
Depuis le Moyen Âge
Les Rois de France possèdent un rendez-vous de chasse à la Muette … ce sera le séjour préféré de Marie-Antoinette !
L’origine du nom « Muette » est controversée. Il peut faire référence à la mue des cerfs ou à celle des faucons, ou bien désigner une meute de chiens dans une ancienne orthographe.
Le château initial est l’œuvre de Pierre Chambiges commandé par François Ier. De forme très découpée, il comporte cinq étages avec au centre un corps carré abritant les pièces de réception et de vie et, dans quatre tours d’angles, de petits appartements. Il est complété au nord par une chapelle et au sud, lui faisant pendant, une cage d’escalier.
Le château de Madrid, d’abord appelé château de Boulogne, est une résidence royale bâtie dans le bois de Boulogne. Il était situé sur l’actuelle commune de Neuilly-sur-Seine, à l’angle du Boulevard Commandant Charcot et du Boulevard Richard Wallace correspondant aujourd’hui à la Porte de Madrid, tandis que les jardins s’étendaient jusqu’à la rue du Bois de Boulogne.

François Ier l’utilise pour la chasse et pour un séjour intime avec sa famille et ses amis, à l’écart de la cour du château «vieux» de Saint Germain en Laye. Comme à Saint Germain, la construction mêle brique et pierre. Philibert de l’Orme le surélève pour aménager une salle de jeu de paume surmonté d’une terrasse belvédère en plomb.

Les travaux sont dirigés par le Florentin Girolano della Robbia et les Tourangeaux Pierre Gadier et Gatien François. On pense que François Ier prit personnellement part à la conception de ce chef-d’œuvre majeur de la Renaissance Française.
A partir de 1548
L’architecte Philibert Delorme dirigea des travaux. Il est remplacé par Le Primatice en 1559, qui rappelle della Robbia. On considère que les travaux sont achevés entre 1568 et 1570.

Il a souvent été rapporté que le château aurait été inspiré par l’Alcazar Royal de Madrid, ce qui lui aurait donné son nom. Le nom de Madrid pourrait cependant avoir une autre origine. François Ier s’éclipsant discrètement au Château de Boulogne, construit juste après son retour de captivité à Madrid à la suite de la défaite de Pavie, les courtisans prirent l’habitude, par dérision, de dire, quand ils ne voyaient plus le souverain, qu’il était à Madrid. Peu à peu, le château de Boulogne prit le nom de Madrid.

La disposition du plan viendrait de la villa de Boffalora, construite près de Busseto en Italie par l’entourage de Cristoforo Solari au début du XVIe siècle. Ce parti-pris général s’additionne d’influences italiennes, avec la disposition en H de la partie centrale, et françaises, avec le dessin des pavillons cantonnés de tours et la distribution intérieure, qui s’inspire des exemples de Chenonceau, et de Chambord, repris ensuite à La Muette.
La célébrité du château tient, notamment, au riche décor des terres cuites émaillées en bas-relief dont Girollano della Robbia avait recouvert la presque totalité des façades, et à la somptuosité du décor intérieur. Pour cette raison, il était également appelé le château de faïence.
Abandonné dès le règne d’Henri II, ce premier château est largement écroulé sous le règne de Louis XIV et il est rasé dès 1666.
Le château est l’une des résidences parisiennes privilégiées par Charles IX et Catherine de Médicis. Il est notamment au cœur des événements politiques qui précèdent la Saint Bathélémy.
En 1572
Ce rendez-vous de chasse est transformé par Charles IX (1550-1574) en un petit château qu’il offre à sa sœur, Marguerite de Valois (1553-1615), dite la Reine Margot, à l’occasion de son mariage avec le futur Henri IV.

Délaissé par Henri III, il est habité par Marguerite de Valois à partir de son retour en grâce un peu avant de revenir à Paris en août 1605.
En 1606
Marguerite de Valois fait don du château au Dauphin, son filleul, futur Louis XIII (1601-1643).

