
Le 17 août 1792
La Commune insurrectionnelle, menée par Robespierre (1758-1794) exige la création d’un tribunal criminel extraordinaire visant à punir les complices du Roi lors de la journée du 10 août. L’assemblée obtempère.

Discours de Robespierre réclamant la création de cet tribunal :
« Si la tranquillité publique et surtout la liberté tiennent à la punition des coupables, vous devez en désirer la promptitude, vous devez en assurer les moyens. Depuis le 10, la juste vengeance du peuple n’a pas encore été satisfaite. Je ne sais quels obstacles invincibles semblent s’y opposer.
Le décret que vous avez rendu nous semble insuffisant ; et m’arrêtant au préambule, je trouve qu’il ne contient point, qu’il n’explique point la nature, l’étendue des crimes que le peuple doit punir. Il n’y est parlé encore que des crimes commis dans la journée du 10 août, et c’est trop restreindre la vengeance du peuple ; car ces crimes remontent bien au-delà. Les plus coupables des conspirateurs n’ont point paru dans la journée du 10, et d’après la loi, il serait impossible de les punir. Ces hommes qui se sont couverts du masque du patriotisme pour tuer le patriotisme ; ces hommes qui affectaient le langage des lois pour renverser toutes les lois ; ce Lafayette, qui n’était peut-être pas à Paris, mais qui pouvait y être ; ils échapperaient donc à la vengeance nationale ! Ne confondons plus les temps. Voyons les principes, voyons la nécessité publique ; voyons les efforts que le peuple a faits pour être libre. Il faut au peuple un gouvernement digne de lui ; il lui faut de nouveaux juges, créés pour les circonstances ; car si vous redonniez les juges anciens, vous rétabliriez des juges prévaricateurs, et nous rentrerions dans ce chaos qui a failli perdre la nation. Le peuple vous environne de sa confiance. Conservez-la cette confiance, et ne repoussez point la gloire de sauver la liberté pour prolonger, sans fruit pour vous-mêmes, aux dépens de l’égalité, au mépris de la justice, un état d’orgueil et d’iniquité. Le peuple se repose, mais il ne dort pas. Il veut la punition des coupables, il a raison. Vous ne devez pas lui donner des lois contraires à son vœu unanime. Nous vous prions de nous débarrasser des autorités constituées en qui nous n’avons point de confiance, d’effacer ce double degré de juridiction, qui, en établissant des lenteurs, assure l’impunité ; nous demandons que les coupables soient jugés par des commissaires pris dans chaque section, souverainement et en dernier ressort. »
La présidence du nouveau tribunal est offerte à Robespierre.

Juges : Robespierre, Osselin, Mathieu Pépin-Dégrouhette, Laveaux, d’Aubigni, Coffinhal-Dubail. (Il manque un juge.)
Accusateurs publics : Luilier, Réal.
Membres du jury d’accusation : Leroi, Blandin, Bottot, Loluer, Loyseau, Caillère de l’Etang, Perdrix.
Suppléants : Desvieux, Boucher-René, Jaillant, Maire, Dumouchel, Jurie, Mulot, Andrieux.
Greffiers : Brusié, Hardy, Bourdon, Mollard.
Une garde composée de gendarmes et de citoyens est spécialement affectée au nouveau tribunal.
Le 20 août 1792
Le commis de police Fouquier de Tinville (1746-1795) sollicite son cousin Camille Desmoulins (1760-1794), secrétaire général au ministère de la Justice afin de lui obtenir une place.

Il est né à Herouël dans le Vermandois d’une riche famille de cultivateurs. Il a trois frères et une soeur. Il épouse en 1775 sa cousine germaine Dorothée Sangnier, grâce à une dispense du pape. Elle lui donne quatre enfants en quatre ans, un fils et trois filles. Il achète l’étude de son patron maître Cornilier, procureur au Châtelet. Il est riche et est même propriétaire d’une maison à Eouen puis à Charonne où il passe les beaux jours en famille.
Mais à la mort de son épouse en 1782, il perd beaucoup, malgré son remariage quatre mois plus tard avec une jeune fille de petite noblesse Henriette Gérard d’Ancourt. Il est obligé de vendre sa charge du Châtelet un an plus tard et les rapports de police le disent associé aux filles de mauvaise vie.
Son épouse lui donne en 1791 des jumeaux, un garçon et une fille.
Le nouveau contexte politique lui permet d’obtenir une charge de commissaire à la section Saint-Merry.
Il sollicite ensuite en vain une place de secrétaire-greffier au tribunal de cassation.
C’est donc un homme aux abois, plein de rancunes qui réclame une place de choix auprès de son parent dans le système judiciaire qui se met en place à la chute de la monarchie…
Le 21 août 1792, à dix heures du soir
Exécution place de la Réunion (place du Carrousel) de Louis-David Collenot d’Angremont (1748-1792), avocat, homme de lettres, professeur d’anglais de Marie-Antoinette et responsable du bureau des gardes nationaux, accusé d’avoir sous ordre du Roi, empêché la prise des Tuileries.
Il est considéré comme le premier exécuté politique de la Révolution.
Pour l’occasion, Sanson sort de prison puis y retourne.

Le 24 août 1792
Exécution d’Arnaud de La Porte (1737-1792), intendant de la liste civile de Louis XVI.

Une fois de plus Sanson sort de sa prison pour y retourner l’opération achevée.
Le même jour, dans la salle Egalité, comparaît Barnabé du Rosoy, fondateur de la Gazette de Paris et défenseur de la liberté de la presse.
Il avait osé prendre la défense de Louis XVI lors de l’attaque des Tuileries.
Il est guillotiné le lendemain, toujours avec un bourreau prisonnier.
Le 27 août 1792
Exécution de trois faux monnayeurs place de la Réunion.
Gabriel Sanson (1769-1792), le fils cadet de Charles-Henri qui aide son père dans le métier, glisse de l’échafaud et se tue.
Le fils aîné Henri (1767-1840), militaire, doit changer de carrière pour suivre celle de son père qui est définitivement libéré.
Le 29 août 1792
Fouquier-Tinville est nommé directeur du jury du nouveau tribunal criminel. Il s’installe avec sa famille dans la tour Bonbec où se déroulaient auparavant les séances de torture. Ses bureaux sont entre les tours d’Argent et César.

Son premier interrogatoire est pour Jacques Cazotte (1719-1792), écrivain contre-révolutionnaire et sa fille Elisabeth. Il les fait enfermer à la prison de l’Abbaye.

Le 2 septembre 1792
Le tribunal criminel statue sur le sort à réserver à Karl Josef Anton Léodegard von Bachmann (1734-1792), commandant la garde suisse des Tuileries au 10 août.

Il est condamné à mort.
Au soir
Appel aux citoyens, par le canon du Pont-Neuf, relayé par les cloches des églises, à juger soi-même les détenus des prisons de la capitale.
Le tribunal criminel instauré ne suffit pas.
Les massacreurs réclament Bachman. Le tribunal « légal » le leur refuse.
Le 3 septembre 1792
Armand Marc, comte de Montmorin Saint-Hérem (1746-1792) ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, acquitté par le tribunal le 17 août mais réincarcéré sous prétexte de sécurité est massacré.

Sept Suisses sont aussi immolés, sans oublier le terrible sort subi par Marie Gredeler, tenant un commerce au Palais-Royal de cannes et de parapluies. Attachée à un poteau, ses bourreaux la torturent des manières les plus sadiques possibles.
Le même jour, Bachmann passe à la guillotine.
Le 5 septembre 1792
Tandis que les massacres continuent dans les prisons parisiennes et en province, les élections pour la nouvelle Convention se déroulent dans ce terrible contexte.
A Paris sont élus Robespierre, Collot d’Herbois et Danton, ce dernier promoteur proclamé des massacres, quand les deux autres les soutiennent implicitement.

Le 7 septembre 1792
Au total, en comptant le reste des prisons parisiennes et de province, plus de 3000 victimes sont à déplorer.
Le 25 septembre 1792
Jacques Cazotte est finalement envoyé à la guillotine, malgré les supplications de sa fille. Fouquier-Tinville maintient celle-ci dans la prison de la Conciergerie.
Le 29 septembre 1792
Le tribunal du 17 août est supprimé, les événements du début du mois ayant prouvé sont inutilité, les citoyens préférant se faire justice eux-mêmes.
Fouquier-Tinville voit une fois de plus tous ses espoirs tombés à l’eau.
Il doit se contenter d’être substitut de l’accusateur du tribunal de la Seine.
Le 23 octobre 1792
Le tribunal envoie place de la Révolution neuf émigrés pris dans les rangs de l’armée de Brunswick.
Le 9 mars 1793
Suite à la trahison du général Dumouriez, le député du Cantal Jean-Baptiste Carrier (1756-1794) propose sans attendre « l’établissement d’un tribunal révolutionnaire [et que] le Comité de législation présente [son] mode d’organisation.«

Le député du Lot André Jean-Bon Saint-André (1749-1813), se rallie à l’idée et demande à son tour la création d’un tribunal criminel extraordinaire.

Il est soutenu par les députés Lindet et Danton.
Celui-ci donne à cette occasion l’un de ses discours les plus célèbres :
« Rien n’est plus difficile que de définir un crime politique. Le salut du peuple demande de grands moyens et exige des mesures terribles. Je ne vois pas de milieu entre les formes ordinaires et un Tribunal révolutionnaire. Soyons terribles pour dispenser le peuple de l’être. »

La situation a paru urgente car depuis plusieurs jours les sans-culottes sont en colère contre les Girondins et n’hésitent pas à casser leurs presses de journaux. Le spectre des massacres de septembre est encore proche.
Si l’objectif affiché de ce tribunal est de réagir contre les violences des rues, lutter contre l’anarchie et de punir « les traîtres », les Girondins s’y opposent, pressentant qu’ils en seront les premières victimes…
Le Girondin Pierre Victurnien Vergniaud (1753-1793), député de la Haute-Vienne, dénonce ce tribunal comme :
« une inquisition mille fois plus redoutable que celle de Venise ».

