie-Josèphe soigne et veille elle-même son mari jusqu’à la fin.

Le 3 octobre 1765

« En vérité, pauvre créature, on dirait un fantôme ; il n’est pas possible qu’il dure encore trois mois.»

Horace Walpole

Le 4 octobre 1765

Louis-Ferdinand s’affaiblit mais il tient à suivre la Cour pour le séjour à Fontainebleau.

Le 10 octobre 1765

Louis-Ferdinand est suffisamment bien pour que sa femme se rende à une chasse où le cerf passe si près d’elle qu’elle pourrait le caresser., «mais n’en a pas eu la moindre tentation car, quoiqu ‘ (elle) ne soi(t) pas poltronne, le danger était si gros qi’ (elle) a eu une frayeur horrible.»

Le 18 octobre 1765

Louis-Ferdinand communie en viatique pour la première fois. Il demande qu’on élève un autel dans sa chambre.

« La messe est de tous les actes de la religion le plus sacré, le plus agréable à Dieu. C’est en communiant souvent qu’on apprendra à communier plus dignement.»

Le 19 octobre 1765

Le duc de Berry est prévenu du danger de mort où se trouve son père : on amène au Dauphin ses trois fils à qui on vient d’annoncer la mort imminente de leur père. En voyant la pâleur du duc de Berry et les larmes qu’il ne peut retenir, le Dauphin se met en devoir de le consoler avec une cruauté qu’on espère inconsciente:

« Dans la conversation, Louis-Ferdinand dit au duc de Berry:
He bien, mon fils, vous pensiez donc que je n’étais qu’enrhumé?
Puis en riant et en plaisantant:-Sans doute, ajouta-t-il, que quand vous aurez appris mon état, vous aurez dit : tant mieux, il ne m’empêchera plus d’aller à la chasse.»

Marie-Josèphe de Saxe

Le 13 novembre 1765 

Le Dauphin est au plus mal et demande à recevoir les derniers sacrements.

« Au milieu de ses souffrances, il conserv(e) toute sa gaieté naturelle, ou pour mieux dire, il l’a reprise depuis qu’il a reçu les sacrements. Dans les commencements de sa maladie, il li(t) des livres de différentes sciences ; quand il s’aperç(oit) que ses lectures le fatigu(ent), il en cherche d’autres qui puissent l’amuser sans le fatiguer.»

Marie-Josèphe de Saxe

Il ne sera délivré de ses souffrances que plus d’un mois après.

« Un autre jour, pendant la conversation, le propos tomba sur la rapidité avec laquelle le temps passe ; le duc de Berry dit que le temps de la journée qui lui passait le plus promptement était celui de l’étude. Monsieur le Dauphin, transporté de joie, lui dit:

-Ah que vous me faites de plaisir ! Car puisque le temps de l’étude vous passe vite, cela me prouve que vous vous y appliquez.

Je le fis approcher de son lit ; il l’embrassa tendrement… Le duc de Berry lui avoua pourtant que quand l’étude n’allait pas si bien, le temps lui passait plus lentement. Monsieur le Dauphin prit là l’occasion de peindre l’avantage et le bonheur d’un homme qui sait faire un bon usage de son temps et au contraire le malheur de ceux qui aiment l’oisiveté ou qui ne savent pas s’occuper eux-mêmes. Après que les enfants furent sortis, il me répéta encore le plaisir qu’il ressentait de ce que le duc de Berry lui avait dit.»

Marie-Josèphe de Saxe

Le 12 novembre 1765

Le Dauphin va être administré : Marie-Josèphe éclate en sanglot.

Le 13 novembre 1765

L’abbé Collet entend le Dauphin en confession le matin.

Le 2 décembre 1765

Louis-Ferdinand se plaint d’hémorroïdes. Le mal augmente rapidement. Il se forme une tumeur qui grossit et le fait beaucoup souffrir, sans qu’il veuille en convenir. Pourtant, il ne peut rester totalement allongé sur le dos, ni sur le côté gauche, et , au bout d’un moment qu’il est tourné du côté droit, il en est fatigué. En dormant, il lui arrive de gémir et même de pousser des cris.

Le 13 décembre 1765

Louis-Ferdinand consent à ce que son abcès soit ouvert. L’incision d’un coup de lancette a lieu le soir ; le seul soulagement de l’opération : il peut à nouveau se tenir assis dans son lit.

Le 14 décembre 1765

Il demande à Pépa de lui lire des canons du bréviaire. Les paroles sacramentelles qui vont de la Préface au Pater. Souvent elle lui arrange ses oreillers.

Le 15 décembre 1765

Il étouffe, a du mal à respirer. Louis-Ferdinand se fait souvent prendre le pouls, c’est la coutume, et tous les médecins le tâtent à tour de rôle.