Louis XIII fréquenta encore un peu cette demeure royale, notamment dans les années 1610.
Louis XIV n’y vient pas. Dès l’achèvement de Versailles, le château de Madrid n’a plus d’histoire politique. Par lettres patentes de Louis XIV, Jean Hindret y établit en 1656 la première Manufacture de bas de Soie au métier en France. Le château sert de logement à Fleuriau d’Armenonville, capitaine des gardes de La Muette et des chasses du Bois de Boulogne, futur garde des Sceaux sous la Régence.
En 1657
Le château est en fort mauvais état.
En 1717
Le Régent, Philippe d’Orléans (1674-1723), achète la Muette pour sa fille, Marie-Louise-Elisabeth, duchesse de Berry (1695-1719), en échange du château de Madrid, lui aussi situé dans le bois de Boulogne. Le Régent fait aménager le petit château de chasse et l’agrandit sensiblement.

La Muette s’étend alors du Ranelagh jusqu’à la plaine des Sablons.

La duchesse de Berry s’installe au château de la Muette où elle donne des fêtes superbes, recevant notamment le Tsar de Russie Pierre le Grand (1672-1725). Accumulant les amants, la fille aînée du Régent passe le printemps et l’été 1717 à la Muette pour y mener à terme une de ses maternités de veuve.

Au printemps 1717
Comme le dit le jeune Voltaire, la duchesse de Berry s’enferme au château de la Muette au printemps 1717 pour mettre fin à une grossesse illégitime, comme le racontent les ragots de la Cour.
Fin juillet 1717
La duchesse de Berry accouche en secret mais la jeune veuve a déjà donné naissance à une fille fin janvier 1716, cinq mois seulement après avoir emménagé au palais du Luxembourg. Elle meurt ensuite à la Muette
Le 20 juillet 1719
La duchesse de Berry meurt des suites d’un nouvel accouchement clandestin.

Le Régent fait racheter le domaine par la Couronne.
Entre 1741 et 1745
Louis XV fait entièrement reconstruire le château de la Muette par les célèbres architectes Jacques V Gabriel (1667-1742) et Ange-Jacques Gabriel (1698-1782). Ils élèvent un vaste corps de logis, flanqué de deux grands pavillons et de nombreuses dépendances. Cependant, Louis XV désire un pavillon de chasse de dimensions plus petites.

Reconstruction moderne voulue par Henri de Rothschild après qu’il eut détruit le château de Louis XV racheté à la succession du comte de Franqueville … C’est donc un hôtel particulier qui n’a rien à voir avec la demeure des rois puis de la famille Erard.

Gabriel travaille alors à la construction du Petit Trianon et reprend, pour le dessin de la façade méridionale, des proportions analogues, réservant au premier niveau, de grande hauteur, les espaces de réception, et à l’étage, de hauteur plus modeste, les appartements intimes.

Il est décidé en cours de travaux de compléter le bâtiment d’une salle octogonale, au nord, surmonté d’une terrasse belvédère destinée à suivre les chasses, comme l’avait fait Philibert de l’Orme dans le premier château.

En sous-sol, Gabriel aménage de vastes cuisines qui rappellent beaucoup, dans leur conception, le réchauffoir de Trianon.




Au premier niveau, légèrement surélevé par rapport aux terrasses, le bâtiment comporte un vaste vestibule central au sud et un salon à l’ouest, qui ont conservé un remarquable pavement à cabochon, un escalier et une pièce de service à l’est, et la grande salle octogonale nord, dotée au XIXe siècle d’un parquet dont le motif central en forme d’étoile a malheureusement disparu.

L’étage comporte deux chambres, au sud et à l’ouest, et une pièce de service.



Au-dessus du comble, la terrasse belvédère aménagée au début du règne de Louis XVI est toujours présente mais est en très mauvais état, les feuilles de plomb trop larges employées pour sa couverture ayant, sous l’effet de la dilatation, finit par se déchirer en de nombreux points, causant la dégradation des charpentes et des plafonds sous l’effet des infiltrations.