Un autre député girondin, Jean Birroteau (1758-1793), des Pyrénées-Orientales, s’exclame :
« Et moi je demande qu’on me démontre la nécessité de ce tribunal, car je ne vois pas où sont les conspirateurs, les intrigants.«
Ce député est d’ores et déjà suspect car quelques temps auparavant il avait proposé d’éloigner la Convention de Paris, trop soumise aux sans-culottes et à la Commune.
Auquel répond le montagnard René Levasseur (1747-1834), de la Sarthe :
« Je propose la rédaction suivante qui, je l’espère, conciliera tous les partis : « La Convention décrète l’établissement d’un tribunal criminel extraordinaire, sans appel et sans recours au tribunal de cassation, pour le jugement de tous les traîtres, conspirateurs et contre-révolutionnaires. »
Le 10 mars 1793
Malgré l’opposition des girondins, la loi est votée.
Article 1 :
Il sera établi à Paris un tribunal criminel extraordinaire qui connaîtra de toute entreprise contre-révolutionnaire, de tout attentat contre la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, et de tous les complots tendant à rétablir la royauté ou à établir toute autre autorité attentatoire à la liberté, à l’égalité et à la souveraineté du peuple.
Article 2 :
Le tribunal sera composé d’un jury et de cinq juges qui dirigeront l’instruction et appliqueront la loi, après la déclaration des jurés sur le fait.
Article 3 :
Les juges ne pourront rendre aucun jugement s’ils ne sont au moins au nombre de trois.
Article 4 :
Celui des juges qui aura été le premier élu présidera ; et, en cas d’absence, il sera remplacé par le plus ancien d’âge.
Article 5 :
Les juges seront nommés par la Convention nationale, à la pluralité relative des suffrages, qui ne pourra néanmoins être inférieure au quart des voix.
Article 6 :
Il y aura auprès du tribunal un accusateur public et deux adjoints ou substituts, qui seront nommés par la Convention nationale, comme les juges et suivant le même mode.
Article 7 :
Il sera nommé par la Convention nationale douze citoyens du département de Paris et des quatre départements qui l’environnent, qui rempliront les fonctions de jurés, et quatre suppléants du même département, qui remplaceront les jurés en cas d’absence, de récusation ou de maladie.
Article 9 :
Tous les procès-verbaux de dénonciation, d’information, d’arrestation seront adressés en expédition par les corps administratifs à la Convention nationale, qui les renverra à une commission de ses membres chargée d’en faire l’examen et de lui en faire le rapport.
Article 10 :
Il sera formé une commission de six membres de la Convention nationale, qui sera chargée de l’examen de toutes les pièces, d’en faire le rapport et de rédiger et de présenter les actes d’accusation, de surveiller l’instruction qui se fera dans le tribunal extraordinaire, d’entretenir une correspondance suivie avec l’accusateur public et les juges sur toutes les affaires qui seront envoyées au tribunal et d’en rendre compte à la Convention nationale.
Article 11 :
Les accusés qui voudront récuser un ou plusieurs jurés, seront tenus de proposer les causes de récusation par un seul et même acte; et le tribunal en jugera la validité dans les vingt-quatre heures.
Article 12 :
Les jurés voteront et formeront leur déclaration publiquement, à haute voix, à la pluralité absolue des suffrages.
Article 13 :
Les jugements seront exécutés sans recours au tribunal de cassation.
Article 14 :
Les accusés en fuite qui ne se représenteront pas dans les trois mois du jugement, seront traités comme émigrés, et sujet aux mêmes peines, soit par rapport à leur personne soit par rapport à leurs biens.
Article 15 :
Les juges du tribunal éliront, à la pluralité absolue des suffrages, un greffier et deux huissiers ; le greffier aura deux commis qui seront reçus par les juges.
Le décret qui institue le nouveau tribunal précise que :
« la loi accorde un défenseur au patriote calomnié ; elle en refuse aux conspirateurs. »
La plupart des prévenus passant par ce tribunal étant accusés de conspiration contre la République, très peu auront droit à un avocat…
Ainsi tous les acquis d’une justice plus humaine depuis le début de la Révolution sont bafoués.
Un mandat d’arrêt est produit systématiquement contre le suspect qui est interrogé directement par l’accusateur public ou son substitut. Deux cas de figure s’offrent à lui :
- soit les réponses de l’individu n’ont pas la teneur suffisante pour être portées devant la juridiction : ce dernier sera immédiatement remis en liberté,
- soit elles sont susceptibles de confirmer les soupçons : la personne sera alors incarcérée à la Conciergerie et un acte d’accusation rédigé contre elle.
A l’audience, le président demande à l’accusé de répondre à la question suivante : « Vos nom, prénom, âge, qualité, lieu de naissance ? » puis le greffier fait la lecture à l’assistance des charges retenues contre ce dernier dans l’acte d’accusation. On enjoint alors les témoins choisis par l’accusation et la défense de venir s’exprimer, et c’est seulement après que le suspect peut faire valoir son innocence, avec ou sans l’aide d’un avocat. Enfin le président du Tribunal récapitule les arguments des deux partis et pose les questions auxquelles les jurés devront répondre ; ceux-ci se retirent alors dans une pièce annexe pour délibérer, tandis que l’on fait également sortir l’accusé de la pièce.
A leur retour, et conformément à l’article 12 de la loi du 10 mars 1793, chaque membre du jury prononce à voix haute sa décision et le président rappelle l’individu pour lui en signifier la teneur. L’accusateur public présente alors ses conclusions pour que le président prononce la sentence, soit d’acquittement, soit de condamnation.
Le tribunal pouvait prononcer l’acquittement de la personne, son emprisonnement, sa déportation ou son exécution.
Cinq juges et douze jurés nommés à haute voix par les conventionnels devront examiner les entreprises contre-révolutionnaires et les attentats contre la République.
Les réquisitoires seront rédigés par un accusateur public et deux substituts.
Les Girondins, afin de pallier à cette création qu’ils jugent dictatoriale réussissent à faire voter une commission, dite des six, qui aura pour fonction d’être seule habilitée à envoyer les personnes accusées de trahison devant le tribunal.
N’y sont élus que des sympathisants girondins ou du moins modérés : Dominique Joseph Garat (1749-1833), député des Pyrénées-Atlantique et ministre de la Justice,
Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux (1753-1824), député du Maine-et-Loire,

Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne (1743-1793), député de l’Aube,

Joseph Delaunay (1752-1794), également député du Maine-et-Loire,

Jean-René Gomaire (1745-1805), député du Finistère et Jean-Jacques Bréard (1751-1840), député de la Charente-Inférieure.
Ce dernier se désistant, il sera remplacé par le seul montagnard de la commission, Pierre-Louis Prieur (1756-1827), député de la Marne, réputé pour son intégrité .

Le 13 mars 1793
La Convention procède à l’élection des membres du tribunal.
Jacques-Bernard-Marie Montané (1751-après 1805) est nommé troisième juge puis président.
Louis-Joseph Faure (1760-1837) est désigné comme accusateur public, chargé jusque-là du tribunal du département de Paris. Fouquier-Tinville, accusateur de l’ancien tribunal du 17 août et Jean-Baptiste Fleuriot-Lescot (1761-1794), architecte de nationalité belge sont nommés comme ses substituts.

Faure se récuse, préférant continuer discrètement sa carrière de magistrat pour devenir par la suite un personnage d’importance durant le Directoire, le Consulat et l’Empire.
C’est donc sans surprise que Fouquier-Tinville obtient la place d’accusateur public, assuré d’être bien secondé par Fleuriot-Lescot et Joseph Donzé-Verteuil (1736-1818), ancien jésuite puis abbé de cour et homme de lettres.
Le 27 mars 1793
Un décret additionnel à celui du 10 relate des diverses indemnisations du personnel du nouveau tribunal qui seront les mêmes que celles du tribunal criminel de Paris.
Le 28 mars 1793
Le maire de Paris Jean-Nicolas Pache (1746-1823) dont la résidence se trouve au Palais « offre » au nouveau tribunal l’ancienne Grand’Chambre du Parlement, qui devient pour l’occasion la salle de la Liberté.

A cette occasion le tribunal de cassation doit quitter les lieux, tribunal qui n’a plus d’utilité compte tenu du contexte. Belle revanche pour Fouquier-Tinville !
Celui-ci n’hésite pas à réclamer également la salle Saint-Louis qui devient dès lors la salle Egalité.
Le 2 avril 1793
Les membres du tribunal criminel extraordinaire se rendent à la Convention afin de prêter serment. Ils en profitent pour se plaindre de leur inaction, causée par la commission des six.
Marat profite de l’occasion pour abolir cette commission sur laquelle les montagnards n’ont aucune prise. Sa proposition est acceptée.
Fouquier-Tinville obtient à lui seul les prérogatives de la commission des six.
Le 5 avril 1793
Marat et le député Louis-Joseph Charlier (1754-1797) donnent encore plus de pouvoir à Fouquier-Tinville, tout en veillant à se protéger :
(La Convention nationale) décrète que l’accusateur public près du tribunal est autorisé à faire arrêter, poursuivre et juger tous prévenus, sur la dénonciation des autorités constituées ou des citoyens. (art. 2).
Ne pourra cependant ledit accusateur décerner aucun mandat d’arrêt ni d’amener contre les membres de la Convention nationale sans un décret d’accusation, ni contre les ministres et généraux des armées de la République, sans en avoir obtenu l’autorisation de la Convention. (art. 3). »
Le 6 avril 1793
Première audience du tribunal criminel extraordinaire.
Le 7 avril 1793
Le tribunal criminel extraordinaire est officiellement subordonné au Comité de Salut public créé la veille.
Les Girondins hurlent à la dictature.
Le 11 avril 1793
L’ancien gouverneur de Saint-Domingue, Philippe François Rouxel de Blanchelande (1735-1793) paraît devant le tribunal.
Le 12 avril 1793
Lassés par les appels aux meurtres de Marat, les Girondins, pour l’instant majoritaires à la Convention, l’envoient devant le tribunal criminel extraordinaire. Marat est sauvé par ses partisans de l’assemblée et s’enfuit.

Le 13 avril 1793
L’acte d’accusation contre Marat est rédigé.
Le 15 avril 1793
Blanchelande est condamné à mort.
Le 23 avril 1793
Sûr de sa victoire, Marat se présente au Palais où doit se dérouler son procès le lendemain. Refusant de placer le prévenu surnommé « l’Ami du peuple »dans une geôle de la prison, le concierge le loge dans une chambre tout près du tribunal, beaucoup plus confortable.
Le 24 avril 1793
Marat est acquitté sans surprise par le tribunal criminel extraordinaire, tout à sa cause. La foule, déchaînée, vient acclamer son héros à la sortie du tribunal.

Le journaliste peut réclamer maintenant, en toute impunité, 200 000 têtes dans son prochain numéro. Evidemment les Girondins et « la Veuve Capet » sont les premiers sur sa liste.
Le 7 mai 1793
La loi du 10 mars relative au tribunal criminel extraordinaire est complétée.
Le 16 mai 1793
Acquittement du général Miranda dont l’accusation de collusion avec Dumouriez est abandonnée, Dumouriez reprochant à son ami de ne pas l’avoir suivi lors de son passage chez les Autrichiens.
Il est défendu par Claude-François Chauveau-Lagarde (1756-1841).
Mais Marat refuse de lâcher l’affaire.
Le 2 juin 1793
Sous pression des sans-culottes, encouragés par Marat et Hébert, l’arrestation des Girondins est décidée.
Beaucoup d’entre eux prennent la fuite, déclenchant des émeutes un peu partout en France. D’autres, comme Vergniaud, sont assignés à résidence, surveillés par des gendarmes.
Le 4 juin 1793
Début du procès dit de l’Association bretonne. Vingt-sept Bretons sont accusés d’avoir été les complices d’Armand Tuffin, marquis de La Rouërie (1751-1793), un des fondateurs de la chouannerie, mort des suites de l’annonce de l’exécution de Louis XVI. Trahi au même moment, ses proches sont rapidement appréhendés par l’armée républicaine.