Depuis le 13 décembre 1765

Les douleurs sont atroces. Le Roi et la famille royale ne le quittent pas et les courtisans en sont attendris. Le Roi est écroulé dans un fauteuil, «pénétré de douleur».
Le Roi passe rarement une heure sans venir voir son fils.

Devant Sainte-Geneviève, à Paris, des carrosses arrivent dès cinq heures du matin. L’église est pleine d’une foule en prière.
Louis-Ferdinand a fait le sacrifice de sa vie. Il ne regrette rien, sauf sa bien-aimée Marie-Josèphe, et surtout pas la royauté promise.
«Si j’ai le malheur d’être roi...» disait-il fréquemment.

« Ah ! Si vous saviez, Monsieur le Cardinal, combien ce sacrifice me coûte peu !»

Louis XV à Mgr de Luynes

Le 19 décembre 1765

En raison de l’Etiquette, la chambre du Dauphin n’est plus autorisée à Marie-Josèphe. L’agonie de Louis-Ferdinand dure encore vingt-quatre heures. Il cesse enfin de souffrir…

Agonie de Louis-Ferdinand dans Louis XV, le Soleil Noir (2009) de Thierry Binisti

Le 20 décembre 1765

Vers huit heures du matin, mort de Louis-Ferdinand à Fontainebleau.

Images de La Guerre des Trônes (2022) de Vanessa Pontet et Eric Le Roux
Allégorie de la mort du Dauphin de Lagrenée l'Aîné (1766): le petit duc de Bourgogne, décédé en 1761, lui présente la couronne de l'immortalité. On le voit entouré dans ses derniers instants par son épouse, Marie-Josèphe de Saxe et par ses fils , le duc de Berry (futur Louis XVI, agenouillé), le comte de Provence (futur Louis XVIII) et le comte d'Artois (futur Charles X).

Selon les dernières volontés du prince, sa dépouille fut inhumée à la cathédrale de Sens, tandis que son cœur était porté à Saint-Denis. Sa femme, qui l’a veillé pendant sa maladie, contracte son mal et le suivra deux ans plus tard dans la tombe.

« C’est, je crois, la plus grande perte que la France ait faite depuis Henri IV»

Horace Walpole

Mausolée de Louis-Ferdinand et Marie Josèphe en la cathédrale Saint Etienne de Sens, que l'on doit à Guillaume Coustou (fils)
Louis-Auguste, duc de Berry sous les traits de l'Amour conjugal, mausolée du Dauphin et de la Dauphine, cathédrale de Sens

«Maintenant un tombeau que couvre un peu d’argile

De l’espoir des Français est le dernier asile,

Et la mort elle-même en voyant tant de gloire

Pour la première fois a pleuré sa victoire.»

Le 1er mars 1766

Service solennel célébré à Notre-Dame de Paris pour le repos de l’âme de Louis-Ferdinand, avec messe de Requiem «chantée en musique à grande symphonie» et oraison funèbre.

Lz cathédrale Saint-Etienne de Sens

Le 5 juin 1794

« Une députation de la commune de Sens annonce que les corps des père et mère de Capet ont été exhumés du temple où ils étaient déposés et rappelés, après leur mort, à une égalité qu’ils n’avaient pas pu connaître pendant leur vie ; la députation a présenté les plaques qui étaient sur les cercueil qui, converties en balles, serviront à détruire nos ennemis.»

Moniteur du septidi 17 prairial an II

Les pauvres restes ne sont heureusement pas dispersés. La commune de Sens les fait enfouir au cimetière.

En 1814

Sous Louis XVIII, leurs corps sont ramenés à la cathédrale de Sens, où l’abbé de La Tour, vicaire général du diocèyse de Troyes, prononce l’éloge du prince et de la princesse en présence de Monsieur, comte d’Artois, leur dernier fils.

Le 20 décembre 1814

Le futur Charles X vient assister au service anniversaire de la mort du Dauphin , son père.

« Monsieur l’évêque, puisqu’il y a tout lieu de croire, comme vous l’avez dit, que mes parents n’ont plus besoin de prières et qu’ils jouissent maintenant de la récompense qui était due à leurs grandes vertus, il est également doux de penser que c’est à leur protection et à leur intercession dans le ciel que nous devons tous les miracles dont nous avons été témoins, rétablissement de la monarchie, retour de l’ordre et de la paix, et la cessation de tous les maux qui affligeaient la France. N’oublions jamais que nous ne parviendrons au bonheur que nous désirons que quand nous nous montrerons bons Français et bons chrétiens.»

Charles d’Artois

Sources :

  • Christophe Duarte, Versailles- passion, groupe Facebook
  • L’Education du Roi _ Louis XVI (1995), de Pierrette Girault de Coursac , chez François-Xavier de Guibert.
  • La Vertu et le Secret : le Dauphin, fils de Louis XV, de Bernard Hours, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque d’histoire moderne et contemporaine » (no 22), 2006, 408 p.

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