A l’extérieur, les plans anciens figurent une vaste allée circulaire plantée d’arbres qui a aujourd’hui disparu. Au nord, une terrasse conforme aux plans originaux a bien été réalisée ; elle a été récemment dégagée. Au sud sont ajoutées une vaste terrasse rectangulaire et une allée pavée qui ne figurent pas sur les plans d’origine. Il était projeté de construire plus au sud, en retrait de l’allée cavalière, un bâtiment pour l’équipage de vénerie, mais c’est finalement une dépendance plus modeste, la maison forestière, qui est érigée immédiatement à l’ouest du pavillon et réunie, sous Charles X, avec un bâtiment d’écuries

En 1749
Le Directeur Général des Bâtiments du Roi: Charles François Paul Le Normant de Tournehem (1684-1751), fait appel à Jacques Dumont dit le Romain pour décorer le salon de deux toiles: La Générosité et La Paix.
En 1750
Le Cabinet de Curiosités de la Couronne est installé dans les jardins de la Muette (à l’emplacement actuel de l’intersection de la rue de Passy et de la rue de la Pompe) et placé sous la supervision de l’abbé Nollet (1700-1770), dont les expériences scientifiques attirent un nombreux public.


En 1753
Louis XV, qui séjourne désormais régulièrement à la Muette, décide de faire tracer une longue allée dans le bois de Boulogne pour rejoindre la Seine aux environs de Saint-Cloud afin de pouvoir, depuis la Muette, avoir vue sur le château de Bellevue, appartenant à Madame de Pompadour (1721-1764). Le Roi envisage même de reconstruire la Muette dans l’axe de cette nouvelle route.
En 1756
Mais la Guerre de Sept Ans éclate et le contraint de renoncer à ces dépenses.

En 1764
Le Dauphin Louis-Auguste (1754-1793) prend possession de la Muette.


Le 15 mai 1770
« La Dauphine quitte Compiègne, s’arrête à Saint-Denis, aux Carmélites, pour rendre visite à Madame Louise, et arrive à sept heures du soir au château de la Muette, où L’attend la magnifique parure de diamants que Lui offre le Roi. Au souper, madame du Barry obtient du lâche amour de Louis XV de s’asseoir à la table de Marie-Antoinette. Marie-Antoinette sait ne pas manquer au Roi ; et, après le souper, comme des indiscrets lui demandent comment elle a trouvé madame du Barry : « Charmante, » dit-elle simplement.»
Histoire de Marie-Antoinette , Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
A La Muette Marie-Antoinette (1755-1793), assiste avec le Roi et la suite à un grand dîner, puis le Roi et les siens repartent à Versailles.

Marie-Antoinette à la Muette reste pour coucher avec Ses dames pour rejoindre Versailles le matin du 16 mai 1770 pour la cérémonie du mariage. Elle prend plaisir à se promener dans le Bois de Boulogne et ses courtisans trouvent du dernier bien qu’elle y adresse la parole à un vieux fagottier.

Devenue Dauphine, Elle y séjourne à plusieurs reprises.
Le 10 mai 1774
Louis XV meurt de la petite vérole à Versailles vers quatre heures de l’après-midi. Il avait 64 ans.

Le Dauphin Louis-Auguste devient Roi sous le nom de Louis XVI.
Du 19 mai au 16 juin 1774
Séjour de la Cour à la Muette.
Louis XVI quitte Versailles pour des raisons sanitaires. Il signe notamment à la Muette le texte de la Maison de la Reine qui reprend principalement la Maison de Madame la Dauphine, qui était déjà à peu de choses près celle de la Maison de feue la Reine Marie, décédée en 1768.

Lors des couches de Madame de Polignac (1749-1793), qui demeure 9, rue de l’Annonciation, la Reine vient séjourner dans le château pour ne pas quitter Son amie.

En 1774
Lorsqu’il monte sur le trône en 1774, c’est à la Muette que Louis XVI signe l’édit par lequel il renonce au droit de joyeux avènement.
Les 11 et 12 novembre 1774
Louis XVI revient au château de La Muette.
Marie-Antoinette a une véritable passion pour ce domaine . C’est là qu’Elle prend l’idée du Petit Trianon, avec sa ferme et sa laiterie. Elle participe aux bals champêtres que les dames de la Cour imaginent de donner sur la pelouse.
Peu après
Elle inaugure la salle de bal qu’un certain Morisan avait obtenu de construire dans le jardin, lui donnant le nom d’un bal célèbre à Londres, le Ranelagh.
Du 7 au 9 février 1779
Séjour de Louis XVI à La Muette.
Le 24 août 1781
La Cour vient à La Muette : la Reine désire se rapprocher de Madame de Polignac qui doit faire ses couches.