Le 18 juin 1793
Douze membres de l’association bretonne sont exécutés place de la Révolution : Monsieur et Madame de La Guyomarais qui logeaient clandestinement La Rouërie dans leur château, Louis du Pontavice, la Chauvinais, Madame de la Fonchais, Morin de Launay, Locquet de Granville, Jean Vincent, Groult de La Motte, Picot de Limoëlan, Georges de Fontevieux et Thérèse de Moëlien (1759-1793), sa cousine.
Le 12 juillet 1793
La Convention déclare traître à la patrie le député Birotteau, celui-là même qui s’était opposé à la création du tribunal criminel extraordinaire.
Le 13 juillet 1793
Charlotte Corday (1768-1793) assassine Jean-Paul Marat (1743-1793).

Le 16 juillet 1793, à huit heures du matin

Transfert de la prison de l’Abbaye à celle de la Conciergerie de la jeune Charlotte Corday. Ce transfert marque le début de son procès.

Lors de son interrogatoire, Montané ne peut que constater que l’accusée, non seulement reconnaît les faits, mais surtout les revendique.
Il cherche avant tout à savoir si elle a des complices, notamment les girondins réfugiés à Caen. Le président est persuadé qu’une jeune fille est incapable de préméditer un tel crime sans y avoir été poussée par d’autres.
A quoi elle répond :
« C’est bien mal connaître le coeur humain. Il est plus facile d’exécuter un tel projet d’après sa propre haine que d’après celle des autres. »
Le 17 juillet 1793
Montané, le président du tribunal est secondé par les juges Ardouin, Foucault et Roussillon.
Les membres du jury, tous choisis par la Convention et parmi les Jacobins les plus dévoués, ont pour noms : Brochet, Chrétien, Dix-Août, Duplain, Falot, Fualdès, Godin, Jourdeuil, Rhoumin et Sion.
Elle réclame pour avocat Louis-Gustave Doulcet de Pontécoulant (1764-1853), député girondin réfugié à Caen. Il ne viendra pas, le temps étant trop court pour rejoindre la capitale avant le procès.

Une tradition persistante explique que c’est Fouquier-Tinville qui aurait retardé volontairement l’envoi du courrier. Peut-être que la simple mention du nom de l’accusateur public ou l’idée de se retrouver devant le tribunal ait suffisamment effrayé Pontécoulant, les girondins étant désormais considérés comme « traîtres à la patrie ».
Charlotte Corday écrira à celui qu’elle considérait comme un ami une dernière lettre sur le trajet de sa charrette la menant à l’échafaud…
On lui donne alors d’office un simple homme de loi le citoyen Guyot quand le président Montané se ravise pour un véritable avocat, Claude-François Chauveau-Lagarde (1756-1841).

Celui-ci ne peut malheureusement pas grand chose pour la jeune fille qui revendique son crime, à moins de trouver légitime l’assassinat de Marat, sacré pour les jacobins à plusieurs titres, en tant que député de la Convention et donc représentant de la nation souveraine mais aussi par son journal L’Ami du Peuple qui lui apporte une popularité considérable auprès des sans-culottes et des montagnards les plus acharnés.
L’avocat peut donc difficilement défendre sa cliente sans partager ses vues d’avoir agi par sacrifice en éliminant un monstre qui appelait régulièrement aux meurtres de masse !
A moins de risquer sa vie à son tour…
Une lettre de l’accusée à son père du 16 juillet, interceptée, ne fait que renforcer l’idée des jurés d’avoir affaire à une criminelle qui a agi avec préméditation :
« Pardonnez-moi, mon cher papa, d’avoir disposé de mon existence sans votre permission. J’ai vengé bien d’innocentes victimes, j’ai prévenu bien d’autres désastres. Le peuple, un jour désabusé, se réjouira d’être délivré d’un tyran. Si j’ai cherché à vous persuader que je passais en Angleterre, c’est que j’espérais garder l’incognito, mais j’en ai reconnu l’impossibilité. J’espère que vous ne serez point tourmenté. En tout cas, je crois que vous auriez des défenseurs à Caen. J’ai pris pour défenseur Gustave Doulcet : un tel attentat ne permet nulle défense, c’est pour la forme. Adieu, mon cher papa, je vous prie de m’oublier, ou plutôt de vous réjouir de mon sort, la cause en est belle. J’embrasse ma sœur que j’aime de tout mon cœur, ainsi que tous mes parents. N’oubliez pas ce vers de Corneille :
Le Crime fait la honte, et non pas l’échafaud !
C’est demain à huit heures, qu’on me juge. Ce 16 juillet. »
Sans surprise, Charlotte Corday est condamnée à mort le jour même, vêtue d’une chemise rouge réservée aux parricides.

Le président Montané aurait voulu la faire passer pour folle et l’enfermer à la Salpêtrière. Mais il a dû se soumettre à Fouquier-Tinville.
Montané est considéré par ce dernier comme peu sûr. Il est alors destitué et remplacé par Martial Amant Joseph Herman (1759-1795) né dans le Pas-de-Calais et depuis septembre 1792 président du tribunal d’Arras. Ville d’origine de Robespierre, celui-ci voit le juge comme un homme probe, en qui il peut avoir confiance.

Le 1er août 1793, au matin
Après un long discours de Barère contre tous les ennemis de la république,
« Marie-Antoinette est renvoyée au tribunal extraordinaire ; elle sera transférée sur le champ à la Conciergerie. »
Le 2 août 1793, à une heure et quart du matin
L’administrateur des prisons, Jean-Baptise Michonis (1735-1794), ancien limonadier, suivi des policiers Froidure, Marino et Michel se rendent à leur tour au Temple munis de l’arrêté pris la veille par le conseil général pour exécuter le décret de la Convention envoyant Marie-Antoinette devant le tribunal criminel extraordinaire et prescrivant sa translation immédiate à la prison de la Conciergerie.

Ils sont accompagnés de vingt gendarmes.
Madame Royale témoigne :
« Le 2 d’août, à deux heures du matin (sic), on vint nous éveiller pour lire à ma mère un décret de la convention qui ordonnoit que sur réquisition du procureur de la commune, ma mère seroit conduite à la conciergerie pour qu’on lui fasse son procès.
Ma mère entendit ce décret sans s’émouvoir ; ma tante et moi nous demandâmes tout de suite de suivre ma mère, mais comme le décret ne le disoit pas, on nous le refusa.
Ma Mère fit le paquet de ses hardes ; les municipaux ne la quittèrent pas, elle fut obligée de s’habiller devant eux. On lui demanda ses poches, qu’elle donna ; ils les fouillèrent, ôtèrent tout ce qui étoit dedans, quoique cela ne fût point du tout important, en firent un paquet qu’ils dirent qu’on ouvriroit au tribunal révolutionnaire devant ma mère. Ils ne lui laissèrent qu’un mouchoir et un flacon, de peur qu’elle ne se trouva mal.
Ma mère partit enfin après m’avoir bien embrassée et m’avoir recommandé d’avoir du courage et soin de ma santé. Je ne répondis [rien] à ma mère, bien convaincue que je la voyois pour la dernière fois.
Ma Mère s’arrêta encore au bas de la Tour, parce que les municipaux firent un procès-verbal pour se décharger de sa personne.
En sortant, ma Mère s’attrapa la tête au guichet, ne le croyant pas si bas ; elle ne se fit pourtant pas beaucoup de mal ; ensuite elle monta en voiture avec un municipal et deux gendarmes.
(Une autre édition des mémoires de la princesse écrit : « En sortant, elle se frappa la tête au guichet, ne pensant pas à se baisser. On lui demanda si elle s’était fait mal. _Oh non, répondit-elle, rien à présent ne peut me faire du mal. »)
Journal de ce qui s’est passé à la tour du Temple

Un fiacre où elle prend place l’attend au perron du palais du Temple. Deux policiers et deux municipaux restent près d’elle.
Une deuxième voiture transporte Michonis et les autres policiers. Les gendarmes escortent les voiture qui traversent les rues du Temple, de la Tixanderie, de la Coutellerie, Planche-Mibray, le pont Notre-Dame, les rues de la Lanterne et de la Vieille Draperie pour rejoindre l’île de la Cité et son Palais.
On conçoit l’angoisse de Marie-Antoinette, seule en pleine nuit au milieu de ces hommes qui pour la plupart la haïssent.
La voiture pénètre enfin la cour de May, celle que son propre époux avait entièrement remise à neuf.
A deux heures quarante du matin
Marie-Antoinette descend les marches du petit escalier à droite du grand perron, pénétrant dans la petite cour précédant le guichet.

La Reine ne remontera ces marches que lorsqu’elle partira pour l’échafaud.
Le porte-clefs Larivière ouvre.

Elle franchit le premier guichet.
Il s’agit d’une porte percée dans une plus grande et garnie sur le bas d’une pierre, obligeant le prisonnier à la fois de lever la jambe et de baisser sa tête ; système qui oblige les prisonniers tentant de s’enfuir à ralentir leur allure.
Contrairement aux prisonniers ordinaires, Marie-Antoinette ne passe pas par le greffe pour y être enregistrée. Y est assis dans un fauteuil le concierge Richard, dont la charge très prestigieuse au Moyen-Âge et à la Renaissance, a depuis, beaucoup perdu de sa superbe.

En face, Marie-Antoinette aperçoit peut-être, mais compte tenu de l’heure et de sa mauvaise vue, une buvette où se réunissent les avocats.
Au même moment, madame Richard réveille Rosalie qui s’était endormie dans un fauteuil. Il leur faut rejoindre la cellule préparée pour la ci-devant Reine. Elles n’oublient pas d’emporter chacune un flambeau.
Marie-Antoinette toujours escortée par les policiers, municipaux et gendarmes, traverse plusieurs corridors.

Un deuxième guichet puis un troisième ferment un corridor qui sert d’antichambre à la prison.
Un quatrième muni d’une forte grille donne sur le corridor central de la prison. De larges baies donnant sur la cour des Femmes éclairent cette espèce de puits de forme irrégulière, dominé par les larges constructions anciennes du Palais.
Entre le troisième et quatrième guichet, un corridor sombre s’enfonce à gauche et conduit à une pièce carrée, éclairée sur la cour des Femmes par deux croisées basses.
C’est là qu’entre Marie-Antoinette, entourée de sa forte escorte.