« Après ce dîner, où l’on causa si bien, quoique ce fut un dîner, je fis plusieurs visites ; une en particulier à la duchesse de Polignac, l’amie de la reine; madame de Polignac, dis-je, née de Polastron, était l’amie de cœur de la reine qui en a fait depuis la gouvernante de ses enfants. La reine l’aimait, en effet, si tendrement, que, lorsqu’elle fit ses couches à Passy, Sa Majesté alla s’établir à la Muette, afin de la voir plus à son aise et plus souvent.»
Henriette d’Oberkirch
Du 5 au 23 septembre 1781
Séjour de Louis XVI à La Muette.
Le 27 décembre 1781
Yolande de Polignac accouche à Versailles de Melchior (1781-1855).
Du 20 au 23 janvier 1782
Séjour de Louis XVI à La Muette, à l’occasion de la naissance de Monsieur le Dauphin.
Le 21 janvier, Marie Antoinette part, du château de La Muette, à neuf heures et demie, et prend Ses voitures de cérémonies au rond du Cours ; Sa Majesté, ayant cent gardes du corps du Roi, est accompagnée, dans Sa voiture, de Madame Elisabeth, de Madame Adélaïde, de Mademoiselle de Condé et des princesse de Lamballe et de Chimay.
La Reine, depuis l’endroit où elle a pris Ses voitures de cérémonie, a été au pas, d’abord à Notre Dame, et ensuite à Sainte-Geneviève, pour y rendre grâces à Dieu de la naissance de Monsieur le Dauphin. A une heure et demie, Sa Majesté, que les acclamations ont suivie partout, est arrivée à l’Hôtel de Ville, où elle est reçue au bas de l’escalier suivant l’usage. En entrant dans la grande salle, la Reine y trouve les princes, seigneurs et dames invités, qui L’ont précédée pour La recevoir, et pour y attendre l’arrivée du Roi : tout ce noble cortège est vêtu avec la magnificence digne d’une fête aussi éclatante.
Louis XVI part, du château de La Muette, à une heure moins le quart, et prend ses carrosses de cérémonie au même endroit où la Reine avait pris les siens ; il est escorté de cent cinquante de ses gardes, des chevaux légers, des gendarmes de sa garde ordinaire, et du vol du Cabinet ; tous ces corps marchant à leur rang ordinaire et fixé par les cérémonies.
Louis XVI est accompagné dans sa voiture de Monsieur, de M. le comte d’Artois, du prince de Lambesc, Grand Ecuyer de France, du duc de Coigny, Premier Ecuyer, et du duc d’Ayen, capitaine des gardes du corps en quartier.la foule est si grande sur toute du Roi, qu’elle offrait le plus brillant coup d’œil. Il trouve la même affluence sur toute sa route jusqu’à l’Hôtel de Ville où il arrive, et où il est reçue, selon l’usage, au bas de l’escalier.
Fêtes données au Roi et à la Reine, par la ville de Paris le 21 janvier 1782 à l’occasion de la naissance de monseigneur le Dauphin
Le feu d’artifice. Estampe de Jean-Michel Moreau dit le Jeune
Avant de se mettre à table pour dîner, Leurs Majestés ont la bonté de se montrer plusieurs fois sur le balcon, d’où elles voient le feu d’artifice ; et cette faveur du Roi et de la Reine est sentie et exprimée de la manière la plus vive, par les cris de joie du peuple immense qui était rassemblé dans la place.

A trois heures moins le quart, Leurs Majestés se mettent à table, et le repas somptueux, qui leur est servi, dure près de trois heures. Louis XVI et Marie Antoinette sont placés au bout de la table ; Monsieur est à la droite de son frère et le comte d’Artois à la gauche de la Reine. Madame Elisabeth se trouve immédiatement après Monsieur, Madame Adélaïde après Madame Elisabeth, puis la princesse de Lamballe , et toutes les autres dames, au nombre de soixante-dix, comme elles se sont trouvées, la table étant composée de soixante-dix-huit couverts. Louis XVI est servi par M. de Caumartin, prévôt des marchands, qui lui présente la serviette avant de se mettre à table ; et la Reine par madame de La Porte, nièce de monsieur de Caumartin, qui Lui présente la serviette. Les princes et les princesses de France sont servis par les échevins, le procureur du Roi et le receveur de la Ville. Le dîner a été préparé par les officiers du Roi, et donné par la Ville ; pendant le dîner, il y a de la musique.

Après le service de la table de Leurs Majestés, on sert d’autres tables dans les salles préparées pour les seigneurs et pour les personnes de la suite du Roi et de la Reine.

Desrais ou Desray, Claude-Louis (1746-1816), dessinateur
Après le dîner, Leurs Majestés passent dans la grande salle, où elles tiennent appartement et jeu pendant une heure et demie, depuis cinq heures jusqu’à six heures et demie.

Alors le Roi et la Reine se rendent avec les princes, princesses et tous les seigneurs et dames de la Cour, dans la salle où le dîner s’est déroulé, et d’où elles voient le feu d’artifice, après lequel la Cour est revenue dans la pièce où s’est tenu le jeu.

A sept heures et quart, Louis XVI, reconduit au bas de l’escalier de l’Hôtel de Ville comme il y a été reçu, est reparti de la même manière qu’il était venu ; et la Reine, également reconduite au bas de l’escalier, est parti à huit heures moins le quart, de la manière dont Elle est arrivée : Leurs Majestés retrouvant partout la même affluence du peuple, et les mêmes transports. Leurs Majestés, en retournant, voient plusieurs des illuminations qui se trouvent sur leur route, et notamment celles de la place Vendôme, dont Leurs Majestés ont fait le tour. Elles voient aussi en passant la brillante illumination de la place Louis XV, ayant pour regard le Palais Bourbon, dont l’illumination avait le plus grand éclat.
Les officiers des gardes du corps qui entourent les carrosses du Roi et de la Reine jettent de l’argent en plusieurs endroits. Leurs Majestés, pendant cette journée si précieuse aux parisiens, témoignent partout la satisfaction la plus grande, et font les compliments les plus honorables et les plus flatteurs au prévôt des marchands et à toutes les personnes qui ont eu la direction de cette fête.
Le feu d’artifice est disposé sur le nouveau quai, au moyen duquel la place se trouve agrandie. Il représente le Temple de l’Hymen formé par un portique de colonnes, surmonté d’un fronton et couronné d’un attique. Sur un autel élevé au centre, brûlent, pour la prospérité de la Famille Royale et celle de M. le Dauphin, les offrandes de la Nation. Devant le portique du Temple, on voit la France recevant des mains de l’Hymen l’Enfant auguste et précieux qui vient de naître. L’édifice est surmonté par des enfants et des aigles qui ornent le Temple de guirlandes.

L’Hôtel de Ville étant d’une étendue médiocre pour une si grande occasion et le feu d’artifice étant placé sur le quai, les croisés ne se trouvent plus en face, ni disposées pour jouir du spectacle de cet ensemble. Le besoin d’augmenter le local pour recevoir et placer plus convenablement Leurs Majestés et la Cour, a déterminé à construire une galerie en retour du bâtiment de l’Hôtel de Ville, et en face du feu d’artifice.