Rosalie est surprise en pénétrant dans la cellule de voir autant de monde : gendarmes, officiers, administrateurs … Tous se parlent bas les uns aux autres. Le jour commence à pénétrer doucement à travers les barreaux des fenêtres très hautes.
Contrairement aux usages, c’est dans cette cellule que le guichetier Lui demande de décliner Son identité. Elle répond froidement :
« Regardez-moi. »
Elle devient la prisonnière n°280. Le concierge Richard l’inscrit puis rédige l’inventaire du maigre bagage qu’elle a apporté avant de le mettre sous scellé.
Ces formalités remplies, tout le monde se retire, hormis la concierge et sa servante.
Le jour commence à pénétrer doucement à travers les barreaux de la fenêtre très haute.


Rosalie se souvient :
« Il faisait chaud. Je remarquai les gouttes de sueur qui découlaient sur le visage de la Princesse. Elle s’essuya deux ou trois fois avec son mouchoir. Ses yeux contemplèrent avec étonnement l’horrible nudité de cette chambre ; ils se portèrent aussi avec un peu d’attention sur la concierge et
sur moi. Après quoi, la Reine, montant sur un tabouret d’étoffe que je lui avais apporté de ma chambre, suspendit sa montre à un clou qu’elle aperçut dans la muraille, et commença de se déshabiller pour se mettre au lit. Je m’approchai respectueusement et j’offris mes soins à la Reine. « Je vous remercie, ma fille, me répondit-elle sans aucune humeur ni fierté, depuis que je n’ai plus personne je me sers moi-même. » Le jour grandissait. Nous emportâmes nos flambeaux, et la Reine se coucha dans un lit bien indigne d’elle, sans doute, mais que nous avions garni, du moins, de linge très fin et d’un oreiller.«
Il est peu probable que Marie-Antoinette ait beaucoup dormi, après une telle nuit de calvaire, se retrouvant dénuée de tout, éloignée de ceux qu’elle aime et sachant très bien qu’elle se retrouve dans « l’antichambre de la mort ».
Malgré le grand ménage fait par madame Richard et Rosalie Lamorlière, Marie-Antoinette ne peut que sentir les odeurs d’urine et de tabac des gardiens et soldats dans les corridors.
Rappelons qu’elle n’a plus qu’un mouchoir et un flacon de sel, ainsi que sa montre, la robe et son linge sur elle depuis la veille ! Elle conserve également sur elle deux bagues de diamant et son alliance.
Le petit sac qu’elle s’était préparé lors de son transfert lui a été confisqué pour être remis au tribunal.

Le 6 août 1793
Inculpation du tribunal révolutionnaire contre Olympe de Gouges (1748-1793) suite à de nombreux écrits politiques dont la goutte d’eau fut la proposition d’élections demandant aux Français de choisir entre une république une et indivisible, une république fédéraliste ou le retour à une monarchie constitutionnelle.
Malade, elle est incarcérée dans plusieurs prisons, notamment la pension Mahay, maison de santé pour riches.
Le 25 août 1793
Lettre de Fouquier-Tinville au président de la Convention nationale :
Citoyen-Président
« Malgré les longueurs qu’entraîne l’affaire de Custine, le tribunal se trouve inculpé dans les journaux, et tous les lieux publics, sur ce qu’il ne s’est pas encore occupé de l’affaire de la ci-devant reine, de Brissot, de Vergniaud, etc. Il ne m’est parvenu aucune pièce de cette affaire, et je réitère qu’il n’est pas en mon pouvoir de donner suite à cette affaire, tant que je n’aurai pas reçu les pièces. »
Signé : Fouquier-Tinville
Le député de l’Isère Jean-Pierre André Amar (1755-1816), membre du comité de sûreté générale et de surveillance lui répond que la complexité de l’affaire, notamment par ses conséquences diplomatiques majeures, qu’il leur faut un plus grand recueil de pièces que la convention et le comité se feront un zèle de lui fournir.

Les 3, 4 et 5 septembre 1793
Interrogatoires par Amar (député), J. Sévestre, Caillieux (policier) et Bax, secrétaire commis de :
_Marie-Antoinette (deux fois) ;
_Marie Harel sa femme de chambre ;
_les gendarmes Gilbert, Defresnes (de garde dans sa cellule), Lebrasse, Perrey (de garde dans la prison) ;
_madame Richard (épouse du concierge de la prison de la Conciergerie) ;
_Pierre Fontaine (intermédiaire entre Rougeville ;
_Michonis, (deux fois) ;
_Jean-Baptiste Michonis (policier administrateur des prisons, deux fois) ; _Sophie Dutilleul (maitresse de Rougeville).
Seul manque à l’appel le chevalier de Rougeville, pourtant âme du complot.

Les enquêteurs cherchent à savoir ce qui s’est passé le 28 septembre dernier, Michonis ayant invité le chevalier de Rougeville, anciennement garde du corps aux Tuileries, à visiter Marie-Antoinette dans sa cellule de la Conciergerie. Rougeville a laissé un billet dans un oeillet jeté à terre et Marie-Antoinette a tenté de lui répondre par un bout de tissu piqué à l’aiguille.
On procède à l’arrestation du couple Richard, de Michonis, de Sophie Dutilleul, du renvoi de Marie Harel et de la mise au secret totale de Marie-Antoinette.
Ces interrogatoires permettent avant tout d’étoffer l’acte d’accusation, l’accusateur public Fouquier-Tinville se plaignant de sa maigreur et ne pouvant réutiliser en totalité les pièces utilisées lors du procès de Louis XVI.
Le 5 septembre 1793
Sous pression de la Commune, les sans-culottes envahissent la Convention. Le tribunal révolutionnaire est divisé en quatre sections qui siègeront en permanence pour juger plus vite les accusés.
La Terreur est mise à l’ordre du jour.

Le même jour, Sophie Dutilleul, maîtresse du chevalier de Rougeville est arrêtée et interrogée à propos de l’affaire de l’oeillet par le comité de sûreté général qui remet ensuite l’enquête au tribunal révolutionnaire.
Le 17 septembre 1793
Loi des suspects.

Seront désormais arrêtés tous ceux :
qui, soit par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté, ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d’exister et de l’acquis de leurs devoirs civiques ; ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme, les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou par ses commissaires et non réintégrés, ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents d’émigrés, qui n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, ceux qui ont émigré dans l’intervalle du 1er juillet 1789 à la publication du 30 mars – 8 mars 1792, quoiqu’ils soient rentrés en France dans le délai prescrit par ce décret ou précédemment.
Le 22 septembre 1793
Marie-Antoinette signe un registre d’écrou. Elle est officiellement mise en jugement.
Le 3 octobre 1793
DÉCRET DE LA CONVENTION NATIONALE DU TROIS OCTOBRE MIL SEPT CENT QUATRE-VINGT-TREIZE, L’AN SECOND DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE UNE ET INDIVISIBLE,
Qui ordonne le prompt jugement de la veuve Capet au tribunal révolutionnaire.
La Convention nationale, sur la proposition d’un membre, décrète que le Tribunal révolutionnaire s’occupera sans délai et sans interruption du jugement de la veuve Capet.
Visé par l’inspecteur,
Signé : Joseph BECKER.
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.61.
Le même jour
Amar est chargé de rédiger un acte d’accusation à l’encontre des girondins.
Cinquante-neuf d’entre eux sont emprisonnés à la Conciergerie.
Le 5 octobre 1793
Mettre en jugement la ci-devant reine de France, d’accord.
Faut-il encore avoir des pièces contre elle. Ce dont se plaint Fouquier-Tinville :
Paris, le 5 octobre 1793, l’an II de la République une et indivisible.
Citoyen président,
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.63-64.
J’ai l’honneur d’informer la Convention que le décret par elle rendu le trois de ce mois, portant que le tribunal révolutionnaire s’occupera sans délai et sans interruption du jugement de la veuve Capet m’a été transmis hier soir. Mais jusqu’à ce jour il ne m’a été transmis aucunes pièces relatives
à Marie Antoinette ; de sorte que quelque désir que le Tribunal ait d’exécuter les décrets de la Convention ; il se trouve dans l’impossibilité d’exécuter ce décret tant qu’il n’aura pas les pièces.

Le 8 octobre 1793
Les membres du salut public lui répondent :
Paris, le septième jour de la deuxième décade du premier
mois de la République française une et indivisible.
Sur la demande que nous avons faite, citoyen, à notre collègue Garan-Coulon, en qualité de membre de la Commission des vingt et un, de nous donner des renseignements relatifs à la veuve Capet et de nous indiquer le lieu du dépôt des pièces qui ont servi de base à cette commission pour son travail sur le procès de Capet ; Il nous a répondu qu’il n’était que l’un des neuf adjoints à une précédente commission des douze ; qu’il est rentré au Comité de législation après le jugement de Capet ; que les pièces et papiers sont restés entre les mains de cette commission des douze dont le citoyen Rabaud Pommier était le secrétaire, ainsi que de celle des vingt et un.
Nous vous invitons à voir le citoyen Rabaud Pommier, afin qu’il vous donne des renseignements sur les pièces qui vous sont nécessaires.
De notre côté nous lui écrivons pour qu’il nous fasse part de ce qu’il sait à ce sujet.
Salut et fraternité.
HÉRAULT, BILLAUD-VARENNE, B. BARÈRE, ROBESPIERRE, SAINT-JUST.
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.64.
Difficile de retrouver les pièces relatives au procès du Roi qui en plus concernent celui-ci et non directement son épouse.
Le samedi 11 octobre 1793
Les pièces sont enfin retrouvées !
LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC A L’ACCUSATEUR PUBLIC PRÈS LE
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIREParis, le vingtième jour du premier mois, l’an II de la République française.
Au désir de votre lettre du jour d’hier, nous vous prévenons, citoyen, que le Comité de salut public par la sienne de ce jour, vient d’autoriser notre collègue, garde des Archives nationales, à vous communiquer toutes les pièces relatives au procès de Capet, et celles devant servir à l’instruction de
celui de sa veuve qui peuvent être dans ce dépôt ; s’il s’élevait quelque nouvel obstacle pour la suite de cette affaire, vous voudrez bien nous en rendre compte, afin que nous prenions toutes les mesures capables de seconder votre zèle.Salut et fraternité.
HÉRAULT, BILLAUD-VARENNE, COLLOT-D’HERBOIS, ROBESPIERRE.
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.65-66.
Le 12 octobre 1793
Interrogatoire de Marie-Antoinette visant à préparer son procès prévu pour le surlendemain.
Les 14 et 15 octobre 1793
Procès de Marie-Antoinette.
Le 16 octobre 1793
Exécution de Marie-Antoinette.