En couvrant la cour de l’Hôtel de Ville, on en a formé une très grande salle pour le festin et pour le bal. Les deux étages d’arcades dont elle est décorée, forment des tribunes ornées de tout ce que l’art peut offrir de plus riche, et de plus varié et de plus commode. Dans la pièce appelée la grande salle, Leurs Majestés tiennent appartement et jeu. Une des extrémités est ornée d’un dais magnifique, sous lequel était placé le portrait du Roi en pied, ainsi que les bustes du Roi et de la Reine sur des piédestaux. Deux fauteuils sont placés sur unes estrade élevée au milieu par deux gradins. A l’autre bout est une cheminée ornée d’emblèmes et enrichie d’or et de marbre précieux. Tous les meubles répondent à cette magnificence, ainsi que ceux d’un appartement préparé pour la Reine à un des coins de cette salle : au côté opposé se trouve l’entrée pratiquée pour la grande galerie qui avait été construite. Cette pièce est de 48 pieds de large sur 132 de long et 28 de hauteur. Elle sert pour le dîner de Leurs Majestés, leurs loges et celle de la Cour pour voir le feu ; même richesse, même goût ornements et de meubles. Dans les deux extrémités, on a placé des musiciens qui pendant le dîner, exécutent des symphonies du meilleur choix, et de l’autre, les morceaux de chants les plus agréables. L’édifice était couronné par un attique, divisé en pilastres et bas relief, au milieu duquel s’élève un fronton chargé de cartels et d ‘écussons aux Armes de France. La loge de Leurs Majestés pour voir le feu d’artifice occupe les colonnes du milieu. Le dessus de la loge est en calotte, couvert d’une étoffe cramoisie avec nervures et compartiments, surmonté d’un Dauphin.

Le 23 janvier 1782
la place de l’Hôtel de Ville, l’édifice du feu d’artifice et la galerie sont illuminés le soir pour le bal qui doit terminer la fête. Louis XVI et Marie Antoinette honore ce bal de leur présence ; mais l’affluence étonnante des masques, cet empressement irrésistible qui porte les sujets à s’approcher toujours le plus qu’ils peuvent. Leurs Majestés ne peuvent y rester plus d’une heure.


Le 27 janvier 1782
Le bureau de la Ville de Paris ayant à sa tête le duc de Cossé, gouverneur de Paris, a l’honneur de remercier Louis XVI, Marie Antoinette et la Famille Royale de celui qu’ils lui ont fait d’assister aux fêtes que la Ville a données le 21 et 23 janvier, à l’occasion de la naissance de Monsieur le Dauphin.
De mi-juin au 12 juillet 1783
Séjour de la Cour au château de La Muette.
Du 9 septembre au 30 octobre 1782
Séjour de Louis XVI à La Muette.
Le 21 octobre 1783
Pilatre de Rozier, accompagné du marquis d’Arlandes, s’y élève dans une immense montgolfière fleurdelysée. Ils montent à près de 1000 mètres et descendent, un quart d’heure plus tard, de l’autre côté de Paris, au lieu-dit la Butte-aux-Cailles.

En novembre 1783
Madame de Polastron écrit à Madame de Laage de Volude, du château de la Muette, que le comte d’Artois y est lui-même , et que la Reine s’y est rendue afin d’être plus près de Passy où est Madame de Polignac :
« Tu serais bien aimable de venir samedi au Ranelagh ; la reine y sera et elle serait fort aise de t’y voir. La personne qui t’a parlé de moi ( Artois ) est ici, elle y a dîné et elle y soupe. Elle m’a dit que vous aviez parlé ensemble de plusieurs choses qui nous intéressent.»
En décembre 1783
« Mademoiselle est morte hier, à dix heures du soir. M. le comte d’Artois en est dans le plus grand chagrin. Elle a souffert pour mourir autant qu’une grande personne et avec un courage étonnant; c’est ce qui la fait regretter encore davantage. Tout le château est dans une tristesse mortelle. La petite Madame a la fièvre tierce et hier le roi a été incommodé toute la journée. Comme c’est une chose qui ne lui est pas encore arrivée, on a craint qu’il ne tombât malade; mais ce matin il est très bien et ne souffre plus. Tu vois, ma chère, que tout était éclopé, sauf les personnes auxquelles tu t’intéresses le plus et qui se portent à merveille.
Madame de Polastron à Madame de Laage de Volude
Je crois que les soupers de ma sœur vont commencer mardi; tu serais charmante d’y venir pendant ton séjour à Saint-Germain.»
En février 1788
Pour faire des économies, un édit met en vente les châteaux de la Muette et de Madrid et autorise les acheteurs à procéder à leur démolition. Aucun acheteur ne se présente. Le château est abandonné et cesse d’être entretenu.




Le 14 juillet 1790
Fête de la Fédération.