Le 24 octobre 1793
Début du procès des girondins.
Vingt et un d’entre eux sont emprisonnés à la Conciergerie dans la chapelle qui porte aujourd’hui leur nom.

Le 29 octobre 1793
Le tribunal criminel extraordinaire devient officiellement le tribunal révolutionnaire.
Le 30 octobre 1793
Les girondins sont condamnés à mort.
Le 31 octobre 1793
Exécution des girondins, à l’exception de Valazé qui a préféré se suicider la veille dans la salle du tribunal.
Le 2 novembre 1793
Procès d’Olympe de Gouges. Elle est condamnée à mort.
Le 3 novembre 1793
Olympe de Gouges part place de la Révolution.

Le même jour
Début du procès de Louis-Philippe d’Orléans. arrêté depuis le 6 avril comme tous les membres de la famille de Bourbon pouvant servir d’otages.
Le 6 novembre 1793
Celui qui se fit appeler Philippe Egalité est guillotiné.

Le 8 novembre 1793
Après de nombreux mois d’attente, mis à contribution pour rédiger son Appel à l’impartiale postérité, destinés à sa fille Eudora, Manon Roland affronte enfin le tribunal révolutionnaire.
Le procès est vite expédié: il commence dans la matinée pour s’achever en début d’après-midi.
Elle est menée place de la Révolution vers cinq heures de l’après-midi.
L’accompagne Simon-François Lamarche (1754-1793), ancien directeur de la fabrication des assignats, accusé de prévarications et surtout d’avoir retrouvé Louis XVI aux Tuileries le 9 août 1792.
Les deux, ne se connaissant vraisemblablement pas auparavant, se soutiendront mutuellement sous les huées de la foule.
Lamarche passera à la guillotine avant Manon Roland.

Manon Roland n’a jamais prononcé sur l’échafaud la phrase : »Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » inventée par Lamartine.
Jean-Marie Roland (1734-1793), girondin proscrit, caché en province depuis des mois, apprend trop tard dans la presse la comparution de sa femme devant le tribunal révolutionnaire. Il croit encore pouvoir la sauver alors qu’elle est déjà morte depuis deux jours. Se jetant à corps perdu sur la route, il est victime d’un accident, s’empalant avec sa canne-épée.
Leur fille Eudora (1781-1858), âgée de douze ans, sera recueillie par des amis.
Les 9 et 10 novembre 1793
Procès de Jean-Sylvain Bailly (1736-1793).

Premier maire de Paris, il est accusé d’avoir commandé conjointement avec le général Lafayette, la fusillade du Champs-de-Mars du 17 juillet 1791.
Il est ensuite reconnu complice des soi-disants complots fomentés par Louis XVI et Marie-Antoinette. Déjà prisonnier durant le procès de cette dernière, il y est appelé comme témoin. Il ne fait rien pour enfoncer l’accusée, bien au contraire. Son sort est donc scellé.
Le 11 novembre 1793
Bailly est guillotiné, non place de la Révolution, mais au Champs-de-Mars afin de venger ses supposées victimes.

Le 14 novembre 1793
Une autre victime collatérale du procès de Marie-Antoinette est guillotinée à son tour : Pierre-Louis Manuel (1751-1793).

Le 16 novembre 1793
Les autorités n’ont pas fini de s’interroger sur l’affaire de l’oeillet (qui n’a pourtant occasionnée pas le moindre risque d’évasion de Marie-Antoinette !) et souhaitent donc de nouveau écouter Sophie Dutilleul, seule personne en capacité de donner une piste sur le chevalier de Rougeville disparu depuis le 3 septembre dernier.
EXTRAIT D’UN INTERROGATOIRE SUBI PAR DEVANT L’UN DES JUGES DU TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE, LE 26 BRUMAIRE AN Il, PAR LA FEMME DUTILLEUL.
D. N’avez-vous pas eu connaissance du complot formé entre Michonis et Rougeville d’aller chez la veuve Capet ?
R. Je n’en ai jamais entendu parler.
D. N’étiez-vous pas cependant à diner chez Fontaine ci-devant marchand de bois, où dînaient aussi Michonis et Rougeville?
D. Oui, j’y étais, ce fut moi qui y introduisis Rougeville que je ne connaissais pas, et qui demeurait chez moi comme locataire.
D. Ne fut-ce pas à ce diner et en votre présence que Michonis promit à Rougeville de l’introduire chez la veuve Capet ?
R. Non, je me rappelle bien qu’à ce diner quelqu’un dont j’ai dit le nom au comité de surveillance, à ce que je crois, a dit à Michonis : Marie-Antoinette doit être bien changée et doit bien FUMER ? A quoi Michonis a répondu : Mais elle est assez sans soucis, elle n’est guère changée, mais a les cheveux
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p.54-55.
presque blancs. »
Et a signé avec nous
FEMME DUTILLEUL.
Sophie Dutilleul est un peu plus bavarde que lors de son premier interrogatoire même si elle continue à protéger son amant.
Plusieurs semaines d’incarcération ont sûrement fait leur effet…
Le même jour
Le général Houchard (1738-1793) est condamné à mort, non pas d’avoir été vaincu mais pour être entrer en pourparlers avec l’ennemi.

Le 17 novembre 1793
Exécution du général Houchard.
Le même jour
Arrestation de François de Saint-Prix, invalide et recruteur au Palais-Royal.
« Qu’il est constant qu’à différentes époques de la Révolution, de 1789 jusqu’en 1793, il a été pratiqué, en différents lieux de Paris, et/ ‘ notamment au Palais, ci-devant dit Royal, des manoeuvres tendantes à ébranler la fidélité des citoyens envers la nation française, et à/ troubler l’Etat en armant les citoyens les uns contre les autres;/ ‘ Que FRANCOIS PRIX, dit Saint-Prix, ci-devant Recruteur, et depuis Pensionnaire de la République, comme Invalide, demeurant à Paris,/ ‘ rue Saint-Nicaise, est convaincu d’être auteur ou complice de manoeuvres./ Condamne ledit PRIX à la peine de mort, […] En foi de quoi/ ledit jugement a été signé par le president [sic] du Tribunal et par/ le greffier./ Signé, HERMAN, président./ N.J. FABRICIUS, Greffier. «
https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/jugement-rendu-par-le-tribunal-revolutionnaire-etabli-par-la-loi-du-10-mars#infos-secondaires-detail
Le 18 novembre 1793
Saint-Prix est condamné à mort, suivi de son chien accusé de complicité.
Le même jour
Antoine Barnave (1761-1793), arrêté depuis le 19 août dernier dans une prison de Grenoble est amené à la Conciergerie.

Il est accusé de complicité avec Louis XVI et Marie-Antoinette.
René-François Dumas, président intérimaire et Fouquier-Tinville se font un plaisir de lui concocter un acte d’accusation digne de ce nom.
Le 19 novembre 1793
Procès de François Dangé ( -1794), épicier, membre de la Commune et administrateur de police, né à Chissey (Loir-et-Cher), demeurant à Pa-
ris, rue de la Roquette, n° 36, section de Popincourt.
Il est poursuivi sous la prévention d’intelligences avec Louis XVI et sa
famille.
Le jeune Louis XVII le compromet lors de son interrogatoire du 6 octobre 1793 :
Il nous a déclaré que l’hiver dernier pendant qu’il habitait l’appartement de ses mère, tante et sœur, un particulier, nommé Dangé, était de garde auprès d’eux en qualité de commissaire du conseil ; un jour qu’il l’accompagnait à la promenade sur la plate-forme de la Tour, il le prit dans ses bras, l’embrassa et lui dit : « Je voudrais bien vous voir à la place de votre père. »
Interrogatoire de Louis-Charles Capet, le 6 octobre 1793
Il est acquitté ce jour-là mais partira finalement à la guillotine le 17 juin 1794.
Le 21 novembre 1793
« Du 1er frimaire, l’an deux de la République française, une et indivisible
Le Comité de Sûreté Générale, vu la lettre du citoyen accusateur public près le tribunal révolutionnaire arrête que le citoyen Richard, concierge, sa femme et leur fils, seront mis en liberté, ne s’étant trouvé aucune charge contre eux dans l’affaire de Michonis et autres officiers municipaux.
« Les membres du comité de sûreté générale de la Convention
CAMPARDON, Emile, Marie-Antoinette à la Conciergerie (du 1er août au 16 octobre 1793) : pièces originales conservées aux Archives de l’Empire, suivies de notes historiques et du procès imprimé de la reine, Paris, 1863, p-35-36.
nationale,
« Signé : M. Bayle, Guiffroy Vadier, David, Louis (du Bas-Rhin), Panis et La Vicomterie »
Ainsi les Richard sont lavés de tout soupçon, grâce à l’entremise de Fouquier-Tinville, retrouvant en outre leur place où la confiance de l’accusateur public est de mise.
Le même jour
Le journaliste Joseph Girey-Dupré (1769-1793), proche des girondins, ayant défendu le Roi lors de son procès et s’étant attaqué à Marat est enfin emprisonné à la Conciergerie après une cavalcade de plusieurs mois dans le sud de la France est condamné à mort.
Le général-adjudant Gabriel-Nicolas Boisguyon (1763-1793) l’accompagne, accusé quant à lui de la défaite à Machecoul contre les Vendéens.
Ils sont suivis d’un supposé faux-monnayeur clamant encore son innocence dans la charrette.
Les deux camarades, tout en rassurant leur compagnon, n’hésitent pas à tourner en ridicule Robespierre tout le long du parcours.
Les 27 et 28 novembre 1793
Procès de Barnave et de l’ancien garde des sceaux (1754-1793) Marguerite-François Duport-Dutertre.

Les deux, avocats de métier, se défendent eux-mêmes avec éloquence. Mais cela ne suffit pas, leur sort étant scellé depuis longtemps.
Le 28 novembre 1793
Au moment de lui lier les mains, Barnave rappelle à Sanson que celles-ci furent les premières à signer la Déclaration des Droits de l’Homme…
Le 4 décembre 1793
Les administrateurs de police Froidure et Soulès, travaillant à la Mairie, donc au Palais, sont traduits devant le tribunal révolutionnaire, accusés d’avoir tenté de sauver de la guillotine la marquise de Charry (1767-1794), émigrée.
Sans preuve contre eux, ils sont finalement acquittés.
Le même jour, Jeanne du Barry (1743-1793) est transférée de la prison de Sainte-Pélagie à la Conciergerie.
Le 6 décembre 1793
Le procès de Jeanne Bécu, comtesse du Barry (1743-1793), la dernière favorite s’ouvre devant le tribunal révolutionnaire présidé par Fouquier-Tinville.

Le 7 décembre 1793
Jeanne du Barry est condamnée à la guillotine.

Le 8 décembre 1793
Marie-Jeanne Bécu de Vaubernier, comtesse du Barry est guillotinée à Paris, place de la Révolution, anciennement place Louis XV.
« Elle est la seule femme, parmi tant de femmes que ces jours affreux ont vues périr, qui ne put avec fermeté soutenir l’aspect de l’échafaud ; elle cria, elle implora sa grâce de la foule atroce qui l’environnait, et cette foule s’émut au point que le bourreau se hâta de terminer le supplice. Ceci m’a toujours persuadée que, si les victimes de ce temps d’exécrable mémoire n’avaient pas eu le noble orgueil de mourir avec courage, la terreur aurait cessé beaucoup plus tôt.
Les hommes dont l’intelligence n’est pas développée ont trop peu d’imagination pour qu’une souffrance intérieure les touche, et l’on excite bien plus aisément la pitié du peuple que son admiration. »
VIGEE-LEBRUN Elisabeth, Souvenirs.
Propos à méditer…
Du 25 au 27 décembre 1793
Début du procès de Pierre Henri Hélène Lebrun-Tondu (1754-1793), dit Lebrun, ministre des Affaires étrangères du 10 août 1792 au 5 septembre 1793. Proche des girondins, il est surtout accusé d’intelligence avec le général Dumouriez.
Il est condamné à mort.
Il est clair que la situation diplomatique durant son mandat ne plaide guère en sa faveur…
Le 28 décembre 1793
Exécution du ministre Lebrun, place de la Révolution.
Le 7 février 1794
Condamnation à mort de Roland Montjourdain, ancien soldat, devenu poète durant son incarcération.
Il écrit avant de mourir ses Couplets d’un condamné à sa femme, après son jugement.

Le 20 février 1794
Claude-François Bertrand de Boucheporn (1741-1794), ancien intendant de l’Ancien Régime, est condamné à mort.
Le 16 mars 1794
Procès de Pierre Quétineau (1756-1794), général républicain envoyé en Vendée. Après une défaite contre les forces royalistes, il est arrêté par la Convention.
Le 17 mars 1794
Pierre Quétineau est condamné à mort.
Du 21 au 24 mars 1794
Procès des hébertistes dont l’épouse de Quétineau.
Tous, une vingtaine, sauf un qui a servi de « mouton », sont condamnés à mort.
Ils sont envoyés le soir même à la guillotine. Hébert hurle de terreur, lui qui a réclamé la tête de tant de personnes !

Le 31 mars 1794
C’est au tour de Danton et de ses amis à être en état d’arrestation.
Après une mise au secret au Luxembourg, ils sont tous envoyés à la Conciergerie.
La plupart avocats, ils se sentent capables de se défendre par eux-mêmes. Ils ont oublié que l’adresse de Barnave n’a pas suffi à le sauver…

Le 2 avril 1794
Début du procès des dantonistes. Herman et Fouquier-Tinville se retrouvent dans une situation très inconfortable…
Le 3 avril 1794
Lucile Desmoulins tente désespérément de sauver son mari. Sa malheureuse initiative accélère au contraire la procédure à l’encontre de celui-ci et des siens. Ils n’ont désormais plus droit à la parole, ce qui arrange bien les juges !

Le 5 avril 1794
Danton et ses amis partent à la guillotine.

Le 13 avril 1794
Lucile Desmoulins, la femme d’Hébert, le procureur de la Commune Chaumette, l’évêque constitutionnel de Paris Gobel et vingt autres personnes de bords divers voire opposés, sont tous envoyés à la guillotine.
Le 14 avril 1794
Vingt-quatre anciens parlementaires de Paris sont envoyés à la guillotine.
Des représentants des anciens parlements de province les suivront dans les jours qui suivent.
Que pensent-ils de ce Palais qui fut le leur devenu l’antichambre de la mort ?
Fouquier-Tinville, le magistrat raté, prend sa revanche…
Le 14 avril 1794
Vingt-quatre anciens parlementaires de Paris sont envoyés à la guillotine.
Des représentants des anciens parlements de province les suivront dans les jours qui suivent.
Que pensent-ils de ce Palais qui fut le leur devenu l’antichambre de la mort ?
Fouquier-Tinville, le magistrat raté, prend sa revanche…
Le 17 avril 1794
Condamnation à mort de Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont (1729-1794).
Elle était la soeur du ministre Choiseul, égérie de son parti et salonnière. Mais en en 1794, elle est surtout une vieille dame qui n’a plus rien à voir avec l’actualité.

Le 22 avril 1794
C’est enfin le tour de personnalités des années précédant la Révolution, opposées à Louis XVI et qui obligèrent celui-ci à appeler les états-généraux :
Jean-Jacques Duval d’Eprémesnil dont le souvenir des actions dans les années 1787-1788 nous restent bien présents à l’esprit dans cet article, Isaac Le Chapelier (1754-1794) qui donna son nom à la loi interdisant aux ouvriers de se réunir, mais aussi fondateur du club des jacobins, et Jacques-Guillaume Thouret (1746-1794) à l’initiative de la création des départements et autres réformes judiciaires et administratives qui commença sa carrière politique comme agitateur du parlement de Rennes.
Trois hommes qui avouons-le sont largement responsables de ce qui se passa à partir de 1789 !
Cela n’empêche pas les juges du tribunal révolutionnaire de les amalgamer avec d’autres personnes cette fois totalement innocentes politiquement ou ayant prouvé leur fidélité à Louis XVI.
Incarcéré depuis plusieurs mois avec toute sa famille, Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes (1721-1794) est lui aussi guillotiné ce jour-là.
Le suivent sa fille Antoinette, son gendre le marquis de Rosanbo, son petit-gendre Jean-Baptiste de Chateaubriand (frère aîné de l’écrivain) et deux de ses secrétaires.

La comtesse de Grammont, ancienne dame pour accompagner la Dauphine Marie-Antoinette et madame du Châtelet, certainement belle-fille de la célèbre Emilie, accompagnent la famille du magistrat.
Doit les suivre également la comtesse Lubormiska, Polonaise, accusée de correspondance avec madame du Barry. Elle se déclare enceinte et elle est pour l’instant momentanément sauvée mais toujours enfermée à la Conciergerie.
Le pire reste à venir.
Le 24 avril 1794
Aline de Rosanbo (1771-1794), petite-fille de Malesherbes rejoint sa famille dans la mort.
A quoi ou à qui doit-elle ce répit qui est la pire des tortures ? Un soupçon de grossesse ? Des scrupules de la part du tribunal rapidement étouffés ?
Le même jour, Fouquier continue dans l’horreur.
Trente-trois habitants de Verdun partent à la guillotine pour avoir remercié par des dragées, production locale, le général de Brunswick qui a épargné la ville lors de son siège.
Fouquier, par un geste « magnanime » épargne les deux plus jeunes, Claire Trabouillot (17 ans) et Barbe Henry (15 ans) par vingt ans de réclusion après six heures d’exposition place de la Révolution sur un échafaud placé en face de celui où ces jeunes personnes peuvent voir leur famille assassinée.
Elles seront libérées à la chute de Robespierre.
Le 26 avril 1794
Après avoir envoyé à la guillotine son cousin Camille Desmoulins qui l’a tant aidé dans sa carrière, Fouquier-Tinville continue à se débarrasser de ceux qui ont connu son passé misérable.
C’est au tour de Denis-François Angran d’Alleray (1716-1794), comte des Maillis, seigneur d’Alleray, de Groslay et de Bazoche-Condé, lieutenant civil au Châtelet de Paris, dernier seigneur de Vaugirard et accessoirement, protecteur de l’actuel accusateur public !

Les juges demandent au vieil homme s’il connaît la loi interdisant de financer l’émigration, alors qu’il est accusé d’avoir envoyé de l’argent à ses enfants émigrés, répond :
« Non, mais j’en connais une plus sacrée : c’est celle qui ordonne aux pères de nourrir leurs enfants. »
Le 28 avril 1794
Le dernier lieutenant de police de Paris, Louis Thiroux de Crosne (1736-1794) est lui aussi condamné à mort pour avoir :
« été convaincu de complots et conspirations contre la liberté, la sûreté et la souveraineté du peuple français »
Journal de Paris du 29 avril 1794
Formule d’une extrême banalité…
Il est accompagné de Jean-Frédéric de La Tour du Pin Gouvernet (1727-1794), ancien ministre de la Guerre de Louis XVI qui a surtout eu le malheur d’être témoin à décharge lors du procès de Marie-Antoinette.

Le 5 mai 1794
Après plusieurs mois d’emprisonnement hors de Paris, Antoine Lavoisier (1743-1794) et vingt-sept de ses anciens collègues fermiers généraux sont incarcérés à la Conciergerie.

Durant le procès, Lavoisier demande un sursis afin d’achever une expérience des plus importantes pour l’humanité.
Le président du tribunal, Coffinhal lui répond : « La république n’a pas besoin de savants ! »
Tout est dit…
Le 8 mai 1794
Exécution des fermiers généraux place de la Révolution.
Le 10 mai 1794
Arrivée la veille au soir à la Conciergerie, le procès d' »Elisabeth Capet » et de vingt-cinq autres prévenus est rapidement expédié.

Comme on l’apprendra après la chute de Robespierre, les certificats de décès ont été rédigés préalablement au verdict.
Si l’on a longtemps pensé expulser Madame Elisabeth du territoire français, son sort est scellé depuis son interrogatoire d’octobre 1793.
A Fouquier-Tinville qui la qualifie de « soeur du tyran », elle rétorque :
« Si mon frère eût été ce que vous dites, vous ne seriez pas là où vous êtes, ni moi, là où je suis ! »

Tous les prévenus se tournent vers la princesse.
Elle encourage ses compagnons à la mort, à cette dure fatalité, elle rassure, elle écoute, elle conseille … en un mot elle est le pilier psychologique de cette fournée pour l’échafaud.
Chaque condamné s’incline devant la princesse qui donne le baiser de paix à chacune des dames gravissant l’échafaud… parmi les compagnons d’infortune de la princesse, on compte Louis-Marie de Loménie, comte de Brienne, le frère du ministre de Louis XVI, lui-même secrétaire d’État à la Guerre, ainsi que ses trois fils.