Les jardins de la Muette voient, le soir de la Fête de la Fédération, le spectacle du banquet offert par la Ville de Paris à 25.000 fédérés enthousiastes, saluant les temps nouveaux et l’aurore de la Liberté.
La Muette est alors abandonnée: Louis XVI, pour alléger ses charges, tente vainement de la vendre.
En 1791
Une partie du parc est défrichée et convertie en carrière. La propriété sera morcelée.
En 1792
Le Cabinet de curiosités est démantelé et ses instruments sont transportés à l’Observatoire de Paris. Le domaine est divisé et vendu par lots.
Le 27 mars 1792
Le château de Madrid est adjugé à une société d’entrepreneurs de démolition qui le payent en assignats. Leroy, l’acquéreur, en vend les boiseries, les plombs et les terres cuites de Della Robbia mais ne parvient pas à l’abattre.

Le 27 juillet 1792
Leroy abandonne alors l’entreprise et le remet en vente pour 34 000 livres et, avec les dépendances, 42 400 livres. Il ne trouve aucun acquéreur.
En 1793
Le corps de bâtiment central est démoli et tous les éléments de décor intérieur sont récupérés et vendus. Les deux ailes sont transformées en guinguettes, une filature de coton est installée dans les communs.
Jusqu’au commencement du règne de Louis XVIII
Une partie sera aliénée, l’autre restera propriété de l’Etat, puis de la Couronne, époque à laquelle elle sera définitivement distraite de la Liste civile.
En 1818
L’une des deux ailes, appelée la petite Muette, est donnée en jouissance au ministre des Finances Louis-Emmanuel Corvetto (1756-1821).
En 1820
Sébastien Érard (1752-1831), le grand fabricant de pianos, paie cette propriété 275.000 francs. Il a construit en 1779 un clavecin avec clavier mobile permettant de monter ou de baisser l’accord d’un demi-ton présenté à Marie-Antoinette.
Charles X fait grand usage du pavillon pour la chasse. Il y reçoit également ses intimes.
En 1838
Après son mariage, le facteur de piano Pierre Érard (1794-1855), neveu de Sébastien, s’installe à la Muette avec ses trois tantes, sa sœur, son épouse et commence à reconstituer le domaine.

En 1853
Pierre Érard rachète la petite Muette ainsi qu’une partie des jardins.
Le 25 août 1855
Napoléon III, qui vient à plusieurs reprises au pavillon, y reçoit la Reine Victoria et le Prince Albert, lors du voyage qui scelle «l’entente cordiale» franco-britannique.
En 1870
Pendant le siège de Paris
La Muette sert de quartier général au vice-amiral Fleuriot de Langle (1809-1881).
Sous la Commune (1871)
La Muette sert de quartier général aux généraux Clinchant, Douay et Ladmiraut alors que les bâtiments sont en travaux. Le château n’est cependant pas gravement endommagé.
A la mort de Madame Érard
La propriété passe à sa nièce et fille adoptive Marie Schaeffer qui épouse le comte de Franqueville.
A partir de 1889
La comtesse de Franqueville restaure le château selon les plans originaux, en faisant reconstruire le corps de bâtiment central et en supprimant les deux étages ajoutés par Sébastien Érard.
Entre 1912 et 1919
La famille de Franqueville entreprend de lotir le parc.
Le château que nous voyons aujourd’hui dans le XVIe arrondissement de Paris est une reconstruction de 1922 :

Henri de Rotschild (1872-1947) y fait construire entre 1921 et 1922 par l’architecte Lucien Hesse (1866-1929) un grand château dans le style du XVIIIe siècle situé 250 mètres au nord-ouest de l’ancien château démoli à la mort du comte de Franqueville en 1919 et dont les derniers vestiges disparaissent en 1926.
Dans les années 1950, 1960 et 1970
Le pavillon est encore utilisé pour abriter le studio école de l’OCORA, institution dépendant de l’ORTF chargée de former les futurs cadres des radios des colonies.

Début 2015
Le pavillon est vendu par l’État et sa restauration est commencée, en conformité avec la procédure s’appliquant aux monuments historiques classés.
Sources :
–Chroniques du Temps passé de Jacques Freneuse, https://chroniquesintemporelles.blogspot.com/2013/10/le-chateau-de-la-muette.html