On note le silence de la foule durant sa montée des marches et sa mort… même pas de tambours le temps semble s’être arrêté… Tandis qu’on l’attache sur la planche , son fichu de mousseline glisse, découvrant ses épaules.
« Au nom de la pudeur, couvrez-moi. » demande-t-elle au bourreau.
Madame de Sillery est épargnée car enceinte. Elle est transférée à l’hospice de l’archevêché. Plus tard elle témoignera au procès de Fouquier-Tinville…
Le 9 juin 1794
Après de longues suppliques et le soutien des députés siégeant tout près, les riverains de la place de la Révolution obtiennent enfin que la guillotine soit déplacée.
Le sang et l’odeur devenaient insoutenables…
On l’envoie place de la Bastille.
Le 10 juin 1794
La loi du 22 prairial An II, redéfinit et amplifie considérablement les critères organiques de la loi de 1793 et énonce la présence d’un président, quatre vice-présidents, douze juges et cinquante jurés.
Cette loi modifie aussi les dispositions procédurales de la loi de 1793 en supprimant l’interrogatoire préalable à la rédaction de l’acte d’accusation et les recours aux témoins et avocat pendant l’audience.
Le juge n’a désormais le choix qu’entre l’acquittement ou la peine de mort. Il n’y a plus d’emprisonnement ou de déportation possibles.
Le 12 juin 1794
Après soixante-treize exécutions, la guillotine est de nouveau déplacée, le sol de l’ancienne forteresse n’absorbant pas suffisamment le sang répandu…
Le 13 juin 1794
Il est décidé que la guillotine sera désormais hors des barrières de la ville, sur la place du Trône renversé, révolution oblige, actuelle place de la Nation.
Le 17 juin 1794
Michonis, ainsi que ses collègues Froidure et Soulès sont dans la liste des cinquante-quatre condamnés portant la fameuse chemise rouge des « régicides », accusés d’avoir voulu assassiner Collot d’Herbois et Robespierre, mais aussi comme ennemis du peuple en général, conjurés avec l’étranger, trafiquants…
On y retrouve aussi pêle-mêle l’administrateur de police Dangé que le jeune Louis XVII avait compromis, des domestiques, des nobles dont le fils de l’ancien lieutenant de police Sartine, mesdames de Saint-Amaranthe, salonnières, l’actrice Marie de Grandmaison (1761-1794), maîtresse du baron de Batz, des artisans… Et madame d’Esprémesnil (1749-1794).
Certains n’ont qu’entre dix-sept et vingt ans.
Des gens qui ne se connaissent pas du tout pour la plupart et qu’on accuse de complicité.

Le 20 juin 1794
La veuve du général Quétineau envoie une lettre destinée à Fouquier-Tinville le suppliant de l’envoyer au supplice :
« (…)Ainsi, songe à faire ton devoir, je ferai le mien et je saurai mourir en te méprisant ainsi que tous ceux qui te ressemblent. »
Quelques jours plus tard
Vingt jeunes filles venues du Poitou, ne parlant que leur patois, ne comprennent rien à leur procès ni ce qu’elles font dans la charrette des condamnés…
Le 7 juillet 1794
Soixante-neuf personnes, de dix-huit à quatre-vingts ans, sont envoyés à la guillotine.
Le 9 juillet 1794
Il est temps d’envoyer à la guillotine les épouses de ceux partis l’avant-veille et de nombreuses autres personnes qui ne devaient même pas comprendre ce qu’elles faisaient là.
Le tribunal épargne la citoyenne Sainte-Marie (c’est dire sa clémence !), quatorze ans, à vingt ans de détention.
Le 17 juillet 1794
Condamnation à mort des seize carmélites de Compiègne.

Huit autres anonymes les suivent.
Le 23 juillet 1794
Condamnation à mort d’Alexandre de Beauharnais (1761-1794), ancien président de l’assemblée constituante. Il est accusé d’avoir perdu Mayence sous les ordres du général Custine.
Le 24 juillet 1794
Marguerite Emilie Félicité Chalgrin (1760-1794), fille du peintre Joseph Vernet et épouse du sculpteur, est condamnée à mort officiellement pour avoir conservé des chandelles estampillées de la maison de Provence.
En réalité, elle a repoussé les avances du peintre David.

Cinquante-cinq autres personnes partent aussi pour la guillotine, dont Rosalie Filleul, née Bocquet, amie d’enfance de la grande portraitiste et elle aussi artiste, protégées toutes trois du couple royal…
Du 25 au 26 juillet 1794
Cent trente-trois condamnations sont prononcées.
L’accusateur considère que les tribunes permettant de contenir seulement (!) soixante-dix huit accusés ne suffisent plus. Il faut envisager de la place pour quatre cents personnes…
Le président du tribunal Dumas pense à construire un amphithéâtre dans la grande galerie. Les menuisiers commencent leurs travaux.
Le 27 juillet 1794 (ou le 9 thermidor)
La dernière charrette, emportant cinquante-trois personnes, dont la princesse de Monaco (1766-1794), née Choiseul-Stainville, est plusieurs fois arrêtée lors de son parcours jusqu’à la place du Trône renversé : en effet, au même moment se déroule le complot mettant fin au pouvoir de Robespierre.

Mais ce n’est pas suffisant. Ces dernières victimes de la Terreur n’échapperont pas à leur sort.
Le 28 juillet 1794, à treize heures
Les robespierristes comparaissent devant le tribunal révolutionnaire.
Le président Coffinhal et l’accusateur public restent imperturbables, jugeant pourtant celui à qui ils doivent tout.
« Es-tu bien Maximilien Robespierre, âgé de trente-cinq ans, né à Arras et ci-devant député à la convention nationale ? »
Robespierre ne peut plus parler. Il répond par un signe de tête.
Fouquier demande la mort selon l’application de la loi.
Sont également condamnés vingt et une personnes dont :
Georges Couthon (1755-1794), député à la convention, René-François Dumas (1753-1794), ex-président du tribunal révolutionnaire, Jean-Baptiste Fleuriot-Lescot (1761-1794), maire de Paris, François Hanriot (1759-1794), commandant de la garde nationale, Augustin Robespierre (1763-1794), député à la convention, Louis-Antoine Saint-Just (1767-1794), Antoine Simon (1736-1794), « gouverneur » de Louis XVII…
A seize heures trente
Les charrettes transportant les condamnés traversent la cour de Mai.
Il faut une heure et demi à celles-ci pour rejoindre la place de la Révolution où la guillotine a été spécialement ramenée tant la foule est dense et soulagée de savoir la fin du cauchemar.
Il a fallu ménager les douleurs de certains condamnés : Robespierre n’en a plus pour longtemps, enveloppé de pansements, Couthon est quant à lui infirme et Robespierre le jeune, estropié après son suicide raté.
On transporte aussi le cadavre de Philippe-François-Joseph Le Bas (1764-1794) qui lui a réussi son coup de pistolet.
A dix-huit heures
Le chagrin ou les souffrances des condamnés, Robespierre hurlant de douleur lorsque Sanson l’installe sur la planche, n’entame en rien l’allégresse de la foule.

D’autres nombreux robespierristes beaucoup moins célèbres sont arrêtés.
Le 29 juillet 1794
Soixante-et-onze membres de la Commune partent à leur tour pour la guillotine.
Le 30 juillet 1794
Suivis de treize autres !
Le 1er août 1794
Fouquier-Tinville erre dans ses locaux, désoeuvré. Que faire ? Il voit ses deux secrétaires bavarder tranquillement.
Il se fâche. L’un d’eux hausse des épaules et se fait traiter d’insolent. A quoi le secrétaire répond : « Je ne suis pas insolent, seulement je n’ai plus peur de mourir. »

Ce même jour, l’accusateur est arrêté. Il croit à une méprise et attend tranquillement qu’on se rende compte de l’erreur. Il n’a rien à se reprocher…
Les autres prisonniers apprenant la nouvelle lui hurlent dessus, l’insultent, l’invectivent. Il faut l’enfermer seul dans un cachot.
Il ne lui reste plus qu’à écrire pour se justifier :
« Je n’étais pas le complice de Robespierre. Je n’ai fait qu’obéir. »
La même phrase tant entendue lors des procès des exécuteurs des régimes totalitaires…
Le 5 août 1794
Coffinhal, est condamné à mort.
Le 10 août 1794
Le tribunal est réorganisé. Les prisons s’ouvrent peu à peu. Les nouveaux détenteurs du pouvoir craignent toujours autant les complots anti-révolutionnaires.
Le 10 août 1794
Le tribunal est réorganisé. Les prisons s’ouvrent peu à peu. Les nouveaux détenteurs du pouvoir craignent toujours autant les complots anti-révolutionnaires.
DES | PEINES PRONONCEES |
||||
Acquittement | Emprisonnement | Déportation | Condamnation à mort | TOTAL | |
Avril 1793 | 16 | 0 | 0 | 9 | 25 |
Mai 1793 | 23 | 0 | 2 | 9 | 34 |
Juin 1793 | 33 | 0 | 3 | 15 | 51 |
Juillet 1793 | 47 | 3 | 1 | 14 | 65 |
Août 1793 | 36 | 1 | 1 | 5 | 43 |
Septembre 1793 | 42 | 6 | 6 | 22 | 76 |
Octobre 1793 | 17 | 12 | 1 | 18 | 48 |
Novembre 1793 | 91 | 6 | 2 | 67 | 166 |
Décembre 1793 | 101 | 5 | 0 | 61 | 167 |
Janvier 1794 | 106 | 8 | 12 | 68 | 194 |
Février 1794 | 79 | 1 | 5 | 116 | 201 |
Mars 1794 | 59 | 3 | 0 | 155 | 217 |
Avril 1794 | 45 | 8 | 3 | 65 | 121 |
Mai 1794 | 155 | 12 | 0 | 354 | 521 |
Juin 1794 | 164 | 0 | 0 | 509 | 673 |
Juillet 1794 | 292 | 0 | 0 | 1138 | 1430 |
TOTAL | 1306 | 65 | 36 | 2625 | 4032 |
Sources : « Actes du Tribunal révolutionnaire de Paris » commentés par G. Walter
Le nouveau tribunal révolutionnaire acquitte plus qu’il ne condamne à mort.
Le 16 décembre 1794
Carrier est à son tour condamné à mort, avec deux de ses complices, Pinard et Grandmaison.

Le 18 décembre 1794
Le public fustige la décision du tribunal qui acquitte les vingt-sept autres complices de Carrier. Le conventionnel Legendre casse l’arrêt et envoie les condamnés à Nantes où ils seront jugés.
Le 20 mars 1795
Martial Herman est à son tour en état d’arrestation.
Le 28 mars 1795
S’ouvre enfin le procès de Fouquier-Tinville. Depuis le mois d’août dernier, il passe de prison en prison tant ses codétenus ne cachent pas leur envie de meurtre à son égard. Il revient enfin à la Conciergerie où il se considère chez lui.
Le procès dure trente-neuf jours !
Alors que Fouquier se vantait de pouvoir en expédier en un quart d’heure !
Quinze de ses collègues du tribunal révolutionnaire sont aussi jugés.
Ils peuvent enfin assister à un procès digne de ce nom, le leur !
Seuls quelques-uns de leurs jugements des plus scandaleux ont été retenus dans l’acte d’accusation.
Quinze jurés ont été choisis de province afin d’éviter toute passion parisienne.

De nombreux témoins défilent, dont les greffiers et huissiers du tribunal qui dénoncent la sinistre routine des procédures expéditives.
Mais ce sont les familles douloureusement touchées qui apportent les témoignages les plus accablants.
Madame de Sérilly prouve par son propre exemple que les actes de décès étaient préalablement remplis avant l’exécution. Elle a échappé par une grossesse à la fournée emmenant notamment madame Elisabeth. Elle est désormais veuve, avec cinq enfants en bas-âge, ruinée.
On découvre aussi que les charrettes étaient déjà prêtes avant même la fin des procès.
Le cas de madame de Saint-Pern est tout aussi pathétique : elle dénonce l’exécution de son fils, dix-sept ans, confondu avec son père.
Fouquier-Tinville se défend sans avocat, sa mémoire surprend tant il se rappelle de chaque affaire et sait toujours se justifier.
Mais la foule de spectateurs, les Parisiens en dehors réclament ces têtes à qui ils doivent des mois de frayeur.
Le 6 mai 1795
Si le nouveau tribunal ne peut que constater qu’il a existé et existe encore des complots anti-révolutionnaires à combattre, que Fouquier et ses acolytes ont bien fait leur devoir en les dénonçant et les punissant, il est incontestable qu’ils ont commis trop d’excès, erreurs et horreurs, bien éloignés des principes des droits de l’homme, résumés dans le jugement final :
JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE ÉTABLI A PARIS ;
Le 17 floréal an III (6 mai 1795)
Qui, sur la déclaration du jury de jugement ;
Portant à l’unanimité Qu’il est constant qu’il a été pratiqué au tribunal révolutionnaire, séant à Paris, dans le courant de l’an deuxième de la République française, des manœuvres ou complots tendant à favoriser les projets liberticides des ennemis du peuple & de la République, à provoquer la dissolution de la représentation nationale , & le renversement du régime républicain , & à exciter l’armement des citoyens les uns contre les autres.
Notamment, en faisant périr, sous la forme déguisée d’un jugement, une foule innombrable de Français , de tout âge et de tout sexe; en imaginant, à cet effet, des projets de conspiration dans les diverses maisons d’arrêt de Paris & de Bicêtre ; en dressant ou faisant dresser, dans ces différentes maisons, des listes de proscriptions ;
En rédigeant, de concert avec certains membres des anciens comités de gouvernement, des projets de rapport sur ces prétendues conspirations, propres à surprendre la religion de ces comités & de la Convention nationale, et à leur arracher des arrêtés & des décrets sanguinaires ;
En amalgamant dans le même acte d’accusation, mettant en jugement, faisant traduire à l’audience & au supplice, par leurs personnes de tout âge, de tout sexe, de tout pays, & absolument inconnues les unes aux autres ;
En requérant & ordonnant l’exécution de certaines femmes qui s’étaient dites enceintes & dont les gens de l’art avoient déclaré ne pouvoir pas constater l’état de grossesse ;
En jugeant, dans deux, trois ou quatre heures au plus, trente, quarante, cinquante & jusqu’à soixante individus à-la-fois ;
En encombrant sur des charrettes destinées pour l’exécution du supplice, des hommes, des femmes, des jeunes gens, des vieillards, des sourds, des aveugles, des malades & des infirmes ;
En faisant préparer ces charrettes dès le matin, & longtemps avant la traduction des accusés à l’audience ;
En ne désignant pas, dans les actes d’accusation, les qualités des accusés d’une manière précise, de sorte que, par cette confusion, le père a péri pour le fils, & le fils pour le père.
En ne donnant pas aux accusés connaissance de leur acte d’accusation ; en la leur donnant au moment où ils entraient à l’audience ;
En livrant, avant la rédaction du jugement, la signature au greffier sur de papiers blancs, de sorte qu’il s’en trouve encore plusieurs, dans le préambule & le vu desquels se trouvent rappelées grand nombre de personnes, qui toutes sont exécutées, mais contre lesquelles ces jugements ne renferment aucune disposition ;
En n’écrivant pas ou ne faisant pas écrire la déclaration du jury, au bas des questions qui lui étaient soumises ;
Lesquelles deux dernières prévarication, suite nécessaire de la précipitation criminelle des juges dans l’exercice de leurs fonctions, ont pu donner lieu à une foule d’erreurs et de méprises, dont une se trouve parfaitement constatée dans la personne de Pérès ;
En refusant la parole aux accusés & à leurs défenseurs ; en se contentant d’appeler les accusés par leurs noms, âges & qualités, & leur interdisant toute défense ;
En faisant rendre, sous prétexte d’une révolte qui n’exista jamais, des décrets pour les mettre hors des débats ;
En ne posant pas les questions soumises au jury, en présence des accusés ;
En choisissant les jurés, au lieu de les prendre par la voix du sort ;
En substituant aux jurés de service d’autres jurés de choix ; en jugeant & condamnant des accusés sans témoins & sans pièces, en n’ouvrant pas celles qui étaient envoyées pour leur conviction ou leur justification, en ne voulant pas écouter les témoins qui étaient assignés ;
En mettant en jugement des personnes qui ont été condamnées & exécutées avant la comparution des témoins, & l’apport des pièces demandées & jugées nécessaires pour effectuer leur mise en jugement ;
En faisant conduire sur le lieu destiné au supplice d’un grand nombre d’accusés, & rester exposé pendant le temps de leur exécution, le cadavre d’un de leurs co-accusés qui s’était poignardé pendant la prononciation du jugement ;
En donnant une seule déclaration sur tous les accusés en masse, en proposant de saigner les condamnés pour affaiblir le courage qui les accompagnait jusqu’à la mort ;
En corrompant la morale publique par les propos les plus atroces, & les discours les plus sanguinaires ;
En entretenant des liaisons, des correspondances, & des intelligences avec les conspirateurs déjà frappés du glaive de la loi ;
Qu’Antoine-Quentin Fouquier, ex-accusateur public du tribunal révolutionnaire, est convaincu, à l’unanimité, d’être l’auteur de ces manœuvres & complots, & de même, à l’unanimité, qu’il a agi avec mauvaise intention ;
Qu’Etienne Foucault, ex-juge, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots, mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & qu’à la majorité de six voix, il a agi avec mauvaise intention ;
Qu’Antoine-Marie Maire, ex-juge, à l’unanimité, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots; mais qu’il est convaincu, à la majorité, d’en être le complice, & à la majorité de six voix, qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Que Gabriel-Toussaint Scellier, ex-juge & vice-président, à l’unanimité, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots, mais qu’il est convaincu de même à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Charles Harny, ex-juge, à l’unanimité, n’est pas convaincu d’être l’auteur de ces manœuvres et complots, mais qu’il est convaincu, à la majorité de dix voix, d’en être le complice, mais à la majorité de dix voix, qu’il a agi sans mauvaise intention; Que Gabriel Déliege, ex-juge & vice-président, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots; qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, mais a la majorité de sept voix qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Que Pierre-Garnier Launay, ex-juge, n’est pas convaincu d’être l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Marc-Claude Naulin, ex-vice-président, n’est pas convaincu d’être l’auteur de ces manœuvres & complots, qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice; mais qu’à la majorité de dix voix, il a agi sans mauvaise intention ;
Que François-Marie Delaporte, ex-juge, n’est pas convaincu d’être auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à la majorité de neuf voix, d’en être le complice; mais, à l’unanimité, qu’il a agi sans mauvaise intention ;
Que Jean-Baptiste Lohier, ex-juge, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu à l’unanimité, d’en être le complice; & de même, à l’unanimité, qu’il a agi sans mauvaise intention ;
Que François Trenchard, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots, & à l’unanimité, qu’il en est le complice ; mais à la majorité de six voix, qu’il a agi sans mauvaise intention ;
Que Pierre-Nicolas-Louis Leroy, dit Dix Août, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots, mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Léopold Renaudin, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Joachim Villatte, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, &, à la majorité de neuf voix, d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Maurice Dupleix, ex-jure, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots, &, à la majorité de huit voix, qu’il n’en est pas le complice ;
Que Jean-Louis Prieur, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Louis Châtelet, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Jean-Etienne Brochet n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, &, à la majorité de dix voix, qu’il a agi sans mauvaise intention ;
Que Pierre-Nicolas Chrétien, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice; &, à la majorité de six voix, qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Que Georges Ganney, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice; mais de même, à l’unanimité, qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Que François Girard, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Benoît Trey, ex-juré, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & de même, à l’unanimité, qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Que Pierre-Joseph Boyenval, tailleur, n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, &, à la majorité de dix voix, d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Jean-Baptiste-Toussaint Beausire, à l’unanimité, n’est pas convaincu d’être l’auteur ou le complice de ces manœuvres ou complots ;
Que Pierre-Guillaume Benoît n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, &, à la majorité de dix voix, d’avoir agi avec de mauvaises intentions ;
Que Marie-Emmanuel-Joseph Lanne n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention;
Que Joseph Verney n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, & d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Jean Guyard n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à la majorité de neuf voix, d’en être le complice, &, à la majorité de neuf voix, de n’avoir pas agi avec mauvaise intention ;
Que François Dupaumier n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu, à la majorité de dix voix, d’en être le complice, &, à la majorité de six voix, d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Armand Martial-Joseph Hermann n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; mais qu’il est convaincu, à l’unanimité, d’en être le complice, &, à la majorité de six voix, d’avoir agi avec mauvaise intention ;
Que Jean-Louis Valagnos n’est pas l’auteur de ces manœuvres & complots ; qu’il est convaincu à la majorité de sept voix, d’en être le complice; mais, à la majorité de neuf, qu’il n’a pas agi avec mauvaise intention ;
Condamne Fouquier, Foucault, Sellier, Garnier-Launay, Leroy, dit Dix-Août, Renaudin, Villatte, Prieur, Chatelet, Boyenval, Girard , Benoît, Lanne, Verney, Dupaumier, Hermann, à la peine de mort, conformément à l’article deux, deuxième section du titre premier, & article premier du titre trois du code pénal, & à la loi du 4 décembre 1792.
http://levieuxcordelier.fr/proces-de-fouquier-tinville/
De tous ces condamnés, simples exécuteurs des lois du comité de salut public dominé par Robespierre, c’est bien Fouquier-Tinville le responsable de tout ce qu’il y a eu de plus horrible dans ce tribunal révolutionnaire. Il est allé largement au-delà de ce que lui demandait Robespierre.
Les autres mourront aussi d’avoir été ses complices. Ils le savaient, ils n’ont rien dit.
Le 31 mai 1795
Suppression du tribunal révolutionnaire.
Bibliographie :